Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Audition de M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports 2
Mercredi 5 février 2025
Séance de 18 heures
Compte rendu n° 26
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Sandrine Le Feur,
Présidente
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous sommes très heureux, monsieur le ministre chargé des transports, de vous accueillir aujourd’hui devant notre commission, d’abord parce que la mobilité est une préoccupation fondamentale pour nos concitoyens, dont beaucoup se sentent empêchés dans leur vie quotidienne. Sans véhicule en bon état ou sans accès facile à un réseau de transports en commun, comment avoir une chance d’exercer ou de trouver un emploi, d’accéder à des soins ou à des formations de qualité ? Ces questions pèsent particulièrement sur les habitants des zones rurales. Je tiens beaucoup à ce que nous puissions soutenir les initiatives locales pour les mobilités du quotidien.
Ensuite, les transports sont le premier secteur d’activité en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Leur décarbonation est donc un objectif essentiel.
Nous devons donc répondre à des défis multiples : égalité des chances, développement des territoires, lutte contre le réchauffement climatique et résilience des infrastructures face à des dérèglements que nous ne pourrons pas éviter.
La question de l’optimisation des financements est cruciale. C’est pourquoi les indications que vous pourrez apporter sur la conférence de financement des infrastructures seront précieuses. Vous pouvez compter sur l’implication des députés de la commission pour que cette conférence puisse aboutir à des mesures dans le prochain projet de loi de finances.
Cette audition est d’abord l’occasion d’un premier échange avec vous, car les sujets nationaux comme locaux sont si nombreux que d’autres rendez-vous seront certainement utiles. Le contexte actuel est marqué par l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire. La mission d’information que nous venons de lancer ne manquera pas de se pencher sur son impact.
Le calendrier comporte également un enjeu immédiat, relatif à la fin des concessions autoroutières. Vous devez procéder de manière imminente à l’envoi d’une note à la Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France (Sanef), première société dont la concession arrivera à échéance. Cette note devrait faire en quelque sorte jurisprudence pour les six autres sociétés dites historiques, sur la manière dont l’État apprécie le bon état d’entretien des infrastructures en fin de concession. L’Autorité de régulation des transports (ART) et nos collègues sénateurs ont pointé le manque de référentiels techniques et le risque que l’État accepte un état de restitution qui impliquerait de lourds travaux ultérieurs. Quelle est votre approche ?
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. C’est avec beaucoup de plaisir et d’humilité que je me présente devant vous aujourd’hui pour ma première audition parlementaire en tant que ministre.
J’ai siégé pendant plus de quatre ans au Sénat, au sein de cette même commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. J’ai un profond respect pour le travail parlementaire réalisé dans votre commission comme dans celle de mes anciens collègues du Sénat. J’ai donc souhaité que nous puissions passer un moment ensemble.
Je vous ai également convié au ministère pour que nous puissions échanger. Certains d’entre vous ont malheureusement eu des problèmes pour s’y rendre en raison de retards de train. Nous aurons de toute façon l’occasion de nous revoir dans le cadre de la commission ou dans un autre cadre.
Ma conception du ministère des transports est celle d’un ministère au service des usagers avec, comme boussole et – j’ose le mot – comme obsession, l’amélioration constante de la qualité et de l’offre de service.
Le premier axe de mon action place donc tout naturellement l’usager au cœur de nos priorités, à commencer par la sécurité, dont votre assemblée débattra la semaine prochaine.
Les chiffres sont alarmants : près de 120 000 vols et actes violents ont été commis l’an dernier dans les transports et 87 % des femmes déclarent avoir déjà été victimes de violences sexistes ou sexuelles. Cette situation n’est pas acceptable. La sûreté demeure la première préoccupation des usagers. La proposition de loi sur la sûreté dans les transports que vous examinerez dès lundi prochain n’est pas une compilation de mesures techniques : elle se veut une réponse globale et cohérente aux enjeux de sécurité dans nos transports et vise à assurer un véritable continuum de sécurité tout au long du parcours du voyageur.
Au-delà de la sécurité, la qualité de service s’incarne dans la ponctualité et dans la régularité, mais aussi dans notre capacité à informer efficacement les voyageurs et à gérer les situations perturbées. Elle passe également par une billetterie accessible et harmonisée, enjeu crucial à l’heure de l’ouverture à la concurrence, qui permet certes un accroissement de l’offre, mais qui accentue également certains problèmes, notamment de coordination de la billettique.
Le deuxième axe concerne l’amélioration des infrastructures et du matériel existant. Ce chantier colossal est indispensable. Nos réseaux d’infrastructures nécessitent un effort important de régénération et de modernisation. La ponctualité et la régularité des services en dépendent directement. Nous devons moderniser nos systèmes de signalisation et accélérer le renouvellement de notre matériel roulant. Ces investissements sont essentiels pour garantir la fiabilité et la performance de notre réseau de transport au quotidien. Nous continuons également à renforcer nos lignes de train de nuit.
Le troisième axe est l’évolution de l’ensemble des modes de transport. Il faut d’abord développer de nouvelles offres de transport, particulièrement dans les territoires ruraux, où 13 millions de Français ont des problèmes de mobilité. Cette situation n’est plus acceptable. Un amendement que j’ai porté en tant que sénateur, qui a été pérennisé en partie dans la dernière copie du projet de loi de finances pour 2025, instaure un versement mobilité régional (VMR), dont 10 % sont spécifiquement consacrés aux territoires ruraux afin de financer de nouveaux services, mais nous devons aller plus loin.
Notre approche se veut multimodale et complémentaire. À court terme, nous développerons l’autopartage, le covoiturage et les cars express pour mailler efficacement les zones moins denses. Les services express régionaux métropolitains (Serm) constituent un autre levier majeur. Ils apporteront des solutions concrètes pour les projets de transport quotidien conduits par les grandes agglomérations. Notre objectif est clair : offrir une alternative crédible à l’autosolisme, qui concerne aujourd’hui 84 % des déplacements entre le domicile et le travail. Cette transformation des usages est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques, puisque le secteur des transports représente encore 31 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Nous n’opposons pas les modes de transport. Ils doivent être complémentaires. Je suis d’ailleurs un fervent défenseur du chemin de fer et j’appelle depuis des années à la modernisation et à la régénération des lignes, notamment celles de desserte fine du territoire, de trains de nuit et de fret. Toutefois, la route reste indispensable et le restera probablement, même en cas de doublement de la part modale du rail.
Nous avons en France des filières industrielles d’excellence, notamment dans le secteur aéronautique. C’est un atout majeur qu’il nous faut préserver et développer. Nous continuerons à soutenir activement la décarbonation du transport aérien, notamment par le développement du carburant durable d’aviation (SAF). Malgré un contexte budgétaire contraint, il nous faut poursuivre les investissements dans le cadre du Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac). Il ne faut pas oublier les aéroports, qui constituent un atout majeur pour l’aménagement des territoires et pour notre compétitivité, ni de prendre en compte les revendications légitimes des riverains contre les nuisances.
La filière automobile fait face à un impératif de décarbonation. Ce sujet est cher à votre commission et je salue les récents travaux sur le verdissement des flottes.
Mon ambition porte également sur le développement des autres modes de transport et de leurs filières. Le transport fluvial représente un potentiel pour notre pays et pas uniquement pour l’ouverture des Jeux olympiques. Les fleuves sont de puissants corridors de développement économique pour nos territoires. Je pense notamment à l’axe méditerranéen Rhône-Saône ou à l’axe Seine-Escaut, qui ont vocation à devenir de véritables dorsales européennes. Le renforcement des connexions ferroviaires dans l’hinterland de nos ports est une priorité. Il faut développer nos interfaces portuaires pour en faire de véritables hubs logistiques européens. Cette transformation est essentielle pour la compétitivité de notre économie, la décarbonation du transport de marchandises, mais surtout le report modal et la décongestion de nos routes.
Le quatrième axe de mon travail consiste à mener une réflexion sur la remise à plat du modèle existant et sur de nouveaux modèles. Nous sommes à un moment charnière de notre histoire en matière de gestion des infrastructures de transport. L’année 2031 marquera le début d’une période cruciale, qui s’ouvrira avec la fin des concessions autoroutières.
Mes services adresseront d’ailleurs prochainement un courrier à la société Sanef – la première concernée par cette échéance – pour préciser les conditions de restitution des infrastructures. Cette étape n’est pas qu’administrative. Elle ouvre un nouveau chapitre dans la gestion de notre patrimoine routier national. Il s’agit du programme d’entretien de renouvellement pour les cinq dernières années de concession qui doit permettre d’assurer la remise des ouvrages en bon état à l’État à l’échéance de la concession, en 2031.
L’État défend, et j’en suis le garant, une vision exigeante des investissements nécessaires. Il s’agit du patrimoine des Français et il n’est pas question d’abaisser nos exigences. Par ailleurs, il ne suffit pas de veiller à la bonne réalisation des investissements qui sont dus, il est également nécessaire désormais de préparer l’avenir dans un contexte de transition écologique de nos infrastructures, un des thèmes de la conférence de financement des mobilités.
Nous devrons avoir un débat démocratique sur la tarification, sur les investissements nécessaires, sur la gouvernance et, plus largement, sur une vision à long terme pour nos infrastructures. Les scénarios doivent rester ouverts, tout en conservant l’exigence de la qualité de service pour l’usager. Il nous faut également chercher à éviter de reproduire les erreurs commises dans la négociation des contrats avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Cette échéance nous oblige aussi à repenser en profondeur le système actuel de financement des mobilités, qui est à bout de souffle. Nous anticipons un tarissement des recettes carbonées, avec une baisse d’environ 13 milliards du produit de la fiscalité des carburants d’ici à 2030. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui constitue aujourd’hui une ressource majeure pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf France), est vouée à disparaître à l’horizon 2050, ce qui est une bonne chose puisque cette disparition est liée à notre trajectoire de décarbonation.
Face à ce constat, nous ne pouvons plus nous contenter d’un pilotage budgétaire annuel. Les infrastructures de transport s’inscrivent par nature dans le temps long et leur financement doit suivre la même logique. C’est pourquoi j’ai décidé d’organiser au printemps une conférence nationale sur le financement des mobilités, que le Premier ministre a d’ailleurs évoquée dans sa déclaration de politique générale.
Elle devra formuler des propositions concrètes pour transformer notre modèle et donner une plus grande visibilité à ce secteur, qui en a plus que jamais besoin. J’y associerai en premier lieu le Parlement, les collectivités territoriales et les opérateurs du secteur, mais aussi les usagers, les chercheurs, les administrations et les acteurs économiques. C’est en effet collectivement que nous devons imaginer ce nouveau modèle. N’oublions jamais que, derrière ces questions de financement et d’infrastructure, il y a la réalité sociale vécue par des millions de nos concitoyens, qui dépendent des transports pour leur vie quotidienne.
Les défis qui nous attendent sont immenses et les sujets sont vastes : fin des concessions autoroutières, transformation de notre modèle de financement, impératif de la transition écologique, maillage de notre territoire, développement des mobilités douces, modernisation et régénération du matériel existant. Autant de chantiers qui nécessiteront notre engagement collectif.
Je suis convaincu que c’est par le dialogue et la concertation que nous trouverons les meilleures solutions. C’est dans cet esprit que je me présente ce soir devant vous et que je souhaite travailler avec votre commission.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des orateurs de groupe.
M. Pierre Meurin (RN). Ma première question concerne les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), au sujet desquelles vous avez écrit un rapport au nom d’une mission d’information sénatoriale, en 2023.
Ce sujet me tient également à cœur. J’ai porté une proposition de loi visant à leur suppression, mais je suis prêt à travailler en concertation avec le gouvernement pour dégager une position de consensus. J’ai lu attentivement votre rapport, qui propose notamment de reporter à 2030 l’instauration des ZFE prévue par la loi « climat et résilience » et les restrictions concernant les véhicules Crit’Air 3.
Ma question est très simple : avez-vous envie d’être le ministre de la ségrégation sociale qui accompagnera l’interdiction faite à 13 millions de véhicules de circuler dans quarante-deux métropoles françaises ? Considérant les positions que vous avez prises par le passé lorsque vous étiez parlementaire, je ne le pense pas.
Le dispositif Crit’Air n’a absolument aucun sens, puisqu’il est fondé sur l’ancienneté des véhicules et non sur leurs émissions de pollution réelles. Vous êtes parfaitement conscient que de très nombreux Français ne pourront pas s’adapter dans un temps aussi court. Je vous conjure de prendre position sur ce sujet en tant que ministre, ce qui aura plus d’écho que lorsque vous étiez parlementaire. Cette question est très importante. J’ai d’ailleurs redéposé une proposition de loi visant à supprimer les ZFE.
Ma seconde question concerne la fin des concessions autoroutières, entre 2031 et 2036. Il faut l’anticiper dès maintenant et la conférence de financement est urgente. Je rappelle les délais : un an de recouvrement entre l’ancien et le nouveau prestataire, un à deux ans d’appel d’offres, un an au préalable de cahier des charges. Cela signifie que, dès 2027, le gouvernement devra prendre position. Avez-vous pris ces délais en compte ?
Envisagez-vous un abaissement du prix du péage pour les Français ? Je rappelle que de très nombreuses sociétés autoroutières proposent dès maintenant de réaffecter les taxes auxquelles elles sont assujetties à l’entretien du réseau routier secondaire et que nous sommes passés du premier au dix-huitième rang mondial pour la qualité de nos routes secondaires.
M. Philippe Tabarot, ministre. Je vous remercie d’avoir lu mon rapport aussi attentivement. Cela me fait plaisir.
J’ai préconisé le report de l’application des ZFE car je considérais que le dispositif Crit’Air souffrait, en l’état, d’un manque de coordination et d’informations et d’une déficience dans les contrôles et dans l’accompagnement. Je ne nie pas, et je n’ai jamais nié, les effets de la pollution de l’air sur les victimes et sur notre environnement. Toutefois, ce sujet me semble aujourd’hui moins d’actualité, à la fois en raison de l’amélioration concrète de la qualité de l’air et de l’évolution de la technologie des véhicules.
Lorsqu’il était ministre, Christophe Béchu a assoupli le calendrier de déploiement des ZFE prévu par la loi « climat et résilience ». Par ailleurs, les municipalités se sont rendu compte, quelle que soit leur couleur politique, qu’elles n’étaient pas à même de mettre en place ce dispositif, par manque d’une coordination régionale – dont la responsabilité pourrait revenir au préfet de région –, particulièrement nécessaire dans des régions comptant plusieurs ZFE. À l’époque, j’avais très fortement défendu l’option d’un prêt à taux zéro. J’ajoute que tout le monde veut récupérer les recettes potentielles des amendes, mais personne ne veut réaliser les contrôles.
Il me semble que, de lui-même, le système des ZFE s’est beaucoup desserré. Hormis les ZFE parisienne et lyonnaise, qui appliquent l’interdiction aux véhicules Crit’Air 3, les ZFE sont classées en territoire de vigilance.
La question de la fin des concessions est intimement liée à la conférence de financement. Les délais que vous avez cités sont corrects et la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) travaille dans cette perspective. Ainsi, dès demain, nous allons adresser une note à la Sanef.
M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Le secteur des transports est le plus polluant de la planète et il représente, à l’échelle nationale, environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc œuvrer en faveur de la transformation de nos mobilités pour évoluer vers un monde plus durable.
Les mégacamions sont souvent écartés du début public national. Ils représentent pourtant une innovation à même de favoriser la transition écologique du secteur et leur utilisation est une réussite dans plusieurs pays européens : depuis plusieurs années, des mégacamions circulent sur les routes de Finlande, du Danemark ou de Suède et, depuis quelques mois, sur celles d’Espagne.
Leurs avantages sont indéniables. Ils permettent de transporter davantage de marchandises en un seul voyage, entraînant de fait une réduction du nombre de camions sur les routes, des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique. Ils contribuent aussi à fluidifier le trafic, à réduire les temps de transport et à diminuer les risques d’accidents.
Une expérimentation des mégacamions en France était prévue en 2010. Quinze ans plus tard, les transporteurs français l’attendent toujours.
Je n’ambitionne pas de connaître la position du gouvernement sur les mégacamions, mais simplement de savoir s’il envisage de mener une étude scientifique pour mesurer leur éventuel impact sur les routes de France.
M. Philippe Tabarot, ministre. Le sénateur que j’étais encore il y a quelques jours n’était pas très « fan » des mégacamions, pour différentes raisons parmi lesquelles la sécurité routière – mais je demande à être convaincu du contraire –, l’état des routes et d’autres encore, notamment la crainte de les voir accélérer la fin du fret ferroviaire, auquel je suis très attaché. J’avais d’ailleurs déposé un amendement modifiant le projet de loi « climat et résilience » pour y inscrire l’objectif du doublement de la part du fret ferroviaire dans notre pays.
Certains pays européens utilisent effectivement les mégacamions et signent des accords bilatéraux avec leurs voisins. J’ai reçu hier après-midi mon homologue allemand, qui n’y est pas du tout favorable. Nous ne pourrons donc pas évoluer sur cette question avec notre voisin, dont la position est assez ferme, mais il est vrai que l’espérance de vie de mon homologue allemand n’est pas forcément plus longue que la mienne.
Je ne prendrai pas de position ferme et définitive sur ce sujet aujourd’hui. Le débat ne doit pas être totalement clos. Il faut entendre les arguments des uns et des autres et comprendre l’impact des mégacamions sur nos routes, qui sont dans un état assez délabré.
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Les ministres passent, mais les feuilles de route se ressemblent. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe des objectifs clairs afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Ces objectifs sont nécessaires pour ralentir le réchauffement climatique et nous affranchir en partie de la dépendance aux énergies fossiles.
L’objectif du gouvernement est d’atteindre une baisse de 31 % des émissions de gaz à effet de serre dans les transports à l’horizon 2030. Il compte pour l’atteindre sur une augmentation de la proportion de véhicules électriques neufs dans le parc roulant de 18 % en 2024 à 65 % dans cinq ans, par une augmentation de 25 % de l’offre de transport en commun et par un doublement du fret ferroviaire
J’observe toutefois que les véhicules électriques se vendent trop peu, car les concessionnaires augmentent drastiquement les prix de l’entrée de gamme tout en délocalisant massivement. Dans le même temps, vous abaissez l’ensemble des aides à l’acquisition de véhicules propres.
Quant aux transports en commun, tout le monde en veut, mais les moyens ne sont pas à la hauteur. Les transports en commun ne se développent pas sans financement et la concurrence ne permet pas de désenclaver les territoires abandonnés de la République. Les Serm peuvent encore attendre.
Comment le fret ferroviaire peut-il doubler en cinq ans alors même que l’outil de production et les secteurs rentables de fret SNCF ont été cédés gratuitement à la concurrence et que le gouvernement, qui donne la priorité au marché, remplace les trains existants par des camions électriques ?
Sans planification, la stratégie nationale bas-carbone ne sera qu’une stratégie basse tout court. À quand un vote sur les infrastructures prioritaires à développer ? À quand une grande loi de programmation pluriannuelle sur les transports, nécessaire pour planifier les infrastructures prioritaires à développer ? Les autoroutes, infrastructures qui datent du siècle dernier, vont à l’encontre même d’une réduction des gaz à effet de serre. Elles développent l’artificialisation des sols et le trafic induit est sous-estimé, selon le Haut Conseil pour le climat. Ces arguments sont ceux de scientifiques parmi les plus éminents que compte notre pays.
Vite, un moratoire sur les projets routiers et autoroutiers afin de recalibrer les impacts réels sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Vite, des investissements massifs dans le fret ferroviaire. Vite, un débat démocratique pour discuter des orientations stratégiques.
Les 15 millions de personnes en précarité mobilité ont besoin de transports quotidiens, pas de grands projets inutiles qui ne satisfont que les actionnaires de Vinci à hauteur de 50 milliards en trente ans. L’intérêt général commande pourtant de faire pour tous et non pour quelques-uns. C’est ce que les grévistes revendiquent. Il faut les écouter au lieu de casser leur droit de grève, pourtant garanti par la Constitution.
M. Philippe Tabarot, ministre. Je suis particulièrement attaché au fret ferroviaire, comme j’ai pu le démontrer en faisant adopter l’objectif de son doublement lors de l’examen du projet de loi « climat et résilience ». J’ajoute qu’une des seules bonnes nouvelles pour le secteur des transports dans le budget pour 2025 est l’augmentation de l’aide publique à l’activité de wagon isolé, qui passe de 70 à 100 millions d’euros. La seule augmentation de crédits dans le budget des transports concerne le fret.
J’entends que vous n’êtes pas favorable au plan de discontinuité de fret SNCF, mais il ne s’agit pas d’un choix. C’est une obligation puisque, sans ce plan, ce serait la fin du fret public en France et la perte de 5 000 emplois. Grâce à ce plan, 4 500 emplois seront conservés et 500 cheminots seront amenés à apporter leurs compétences à la SNCF dans d’autres secteurs. Il n’y avait pas d’autre solution, à part payer à l’Europe 5 milliards dont chacun sait que nous sommes parfaitement incapables de les acquiter.
S’agissant des routes, je suis persuadé – c’est quelqu’un qui a porté des projets ferroviaires et qui s’est battu pour sauver des petites lignes de desserte fine de territoires qui vous le dit – qu’il faut arrêter de monter les modes de transport les uns contre les autres. Le bon mode de transport est celui qui convient au bon endroit. L’objet des Serm est de faire en sorte que les modes de transport s’imbriquent et se coordonnent en fonction du territoire.
Depuis que je suis ministre, j’ai reçu des demandes par dizaines, voire par centaines, de parlementaires de tous bords. Beaucoup viennent me voir pour discuter de projets routiers. Leur objectif n’est pas de faire gagner quelques minutes à ceux qui les empruntent pour le travail ou les loisirs, mais de sécuriser des routes particulièrement dangereuses et de désengorger celles, fréquentes dans les itinéraires de contournement des agglomérations, où des embouteillages quotidiens aggravent la pollution atmosphérique. Tels sont les critères de sélection et de financement des projets routiers.
S’agissant du versement mobilité, je suis très fier – le combat a été rude – d’avoir réussi à le faire voter au Sénat de façon transpartisane, avec certains de vos amis politiques, monsieur Carrière. Il permet aux régions de mettre en œuvre les Serm et d’augmenter l’offre de transport dans les secteurs ruraux, au profit notamment de ceux qui, lors de l’entrée en vigueur de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, s’étaient refusés à se placer sous le joug des régions, préférant maintenir l’organisation des transports en commun au sein de leur communauté de communes sans avoir les moyens matériels pour ce faire. En matière de mobilité, aucun territoire ne doit être oublié. J’espère que le versement mobilité, à la main des régions, permettra à chacune de proposer une offre de mobilité adaptée.
M. Fabrice Roussel (SOC). Organiser une grande conférence de financement sur les mobilités, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Notre pays mérite une vraie ambition en matière de transport collectif. Pour assumer notre volonté politique d’offrir de véritables alternatives à la voiture individuelle, il faut donner aux Français les moyens d’utiliser massivement les transports collectifs. À l’heure actuelle, 22 % d’entre eux les utilisent au quotidien.
Alors qu’ils apprécient leur praticité et leur faible empreinte carbone, ils sont encore trop nombreux à se plaindre du manque de transports publics près de chez eux et des faibles fréquences de passage. Tous les Français n’habitent pas dans les centres des grandes villes, qui sont pourtant les seuls territoires bien desservis. La mobilité doit être solidaire. Il ne peut pas y en avoir que pour les grandes villes au détriment des autres territoires. Il faut rouvrir des petites gares. Les Français ont besoin d’une égalité de traitement, pas seulement de cars express.
Égalitaire et dématérialisé, le projet national de titre unique de transport doit voir rapidement le jour. En un seul clic, avec un seul titre, les usagers devront être en mesure de choisir et d’emprunter le mode de transport le plus adapté à leurs besoins. Il doit aussi être solidaire, ce qui exige une vraie réflexion sur son prix.
Par ailleurs, nous ne demandons pas une exploitation vingt-quatre heures sur vingt‑quatre des lignes de réseau, ce qui empêcherait de préserver la bonne réalisation des opérations de maintenance, qui doivent être fréquentes et régulières. Toutefois, il faut augmenter les fréquences de passage sur les plages horaires élargies. Les Français ont besoin d’un réseau de transports en commun qui fonctionne.
Il faut développer les Serm pour enfin relier les territoires entre eux. Les trains du quotidien doivent être une véritable boussole et une priorité pour désenclaver les territoires. Une grande réflexion doit être menée sur les gares, plateformes intermodales qui doivent redevenir des lieux de vie, au croisement des différentes activités, en ville comme en milieu rural, avec une vraie présence des services publics.
Et parce que l’on sait que l’usage de la voiture perdurera, que de très nombreux foyers sont encore dépendants de l’automobile et que l’électrification est la moins mauvaise des solutions alternatives à la voiture thermique, il faut aller vers le verdissement des flottes pour démocratiser enfin la voiture électrique. L’autre priorité du gouvernement doit être de travailler à la rendre accessible, moins chère et de fabrication française pour rattraper notre retard et nous dissocier du marché chinois.
Il faut donc rétablir les crédits en matière d’aide à l’acquisition de véhicules moins polluants et renforcer les aides à l’acquisition de véhicules moins émetteurs, dans un objectif de justice environnementale et de justice sociale. Cela exige une vraie phase de financement. Monsieur le ministre, quels moyens êtes-vous prêt à offrir à la décarbonation des transports du quotidien ?
Les mobilités ont un coût, qu’il faut assumer. L’État doit être au rendez-vous. Nous proposons d’aller vers une loi de programmation, parce que la mobilité doit être l’un des objectifs premiers de l’action de l’État, par-delà l’instabilité politique et la fin du quinquennat.
M. Philippe Tabarot, ministre. Monsieur Roussel, je partage votre constat à 95 %. J’ai rappelé dans mon propos liminaire que 13 millions de Français sont en précarité de transport. S’agissant des transports en commun, j’ai rappelé les combats que j’ai menés pour faire adopter le versement mobilité, qui permet notamment de couvrir des territoires ruraux. Vous convenez de l’importance du rôle des Serm, créés par une loi dont j’ai été rapporteur au Sénat, et que j’ai amendée dans le sens que vous souhaitez.
Sur les systèmes de billettique, vous avez raison non à 100 % mais à 200 % : il y en a 200 dans notre pays. Il s’agit d’un gros chantier, que j’espère avoir le temps de mener à bien. Je travaille avec la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui a formulé des propositions particulièrement pertinentes pour résoudre un problème auquel les usagers sont quotidiennement confrontés.
Billettique propre aux régions, distinction entre trains express régionaux (TER) et TGV au sein de la SNCF, ou entre transport conventionné et service librement organisé parmi les entrants : il faut revoir les systèmes de billettique de fond en comble. Le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) a aussi fait des propositions et a beaucoup travaillé. Je m’inspirerai de certaines de ses propositions.
Si nous pouvons être fiers d’avoir un réseau offrant une liberté tarifaire, obtenue de haute lutte par les régions après un combat de plusieurs années, nous devons aussi penser aux usagers et leur faciliter la vie. Ce morcellement ne peut pas durer.
S’agissant du verdissement du parc automobile, je ne peux que dresser le même constat que vous. Comme je l’indiquais déjà dans mon rapport d’information sur les zones à faibles émissions (ZFE), l’offre n’est pas au rendez-vous du point de vue financier. Les dispositifs mis en œuvre pour amorcer une évolution positive, tels que la prime à la conversion et le bonus écologique, l’ont été dans une période financièrement plus favorable et de façon insuffisamment ciblée, de sorte qu’ils ont peut-être subventionné certaines industries qui ne sont pas forcément françaises ni européennes et certaines personnes qui n’étaient pas celles qui en avaient le plus besoin. Qu’il s’agisse du neuf ou de l’occasion, l’offre de véhicules électriques n’est pas conforme aux revenus des Françaises et des Français.
M. Antoine Vermorel-Marques (DR). Au nom du groupe Droite républicaine, je vous remercie, monsieur le ministre, de venir devant notre commission exposer les lignes directrices de votre politique et répondre à nos questions.
La semaine prochaine, nous examinerons en première lecture la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, que vous avez déposée lorsque vous étiez sénateur. Notre groupe se réjouit de sa prompte inscription à notre ordre du jour. Ce texte offre une réponse simple, concrète et efficace à un état de fait qui nous préoccupe tous.
Les chiffres sont éloquents. Même en baisse, ils décrivent la réalité intolérable d’une violence quotidienne subie par les usagers des transports en commun : plus de 118 000 vols et violences en 2023, concentrés dans les métropoles, notamment dans le Grand Paris qui en enregistre la moitié ; neuf femmes sur dix déclarant avoir été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel dans les transports en commun.
Or l’action de nos forces de sécurité est contrainte par un cadre légal incomplet et imparfait qui ne leur permet pas de lutter autant qu’elles le devraient contre ces atteintes à notre sécurité collective. C’est une question de bon sens : comment admettre que, en 2025, les agents ne puissent intervenir que dans les gares et soient contraints d’abandonner toute poursuite si les contrevenants en franchissent le seuil ?
Nous approuvons la généralisation des caméras-piétons, dont les expérimentations ont été très concluantes. Elles protègent les agents et les usagers. Nous saluons l’amélioration de la spécification des infractions commises dans les transports et dans les gares. Elle permettra de mettre un terme à une forme d’impunité dont bénéficient parfois les auteurs d’actes délictueux.
Le mois dernier, vous avez lancé le dispositif Stop fraude, qui autorise les agents de recouvrement assermentés à vérifier l’adresse fiscale des contrevenants afin de lutter contre les déclarations fallacieuses. C’est une avancée notable. Trop souvent, il suffit au fraudeur de communiquer de fausses informations à l’agent pour s’en sortir impunément, ce qui ne manque pas de les faire douter de l’utilité réelle de leur mission.
Toutefois, la vérification introduite par le dispositif Stop fraude est différée, ce qui empêche de confronter les personnes incriminées ayant menti sur leur domiciliation. Nous partageons avec vous l’idée que ces vérifications, pour être pleinement efficaces, devraient pouvoir être effectuées instantanément par les agents de contrôle, dans le respect de notre cadre légal.
Par ailleurs, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, demande l’élargissement de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre des contrôles, non seulement aux abords des lieux des grands événements, mais aussi dans les transports du quotidien. Comment envisagez-vous la mise en œuvre pratique de cette procédure nouvelle qui exigera, si elle est adoptée, une grande réactivité entre les agents de contrôle et de recouvrement ? Plus généralement, comment envisagez-vous les missions qui sont les vôtres pour assurer la sécurité des millions de Français empruntant chaque jour les transports en commun ?
M. Philippe Tabarot, ministre. L’examen de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, inscrit à l’ordre du jour de votre séance publique lundi prochain, nous offrira l’occasion d’aborder les sujets que vous évoquez. Si elle a été adoptée à une large majorité par le Sénat et examinée en commission des lois de l’Assemblée nationale en présence de Clément Beaune, alors ministre des transports, son examen en séance publique a été différé par la dissolution décidée par le Président de la République puis par l’adoption, pour la première fois depuis 1962, d’une motion de censure, après qu’un nouveau rapporteur, M. Gouffier Valente, a été nommé.
Cette proposition de loi, je l’ai élaborée avec les acteurs du terrain. Je n’ai pas voulu en faire un combat politique. Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, dite loi Le Roux-Savary, adoptée sous un pouvoir socialiste. Sur ces sujets, dépasser les clivages est possible. La loi Le Roux‑Savary présentant certains angles morts, j’ai souhaité les combler.
La possibilité offerte aux agents de police ferroviaire, qu’ils relèvent de la surveillance générale (Suge) ou du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) d’utiliser l’intelligence artificielle en vue d’améliorer la sécurité de nos concitoyens vise à créer un véritable continuum de sécurité et à appliquer des peines plus adaptées à ce qui se passe de nos jours, en tenant compte du retour des agents de terrain.
Que les opérateurs et les agents souhaitent que la proposition de loi soit adoptée m’incline à penser qu’il y a un vrai besoin. Parmi les victimes, il y a des agents. Les conducteurs de bus sont régulièrement agressés – Jean Castex a donné les chiffres lors de sa cérémonie de vœux. Il faut s’adapter en autorisant le recours au caméras-piétons, à la captation de son dans les situations d’urgence et aux interventions proportionnées.
Par ailleurs, il arrive que les femmes ne puissent pas emprunter en sécurité certaines lignes à certaines heures de la journée, s’en trouvant de fait assignées à résidence. Concrètement, elles sont 86 % à déclarer avoir été agressées par des gens tenant des propos sexistes ou par ce que l’on appelle des « frotteurs », connus des agents mais auxquels ceux-ci ne peuvent interdire l’accès aux gares et aux rames.
Nous aurons l’occasion d’aller plus loin lors de l’examen de la proposition de loi lundi prochain dans l’hémicycle. Son objet n’est ni de faire des effets de manche ni de chuchoter à l’oreille d’un certain électorat. Elle répond à une demande des agents de terrain pour se protéger eux-mêmes, leurs collègues et les utilisateurs des transports en commun, notamment les plus faibles.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je parlerai de transition des mobilités. Personne n’ignore que les mobilités constituent une importante source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) – de l’ordre de 28 % en France – et que la voiture individuelle en prend une grande part, contrairement au transport ferroviaire qui est beaucoup plus décarboné. Reporter nos mobilités de la voiture vers le transport en commun, notamment le transport ferré, est un enjeu majeur.
Il est impossible d’avoir un transport ferré efficace et disponible sans réseau ferré en bon état, bien régénéré, vaste et ouvert. Le projet de loi de finances qui vient d’être adopté prévoit une diminution des crédits de l’Afitf de l’ordre de 900 millions par rapport à 2024, soit quand même un cinquième de son budget, ce qui n’est pas négligeable.
Vous serez donc amené à faire des choix de réductions de financement étant donné que l’Afitf finance le transport routier, tant l’entretien que l’ouverture de routes, et le transport ferroviaire. Je ne vois pas comment on peut faire autant avec moins d’argent. J’aimerais connaître vos priorités.
S’agissant du réseau ferré, les attentes de régénération et de réouverture de lignes sont nombreuses. Or la France investit 51 euros d’argent public par habitant dans son réseau ferré, soit moins que l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, laquelle investit 115 euros par habitant, et c’est bien davantage au Royaume-Uni. Quel est votre point de vue sur ces chiffres ? Considérez-vous comme moi que les pays limitrophes sont de bons exemples que nous devrions imiter ?
L’entretien du réseau repose principalement sur les finances de SNCF Réseau, le reste étant financé par l’opérateur historique par le biais d’un prélèvement sur les bénéfices de SNCF Voyageurs, ce qui, soit dit en passant, introduit une distorsion de concurrence avec les opérateurs qui arrivent progressivement sur le marché en raison de la mise en concurrence sur notre réseau ferroviaire. Que pensez-vous de cette distorsion de concurrence ? Vous semble‑t‑il tenable à long terme de continuer à prélever une part des bénéfices de SNCF Voyageurs pour financer notre réseau ?
Enfin, je formulerai une proposition de solution au problème suivant : les poids lourds qui transportent nos marchandises sur les routes n’en paient pas les externalités négatives. Un camion de 30 tonnes use autant la chaussée que plusieurs milliers de voitures d’une tonne, car l’attrition du revêtement est une fonction exponentielle et non proportionnelle du nombre d’essieux. En somme, nos impôts financent une grande part du transport routier.
Une taxe poids lourds, comme il en existe dans la plupart des pays voisins, a été envisagée. Celle de l’Allemagne rapporte 8 millions par an, qui sont investis dans le réseau ferré. En France, une telle écotaxe en rapporterait neuf, dont nous pourrions faire semblable usage. Cela vous semble-t-il pertinent ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Monsieur Bonnet, nous nous voyons chaque jour ou presque en ce moment ! Nous nous sommes vus hier soir, avec d’autres parlementaires, pour parler longuement de la magnifique ligne Paris-Clermont-Ferrand, qui connaît des difficultés. Je me rendrai très prochainement à Clermont pour affronter les usagers lors d’un comité de ligne dont je sais qu’il sera houleux. La SNCF a pris des engagements, hier soir encore ; elle devra les tenir.
Concernant le budget des transports, je ne nierai pas – comment le pourrais-je ? – que celui de l’Afitf diminue de 900 millions ni qu’il faudra faire des choix pour l’année en cours, notamment d’étalement des dépenses. Ce qui a été annoncé sera fait. Les engagements de l’Afitf seront peut-être un peu décalés, mais ils seront honorés.
Je fais désormais partie du gouvernement, après avoir appartenu à une formation politique qui, à tout le moins, ne l’a pas franchement soutenu. Moi-même, en tant que rapporteur des quatre derniers budgets des transports au Sénat, je n’ai pas ménagé mes critiques sur ce qui était investi dans le réseau.
Il faut toutefois reconnaître que, depuis quelques années et singulièrement depuis 2022, les investissements dans le réseau, notamment ferroviaire, augmentent de façon significative. Ils s’élevaient à 3,5 milliards en 2022, à 3,7 milliards en 2023 et à 4,3 milliards en 2024. Nous revenons donc au montant de 2023. Je m’abstiendrai, pour ne pas mettre mal à l’aise les soutiens du gouvernement d’alors, de citer des chiffres plus anciens – je dis cela en plaisantant, d’autant que d’autres efforts ont été consentis. Le réseau ferroviaire a été un peu oublié. Nos investissements y demeurent plus faibles que ceux d’autres pays, notamment les Pays-Bas et la Suisse.
Il ne faudrait donc pas qu’une telle réduction budgétaire se renouvelle, car nous risquerions alors de reprendre le retard que nous avions rattrapé en matière de régénération et de modernisation de lignes. À nous de nous battre et, surtout, de trouver des solutions pour investir plus massivement sur le réseau ferré français dans le cadre de la conférence de financement.
S’agissant de la participation de la SNCF, ce qui permet d’investir comme nous le faisons depuis plusieurs années, c’est le fonds de concours de la SNCF, qui est investi dans SNCF Réseau. La SNCF n’a qu’un seul actionnaire, l’État, qui utilise, par le truchement du fonds de concours, ce qu’il gagne en France ou à l’étranger. Il m’arrive d’entendre critiquer le fait que la SNCF fasse des bénéfices à l’étranger ; ils sont pour la plupart réinvestis sur le réseau français.
Je souhaite que la SNCF continue à financer le réseau dans la mesure du possible, sans exclure que l’effort soit partagé avec les opérateurs bénéficiant de l’ouverture à la concurrence dès lors qu’ils parviennent à l’équilibre financier. Tel est le cas par le biais des péages ferroviaires, qu’ils acquittent à un prix réduit pendant les trois premières années d’exploitation. Il ne faut pas exclure qu’ils le fassent plus durablement, financièrement ou en étant soumis, comme la SNCF, à des obligations de service public. Nous devrons y travailler à l’avenir. Plus les opérateurs seront nombreux, plus les contributeurs à la modernisation de notre réseau le seront, par le biais de péages ferroviaires ou de fonds de concours.
S’agissant de l’écotaxe, elle a été décidée par le ministre Dominique Bussereau. Sa montée en puissance aurait pu rapporter jusqu’à 5 milliards, qui seraient bien utiles aujourd’hui pour financer l’Afitf. La ministre qui lui a succédé, qui a quitté la vie politique mais la commente souvent sur les chaînes d’information en continu, Mme Ségolène Royal, a décidé du jour au lendemain, alors même que les portiques étaient érigés, de mettre un terme à l’écotaxe.
L’écotaxe a refait surface lors de l’examen de la loi climat et résilience. Le Sénat a fait en sorte que cette dernière laisse la possibilité aux régions frontalières d’un pays ayant adopté une écotaxe, nommément la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), de faire de même. La CEA l’a fait. Nous suivons sa mise en œuvre avec beaucoup d’attention, les effets de bord n’étant pas à exclure.
Quoi qu’il en soit, le débat sur cette décision, certes courageuse, n’est pas clos. Elle risque de braquer certaines entreprises françaises du secteur. Peut-être la CEA pourra-t-elle les aider dans le cadre de sa transition énergétique. Pour éviter que nos routes ne soient pas financées par ceux qui les détériorent le plus, cette solution n’est pas sans intérêt.
M. Xavier Roseren (HOR). Je tiens à saluer, au nom du groupe Horizons et indépendants, votre engagement en faveur de la modernisation et du renforcement de notre système de transports. Ce dernier est essentiel non seulement aux déplacements quotidiens, mais également à la vitalité économique et sociale de notre pays, notamment dans les zones rurales et montagneuses où le transport constitue un levier fondamental contre l’isolement.
Le transport ferroviaire a un rôle clé à jouer dans la transition écologique. Dans cette optique, la relance des trains de nuit est nécessaire car ceux-ci représentent une alternative bas-carbone efficace pour les longs trajets. La ligne entre Paris et Saint-Gervais-les-Bains, qui existait jusqu’en 2016, est un exemple emblématique d’un train reliant de manière durable la capitale aux régions de montagne. Pouvez-vous préciser les orientations stratégiques envisagées pour renforcer l’offre de trains de nuit en France, notamment pour cette ligne qui ne figure pas sur la liste des dix premières réouvertures de trains de nuit ?
Le projet de ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin est essentiel pour renforcer les connexions transalpines et réduire les émissions de gaz à effet de serre : à terme, 5 millions de voyageurs pourraient emprunter cette ligne et 1 million de camions délaisseraient cet itinéraire. En attendant l’aboutissement complet du projet, la ligne historique via Modane reste une artère vitale pour le fret ferroviaire : une enveloppe de près de 750 millions d’euros a été annoncée depuis longtemps pour sa modernisation, mais les travaux peinent à avancer. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce retard et préciser les mesures envisagées pour accélérer le chantier ?
Les Jeux olympiques d’hiver en 2030 constituent une opportunité unique pour améliorer le transport décarboné dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Quelle stratégie comptez-vous déployer pour développer dans un temps réduit le ferroviaire au profit des territoires qui recevront les Jeux ?
Enfin, l’expérimentation de la vidéo augmentée par l’intelligence artificielle pendant les Jeux olympiques de Paris a garanti la sécurité des utilisateurs des transports en commun. Une étude récente sur la vidéo augmentée a montré que 91 % d’un échantillon de 1 000 personnes ont affirmé leur soutien à la présence de la vidéo. Comment pouvons-nous transformer cette expérimentation, qui a été une réussite, pour l’utiliser au quotidien et ainsi améliorer la sécurité de l’ensemble des usagers et répondre à l’une de leurs demandes ?
M. Philippe Tabarot, ministre. L’article 9 de la proposition de loi que nous examinerons lundi porte sur la vidéoprotection dans les transports publics et nous aurons l’occasion de débattre de la vidéo augmentée de l’intelligence artificielle. Nous proposerons de conserver certains dispositifs expérimentés pendant les Jeux olympiques.
Les trains de nuit ont été abandonnés dans notre pays, faute d’investissements. Les lignes ont été fermées les unes après les autres. Alors vice-président de la région Provence précitée, un ministre des transports m’avait expliqué qu’il allait supprimer le train de nuit reliant Paris à Nice, le fameux train bleu, et que le train d’équilibre du territoire partant de Bordeaux et roulant jusqu’à Nice allait désormais s’arrêter à Marseille. Cette période fut difficile. Certains d’entre vous viennent de prendre la parole pour soutenir les projets ferroviaires alors que ce ministre appartenait à votre camp. Je tiens à rendre hommage à Jean Castex : c’est grâce à lui que subsistent des trains de nuit en France. Lorsqu’il était Premier ministre, il s’est battu contre beaucoup de monde pour rétablir certains trains de nuit et pour convaincre la SNCF de renouveler une partie du matériel. Actuellement, la circulation des trains de nuit n’est pas optimale en raison de la vétusté de celui-ci, mais l’appétence pour le train de nuit est forte. Nous avons commandé beaucoup de matériel pour moderniser les trains de nuit, mais la livraison est très longue dans notre pays. La France compte la première entreprise mondiale du secteur, Alstom, laquelle a racheté la deuxième structure mondiale, Bombardier Transport, pourtant les retards s’accumulent dans la livraison de matériel : j’ai récemment rencontré le PDG d’Alstom pour tenter de comprendre ces délais. Je souhaite investir dans les lignes existantes : Paris-Nice, Paris-Tarbes-Lourdes, Paris-Aurillac, Paris-Vienne-Berlin. Cette dernière ligne illustre la dynamique européenne qui s’est enclenchée et qui nourrit le développement de lignes transfrontalières avec l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie. J’aimerais que l’on puisse rouvrir d’autres trains de nuit dans notre pays, comme l’avait évoqué le président de la République, mais le matériel à disposition éloigne cette perspective. Néanmoins, nous allons prévoir des tranches optionnelles pour acheter davantage de matériel, condition pour rouvrir d’autres lignes de nuit.
Les Jeux olympiques représentent une formidable opportunité : les équipements des Jeux de 2024 constituent une chance immense pour notre pays. Tout en conservant des budgets raisonnables, il y a lieu de profiter des Jeux d’hiver de 2030 pour améliorer les infrastructures de transport, notamment ferroviaires, dans les départements qui auront la chance d’accueillir cet événement. Profitons de cette occasion pour accélérer certains projets et trouver les financements qui se révèlent actuellement difficiles à réunir. Cependant, je ne veux pas tenir de discours démagogique consistant à dire que les Jeux olympiques feront disparaître tous les problèmes de mobilité dans les territoires où se dérouleront les épreuves sportives.
M. Olivier Serva (LIOT). Si je voulais me rendre à Pointe-à-Pitre depuis Paris entre le 16 et le 23 février, je devrais acheter un billet d’avion, dont le prix, pour un vol en classe économique et sans bagage, est de 1 015 euros ; si je voulais me rendre à Montréal aux mêmes dates, le prix du billet serait deux fois moins élevé, 506 euros, pour une distance comparable. Il est indécent de faire ainsi les poches des passagers ultramarins, lesquels n’ont que trop payé le prix du dysfonctionnement de la continuité territoriale. Les vols au départ ou à destination des territoires d’outre-mer doivent être exemptés de toute hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA).
Conformément aux engagements de l’ancien ministre des finances, Antoine Armand, votre gouvernement a décidé de changer de cap. Cependant, l’ancien ministre chargé du budget et des comptes publics, Laurent Saint-Martin, avait déclaré qu’il était impossible pour des raisons constitutionnelles et de droit européen d’annuler les effets d’une taxe pour certains territoires. Je suis étonné que les services de Bercy ne découvrent cette prétendue impossibilité que maintenant. Fort heureusement, le Sénat puis la commission mixte paritaire ont retenu une exonération pour les liaisons aériennes desservant nos territoires. Néanmoins, l’utilisation de l’article 49.3 pour faire adopter le PLF pour 2025 ne nous rassure pas sur la pérennité de cette mesure, d’autant que de nombreux revirements se sont déjà produits.
Il a même été question de compenser l’augmentation de la TSBA par une intervention financière de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, solution manquant totalement de pertinence puisque très peu d’Ultramarins bénéficient de cette intervention quand la taxe concerne potentiellement tout le monde. Il importe que la parole de l’État soit respectée : ainsi, les liaisons aériennes entre l’Hexagone et les outre-mer seront-elles exonérées de la TSBA ?
Je profite de cette intervention pour rebondir sur l’aide au fret de marchandises de première nécessité entre l’Hexagone et les territoires d’outre-mer, question importante pour le coût de la vie en Martinique, à la Guadeloupe et ailleurs. Qu’adviendra-t-il de cette aide de l’État promise par le gouvernement précédent ?
Le PLF pour 2025 semble marquer un certain retour en arrière en amputant les crédits alloués à l’entretien et à la modernisation des infrastructures de transports massifiés, ainsi qu’au fonds Vert finançant les mobilités durables et aux aides au verdissement du parc automobile. Ces choix marquent-ils un renoncement à la transition écologique dans les transports ?
En février 2023, Mme Élisabeth Borne a annoncé vouloir dégager 100 milliards d’euros d’ici à 2040 pour financer une « nouvelle donne » ferroviaire. Or la ventilation des crédits entre l’État, l’Union européenne et la SNCF reste floue : que prévoit votre ministère en la matière ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Il y a un manque de financement de la « nouvelle donne » ferroviaire annoncée par l’ancienne Première ministre. J’avais salué le lancement de ce plan, dont la montée en puissance n’a pas été totalement assurée. Le contrat de performance sera révisé dans les prochains mois. L’Afitf n’a jamais disposé d’autant d’argent qu’en 2024 pour moderniser et régénérer le réseau ferroviaire, lequel en a bien besoin.
Lorsque j’étais sénateur j’ai cosigné, avec Vincent Capo-Canellas notamment, un amendement sur la TSBA. Nous avons échangé sur cette taxe, lourde, avec nos amis ultramarins et corses. J’espère que l’exonération figurant dans le PLF adopté par la commission mixte paritaire se retrouvera dans la loi de finances pour 2025. Le prix des billets d’avion pour Montréal varie selon la saison et il est actuellement bas. Le droit de l’Union européenne complique l’établissement d’une exemption de TSBA pour les territoires d’outre‑mer, mais nous nous battrons pour repousser le développement d’un handicap supplémentaire lié aux tarifs des billets d’avion, alors que ces territoires connaissent déjà de grandes difficultés. Le gouvernement veillera à limiter la pénalisation des territoires d’outre-mer par cette taxe grâce à une exonération partielle, conformément aux propos tenus lors des débats parlementaires sur le PLF, notamment au Sénat.
Les engagements pris précédemment sur l’aide au fret seront tenus. Je les répéterai au ministre d’État, ministre des outre-mer, pour assurer le respect de la parole publique.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Il est nécessaire, dans certains territoires, notamment ruraux, de rouvrir certaines petites lignes ferroviaires. La SNCF assure que la décision de réactiver ces lignes relève désormais des régions, mais il me semble que l’État devra s’impliquer : quelles sont vos priorités dans ce domaine ?
Le versement mobilité (VM) est un très bon dispositif, mais encore faut-il pouvoir développer des lignes de transport régulières. Dans les communautés de communes très rurales, de telles lignes sont inutiles – je le sais pour avoir moi-même conduit les études dans mon intercommunalité –, alors qu’un transport à la demande serait très pertinent. Il faudrait obtenir le VM pour le transport à la demande et cesser de le réserver aux transports collectifs.
M. Anthony Brosse (EPR). Alors qu’un projet de ferroutage est prévu à Fleury-les-Aubrais, la ligne de fret qui part de cette gare pour rejoindre Pithiviers et Engenville est fermée faute de rénovation. Plus de 5 000 camions circulent sur nos routes pour assurer les convois de la sucrerie, de la coopérative agricole et d’autres entreprises. Contrairement à d’autres régions en France, il est demandé aux chargeurs un financement de 10 % sur les 55 millions d’investissement. Vous avez évoqué l’augmentation des crédits consacrés au fret, ne serait-il pas opportun de flécher ces 5,5 millions d’euros vers les enveloppes déjà prévues par l’État et la région Centre-Val de Loire ?
La nouvelle tarification appliquée par Île-de-France Mobilités (IDFM) ne prend pas en compte les gares situées en dehors de la région. Pourtant, la fin du RER D se situe dans ma circonscription à Malesherbes : une tarification spéciale, dénommée Naviligo, devrait voir le jour mais rien n’existe pour le moment. Les Loirétains pâtissent de cette situation puisqu’ils ne peuvent valider leur ticket avant de monter dans le RER et s’exposent donc à des amendes. Avez-vous des informations à même de rassurer les voyageurs dont je fais partie ?
M. Sébastien Humbert (RN). Quelle est votre analyse de la situation des continuités ferroviaires, parfois compromises lorsque l’une des collectivités régionales ne joue pas le jeu ? La région Grand Est a récemment participé au financement de la rénovation des infrastructures de la partie vosgienne de la ligne SNCF qui relie Épinal à Lure et qui traverse ma circonscription où elle dessert la commune de Bains-les-Bains. La pérennité de la ligne dépend désormais de l’engagement de la région Bourgogne-Franche-Comté pour le tronçon qui la traverse. Faute d’engagement de toutes les collectivités, la continuité ferroviaire et l’égal accès au service public, dont l’État est le garant, pourraient être rompus. Quelle stratégie comptez-vous déployer pour assurer les continuités territoriales dans notre pays, notamment celle de la ligne Épinal-Lure ?
Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). La construction de nouvelles voitures pour les trains de nuit va renforcer les liaisons entre Paris et la province, mais il est difficile d’en dire autant des trajets transversaux. Si je souhaite me rendre chez vous, dans les Alpes-Maritimes, depuis les Hautes-Pyrénées, je ne peux pas compter sur des liaisons de nuit et, même de jour, l’alternative routière est plus rapide.
Les ateliers de maintenance jouent un rôle essentiel, quoique méconnu, pour débloquer l’extension des trains de nuit. En effet, le remplacement des matériels est stratégique pour faire fonctionner le réseau. Or il n’y a qu’un atelier de maintenance en France, situé à Paris, d’où ne sortent que des matériels pour les liaisons entre la capitale et la province.
Afin de relancer les liaisons ferroviaires transversales, l’étude du développement de nouvelles lignes de trains d’équilibre du territoire a notamment proposé d’installer un atelier de maintenance près de Nice. Ce projet est financièrement réalisable si nous cessons d’alimenter un tonneau des Danaïdes percé par les concessions autoroutières, les niches fiscales dont bénéficie l’aviation ou les projets routiers démesurés. Donnerez-vous suite à cette recommandation qui contribuerait à l’aménagement du territoire ?
M. Vincent Descoeur (DR). Vous ne serez pas surpris de m’entendre évoquer à nouveau l’avenir du train de nuit reliant Aurillac à Paris et la perspective de voir cette liaison devenir quotidienne. Mise en service il y a un peu plus d’un an grâce à l’implication de Jean Castex, cette ligne a vite trouvé une clientèle en dépit de quelques dysfonctionnements liés à l’âge du matériel roulant et à des travaux sur le réseau. Interpellés très régulièrement par les parlementaires cantaliens, vos prédécesseurs nous ont assuré que ce train, qui pour l’heure ne circule que pendant les week-ends et les vacances scolaires, deviendrait quotidien dans les prochains mois.
Pouvez-vous nous garantir le passage de ce train de nuit à une fréquence quotidienne et nous indiquer la date à laquelle cet engagement pourra être tenu ? Cette liaison, vitale pour le Cantal, bénéficiera-t-elle de l’affectation d’une locomotive et de wagons de dernière génération ?
M. Stéphane Delautrette (SOC). Ras-le-Polt, si j’ose dire ! Je souhaite vous interpeller sur la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les usagers de la ligne Paris‑Orléans-Limoges-Toulouse (Polt). Certes, les travaux de régénération sont en cours et les nouvelles rames Oxygène sont annoncées pour 2027, mais, en attendant, les passagers subissent de l’inconfort, des retards voire des annulations de train. Que comptez-vous faire pour améliorer cette période transitoire ?
Quelle ne fut pas ma surprise, alors que nous entrevoyons le bout du tunnel, de vous entendre mardi dernier annoncer l’ouverture à la concurrence de cette ligne ! Le signal envoyé est désastreux et symptomatique de l’abandon de cette liaison par les pouvoirs publics. Pourquoi avoir pris cette décision ? Qu’apportera-t-elle, si elle est maintenue, aux usagers de la ligne ?
Mme Julie Lechanteux (RN). Les récentes statistiques du ministère de l’intérieur sur la délinquance dans les transports en commun révèlent une situation alarmante, notamment pour la sécurité des femmes. En 2024, les violences sexuelles ont augmenté de 6 % par rapport à l’année dernière et de près de 50 % depuis cinq ans pour atteindre 3 374 cas. Comme la majorité des victimes ne portent pas plainte, les agressions sont en réalité bien plus nombreuses. Les données montrent également que les agresseurs sont très souvent étrangers : il est urgent d’examiner cette sur-représentation sans tabou, afin d’adapter la réponse sécuritaire.
Les Jeux olympiques de Paris ont prouvé l’année dernière que la baisse de la délinquance dans les transports était possible lorsque les moyens et la volonté politique étaient au rendez-vous. Prendrez-vous enfin les mesures à la hauteur de la menace, afin d’assurer la protection des usagers des transports publics, notamment celle des femmes ?
M. Stéphane Lenormand (LIOT). Le port de Saint-Pierre-et-Miquelon est le dernier port d’État français. Après quarante ans d’inaction, l’état du port est tellement mauvais qu’il faudrait 100 millions d’euros pour le remettre à niveau. Rassurez-vous, je ne vous demande pas cette enveloppe car je connais la situation des finances publiques, mais j’appelle l’attention des gouvernements successifs depuis deux ans et demi sur la situation du quai du Commerce, plaque tournante de l’approvisionnement du territoire.
La moitié du port est fermée et, dans la partie encore opérationnelle, il y a une différence de 1,2 millimètre entre les épaisseurs des palplanches. J’aimerais que vous vous saisissiez du dossier pour que nous puissions avancer. Le financement des travaux est de 20 millions sur trois exercices budgétaires : les grandes ambitions commencent souvent par de petites choses.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Stupeur et tremblements en Macronie le 25 novembre : la rapporteure publique du tribunal administratif de Toulouse a demandé l’annulation de l’autorisation environnementale de la construction de l’autoroute A69. Dans la panique et au mépris de la séparation des pouvoirs, vous avez affirmé dans la presse le 27 janvier que vous aviez « un problème de fond et de forme sur les recours contre l’A69. Quand les décisions sont prises, que les autorisations sont obtenues, que les financements sont mobilisés et que les travaux sont largement engagés, on ne peut pas interrompre un tel chantier. » Si, on peut l’interrompre ! Une tribune dans la presse de juristes nous alertait ainsi le 9 janvier : « Favoriser la prise en compte que l’impact d’une décision de justice peut avoir sur le plan économique, c’est accepter l’idée que le respect du droit est accessoire », position que vous défendez tranquillement.
L’État passe en force sur l’A69. Il a même provoqué la réouverture de l’instruction judiciaire pour retarder encore la décision sur le fond, pendant que les dégâts écologiques se poursuivent. Il n’est pas trop tard pour arrêter un projet dénoncé par plus de 2 000 scientifiques. À l’heure où les catastrophes climatiques se multiplient, phénomène aggravé par l’artificialisation des sols, n’est-il pas irresponsable d’encourager le piétinement du droit environnemental ?
Mme Julie Ozenne (EcoS). Alors que le secteur des transports est de loin celui qui émet le plus de gaz à effet de serre, il est urgent d’engager sa transition écologique, laquelle passe par le développement des modes de transport doux comme le vélo. La sécurité des cyclistes devrait être une priorité, mais certains meurent après avoir été renversés à cause de l’absence de pistes cyclables ou par des automobilistes ayant développé une haine à l’égard de ceux qui font du vélo. Pourtant, le développement du réseau cyclable, prévu notamment par le plan Vélo, a été abandonné par le précédent gouvernement. Votre prédécesseur, François Durovray, avait affirmé que les collectivités territoriales pouvaient déployer elles-mêmes le réseau cyclable. Or le budget des collectivités a également été réduit et certaines d’entre elles renoncent à financer des infrastructures cyclables. C’est d’ailleurs le choix qu’a effectué François Durovray, à la tête du département de l’Essonne, en suspendant l’aide financière aux collectivités essonniennes dans le cadre de son plan vélo.
Quels engagements comptez-vous prendre pour garantir le développement du réseau cyclable, essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques et garantir la sécurité sur les routes ?
M. Vincent Rolland (DR). Un éboulement majeur s’est produit le 1er février dernier sur la RN90 entre Grand-Aigueblanche et Moûtiers, seule voie d’accès à la vallée de la Tarentaise dont la fréquentation touristique est actuellement très forte. Dès lundi, nous avons échangé par téléphone et je vous ai alerté sur la nécessité de rouvrir les deux voies montantes et les deux voies descendantes avant le premier week-end des vacances scolaires. Hier après‑midi, les services de l’État ont annoncé une réouverture dans la nuit de vendredi à samedi, grâce à une forte mobilisation que je veux souligner. Au moment où nous nous parlons, il semble que cette perspective ne soit plus garantie.
Pouvez-vous nous annoncer la réouverture de ces deux liaisons à deux fois deux voies, seul moyen d’éviter le chaos ? La fragilité géologique des gorges, que nous connaissons depuis longtemps, exige la réalisation d’un tunnel, que nous attendons depuis tant de temps, pour sécuriser les automobilistes et fluidifier le trafic : pouvez-vous vous engager sur ce dossier vital ?
M. Peio Dufau (SOC). L’État est l’unique actionnaire de la SNCF : c’est important de le rappeler, car il se plaint souvent du service rendu par la SNCF. C’est à lui de tracer une ambition et de fixer le bon cap pour atteindre les résultats auxquels il aspire. Nous savons par exemple très bien que l’ouverture à la concurrence n’améliore en rien le service rendu aux usagers.
Il est nécessaire de renforcer l’entretien du réseau, tâche totalement négligée jusqu’à présent. Il faut privilégier le transport du quotidien aux grands programmes comme celui de la ligne à grande vitesse du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), dont la première tranche coûte entre 14 milliards et 18 milliards, sans compter le raccordement au réseau espagnol. Comme l’argent manque, utilisons celui qui est disponible pour améliorer le quotidien des habitants du territoire.
M. Philippe Tabarot, ministre. Dans la situation actuelle, madame de Pélichy, la question n’est malheureusement pas tant de rouvrir des lignes ferroviaires que d’éviter d’en fermer : sur 29 000 kilomètres de voies, environ 16 000 menacent de fonctionner au ralenti faute d’entretien suffisant et 9 000 sont au bord de la fermeture. L’État ne se défausse pas car il y a souvent des contrats de plan État-région (CPER) pour ces lignes qui relèvent de la compétence régionale. En 2019, le préfet Philizot avait d’ailleurs effectué un audit des lignes ferroviaires de desserte fine des territoires et proposé un plan d’action en faveur de celles risquant de fermer. Dans le cadre de ces contrats, des investissements ont été réalisés pour éviter les ralentissements qui nuisent à l’attractivité et sont le prélude à la fermeture. S’il y a parfois de belles histoires de réouverture, comme dans mon département ou la région Grand Est, il faut déjà essayer d’empêcher les lignes de desserte fine de ralentir jusqu’à la fermeture. Quant au versement mobilité, tel que conçu dans l’amendement que j’ai présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, il vise à pallier l’incapacité de certains territoires à organiser une mobilité digne de ce nom. Mais vous n’étiez pas favorable à l’idée de redonner aux régions la compétence en matière de transports.
Monsieur Brosse, vous critiquez la nouvelle tarification d’IDFM qui ignore les gares situées hors de son périmètre, notamment au bout du RER D, ce qui expose les usagers du Loiret à payer des amendes faute de pouvoir valider leur ticket dès le départ. Sur ces questions de continuité tarifaire, Régions de France ne joue pas toujours le rôle qu’elle devrait jouer. Pour ma part, j’aimerais créer une instance au niveau du ministère où les régions pourraient se mettre d’accord sur ces histoires de tarification sans que soit remise en cause leur liberté tarifaire.
Monsieur Humbert, vous vous inquiétez de l’implication de la région Bourgogne-Franche-Comté dans le financement de la partie qui la concerne de la rénovation de la ligne ferroviaire Épinal-Lure. Pour cette partie, SNCF Réseau a fait des demandes pour des travaux qui pourraient être effectués en 2026, afin d’éviter tout ou partie des ralentissements prévisibles. Le préfet a engagé des discussions avec la région et SNCF Réseau, afin d’évaluer précisément les besoins de rajeunissement du réseau en tenant compte des capacités financières de l’État et des collectivités territoriales. Le 25 mars prochain, après le vote du budget de la région, il organisera un comité de pilotage ferroviaire. Je n’hésiterai pas à en parler à Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, aux côtés de qui j’ai longtemps siégé à Régions de France. Certains engagements doivent être tenus sur les lignes ferroviaires de cette région. Comment l’État peut-il tordre le bras des régions ? Vous savez comment se négocient les CPER. Dans certains cas, la région est plus enthousiaste que l’État pour un projet et elle supporte une part plus importante du financement ; dans d’autre cas, c’est l’inverse. On ne peut pas généraliser car, selon les régions, les projets donnent lieu à un rapport de force ou à des discussions entre personnes qui ont envie d’avancer ensemble.
Madame Ferrer, vous avez raison d’insister sur l’importance des centres de maintenance et sur le caractère stratégique de leur emplacement : on ne les voit pas, mais ils sont indispensables au bon fonctionnement du matériel. La ville de Nice, dont vous parlez, dispose désormais d’un tel centre. Auparavant, la situation était assez catastrophique car toute la maintenance se faisait à Marseille : pour les TER, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur était la moins bien classée de France. Depuis la création du centre de Nice, il n’y a plus besoin d’envoyer le matériel à deux heures de là, ce qui est beaucoup plus efficace. Des centres de maintenance de proximité doivent être prévus pour tous les lots soumis à appel d’offres par les régions et pour les trains d’équilibre du territoire (TET) organisés par l’État. Le matériel, de plus en plus vieillissant, doit être entretenu sur place et non pas à l’autre bout de la région ou du territoire, par souci d’efficacité de l’exploitation.
Monsieur Descœur, à compter du 4 juillet, le train Paris-Aurillac circulera toutes les nuits. Cette ligne bénéficiera de matériels neufs, qui n’arriveront pas tout de suite car il y a des tensions sur ce marché, mais qui font partie d’une commande que nous venons de lancer.
Monsieur Delautrette, vous m’avez interpellé sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. En fait, vous êtes deux dans la même galère de TET : votre homologue m’a interpellé quant à lui sur la liaison Paris-Clermont-Ferrand. Après des années de sous‑investissement en matériel, ces deux lignes sont en grande souffrance et accumulent des retards qui peuvent atteindre cinq heures ou plus sur la ligne Polt et parfois le double sur la ligne Paris-Clermont-Ferrand. La SNCF avait pris des engagements qui ont été tenus totalement ou en partie. J’ai prévu de me rendre au comité de ligne de Clermont-Ferrand – et j’irai aussi voir celui de Limoges, si vous le souhaitez – pour prendre de plein fouet les réactions des usagers. Le matériel est commandé, mais les livraisons ont du retard. Les travaux sur les infrastructures sont en cours, mais ils prennent du temps car, contrairement à ce qui peut se passer dans d’autres pays européens, ils n’ont lieu que la nuit pour ne pas fermer complètement les lignes. À terme, la situation ne pourra que s’améliorer.
Pour répondre à votre question sur l’ouverture à la concurrence de la ligne Polt, je vous signale que ce n’est pas un choix mais une obligation pour les TET, les TER ou le service librement organisé. Vous avez pu constater que les lots Bordeaux-Nantes et Nantes‑Lyon, ouverts à la concurrence, ont été réattribués à la SNCF alors que trois opérateurs concurrents étaient en lice. La SNCF investit dans le matériel et le réseau de la ligne Polt qui doit être ouverte à la concurrence mais pourrait très bien lui être réattribuée. Je peux vous garantir une offre élargie, en espérant qu’elle sera de meilleure qualité et à coût identique pour le contribuable. Nous avons abordé cette question du coût hier, car je sais que vous avez très mal vécu les récentes augmentations tarifaires. Quand la qualité du service est au rendez-vous, on peut accepter une hausse du prix des billets ; quand on vient de subir cinq heures de retard sur un trajet, ça ne passe pas. Je comprends les usagers mécontents et j’irai discuter avec eux lors du comité de ligne de Limoges.
Madame Lechanteux, j’ai déposé une proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports parce que j’ai les mêmes chiffres que vous. Dans les transports en commun, on se heurte à des difficultés en matière de régularité, de ponctualité, de qualité du service. Toutes les enquêtes montrent aussi que le critère de la sécurité joue un rôle déterminant dans le choix du mode de transport. La sécurité est assurée par les agents de la sûreté ferroviaire de la SNCF, la Suge, de la RATP – avec le GPSR – et parfois par des sociétés privées. Ces agents doivent être équipés et formés le mieux possible, afin de protéger les personnels, qui sont souvent en première ligne lors d’attaques ou d’attentats, et les usagers, notamment les femmes qui subissent parfois des comportements indécents, inappropriés et inacceptables dans notre pays.
Monsieur Lenormand, 13 millions ont déjà été accordés pour refaire le quai du port de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui seront prélevés sur les crédits du ministère des outre-mer.
Madame Stambach-Terrenoir, je viens de m’exprimer sur l’autoroute A69 dans l’hémicycle du Sénat, et j’ai reçu différents acteurs de ce dossier qui a fait l’objet d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Sans revenir sur le projet dans sa globalité, je peux indiquer que la société en charge des travaux m’a indiqué hier que le chantier était réalisé à 60 % ou 70 %. Il serait donc raisonnable qu’il aille à son terme, que les discussions portent désormais sur la tarification afin que l’usager paie le juste prix. Il est utile d’améliorer la liaison entre Castres et Toulouse et l’accessibilité du bassin Castres-Mazamet. Maintenant que le projet est plus proche de la fin que du début, j’espère que la justice – à laquelle je m’en remets – permettra qu’il soit achevé. Nous en sommes à la sixième ou septième action en justice et nous verrons ce que décideront les juges. Je constate que toutes les collectivités approuvent ce projet, dont les financements sont bouclés et qui est vraiment nécessaire à un bassin économique en difficulté. Si le chantier était abandonné, le site ne pourrait d’ailleurs pas retrouver son état initial. En cas de retard, le contribuable devra payer des indemnités à l’entreprise, qui a réalisé 60 % à 70 % des travaux.
Madame Ozenne, vous avez rappelé que les collectivités participaient, de manière plus ou moins active, au développement des mobilités douces comme le vélo. Lors de son discours de politique générale, François Bayrou a annoncé la poursuite du plan Vélo et une enveloppe supplémentaire de 50 millions d’euros pour soutenir les initiatives dans ce domaine. Vous avez évoqué les accidents et les comportements inacceptables de certains à l’égard des cyclistes et autres usagers de modes de transport doux. Mon prédécesseur avait demandé une étude, qui devrait être rendue le mois prochain, sur une meilleure répartition des voies de circulation entre automobilistes, piétons et cyclistes. Le plan Vélo devrait nous permettre de mener à bien des projets d’infrastructures cyclables. Dans quelques jours, je vais discuter avec Nathalie Delattre, ma collègue chargée du tourisme, au sujet des véloroutes qui peuvent d’ailleurs faire l’objet de CPER.
Monsieur Rolland, nous avons en effet eu un échange à propos de l’éboulement qui s’est produit sur la RN90 entre Aigueblanche et Moûtiers. Durant pratiquement tout le week‑end, j’ai été en lien avec les différents acteurs ayant à gérer les conséquences de cet événement qui aurait pu avoir des conséquences plus dramatiques sur le plan humain. Nous ne déplorons qu’un seul blessé et aucun décès, mais 1 100 naufragés de la route ont dû être hébergés dans des structures publiques mises en place par les maires et le président de région dont la commune a été directement touchée. Alors que débute la période de vacances scolaires, si importante pour la région, je me suis entretenu avec les différents acteurs locaux pour trouver la solution la moins pénalisante sur le plan économique. En ce moment même, le préfet est en train de faire le point sur la situation. Le choix de rouvrir en partie les deux voies ou de bloquer la RN90 incombe aux acteurs locaux. En revanche, à l’issue de cette audition, je vais demander à mes services en charge des routes de contacter le préfet pour savoir où nous en sommes, espérant que la solution retenue permettra de concilier l’activité économique et la sécurité des automobilistes.
L’actualité du week-end a fait ressortir des cartons le projet de tunnel qui avait été un peu abandonné et qui n’était pas inclus dans le CPER mobilité en cours de discussion – la Savoie est le dernier département à en négocier un. Si le projet de tunnel a été mis à l’ordre du jour lors de la réunion de lundi dernier, l’État prendra part au financement d’un équipement qui pourrait contribuer à la réussite des futurs Jeux olympiques d’hiver. Cette audition me donne l’occasion de vous annoncer une bonne nouvelle concernant la Savoie : l’achèvement des travaux ferroviaires engagés il y a plus d’un an dans la vallée de la Maurienne après l’éboulement de la falaise de la Praz, ce qui va permettre la reprise tant attendue du trafic des TER et de la ligne Paris-Lyon-Milan.
Monsieur Dufau, régénérer et moderniser le réseau ferroviaire est en quelque sorte une obligation européenne. Notre pays est à la traîne, il est au niveau de la Lituanie en ce qui concerne le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS). Je n’en suis pas fier, je l’ai dénoncé en tant que sénateur, et je compte bien essayer de changer les choses dans mes fonctions actuelles, notamment en revoyant le contrat de performance conclu entre l’État et SNCF pour lui assigner des objectifs plus ambitieux. Nous n’avons pas le même point de vue sur l’ouverture à la concurrence, monsieur le député. Si elle n’est pas la solution à tous les problèmes, cette ouverture peut néanmoins permettre d’augmenter l’offre ferroviaire dans certains secteurs et de soulager la SNCF qui ne peut pas tout faire – TET, TER et TGV – et partout. D’autres opérateurs peuvent prendre le relais et fournir aussi une offre solide, sachant que tout repose sur la qualité du réseau : s’il n’est pas bon pour SNCF Voyageurs, il ne le sera pas non plus pour Trenitalia, la Renfe, Transdev ou qui que ce soit. Plus que l’exploitation, c’est la qualité du réseau, sa modernisation et sa régénération qui comptent.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). De nombreux habitants de ma circonscription dépendent de la ligne P pour se rendre à Paris. En effet, les travailleurs précaires et les étudiants ne peuvent pas bénéficier de l’alternative routière qui est de toute façon un désastre écologique et une perte de temps colossale aux heures de pointe – on parle quand même de deux heures de route. Ils dépendent exclusivement de cette ligne ferroviaire pour se rendre dans la capitale. Or, comme vous ne l’ignorez pas, il y a des interruptions récurrentes sur cette ligne, en particulier le soir et le week-end, et ce, depuis dix ans. De plus en plus d’usagers sont désemparés et hésitent même à déménager. Ils ont besoin de savoir quand ils pourront bénéficier d’un service public de transport digne de ce nom. Au-delà de cette exigence minimale sans laquelle l’idée même d’une équité territoriale n’est qu’un fantasme, comptez‑vous contraindre la SNCF à fournir enfin un calendrier prévisionnel des travaux sur la ligne P, afin que les usagers puissent avoir une visibilité à long terme ?
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). J’interviens au nom de mon collègue Gabriel Amard, retenu pour le vote des motions de censure. Il vous interroge sur le projet de construction d’une deuxième ligne ferroviaire Lyon-Turin qui suscite, à juste titre, une vive opposition. Depuis 2006 et un rapport d’expertise de la Commission européenne, on sait que ce projet drainera près de 150 millions de mètres cubes d’eau par an et qu’il artificialisera plus de 1 300 hectares de zones agricoles et naturelles. À l’heure où le dérèglement climatique nous démontre chaque jour de manière très concrète ses effets, cela n’est ni sérieux ni acceptable. En août 2022, les habitants et les habitantes de Villarodin-Bourget en Savoie, lassés des nuisances provoquées par le chantier préparatoire, ont manifesté pacifiquement contre ce projet. À cette occasion, Philippe, un citoyen engagé dans la défense de l’environnement, a été arrêté et placé en garde à vue. Son procès commence le lundi 10 février. Alors que des alternatives existent, comme le développement de la ligne existante, comment justifiez-vous cette attitude à l’encontre de celles et ceux qui, par leurs actions, tentent seulement de protéger l’environnement et le vivant ?
M. Julien Guibert (RN). Depuis des mois, les habitants de la Nièvre assistent impuissants à la dégradation de leur desserte ferroviaire, notamment en raison d’infrastructures non entretenues, ce qui conduit à un remplacement du train par des autocars. Tout concourt à la disparition progressive de ce service public pourtant essentiel tant pour les voyageurs que pour le fret. La ligne TER Auxerre-Clamecy-Corbigny, vitale pour nos territoires et leur désenclavement, subit un démantèlement silencieux sous couvert d’économies budgétaires : elle risque de fermer si 1,5 million d’euros ne sont pas investis dans les travaux d’urgence. La région Bourgogne-Franche-Comté, dirigée par une majorité socialo-écolo-communiste, est coresponsable de cette situation avec SNCF Réseau. Cependant, l’État, actionnaire unique de la SNCF, ne peut s’exonérer de toute responsabilité. Il a les moyens de peser sur les décisions, d’orienter les choix stratégiques, d’impulser une dynamique de sauvegarde du ferroviaire rural et de financer une infrastructure pleinement opérationnelle. Comment parler de transition écologique quand on abandonne le train en zone rurale, accélérant le manque d’attractivité du territoire ? Le gouvernement peut et se doit d’intervenir ; il doit garantir le maintien d’un service de transport ferroviaire de qualité dans les territoires ruraux. Allez-vous prendre des engagements concrets pour que la SNCF, sous votre autorité, mette tout en œuvre pour préserver ses infrastructures de lignes fines indispensables à la vie de nos campagnes ?
Mme Justine Gruet (DR). Vos propos sur l’importance de la mobilité rurale m’incitent à vous soumettre plusieurs sujets jurassiens. Comment l’État pourrait-il peser pour renforcer la desserte TER entre Dole et Mouchard, structurante pour notre territoire ?
Dans quelle mesure l’aéroport de Dole, soutenu par certains départements ou métropoles de Bourgogne-Franche-Comté, pourrait-il être accompagné dans les années à venir afin qu’il conserve son rôle dans les domaines de la sécurité civile, de la défense et du tourisme ?
Dans ma circonscription, l’usine Syensqo, ex-Solvay, produit du polyfluorure de vinylidène (PVDF), élément essentiel dans la composition des batteries électriques. Je ne crois pourtant pas à la conversion à l’électrique de la totalité du parc automobile dans les décennies à venir. Quelle est votre vision de la mobilité automobile – certes individuelle mais essentielle et même indispensable dans nos territoires ruraux –, du rétrofit des véhicules thermiques et de l’hydrogène dans le transport lourd ?
M. Gérard Leseul (SOC). Le gouvernement a réécrit un article 8 bis dans le PLF, résumé par un bel oxymore : taxe incitative sur le verdissement. C’est un article de huit pages, totalement abscons et assez irrespectueux du travail parlementaire que j’effectue actuellement avec mon collègue Fiévet. Accepterez-vous de reprendre ce sujet de manière respectueuse à l’égard du travail parlementaire et de faciliter l’adoption d’un texte plus complet et ambitieux que le bricolage gouvernemental que nous avons découvert ?
La ligne nouvelle Paris-Normandie offre de nombreuses améliorations aux voyageurs, mais elle présenterait un risque de dégradation de l’environnement pour de nombreux riverains de ma circonscription dans le cas où le projet de tunnel sous la Seine à Rouen n’était pas prolongé quasiment jusqu’au viaduc de Barentin. Pouvez-vous appuyer les élus locaux des communes concernées pour que SNCF Réseau puisse étudier et chiffrer la réalisation du prolongement de ce tunnel ?
Mme Manon Bouquin (RN). Le secteur du transport routier est à bout de souffle. Les entreprises françaises sont écrasées par une concurrence déloyale, alimentée par le recours massif à des autoentrepreneurs, souvent étrangers, pour assurer les derniers kilomètres de livraison. Ces pratiques contournent les règles sur le détachement des travailleurs, privent l’État de recettes sociales et mettent à mal des milliers de PME pourtant essentielles à notre économie. Le rapport du dernier plan national de lutte contre le travail illégal (2023-2027) est sans appel : le taux de salariés dissimulés atteint 9 % dans ce secteur, contre seulement 2 % en moyenne dans les autres. Faute de contrôles suffisants, rien n’a changé depuis l’adoption du paquet « mobilité » en 2020 par l’Union européenne. La fameuse liste noire des entreprises frauduleuses, promise par une directive européenne de 2016, n’existe toujours pas. Combien de temps les transporteurs français continueront-ils d’être sacrifiés sur l’autel de l’inaction ? Pourquoi cette liste noire n’a-t-elle jamais vu le jour ? Quelle action immédiate comptez-vous engager pour faire cesser cette situation et protéger nos entreprises ?
M. Fabien Di Filippo (DR). Permettez-moi de revenir sur les conditions de l’ouverture à la concurrence dans le transport ferroviaire. Des groupes parfois étrangers sont capables de lever en quelques jours des centaines de millions d’euros sur les marchés, mais pour se positionner uniquement sur de très grandes lignes, ce qui crée une situation asymétrique en défaveur de la SNCF. Une menace plane sur les fonds de péréquation, le modèle ferroviaire français étant fondé sur un équilibre : les bénéfices réalisés sur certaines lignes permettaient de financer les dessertes des villes moyennes. Nous devons nous remettre à travailler sur ce sujet. Ne faut-il pas faire des lots groupés qui comprennent aussi des dessertes de villes moyennes ? Les droits d’entrée doivent-ils être revus ? Quoi qu’il en soit, on ne peut pas demander à la SNCF d’effectuer seule la desserte des villes moyennes si les autres opérateurs ne s’intéressent qu’à des lignes telles que Paris-Lyon, Paris-Strasbourg, Paris-Lille, etc.
M. Antoine Vermorel-Marques (DR). Je viens ici vous alerter sur un dossier vieux de plus de quarante ans : la déviation de la RN7 à Mably, dans le département de la Loire. Sensible à ce dossier, vous avez reçu hier une délégation d’élus locaux. L’État semble décidé à trouver des financements pour sécuriser cette zone très dangereuse où l’on arrive à 110 kilomètres à l’heure sur un rond-point avant de traverser un quartier prioritaire de la ville, des commerces et des industries, et où se sont produits plusieurs accidents très graves ces derniers temps. Quand les travaux pourraient-ils commencer selon la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ? Quel est le montant des investissements prévus par l’État ?
M. Matthieu Marchio (RN). Le transport ferroviaire de marchandises s’effondre : avec une baisse de 17 % en 2023, il est à son niveau le plus bas depuis 1980 et ce chiffre date d’avant la liquidation de fret SNCF, tué par la Macronie face à la pression de la Commission européenne. Rien n’obligeait à prendre une telle décision. La France ne faisait l’objet que d’une simple procédure et non d’une condamnation. C’est donc un choix politique qui a été fait à l’époque.
Dans ma circonscription, chez moi à Somain, nous avons une gare de triage. Nous en sommes fiers. Elle doit vivre et ne doit pas être simplement le vestige de notre passé industriel.
L’objectif du gouvernement est de porter la part modale du fret ferroviaire à 18 % d’ici cinq ans, contre 8,9 % actuellement. Cet objectif est-il toujours tenable ? Allez-vous vous donner les moyens pour l’atteindre ?
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). À l’instar de l’obstination de mon collègue Descoeur, je n’aurai de cesse de défendre le désenclavement multimodal de ma circonscription, le Chablais, et plus particulièrement la réouverture de la ligne Sud-Léman. Depuis plusieurs années, la région Rhône-Alpes, le canton du Valais en Suisse, SNCF Réseau et les collectivités locales du Chablais ont porté en coopération avec l’État les études en vue de la réouverture de la ligne Sud-Léman, maillon manquant de 17 kilomètres, reliant le RER Léman Express à Évian et le RER Valaisan à Saint-Gingolph.
Nous avons obtenu l’inscription d’un prochain volet d’études complémentaires au contrat plan État-région. Selon les informations obtenues auprès de la région Rhône-Alpes, il nous a été confirmé que le projet de remise en service de la ligne est bien inclus dans le périmètre du Serm franco-suisse et que les prochaines étapes de ce développement pourront se poursuivre dans ce cadre.
Je souhaite une clarification et une confirmation de la part de votre ministère que le projet de la ligne Sud-Léman est bien inclus dans le périmètre du Serm franco-suisse et pas uniquement franco-genevois et qu’il sera labellisé dans la seconde version du CPER et ainsi reconnu par l’État. J’espère que ce projet pourra bénéficier de l’engagement de l’État aux côtés des partenaires de la région Rhône-Alpes, du canton du Valais et des collectivités locales du Chablais, dont le syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais.
M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Ma question porte sur la ligne ferroviaire reliant Saumur, dans le Maine-et-Loire, aux Sables-d’Olonne, en Vendée.
Cette ligne, qui traverse le nord des Deux-Sèvres, en marquant trois arrêts sur mon territoire, est connue pour accueillir la fameuse opération « Train des plages » et ses 30 000 voyageurs chaque été, entre les mois de mai et septembre. Cette ligne ferroviaire est aussi tristement connue pour sa vétusté. Malgré des travaux d’entretien ponctuels, c’est une réhabilitation complète qui est nécessaire pour sauver cette ligne, qui voit son état se dégrader.
Des discussions sont en cours depuis plusieurs années entre les régions Pays-de-la-Loire et Nouvelle-Aquitaine pour engager ces travaux, mais ils semblent aujourd’hui freinés par des montants financiers trop importants. Quelle est la position du gouvernement sur ce dossier ? L’État envisage-t-il de s’engager financièrement ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Je vais essayer de répondre à toutes ces questions mais, si je n’en ai pas le temps ou que vous n’êtes pas satisfaits de ma réponse, n’hésitez pas à me saisir à nouveau.
Madame Soudais, je connais les difficultés de la ligne P. Je demanderai un calendrier des travaux à la SNCF et je ne manquerai pas de vous le communiquer.
Monsieur Carrière, vous êtes un défenseur des mobilités. Je constate qu’on retrouve les personnes du Soulèvement de la Terre dans des manifestations sur des chantiers d’infrastructures de mobilité. J’ai du mal à comprendre que la ligne Lyon-Turin, qui est le plus grand projet de fret ferroviaire d’Europe, ne soit pas soutenue par des gens qui prétendent soutenir le fret ferroviaire.
Les périmètres de protection des captages d’eau situés à l’endroit du tracé interdisaient la réalisation du tunnel. Les quatre arrêtés préfectoraux qui les ont institués, après la déclaration d’utilité publique (DUP) du tunnel, prescrivaient des mesures exagérément protectrices. Elles ont été modifiées après l’enquête publique au second semestre et font actuellement l’objet d’un recours. Laissez donc les procédures judiciaires suivre leur cours.
Ce projet, dans lequel l’Europe a énormément investi, doit être mené à bien. Il nous reste beaucoup à faire pour les voies d’accès. On ne peut pas abandonner le plus beau et le plus grand chantier de fret ferroviaire d’Europe et les manifestations visant à empêcher les ouvriers de travailler ou à mettre la pagaille ne sont pas des manières de se comporter.
Monsieur Guibert, le déraillement du train Mobigo l’été dernier à Clamecy montre la dégradation des voies sous l’effet de fortes chaleurs. Des mesures de sécurisation ont été mises en place, dont une limitation de vitesse à 40 kilomètres par heure, ce qui rallonge le temps de parcours de dix-huit minutes. Le service nominal reprendra sur la section à compter du 17 février 2025, avec une vitesse limitée à 70 kilomètres par heure. Aucune suppression d’arrêt ni fermeture de guichet ne sont prévues sur cette ligne. SNCF Réseau a proposé aux cofinanceurs – État et région Bourgogne-Franche-Comté – le financement d’études et de travaux d’un montant évalué entre 3 et 5 millions pour cette ligne. Les cofinanceurs sont ouverts pour instruire le dossier dans le cadre de l’enveloppe « études et travaux d’urgence » du CPER.
Madame Gruet, l’aéroport de Tavaux – Dole-Jura – n’est pas un aéroport d’État. Le préfet du Jura a toutefois accepté d’apporter une aide financière pour les travaux de réfection de la piste. Les aéroports de petite taille posent certaines difficultés, mais la pérennité de l’activité de cet aéroport ne semble pas remise en cause.
Les rames de TER, comme vous le savez, relèvent de la région. J’espère que le versement mobilité donnera une marge de manœuvre supplémentaire aux régions pour financer leurs compétences de mobilité, même si c’est pour du fonctionnement. Je ne manquerai pas de dire aux responsables de SNCF Réseau d’être particulièrement attentifs au renouvellement du matériel, notamment pour une bonne exploitation de la ligne de Dole.
Le verdissement des flottes des entreprises est un beau sujet, sur lequel travaillent deux députés que je connais et apprécie pour avoir participé à leurs travaux. Lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités (LOM) et de la loi dite loi climat et résilience, ils ont rehaussé les obligations de verdissement du parc automobile professionnel. Les entreprises ont un retard dans l’électrification de leurs flottes, qui progresse deux fois moins vite que celle des véhicules particuliers. Plus de 2 000 n’auraient pas respecté le quota légal de véhicules à faible émission en 2023.
Or leur engagement est indispensable. Les entreprises achètent plus de la moitié des voitures neuves, qu’elles reversent sur le marché de l’occasion, auquel recourent neuf ménages sur dix, après quelques années d’usage. Elles constituent un levier majeur. Je remercie MM. Fiévet et Leseul de leur travail et de la mission d’information qu’ils ont menée. Nous devons envoyer un signal fort pour atteindre nos objectifs climatiques et industriels tout en veillant à suivre des trajectoires équilibrées en fonction des secteurs. En tant qu’ancien parlementaire, je soutiens la présentation d’une proposition de loi à cet effet.
Madame Bouquin, je vous suggère de nous adresser une question écrite précisant les cas précis dans lesquels les conducteurs français ont été victimes de concurrence déloyale, afin que nous puissions vous adresser une réponse circonstanciée. S’agissant de la liste noire que vous évoquez, nous vous la ferons parvenir ou, à défaut, en demanderons communication afin que la directive afférente soit appliquée.
Monsieur Fabien Di Filippo, je me suis posé la question que vous m’adressez. Je l’ai posée à M. Guimbaud, président de l’ART, auquel j’ai confié une mission sur l’ouverture à la concurrence. Pour ma part, j’y suis favorable. Dans ma région, elle a permis d’accroître l’offre de transport express régional (TER) de 30 % sur deux lignes et de créer des centres de maintenance.
Toutefois, les efforts consentis par SNCF Réseau pour offrir une tarification intéressante aux entrants pour les trois premières années d’exploitation les ont amenés à se précipiter sur la ligne Paris-Lyon-Marseille, qui est la plus rentable. Par ailleurs, la SNCF est tenue d’assurer, ce qui est normal – soit dit sans rouvrir le débat, cher à Jean-Pierre Farandou, sur le statut de service public de la SNCF –, de desservir des lignes à la rentabilité aléatoire, certes en sollicitant le cas échéant le concours des collectivités locales concernées pour leur fonctionnement, après les avoir sollicitées pour l’investissement, en sus du fonds de concours de la SNCF.
Pour l’avenir, il faut tirer les enseignements de l’ouverture du réseau à la concurrence, par exemple en confiant aux entrants, qui potentiellement sont là pour un certain temps, une part des dessertes pour lesquelles ils n’opteraient pas spontanément, dans le cadre d’un système de péréquation au demeurant d’ores et déjà appliqué à la SNCF. Je suivrai avec attention les travaux de l’Assemblée et de l’ART à ce sujet. Je compte sur les rapports auxquels ils donneront lieu pour nous donner une vue d’ensemble de la situation et faire en sorte d’augmenter l’offre sans oublier aucun territoire.
Monsieur Vermorel-Marques, j’ai dit hier aux élus de la région Auvergne-Rhône-Alpes que l’État est prêt à augmenter de 15 millions d’euros, au profit de la RN7, la dotation allouée dans le cadre du contrat de plan État-région 2023-2027. J’ai écrit ce matin à Mme la préfète de région pour lui confirmer cet engagement. La région étant maître d’ouvrage des routes nationales depuis le 1er janvier 2025, elle devrait participer à hauteur de 4,5 millions, dont 2 millions pour le département de la Loire. L’autorisation environnementale unique devrait, sauf recours, être obtenue au cours du second semestre 2026, ce qui ouvrirait la voie au lancement des travaux. Les élus locaux que j’ai rencontrés hier m’ont semblé soutenir, tous bords confondus et à l’unisson des acteurs économiques, ce projet qui n’a que trop tardé. Je me réjouis de ce consensus politique, que l’État accompagnera.
Concernant le fret ferroviaire, je ne suis pas entièrement d’accord avec vous, monsieur Marchio, mais je partage votre ambition. Je conteste que la réforme de Fret SNCF ait procédé d’un choix politique. Il s’agissait d’une nécessité. La solution adoptée était la moins mauvaise. J’ai bon espoir que le fret se maintienne dans notre pays, car il a un potentiel dans lequel il faut investir. Il faut notamment désaturer les grands nœuds ferroviaires que sont Lyon, Paris et Lille, ainsi que les ports, dans le sud et dans le nord de la France.
Le transport par wagon isolé bénéficie cette année d’un effort budgétaire. Le renforcement de l’aide à la pince dans le cadre du plan de relance a beaucoup aidé. Les mesures proposées par les acteurs du fret marchent plutôt bien. Nous avions réussi à porter la part modale du fret ferroviaire à 12 % du trafic, qui a certes un peu diminué depuis lors. J’ai bon espoir que les deux entités issues de Fret SNCF favorisent le développement du fret ferroviaire dans notre pays. Le dynamisme de l’Alliance 4F me semble prometteur pour les années à venir.
Mme Anne-Cécile Violland a posé une question très précise et attend une réponse très précise. Si celle que je vais faire ne l’est pas assez, nous la compléterons par écrit. Je confirme que la ligne Sud-Léman fait partie des vingt-six Serm labellisés l’été dernier. Je veillerai au bon franchissement de la seconde étape, celle d’obtention du statut de Serm, conformément à sa volonté clairement et fermement exprimée.
Monsieur Fiévet, je n’ai pas la réponse à votre question. Je prends l’engagement d’y répondre par écrit sous soixante-douze heures.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. J’en ai une dernière, monsieur le ministre : afin de nourrir les travaux de la mission d’information sur le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires, pourrions-nous obtenir le rapport de la mission visant à évaluer les conséquences d’une éventuelle baisse des péages ferroviaires confiée à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Il risque de vous décevoir comme il m’a déçu. Il sera transmis en priorité aux régions, qui financent les péages ferroviaires. Je m’engage à vous le faire parvenir ensuite.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Le nombre de questions qui vous ont été adressées démontre l’intérêt des députés pour le secteur des transports. Je vous remercie d’avoir pris le temps d’y répondre ou l’engagement d’y répondre par écrit.
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 5 février 2025 à 18 h 05
Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Nicolas Bonnet, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, M. Sylvain Carrière, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Olga Givernet, M. Julien Guibert, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, M. Stéphane Lenormand, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, M. Pierre Meurin, Mme Julie Ozenne, Mme Constance de Pélichy, Mme Christelle Petex, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Olivier Serva, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Vincent Thiébaut, Mme Anne-Cécile Violland
Excusés. - M. Jean-Victor Castor, M. Lionel Causse, M. François-Xavier Ceccoli, Mme Clémence Guetté, M. Timothée Houssin, M. Éric Michoux, M. Hubert Ott, M. Freddy Sertin
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Stéphane Delautrette, M. Fabien Di Filippo, Mme Justine Gruet, M. Antoine Vermorel-Marques