Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation 2
Mardi 29 octobre 2024
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 10
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Sandrine Le Feur,
Présidente
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Madame la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation pour évoquer vos priorités et le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Nous examinerons demain, pour avis, les crédits de la mission Cohésion des territoires.
Le Premier ministre l’a annoncé, « nous pouvons et nous devons faire plus pour lutter contre le changement climatique », à travers « une écologie de solutions » qui valorise les initiatives des communes, des départements et des régions. Il vient de présenter le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). Les collectivités devront décliner ces objectifs dans l’ensemble des documents de politique publique. Comment envisagez-vous de mener cette politique en lien avec les collectivités ? Quelles méthodes utiliserez-vous pour planifier la transition écologique avec tous les territoires ? Comment valoriser le lien de solidarité écologique entre territoires urbains et ruraux ?
Les élus locaux sont en première ligne face aux conséquences de plus en plus perceptibles du réchauffement climatique. Il faut maintenant prendre en compte la perspective d’un réchauffement de quatre degrés en France d’ici à 2100. Comment comptez-vous travailler à la grande conférence nationale sur l’eau et aider les collectivités à satisfaire les besoins immenses pour gérer la ressource en eau, les milieux aquatiques et la prévention des inondations ?
Vous avez consacré l’un de vos premiers déplacements officiels au congrès national des maires ruraux de France. Les élus ruraux se sentent abandonnés des pouvoirs publics et disent leur désarroi face à la complexité croissante des normes. Comment dynamiser les instruments actuels destinés aux petites villes et aux zones rurales pour offrir à tous nos concitoyens un socle minimal de services indispensables à la vie quotidienne – commerces de proximité, santé, transport, éducation ?
Les commissaires souhaitent notamment vous interroger sur l’adaptation de l’aménagement du territoire au changement climatique et sur la loi créant l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Nous souhaitons également vous interroger sur l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), d’une importance fondamentale. Le Premier ministre souhaite une évolution pragmatique et différenciée de la réglementation en la matière ; le Sénat demande à revoir la méthode. Quelle est votre position sur les propositions d’assouplissement formulées par le Sénat ? Quel dialogue engagez-vous avec les associations d’élus locaux à ce sujet ?
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Je suis très heureuse d’intervenir devant votre commission sur le thème de l’aménagement du territoire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. En effet, l’action territoriale de l’État est essentielle au développement des territoires et doit être préservée, y compris en cette période de contrainte budgétaire forte.
L’aménagement du territoire repose sur la contractualisation et sur l’expertise. Le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, est donc fondamental. J’ai souhaité le protéger au mieux car il est le ferment du rôle de l’État, au plus proche de nos concitoyens. Nous soutenons au quotidien les collectivités et les élus de tous les territoires, en gardant naturellement à l’esprit la notion de différenciation.
Notre démarche est contractuelle et partenariale. Le programme 112 comprend la contribution de mon ministère aux contrats de plan État-région (CPER) et aux contrats pour la réussite de la transition énergétique, même si l’extinction des paiements des précédentes générations de contrats rend cette part minoritaire au sein de la mission.
Le programme 112 inclut également une partie des financements des pactes territoriaux, qui permettent à l’État d’intervenir de façon ciblée sur un territoire donné. Citons, par exemple, l’engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, l’un des territoires les plus pauvres de France, où l’État investit aux côtés des collectivités pour redonner un avenir aux habitants.
Nos concitoyens, les élus et les collectivités bénéficient de l’expertise de la direction générale des collectivités territoriales, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires – dont les moyens sont répartis entre plusieurs programmes et donc entre plusieurs administrations – et des maisons France Services, dont le financement repose à la fois sur le programme 112 et sur un fonds de concours abondé par différentes administrations. L’intitulé du programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement, est clair : mon ministère ne se contente pas de gérer un programme budgétaire, il unit les moyens et les bonnes volontés.
Nous visons un effet levier, pour entraîner notre politique territoriale et rapprocher le service public des Français, à travers plusieurs dispositifs qui ont fait leurs preuves et sont notamment déployés par l’ANCT.
Les maisons France Services placent la quasi-totalité de nos concitoyens à moins de vingt minutes d’un lieu où ils sont accueillis et accompagnés par un conseiller qui facilite l’accès à onze opérateurs – bientôt douze, avec l’arrivée des Urssaf, en 2025. Plus de 1 million de contacts ont lieu chaque mois au sein de ces maisons, avec un taux de satisfaction supérieur à 85 %.
Nous avons consacré 65 millions aux maisons France Services en 2024 ; nous poursuivrons la trajectoire de progression décidée en 2023, avec 5 000 euros supplémentaires par maison. Celles situées dans les zones France ruralité revitalisation seront particulièrement favorisées, avec 50 000 euros chacune. Plus du tiers des crédits du programme 112 sont consacrés aux espaces France Services.
Aucun territoire ne doit être privé de la capacité à développer son projet. C’est toute la vocation de l’offre d’ingénierie dont l’ANCT est l’intermédiaire.
L’offre d’accompagnement est à la main des préfets et des sous-préfets, qui sont les délégués territoriaux de l’ANCT. Elle a permis d’accompagner 2 271 projets, dont 747 en 2024, qu’il s’agisse d’élaborer un projet de territoire, de monter ou de piloter des projets de mobilité, des projets de revitalisation ou des contrats pour la réussite de la transition écologique. Nous répondons aux besoins d’ingénierie grâce au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), aux agences techniques ou par des prestations de marché de l’ANCT. Les crédits alloués à cette offre se sont élevés à 39,7 millions d’euros en 2024, dont 16 millions intégralement déconcentrés auprès des préfets.
Le dispositif Villages d’avenir a permis de conduire 2 532 projets, d’une durée de douze à dix-huit mois, déployés par des communes de moins de 3 500 habitants dans quatre-vingt-quinze départements, financés par l’État et animés par 100 chefs de projet recrutés par l’ANCT et 20 autres par le Cerema. Au premier trimestre de 2024, son coût était de 8 millions d’euros.
Plus de 1 600 collectivités, pour la plupart rurales, se sont engagées pour cinq ans, jusqu’en 2026, dans le programme Petites villes de demain, financé pour près de 3 milliards d’euros par l’État, directement ou à travers ses agences ; 1 187 d’entre elles se sont engagées dans une Opération de revitalisation de territoire (ORT). Dans ce cadre, l’État et ses partenaires financent, à hauteur de 75 %, le recrutement de plus de 900 chefs de projet.
Le plan Action cœur de ville permet de soutenir des communes de 10 000 à 100 000 habitants, selon une politique partenariale décentralisée et déconcentrée. L’aide en ingénierie et en investissement permet de rénover les logements, les commerces, les espaces publics des cœurs de ville en mobilisant Action logement, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou encore la Banque des territoires. Quelque 245 communes sont retenues dans le programme ; 9,2 milliards d’euros ont d’ores et déjà été engagés ; 274 431 logements ont été subventionnés notamment au travers de MaPrimeRénov’ ; 29 412 logements ont été réhabilités ou construits par Action logement ; 513 locaux commerciaux ont été soutenus par le fonds de restructuration des locaux d’activités, dans 51 villes ; 233 villes ont été couvertes par une opération de revitalisation de territoire et 954 dossiers ont été soutenus par le fonds Vert, pour près de 400 millions d’euros.
Territoires d’industrie est le volet territorial de la politique industrielle. Nous accompagnons les bassins d’emploi les plus industriels dans leur stratégie de développement. Les 183 bassins concernés associent 630 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et représentant plus de 2 millions d’emplois. Grâce à Territoires d’industrie, ils ont bénéficié de 2 500 opérations et de 70 millions au titre du fonds Vert.
Vous indiquiez, madame la présidente, que certains territoires ruraux se sentent abandonnés. Aucun ne doit l’être. Je souligne l’importance des sous-préfets dans les bassins de vie : ils orientent les élus vers les meilleurs soutiens possibles et constituent une forme de guichet unique départemental.
Les maisons France Services rencontrent leur public, au dire des élus de terrain. Un visiteur sur cinq a mené des démarches liées à sa retraite, auprès de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA) ; pratiquement autant de personnes ont mené des démarches pour leurs titres d’identité et de voyage auprès de France titres ou de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ; 17 % des visiteurs ont échangé avec la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) sur des sujets touchant à leur santé ; 13 % ont compté sur la caisse d’allocations familiales (CAF) et France Travail pour leurs démarches de solidarité et d’insertion ; 12 % ont été en rapport avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour évoquer leurs impôts. Je n’oublie pas non plus La Poste, le ministère de la justice, l’Anah et le guichet du chèque énergie qui apportent leurs compétences au quotidien.
Je veille à ce que l’offre des maisons France Services corresponde à la demande de nos concitoyens. Les agents de France Services ne traitent pas les dossiers au fond ; ceux-ci sont confiés aux agents des différents organismes qui tiennent des permanences, et qui proposent de nombreux rendez-vous. À titre personnel, je suis favorable à une collaboration plus poussée avec des entreprises telles que La Poste ou la SNCF, qui disposent de locaux que nous pourrions mettre à la disposition de nos concitoyens.
Nous devons nous appuyer sur les services déconcentrés de l’État, qui peuvent orienter vers les plans et les programmes adéquats.
Enfin, s’agissant de l’ingénierie, j’appelle votre attention sur le lien entre les différentes collectivités. Par exemple, les capacités d’ingénierie des intercommunalités peuvent être mises à disposition des communes membres, afin d’éviter les doublons. Un suivi méthodique en la matière est nécessaire, pour s’assurer de notre efficacité. C’est le sens de la contractualisation, régulièrement évaluée.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Julie Lechanteux (RN). Le rapporteur général de votre budget n’a pas pu s’empêcher de le souligner : la politique menée depuis sept ans par les macronistes à l’égard des collectivités territoriales n’est pas bonne. Sur ce point au moins, le Gouvernement parvient à faire l’unanimité – contre lui.
Cette mauvaise politique conduit à un conflit entre les collectivités et l’État ; elle nuit à l’aménagement du territoire. Le projet de loi de finances pour 2025 est injuste. Alors que l’État emprunte pour financer son fonctionnement, ce texte sanctionne des collectivités qui, elles, n’empruntent que pour leurs investissements. La politique à courte vue du Gouvernement s’illustre par l’amputation prévue du programme Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire. Son budget fondra de presque 40 % entre 2024 et 2025, passant de 398 à 248 millions d’euros. C’est autant d’argent en moins pour la sécurité, les infrastructures et la réindustrialisation du territoire.
La mission Cohésion des territoires est pourtant supposée rapprocher nos concitoyens des services publics et redynamiser les villes, villages et campagnes. Avec la baisse de l’investissement dans l’aménagement, du moins savons-nous que l’indispensable « démétropolisation » de la France n’aura pas lieu sous ce Gouvernement. Les métropoles vont continuer de s’hypertrophier, tandis que la France périphérique, celle des oubliés, continuera de se dépeupler, faute d’investissements sérieux. La semaine dernière, vous avez déclaré devant des maires de Provence-Alpes-Côte d’Azur que seules 450 collectivités seraient concernées par l’effort budgétaire. Comment vous croire alors qu’il est évident que la réduction drastique des crédits touchera l’ensemble du territoire ?
Cet abandon par l’État a des conséquences en cascade : désertification des campagnes, perte d’attractivité, destruction d’emplois, augmentation de l’insécurité – car, oui, les collectivités en sont réduites à pallier les carences de l’État en matière de sécurité. Et vous prévoyez en outre de matraquer nos compatriotes d’impôts. Toujours plus de taxes pour toujours moins de services publics.
Le terme « partenariat », dans l’intitulé de votre ministère, ne serait pas qu’un slogan, prétendez-vous. Permettez-nous d’en douter. Derrière le discours sirupeux sur le partenariat et le dialogue se cache une réalité brutale. Le groupe Rassemblement national dénonce les conséquences graves qu’aura ce projet de budget pour la cohésion du territoire.
Les collectivités ont besoin d’une vision à long terme, d’une vision cohérente, pour mener leurs investissements. Lors des dernières élections, le Rassemblement national a quant à lui proposé une direction claire, un plan de rationalisation des agences publiques de l’État et une simplification du millefeuille territorial.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Madame Lechanteux, je ne tiens pas un discours sirupeux, mais un discours de réalité. Je suis, comme nombre d’entre vous, une élue locale, et je sais d’expérience qu’il faut travailler sur le fond, avec le plus grand sérieux, en respectant chaque collectivité et chaque élu. Nous ne sommes pas là pour endormir les élus locaux, mais pour étudier ensemble les solutions. Mais vous connaissez tous notre situation budgétaire difficile : nous devons faire des économies.
Vous m’interpellez sur les agences. Je compte faire le tour de chacune de celles qui sont liées à mon domaine de compétence. Même si la multiplication des agences au cours des trente dernières années doit nous interpeller, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Certaines ont démontré leur bien-fondé, d’autres sans doute pas. Un suivi permettra de déterminer l’effectivité et le coût de chacune.
S’agissant des normes, j’appelle votre attention sur le travail de Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières et président de la communauté d’agglomération Ardenne métropole, donc élu d’un territoire rural difficile. Son rapport sur le coût du millefeuille administratif formule des propositions concrètes ; je lui ai confié une mission d’évaluation du coût et de l’opportunité des normes afin de supprimer celles qui sont inutiles.
Ce sont bien 450 collectivités – régions, départements, EPCI et communes – qui seront affectées par les mesures d’économies. Nous avons ciblé en premier lieu les communes dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros, puis les collectivités qui, parce qu’elles ne donnent pas de signe de fragilité, ne bénéficient ni de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) ni du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic).
Nous avons sanctuarisé le montant de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation d’équipement des territoires ruraux et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Je suis d’accord avec vous, la quasi-totalité des collectivités gèrent bien leur budget. Jusqu’en janvier, j’étais moi-même présidente d’un EPCI, où la durée de remboursement de la dette était de deux ans, avec 130 millions d’euros d’investissement par an pour un budget de 500 millions. Une bonne gestion permet l’investissement, afin d’aménager au mieux le territoire.
Enfin, n’opposons pas les espaces urbains et ruraux, car les deux ont besoin de soutien. J’en conviens, ces besoins prennent parfois une urgence particulière, par exemple, pas très loin de chez moi, dans certains cantons de la Haute-Marne, où le premier employeur est la maison de retraite.
M. Jean-Michel Brard (HOR). Madame la ministre, je me félicite de votre nomination : vous êtes une élue locale et c’est une très bonne nouvelle.
Notre groupe est lucide sur la nécessité pour les collectivités territoriales de participer à la maîtrise des dépenses budgétaires, mais cette participation doit être juste. Le dérapage des dépenses publiques a principalement été causé par l’État et les organismes de sécurité sociale. Quant aux collectivités territoriales, elles représentent 60 % de l’investissement public, mais seulement 8 % de la dette publique. Les efforts qui leur sont demandés ne doivent donc pas gripper les investissements et nuire à l’économie locale, d’autant que les investissements sont nécessaires pour accroître la résilience des territoires face au changement climatique et pour relever les défis de la transition écologique, de la mobilité, du logement et de la santé, tout en garantissant une bonne qualité de service à nos concitoyens. C’est indispensable pour les plus isolés et les plus faibles.
Les efforts demandés ne doivent pas non plus pénaliser les bons gestionnaires. Nous pourrions ainsi introduire un système de bonus, avec un supplément de dotation d’investissement aux collectivités qui maîtrisent leurs dépenses de fonctionnement. Le plan d’économies sera d’autant mieux respecté qu’il sera consenti.
J’appelle votre attention sur le statut des élus locaux. Le désengagement de l’État, les transferts de compétence sans moyens associés et sans marge de manœuvre dans un contexte d’inflation des normes et des réglementations ne facilitent pas la tâche des élus locaux, notamment dans les communes rurales, où des élus multicasquette, quasi-bénévoles, portent à bout de bras la République. À dix-huit mois des élections municipales, force est de constater que les vocations sont de plus en plus rares. Certains élus démissionnent, ce qui est inquiétant pour l’avenir de la démocratie locale.
Par exemple, la maire d’une petite commune de Loire-Atlantique se trouve dans une situation ubuesque. Après la démission d’un adjoint puis le décès d’un autre, il ne lui reste que deux adjointes. Si le conseil municipal souhaite maintenir trois postes d’adjoint, il faut trouver un élu de sexe masculin, mais il n’y a aucun candidat – seulement une candidate, qui aurait toutes les compétences pour exercer ce rôle.
N’est-il pas temps de se pencher avec courage et détermination sur les conditions d’exercice des mandats locaux et sur le statut d’élu local ? Une réforme serait-elle possible avant les élections municipales, afin d’assurer l’avenir de la démocratie représentative dans les territoires ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Le dérapage des dépenses publiques s’explique par différentes politiques menées après le covid, dont l’instauration de différents filets de sécurité et la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont le montant restera d’ailleurs stable en 2025. Le coût de la sortie de crise a été élevé.
Je le comprends, il est difficile d’associer les collectivités à l’effort de redressement des comptes, au vu de leur rôle dans l’investissement local et dans l’économie locale.
Le projet de budget pour 2025 n’est qu’une première copie, qui sera retravaillée dans le cadre du débat parlementaire, comme l’a indiqué le ministre chargé du budget jeudi dernier en séance publique, lors du débat sur les finances locales. Nous pouvons notamment réfléchir concernant la rétroactivité de la baisse du taux du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), question qui choque de nombreux élus.
Le Premier ministre et moi-même avons échangé sur le statut des élus locaux. Dans les semaines qui viennent, une fois l’examen des textes budgétaires achevés, nous vous proposerons d’en débattre, sans doute à partir de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, déposée par Mme Françoise Gatel alors qu’elle était sénatrice et adoptée en première lecture au Sénat.
Quant à l’obligation qu’un membre démissionnaire d’un organe délibérant local soit remplacé par une personne du même sexe, elle a sans doute été votée par les parlementaires dans un souci de respect de la parité. Elle pose toutefois problème, y compris dans l’EPCI que je présidais : cette règle empêche parfois la bonne représentation de l’une des communes membres. Peut-être pourrons-nous remédier à ce problème dans la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, sans que la disposition apparaisse comme un cavalier législatif ? Je m’en remets à l’ingéniosité des parlementaires.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le mot partenariat, dans le titre de votre ministère, correspond bien à votre méthode de travail, marquée par l’écoute, le dialogue, la rigueur dans le suivi et la contractualisation, comme à votre expérience d’élue locale. Vous êtes attachée à l’amélioration du cadre de vie et des transports, ainsi qu’à la ruralité, sans laquelle, vous l’avez dit, notre République ne serait pas ce qu’elle est.
Le contexte budgétaire impose à l’État et aux collectivités de dresser l’inventaire de leurs dépenses, afin de gagner en efficacité. Le PLF pour 2025 prévoit un effort de 5 milliards d’euros concentré sur 450 collectivités, selon un critère de bonne gestion. Quel sera précisément ce critère ?
Les collectivités s’inquiètent du financement de leur fonctionnement et de leur investissement. Vous venez de nous rassurer sur le budget pour 2025. J’ajoute que depuis 2017, jamais les collectivités n’ont été aussi aidées.
S’agissant du calcul du montant de la DGF, ses modalités sont de plus en plus complexes et sont peu lisibles pour les élus locaux. Il en va de même du Fpic. Ne faudrait-il pas également revenir sur le cloisonnement entre les diverses dotations d’équipement des territoires ruraux, la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) et la DSIL, auxquelles s’ajoute le fonds Vert ? Face à l’enchevêtrement des compétences, des financements, et des appels à projets, les élus ont besoin de clarté. Envisagez-vous une refonte de ces dispositifs ?
Je connais votre investissement en faveur du dispositif France ruralité revitalisation et pour la réintégration des 2 000 communes qui étaient classées en zone de revitalisation rurale (ZRR) et qui ont été exclues de ce dispositif efficace et utile. Je vous en suis reconnaissante pour les 200 communes concernées dans le Jura.
Quant à l’ANCT, dans de nombreuses communes rurales, elle n’est pas encore bien identifiée. Il nous reste donc des marges de progression.
Les maisons France Services sont un succès. Elles rapprochent les services publics de nos concitoyens. Pouvez-vous rassurer les élus sur la part de financement de l’État ?
Enfin, je me réjouis que vous respectiez votre engagement d’une réforme du statut des élus locaux. Elle est urgente.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Le PLF pour 2025 prévoit un prélèvement de 2 % des recettes réelles de fonctionnement pour les 450 collectivités dont le budget est supérieur ou égal à 40 millions d’euros et qui ne montrent pas d’indice de fragilité – c’est-à-dire qu’elles ne bénéficient pas du Fpic, ou de la DGF. Les vingt départements dont la situation financière est la plus dégradée ont également été exclus du champ du prélèvement. Celui-ci pourra d’ailleurs évoluer au cours du débat budgétaire.
Effectivement, de nombreux élus se plaignent du manque de lisibilité de la DGF, ou de la perte de pertinence de ses critères. Le Comité des finances locales (CFL) avait engagé un travail en la matière, mais celui-ci a été interrompu par la dissolution de l’Assemblée. Il le reprendra, car il n’est pas question que l’administration décide sans les élus.
Nous réfléchissons en outre à l’articulation entre les différentes dotations que vous mentionnez, d’autant qu’elles sont de plus en plus utilisées pour le verdissement, comme le fonds Vert, conformément à une préoccupation du Premier ministre – vous vous souvenez du parallèle qu’il a établi entre dette publique et dette écologique dans sa déclaration de politique générale. Nous pourrions élaborer une logique globale de subvention du verdissement de l’aménagement, qui vaudrait dans tous les domaines.
Outre le rapport de Boris Ravignon, il faut évoquer celui qu’Éric Woerth a consacré à la décentralisation. J’en ai parlé avec lui la semaine dernière ; nous pourrons étudier ses propositions de décentralisation ou de déconcentration dans les semaines et mois qui viennent.
Enfin, je rappelle que les préfets sont les délégués territoriaux de l’ANCT. Le nombre de chargés de mission de cette agence a doublé ; nous veillons à les former et à les évaluer.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Fin septembre, peu après votre prise de fonction, vous avez déclaré devant le congrès de Régions de France que vous n’opposeriez pas les finances de l’État à celles des collectivités locales et que l’intitulé de votre portefeuille marquait la volonté d’Emmanuel Macron d’ouvrir un nouveau chapitre du partenariat avec les territoires. Pardonnez-moi, mais étiez-vous en train de participer au concours du plus gros mensonge ?
À peine délesté de sa fonction de ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire s’en est pris aux collectivités en affirmant qu’elles étaient la cause principale du déficit. De surcroît, le budget pour 2025 est anti-collectivités et anti-services publics. À juste titre, les gens veulent savoir à quoi servent leurs impôts. Il y a deux semaines, vous avez annoncé 6,5 milliards d’euros en moins pour les collectivités, grevant ainsi leur capacité d’investissement dans les infrastructures. Vous qui avez été présidente d’une intercommunalité, comment pouvez-vous accepter cela ? Les bras m’en tombent !
Bien sûr, je n’attends pas de réponse de votre part à cette question purement rhétorique, car tout le monde sait que la casse de nos biens communs est dans l’ADN du Gouvernement et des précédents.
En ponctionnant le budget des collectivités et des intercommunalités, vous empêchez toute action en faveur de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique. Des catastrophes naturelles ont pourtant eu lieu encore récemment, par exemple dans mon département de la Seine-et-Marne, où les communes de Lagny-sur-Marne, Compans ou Crécy-la-Chapelle ont été confrontées à des inondations et au retrait-gonflement des argiles.
Les collectivités luttent trop souvent seules contre ces phénomènes, mais aussi pour répondre aux besoins des habitants. On leur demande d’inciter les citoyens à trier leurs déchets de manière exemplaire, mais leurs capacités d’investissement dans des infrastructures de tri sont insuffisantes ; aussi se rabattent-elles souvent vers une incinération simple, sans aucune valorisation. Je pourrais aussi citer les communes du Pin ou de Vaujours, qui doivent faire face seules, et avec un budget en baisse, au défi des pollutions engendrées par les déchets enfouis sous leur sol. Rendez-vous compte qu’à Courtry, les habitants ont surnommé la voie qui longe le fort de Vaujours la rue du cancer !
Autre conséquence de la diminution des crédits alloués aux collectivités : le manque d’investissement, partout en France, en faveur des aires d’accueil des gens du voyage. Cette situation les condamne à l’errance ou à être parqués sur des sites insalubres et pollués. À Nemours, par exemple, la maire, Mme Lacroute, les a chassés alors qu’ils étaient sur place depuis trente ans.
Enfin, mon propos ne serait pas complet si je n’abordais pas les problèmes de transport que subissent une grande majorité de nos concitoyens en Seine-et-Marne. Main dans la main avec Valérie Pécresse, l’État a dépensé des milliards pour les déplacements des touristes d’affaires et des riches avec le Charles-de-Gaulle Express, ralentissant, voire stoppant tous les autres projets de rénovation des infrastructures et rendant pratiquement inopérant le RER B. Dans mon département, les choses sont simples : on galère pour se rendre à son travail, tandis que le week-end et pendant les vacances, nous sommes tout simplement privés de sortie !
Les faits sont têtus, madame la ministre, et au concours du plus gros mensonge, vous êtes indubitablement une excellente compétitrice.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je ne participe à aucun concours, madame la députée. En l’occurrence, devant toutes les assemblées d’élus où je me suis rendue, je n’ai eu de cesse de répéter que je n’étais pas solidaire des propos qui ont été tenus au sujet de la responsabilité des collectivités dans le déficit. Il eût donc été préférable que vous teniez compte de toutes mes déclarations.
À cet égard, j’ai également insisté sur le fait que la plupart des investissements des collectivités sont financés sur fonds propres, grâce aux crédits de fonctionnement non consommés. C’est une difficulté concrète, car ces dépenses sont comptabilisées dans le calcul du déficit budgétaire tel que défini par le traité de Maastricht. Ainsi n’ai-je jamais dit que les villes, les EPCI, les départements ou les régions étaient de mauvais gestionnaires. J’y insiste : il n’y a eu aucun mensonge de ma part et je l’affirme une nouvelle fois bien volontiers.
Cela étant dit, demeure la situation financière du pays. Le Premier ministre et le bloc central entendent s’attaquer à la question de la dette, dont le coût de 55 milliards d’euros par an représente le deuxième poste budgétaire de la France, derrière l’éducation nationale. Une réflexion sur la réduction des dépenses a donc été engagée, laquelle a abouti à un objectif de 20 milliards d’euros d’économies pour l’État, de 15 milliards pour la sécurité sociale et de 5 milliards pour les collectivités. Notre volonté n’est pas de casser des biens communs, mais de répartir l’effort entre les uns et les autres.
En ce qui concerne plus précisément le tri des déchets, de nombreuses collectivités ont instauré une taxe d’enlèvement des ordures ménagères, dont le produit abonde un budget annexe et doit normalement permettre d’investir dans des installations de recyclage, sachant que l’État et certains organismes fournissent également des aides.
S’agissant ensuite des gens du voyage, le dialogue entre leurs représentants et les élus constitue souvent la principale difficulté. Il faut à la fois trouver des lieux d’accueil et organiser la cohabitation car, regardons la réalité en face, peu de riverains acceptent d’avoir près de chez eux une communauté de gens de voyage. Le partenariat, notion sur laquelle vous avez insisté, doit permettre de trouver des solutions.
Quant aux transports, je me permettrai de rappeler que l’Île-de-France est la seule région, lors de la crise du covid, à avoir bénéficié d’une subvention pour améliorer son organisation, quand les autres n’ont reçu qu’une avance remboursable. On peut dire que cette région a été mieux accompagnée que d’autres.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer dans l’atteinte des objectifs de la stratégie nationale bas-carbone, laquelle prévoit une neutralité carbone en 2050. La bonne nouvelle – car il y en a une ! –, c’est qu’elles investissent déjà massivement dans la transition écologique. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), les investissements des collectivités en faveur du climat ont continué de progresser en 2023, pour atteindre les 10 milliards d’euros, soit une augmentation de 50 % depuis 2017.
Si les collectivités prennent leur part de responsabilité, encore faudrait-il accélérer les efforts. Toujours selon l’I4CE, d’ici à 2030, si l’on combine la rénovation des bâtiments, les transports et l’énergie, les besoins d’investissement des collectivités en faveur du climat sont estimés à au moins 11 milliards d’euros supplémentaires par an par rapport aux niveaux de 2022. C’est d’ailleurs précisément là que le bât blesse, car vous conviendrez que le message envoyé par le PLF pour 2025 n’est pas cohérent avec les besoins.
En effet, en demandant aux collectivités 5 milliards d’euros d’économies, vous réduisez d’autant leur capacité à adapter les territoires. À cela s’ajoutent l’augmentation de quatre points des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et la future adhésion obligatoire à des contrats de prévoyance – des mesures qui ne manqueront pas de produire un effet ciseaux. Nous pourrions aussi évoquer la baisse de 1,5 milliard d’euros des crédits du fonds Vert, dispositif pourtant plébiscité pour enclencher la transition environnementale, celle de 500 millions d’euros de la dotation du fonds Chaleur, qui dépend de l’Agence de la transition écologique (Ademe), ainsi que celle de 130 millions d’euros des crédits alloués aux agences de l’eau.
Enfin, abordons aussi la nécessité de renforcer les investissements relatifs aux déplacements et au report modal – question également mise en avant par l’I4CE. La réduction de 800 millions d’euros des crédits alloués au verdissement du parc automobile représente un autre signal négatif. Je m’interroge sur l’avenir des services express régionaux métropolitains (Serm), étant donné que les contrats de plan État-région ne permettent pour l’heure de financer que les études préalables. Et j’aurais pu évoquer la question du transport ferroviaire dans son ensemble, les manques d’investissement étant visibles dans l’ensemble des circonscriptions.
Madame la ministre, comment justifiez-vous les coupes budgétaires ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Tout d’abord, sachez que j’adhère aux constats de l’I4CE.
Concernant d’abord le fonds Vert, s’il a été doté de 2,5 milliards d’euros dans le cadre du budget pour 2024, vous savez comme moi que les dépenses n’ont pas été aussi importantes, celles-ci ayant été gelées dès le début de l’année. Si l’on prend comme référence l’année 2023, lors de laquelle son budget s’est élevé à 1,7 milliard d’euros, la différence avec 2025 ne s’élève plus qu’à 700 millions d’euros – même si je reconnais volontiers que ce chiffre n’est pas réjouissant.
S’agissant ensuite du report modal, je travaille avec le ministre des transports et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) à la réalisation des Serm, qui sont très attendus. Je précise que d’autres crédits peuvent aussi contribuer à la concrétisation de projets liés aux transports. Je pense notamment au plan Marseille en grand, dans le cadre duquel nous réfléchissons à l’utilisation du sous-sol de la gare Saint-Charles pour accueillir davantage de TER – trains express régionaux. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est celle où il existe le moins de solutions alternatives à l’usage de la voiture ; le prolongement des lignes TGV par un réseau renforcé de TER apporterait donc des réponses concrètes aux habitants.
Certes, un travail important reste à accomplir, mais si on additionne la DSID, le fonds Vert et la dotation politique de la ville (DPV), nous atteignons la somme de 2 milliards d’euros de subventions : le verdissement se poursuivra l’an prochain.
Concernant enfin le versement mobilité, nous envisageons de présenter un codicille à la représentation nationale qui lierait une hausse de cette cotisation à des investissements, ce qui permettrait aux régions et aux autorités organisatrices des transports de poursuivre l’évolution du réseau et de renforcer l’offre de mobilité alternative. Je pense particulièrement aux transports longs du quotidien, ceux-là mêmes qui permettent de rapprocher les milieux rural et urbain pour les personnes qui font en moyenne 80 kilomètres par jour pour aller travailler.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Dans un contexte où les fractures territoriales s’accentuent, le projet de loi de finances pour 2025 se veut un outil de reconquête territoriale, marqué par un soutien affirmé à la cohésion des territoires. Le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, et le programme 162, Interventions territoriales de l’État, illustrent cette ambition malgré des choix budgétaires difficiles dans le cadre du redressement des comptes publics.
À cet égard, la réduction globale des crédits de 149 millions d’euros doit être l’occasion de repenser l’efficacité des dispositifs financés par l’État. Le rôle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires est préservé, même si elle devra davantage s’appuyer sur l’ingénierie locale existante et sur la disponibilité d’acteurs territoriaux tels que les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), ou encore la Banque des territoires. Par ailleurs, le renforcement du financement du réseau France Services témoigne d’une approche pragmatique et ciblée, visant à répondre aux besoins spécifiques des territoires ruraux, tout en garantissant une meilleure proximité des services publics.
Le programme 112 vise à renforcer la cohésion territoriale et sociale, en soutenant les collectivités locales dans leurs projets de développement et en assurant un accès équitable aux services publics. Divisé en plusieurs volets d’intervention, le programme est assorti d’outils d’ingénierie destinés à accompagner les projets des collectivités : parmi ceux-ci figurent les contrats de plan État-région, le pacte de développement territorial, ou encore le plan France ruralités.
Les baisses budgétaires s’expliquent par la fin des engagements relatifs aux contrats de plan État-région pour les périodes 2007-2014 ou 2015-2020 ; par la rationalisation des crédits d’intervention, l’État concentrant les financements sur les projets prioritaires ou déjà engagés et réduisant les nouveaux investissements ; enfin, par l’achèvement de certains dispositifs, à l’instar des contrats de redynamisation de sites de défense.
Ayant, comme vous, madame la ministre, un parcours d’élu local – j’ai été maire et président d’EPCI –, je me permets de vous alerter sur l’ampleur de la contribution des collectivités au redressement des comptes publics. Depuis 2012, la baisse des dotations, que vous avez vécue, est drastique. Pour Loire Forez Agglomération, EPCI de ma circonscription qui comprend quatre-vingt-sept communes et qui compte 113 000 habitants, cette nouvelle contribution est estimée à 1,1 million d’euros. Or nous savons que toute ponction sur le budget de fonctionnement diminue souvent d’autant les capacités d’investissement.
Ce point de vigilance mis à part, les députés du groupe Droite républicaine approuveront les crédits relatifs à la mission Cohésion des territoires.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je vous remercie d’avoir mis en avant la volonté du Gouvernement de financer tous les programmes prioritaires malgré le contexte budgétaire. Vous l’avez dit, il s’agit d’un exercice aussi difficile pour nous que pour les collectivités. Après les contrats de Cahors, c’est un nouvel effort que nous demandons, lequel est d’autant moins négligeable que même si nous en sommes à la cinquième année des mandats municipaux, les investissements sont appelés à se poursuivre jusqu’en 2026, leur démarrage ayant été retardé par la crise du covid.
Le Gouvernement s’est donc efforcé de préserver les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain, Territoires d’industrie, Villages d’avenir ou encore France Services, c’est-à-dire tous ceux offrant des réponses concrètes aux besoins des communes et qui fournissent des financements indispensables.
Quant à l’effort qui sera demandé, je ne nie pas son existence, mais je vous assure que, dans le cadre de la discussion budgétaire, nous sommes ouverts à d’éventuels ajustements, lesquels pourront d’ailleurs concerner les différentes strates administratives. Comme je l’ai dit, je suis par exemple consciente que la rétroactivité de la baisse du FCTVA devra être regardée de près, car certaines communes ont potentiellement contracté des crédits relais en se fondant sur les versements ultérieurs qu’elles attendaient de ce fonds. De la même manière, nous aurons à reparler du versement mobilité et des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Vous l’aurez compris, dans le contexte difficile que nous traversons, notre volonté est de trouver des solutions pour assouplir au maximum les mesures que nous prenons et pour accompagner au mieux les communes.
Mme Marie Pochon (EcoS). En juin 2023, le précédent gouvernement lançait le plan France ruralités. Nous, écologistes, accueillions avec enthousiasme une telle initiative : on allait enfin prendre en compte les difficultés propres aux mondes ruraux, qui représentent 88 % du territoire national, dans la décision politique.
Nous ne demandions pas l’aumône. Nous vous parlions des kilomètres de route sinueuse qu’il nous faut emprunter pour emmener nos gosses à l’école – quand la classe n’a pas fermé –, pour aller au bureau de poste ou au commerce le plus proche ; des rendez-vous médicaux que nous ne prenons plus, faute de médecins ; des élus locaux qui se démènent avec vos coupes budgétaires pour gérer les urgences et le temps long ; des maisons France Services, qui nous dépêtrent de nos demandes d’aide avec si peu de moyens ; de la connexion internet en berne ; du réseau téléphonique parfois inexistant.
Avec ce plan, madame la ministre du partenariat avec les territoires, j’espérais dire à toutes celles et ceux qui vivent dans les 240 communes que compte ma circonscription, de Lus-la-Croix-Haute à Grignan, en passant par Mirabel-aux-Baronnies, que nous comptions autant que ceux qui habitent au cœur de la République.
Las, les logiques de métropolisation et de concentration des services continuent de dessiner une France à deux vitesses. Je pourrais vous parler des maigres 30 millions d’euros alloués, pour l’ensemble de nos espaces ruraux aux navettes, à la structuration du covoiturage, au transport à la demande, à l’autopartage, ou encore à la suppression des 2 milliards d’euros du plan Vélo. Je pourrais également évoquer la suppression prévue de 4 000 postes d’enseignant et des 1 925 écoles susceptibles de disparaître bientôt ; des élus qui se sentent abandonnés face aux transferts de compétences non assortis de budgets supplémentaires ; des secrétaires de mairie que nous peinons à recruter ; des alertes relatives à la baisse des crédits destinés au maillage postal ; de la DGF qui ne correspond pas au poids de la gestion des espaces ; des catastrophes climatiques qui s’abattent sur nos territoires, alors que, même si vous vous enorgueillissez d’avoir renforcé le fonds Barnier de 75 millions d’euros, le fonds Vert est amputé de 1,5 milliard d’euros de crédits, soit 60 % de sa dotation totale.
Il va falloir faire beaucoup avec peu, nous avertissait le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Comment lui expliquer que c’est ce que font les petites communes depuis toujours ?
Et que dire de la hausse des températures de 4 degrés d’ici à 2100 ? Avec les coupes opérées sur la mission Cohésion des territoires, vous leur demandez simplement de renoncer !
Les centaines de milliers de doléances des gilets jaunes, que vous avez archivées, contiennent certes des colères, mais aussi d’innombrables réalisations et espoirs. Si un jour les conseillers de M. Barnier vous y donnent accès, vous y découvrirez des merveilles d’innovations démocratiques, d’engagements en faveur de la transition écologique ou de l’égalité des droits, qui illustrent ces millions d’actions de solidarité que savent tisser nos concitoyens et les élus locaux quand ils doivent pallier l’absence de l’État.
Quelles actions envisagez-vous pour réduire la fracture territoriale et permettre aux petites républiques que sont nos communes de se sentir enfin soutenues par la grande ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Rappelons d’abord que les communes rurales ne sont évidemment pas concernées par les 5 milliards d’euros d’économies, pas plus que les EPCI de ces territoires. Je ne dis pas cela pour minimiser les choses, d’autant que j’ai conscience que les régions et les départements où elles sont situées pourront être mis à contribution.
S’agissant du plan France ruralités, les 100 chefs de projet ont été nommés et le financement est assuré.
Les maisons France Services, ensuite, se situent en moyenne à vingt minutes de distance de chaque habitant, sachant que 100 bus ont également été déployés, selon la logique de « l’aller vers ». Ceux-ci seront particulièrement utiles en ruralité, notamment dans les zones montagnardes que vous évoquiez, où l’accessibilité des services publics représente un enjeu particulier. Ce dispositif est rattaché à l’ANCT et ses crédits sont également assurés.
Concernant les difficultés climatiques, je rappelle que la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC) a vocation à y répondre et qu’elle sera financée. Comme je le disais la semaine dernière à votre collègue de l’Ardèche, M. Saulignac, il n’est pas question de laisser les villages seuls face aux problèmes.
Pour ce qui est du logement, une question également traitée par le plan France ruralités, la prime de 5 000 euros pour la rénovation d’une habitation remise en location en zone rurale est pérennisée : les crédits sont prévus pour l’exercice 2025.
Quant à la santé, 100 médicobus sont aussi financés, tandis que nous devrions atteindre un total de 2 640 maisons de santé l’an prochain.
Vous l’aurez compris, c’est dans l’accompagnement des Français que nous souhaitons avant tout progresser. C’est précisément pour cette raison que nous avons installé 75 % des maisons France Services en milieu rural. Le Gouvernement est parfaitement conscient de l’enjeu ; d’ailleurs, nombre de ses membres sont issus de ces territoires.
M. Hubert Ott (Dem). À l’heure où nous travaillons sur le texte budgétaire avec une volonté forte de redresser nos comptes publics et de maîtriser nos déficits, il est essentiel d’aborder la question de l’efficacité de nos services publics et donc de l’organisation territoriale de notre pays. La recherche de recettes supplémentaires et la baisse des dépenses ne peuvent faire l’impasse d’une réflexion sur l’efficacité même de ces dernières.
La loi Notre du 7 août 2015 poursuivait des objectifs louables : simplifier et clarifier le rôle des collectivités, faire des territoires les moteurs du redressement économique, renforcer les solidarités territoriales. Neuf ans plus tard, force est de constater que cette loi à l’origine de la création des grandes régions suscite toujours mécontentement et incompréhension. Dans l’Est et le Sud-Ouest, particulièrement, de très nombreux citoyens et élus locaux soulignent le sentiment d’éloignement vis-à-vis de trop grandes structures régionales, devenues technocratiques. J’insiste, ce résultat qui ne se fonde ni sur une cohérence géographique ni sur la réalité historique, fait l’objet d’un désaveu profond. En Alsace, par exemple, la consultation organisée de décembre 2021 à février 2022 a révélé que 92,4 % des habitants souhaitaient sortir de la grande région.
Pire encore, la Cour des comptes pointe, dans différents rapports, combien ces entités coûtent plus cher que les anciennes, complexifient le millefeuille administratif et éloignent les décisions des habitants. Il découle de ce constat la nécessité de simplifier l’organisation politique et administrative de notre pays, dans une logique de décentralisation et de différenciation.
Madame la ministre, certains territoires sont prêts à mener des expérimentations pour véritablement simplifier le paysage institutionnel et faire des économies, tout en favorisant une action publique locale, ciblée et adaptée.
À cet égard, l’Alsace a ouvert la voie grâce à la loi du 2 août 2019 et à la fusion de ses deux départements, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, donnant naissance à la collectivité européenne d’Alsace (CEA). Celle-ci dessine un cadre institutionnel nouveau et ne demande qu’à voir ses compétences s’élargir, afin d’amplifier l’efficience de la dépense publique, démarche dans laquelle elle est déjà engagée. En effet, la création de la CEA, en 2021, a généré 12 millions d’euros d’économies immédiates sur les charges courantes grâce à la fusion et à la mutualisation des moyens. La fusion des deux départements alsaciens montre avec clarté qu’il existe un chemin pour les économies ; il est impératif de le poursuivre. Cet exemple montre qu’il faut s’attaquer à la structure même du problème.
Je souhaiterais donc connaître votre position sur l’éventualité d’expérimenter une nouvelle forme de simplification, avec la transformation de l’Alsace en une collectivité à statut particulier, qui fusionnerait en une strate unique les échelons départemental et régional. J’appelle à tenter cette expérience : les enseignements que nous en tirerions, n’en doutez pas, profiteraient à l’ensemble du pays.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Vous n’êtes pas le seul à avoir cette appréciation de la loi Notre ; chacun se souvient des conditions dans lesquelles celle-ci a été adoptée il y a près de dix ans.
Dans son rapport sur la décentralisation, Éric Woerth a formulé des propositions. Pour ma part, je me suis entretenue il y a quelques jours avec le président de la collectivité européenne d’Alsace, lors du congrès de Villes de France à Sélestat, en présence d’ailleurs du sénateur Reichardt, qui suit également ce dossier.
La CEA est dotée de compétences particulières, dont l’exercice mérite bien sûr d’être évalué. Vous comprendrez que je ne peux pas, dans l’instant, annoncer que nous allons créer du jour au lendemain une collectivité à statut unique en Alsace. La région Grand-Est existe, et elle fonctionne : j’en suis d’ailleurs, comme vous, une élue – en l’occurrence de son autre extrémité, à l’Ouest. Le rapport Woerth est une bonne base pour poursuivre les réflexions.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Madame la ministre, vous qui avez été à la tête d’une collectivité importante et qui êtes désormais chargée du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, vous connaissez certainement mieux que d’autres les enjeux auxquels sont confrontées les collectivités. Je rappelle d’ailleurs qu’à l’instar de la plupart des élus locaux, vous vous êtes élevée contre le gel puis la baisse de la DGF à partir de 2014, vous avez combattu la suppression de la taxe d’habitation et vous n’avez pas davantage apprécié les contrats de Cahors.
Bien que nous soyons conscients du contexte, nous avons donc du mal à comprendre le budget que vous présentez. Alors que les collectivités sont en moyenne de meilleures gestionnaires que l’État, on rogne leurs marges budgétaires par la création d’un fonds de réserve abondé par un prélèvement de 3 milliards d’euros, par l’écrêtement de la dynamique de reversement de la TVA, par la baisse du FCTVA et du fonds Vert – sans parler des nouvelles dépenses obligatoires, telles que l’augmentation des cotisations au titre de la CNRACL. Il ne peut pourtant y avoir de décentralisation sans moyens.
Tandis que la bonne gestion des collectivités est questionnée de manière honteuse, que pensez-vous du non-paiement, par le ministère de l’intérieur, des loyers relatifs aux gendarmeries, au risque de justement mettre les collectivités en grande difficulté, certaines s’étant endettées pour les construire ? Que pensez-vous également du prélèvement sur les recettes de fonctionnement des grandes collectivités ? Celui-ci est-il juste et incitatif en matière de bonne gestion ?
Un nombre croissant de départements ont un budget de fonctionnement en déficit. L’équilibre entre les compétences et les recettes des départements montre en effet ses limites. Quelles évolutions envisagez-vous pour rétablir durablement cet équilibre ? Quelles réformes jugez-vous souhaitables en matière de fiscalité locale ? Que pensez-vous d’un possible retour de la taxe d’habitation ? Seriez-vous favorable à un renforcement de l’autonomie fiscale des collectivités ? Et à la suite du rapport de Boris Ravignon, qui estime le coût du millefeuille administratif à 7,5 milliards d’euros, envisagez-vous une refonte de notre organisation territoriale ?
Par ailleurs, s’agissant de l’aménagement du territoire, vous avez loué il y a encore quelques instants les programmes Action cœur de ville ou encore Petites villes de demain. Quelle assurance pouvez-vous donner aux nombreuses communes qui se sont saisies de ces excellents dispositifs pour lancer de grands projets structurants quant à la pérennité de ces sources de financement à court, moyen et long termes ? À cet égard, j’appelle votre attention sur le fait que ces programmes ne doivent pas exclure les communes les plus modestes, qui n’ont pas eu la chance d’être labellisées, sous peine de faire naître une France à deux vitesses et d’accroître encore les inégalités territoriales.
Concernant enfin le zéro artificialisation nette, quelles méthodes de travail envisagez-vous ? Quels objectifs prévoyez-vous d’associer à la prochaine réglementation, et selon quel calendrier ? Surtout, quelle circulaire allez-vous transmettre aux préfectures et aux directions départementales des territoires (DDT) s’agissant des documents d’urbanisme en cours de réalisation ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. J’ai effectivement occupé différentes fonctions, y compris dans cette enceinte. À cet égard, je fais amende honorable, car si, comme d’autres, j’ai hurlé contre les contrats de Cahors, nous sommes parvenus à relever ce défi : certaines décisions ne sont finalement pas aussi dramatiques qu’on pouvait le penser.
En ce qui concerne d’abord le fonds de réserve, qui donnera lieu à un prélèvement en 2025, nous réfléchissons aux moyens de valoriser la bonne gestion des communes lors des reversements en 2026, ce qui constituerait une évolution très significative du dispositif.
S’agissant de l’autonomie fiscale, nous devons évidemment réfléchir à la question du pouvoir de taux des collectivités. Je ne suis pas en train de vous parler de la taxe d’habitation en tant que telle, mais de la nécessité de mener un travail avec le CFL, composé d’élus, sur des critères qui permettraient de mieux répondre aux attentes – certains d’entre eux ne correspondent probablement plus à la réalité.
Pour ce qui est de la CNRACL, nous nous passerions volontiers, pour être tout à fait honnête avec vous, de ce que nous allons faire. J’ai acté, lorsque j’étais ministre du travail, de la santé et des solidarités, la situation dans laquelle se trouvait cette caisse, notamment du fait que le nombre de cotisants, c’est-à-dire d’agents, est en diminution alors que l’Ircantec, elle, a plus de cotisants parce que les collectivités comptent davantage de contractuels. Si nous ne faisons rien, c’est la capacité de versement des retraites des agents qui ont servi les collectivités qui est menacée. Nous discutons depuis quelques semaines d’un étalement un peu plus important dans le temps, compte tenu du poids, que je mesure parfaitement, du rétablissement des comptes de la CNRACL.
Quant aux départements, les allocations individuelles de solidarité (AIS) posent une très grande difficulté, liée à un effet ciseaux et à l’absence de possibilité de maîtriser ces dépenses. Je souhaite qu’on étudie les leviers possibles, notamment une sortie des AIS de la prise en compte des dépenses, puisque le fait générateur n’est pas du côté de ces collectivités : elles ne font qu’assumer ce qu’on leur demande de financer. Départements de France a demandé le renouvellement du fonds de sauvegarde créé en 2023 : c’est une piste que nous explorons pour les départements les plus en difficulté.
Je vois demain Mme Valérie Létard pour travailler sur le ZAN. Il ne faut pas lire dans notre volonté d’assouplissement - il est important de le redire devant votre commission - l’idée d’un « grand soir ». La préservation de nos espaces naturels et la maîtrise de notre souveraineté alimentaire passent par le respect de nos terres. La logique que nous suivons est celle d’un assouplissement en lien avec les questions de logement et de développement économique. Nous ferons des propositions dont il faudra discuter avec les parlementaires.
M. Marcellin Nadeau (GDR). Je me souviendrai toujours de ce titre d’un article du Canard enchaîné lors des premiers événements en Kanaky-Nouvelle-Calédonie : « Les DOM tonnent ». Le moins qu’on puisse dire aujourd’hui, c’est effectivement que les outre-mer tonnent, en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe et désormais en Martinique, dont la situation particulière peut s’expliquer par un modèle économique dans lequel l’État ne joue pas toujours son rôle pour réguler les monopoles et les oligopoles qui font les prix chez nous. C’est notamment dû à une question de moyens : le nombre de contrôleurs est très faible.
Je pourrais citer toute une série de secteurs, comme la santé, dans lesquels existent des inégalités structurelles. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de vous interpeller, lorsque vous étiez ministre de la santé, sur l’absence de structures telles que les unités pour malades difficiles et les structures de prise en charge médicale en prison, ce qui n’aide pas à régler les problèmes de violence que nous avons encore connus ces derniers temps. Que ferez-vous de plus pour répondre aux demandes et aux besoins, sachant que les moyens budgétaires de la mission Outre-mer ont été substantiellement réduits ? Et la rupture d’égalité concerne également l’eau : on connaît la situation sanitaire de certains de nos pays, les problèmes de régularité de la fourniture d’eau et la question du niveau des installations existantes.
Mais la rupture d’égalité est aussi une affaire de considération. Comment expliquez-vous, madame la ministre, qu’après plus de deux mois d’un mouvement social quasiment explosif nous n’ayons eu la visite d’aucun ministre ? Comme le dit si bien le leader du mouvement citoyen qui mène la lutte contre la vie chère, le ministre des outre-mer n’est pas chargé de l’Alaska : pourquoi ne trouve-t-il pas le moyen de venir chez nous ?
La cherté de la vie est liée à nos capacités de production : il faut en finir avec le modèle économique de la dépendance à l’égard de l’Europe et de la France, notamment sur le plan alimentaire. Cela suppose un renforcement substantiel de nos moyens de production, en particulier dans l’agriculture vivrière. Mais comment faire lorsqu’on connaît les faibles moyens d’accompagnement de nos producteurs, notamment ceux prévus par le programme 162 pour la question du chlordécone ? Comment faire aussi pour accompagner nos marins-pêcheurs lorsqu’on voit le peu de moyens alloués à la lutte contre les sargasses ? Nous attendons des réponses concrètes de l’État, et en l’occurrence, ce soir, de vous.
Mme Catherine Vautrin, ministre. S’agissant de la considération et du respect, je comprends votre attente d’une visite du ministre des outre-mer et je ne manquerai pas de lui répéter cette demande.
Les outre-mer ne font pas partie de mon portefeuille, mais je note ce que vous avez dit au sujet des moyens de contrôle : leur renforcement fait incontestablement partie des réponses à apporter.
La question de l’eau se pose effectivement dans les outre-mer, comme partout en France, y compris dans l’Hexagone. Je me souviens d’avoir travaillé sur la vaccination à Mayotte : nous avons essayé d’agir le plus rapidement possible en réponse au problème sanitaire que vous avez évoqué.
S’agissant des aspects hospitaliers, j’ai eu l’occasion, à cette époque, de recevoir le président Serge Letchimy pour un tour d’horizon sur la Martinique. Des plans d’action doivent être menés, territoire par territoire, par chacun des ministres dans le cadre des responsabilités qui sont les siennes.
En matière de souveraineté alimentaire, je partage l’idée que la meilleure des réponses est la structuration de filières permettant d’atteindre l’autonomie nécessaire dans chacun des territoires. C’est le sens dans lequel le Gouvernement doit aller.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Aurélien Dutremble (RN). Madame la ministre, je vous ai alertée il y a quelques semaines, dans une question écrite, sur la coupe budgétaire de 50 millions envisagée dans le budget pour 2025 sur le contrat de présence postale. Le Premier ministre a tenu à rassurer les élus et nos compatriotes sur le fait que la participation de l’État serait finalement préservée. Ouf, nous pouvons respirer, mais jusqu’à quand ? En Saône-et-Loire, 164 bureaux de poste risquaient de fermer dans les villages.
Quand vous supprimez encore et encore des services dans la ruralité, ce sont nos compatriotes qui sont malmenés et négligés. Vous avez déclaré lors de votre visite à Mornant, le 12 octobre, que « plus on arrivera à mutualiser, plus on fera des économies ». Pensez-vous qu’on peut encore en faire sur le dos de la France rurale et des territoires ? Vous avez déjà tout pris, tout fermé, mais vous voulez encore faire 5 milliards d’économies au détriment des collectivités en 2025.
M. David Magnier (RN). Le projet de loi de finances pour 2025 demande aux collectivités territoriales de contribuer à hauteur de 5 milliards d’euros à l’effort national. Alors que les collectivités assurent environ 60 % des investissements publics en France, un grand nombre d’élus locaux se disent contraints de réévaluer leurs priorités budgétaires en raison de la hausse continue des charges en matière énergétique. Vous avez déclaré le 15 octobre dernier que la DGF, source importante de financement pour les collectivités, devait être révisée. Un soutien financier ajusté aux réalités locales, notamment grâce au maintien et même à l’amélioration des dotations, est crucial pour que chaque territoire puisse exercer ses missions de service public d’une manière efficace et équilibrée.
Madame la ministre, comment allez-vous vous assurer que les collectivités les plus en difficulté reçoivent un soutien adéquat et proportionné à leurs besoins ? Quelles mesures concrètes le Gouvernement prévoit-il pour garantir que la DGF, tout en restant stable, suffira à couvrir les dépenses croissantes des collectivités ? Comment ferez-vous pour que les collectivités, qu’elles soient urbaines ou rurales, reçoivent un soutien financier proportionné à leurs besoins spécifiques ?
M. Julien Guibert (RN). Madame la ministre, dans le cadre de vos responsabilités en matière de cohésion du territoire et, en particulier, du plan France ruralités, vous vous engagez à améliorer l’accès à la santé dans les zones rurales, par des mesures telles que la généralisation du service d’accès aux soins (SAS) et le déploiement d’équipes mobiles d’urgence. Ce plan comprend aussi le déploiement de cent médicobus d’ici la fin de 2024 pour répondre au besoin de proximité en matière de soins. Mon territoire, la Nièvre, est dépourvu de médicobus et ne bénéficie pas d’équipes mobiles d’urgence. Les urgences de Clamecy sont actuellement fermées et celles de Decize le sont très régulièrement, ce qui accentue le sentiment d’isolement médical des habitants. Quelle action concrète envisagez-vous, en collaboration avec Mme Darrieussecq, pour répondre aux urgences de santé dans la Nièvre, où les manques sont criants ? Par ailleurs, quand le plan France ruralités sera-t-il mis en œuvre dans le département ?
Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Le 8 novembre dernier, notre commission auditionnait l’ancienne secrétaire d’État chargée de la biodiversité – je note que cette fonction n’a pas de nouveau titulaire. Je l’avais questionnée sur la prise en charge des opérations menées par les collectivités territoriales pour lutter contre le frelon asiatique. Elle avait alors fait l’éloge du fonds Vert, qui devait permettre de soutenir les actions des élus locaux en la matière. Au vu des réductions draconiennes de crédits imposées par le Gouvernement, notamment le coup de rabot sur 60 % des moyens du fonds Vert, cette réponse n’est plus d’actualité, contrairement à ma question. Au bout du compte, qui seront les grands perdants ? Les apiculteurs qui voient leur cheptel – et le service écosystémique de pollinisation – décimés, ou les collectivités qui devront apporter des financements sans bénéficier, elles-mêmes, de ressources ?
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Les collectivités territoriales doivent assumer de plus en plus de compétences afin de pallier les carences de l’État tout en maintenant des services publics essentiels pour répondre aux besoins des habitants. Elles doivent dans le même temps composer avec des moyens qui sont réduits malgré l’augmentation des dépenses subies en raison de décisions du Gouvernement. D’un côté, le salaire des fonctionnaires et le RSA sont revalorisés ; de l’autre, le Gouvernement s’attaque aux recettes des collectivités en réduisant leur capacité à lever l’impôt, avec la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En 2024, l’épargne brute des collectivités devrait ainsi baisser de 8,7 % et leur épargne nette de 15,8 %. Les difficultés sont accentuées par la hausse de 4,4 % des dépenses de fonctionnement, qui dépasse largement l’augmentation des recettes, qui n’est que de 2,3 %. Par ailleurs, la réduction de 60 % du fonds Vert et le gel des recettes de TVA ajoutent une pression budgétaire. Comment pouvez-vous justifier un tel désengagement, qui risque de fragiliser les services publics locaux dont dépendent nos concitoyens ?
M. Sébastien Humbert (RN). Le projet de loi de finances tend à faire des économies sur le dos des collectivités. L’effort de 5 milliards d’euros aura notamment un impact sur les communes, qui subiront la baisse du fonds de compensation pour la TVA. Ces choix budgétaires auront nécessairement des répercussions sur la capacité d’investissement des collectivités et un effet négatif sur l’économie. Si des pistes d’économies sont à explorer, elles devraient davantage concerner le millefeuille territorial, dont le coût a été évalué à plus de 7 milliards d’euros dans un rapport remis au Gouvernement en mai 2024. La fusion des régions a entraîné, par exemple, 200 à 300 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Au-delà de la question de l’Alsace, déjà évoquée, pouvez-vous envisager à moyen terme un retour aux anciennes régions et plus généralement une réflexion sur l’administration territoriale ? Devenue illisible, celle-ci devrait être réorganisée autour du triptyque communes-départements-État pour nous permettre de revenir à une gestion de proximité.
M. Vincent Descoeur (DR). Je souhaite évoquer à mon tour l’effort demandé aux collectivités locales dans le cadre de leur contribution au redressement des finances publiques. La situation des départements est déjà critique, en raison de la forte hausse des dépenses sociales dont ils ont la charge, conjuguée à un effondrement du produit des DMTO. Dans un département comme le Cantal, que je connais bien pour l’avoir présidé pendant seize ans, les perspectives sont plus que préoccupantes : les recettes de DMTO sont d’à peine 12 millions d’euros – une baisse de 30 % – et l’épargne nette pourrait devenir négative à très court terme si sa mobilisation devait se confirmer. Les départements ne maîtrisent pas leurs dépenses sociales : il me semble indispensable de reconsidérer le principe même de leur mise à contribution. Vous vous êtes dites ouverte à des solutions qui pourraient naître du débat en séance : je forme le vœu que les demandes légitimes des départements soient prises en compte.
M. Jean-Yves Bony (DR). Madame la ministre, vous avez fait référence au rapport de Boris Ravignon, qui a évalué à plus de 7 milliards le coût du millefeuille administratif et s’est intéressé en particulier aux financements croisés. Êtes-vous d’avis que l’on doit mettre fin à l’enchevêtrement des compétences ? Est-ce une piste à suivre pour faire des économies ?
Vous voulez renouer des liens de confiance avec les collectivités locales tout en leur faisant avaler la potion amère d’une nouvelle rigueur budgétaire. La Cour des comptes suggère, à cet égard, de supprimer 100 000 emplois dans les collectivités pour économiser 4 milliards d’euros par an. Qu’en pensez-vous ?
Mme Justine Gruet (DR). Les Français voudraient voir leur quotidien facilité, tant en matière d’accès aux services publics que de simplification des démarches pour les particuliers comme pour les professionnels. Chacun est prêt à faire des efforts dans son champ d’action, mais ils sont en droit de demander plus d’efficience aux collectivités. Un plan Vélo, par exemple, existe au niveau de l’État, au niveau des régions, compétentes en matière de mobilité, peut-être aussi au niveau des départements, au titre du tourisme, mais également au niveau des EPCI, eux aussi compétents en matière de mobilité, et enfin au niveau communal, chargé de l’aménagement de la voirie. Il faut donner plus de visibilité à nos concitoyens.
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer dès à présent le coût de la fusion des régions ou, sinon, lancer un audit en la matière ? Quel était le budget de fonctionnement avant et après 2015, par région, et quel était le nombre d’agents avant et après ? Alors qu’un tour de vis s’annonce, j’aimerais que les exécutifs locaux diminuent leur budget de fonctionnement, afin de ne pas toucher à l’investissement et ainsi de continuer à alimenter l’activité économique de nos territoires.
M. Jean-Pierre Taite (DR). À la suite de la suppression de la taxe d’habitation, je défends l’idée, avec les 122 maires de ma circonscription, qu’il est nécessaire de mettre en place une contribution territoriale universelle, impôt local dont s’acquitteraient tous les administrés. Les maires y sont évidemment favorables. Puis-je avoir votre sentiment d’élue locale expérimentée à l’égard de cette proposition ?
Mme Anaïs Sabatini (RN). Le projet de ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan, en discussion depuis plus de trente ans, est un enjeu crucial en matière de cohésion et de décloisonnement des territoires. Avant d’envisager la création de nouvelles lignes à l’horizon 2045, il est essentiel de donner la priorité aux lignes inachevées. Madame la ministre, pouvez-vous clarifier et garantir le calendrier prévu pour la mise en service de ce tronçon ?
M. Jean-Victor Castor (GDR). Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont en difficulté en ce moment même en Guyane parce que les fleuves sont à sec. Il a été question de considération tout à l’heure, mais le choix qui a été fait en Guyane est de laisser s’installer le chaos – pollution, intoxication des populations par le mercure, déforestation, mais aussi enclavement total. Cela fait plusieurs dizaines d’années que nous réclamons un centre hospitalier universitaire prenant la forme d’un hôpital neuf. Or on est en train de faire du bricolage : on met en place un CHU en installant des bâtiments et des mobile homes dans des parkings. En fait, la réponse à toutes les questions – autonomie ou désenclavement de sept communes sur vingt-deux – est « non ». Je vous invite à lire le rapport d’information que nous avons remis en novembre 2023 et surtout à apporter des réponses immédiates à la crise que traversent les populations du fleuve.
Mme Sophie Panonacle (EPR). Je n’ai pas vu dans le PLF pour 2025 de crédits visant à permettre aux territoires littoraux de faire face à l’érosion côtière. Permettez-moi de rappeler que le Comité national du trait de côte, dont j’ai coordonné les travaux, a proposé des modalités de financement sans impact pour le budget de l’État. Nous les avons reprises dans plusieurs amendements au PLF. Il s’agit en premier lieu de créer un fonds Érosion côtière, qui serait abondé chaque année par une taxe additionnelle de 0,01 % aux DMTO, pour une recette potentielle de 30 millions d’euros, et par une taxe sur les exploitants de plateformes de location touristique de courte durée, qui permettrait de dégager plusieurs centaines de millions. Les collectivités seraient, par ailleurs, autorisées à appliquer une majoration optionnelle de 20 euros sur la taxe Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) afin de financer des travaux pour lutter contre la mer, et les établissements publics fonciers pourraient augmenter la TSE (taxe spéciale d’équipement) de 20 à 40 euros pour faciliter les acquisitions et les opérations d’aménagement et de recomposition des territoires littoraux. Les maires des communes littorales et leurs populations attendent ces nouveaux dispositifs financiers. Madame la ministre, peuvent-ils avoir votre soutien ?
M. Peio Dufau (SOC). Nous avons besoin de dispositions sur mesure. L’écotaxe avait été rejetée en son temps par la Bretagne, compte tenu de son impact sur l’économie, mais on est en train de la mettre en place en Alsace. Le Pays basque, quant à lui, est traversé par un flux continu de camions – 12 000 par jour – qui ne sont qu’en transit et n’ont aucune incidence positive sur notre territoire, mais génèrent de la pollution. Êtes-vous favorable à l’instauration d’une écotaxe sur le modèle de ce qui se fait en Alsace ? Le syndicat de mobilité au sein duquel je siège manque cruellement de moyens. Je comprends votre démarche concernant le versement mobilité, mais des pollueurs passent chez nous en ne laissant que des traces néfastes. Il nous faut donc davantage d’argent.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur Dutremble, je rappelle que 15 % des maisons France Services sont des agences postales et que, comme vous l’avez dit, les 50 millions d’euros initialement visés ont été remis là où ils étaient. Néanmoins, il ne faut pas se mentir : la question qui se pose est globalement celle de l’évolution de La Poste. J’ai vu le président Wahl il n’y a pas si longtemps : la difficulté, chacun le sait, est que le courrier est de moins en moins abondant. Quand j’ai parlé de mutualisations, il ne s’agissait pas d’organiser des suppressions mais de voir comment les facteurs peuvent exercer d’autres activités, comme le portage de repas à domicile et l’accompagnement des seniors, simplement par une visite tous les jours. Ce qui nous intéresse tous, au-delà du courrier, c’est la présence humaine auprès de personnes isolées au sein de la ruralité. La redéfinition dont nous devons discuter ne doit probablement pas viser à supprimer cette présence, si importante dans tous les territoires, mais au contraire à la justifier par des services ne se limitant pas à la distribution du courrier. Un autre point que vous n’avez pas évoqué, mais qui pèse très lourd dans la discussion, est la distribution de la presse quotidienne. Ce service, qui compte pour le maintien de la vie des territoires, est très déficitaire. Nous devons y réfléchir aussi, étant entendu que je suis, comme vous, attachée non seulement à la réalité économique mais aussi à la question de la présence humaine.
S’agissant du soutien au fonctionnement, monsieur Magnier, je rappelle que le prélèvement ne concerne pas les collectivités les plus fragiles.
Pour ce qui est de la Nièvre, monsieur Guibert, je prends note de l’absence de médicobus, mais en matière d’urgences, il existait, sauf erreur de ma part, un lien avec Dijon lorsque je m’y suis rendue. Je ne dis pas que la situation est satisfaisante, mais que le système des SAS permet d’apporter une réponse de crise. Nous devons continuer à travailler sur des réponses au plus près des habitants, dans le cadre des maisons de santé.
En ce qui concerne le fonds Vert, madame Ferrer, 2,5 milliards d’euros étaient inscrits au budget pour 2024 et les crédits consommés en 2023 se sont élevés à 1,7 milliard. Nous prévoyons 1 milliard pour 2025, ce qui permettra, en agissant également dans d’autres cadres, comme celui de la DSIL, d’apporter des réponses. Les crédits seront moindres, mais on ne peut pas dire qu’il n’y en aura pas.
Par ailleurs, quand vous avez des frelons asiatiques au bout d’un grand jardin et que la terrasse d’un voisin est juste à côté, la question qui se pose est de savoir qui prend en charge la destruction du nid. J’ai connu ce genre de débat dans ma collectivité : les réponses à trouver en matière de financement ne sont pas simples.
Monsieur Humbert, le rapport Woerth est le bon vecteur pour aborder le financement du millefeuille territorial. Vous avez évoqué les communes, les départements et l’État, ce qui laisse entendre qu’il faudrait supprimer la région : je ne sais pas s’il faut en arriver là, mais une réflexion doit être menée. Le rapport Woerth a notamment réintroduit la notion de conseiller territorial.
Monsieur Descoeur, vous avez mis en avant les départements – je reconnais bien là l’ancien président de conseil général que vous êtes. J’ai dit notre ouverture concernant la prise en compte des AIS et les DTMO. De plus, une réflexion est en cours au sujet de la rétroactivité du FCTVA. Ce sont autant de points sur lesquels des réponses pourront être apportées à la faveur des débats parlementaires.
Monsieur Bony, mon objectif est que le rapport de Boris Ravignon ait une traduction très concrète – je lui ai d’ailleurs proposé de faire partie de mes équipes. S’agissant des emplois dans les collectivités territoriales, vous avez vu que mon collègue Guillaume Kasbarian avait été beaucoup interrogé lors des questions au Gouvernement sur les jours de carence. La Cour des comptes avait déjà dénoncé dans un rapport de 2023 la situation en matière d’absentéisme.
Madame Gruet, vous demandez un audit sur le coût de la fusion des régions. Il faut, bien sûr, faire une évaluation prenant en considération tous les aspects – l’harmonisation des salaires, les locaux, les économies et les mutualisations qui peuvent avoir eu lieu, mais aussi les éventuelles améliorations ou harmonisations de la qualité de service pour les habitants. Il faut regarder si on fait mieux ou moins bien, par exemple dans les transports.
Monsieur Taite, s’agissant de la notion d’impôt local, une réflexion est effectivement à mener sur le fait que rien n’est jamais gratuit : quelqu’un paie toujours à un moment. Par conséquent, nos concitoyens ne doivent-ils pas être associés au coût des services qu’ils utilisent ? Je suis favorable, à titre personnel, à l’ouverture de ce débat.
Madame Sabatini, l’objectif est déjà d’achever ce qui n’est pas terminé. Vous connaissez mieux que moi les situations locales et les oppositions à certaines lignes à grande vitesse. Celles-ci n’en restent pas moins des projets majeurs pour l’aménagement du territoire.
Monsieur Castor, je regarderai avec beaucoup d’intérêt, évidemment, votre rapport de décembre 2023. Ces sujets, je l’ai dit, relèvent du ministère des outre-mer, mais cela n’interdit pas à l’ensemble du Gouvernement de s’y intéresser.
Madame Panonacle, je vous l’ai dit ce matin : il n’y a pas eu d’arbitrage sur le sujet que vous évoquez. Si je peux m’exprimer au nom d’Agnès Pannier-Runacher, puisque nous sommes en quelque sorte chez elle, la proposition d’une taxe additionnelle aux DMTO mérite d’être étudiée, car les évolutions du trait de côte auront des conséquences non négligeables. On peut s’intéresser au secteur du logement, en effet, mais ne faudrait-il pas aussi retravailler la taxe foncière pour réduire la variabilité des recettes ? En tout cas, l’approche fiscale se défend. S’agissant de la Gemapi, je pense qu’on peut laisser aux communes la liberté de déterminer le montant d’une taxe additionnelle à condition qu’elles aient un projet déterminé en fonction du risque, mais le débat parlementaire sera l’occasion de travailler sur ce sujet. C’est d’ailleurs le sens des amendements que vous avez déposés.
Monsieur Dufau, c’est parce que la région Grand Est a pris en charge toutes les routes nationales qu’elle a pu faire ce que vous avez décrit – c’est toute la différence. J’ai discuté avec le président Rousset la semaine dernière et je n’ai pas senti qu’il voulait, à ce stade, aller dans ce sens.
M. Peio Dufau (SOC). Madame la ministre, je vous parlais de l’autoroute : c’est par là que passent les flux de camions.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je vais en reparler avec François Durovray : cela fait partie des questions sur lesquelles nous devons peut-être continuer à travailler.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Merci beaucoup, madame la ministre. Je suis persuadée que vous ferez, grâce à votre expérience d’élue locale, des propositions précieuses pour la prise en compte des territoires ruraux. Nous prendrons avec vous toute notre part dans le nécessaire dialogue entre le Gouvernement et le Parlement au sujet des défis d’ampleur qui nous attendent en matière d’aménagement du territoire.
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 29 octobre 2024 à 17 h 30
Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Jean-Yves Bony, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, Mme Danièle Carteron, M. Jean-Victor Castor, M. François-Xavier Ceccoli, M. Bérenger Cernon, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Aurélien Dutremble, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Julien Guibert, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, M. David Magnier, M. Pascal Markowsky, M. Marcellin Nadeau, M. Hubert Ott, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, Mme Marie Pochon, Mme Anaïs Sabatini, M. Raphaël Schellenberger, Mme Ersilia Soudais, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, Mme Anne-Cécile Violland
Excusés. - Mme Christelle Petex, M. Olivier Serva, M. Vincent Thiébaut
Assistaient également à la réunion. - M. Charles de Courson, Mme Justine Gruet, M. Jean‑Luc Warsmann