Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Suite de l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) : 2
. Protection de l’environnement et prévention des risques (M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis) 2
. Transition énergétique (Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis)..2
. Paysages, eau et biodiversité (M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis) 2
. Politiques de développement durable (Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis) 2
– Informations relatives à la Commission....................35
Mercredi 23 octobre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 8
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Sandrine Le Feur,
Présidente
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La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) sur les rapports pour avis de M. Vincent Thiébaut sur les crédits relatifs à la protection de l’environnement et à la prévention des risques, de Mme Claire Lejeune sur les crédits relatifs à la transition énergétique, de M. Sébastien Humbert sur les crédits relatifs aux paysages, eau et biodiversité et de Mme Lisa Belluco sur les crédits relatifs aux politiques de développement durable.
Mission Écologie, développement et mobilités durables : Protection de l’environnement et prévention des risques ; Transition énergétique (M. Vincent Thiébaut et Mme Claire Lejeune, rapporteurs pour avis)
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Nous abordons maintenant les thématiques suivantes : prévention des risques ; sûreté nucléaire et radioprotection ; énergie, climat et après-mines.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis (Protection de l’environnement et prévention des risques). L’actualité des dernières semaines nous a rappelé l’exposition du territoire français aux risques, en particulier naturels.
Mon rapport porte sur le programme 181 Prévention des risques – naturels, technologiques, industriels ou miniers – et englobe aussi le financement de l’Ademe (Agence de la transition écologique) ; s’y ajoute cette année un nouveau programme 235 consacré à la nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Alors même que les crédits destinés à financer l’Autorité de sûreté nucléaire n’y sont plus inscrits, les crédits de paiement (CP) et les autorisations d’engagement (AE) du programme 181 ne connaissent qu’une légère baisse, s’établissant à 1,308 milliard d’euros pour les premiers et à 1,311 milliard pour les seconds.
La diminution des crédits de l’action 01 Risques technologiques et pollutions ne reflète pas un recul global par rapport aux années antérieures mais une réduction des moyens alloués au plan d’action interministériel sur les substances per- et polyfluoroalkylées (Pfas) : 5 millions, répartis entre l’État et certains opérateurs, y seront consacrés contre 10 millions en 2024. Nous prenons conscience progressivement de l’ampleur de l’exposition de la population à des pollutions d’origine chimique. Parmi les substances chimiques potentiellement nocives, les Pfas commencent à être mieux identifiées dans les différents milieux et les risques liés à l’exposition davantage étudiés. Pour maintenir l’effort budgétaire et poursuivre le travail sur ces substances, je proposerai un amendement visant à rehausser les crédits de 5 millions d’euros.
Je souligne par ailleurs la nécessité de maintenir, voire d’augmenter les effectifs de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) afin que les contrôles augmentent dans les années à venir pour atteindre 27 000 par an.
En ce qui concerne la prévention des risques naturels, mon rapport s’intéresse plus particulièrement aux risques d’inondation et de submersion, ceux auxquels sont exposés le plus grand nombre de territoires et d’habitants tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer. La stabilité des crédits de l’action 10 Prévention des risques naturels et hydrauliques ne doit pas masquer des charges croissantes, assumées notamment par les collectivités territoriales, pour améliorer la protection des populations et mieux gérer les crues.
L’année 2024 a été marquée par le transfert de la responsabilité des digues domaniales aux établissements publics chargés de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Ce transfert s’accompagne d’un versement direct de la part de l’État pour assumer les coûts d’entretien à venir ou de dispositifs de financement susceptibles d’être mobilisés au fil du temps. Les programmes d’actions de prévention des inondations (Papi) vont progressivement produire leurs effets et des travaux devront être lancés. Les collectivités comme les administrations déconcentrées de l’État soulignent l’ampleur du travail à accomplir pour entretenir ou étendre les systèmes d’endiguement, entretenir les cours d’eau, programmer des aménagements des milieux naturels tels que des zones d’expansion des crues.
Les collectivités peuvent faire appel au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, qui octroie des financements pour des études ainsi que pour des travaux préventifs ou de réduction de la vulnérabilité. Avec 225 millions en AE et 220 millions en CP, les moyens du fonds restent constants. Après les nombreux épisodes récents d’inondations et de pluies, une hausse paraît souhaitable dès 2025 pour renforcer les moyens de prévention et de protection. Les auditions ont également mis en lumière la nécessité d’accroître les ressources humaines ainsi que l’ingénierie et d’accompagner davantage les collectivités et les établissements publics.
Le programme 181 comprend aussi le budget de l’Ademe. Cet opérateur de l’État, qui intervient dans de nombreux domaines, est indispensable pour aider la France à suivre la trajectoire de décarbonation qu’elle s’est fixée. Les crédits de paiement, qui passent de 879 à 905 millions d’euros, lui permettront essentiellement d’honorer ses paiements en 2025. Nous ne savons pas encore quels projets l’Ademe pourra s’engager à financer à partir de 2025 pour les années suivantes. Les moyens qui leur sont octroyés sont précisés dans le budget voté par le conseil d’administration de l’établissement en décembre.
Or l’État, majoritaire au conseil d’administration, a fait part de son souhait d’une baisse du budget d’engagement, appelé aussi budget incitatif, d’environ 30 à 35 %. De 1,37 milliard, il pourrait passer à 900 millions environ. Cette diminution globale conduirait à réduire les moyens des deux principaux fonds d’intervention de l’Ademe : le fonds chaleur et le fonds économie circulaire.
Le fonds chaleur serait particulièrement affecté et pourrait être privé de 300 millions pour financer de nouveaux projets. Or, c’est un outil particulièrement efficace pour décarboner notre consommation de chaleur. De nombreuses collectivités locales et entreprises comptent sur les financements de l’Ademe pour développer des installations individuelles ou des réseaux de chaleur urbains. En 2023 le fonds chaleur a soutenu, avec un budget de 601 millions d’euros, 1 400 projets, pour un montant total d’investissements d’environ 1,7 milliard d’euros, qui généreront 2,8 térawattheures par an de production prévisionnelle supplémentaire d’énergies renouvelables et de récupération. Le budget du fonds a été porté à 820 millions en 2024.
Afin de ne pas compromettre la capacité de l’Ademe à agir et à instruire de nouveaux projets, nous demandons au Gouvernement de revoir à la hausse la limite maximale du budget incitatif. De notre côté, nous proposerons d’augmenter la subvention pour charge de service public de l’opérateur.
J’en viens à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), issue de la fusion de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) que le Parlement a définitivement approuvée en mai dernier. Il s’agit donc d’une nouvelle autorité administrative indépendante appelée à jouer un rôle crucial pour garantir la sûreté des installations nucléaires civiles et soutenir le programme de construction des nouveaux réacteurs. Elle verra ses capacités d’expertise renforcées tant en matière de sûreté que de radioprotection et d’exposition aux rayons ionisants. Elle sera également un organisme de recherche – une première mondiale pour une autorité de sûreté nucléaire.
La fusion de deux entités aux activités partiellement complémentaires mais aux statuts juridiques différents doit être réalisée en un temps record : moins d’une année aura été laissée aux établissements pour organiser leur rapprochement. Une première organisation temporaire sera instituée pour que l’ASNR unifie les fonctions dites support essentielles à son activité et que les équipes dites métiers des deux entités poursuivent leurs activités à peu près à l’identique dans un premier temps.
Si les deux entités ont réussi à organiser la fusion pour leur personnel et à identifier les textes réglementaires nécessaires au rapprochement et à la poursuite de leurs activités, la réflexion sur la future organisation unifiée nécessitera plus de temps. Le coût d’une telle réorganisation dans une structure qui comptera entre 2 100 et 2 500 agents ne doit pas être minimisé et ses conséquences sur le fonctionnement et les ressources humaines ne doivent pas être ignorées.
Selon les auditions et les éléments à ma disposition, les besoins ne sont pas totalement couverts par la dotation du programme 235. Il est prévu 365 millions d’euros en CP – 226 millions de crédits de personnel pour 2 027 ETP (équivalents temps plein) et 138 millions d’euros de crédits autres nécessaires au fonctionnement de l’autorité.
Les deux entités avaient évalué le budget de fonctionnement de la future ASNR à 158 millions d’euros, pour une enveloppe totale de quelque 388 millions. Les moyens de la future autorité pourraient être augmentés si l’administration fiscale tranchait favorablement la question des règles fiscales applicables à la future autorité, notamment la récupération ou non de la TVA. Le rescrit fiscal ne sera pas connu avant fin novembre. Afin d’assurer un démarrage satisfaisant à l’ASNR qui devra relever de nombreux défis, je proposerai d’augmenter son budget de 10 millions.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis (Transition énergétique). Nous vivons les conséquences de notre échec à agir suffisamment fort et vite face au dérèglement climatique. Si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de neutralité carbone en 2050, la bifurcation écologique doit être engagée dès maintenant. Cette transformation profonde de nos modes de production et de consommation doit concerner au premier chef deux secteurs : celui des transports, qui a consommé 34 % de l’énergie finale et émis près d’un tiers des gaz à effet de serre en 2023 ; celui du bâtiment, qui a représenté 44 % de la consommation énergétique finale et près de 18 % des émissions de gaz à effet de serre.
La bifurcation écologique implique une planification qui replace l’État dans un rôle stratégique et qui lui redonne des moyens significatifs, à la fois budgétaires et réglementaires, dans ses rapports avec les acteurs économiques.
Pourtant, alors que la transition énergétique constitue l’un des plus grands défis de notre siècle, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse drastique et sans précédent des crédits budgétaires qui y sont consacrés. Les crédits du programme 174 s’élèvent à 2,4 milliards d’euros en AE et à 2,1 milliards en CP. À périmètre constant, ils diminuent respectivement de 41,6 % et de 35,7 %.
Je souligne une nouvelle fois la contradiction des discours qui alertent sur la dette écologique sans consacrer les financements nécessaires à sa réduction. En effet, en l’absence de financements pluriannuels, la seule chose qu’il est possible de planifier est notre échec à atteindre nos objectifs.
Les signes d’une planification inexistante ne manquent pas : l’absence de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui aurait dû être promulguée avant le 1er juillet 2023, la non-publication des documents de planification – Stratégie nationale bas carbone (SNBC), troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) –, sans oublier une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et énergétique de l’État qui, contrairement à ce que son nom indique, ne comporte pas de trajectoire pluriannuelle de financement.
La forte baisse du budget brise la dynamique des investissements nécessaires pour réussir la transition énergétique et atteindre nos objectifs en 2030. Pourtant, l’investissement public dans ce domaine est financièrement rentable pour l’État. Une étude du collectif Rénovons montre ainsi que la rénovation énergétique des bâtiments assure à l’État un bénéfice net de 1,13 euro pour chaque euro investi.
En outre, toutes les personnes auditionnées ont pointé le besoin de lisibilité et de prévisibilité de l’action publique, à la fois en matière de verdissement du parc automobile et de rénovation énergétique des logements.
À rebours de l’ensemble des recommandations scientifiques, le budget 2025 traduit une vision de court terme, qui rendra le coût de la transition plus élevé à l’avenir et qui pénalisera davantage les ménages modestes et les classes populaires. La précarité énergétique a des conséquences sanitaires importantes, alors que la pauvreté constitue un facteur aggravant face à la pollution de l’air.
J’en viens au premier thème de mon avis budgétaire : les aides à l’acquisition de véhicules propres, financées par l’action 3 du programme 174. Les crédits de cette action connaissent une chute sans précédent. Ils s’élèvent ainsi à 970 millions d’euros, contre 1,5 milliard en 2024, soit une baisse de plus de 35 %. Les trois dispositifs d’aide que sont le leasing social, le bonus écologique et la prime à la conversion sont clairement menacés même si nous ignorons à ce stade comment la baisse des crédits affectera chacun d’eux. Ce choix est d’autant plus inquiétant que l’achat d’un véhicule électrique reste, en dépit des aides actuelles, inaccessible pour les ménages modestes et les classes moyennes.
Tant que les ménages ne peuvent se passer de la voiture pour leurs trajets du quotidien, faute de solutions de mobilité, les véhicules électriques doivent être accessibles pour tous, dans tous les territoires.
Pour ce faire, le leasing social doit être massifié. Le succès de ce dispositif, lancé en janvier 2024, montre qu’il répond à une demande populaire d’un véhicule écologique à un prix abordable. Il a bénéficié à des ménages qui n’auraient pas pu acquérir de véhicule neuf. Il a permis de réorienter le soutien de l’État vers de plus petits véhicules électriques, à la fois plus accessibles et plus vertueux sur le plan environnemental. Pourtant, le précédent gouvernement a mis fin au dispositif de manière brutale, à peine six semaines après son lancement.
Il convient au contraire de l’amplifier en 2025 pour qu’il concerne au moins 100 000 véhicules. Le leasing doit également être mieux ciblé sur les ménages des premiers déciles. L’aide publique par véhicule, estimée à 13 000 euros en 2024, pourrait être réduite afin de mettre davantage à contribution les constructeurs et les sociétés de leasing, qui bénéficient largement du dispositif.
Le bonus écologique et la prime à la conversion doivent être préservés. Cette dernière est particulièrement menacée alors que plusieurs études ont montré ses effets positifs sur le plan social, environnemental et économique. Je propose, dans mon avis, différentes pistes de réforme du bonus écologique et de la prime à la conversion, afin de les orienter vers des véhicules plus légers, plus accessibles pour les ménages modestes, et plus vertueux sur le plan environnemental.
Les politiques de verdissement de la flotte ne doivent pas se limiter à l’électrification des véhicules. D’abord, celle-ci doit s’inscrire dans une politique de transition globale des mobilités comprenant un renforcement des mobilités douces et un développement des transports en commun. Ensuite, les véhicules doivent être plus sobres, moins consommateurs de matières premières et accessibles aux ménages modestes.
Or la part des SUV dans les ventes de voitures neuves en France a été multipliée par dix en quinze ans pour atteindre 49 % en 2023. Pourtant, la propagation des SUV soulève plusieurs problèmes : ces véhicules sont jusqu’à cinq fois plus consommateurs de métaux critiques – lithium, nickel, cobalt – qu’une petite citadine ; leur acquisition reste inabordable, y compris sur le marché de l’occasion, pour les classes populaires ; ils posent en outre des questions de sécurité routière, puisqu’un piéton a entre 30 % et 100 % de risques supplémentaires d’être tué en cas de collision avec un SUV qu’avec une voiture standard.
À rebours de la stratégie de montée en gamme des industriels français, il convient de miser sur le développement de modèles d’entrée de gamme vertueux pour répondre au besoin de massification des véhicules électriques, première étape d’un plan devant conduire à la réduction du parc automobile au profit de mobilités plus douces.
Pour ce faire, je propose notamment l’extension du malus poids aux véhicules électriques et la fin de l’éligibilité des véhicules les plus lourds au bonus écologique.
Autre levier d’action : l’obligation d’électrifier les flottes d’entreprises. Près de 60 % des véhicules neufs achetés en France le sont par des entreprises, et leurs parcs automobiles se caractérisent par un très fort taux de renouvellement. Il convient donc de renforcer les obligations d’électrification du parc automobile des entreprises, grâce à une hausse des quotas assortis de sanctions, que ne prévoit pas la loi « climat et résilience », mais également en supprimant les niches brunes, comme celle permettant aux véhicules thermiques et hybrides d’être comptabilisés dans les amortissements des entreprises et ainsi d’échapper à l’impôt sur les sociétés.
Les constructeurs français ont privilégié une stratégie de montée en gamme de la production, assortie parfois de délocalisation. La filière automobile doit désormais être restructurée autour d’une production locale et bas carbone, créatrice d’emplois. L’instauration du score environnemental constitue une première étape en faveur de la relocalisation de la production, même si ses modalités de calcul présentent des limites. Enfin, le développement de la production de véhicules électriques se traduit par une transformation des savoir-faire qui impose un accompagnement social des salariés de l’automobile, d’autant plus indispensable face à la multiplication des plans de licenciement chez les constructeurs et les équipementiers. Les décisions des constructeurs ne peuvent reposer sur la seule rentabilité, ni encore moins sur une stratégie de réorganisation qui se ferait au détriment des travailleurs.
La rénovation énergétique des logements est le deuxième grand thème de mon avis budgétaire, même si les crédits du dispositif MaPrimeRénov’ sont transférés vers le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat.
Là encore, le financement diminue massivement. Les dotations allouées dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 permettraient de financer seulement 85 000 rénovations performantes et globales, alors que l’objectif du Gouvernement en 2024 était de financer 200 000 rénovations par an. Le discours selon lequel il convient d’accélérer le rythme des rénovations pour atteindre les objectifs ambitieux définis par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ou le Haut Conseil pour le climat (HCC) – près de 700 000 rénovations par an en 2030 – se heurte à la réalité d’une enveloppe budgétaire fortement réduite.
La réforme de MaPrimeRénov’, engagée début 2024, consistait à réorienter les crédits vers les rénovations performantes, qui bénéficient d’un accompagnement, alors que les rénovations dites monogeste, moins efficaces, n’étaient plus systématiquement financées. Le précédent gouvernement a toutefois rapidement renoncé à cette réforme ambitieuse. C’est regrettable car seule une action publique résolument orientée vers la rénovation performante et globale du bâti permettra de lutter contre la précarité énergétique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur.
Malgré une prise en charge pouvant aller jusqu’à 90 %, le coût des rénovations est tel que le reste à charge peut se compter en dizaines de milliers d’euros. Il devrait être nul pour les ménages modestes et très modestes, donc financé par l’État. La suppression de la barrière financière créerait un effet de levier important en faveur des rénovations globales et performantes des logements.
Les ménages doivent être mieux accompagnés grâce à la mise en place d’un véritable service public de la rénovation énergétique. La présence physique de ce service public doit être renforcée dans les territoires. Le nombre de points d’accueil et d’accompagnateurs France Rénov’ doit être encore accru, et leur formation améliorée pour qu’ils puissent effectuer un travail social auprès des publics précaires. Enfin, je propose différentes pistes pour renforcer les contrôles et mettre fin à la fraude.
Enfin, le chèque énergie apporte une aide au paiement de la facture d’énergie de 5,6 millions de ménages très modestes, pour un montant moyen de 148 euros par an. Ce dispositif est déjà largement insuffisant. En outre, le Gouvernement a fait le choix regrettable de mettre fin à son automaticité, ce qui risque d’entraîner un non-recours massif.
S’agissant des certificats d’économie d’énergie (CEE), après les critiques formulées par la Cour des comptes, une réforme s’impose pour améliorer leur transparence et leur efficacité.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Christophe Barthès (RN). Au début du mois, nous avons tous entendu le Premier ministre affirmer dans son discours de politique générale qu’il était temps de faire des économies. L’annonce était belle mais sa traduction est encore boiteuse, ainsi qu’en témoigne la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Alors que les Français ont du mal à se déplacer jusqu’à leur travail, le Gouvernement choisit de dépenser leur argent pour développer des ZFE (zones à faibles émissions) dont ils ne veulent pas. Alors que les Français ont du mal à payer leur énergie, le Gouvernement préfère les consoler à coups de chèque énergie au lieu de baisser les taxes.
Heureusement, certains pans du PLF sont positifs, sans doute parce qu’ils concernent des politiques publiques essentielles : la prévention des risques naturels, le développement des infrastructures et des services de transport, la gestion de l’eau.
Nos amendements ne viseront pas à sanctionner bêtement le Gouvernement mais à nouer un dialogue. Ils exprimeront notre volonté de faire entendre les priorités des Français et de réduire les dépenses de l’État. Il est désormais grand temps de cesser de dépenser l’argent des Français pour mener, sans leur consentement, des actions qui se retournent contre eux.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le programme 174 destiné à financer les mesures en faveur de la transition écologique, comprend trois principaux dispositifs d’aide aux ménages : la prime à la conversion, le bonus écologique et le chèque énergie. Ce dernier, d’un montant de 150 euros en moyenne, apporte à 5,6 millions de ménages modestes une aide non négligeable pour payer les dépenses d’énergie de leur logement. Nous veillerons à ce qu’il reste accessible en dépit de la modification du système d’attribution.
Les crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov’ relèvent désormais du programme 135, qui ne fait pas partie de la mission. Nous serons néanmoins attentifs à ce que les ménages n’ayant pas les moyens de faire des rénovations d’ampleur puissent malgré tout être aidés pour des travaux monogeste. Nous veillerons également à ce que le taux de TVA pour les chaudières à gaz n’évolue pas.
Notre groupe soutient la sanctuarisation du chèque énergie pour l’année 2025 et de la prime à la conversion. Nous nous assurerons aussi que l’augmentation du malus automobile et le recentrage des aides à l’électrification des véhicules ne soient pas synonymes d’exclusion pour les ménages modestes.
En ce qui concerne le programme 181, depuis 2020, les moyens dédiés à la maîtrise des risques industriels ont été renforcés. Les installations classées font l’objet d’une surveillance accrue par l’État. Après les semaines noires d’intempéries et d’inondations que nous venons de vivre – n’oublions pas les problèmes posés par le retrait-gonflement des argiles –, la prévention des risques naturels réclame toute notre vigilance. Le fonds Barnier, dont la dotation pourrait dépasser les 250 millions d’euros, en est un outil central.
Ces crédits confirment la ligne du Gouvernement : responsabilité budgétaire et ambition environnementale. Je vous invite à les voter.
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Vos rapports ont le mérite de dévoiler la grande fumisterie organisée par le Gouvernement dans ce budget.
Les transports et les logements sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du pays. Ils devraient donc être les premiers bénéficiaires du budget de l’État planificateur. Pourtant, l’électrification des véhicules perd 500 millions d’euros alors même que l’ombre des ZFE plane et que 48 000 personnes meurent chaque année de la pollution de l’air.
MaPrimeRénov’ se voit privée de 1,2 milliard au bénéfice de la politique des petits gestes. J’espère que les 12 millions de Français victimes de précarité énergétique qui souffrent chaque année du froid ont bien acheté leurs cols roulés. Derrière les effets d’annonce, il faut planifier. Le SGPE l’a fait : il faudrait 200 000 rénovations thermiques profondes en 2024, 400 000 en 2026 et 700 00 par an à partir de 2030 ; nous en sommes à 84 000. Au lieu d’investir massivement et de créer 250 000 emplois qualifiés pour mener ces rénovations, le Gouvernement a fait le choix, une nouvelle fois, de l’inaction.
L’électrification du parc automobile ne pourra être menée à bien sans contraindre les banques, les grandes multinationales et les constructeurs automobiles. Chaque année, 60 % des véhicules neufs sont destinés à un usage professionnel et achetés en leasing par des sociétés bancaires ou des entreprises. Les entreprises ayant l’obligation d’électrifier leur flotte, leurs véhicules devraient alimenter le marché de l’occasion. Mais aucune d’entre elles ne respecte les quotas faute de sanction. Par conséquent, seules 2 % des voitures françaises sont électriques. Les plus précaires sont contraints de rouler dans de vieux véhicules diesel qui sont stigmatisés puisque les véhicules électriques sont hors de prix – les modèles d’entrée de gamme coûtent plus de 20 000 euros.
Mais ce n’est pas la seule corde à l’arc des constructeurs automobiles français. Ils ont la recette miracle pour continuer à faire toujours plus de marges au détriment de la bifurcation écologique : la propagation des modèles SUV et la montée en gamme. Résultat : 300 000 SUV supplémentaires sur nos routes chaque année et autant de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Si l’industrie automobile était responsable, elle se chargerait d’abaisser le poids des véhicules, mais elle l’augmente pour les vendre plus cher. Si l’industrie automobile était responsable, elle se chargerait de relocaliser les emplois, mais elle en a supprimé 100 000 en dix ans. Elle fait ainsi un coup double scandaleux : perte de souveraineté industrielle et refus de la transition écologique.
Alors je vous approuve, madame la rapporteure pour avis, lorsque vous suggérez de nationaliser Renault. Oui, nous voulons des véhicules moins lourds, plus écologiques, plus accessibles et produits en France. Un autre monde est possible, mais pour cela, il faut une vraie planification écologique, ce qui n’est clairement pas l’orientation de ce budget.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Depuis plusieurs années, le même constat s’impose : le projet de budget ne comporte pas les investissements nécessaires pour atteindre nos objectifs en matière de transition climatique. Bien que les phénomènes naturels extraordinaires se répètent et s’amplifient, que les rapports de grande qualité évaluant les besoins de financement et le coût du renoncement à agir se multiplient, la mission Écologie, développement et mobilité durables n’échappe hélas pas aux coupes budgétaires brutales et à l’austérité imposées par le Gouvernement. Le budget qui nous est présenté ne permet pas d’adapter notre pays aux réalités du changement climatique.
Les crédits du fonds Barnier stagnent alors que les aléas climatiques sont de plus en plus courants, comme en témoignent les récentes inondations.
S’agissant du secteur de la mobilité, dont la décarbonation doit être une priorité, le compte n’y est pas non plus : le Gouvernement fait le choix injustifiable d’un désengagement massif de l’État en réduisant les crédits des dispositifs d’aide de 35 %, soit une baisse de près de 600 millions d’euros. Le ministre des transports nous ayant indiqué que les arbitrages n’avaient pas encore été rendus, j’espère qu’une majorité forte se dessinera pour envoyer un message clair au Gouvernement : nous ne pouvons pas revenir sur ces dispositions qui affecteront l’acceptabilité de la transition écologique par nos concitoyens.
Quant à la baisse de près de 60 % des crédits alloués à la transition écologique territorialisée, elle va à rebours des préconisations du rapport Pisani-Ferry et Mahfouz, qui estime les besoins de financement des collectivités à 20 milliards, et envoie un signal désastreux aux élus locaux, qui ont fait preuve de volontarisme pour engager leur territoire vers la neutralité carbone d’ici à 2050 – objectif qui, je l’espère, fait l’unanimité au sein de notre commission.
Le groupe Socialistes ne peut se résoudre à laisser tel quel le projet de budget pour 2025.
M. Vincent Descoeur (DR). Monsieur le rapporteur pour avis, vous affirmez que la prévention des risques est assurée, en dépit d’une légère baisse des crédits. Alors que notre commission vient de créer une mission sur l’adaptation de l’aménagement du territoire au changement climatique, il importe de s’assurer que l’ensemble des acteurs bénéficieront de crédits suffisants. Sera-ce bien le cas ?
Lors de leur audition, les présidents de l’ASN et de l’IRSN ont indiqué que la fusion des deux organismes aurait un coût. Si vous abordez la question sans détour, on peut considérer que le budget résulte, sur ce point, de multiples estimations, qu’il s’agisse des coûts de la fusion ou des économies – évaluées au mieux entre 20 et 22 millions – qui pourraient être réalisées grâce à un régime fiscal plus favorable. Cette dernière estimation paraît hypothétique, de sorte qu’il conviendrait que la ligne budgétaire concernée bénéficie de crédits supplémentaires. Si comme je l’ai compris, vous avez déposé un amendement en ce sens, il est probable que nous le soutiendrons.
Enfin, nous ne pouvons que partager le constat d’une diminution drastique des crédits alloués à la transition énergétique. Il illustre l’incapacité du Gouvernement à tenir ses engagements dans ce domaine en raison de contraintes financières trop souvent occultées. Ainsi, la création de nouvelles taxes, abordée dans la dernière partie de votre rapport, ne saurait être la seule solution : l’assainissement des finances publiques nous apparaît comme un préalable indispensable.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Au cours des dernières semaines, des maisons ont été inondées, des dizaines de milliers de personnes privées d’électricité ou évacuées. « Qui donc aurait pu prédire ? » Comme les écologistes l’assènent depuis des décennies, le dérèglement climatique est bien là. Nous espérions donc que les moyens seraient enfin à la hauteur. Hélas, derrière les belles tournures utilisées par le Gouvernement, la réalité est bien sombre : au lieu de programmer les investissements nécessaires pour limiter les risques et réaliser la transition énergétique, il y renonce et sacrifie, comme toujours, la vie quotidienne de la majorité des Français en sabrant dans des programmes essentiels.
Le renoncement du Gouvernement se traduit d’abord par la baisse de 3,7 % des crédits relatifs à la prévention des risques naturels, notamment des inondations, et de 42 % de ceux alloués à transition énergétique. Le rapporteur pour avis relève à juste titre que les crédits du fonds Barnier, insuffisants, ne permettront pas de financer l’ensemble des programmes d’action qui, faute d’argent, ne sont guère que des déclarations – et je ne parle pas du renoncement concernant l’adaptation des sites industriels.
Renoncement en matière de lutte contre la pollution aux Pfas : le financement du plan d’action est réduit de moitié.
Quant aux coupes claires pratiquées dans le fonds vert, elles privent les collectivités de leurs capacités à s’adapter aux risques naturels.
Nous dénonçons également le prélèvement sur les recettes des agences de l’eau, dont l’action en matière de dépollution et d’adaptation des territoires aux crues et aux inondations est pourtant structurante.
Renoncement en matière de transition énergétique : la baisse de 35 % du budget de l’Ademe par rapport à 2024 met à mal le fonds chaleur, dont l’efficacité a pourtant été largement éprouvée. Ce fonds, qui ne peut pas répondre à tous les besoins de financement en 2024, le pourra encore moins en 2025. Notre groupe partage le constat alarmant de la rapporteure pour avis et salue ses recommandations. Nous dénonçons notamment la coupe de 2 milliards opérée dans des financements qui sont parmi les plus stratégiques pour parvenir à la neutralité carbone. Ainsi le Gouvernement renonce-t-il à rendre les véhicules propres accessibles à tous, en réduisant de 500 millions l’enveloppe consacrée à la prime à la conversion.
Renoncement, enfin, en matière de rénovation énergétique des logements, dont les crédits sont amputés de 1 milliard. Ces changements de cap brutaux sont délétères et dommageables pour tous – citoyens, acteurs économiques et collectivités –, en particulier, une fois de plus, pour les ménages les plus modestes.
M. Mickaël Cosson (Dem). À première vue, malgré quelques ajustements notables, le budget consacré à la prévention des risques semble évoluer à la baisse alors que le coût des dégâts qu’il nous faut anticiper est bien plus élevé que celui des actions de prévention locales.
Nous ne pouvons pas cacher notre déception face à la baisse des crédits alloués au plan d’action interministériel sur les Pfas, particulièrement cher à Cyrille Isaac-Sibille, dont le rapport nous a clairement alertés sur la nécessité de renforcer la lutte contre le rejet de ces substances et la pollution des eaux qui affecte de trop nombreux territoires. À l’instar de notre collègue, nous défendons l’instauration d’une taxe ou d’une redevance sur l’utilisation de ces polluants, dont les recettes permettraient de financer plus efficacement les actions de dépollution.
Quant à la baisse des autorisations d’engagement du fonds chaleur, elle risque de limiter la capacité de l’Ademe à soutenir de nouveaux projets en 2025. Vous envisagez ainsi la possibilité de donner la priorité à certains projets, en réduisant notamment l’aide en faveur de l’extension de réseaux de chaleur déjà existants au profit des territoires ruraux. Une telle réorganisation suffira-t-elle à maintenir les objectifs de décarbonation alors que la demande en énergies renouvelables ne cesse de croître ?
En ce qui concerne la transition énergétique, la baisse des crédits dédiés à MaPrimeRénov’, transférés vers le programme 135, est particulièrement préoccupante alors que nous devons accélérer pour atteindre nos objectifs d’une rénovation thermique performante. Si cette diminution correspond à l’utilisation qui a été faite du dispositif en 2024, il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur l’avenir de ces aides pour ajuster leur fonctionnement et s’assurer qu’elles répondent aux besoins à long terme. Compte tenu des délais de financement, on peut considérer qu’une partie du budget de 2025 servira à financer les travaux entrepris en 2024.
À cet égard, notre groupe propose d’étudier la possibilité de créer un viager rénovation qui permettrait de différer le remboursement au moment de la cession du bien. Il nous faut en effet réfléchir à une utilisation optimale des deniers publics alloués à un mécanisme trop souvent décrié du fait d’abus.
Enfin, nous regrettons la réduction des aides au verdissement du parc automobile, en particulier la baisse du budget alloué à la prime à la conversion. Elle a pourtant permis, cette année, l’achat de 45 000 véhicules pour un coût de 150 millions d’euros. En revanche, le dispositif du leasing social, bien qu’utile, a concerné 50 000 véhicules seulement pour un coût de 650 millions. Madame la rapporteure pour avis, vous souhaitez porter le nombre des véhicules loués à 100 000 l’année prochaine, probablement grâce à une augmentation du budget. Peut-être faudrait-il réfléchir à une réduction du coût à l’unité. Vous envisagez un allongement de la durée de location, mais ne serait-il pas préférable que ces véhicules se retrouvent sur le marché de l’occasion ?
M. Xavier Roseren (HOR). Malgré une légère réduction des crédits alloués au programme de prévention des risques naturels, l’effort est maintenu. Quant au rôle central de l’Ademe dans la transition énergétique, il est conforté malgré des ajustements financiers.
Je ferai deux remarques sur le programme 181. Premièrement, le fonds chaleur est l’un des outils les plus efficaces pour décarboner notre production énergétique : depuis sa création, plus de 8 500 installations ont généré une production additionnelle d’énergies renouvelables de 45 000 térawatts. Il nous semble donc important de conserver à long terme le financement de ces réseaux de chaleur. Deuxièmement, il faudra être attentif à ce que les collectivités bénéficient, dans le cadre du fonds de prévention des risques naturels majeurs, des moyens nécessaires pour renforcer les ouvrages de protection contre les inondations, sachant que les coûts d’intervention ne cessent d’augmenter.
En conclusion, ce rapport est un excellent outil pour comprendre les priorités budgétaires et les défis à venir.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Serons-nous prêts à faire face aux tempêtes, aux inondations et aux sécheresses provoquées par le dérèglement climatique ? J’en doute : non seulement les moyens que nous consacrons à la résilience de nos territoires sont insuffisants, mais le projet de loi de finances pour 2025 contribue à limiter les quelques outils dont disposaient jusqu’à présent les élus locaux.
En effet, outre que les recettes des collectivités risquent de diminuer fortement l’an prochain – on évoque une baisse de 5 milliards –, il a été décidé de réaliser une économie de 1 milliard sur le fonds vert, qui est pourtant l’un des rares dispositifs prévus pour adapter les territoires au changement climatique. Quant au fonds Barnier, il stagne pour la troisième année consécutive. Dans ces conditions, les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de réaliser les investissements essentiels à la réduction de leur vulnérabilité face aux risques environnementaux.
Le budget de la sûreté nucléaire n’est à la hauteur ni des promesses du Gouvernement ni des besoins de la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Dès lors que nous misons sur la relance du nucléaire, il nous faut garantir l’attractivité de la future organisation ; il y va de notre sécurité à tous.
Les crédits alloués à la transition énergétique sont composés en grande partie du mécanisme de soutien aux énergies renouvelables. Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), celui-ci devrait coûter 2,5 milliards en 2024 et 4,3 milliards en 2025. Or les gains de compétitivité de la filière des énergies renouvelables peuvent conduire à s’interroger sur la légitimité d’un tel niveau de soutien quand d’autres secteurs structurants de la lutte contre le dérèglement climatique semblent insuffisamment aidés. Je pense notamment aux aides à la rénovation énergétique, dont le contrôle échappe désormais à notre commission, mais dont je dirai tout de même un mot. Il est temps que MaPrimeRénov’ gagne en stabilité – nous ne pouvons pas en changer les contours et les modalités tous les six mois – et soit doté des crédits nécessaires, ce qui ne semble pas être le cas.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une augmentation de 3 milliards d’euros des accises sur l’énergie. Les ménages qui ont EDF pour fournisseur devraient être préservés d’une hausse des prix, mais les autres verront la différence sur leur facture. De même, nous nous inquiétons de la réforme du chèque énergie, dont la fin de l’automaticité pénalisera avant tout les ménages les plus précaires. Aussi défendrons-nous des amendements qui visent à protéger davantage ces derniers et à accroître notre résilience face au dérèglement climatique.
M. Jean-Victor Castor (GDR). Le groupe GDR juge, vous vous en doutez, ce budget largement insuffisant. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur l’outre-mer puisque je suis le seul élu de ces territoires à participer à ce débat.
Tout d’abord, ces territoires immenses sont confrontés à des problématiques entièrement différentes de celles de l’Hexagone. Dans mon pays, la Guyane, qui est en grande partie recouverte par la forêt amazonienne, d’une superficie de 8,4 millions d’hectares, le tout-électrique n’a aucun sens : nous n’avons ni électricité, ni eau. La multimodalité est inexistante. Actuellement, les fleuves sont quasiment à sec et, comme chaque année, des dizaines de milliers de personnes risquent de se trouver dans l’impossibilité de se déplacer.
En Guyane comme en Polynésie française, dont la superficie est presque équivalente à celle de l’Europe, les liaisons aériennes jouent un rôle essentiel. Des mesures telles que la taxation du transport aérien n’ont donc pas de sens là-bas ! Entre Cayenne et Saint-Georges, distantes de près de 200 kilomètres, il n’y a pas de ligne électrique. Du reste, les coupures d’électricité et les blackouts sont courants.
Aussi les études d’impact annexées aux projets de loi sont-elles particulièrement importantes pour les outre-mer : il est crucial que les décisions prises à Paris tiennent compte des spécificités de nos territoires et soient précédées de véritables diagnostics qui mesurent leur impact sur nos territoires. Il y va de la vie même des gens. Si une politique publique n’est pas comprise, cela n’a pas de sens. Je pense, par exemple, au malus écologique. Nous n’avons pas de routes en Guyane : la précédente ministre de l’outre-mer nous a proposé de tracer une piste de près de 200 kilomètres, en terre ! Quel type de véhicules voulez-vous utiliser sur de telles routes ? Tout le monde roule dans des pickups, chez nous !
M. Éric Michoux (UDR). Bravo à notre collègue, dont les propos sont frappés au coin du bon sens. Il n’est pas besoin d’aller en Guyane pour rencontrer les problèmes de mobilité qu’il vient d’évoquer : il suffit de se rendre dans les territoires ruraux.
Au demeurant, n’oublions pas, lorsqu’on parle du verdissement de notre parc automobile, que la moitié des voitures électriques et 80 % des batteries dont elles sont équipées sont importées de Chine. Quant à l’électricité qui les alimente, elle est produite à l’aide de panneaux photovoltaïques qui viennent… de Chine ! On saborde donc l’industrie automobile française au profit de l’industrie chinoise, laquelle commence d’ailleurs à concevoir des moteurs thermiques qui fonctionnent avec des carburants synthétiques. En choisissant l’électrification à tout va, on prend dix ans de retard ! On parle d’emploi, mais Renault et Peugeot s’interrogent, si bien qu’aucune des usines qui fabriqueront des voitures électriques pour des constructeurs français ne se situera en France. Les équipementiers, notamment, produiront en Roumanie, en Pologne ou en Chine. N’allons donc pas trop vite dans la démarche d’électrification : un peu de bon sens serait bienvenu.
Par ailleurs, en 2025, les habitations de classe énergétique G, soit 30 % de l’habitat rural, ne pourront plus être mises en location et seront donc difficiles à vendre. Et en 2028, ce sont les logements de classe F qui seront concernés, soit, au total, 80 % des logements. Ne serait-ce qu’à Paris, on ignore comment améliorer la classe énergétique des immeubles haussmanniens, car on est incapable de les isoler par l’extérieur.
Plutôt que de se demander comment financer l’infinançable, à savoir la transformation énergétique des bâtiments, ne pourrait-on pas repousser la date d’application de ces règles farfelues, que je qualifierai de parisiennes, et réviser la conception de l’indicateur lui-même, qui favorise les grandes surfaces ?
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Olivier Becht (EPR). Certains de nos débats me paraissent un peu surréalistes, car ils donnent le sentiment que la transition écologique ne pourrait se faire qu’en dépensant davantage d’argent alors qu’on le sait, elle dépend en partie de nos comportements. On touche à l’absurde avec la proposition de nationaliser Renault. Comme si des véhicules produits par l’État pouvaient être, de ce seul fait, plus écologiques ! Trabant produisait des voitures en carton, mais je ne suis pas certain que leur moteur était plus respectueux de l’environnement…
Si nous voulons remettre la France sur la voie de l’équilibre, nous devons réfléchir aux comportements et prendre en compte la dimension internationale du problème. Chaque jour, la Chine et l’Inde, qui représentent à elles seules un tiers de l’humanité, ouvrent deux à trois centrales à charbon.
M. Marc Chavent (UDR). Je vais enfoncer une porte ouverte, mais il est bon de rappeler à nos collègues de gauche qu’en imposant à la population des normes et des contraintes qu’elle n’est pas prête à accepter, on accroît le sentiment de défiance. L’écologie incitative, oui ; l’écologie punitive, méfiance. C’est pourquoi je regrette la diminution des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et aux aides au verdissement du parc automobile.
La Chine détient le monopole des terres rares, de sorte qu’on est obligé de faire appel à elle pour construire des batteries. Méfiance donc, car l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Mme Danielle Brulebois (EPR). M. Becht a raison. Hier, j’entendais des collègues se plaindre de la fermeture de l’usine Solvay à Salindres, laquelle produit des Pfas qui sont utilisées pour la fabrication des batteries de voitures électriques. L’enfer est en effet pavé de bonnes intentions : les mêmes votent contre les Pfas et déplorent que Solvay ait fermé une usine qui employait 60 personnes.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Tout d’abord, l’ensemble des crédits du fonds Barnier, n’ont pas été consommés en 2024. Au-delà de la question de la longueur des procédures – qui est nécessaire, car il faut agir avec prudence lorsqu’on intervient sur des ouvrages qui modèlent les milieux naturels –, la question qui se pose, notamment après les inondations récentes, est celle de la gouvernance du fonds, notamment au niveau local, entre les collectivités territoriales. En effet, lorsqu’on élabore un Papi, on fait des choix, qui peuvent prêter à discussion.
Quoi qu’il en soit, j’ai déposé un amendement qui vise à renforcer le fonds Barnier, car certains plans de prévention arrivent à maturité. Toutefois, le nombre des réalisations ne va pas exploser. Mon approche est donc plutôt modérée. Encore une fois, il convient de se pencher sur la construction des plans de prévention et la gouvernance au niveau territorial.
Monsieur Descoeur, le président de l’ASN nous a fait part, lors de son audition, d’un besoin de financement complémentaire de 37 millions d’euros qui a été ramené, après une discussion avec l’État, à 19 millions. Il se trouve que le rescrit fiscal qui a été demandé pourrait conclure à une diminution de l’ordre de 22 millions des charges supportées par la nouvelle entité. Je vous proposerai donc un amendement qui vise à augmenter de 10 millions, soit la moitié de cette somme, les crédits alloués à l’ASNR, afin de sécuriser son budget quel que soit le régime fiscal finalement applicable.
En ce qui concerne le fonds chaleur, l’Ademe souhaite, pour pouvoir lancer de nouveaux projets, disposer de 15 millions supplémentaires. Mais la véritable question qui se pose est celle des autorisations d’engagement. De fait, on peut augmenter les crédits de paiement à hauteur de 300 ou de 500 millions : ils ne seront pas consommés et ne peuvent pas être reportés sur l’année suivante. Je défendrai donc un amendement qui vise à augmenter les crédits de 20 millions, notamment pour le fonds économie circulaire.
S’agissant des territoires d’outre-mer, je m’en tiendrai aux questions qui ont trait à mon rapport pour avis. L’Ademe accomplit un gros travail autour de la géothermie, notamment à Bouillante, afin de verdir la production d’électricité à l’aide de nouvelles centrales. Par ailleurs, l’agence aide les collectivités territoriales et les opérateurs à améliorer le tri des déchets. Une partie de la problématique est donc bien prise en compte dans différents sous-programmes.
Enfin, monsieur Chavent, il se trouve qu’en Alsace, un gisement potentiel de lithium a été identifié dans le cadre d’une opération de géothermie profonde, qui pourrait couvrir 40 % à 50 % des besoins français. De ce fait, des unités de production de batteries pourraient être installées dans cette région, ce qui contribuerait à renforcer notre souveraineté, tant du point de vue de la ressource que de la production.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Monsieur Barthès, on dénombre, chaque année, environ 40 000 morts prématurées provoquées par la pollution de l’air. La responsabilité politique exige donc de tenir ensemble les objectifs de justice sociale et de transition écologique, et donc d’améliorer la qualité de l’air dans les villes en permettant aux ménages d’accéder à une mobilité propre.
Par ailleurs, c’est plutôt l’inaction qui se retourne contre les Français, comme en témoigne l’actualité récente, notamment dans ma circonscription, qui a été très touchée par les inondations. Nous payons, en particulier les classes modestes et populaires, très cher les conséquences du déficit d’action et de moyens.
Madame Brulebois, le montant du chèque énergie est en moyenne de 50 euros, ce qui est très peu au regard de la forte augmentation de la facture de certains ménages, qui a provoqué, du reste, une explosion du nombre des impayés. Aussi de nombreuses associations recommandent-elles d’opter pour un dispositif beaucoup plus massif. Nous estimons, quant à nous, que le chèque énergie est un simple pansement : il n’est pas de nature à remédier à un problème qui requiert des politiques structurelles telles qu’un blocage des prix de l’énergie.
Les monogestes traduisent une forme de renoncement. Mme de Pélichy a réclamé une certaine stabilité réglementaire du dispositif MaPrimeRénov’. En l’espèce, l’instabilité prend la forme d’un recul, à l’occasion de la réforme intervenue cette année. Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de décarbonation du secteur de l’habitat, il faut donner les moyens à l’ensemble des ménages, en particulier à ceux qui sont coincés dans des passoires thermiques, de réaliser des rénovations globales. Je pense notamment aux accompagnateurs France Rénov’, dont la mission devrait être de faire gagner à un logement trois ou quatre classes énergétiques.
Monsieur Cosson, certes, les crédits programmés pour 2025 correspondent à ceux qui ont été consommés en 2024. Mais il y va de notre conception de l’action publique. Doit-on se contenter de déverser quelques milliards en attendant que les initiatives émergent ou faut-il planifier une politique qui organise les moyens publics de manière à amorcer une dynamique ? Si l’on conçoit la rénovation thermique comme un véritable service public – c’est un peu le cas de France Rénov’ –, il faut choisir la seconde option. Du reste, on observe un début de dynamique puisqu’entre octobre 2023 et octobre 2024, le nombre des dossiers MaPrimeRénov’ déposés a augmenté de 50 %. Or, et c’est terrible, ce budget va la tuer dans l’œuf. Il en va de même, du reste, pour l’électrification de la filière automobile, qui se trouve à un stade critique : le budget va briser la dynamique en cours.
Monsieur Castor, nous devons avoir l’égalité républicaine pour horizon. Si les problèmes sont plus graves dans les territoires d’outre-mer, c’est que les moyens publics y sont encore plus insuffisants que dans l’Hexagone. Notre ambition doit être la même pour tous les territoires. Il est de la responsabilité de la République et de l’État de remédier aux inégalités scandaleuses qui perdurent, notamment en matière de transition énergétique et écologique. Cette question mériterait de faire l’objet d’un travail parlementaire spécifique.
Je suis de près la situation de Renault, dont une usine est située dans ma circonscription, à Viry-Châtillon. Bien que de nombreux sites de constructeurs et d’équipementiers, comme MA France ou Valeo, se trouvent en grande difficulté, ne soyons pas défaitistes : la filière automobile française peut présenter une plus-value si, avec l’État, nous développons la stratégie concertée de créer une filière décarbonée de véhicules les plus légers et écologiquement vertueux possible, dans le cadre d’une transition des mobilités globale qui réduise la dépendance à la voiture individuelle et favorise la multimodalité.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) pourrait être amélioré, et sa mise en œuvre pourrait être harmonisée, mais ne cassons pas ce thermomètre qui mesure la progression des opérations de rénovation thermique.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CD6 de M. Julien Guibert et II-CD20 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
M. Julien Guibert (RN). Notre amendement vise à remettre en question l’autonomie de l’Ademe et à réduire fortement son budget de fonctionnement en vue de réinternaliser ses missions au sein de l’administration centrale. L’existence de cette agence indépendante entraîne des surcoûts, alors que ses missions pourraient être exécutées directement et de manière plus efficiente par le ministère de la transition écologique. La Cour des comptes estime d’ailleurs que son budget de fonctionnement, hors dépenses de personnel, est excessif. Nous jugeons donc trop élevé le montant de 908 millions d’euros inscrit dans le PLF.
Pour le Rassemblement national, l’existence de l’Ademe contribue à la complexité administrative en multipliant les acteurs dans le domaine de l’environnement. Ce morcellement complique les démarches pour les usagers et entraîne des coûts supplémentaires.
Nous proposons de réduire les crédits de fonctionnement de l’Ademe de 600 millions tout en préservant ses dépenses de personnel, soit une diminution de moitié de son budget par rapport à 2024. À moyen terme, nous suggérons de transférer ses missions au ministère de la transition écologique. Cela impliquerait une réorganisation des directions centrales et une augmentation de leur budget de fonctionnement, qui serait compensée par les économies réalisées sur le budget de l’Ademe.
Notre amendement est dicté par une volonté de rationalisation des dépenses publiques, de simplification administrative et d’optimisation des missions environnementales, sous l’égide d’une seule autorité ministérielle. Cette centralisation permettra de réaliser des économies substantielles, tout en maintenant une qualité de service identique. Dans la situation budgétaire actuelle, l’efficacité et la meilleure utilisation des fonds publics doivent être les fils conducteurs du projet de loi de finances. De plus, l’idée de simplifier le paysage administratif dans le domaine de l’environnement résonne auprès des usagers et des collectivités locales, qui se perdent parfois face à la multiplicité des structures.
Mme Marie Pochon (EcoS). Nous souhaitons au contraire maintenir le budget de l’Ademe au niveau de 2024, à 1,4 milliard d’euros. Cette agence joue un rôle essentiel dans la conduite des politiques de transition écologique.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis (Protection de l’environnement et prévention des risques). Je suis totalement défavorable à la suppression de l’Ademe, et donc à l’amendement II-CD6. Le risque serait de centraliser ses missions, car la transition énergétique ne réussira qu’à travers les territoires. Or l’Ademe accompagne les collectivités territoriales, en particulier dans le déploiement du fonds chaleur, dispositif très efficient – 1 tonne de CO2 évitée pour 36 euros dépensés –, grâce auquel de nombreux foyers bénéficient d’une énergie renouvelable.
Pour porter les crédits du fonds chaleur à 1 milliard voire davantage, comme vous le recommandez, il faudrait en réalité engager 15 millions d’euros. En effet, les nouveaux projets occasionnent des paiements sur deux ou trois ans. Nous devons donc raisonner en termes d’autorisations d’engagement plutôt que de crédits de paiement – l’Ademe y a insisté durant son audition. Si nous lui accordions 400 millions en crédits de paiement supplémentaires, elle ne les consommerait pas. Elle a besoin que nous garantissions ses autorisations d’engagement, sachant que sa lettre plafond prévoit de réduire son budget de 35 %.
Je défendrai un amendement visant à accorder 15 à 20 millions d’euros à l’Ademe en crédits de paiement, afin de conforter la trajectoire du fonds chaleur. Cette somme lui permettra de réaliser les études préliminaires des projets et de lancer des conventionnements, afin que les collectivités effectuent leurs montages financiers et programment des travaux pour les années à venir. Nous devrons donc aussi, et surtout, nous préoccuper du financement de l’Ademe en 2026 et 2027. Avis défavorable.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Pour m’être entretenue avec le président de l’Ademe, je ne peux qu’approuver vos propos.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD181 de M. Vincent Thiébaut
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter les crédits de paiement de l’Ademe de 20 millions, soit 15 millions pour abonder le fonds chaleur et 5 millions pour le fonds économie circulaire – cette répartition étant toutefois du ressort du conseil d’administration de l’agence.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD124 de M. Maxime Laisney, II-CD125 de Mme Claire Lejeune et II-CD162 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis (Transition énergétique). Nous souhaitons porter les crédits du fonds chaleur à 1,6 milliard d’euros, car les moyens dont il dispose actuellement ne répondent pas aux besoins. Nous devons permettre aux ménages et aux collectivités de se défaire de la dépendance aux énergies fossiles en développant des projets soutenus par ce fonds.
M. Stéphane Delautrette (SOC). À l’heure où la performance des aides et des agences de l’État est questionnée, il faut insister sur l’efficience du fonds chaleur : c’est l’outil le plus performant de décarbonation de notre économie, avec 36 à 48 euros dépensés par tonne de CO2 évitée.
J’ai toutefois une divergence avec vous, monsieur le rapporteur pour avis. Le portefeuille de dossiers de l’Ademe, qui couvre les opérations engagées en 2024 et identifiées pour 2025, correspond à un budget d’environ 1,5 milliard. Il est vrai que ces crédits ne seront pas tous consommés dans l’immédiat, mais quand l’Ademe contractualise avec une collectivité ou une entreprise, elle ne peut engager des crédits que si elle dispose de l’autorisation d’engagement correspondante. C’est pourquoi nous proposons d’abonder le fonds chaleur de 200 millions, montant minimum pour offrir une visibilité à l’agence et lui permettre de lancer de nouveaux projets.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je le répète, le portefeuille de projets de l’Ademe, à 1,4 milliard, couvre plusieurs années. À ce stade, elle a surtout besoin d’enclencher de nouveaux projets, ce qui nécessite des autorisations d’engagement plutôt que des crédits de paiement – c’est ce qu’elle nous a dit lors de son audition. Mon amendement répond à ce besoin. Je demande le retrait des deux autres ; à défaut, avis défavorable.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le fonds chaleur est probablement l’argent public le mieux dépensé pour la décarbonation, et les réseaux de chaleur sont des leviers massifs de décarbonation dans les zones urbaines, en particulier pour l’Île-de-France qui comporte une nappe chaude, le Dogger.
L’Ademe a suffisamment de demandes de projets pour consommer l’enveloppe de 1,5 milliard qui lui a été octroyée – et en la matière, il faut bien distinguer les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Tout en étant conscients de l’enjeu de la décarbonation, du nécessaire accompagnement des collectivités et de l’importance d’abonder le fonds chaleur, nous ne pouvons faire abstraction de la période budgétaire difficile ; il paraît donc excessif d’abonder le fonds chaleur de 200 millions.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les 4,3 milliards d’aide dispensés par le fonds chaleur ces quinze dernières années ont occasionné 14 milliards d’investissement. Ce dispositif a un effet de levier sur l’économie locale, argument supplémentaire pour le soutenir.
Pour inciter les acteurs, notamment les collectivités, à s’engager dans des projets aussi importants, il faut leur donner de la visibilité et de la sécurité. Si l’Ademe ne dispose pas du budget nécessaire pour donner l’élan, les nouveaux projets risquent de rester dans les tiroirs.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Vous aurez beau injecter 400 millions de crédits de paiement supplémentaires dans le fonds chaleur, le nombre de projets n’explosera pas, et ce qui ne sera pas consommé sera perdu ; c’est ce que nous a expliqué l’Ademe.
Le budget du fonds chaleur, à plus de 1 milliard, est réparti sur plusieurs années. L’Ademe a besoin de 15 millions d’autorisations d’engagement supplémentaires pour signer des conventions et lancer de nouveaux projets dont les paiements s’étaleront sur deux ou trois ans. Nous devrons donc sécuriser son budget pour 2026 et 2027.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Quand l’Ademe contractualise, elle verse des avances de subvention au porteur de projet pour qu’il démarre son opération. Vous ne me convaincrez pas que 20 millions suffisent pour initier de nouveaux projets.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. C’est le chiffre que l’Ademe elle-même nous a communiqué.
La commission adopte l’amendement II-CD124.
En conséquence, les amendements II-CD125 et II-CD162 tombent.
Amendement II-CD160 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons d’abonder le fonds économie circulaire de 100 millions d’euros. Dans notre rapport d’évaluation de la loi Agec, Véronique Riotton et moi-même avons constaté un certain nombre de retards dans ce domaine. Pour atteindre les objectifs fixés par la loi, il faut accompagner davantage les territoires.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Inscrire 100 millions supplémentaires au budget de l’Ademe ne fera qu’augmenter ses crédits de paiement, alors que l’agence n’aura pas à s’acquitter de tels paiements en 2025 au titre du fonds économie circulaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD161 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit, cette fois, d’abonder de 20 millions le fonds économie circulaire.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Votre demande est satisfaite par l’amendement que nous venons d’adopter. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement que nous avons adopté accordait cette somme au fonds chaleur et au fonds économie circulaire, tandis que le mien se concentre sur ce dernier.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD172 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les collectivités ont pris du retard dans le déploiement du tri à la source des biodéchets et ont grand besoin de financements de l’Ademe en la matière – d’autant que le PLF les mettra en difficulté à plusieurs égards. Aussi proposons-nous d’abonder les crédits correspondants de 450 millions d’euros.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je partage votre ambition mais, au vu des auditions que nous avons menées, il ne semble pas nécessaire d’abonder dans de telles proportions cette aide gérée par l’Ademe dans le cadre du fonds vert.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Que le PLF fait fondre comme neige au soleil !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD155 de M. Gérard Leseul
M. Stéphane Delautrette (SOC). M. Leseul, dont la circonscription de Seine-Maritime a été frappée par l’accident de l’usine Lubrizol, propose de créer une autorité indépendante de sûreté des sites Seveso, sur le modèle de l’Autorité de sûreté nucléaire. Elle serait dotée d’un budget propre et d’un pouvoir de sanction, et son président serait nommé selon les procédures propres à ces structures.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je comprends votre préoccupation, mais les sites Seveso sont déjà contrôlés au moins une fois par an, et la création d’une nouvelle instance démultiplierait les besoins en effectifs et en ressources. Avis défavorable.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous soutenons cet amendement, avec le souhait qu’il s’étende à toutes les installations classées pour la protection de l’environnement. Si nous voulons réindustrialiser la France, nous devons garantir que les risques associés sont contrôlés. L’ASN a prouvé que la forme juridique de l’autorité administrative indépendante était pertinente pour assurer cette mission.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD138 de Mme Alma Dufour
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). L’action 01, Prévention des risques technologiques et des pollutions, a été amputée de 5 millions, soit une baisse de 7 %. Nous souhaitons au contraire l’abonder de 100 millions. En effet, des accidents surviennent régulièrement dans les 1 000 sites industriels classés Seveso. En 2021, le Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles a recensé 1 581 événements technologiques et 250 incidents ou accidents dans des sites Seveso, dont 6 accidents majeurs. Les risques humains, sanitaires, environnementaux et économiques sont énormes, mais encore mal estimés. Les sapeurs-pompiers m’ont ainsi confié que si un incident se produisait dans l’usine Seveso de Mitry-Mory, dans ma circonscription, ils ne seraient pas en mesure d’intervenir. Une politique de prévention digne de ce nom s’impose.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je partage votre objectif, mais il ne me semble pas nécessaire d’abonder de 100 millions l’action 01. Mieux vaut accroître les effectifs dédiés à cette mission, qui relèvent d’un autre programme. Je défendrai par ailleurs un amendement relatif à la prévention de la pollution aux Pfas. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD182 de M. Vincent Thiébaut et II-CD21 de M. Nicolas Thierry (discussion commune)
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Il s’agit d’abonder de 5 millions l’action 01 afin de conforter la politique de réduction de l’exposition aux Pfas. Ces crédits retrouveraient ainsi leur niveau de 2024, à 10 millions.
M. Nicolas Thierry (EcoS). Nous proposons, pour notre part, d’abonder de 10 millions le budget alloué à la prévention des risques liés aux Pfas, aussi appelés polluants éternels. Ces composés chimiques sont présents dans un grand nombre d’objets du quotidien. Comme le démontrent de nombreuses études scientifiques, ils sont à l’origine d’une pollution majeure et persistante qui présente des risques pour la santé : cancers, altération de la fertilité, cholestérol, perturbations de la thyroïde… La prévention contre ce risque nécessite d’importants financements : il faut appuyer davantage les services de l’État, accompagner les collectivités, qui sont souvent démunies face aux contaminations locales, et mieux suivre les rejets aqueux et atmosphériques de certaines installations.
Cet amendement est plus ambitieux que celui de M. le rapporteur pour avis : sachant que des pollutions aux Pfas sont découvertes chaque mois voire chaque semaine, nous devons répondre à l’inquiétude grandissante de nos concitoyens.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Nous partageons la même ambition, mais je vous demanderai de retirer votre amendement au profit du mien, qui vise à maintenir les crédits de cette action à 10 millions d’euros. Il serait par ailleurs intéressant de faire le point sur les recherches relatives aux Pfas.
M. Nicolas Thierry (EcoS). Il ne se passe pas une semaine sans que soient révélés des niveaux alarmants de contamination aux Pfas partout sur le territoire. À compter du 1er janvier 2026, tous les États membres auront l’obligation de faire tester leur eau potable afin de détecter la présence éventuelle de vingt Pfas. Ne pas augmenter les budgets en conséquence, c’est prendre le risque que les collectivités ne puissent plus distribuer de l’eau ni dépolluer. Actons au moins une augmentation de 10 millions, même si c’est peu au regard de la gravité de la situation.
M. Peio Dufau (SOC). Une enquête récente au Pays basque a montré que non seulement l’eau potable était contaminée aux Pfas, mais aussi l’urine des enfants – notamment de ma propre fille. Il faut y mettre fin. Nous sommes tous contaminés par ces polluants, personne ne sait comment s’en débarrasser, et il faudrait continuer de les utiliser en fermant les yeux ? Si demain éclate une épidémie de cancers liés aux Pfas, je reviendrai vous voir, madame Brulebois ! La santé de nos enfants doit passer avant tout.
M. Vincent Descoeur (DR). Le rapport que nous avons conduit sur l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique a mis en évidence la nécessité d’investir dans la recherche pour résoudre le problème des Pfas. Nous voterons donc l’amendement de M. le rapporteur pour avis.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Vous faites peur à tout le monde, mais les études montrent que certains Pfas ne sont pas dangereux. Ne mélangeons pas tout. Je ne vois pas comment vous pourriez vous en passer : vous en avez dans vos vêtements, votre téléphone portable, vos lunettes, et peut-être dans vos implants dentaires et votre prothèse de hanche. Pensez aux progrès qu’ont permis les Pfas dans la vie quotidienne ! À force d’agiter des peurs et de dire que les riverains des usines sont contaminés, vous ferez partir des entreprises de France. Ceux-là mêmes qui condamnent les Pfas pleurent la fermeture de l’usine Solvay à Salindres, qui emploie plus de soixante personnes ! Arrêtez d’agiter les peurs, soyez objectif et respectez les travaux scientifiques.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Cessez d’agiter des arguments fallacieux, madame Brulebois. Nous ne parlons pas des Pfas qui, à ce jour, sont indispensables pour des raisons médicales ou énergétiques. Mobilisons des moyens pour aider les collectivités, autorités organisatrices du service de l’eau, qui sont confrontées à des pollutions majeures. Aidons les agriculteurs et les industriels à atteindre des seuils planchers de pollution diffuse aux Pfas.
Ces composants sont présents dans les produits d’hygiène, la cosmétique ou encore les textiles. Nous pouvons actionner l’article 129 du règlement Reach pour protéger nos concitoyens contre la diffusion non pas d’une, mais de 20 000 molécules. L’enjeu est l’interdiction de tous les Pfas pour protéger la population contre une épidémie de cancer. Certes, il existe des domaines dans lesquels nous ne sommes pas prêts à nous en passer – la médecine et les vêtements ignifugés pour les sapeurs-pompiers par exemple. Ce n’est pas une raison pour ne pas agir dans tous les autres domaines de la vie quotidienne où les Pfas sont présents.
M. Nicolas Thierry (EcoS). Le sujet est suffisamment grave pour faire preuve de nuance. Les Pfas présentent un risque majeur pour la santé et sont présents dans quasiment tous les objets du quotidien. En la matière, nous devons raisonner en termes d’usages essentiels ou non essentiels. Dans l’immédiat, nous ne pourrons pas nous passer des prothèses, des pacemakers ou du Prozac, qui contiennent des Pfas. Mais ces perturbateurs endocriniens sont aussi présents dans les produits cosmétiques qu’utilisent les jeunes filles, ou dans le fart de ski : nous pouvons nous en passer. De grâce, sur un sujet de santé publique aussi grave, cessez les caricatures. Une chose est certaine : cette pollution est majeure et justifie pleinement qu’on lui accorde au moins 10 millions d’euros.
M. Peio Dufau (SOC). Rappelez-vous l’amiante : à l’époque, on a prétendu qu’il serait catastrophique pour l’industrie de cesser d’en produire et d’en utiliser. Résultat, des dizaines de milliers de personnes en sont malades, voire en sont mortes. Puisque nous connaissons les risques liés aux Pfas, nous devons prendre des mesures pour réduire leur présence au maximum.
M. Julien Guibert (RN). Je suis directement concerné : j’habite à 200 mètres de l’usine Solvay de Clamecy, dans la Nièvre, classée Seveso seuil haut. J’ai beaucoup discuté avec des responsables du groupe : comme les autres producteurs de polymères, ils risquent de se désengager pour investir en Asie, où les normes sont moins exigeantes. Pourtant ils disposent de brevets spécifiques pour fabriquer des polymères moins polluants que ceux fabriqués là-bas. Le résultat, c’est que nous allons laisser le marché asiatique gérer ces molécules, avec un effet beaucoup plus néfaste pour la santé, comme le montre l’exemple des batteries de véhicules. En voulant tout interdire, on accélère la mondialisation. Nous devrions plutôt chercher à maîtriser ce que nous consommons.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Nous partageons tous l’objectif de préserver la santé. Vous l’avez dit, certaines actions relèvent des collectivités territoriales, d’autres de l’agence régionale de santé (ARS), d’autres de l’Office français de la biodiversité (OFB). Je propose donc d’abonder les crédits de 5 millions d’euros pour revenir au montant initial et de faire un point d’étape – je ne sais pas où en est l’évaluation de ce que nous avons voté l’an dernier. Je préfère avoir une approche raisonnée et ne pas abonder sans motif précis.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CD21 et adopte l’amendement II-CD182.
Amendement II-CD118 de M. Maxime Laisney
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le présent amendement tend à rehausser les crédits alloués à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), qui effectue des missions de surveillance industrielle et de contrôle des pollutions, ainsi que des travaux de prévention des risques naturels. C’est un acteur majeur de la surveillance de la qualité de l’air. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 99 % de la population mondiale respire un air dont la quantité de polluants dépasse les plafonds qu’elle a établis et que ces pollutions sont responsables de 36 % des cancers du poumon. Les risques technologiques liés au changement climatique ne cessent d’augmenter. Il est donc indispensable que l’Ineris continue à remplir ses missions d’intérêt général.
Le texte prévoit de lui accorder 5 ETP supplémentaires, mais en 2025, il aura perdu trente-neuf postes depuis 2017. M. Barnier parle de la dette écologique : il faut mobiliser les moyens correspondants. Nous proposons de rouvrir les postes supprimés par les coupes effectuées depuis 2017 et nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je suis d’accord sur le fond mais la forme pose problème. Votre amendement sera sans effet sur les effectifs puisqu’il tend à augmenter le budget de l’Ineris sans rehausser le plafond d’autorisations d’emplois.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD135 et II-CD143 de M. Emmanuel Fernandes (discussion commune)
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Stocamine est un ancien site minier du sud de l’Alsace reconverti à la fin des années 1990 en site d’enfouissement des déchets dangereux. Malgré l’interdiction initiale d’y placer des déchets inflammables, un incendie s’est déclaré spontanément en 2002. Depuis, plus aucun déchet n’y a été stocké mais tous les experts s’accordent à dire qu’à terme, la plus grande nappe phréatique d’Europe, qui alimente 8 millions de personnes en eau potable, sera contaminée. En effet, même si l’on coule du béton autour des déchets, la saumure polluée remontera tôt ou tard car il est impossible de la rendre étanche. En vertu du principe de précaution et du droit des générations futures à vivre dans un environnement sain, reconnu en octobre 2023 par le Conseil constitutionnel, nous nous devons d’organiser le déstockage des déchets. L’amendement II-CD135 vise donc à créer un fonds pour le financer, en mettant la priorité sur les déchets les plus toxiques et en garantissant une sécurité maximale aux intervenants. Il existe en Suisse et en Allemagne des entreprises compétentes pour y parvenir.
M. Hubert Ott (Dem). L’amendement II-CD143 vise à engager les crédits nécessaires pour commencer le déstockage des déchets dangereux du site de Stocamine. Antea Group a publié le 28 octobre 2020 une étude technique et financière de faisabilité, estimant le coût à 456 millions. Cette somme sera ventilée sur la durée des travaux, soit huit ans et demi. L’abondement du fonds devra donc monter en puissance. Le montant comprend l’entretien minier du site ; l’entretien, le renouvellement et la mise à niveau des équipements ; les charges ; les aménagements au jour et au fond ; les opérations de déstockage et de conditionnement ; l’élimination des déchets et, enfin, le confinement du site.
L’amendement tend à créer un nouveau programme, Fonds finançant le déstockage maximal du site de Stocamine en mettant la priorité sur les déchets toxiques, sans fixer de limites a priori, avec des garanties de sécurité optimale pour les intervenants, sous la conduite d’un opérateur de confiance et le contrôle de la commission de suivi de site (CSS). Il sera d’abord abondé de 31 millions, prélevés sur les crédits affectés aux mines de potasse d’Alsace, dans l’action 04, Gestion économique et sociale de l’après-mines, du programme 174, Énergie, climat et après-mines. Il ne crée aucune charge supplémentaire mais reporte des sommes déjà affectées à Stocamine.
Le déstockage est essentiel : lorsque l’expérience d’enfouissement a été décidée, l’État s’est engagé sur sa réversibilité.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. J’ai présidé une mission d’information commune sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine, dont je vous invite à lire le rapport. Elle recommandait le déstockage, mais à deux conditions : disposer d’un site de réception mieux sécurisé et s’assurer que l’opération n’entraînerait aucun risque environnemental ni humain. Plus d’une centaine d’études ont été menées ; la majorité des experts, indépendants et internationaux, ont conclu qu’il fallait favoriser le confinement. On peut rouvrir le débat, je reconnais que le problème est réel. Cependant les amendements visent à sanctuariser une somme pour financer le déstockage alors qu’aucune décision n’a été prise. Encore une fois, les experts ont conclu au confinement et l’État a pris des engagements. Je vous demande donc de retirer les amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Le second amendement est transpartisan ; les crédits étant déjà affectés, son adoption ne coûterait rien aux finances publiques. L’eau potable de 7 millions de personnes n’est pas un problème anecdotique. Toutes les études convergent pour affirmer qu’elle sera un jour polluée, la seule question étant de savoir quand. Le tribunal doit se prononcer sur l’arrêt en urgence des travaux, et sur leur interdiction. Il faut prévoir les fonds nécessaires pour pouvoir réagir.
M. Hubert Ott (Dem). Que voulons-nous faire de cette situation héritée d’un passé discutable ? La masse d’eau est considérable : c’est la plus grande nappe phréatique d’Europe d’un seul tenant. Sa pollution serait d’autant plus dramatique qu’on ne pourrait la maîtriser. Il est moralement inacceptable de faire courir ce risque à la population de l’Alsace et aux générations de demain. Il faut d’abord sortir les déchets enfouis à 600 mètres de fond, ils seront alors contrôlables et nous pourrons résoudre la question de leur devenir. L’effondrement des galeries est inéluctable ; si on le laisse se produire, nous ne pourrons que subir. Pour un responsable politique, c’est indéfendable.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Les amendements posent un problème de forme. Par ailleurs je vous entends, mais j’écoute aussi les gens présents sur le site : les mineurs ont tous annoncé qu’en cas de déstockage, ils démissionneraient. Une seule chose est certaine : si on ne confine pas, la nappe sera polluée, tout le reste n’est que supposition.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Tous les mineurs n’ont pas annoncé leur démission, c’est faux. Certaines entreprises sont capables de déstocker en toute sécurité, grâce à des bras robotisés. Les 31 millions sont déjà alloués au site, il ne s’agit que de les réaffecter. Le tribunal administratif de Strasbourg devra statuer en 2025 sur la légalité de l’enfouissement : en tant que législateur, nous ne pouvons pas accepter de laisser couler du béton en attendant de savoir si c’est illégal, car il sera trop tard.
M. Hubert Ott (Dem). Je suis le dossier depuis 1997 ; j’étais alors de ceux qui s’opposaient à l’expérience. En 2002, j’ai vécu l’incendie. Il est vrai qu’à l’origine, les mineurs chargés du stockage étaient favorables à cette solution. Mais désormais, tous ceux – ils sont encore vivants, et unanimes – qui ont connu les conditions dans lesquelles la décision de stockage a été prise, puis sa réalisation, sont contre. De surcroît, le déstockage est techniquement possible. En 2014, Ségolène Royal, alors ministre de l’écologie, a ordonné la sortie de 2 tonnes de déchets mercuriels : c’est donc faisable, a fortiori avec les nouvelles techniques robotiques dont nous disposons aujourd’hui.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. S’il est possible de remonter ces déchets, j’en serai le premier ravi. Cependant le problème de forme demeure.
Dans le précédent PLF, le Gouvernement a fait adopter un article additionnel engageant l’État à commencer le déstockage quand les techniques seraient à maturité et les conditions réunies – article censuré par le Conseil constitutionnel. Je ne peux me déclarer favorable à un amendement qui tend à bloquer 500 millions en attendant une hypothétique décision judiciaire.
M. Hubert Ott (Dem). Je le répète : l’amendement II-CD143 ne crée aucune charge, il ne vise qu’à flécher correctement 31 millions.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-CD104 de Mme Anaïs Sabatini.
Amendement II-CD144 de Mme Violette Spillebout
Mme Violette Spillebout (EPR). Le présent amendement vise à mieux prévenir les risques naturels et hydrauliques, en lien avec la triste actualité des inondations. Celles qui sont survenues il y a quelques mois dans le Nord et le Pas-de-Calais ont provoqué d’énormes dégâts. Nous consacrons de fortes sommes à réparer mais il faut augmenter le budget consacré à la prévention des risques hydrauliques. Des dispositifs efficaces existent, comme Vigicrues. L’augmentation des moyens permettrait de mieux connaître les cours d’eau, de modéliser les crues pour les prévenir – car les habitants n’ont pas assez de temps pour s’organiser – et de disposer d’outils d’expertise plus performants. Une meilleure cartographie, par exemple, aiderait les gens qui veulent investir dans un territoire mais qui ne peuvent plus se projeter.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. En effet, il est essentiel d’accompagner les collectivités territoriales et les services de l’État qui œuvrent sur le terrain, notamment pour modéliser les crues ainsi que pour construire et contrôler les ouvrages. Avis de sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CD180 de M. Vincent Thiébaut et II-CD81 de Mme Constance de Pélichy
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à augmenter le fonds Barnier de 50 millions d’euros. En 2024, tous les crédits n’ont pas été consommés, mais les territoires sont parvenus à une forme de maturité en la matière, en particulier avec l’élaboration des programmes d’action pour la prévention des inondations.
Nous devrons néanmoins nous interroger sur la gouvernance. En audition, le maire de Mandelieu-la-Napoule nous a expliqué qu’il travaillait depuis quinze ans à la réalisation d’un ouvrage mais qu’il était coincé par des injonctions contradictoires de la loi ou des services de l’État. Une simplification s’impose, même si la réflexion doit aussi s’inscrire dans la durée.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Le fonds Barnier n’est pas à la hauteur des enjeux en matière de prévention et d’environnement. Mon amendement vise donc à le renforcer, eu égard à la multiplication des événements climatiques, qui frappent tous les départements.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CD44 de M. Christophe Barthès
M. Christophe Barthès (RN). Le présent amendement vise à augmenter de 1 million le fonds Barnier en prélevant des crédits de l’action Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air du programme 174. Dotée de plus de 63,7 millions, pour subventionner des associations et la participation à des instances internationales, elle ne sera pas en péril, mais cela favorisera la sobriété financière, en particulier lors de participations à des instances internationales. À la suite des inondations tragiques qui ont affecté le Nord, comme l’Aude en 2018, l’objectif est de soutenir et de développer la prévention des risques naturels. Il s’agit également de satisfaire à une demande des Français, qui veulent pouvoir compter, en cas de catastrophe, sur le retour de leur contribution au budget de l’État.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable. Nous avons déjà été beaucoup plus ambitieux en adoptant les amendements précédents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD10 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Mon amendement, issu des travaux d’une mission d’information transpartisane que j’ai présidée, vise à abonder le programme Prévention des risques afin d’aider les communes rurales à réaliser les plans communaux de sauvegarde (PCS). Leur élaboration permet de réunir tous les acteurs concernés – élus, agents municipaux, bénévoles et représentants d’entreprise – pour prévoir la gestion d’une éventuelle crise consécutive à un événement naturel, technologique ou sanitaire majeur. Les petites communes manquent d’ingénierie, sont parfois sous-dotées ou utilisent des plans copiés-collés inadaptés à leur situation.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Il est vrai que certaines communes, en particulier les plus petites, peinent à élaborer les PCS, qui sont pourtant des documents importants : elles se heurtent à la fois aux injonctions contradictoires, au manque d’ingénierie et aux difficultés de financement. Cependant le montant des crédits que vous proposez de transférer au programme 181 est excessif et cette aide ne relève pas du fonds Barnier. Les sommes doivent provenir du budget des communes, éventuellement aidées par l’État.
Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous parlez d’injonctions contradictoires : le texte rabote le budget des collectivités mais vous refusez d’abonder davantage les programmes à même de financer l’ingénierie dont elles ont besoin. Nous soutenons l’amendement.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Selon les maires et les pompiers, c’est grâce aux PCS – créés dans la loi Matras – que les intempéries et les inondations des dernières semaines n’ont pas fait de victimes.
Les petites communes concernées élaborent aussi leur PCS, suivant la volonté des élus locaux, de la sécurité civile et de la gendarmerie. Les préfectures les aident ; elles en ont les moyens. Ce n’est pas une question de budget mais de coordination des actions. Peut-être faut-il dresser une évaluation des PCS mais, encore une fois, ils ont prouvé leur efficacité.
Mme Lisa Belluco (EcoS). La mission d’information constitue un outil d’évaluation. Celle que M. Lemaire, du groupe Horizons, et moi-même avons conduite sur l’adaptation du modèle de protection et de sécurité civiles a auditionné les associations d’élus. Je cite le rapport : « Les élus de communes rurales ont également alerté la mission d’information sur le manque de ressources humaines comme techniques à l’échelle de la commune pour la réalisation du plan communal de sauvegarde, obligeant certaines communes à déléguer ces missions à des prestataires externes. Beaucoup d’élus locaux souhaiteraient ainsi pouvoir bénéficier d’un accompagnement plus poussé de l’État en matière d’ingénierie, afin de pouvoir être plus à même de développer ces outils par eux-mêmes. De même, les exercices anti-incendie représentent un coût difficilement pris en charge par les collectivités, alors que leur utilité dans la lutte contre les feux de forêt est avérée. » Partant, nous avons recommandé d’inclure dans la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) une ligne budgétaire consacrée au financement des PCS. Je vous propose d’adopter l’amendement, quitte à réviser le montant des crédits alloués lors de l’examen en séance.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. C’est en effet sur le montant de la DETR qu’il faut agir. Le financement des PCS ne relève pas du fonds Barnier, qui doit financer la prévention des inondations.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD141 de M. Timothée Houssin
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Le fonds Barnier ne peut pas non plus être mobilisé pour lutter contre le frelon asiatique, dont je ne méconnais pas la nocivité par ailleurs. Le Sénat a adopté une proposition de loi visant à endiguer sa prolifération qui met en danger la biodiversité.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Anthony Brosse (EPR). Les auditions préalables à l’examen de cette proposition de loi étaient en cours quand la dissolution est intervenue. Si tout va bien, ce texte viendra à l’ordre du jour la semaine du 2 décembre.
M. Julien Guibert (RN). Le frelon asiatique est nuisible, en particulier pour la filière apicole. Il s’agit d’un amendement d’appel mais je n’ai pas entendu l’avis du rapporteur sur le transfert de 100 000 euros qui est proposé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD173 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). Le présent amendement d’appel vise à créer un plan national de lutte contre les pollutions sonores liées au secteur des transports.
Après la pollution atmosphérique, le bruit est le deuxième facteur environnemental de problèmes de santé. Les conséquences sanitaires des pollutions sonores sont graves : elles perturbent le sommeil et les systèmes endocrinien, cardio-vasculaire et immunitaire, et augmentent le risque d’hypertension artérielle et d’asthme.
Le trafic routier en est l’une des premières causes ; 40 % de la population française est exposée à des niveaux sonores supérieurs à ceux recommandés par l’OMS. Plus de 1,9 million de Franciliens sont exposés à la pollution sonore aéroportuaire, qui excède les recommandations de l’OMS le jour comme la nuit.
Le coût social en France est évalué à 147 milliards par an. En moyenne, les personnes qui y sont durablement exposées perdent 10,7 mois de vie.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Le quatrième plan national santé environnement (PNSE4) prévoit d’améliorer l’environnement sonore. Par ailleurs, contre les bruits liés aux infrastructures de transport, des plans de prévention sont déployés au niveau local. Un plan national serait plus large mais il faut s’appuyer sur ce qui existe. Pour faire respecter le code de l’environnement et le code de la santé, les agents des ARS, notamment, prennent des dispositions sévères, par exemple en demandant l’annulation de certaines activités dans les salles des fêtes.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Des articles récents ont révélé que le bruit dans les cantines scolaires pouvait atteindre 90 décibels, très largement au-dessus des recommandations. Beaucoup d’élèves portent des bouchons d’oreilles en cours – c’est anormal. Nous devons nous saisir du problème.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD65 de Mme Constance de Pélichy, II-CD153 et II-CD154 de M. Gérard Leseul (discussion commune)
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Vous avez tous assisté aux auditions du président de l’ASN et du directeur général de l’IRSN. Les deux fois, le trou budgétaire de 37 millions de la future ASNR et été évoqué et son ampleur m’a été confirmée lors des auditions menées en préparation de mon rapport pour avis. Mon amendement vise à le combler.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Lors de son audition, le président sortant de l’ASN a souligné le risque que l’ASNR ne puisse fonctionner si nous réduisons son budget. La sûreté nucléaire doit constituer une priorité nationale et nous devons tout mettre en œuvre pour renforcer les contrôles au cours des prochaines années, qui verront la poursuite du grand carénage des centrales existantes et le déploiement du programme nucléaire. L’amendement II-CD153 vise donc à allouer 2 millions d’euros supplémentaires au programme Sûreté nucléaire et radioprotection ; l’amendement II-CD154, de repli, 1 million. Il faudrait renforcer les effectifs de l’ASNR de 20 ETP par an pendant les cinq années de l’application du programme pluriannuel.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Pendant les auditions, le président de l’ASN a expliqué qu’il manquerait 37 millions par rapport aux prévisions. Depuis, l’État a abondé sa participation ; il ne manquerait plus que 19 millions, mais on attend un rescrit fiscal qui pourrait se monter à 22 millions. Je vous propose le retrait de ces amendements au profit de mon amendement II-CD184, beaucoup plus ambitieux.
M. Vincent Descoeur (DR). J’ai exprimé ma préoccupation à ce sujet. Dois-je comprendre que le nouveau statut serait plus avantageux de 22 millions ?
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Après un abondement de l’État effectué depuis la tenue de nos auditions, la somme manquante ne serait plus de 37 mais de 19 millions d’euros, et elle pourrait être couverte par le rescrit fiscal de 22 millions d’euros intervenant à la création de la nouvelle structure – il resterait même un supplément de 3 millions d’euros. Dans l’amendement II-CD184 à venir, je vous propose d’augmenter les crédits de la future ASNR de 10 millions d’euros, afin de sécuriser au moins la moitié de son financement dans le cas où le rescrit fiscal, qui n’interviendra pas avant le mois de novembre, ne serait pas au niveau attendu.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). C’est bien ce qui me gêne dans votre réponse : nous n’avons pas d’assurance totale concernant le rescrit fiscal. Le président de l’IRSN n’avait pas manqué de nous alerter sur le fait qu’une diminution du budget affecterait en premier lieu la recherche, poste essentiel dans une perspective de réindustrialisation nucléaire et aussi en termes de sûreté à un moment où se développent les petits réacteurs innovants. Qui peut le plus peut le moins : quitte à revoir nos positions en séance, sécurisons une somme importante pour la future ASNR.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Le conditionnel restant du conditionnel, j’abonde dans le même sens. Si l’amendement II-CD65 est adopté, les nôtres tombent. Celui du rapporteur pour avis tombera-t-il également, sachant qu’il n’est pas dans la discussion commune tout en portant sur le même sujet ?
M. Vincent Descoeur (DR). Comme mes collègues, j’insiste sur le caractère hypothétique de ces 22 millions d’euros. Au cours des auditions, nous avions tous admis que l’ASNR devait conserver des moyens pour la recherche, mais aussi pour assurer l’attractivité de ses métiers dans un environnement très concurrentiel. Quel que soit le régime fiscal applicable, il faut combler cet écart de 37 millions d’euros.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. L’amendement II-CD184 du rapporteur pour avis ne tomberait pas en cas d’adoption de l’amendement II-CD65 car il n’est pas gagé sur le même programme.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Encore une fois, le besoin n’est plus de 37 millions mais d’une vingtaine de millions. En raison du changement de statut de l’établissement, il y aura un rescrit fiscal. La seule incertitude porte sur son montant, étant donné qu’il portera sur plusieurs composantes – TVA, taxes foncières et autres. Sanctuarisons 10 millions d’euros dès à présent, pour le cas où l’une de ces composantes ne serait pas couverte par le rescrit. Nous serions alors certains de couvrir la totalité des besoins identifiés par l’ASN et l’IRSN. Quoi qu’il en soit, mobiliser 50 ou 100 millions d’euros supplémentaires comme vous le proposez ne suffirait pas à ce que l’IRSN embauche davantage, puisqu’il ne parvient déjà pas à réduire un taux de vacance élevé.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Rappelons que cette fusion a notamment été justifiée au motif qu’elle résoudrait les problèmes de recrutement en renforçant l’attractivité des métiers.
La commission adopte l’amendement II-CD65.
En conséquence, les amendements II-CD153 et II-CD154 tombent.
Amendement II-CD112 de M. Maxime Laisney
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). N’oublions pas que cette fusion à marche forcée soulèvera de graves problèmes d’indépendance : les experts seront sous la tutelle de décisionnaires, ce qui peut conduire à faire prévaloir les intérêts économiques et politiques sur l’intérêt général de la sûreté nucléaire. Le comité social et économique (CSE) de l’IRSN avait émis un avis défavorable sur le projet de fusion. L’opération s’est faite contre l’avis des salariés et dans des délais contraints et impossibles à tenir – nous en avons désormais la preuve. Pour couronner le tout, les moyens n’étaient pas à la hauteur. Je me réjouis de l’adoption d’un amendement qui va permettre d’augmenter réellement les crédits, alors que vous nous parlez de ressources potentielles, monsieur le rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de maintenir le nombre d’emplois à 2 320 postes, résultant de l’addition des effectifs des deux entités, alors que la fusion aboutit à la suppression de 293 emplois. Dans le domaine de la sûreté nucléaire et dans un contexte de relance effréné, le maintien des emplois est une nécessité.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Pour ma part, je regrette le vote de l’amendement précédent car la solution que je proposais aurait permis de rassurer beaucoup de monde, mais j’en prends acte. Cela étant, nous n’allons pas ajouter 14 millions d’euros supplémentaires comme demandé dans cet amendement, d’autant que la nouvelle entité ne pourra pas embaucher plus dans la mesure où ses autorisations d’emploi restent inchangées. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-CD184 de M. Vincent Thiébaut est retiré.
Amendement II-CD147 de Mme Clémence Guetté
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons de créer un fonds pour la souveraineté dans le pilotage de la transition énergétique dans le cadre d’un nouveau programme budgétaire abondé de 3 milliards d’euros. Il devrait permettre à l’État d’entrer au capital de TotalEnergies et de General Electric, et d’augmenter sa participation dans Engie. L’énergie n’est pas une marchandise mais un bien commun. Nous défendons donc le retour à une forme de monopole public de la production d’électricité, s’inscrivant dans un réseau européen.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD130 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons d’abonder le fonds vert à hauteur de 4 milliards d’euros. Ce fonds est sévèrement entamé par les projections budgétaires du gouvernement Barnier, alors qu’il est impératif de renforcer les investissements locaux. Chevilles ouvrières de la bifurcation écologique, les collectivités locales interviennent dans la rénovation thermique du patrimoine bâti, des équipements scolaires et sportifs, des immeubles des bailleurs sociaux. Elles s’occupent aussi de renaturation, de développement des transports, et j’en passe. Dans une récente étude, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) estime d’ailleurs les besoins en investissements publics des collectivités à 12 milliards d’euros par an. On en est bien loin avec le fonds vert rabougri du PLF.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD157 et II-CD158 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous nous étions réjouis de la hausse de 1 milliard de l’enveloppe du fonds vert l’an dernier ; les collectivités territoriales avaient alors déposé 15 000 projets pour un montant de 4,9 milliards, prouvant ainsi leur capacité à utiliser les outils proposés par l’État pour agir en faveur de la transition écologique. Cette année, alors que les collectivités vont subir des coupes budgétaires à hauteur de 5 milliards, le fonds vert est amputé de 1,5 milliard, ce qui va complètement à l’encontre des trajectoires et des objectifs qui devraient être recherchés. Nous proposons donc d’abonder le fonds vert à hauteur de 2 milliards ou, en repli, de 1,5 milliard, pour – c’est un minimum – rétablir la situation de l’année dernière.
Successivement, contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CD56 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). En 2023, le Gouvernement créait le fonds vert, un outil essentiel pour aider les collectivités territoriales à relever le défi de la transition écologique. Ce fonds correspondait à l’exact contraire de ce que vous décrivez tous comme de l’écologie punitive : une écologie par le bas, construite à partir d’initiatives de terrain et de projets soutenus par les collectivités, répondant à des problèmes du quotidien. Même ça, le Gouvernement le détruit. Dans le PLF, les crédits du fonds vert passent de 2,5 à seulement 1 milliard, soit une baisse de 60 %. Parmi les efforts budgétaires auxquels vous appelez les Français après avoir fait n’importe quoi avec leur argent, c’est l’un des effondrements les plus massifs, qui affaiblit directement les capacités de nos collectivités à adapter leur territoire au dérèglement climatique.
Contraints à des efforts budgétaires, les Français doivent aussi payer pour des écoles rurales surchauffées faute de rénovation énergétique, pour le manque d’alternatives de mobilité, pour des dégâts causés par des inondations massives – certains habitants ont tout perdu en quelques minutes la semaine passée, et leurs communes sont laissées sans solution. Cette situation est d’autant plus inacceptable que nous savons ce qu’il en coûtera de torpiller le budget de l’écologie : selon un rapport publié en décembre 2023 par l’Ademe, l’inaction climatique pourrait coûter près de 260 milliards dans le cas d’un réchauffement de 3,5 degrés d’ici à la fin du siècle. Il est donc impératif de rétablir le fonds vert au moins à son montant initial de 2,5 milliards pour permettre aux collectivités de poursuivre leurs actions.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD128 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Pour toutes les raisons déjà invoquées, nous voulons annuler les coupes budgétaires prévues au titre du fonds vert, qui auraient de graves répercussions sur la vie quotidienne de nos concitoyens, où qu’ils vivent sur le territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD140 de Mme Claire Lejeune et II-CD139 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Il s’agit d’augmenter les fonds dédiés à la rénovation thermique afin de revenir sur les coupes budgétaires et d’appliquer le reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant une rénovation thermique globale. Dans son rapport annuel de 2024, le Haut conseil pour le climat (HCC) estime que le reste à charge constitue un élément clé dans la décision d’engager ce genre de rénovation. Il doit donc être nul si nous voulons atteindre les objectifs en matière de rénovations globales réalisées chaque année, alors que leur nombre stagne à un niveau catastrophique.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous souhaitons annuler les coupes budgétaires prévues pour la rénovation thermique. La Cour des comptes a pointé la vulnérabilité des habitations face au réchauffement climatique. Malheureusement, l’urgence climatique et la lutte contre la précarité énergétique ne sont pas la priorité d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements. En amont de ce budget austéritaire, les coupes budgétaires annoncées en février 2024 ont touché de manière démesurée les fonds dédiés à l’écologie, dont ceux de MaPrimeRénov’. En outre, le périmètre de la ministre de la transition écologique a été drastiquement réduit, ce qui est incompatible avec la mise en place d’une planification écologique cohérente et globale.
Successivement, contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CD122 de Mme Claire Lejeune, II-CD169 de M. Fabrice Barusseau et II-CD123 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous souhaitons porter à 2 milliards les fonds dédiés à l’électrification des véhicules, à rebours de la coupe de 500 millions prévue par le Gouvernement. Ces fonds doivent être dédiés aux ménages modestes afin qu’ils puissent acheter des véhicules électriques dont le prix moyen est de 35 000 euros, contre 26 000 euros pour une voiture thermique. En incluant la borne de recharge, le reste à charge pour l’achat d’une voiture neuve est compris entre 10 000 et 40 000 euros – de l’ordre de 22 000 euros pour un ménage modeste. Pour un ménage en situation de précarité, qui ne peut pas épargner, un tel achat est impossible à concrétiser.
L’électrification des véhicules répond à des préoccupations sanitaires : la pollution de l’air provoque 40 000 morts prématurées par an. Certaines études mettent aussi l’accent sur un phénomène croissant de précarité en matière de mobilité. L’État doit se montrer responsable et mobiliser les moyens permettant notamment aux ménages modestes et aux classes populaires d’acheter des véhicules électriques.
M. Fabrice Barusseau (SOC). Un peu plus modeste que le précédent, mon amendement répond aux mêmes préoccupations avec les mêmes arguments. On entend sans cesse marteler qu’il faut plus de taxes et moins d’aides, un signal forcément perçu comme très négatif par les citoyens. Pour notre part, nous proposons d’ajouter 600 millions pour rétablir les crédits en matière d’aides à l’acquisition de véhicules moins polluants à leur niveau antérieur. Rappelons que ces crédits peuvent servir à l’achat d’une voiture ou à une location de longue durée dite leasing social, mais nous ne connaissons pas encore la répartition des différentes enveloppes. En plein bras de fer entre l’Europe et la Chine à propos des surtaxes appliquées aux véhicules chinois, la baisse de ces aides est malvenue : elle risque de réduire l’avantage compétitif des véhicules électriques fabriqués en Europe face à des véhicules concurrents importés de Chine et privés du bonus français depuis décembre.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons d’annuler les coupes budgétaires prévues pour l’électrification des véhicules et d’en revenir aux crédits existants, même si nous les jugeons largement insuffisants. C’est aussi un enjeu critique d’un point de vue industriel : quand la puissance publique retire ses aides, comme en Allemagne, le marché s’effondre. Le passage à l’électrique ne revient pas à passer d’une marchandise à une autre, il soulève des questions de droit à la mobilité, d’inclusion, d’égalité entre les citoyens et entre les territoires.
La commission rejette successivement les amendements.
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Informations relatives à la Commission
Les résultats du scrutin qui a suivi l’audition de M. Pierre-Marie Abadie mercredi 16 octobre 2024 sont les suivants :
Nombre de votants |
49 |
Abstentions, bulletins blancs ou nuls |
12 |
Suffrages exprimés |
37 |
Pour |
25 |
Contre |
12 |
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 9 h 30
Présents. - M. Gabriel Amard, M. Christophe Barthès, M. Fabrice Barusseau, M. Olivier Becht, Mme Lisa Belluco, M. Sylvain Berrios, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, Mme Danièle Carteron, M. Jean-Victor Castor, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. François-Xavier Ceccoli, M. Bérenger Cernon, M. Marc Chavent, M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Aurélien Dutremble, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, M. Julien Guibert, M. Sébastien Humbert, Mme Sandrine Josso, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Pascal Markowsky, M. Pierre Meurin, M. Éric Michoux, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, Mme Christelle Petex, Mme Marie Pochon, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Raphaël Schellenberger, M. Olivier Serva, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach‑Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland
Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Timothée Houssin, M. Stéphane Lenormand, M. Matthieu Marchio, M. Marcellin Nadeau, M. Loïc Prud’homme, M. Matthias Tavel
Assistaient également à la réunion. - Mme Sandra Regol, Mme Violette Spillebout