Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis) 2
Mardi 6 mai 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 41
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Gérard Leseul,
Vice-président
— 1 —
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure).
M. Gérard Leseul, président. La proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur sera examinée en séance publique du lundi 26 au vendredi 30 mai. Notre commission a délégation au fond sur les articles 5 et 6, pour lesquels les amendements ne seront donc recevables qu’en son sein : selon l’usage, ils seront repris sans discussion par la commission des affaires économiques.
Nous sommes par ailleurs saisis pour avis simple sur les articles 1 à 3 et 7 et 8 : les amendements de notre commission seront transmis à la commission des affaires économiques, qui les adoptera ou non. Nous avons 419 amendements à examiner.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition de loi, dont la version initiale a été largement modifiée par les travaux du Sénat, comporte des points utiles. Le travail parlementaire doit néanmoins se poursuivre : ce texte ne doit pas servir de cheval de Troie pour affaiblir nos exigences environnementales, au nom d’une fausse urgence. Notre responsabilité est de bâtir une agriculture résiliente, respectueuse du vivant et des générations futures.
Nous devons tenir une ligne claire. À cet égard, réintroduire les néonicotinoïdes, même partiellement, serait un recul inacceptable pour la santé des pollinisateurs et la crédibilité de notre transition agricole. De même, la ressource en eau et les zones humides doivent être préservées. Si j’ai conscience des difficultés sur le terrain, nos ambitions environnementales ne sauraient être sacrifiées au nom de solutions de court terme. Mon engagement, comme rapporteure pour avis et comme agricultrice, consiste à défendre une agriculture durable, qui s’émancipe des dépendances chimiques et s’appuie sur l’innovation, la recherche et l’accompagnement des producteurs.
Nous sommes saisis au fond sur l’article 5, qui a pour objet de contourner ou de réduire les procédures et obligations du droit environnemental pour l’accès à l’eau pour l’agriculture. Dans sa version initiale présentée au Sénat, l’article visait à instaurer un principe – juridiquement flou – de « non-régression du potentiel agricole », modifiant ainsi la définition des zones humides, en l’affaiblissement considérablement. Un amendement du gouvernement a permis de réécrire entièrement cet article, qui demeure inacceptable, sur les questions du stockage ou des zones humides.
L’article 5 tend ainsi à accorder une qualification d’intérêt général majeur et de raison impérative d’intérêt public majeur aux ouvrages de stockage de l’eau pour l’agriculture et aux prélèvements réalisés dans les eaux de surface ou dans les nappes phréatiques. Ces qualifications permettent de lier l’octroi de dérogation au respect, d’une part, de la directive-cadre sur l’eau visant à la protection des milieux aquatiques et de notre ressource en eau, et, d’autre part, de la directive « habitats », visant à la protection des espèces protégées et des habitats naturels.
J’entends et je connais le besoin en eau pour l’agriculture. Confrontées aux conséquences du dérèglement climatique, des exploitations pourraient être contraintes de recourir à l’irrigation, au détriment de la protection de la ressource et de la nécessaire limitation des prélèvements, telle qu’affirmée à de nombreuses reprises, des assises de l’eau au plan Eau de mars 2023.
Or la France compte déjà entre 600 000 et 800 000 retenues d’eau, qui perturbent le cycle de l’eau au détriment du stockage naturel. Elles ne sauraient toutes être reconnues d’intérêt général, sans examen au cas par cas, en dérogeant aux obligations du droit environnemental. À cet égard, une concertation territoriale est nécessaire, via les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage). Ceux-ci autorisent déjà, dans de nombreux cas, le maintien ou la création de retenues d’eau dans l’intérêt du territoire. Il faut distinguer entre les retenues collinaires, alimentées par ruissellement et déconnectées du réseau hydrographique, et les retenues de substitution, qui puisent dans les nappes.
Les dispositions actuelles de la proposition de loi relatives au stockage généralisent une présomption d’intérêt général juridiquement fragile. En effet, la même notion, appliquée au potentiel agricole, a récemment été censurée par le Conseil constitutionnel. Avec l’adoption de cet article, le droit de l’environnement serait affaibli et les institutions de concertation, légitimes pour organiser la gestion de l’eau sur le territoire, seraient contournées.
L’article 5 prévoit aussi la création d’une nouvelle catégorie de zone humide « fortement modifiée », dont la dégradation serait dispensée des procédures relevant de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) et de la compensation écologique. Nous ne savons pas comment ces zones seraient sélectionnées, ni sur quels critères, ni quelle superficie elles représenteraient.
Surtout, l’urgence n’est pas de continuer à dégrader les zones humides, mais de les restaurer. En effet, 50 % d’entre elles ont disparu en France entre 1960 et 1990. Pourtant, les études scientifiques sont claires : elles fournissent des services essentiels, filtrent l’eau, la stockent, font tampon contre les crues et absorbent le carbone. 6 % des émissions de l’Union européenne sont dues à la destruction des tourbières. Leur dégradation s’inscrit à contresens de nos objectifs de préservation de la biodiversité, d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, inscrits dans le droit national et européen ; le risque de contentieux est élevé. Pour une agriculture durable sur notre territoire, un soin particulier doit être accordé aux deux biens communs sur lesquelles elle repose : la terre et l’eau. Je défendrai donc un amendement de suppression de l’article 5.
L’article 6 me semble équilibré et je ne souhaite pas le modifier. Il renforce utilement la coordination des missions de police de l’environnement en clarifiant les rôles respectifs du préfet et du procureur de la République, tout en apportant des garanties pour une meilleure lisibilité et acceptabilité des contrôles sur le terrain. La validation par le préfet de la programmation annuelle des contrôles administratifs, la transmission des procès-verbaux par voie hiérarchique, ainsi que la possibilité d’équiper les agents de caméras individuelles, sont autant de dispositions qui permettent de concilier efficacité de l’action publique, apaisement des relations et respect des principes de l’État de droit. Ce compromis, fruit d’un travail entre le Sénat et le gouvernement, mérite d’être conservé en l’état.
L’article 1er traite quant à lui de la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, instaurée pour limiter les conflits d’intérêts. L’intention était juste mais la mise en œuvre s’est révélée difficile, avec des contournements par certains acteurs qui continuent de prodiguer des conseils à l’oral. La version initiale de la proposition de loi abrogeait complètement cette séparation. À travers un amendement du gouvernement adopté au Sénat, la séparation de la vente et du conseil est conservée pour les fabricants de produits phytopharmaceutiques, et abrogée pour les distributeurs. Je soutiens ce compromis : il maintient une indépendance, tout en tenant compte des réalités du terrain.
L’article 1er propose également une évolution des conseils à destination des exploitants agricoles. Le conseil spécifique est supprimé pour laisser place au conseil « à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques », défini de façon large par toute recommandation d’utilisation de produits phytopharmaceutiques, ainsi qu’au « conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques », fondé sur un diagnostic et un plan pluriannuel pour la protection des cultures.
Je propose le rétablissement du caractère obligatoire du conseil stratégique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il serait une déclinaison du conseil stratégique global, également créé, avec pour objectif d’améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale des exploitations agricoles.
Enfin, l’interdiction des remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques est maintenue, grâce à un amendement du gouvernement adopté au Sénat.
L’article 2 propose diverses mesures en lien avec les autorisations de produits phytopharmaceutiques et l’établissement qui les délivre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Les dispositions relatives à l’Anses m’inquiètent profondément, car elles constituent un risque d’affaiblissement de l’indépendance décisionnaire de cette agence. Ainsi, l’obligation est faite d’informer les ministères de tutelle de l’Anses avant l’émission d’une décision par son directeur général. De plus, une procédure contradictoire est instaurée, préalablement à l’adoption de toute décision de rejet. Ces mesures ne sont pas anodines : elles complexifient les procédures et allongent les délais de publication des décisions de l’Anses. Surtout, elles mènent à une ingérence, menaçant directement l’expertise indépendante de l’Agence.
Un conseil d’orientation pour la protection des cultures est créé pour suivre la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures et donner un avis au ministère chargé de l’agriculture sur les usages à définir comme prioritaires. Le rôle de l’Anses est alors réduit à l’établissement d’un calendrier d’instruction des demandes en fonction des usages prioritaires définis. Je m’oppose fermement à toutes ces dispositions sur l’Anses.
L’article 2 traite également de la question de l’épandage par drones de produits phytopharmaceutiques. Il est désormais possible, par dérogation et sous conditions, sur les parcelles agricoles comportant une pente de plus de 30 %, sur les bananeraies et sur les vignes-mères de porte-greffe conduites au sol. Des programmes d’expérimentations peuvent, en complément, être mis en place pour étendre les types de parcelles ou de cultures concernées. La loi proposée par notre collègue Jean-Luc Fugit, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, a été promulguée le 23 avril dernier. Il convient donc de supprimer les dispositions du présent texte.
L’article 2 revient sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés, par dérogation et sous conditions : lorsqu’il n’existe pas d’alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits, ou qu’elles sont manifestement insuffisantes ; lorsqu’il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation. Ces dérogations sont prises par décret, après avis du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés.
Je considère qu’un retour à une autorisation des néonicotinoïdes, même de manière dérogatoire, n’est pas envisageable, en raison des effets néfastes sur les pollinisateurs et de l’existence de fortes présomptions sur la neurotoxicité et sur le caractère de perturbateur endocrinien de certains néonicotinoïdes, dont l’acétamipride. Mon message est sans ambiguïté : la France et l’Union européenne doivent demeurer à l’avant-garde de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Je défendrai donc un amendement de suppression de l’article 2 dans son ensemble.
L’article 3 allège la procédure de consultation du public pour les projets d’installation soumis à autorisation environnementale. Il permet de transformer les deux réunions publiques obligatoires en une simple permanence en mairie. Si les travaux du Sénat ont amélioré les dispositions initiales, cet assouplissement pourrait être limité aux élevages, sans être étendu à l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Je soutiendrai à cet égard l’amendement du groupe LIOT.
L’article 3 prévoit en outre de relever les seuils au-delà desquels les projets d’élevage de volailles et de porcs sont soumis à autorisation environnementale, et non plus à un simple enregistrement. Cette disposition reprend la directive relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), dite IED, qui a été révisée en avril 2024.
L’article 7 traite de plusieurs secteurs de l’agriculture en recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse, notamment l’arboriculture fruitière et la viticulture. L’une des principales solutions réside dans les techniques de biocontrôle. Les scientifiques distinguent quatre moyens principaux : substances naturelles, médiateurs chimiques, micro-organismes et macro-organismes. Ces derniers incluent une vaste diversité d’espèces et donnent lieu à de nombreuses stratégies, que l’on peut résumer en deux volets – lutte biologique ou lutte autocide.
Les stratégies de lutte biologique sont fondées sur les relations antagonistes entre espèces, le macro-organisme auxiliaire étant l’un des ennemis naturels du bioagresseur. La lutte autocide – ou technique de l’insecte stérile – a été développée depuis plus de cinquante ans. Il s’agit, sur un territoire donné, d’introduire des mâles rendus stériles sur une population d’insectes ravageurs, afin de limiter leur nombre par la limitation de la fécondation. Si la France ne pratique pas la lutte autocide, elle dispose d’une législation très encadrée sur la lutte biologique – un avis de l’Anses est notamment requis dès qu’un macro‑organisme est introduit sur un territoire. L’article 7 vise à donner une base législative à la lutte autocide dans le code rural et de la pêche maritime.
Enfin, l’article 8 résulte d’un amendement du gouvernement adopté par le Sénat. Il s’inscrit dans le dispositif de lutte contre les organismes nuisibles aux plantes et végétaux, établi au niveau européen et inscrit dans le code rural et de la pêche maritime. Les propriétaires de végétaux, produits végétaux ou autres objets présentant ou susceptibles de présenter un danger pour la santé publique, la sécurité des consommateurs ou l’environnement peuvent se voir ordonner la destruction, la consignation, le retrait ou le rappel desdits végétaux ou produits végétaux. La commission des affaires économiques a d’ailleurs récemment travaillé sur ce sujet, en examinant la proposition de loi de notre collègue Hubert Ott, visant spécifiquement les menaces sur les vignes.
Avec l’article 8, le gouvernement souhaite actualiser le régime de sanctions à l’encontre des personnes portant atteinte à la protection des végétaux. Il demande à cette fin l’habilitation du Parlement pour y procéder par ordonnances. Il souhaite notamment agir plus efficacement à l’encontre des propriétaires qui ne prennent pas les mesures nécessaires contre les organismes dits de quarantaine.
M. Gérard Leseul, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Emmanuel Blairy (RN). Ce texte est né d’un constat, partagé par tous ceux qui sont au contact du monde paysan. Nos agriculteurs souffrent et étouffent sous les normes, les surtranspositions et l’empilement de contraintes technocratiques. Nos producteurs n’ont pas besoin de grands discours : ils demandent des actes concrets pour simplifier, débloquer et protéger. Cette proposition de loi apporte des réponses de bon sens, notamment en allégeant les procédures sur les zones humides déjà artificialisées. Surtout, elle propose de reconnaître l’agriculture comme une priorité légitime dans la gestion de l’eau, ressource stratégique pour la souveraineté alimentaire.
Loin des dogmes écologistes qui sacrifient nos campagnes au profit d’une vision déconnectée des réalités, nous devons défendre une gestion pragmatique de l’eau, fondée sur l’équilibre entre protection et développement. Sans agriculture en effet, il n’y a pas de ruralité : c’est l’âme de la France qui disparaît. Nous devons accompagner la nécessaire adaptation du monde agricole à la raréfaction de l’eau. Elle passe par des outils de sécurisation, non par des interdictions déguisées ou des logiques punitives. L’usage agricole de l’eau doit être reconnu comme stratégique.
Sur la question des contrôles, nous soutenons certaines mesures, telles que l’équipement des caméras piétonnes pour certains agents chargés de la police de l’environnement, de façon à apaiser les tensions, protéger les agents et garantir une certaine transparence.
Cette proposition de loi laisse toutefois une question fondamentale en suspens : quelle est la mission prioritaire de l’Office français de la biodiversité (OFB) ? Historiquement, l’Office national de la chasse et la faune sauvage (ONCFS) avait une mission claire : encadrer la chasse, lutter contre le braconnage, protéger la faune. Depuis sa fusion avec l’Agence française de la biodiversité (AFB), pour former l’OFB, ses missions ont été diluées. La mission flash sur la conciliation des usages de la nature et la protection de la biodiversité, dont j’ai été le corapporteur, a relevé une baisse préoccupante de l’activité de l’OFB en matière de police de la chasse. En raison des nombreuses missions qui lui ont été confiées, l’Office a ainsi réorienté son action vers d’autres priorités, laissant la charge de la police de la chasse aux agents de développement des fédérations de chasse et aux gardes particuliers ; cela sera source de difficultés dans les années à venir, s’agissant de notre souveraineté alimentaire. Bien qu’imparfait, ce texte permet de retrouver pragmatisme et respect pour nos agriculteurs et nos territoires, et de cesser d’opposer agriculture et environnement.
Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). Depuis plusieurs années, nos agriculteurs alertent sur la complexité croissante des normes, le poids des procédures administratives, les difficultés à concilier leur métier avec les exigences environnementales, pourtant essentielles. Depuis des années, ils nous disent : « Laissez-nous travailler, faites-nous confiance. » Ce texte répond à ce cri du terrain : il remet du bon sens dans notre droit ; il allège, clarifie et protège.
L’objectif de la proposition de loi est simple mais fondamental : permettre à nos agriculteurs d’exercer leur métier dans des conditions dignes, durables et sécurisées, tout en respectant les règles environnementales dans un cadre cohérent. Elle s’inscrit dans la continuité de la récente loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Il ne s’agit pas d’une loi supplémentaire, mais d’une brique de plus pour pérenniser notre souveraineté alimentaire et faire en sorte que la France reste un pays qui produit, qui nourrit, qui choisit librement le contenu de ses assiettes.
Dans ma circonscription, je rencontre nos agriculteurs, je les écoute et comprends leurs inquiétudes. Je le dis avec clarté, notre rôle n’est pas de leur compliquer la tâche mais de leur donner les moyens de réussir. Ils veulent produire, transmettre, innover. Ils ont besoin qu’on les soutienne et leur fasse confiance. Je le rappelle, l’agriculture française est la plus saine au monde.
L’article 5 fait un choix de responsabilité. Dans les zones où l’eau manque, les ouvrages de stockage agricole, s’ils sont sobres, concertés et équitables, seront présumés d’intérêt général majeur. Il en va ainsi de l’abreuvement du bétail, une évidence. Cela signifie moins de blocages et plus de solutions concrètes. Un champ retourné dix fois ne pouvant être traité comme un sanctuaire naturel, la réglementation relative aux zones humides a été fortement modifiée : il faut l’adopter. Ces mesures de bon sens sont ancrées dans le quotidien de nos agriculteurs.
L’article 6 est consacré au contrôle des infractions. Il renforce la coordination des différents acteurs, place le préfet au cœur du pilotage et encadre l’usage des caméras-piétons. Ces mesures sont attendues et nécessaires. Elles permettront à tous les acteurs de travailler ensemble. L’autorité de l’État doit être juste, lisible et assumée : moins d’arbitraire, plus de respect, plus de transparence.
Ce texte ne cherche pas à opposer agriculture et écologie. Il renoue avec la nécessaire responsabilité, le dialogue et la confiance. Être aux côtés de nos agriculteurs, c’est leur donner les moyens d’agir, de produire, de transmettre, c’est choisir de les accompagner pour garantir la souveraineté alimentaire de la France et le devenir de nos agriculteurs. C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai en faveur de cette proposition de loi.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cette proposition de loi agricole est un contresens historique. Prétendant répondre à la détresse du monde paysan, elle en aggrave les causes profondes. Si elle se présente comme une solution, elle est un leurre, une fuite en avant dictée par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), principal artisan de décennies de dérégulation agricole destructrice. En ciblant les normes environnementales, ce texte se trompe d’ennemis. Ce ne sont pas les jachères, les rotations, les insectes ou les oiseaux – bref, les exigences écologiques – qui étranglent les agriculteurs. Ce sont les prix cassés, la guerre des marges imposée par la grande distribution, la concurrence faussée par des traités de libre-échange. Ce sont des décennies de choix politiques qui ont livré l’agriculture à la loi du marché mondial, à la loi du plus fort.
Les mêmes sont toujours à la manœuvre – le gouvernement, la direction de la FNSEA et les géants de l’agro-industrie, ces deux derniers étant parfois les mêmes. Ils osent se poser en sauveurs alors qu’ils ont patiemment construit le piège dans lequel sont tombés nos agriculteurs. Cette proposition de loi est une diversion, pire, une négation grave de la science. En effet, elle piétine les alertes de la recherche. Les faits sont là. Les insectes pollinisateurs, indispensables à nos cultures, s’effondrent : 80 % d’entre eux ont disparu en Europe en vingt ans. Le Royaume-Uni a connu une baisse de 63 % en seulement trois ans. En France, la perte de productivité varie entre 5 % et 80 % selon les cultures, faute de pollinisation. Ces données scientifiques alarmantes sont bien établies.
Répondre à ce constat par un allégement des normes environnementales est non seulement irresponsable, mais dangereux. Cela revient à ignorer les conditions même de la production agricole d’aujourd’hui et de demain. Mon groupe a toujours défendu une autre voie : des prix planchers rémunérateurs ; une répartition équitable de la valeur, du champ jusqu’au consommateur ; le rejet clair des traités de libre-échange ; l’investissement massif dans l’installation, la transmission, la transition écologique. Ce texte est un cadeau fait au président de la FNSEA, son groupe agroalimentaire Avril et ses porte-flingue : ils veulent mettre du plomb dans notre droit environnemental, pour servir exclusivement leurs intérêts. C’est une trahison pour les agriculteurs : ce n’est pas en saccageant le vivant que nous sauverons l’agriculture. Ce n’est pas en niant la science que nous construirons la souveraineté alimentaire tant réclamée. Cette proposition de loi est un retour en arrière, ou plutôt un saut dans l’abîme. Nous ne l’accepterons pas.
M. Fabrice Barusseau (SOC). J’évoquerai tout d’abord la méthode de travail et l’influence de ce texte sur notre calendrier parlementaire. La proposition de loi Duplomb a fait l’objet, pendant plusieurs semaines, d’une véritable saga à l’Assemblée, alimentant les conflits au sein du gouvernement – les ministres ne soutenant pas tous ce texte – et la pression syndicale auprès du Premier ministre. Le travail parlementaire devrait être davantage respecté.
La proposition de loi illustre parfaitement la période politique de remise en cause des grands principes scientifiques, climatiques et sociaux que nous traversons : réintroduction des néonicotinoïdes, dont la dangerosité pour la santé humaine et environnementale a été largement démontrée par de nombreuses études ; remise en cause de la science et des grands principes de contrôle sanitaire mis en place par la loi Le Foll de 2014, notamment le transfert des décisions d’autorisation de mise sur le marché à l’Anses visant à séparer l’évaluation du risque de la prise de décision d’autorisation, ce qui a permis de couper le cordon ombilical entre le ministère de l’agriculture et la régulation du secteur des produits phytopharmaceutiques ; stigmatisation des agents publics et remise en cause du rôle et des missions conduites par l’OFB ; remise en cause des règles de police de l’eau et assouplissement des règles relatives à la construction de mégabassines. Les sujets de préoccupation des agriculteurs ne sont pas ceux-là. Le monde agricole veut être accompagné dans le changement de pratiques ; il veut pouvoir opérer sa mutation, pour ne pas être le perdant de la transition écologique et du changement climatique.
La proposition de loi que nous examinons est dirigée contre l’agriculture ; elle vise à saboter la biodiversité et l’environnement, premier outil de travail des agriculteurs. Elle obéit à une logique de marché et de renforcement de la productivité. Or la bonne santé d’une filière agricole ne repose pas seulement sur la compétitivité des prix et la dérégulation : une telle vision est celle des industriels qui cherchent le profit ; elle repose sur l’hypothèse d’une agroéconomie faible et peu ancrée dans nos territoires. La financiarisation de l’économie doit s’arrêter. La séparation pure et simple de la vente et du conseil peut être discutée, mais seulement pour une amélioration de la pratique agricole.
Faciliter l’agrandissement des élevages revient à réduire l’autonomie financière et alimentaire des exploitations. Le développement des infrastructures d’irrigation ne compense pas l’augmentation des prélèvements de l’eau et assèche les zones humides ; les pompes à nitrate, qui évitent les déversements de pollution, sont détériorées. Si le texte satisfait les attentes d’aujourd’hui, il ne répond pas aux besoins de demain. Le principe de précaution doit être la norme. Nous amenderons donc ce texte rétrograde, qui ne propose pas une bonne politique de préservation des écosystèmes et n’apporte aucune solution concrète pour les agriculteurs : rien en faveur d’un meilleur revenu ni d’un rééquilibrage des relations commerciales, rien pour réguler le foncier agricole ou pour réformer notre système d’aides, lequel reste orienté vers le productivisme.
M. Jean-Pierre Taite (DR). La proposition de loi Duplomb-Menonville améliorerait fortement le quotidien de nos agriculteurs. Complément de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture défendue par Mme la ministre Annie Genevard, ce texte est très attendu par les filières agricoles. Son vote permettra à toutes celles et ceux qui sont aux côtés des agriculteurs d’en faire la preuve.
Cible d’une campagne de dénigrement grossière qui n’est pas à la hauteur des enjeux, il est une réponse concrète à une surtransposition normative qui pourrit la vie de nos agriculteurs et conduit notre agriculture au déclassement sur le marché international. Il est la première pierre, le premier acte pour revitaliser cette fierté française qu’est notre agriculture, aujourd’hui menacée par une concurrence qui ne s’embarrasse pas des règles que nous nous imposons : si nous n’agissons pas, elle nous submergera d’importation de produits frelatés et nous ferons le deuil de notre puissance agricole, pilier économique historique de notre pays.
Je reviens sur l’article 2, relatif aux néonicotinoïdes. Si j’en crois la presse, nous autoriserions la réintroduction de plusieurs substances interdites et toxiques : cela est totalement faux. Il est fort dommage que les questionnements – je les comprends – soient instrumentalisés à des fins uniquement partisanes. Premièrement, ce ne sont pas « des » mais bien un produit dont il est question : l’acétamipride. Deuxièmement, ce produit n’a jamais été interdit par les agences de santé, française ou européenne. Troisièmement, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de proposer d’augmenter la limite maximale de résidus d’acétamipride dans le miel, preuve que celle-ci ne présente pas de toxicité nécessitant son interdiction. Quatrièmement, nous sommes le seul pays de l’Union européenne à avoir interdit cette substance. En persévérant dans notre bêtise, nous importerons des produits cultivés avec ce produit et nous aurons sacrifié nos agriculteurs et tué nos filières. Cela est totalement irresponsable.
Ce texte présente en outre des avancées très attendues par nos agriculteurs : la simplification du régime ICPE pour les bâtiments d’élevage ; la mise en place de possibilités de recours en cas de contestation des évaluations des pertes pour nos éleveurs ; la primauté de la procédure administrative sur la procédure judiciaire pour les petites infractions relevées par l’OFB. Il propose des avancées réelles et majeures pour nos agriculteurs. C’est pourquoi nous plaiderons pour une adoption aussi conforme que possible à la version sénatoriale.
Il est grand temps de redonner de l’air à notre agriculture. C’est un enjeu économique, environnemental et écologique, mais aussi de souveraineté. Soutien de notre agriculture et fier de nos agricultures, le groupe Droite républicaine, autour de son président Laurent Wauquiez, votera cette proposition de loi sans réserve.
Mme Marie Pochon (EcoS). En février 2024, en préambule du Salon de l’agriculture, en pleine mobilisation agricole, Emmanuel Macron a annoncé : « On ne peut pas raconter des craques aux agriculteurs, il faut arrêter. » Un an après l’examen d’une loi censée orienter l’agriculture française – elle n’en a rien fait –, nous examinons un texte qui vise à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Cessons de prétendre qu’il changera en mieux quoi que ce soit à la vie des agriculteurs : il est en réalité une menace pour des filières toutes entières et pour notre capacité à produire demain. Il faut cesser de faire croire que des entraves sont levées, alors que tous nos amendements sur le revenu ont été jugés irrecevables et que vous renvoyez aux calendes grecques la loi Egalim 2 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, donnant la priorité à la réautorisation des néonicotinoïdes et à la destruction des zones humides.
Nous sommes fiers de notre agriculture, ses labels de qualité et ses paysages. Arrêtons de tirer vers le bas les prix agricoles, la qualité, la productivité de nos sols, les droits sociaux des agriculteurs et de leurs salariés, au nom de la loi du marché. Quelle incohérence, à l’heure de la contestation massive des accords de libre-échange ! Ce nivellement généralisé par le bas tuera nos fermes paysannes, le pastoralisme, l’apiculture, le bio et les productions de qualité et menacera notre santé. Ce texte est une attaque frontale contre la Charte de l’environnement, contre le principe de précaution et de non régression, contre la science environnementale et sanitaire, par la réautorisation de l’acétamipride – un néonicotinoïde tueur d’abeilles. Il contribue aussi à faciliter les projets de mégabassines et l’implantation de l’élevage industriel, aux dépens des pratiques pastorales et de l’élevage extensif ; la protection des zones humides connaît un affaiblissement ; l’Anses est mise sous tutelle du pouvoir politique, au lieu de privilégier la science.
La protection des zones humides est abîmée pour faciliter les mégabassines, symboles de la mal-adaptation et de l’accaparement de l’eau par une poignée d’exploitations, la très grande majorité des exploitations familiales et locales n’y ayant pas accès et subissant tout autant la sécheresse. Les missions de l’OFB et son existence même sont menacées. Il est pourtant essentiel pour assurer le respect du droit. Face à ces postures démagogiques et irresponsables, le groupe Écologiste et social affirmera toujours son soutien à la science, au cap de santé humaine que nos politiques publiques devraient toujours fixer et à une agriculture à taille humaine, rémunératrice, résiliente, autonome, nous permettant de produire demain. Ce texte n’est autre qu’une immense entrave à notre capacité à produire notre alimentation, aujourd’hui et demain. Nous le combattrons, article par article.
M. Hubert Ott (Dem). La proposition de loi prétend lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Rappelons, en préambule, un principe de base : l’exercice de toute profession est naturellement soumis à des contraintes, car la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Ce texte vise à limiter autant que possible les obstacles à la réussite à laquelle aspirent tous les agriculteurs. Avec ses multiples visages, l’agriculture française doit pouvoir évoluer et progresser sans cesse. Or force est de constater que les dispositions proposées dans le texte ne conduisent ni au progrès, ni au mieux-être, ni à la cohésion nationale, pourtant indispensables pour que les bienfaits de l’agriculture soient pleinement reconnus.
L’article 5, qui touche au sujet sensible de l’eau, met le doigt sur un véritable enjeu d’avenir pour les agriculteurs et les éleveurs. Le changement climatique et les difficultés d’approvisionnement en eau nous obligent à trouver des moyens nouveaux afin de subvenir aux besoins des exploitations. Néanmoins, cela doit-il se faire au risque de détruire des biotopes ou des espèces vivantes ? Face aux enjeux de notre époque, les agriculteurs demandent non pas des permis de détruire mais des solutions et davantage de simplification. C’est pourquoi nous devons rejeter la notion de zones humides fortement dégradées, qui contrevient aux engagements pris aux niveaux national et européen en matière de préservation de l’eau et du vivant.
Je n’insisterai pas sur l’absolue nécessité de préserver l’indépendance de l’Anses, en rejetant toutes les formes de tutelle ministérielle imaginées dans ce texte. La science, c’est la science et le pouvoir politique n’a rien à lui dicter ; au contraire, il doit l’écouter et intégrer ses préconisations avant de décider.
Dans son article 2, la proposition de loi prévoit d’autoriser de nouveau l’usage d’un néonicotinoïde interdit en France depuis 2018 : l’acétamipride. Pourtant, les dernières études confirment son impact sur la santé : reprotoxique, il a des effets sur le neurodéveloppement – ce qui a des conséquences chez les enfants –, est génotoxique et cancérogène, en particulier s’agissant des cancers du sein chez les jeunes femmes. Le principe constitutionnel de précaution nous impose donc de refuser toute dérogation pour cette molécule, sans qu’une évaluation rigoureuse, actualisée et indépendante ait été menée. En raison de l’utilisation des néonicotinoïdes, 80 % de la population d’insectes a disparu. Cette catastrophe silencieuse nous prive des solutions fondées sur la nature, qui sont pourtant la meilleure voie d’avenir pour l’agriculture de demain. Nous n’avons moralement pas le droit de priver les générations futures de cette perspective.
Le récent rapport du Shift Project incite à développer l’agriculture biologique et l’agroforesterie, à diminuer les intrants, à diversifier et à alterner les cultures, à favoriser les prairies et l’élevage extensif, pour émettre moins de CO2 et garantir une meilleure santé, ainsi qu’une plus grande indépendance énergétique. Or ce n’est pas cet avenir, pourtant essentiel, que promeut le texte, qu’il faut revoir sérieusement.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le monde agricole traverse une crise profonde, à la fois économique, sociale, climatique et sanitaire. La mobilisation des agriculteurs a rappelé avec force ce que nous sommes nombreux à constater sur le terrain depuis longtemps : un sentiment de lassitude, d’incompréhension, voire de résignation, chez celles et ceux qui nous nourrissent. Si ce sentiment n’est pas nouveau, il s’est intensifié ces dernières années sous le poids des normes, de la volatilité des prix, de la pression concurrentielle, de la complexification des procédures, des aléas climatiques et de la hausse des prix de l’énergie. Les agriculteurs veulent produire, innover, transmettre, mais ils doivent trop souvent se justifier, gérer une charge administrative croissante et adapter en permanence leurs pratiques aux nouvelles exigences.
La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée le 24 mars dernier, a constitué une première étape. Le texte de nos collègues sénateurs vient la compléter, avec la volonté de s’attaquer à des surtranspositions et à des excès de réglementations françaises bien identifiées, notamment dans les domaines de la protection des cultures, des projets d’élevage, de la gestion de l’eau et des modalités de contrôle en exploitation.
Toutefois, le texte que nous examinons n’est pas celui déposé initialement au Sénat, puisque certains articles ont été entièrement réécrits et que d’autres, portant sur l’encadrement de l’usage de macro-organismes dans le cadre de la lutte autocide et l’adaptation, par ordonnance, du régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux, ont été introduits à l’initiative du gouvernement.
Si le groupe Horizons°et°indépendants salue les évolutions apportées sur plusieurs points très largement débattus au Sénat, permettez-moi, en tant que députée et présidente du groupe santé-environnement, de nuancer mon propos, en soulevant plusieurs interrogations, non exhaustives, partagées par certains de mes collègues.
Les dispositions initialement prévues, qui accordaient au ministre de l’agriculture le pouvoir de suspendre une décision de l’Anses et permettaient au directeur général de s’en remettre au ministre pour prendre une décision d’homologation, ont été abandonnées. Néanmoins, nous nous interrogeons sur le risque de mise sous tutelle de l’agence et d’une possible remise en cause de son indépendance, pouvant restreindre ou contourner son rôle dans l’évaluation scientifique des pesticides. Si les décisions politiques ou économiques devaient primer sur les avis sanitaires, l’Anses perdrait en crédibilité, en indépendance et en efficacité pour protéger la santé publique et l’environnement. En outre, la remise en cause de décisions scientifiquement éprouvées ferait courir un risque déontologique et le passage en revue de plus d’un millier de décisions rendues chaque année par l’opérateur créerait une charge administrative supplémentaire.
De même, qu’en est-il des critères définis – par qui ? – pour le conseil d’orientation pour la protection des cultures, alors qu’un comité interne regroupant toutes les parties prenantes fonctionne en souplesse, sans être sous l’influence de qui que ce soit ?
Concernant les néonicotinoïdes, si le texte ne prévoit plus d’abroger leur interdiction, il introduit la possibilité d’une dérogation pour les substances autorisées au niveau européen : en l’occurrence, l’acétamipride. J’appelle cependant votre attention sur le travail et le suivi réalisé depuis de nombreuses années par l’Anses : près de 25 millions d’euros ont été investis par les pouvoirs publics en recherche et développement, afin de trouver des solutions alternatives.
En conclusion, grâce au travail du Sénat et des ministères concernés, le texte est désormais plus mesuré et tente de répondre aux attentes légitimes. Notre groupe veillera donc, en commission comme en séance publique, à préserver l’équilibre trouvé entre le soutien nécessaire au monde agricole confronté à des défis immenses et le respect des fondements de notre action collective. Toutefois, les votes des membres de notre groupe étant indépendants, une majorité ne soutiendra pas le texte.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). L’hiver 2023-2024 a été le théâtre d’un mouvement de colère sans précédent des agriculteurs ; cela faisait des années que les revendications s’accumulaient. Depuis, le gouvernement a annoncé et instauré une série de mesures d’urgence, avant que la loi d’orientation agricole ne soit enfin adoptée. Nous progressons, mais certaines revendications légitimes n’ont toujours pas été traitées, notamment celles exprimées par les agriculteurs en faveur de plus de simplification et de davantage de justice en matière de concurrence.
La présente proposition de loi se veut une réponse à ces deux points. Si nous partageons la volonté de ses auteurs d’alléger les charges administratives et réglementaires qui pèsent sur les agriculteurs, nous sommes sceptiques quant aux mesures envisagées. En effet, le texte a tendance à confondre simplification et régression environnementale.
À cet égard, l’article 5 est éloquent : il vise à sécuriser juridiquement les retenues d’eau, en permettant des dérogations à la directive-cadre sur l’eau et à la directive en matière d’habitat. Or ce n’est pas en restreignant la protection de la biodiversité que nous parviendrons à garantir, dans la durée, l’approvisionnement en eau.
S’agissant des relations entre l’OFB et les agriculteurs, les mesures annoncées par les ministres Agnès Pannier-Runacher et Annie Genevard, le jeudi 17 avril dernier, devraient permettre d’apaiser les tensions.
Je reviendrai sur les dispositions sur lesquelles notre commission est saisie pour avis. Permettez-moi auparavant d’exprimer mon scepticisme concernant la priorité donnée aux enjeux économiques par rapport aux enjeux sanitaires dans le cadre des procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides de l’Anses, ma volonté de limiter le risque de conflit d’intérêts pour les entités qui exercent à la fois des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires et mon souhait d’avancer dans un cadre européen vers une interdiction généralisée de l’acétamipride.
En résumé, j’aborde ce texte en étant convaincue qu’une position d’équilibre est possible. Nous pouvons à la fois lever les entraves qui complexifient le travail des agriculteurs et préserver l’environnement et la santé de nos concitoyens. Ce sera l’objet des amendements que je défendrai lors de l’examen du texte.
M. Marcellin Nadeau (GDR). La proposition de loi prétend lever les contraintes au métier d’agriculteur. Néanmoins, nous avons bien compris de quelle agriculture il s’agit : une agriculture productrice et exportatrice. Le texte comporte plusieurs mesures concrètes, dont la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires, la remise en cause de l’interdiction des produits contenant des substances actives appartenant à la famille des néonicotinoïdes, le régime des installations classées pour la protection de l’environnement ou encore la question de l’eau.
J’insisterai sur deux points en particulier : l’Anses et l’épandage de produits phytosanitaires par drone. En prévoyant que l’Anses ait l’obligation d’informer son ministère de tutelle de l’ensemble des demandes d’agrément qu’elle reçoit, en amont de tout projet ou de toute décision, le gouvernement remet en cause son indépendance, d’autant plus qu’il souhaite lui indiquer désormais ses priorités. Le 13 mars dernier, quinze administrateurs de l’Anses ont d’ailleurs voté une motion au conseil d’administration, par laquelle ils s’inquiétaient « des impacts particulièrement graves sur l’indépendance de l’Anses et l’expertise scientifique », ajoutant que cette proposition de loi « conduirait à placer sous tutelle de l’État les décisions dont l’Anses assume la responsabilité en matière d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques et instaurerait un droit de regard de l’État sur celle-ci ». Rappelant que son conseil d’orientation serait composé non seulement de représentants de l’État mais aussi d’organisations représentatives de la production agricole et de l’industrie phytopharmaceutique, les administrateurs déploraient une évolution qui « constituerait une remise en cause grave de la gouvernance de l’Anses ».
L’épandage par drone concerne deux cultures en particulier : la vigne et les bananeraies – les territoires ultramarins sont donc particulièrement concernés. Aucune leçon n’a donc été tirée de l’expérience ? Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette mesure ne soit pas appliquée, compte tenu de la catastrophe sanitaire, écologique et humaine que constitue le scandale du chlordécone. Comment peut-on revenir à de telles méthodes, alors que l’on connaît les conséquences de ces pratiques qui relèvent davantage d’une agriculture productiviste et spéculative que d’une agriculture destinée à nourrir les populations ?
M. Gérard Leseul, président. Nous en venons aux interventions des autres députés.
Mme Delphine Batho (EcoS). Permettez-moi, pour commencer, de remercier la rapporteure pour avis de son propos introductif et de son opposition à une grande partie des dispositions contenues dans le texte. Je remercie également les porte-parole des différents groupes qui ont exprimé leur désaccord avec plusieurs mesures, sur un débat qui dépasse largement les clivages habituels sur les orientations de politique agricole. En effet, le contexte est important : nous avons traversé une pandémie mondiale, les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, une guerre a été déclenchée en Ukraine et, à l’échelle internationale, une offensive politique obscurantiste se fait jour contre la science. Or ce texte comprend un hit-parade de dispositions d’inspiration trumpiste, hostiles non pas à la recherche scientifique, mais aux faits établis par la connaissance scientifique. C’est pourquoi il doit être rejeté en bloc et je remercie les collègues qui sont prêts à s’émanciper de la tutelle de leur groupe, parce qu’il s’agit de défendre des valeurs et l’identité de la France dans son rapport à la science.
M. Vincent Descoeur (DR). Comme de nombreux collègues, j’ai regretté que dans un contexte de changement climatique qui affecte la ressource en eau, la question cruciale de la disponibilité de cette ressource n’ait pas été abordée lors de l’examen de la loi d’orientation agricole. C’est pourquoi je me réjouis que cette proposition de loi ait pour objectif de concilier les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource.
Dans le rapport de la mission d’information, créée au sein de notre commission, sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique dont mon collègue Yannick Haury et moi-même étions les rapporteurs, nous avions insisté sur la nécessité d’encourager et de développer le stockage de l’eau en réponse à l’irrégularité croissante de la ressource, en raison notamment d’une évolution préoccupante de la fréquence des précipitations. Dans son article 5, ce texte a pour objet de sécuriser l’accès à l’eau pour les activités agricoles, en inscrivant dans la loi la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement des animaux – ce qui découle d’une logique implacable – et en introduisant de manière très encadrée une présomption d’intérêt général majeur pour les ouvrages de stockage, dès lors que ces projets répondent à un enjeu de stress hydrique et s’inscrivent dans une démarche globale concertée et de plus grande sobriété. Nous soutiendrons ces propositions.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Lymphome, cancer du pancréas, maladie de Parkinson, myélome, cancer de la prostate, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive, leucémie, tumeur du cerveau, tumeur du système nerveux central : autant de maladies évitables, qui détruisent des familles entières et dont la proposition de loi aggravera l’explosion. Sur la question, en effet, toutes les études scientifiques convergent. Hier encore, un millier de médecins et de scientifiques ont dénoncé les dangers du texte.
L’agriculture est en crise. Mais, au lieu d’apporter des réponses sérieuses, ce texte détruit méticuleusement les menues barrières qui protègent encore notre santé, y compris celle des agriculteurs, et notre environnement ; en revanche, il ne contient aucune mesure sur le revenu des agriculteurs, l’agriculture biologique ou l’agroécologie, l’activité des éleveurs herbagés et pastoraux. Il ne fait que menacer davantage la santé et la nature.
Pour ne citer qu’un seul article hautement problématique, l’article 5 prévoit de faciliter les bassines et les prélèvements dans les eaux souterraines, même lorsque ces projets concernent des zones accueillant des espèces protégées. Ce même article prévoit de simplifier la destruction des zones humides, alors qu’elles sont essentielles à l’agriculteur.
En adoptant la proposition de loi, vous scierez la branche sur laquelle sont assis les agriculteurs, la société et la nature, dans le seul but de protéger les intérêts d’une poignée de bénéficiaires de l’agro-industrie.
M. Pascal Lecamp (Dem). En tant que rapporteur, avec Nicole Le Peih, du projet de loi d’orientation agricole, je tenais à prendre position sur ce texte, d’autant que j’avais rencontré le sénateur Duplomb en octobre dernier et lui avais proposé d’intégrer certaines de ses dispositions dans le projet de loi. Le sénateur a préféré maintenir sa proposition de loi et certains ont accédé à ses demandes. Pourtant, ce texte ne porte aucune vision de l’agriculture de demain ; au contraire, il ne propose que des reculs, en fonction d’une vision tournée vers le passé. Dans un contexte de décrédibilisation générale de l’expertise scientifique, il véhicule une opposition systématique entre l’agriculture et l’environnement, alors que nous nous étions efforcés, dans la loi d’orientation agricole, de trouver des points d’atterrissage permettant à l’agriculture de se développer, tout en préservant l’environnement. Au groupe Les Démocrates, nous souhaitons constituer un rempart contre ces dynamiques populistes qui existent au sein de tous les groupes politiques, en particulier ceux du bloc commun, au Sénat.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Le texte vise à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, ce qui est surprenant pour une proposition de loi aussi éloignée des attentes du monde agricole. Élaboré sur-mesure pour quelques grands exploitants exportateurs qui se moquent de la science et de l’avenir comme de l’an quarante, ce texte constitue, en réalité, une bombe à retardement. Enfermé dans une vision dépassée de l’agriculture, il nous entraîne dans une course à l’échalote à la dérégulation et, donc, à la mise en péril des écosystèmes et des organismes.
Aux groupes qui se disent favorables à la proposition de loi, j’aimerais poser trois questions : vivez-vous encore sur la même planète que nous ? Êtes-vous aveuglés au point de ne plus penser à la biodiversité et à notre santé ? Ne voyez-vous pas que produire plus nous conduit tout droit dans le mur, si cela signifie détruire plus ?
Alors que nous connaissons les dangers des produits que M. Duplomb et ses amis cherchent à épandre, voire à répandre, partout en France, certaines décisions politiques sont criminelles. Vous serez responsables et comptables de l’explosion des maladies à venir chez les Françaises et les Français, si vous votez en faveur du texte.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous remercie pour vos propos, et je respecte les positions de chacune et de chacun d’entre vous. J’espère que notre débat sera tout aussi respectueux et apaisé.
Ne confondons pas les normes environnementales qui ont été adoptées pour accompagner la transition agricole et les contraintes administratives qu’elles génèrent. Ce sont bien ces dernières que les agriculteurs remettent en cause. Pour assurer notre souveraineté alimentaire, nous devons accompagner les agriculteurs dans la transition et non les envoyer dans le mur, sous prétexte de remettre en cause l’environnement, par souci de suivre une mode politique.
Je n’aime pas évoquer ma situation personnelle. Toutefois, en tant qu’agricultrice, je subis chaque jour le réchauffement climatique sur mon exploitation, auquel je dois m’adapter. Je peux vous assurer que cette proposition de loi n’apportera aucune réponse à la transition agricole ni à la souveraineté alimentaire !
M. Gérard Leseul, président. Nous en venons à l’examen des articles de la proposition de loi, sur laquelle 419 amendements ont été déposés, dont 44 ont été déclarés irrecevables : 9 l’ont été au titre de l’article 40 de la Constitution – 7 car ils constituaient une charge et 2 car la perte de recettes n’était pas gagée ; 1 amendement l’a été car il modifiait la partie réglementaire d’un code ; 28 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45, car ils constituaient des cavaliers législatifs ; enfin, 6 d’entre eux sortaient du champ de la saisine de la commission, puisqu’ils concernaient l’article 4.
TITRE III – Faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activitÉs agricoles et la nÉcessaire protection de la ressource
Avant l’article 5 (examen prioritaire)
Amendements identiques CD74 de M. Jean-Pierre Taite, CD94 de M. Vincent Descoeur et CD425 de Mme Danielle Brulebois, amendement CD380 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)
M. Jean-Pierre Taite (DR). La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, adoptée le 20 février 2025 par le Parlement, dispose que « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur ». Notre amendement vise à préciser que la nécessité juridique de protéger les ressources en eau rejoint celle de protéger l’agriculture, source de souveraineté agricole et alimentaire de la nation. C’est pourquoi nous proposons de rédiger l’intitulé du titre III en ces termes : « Concilier la nécessaire protection des activités agricoles et de la ressource en eau ».
M. Vincent Descoeur (DR). Il nous semble indispensable d’afficher l’objectif poursuivi, qui consiste à concilier la protection de la ressource en eau, dans un contexte de diminution programmée, et la poursuite des activités agricoles, qui est tout aussi essentielle.
Mme Danielle Brulebois (EPR). La loi d’orientation agricole dispose en effet que « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur ». Cet amendement permet de préciser que la nécessité juridique de protéger les ressources en eau rejoint celle de protéger l’agriculture.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le titre actuel insiste davantage sur la protection de la ressource en eau, alors que votre proposition la subordonne aux activités agricoles. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements identiques inversent la hiérarchie des usages de l’eau : l’eau sert d’abord à un usage domestique – c’est l’eau potable –, puis aux besoins des milieux aquatiques et naturels et, enfin, aux usages économiques. L’inversion que vous opérez constitue un miroir aux alouettes, puisque le cadre que je viens de rappeler est applicable à la France comme à l’ensemble de l’Europe : modifier le titre III de la proposition de loi n’y changera rien.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Mon amendement propose une solution alternative. Les scientifiques sont unanimes : pour préserver durablement la ressource en eau, essentielle à l’agriculture, la solution est d’opérer la transition vers l’agroécologie. En effet, d’après l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « l’agroécologie permet de tendre vers une agriculture moins gourmande en eau, notamment en visant à capter et à conserver au maximum l’eau dans les sols ». La formulation que nous proposons est donc davantage protectrice de l’eau.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le titre actuel n’est pas le problème. Il faut protéger la ressource en eau et permettre aux agriculteurs d’en disposer. Avis défavorable également.
La commission rejette successivement les amendements identiques et l’amendement CD380.
Article 5 (examen prioritaire) : Reconnaissance de l’intérêt général majeur s’attachant aux prélèvements et ouvrages de stockage d’eau et création d’une nouvelle catégorie de zone humide
Amendements de suppression CD487 de la rapporteure pour avis, CD3 de Mme Delphine Batho, CD193 de M. Fabrice Barusseau, CD299 de M. Loïc Prud’homme, CD417 de M. Marcellin Nadeau et CD437 de M. Hubert Ott
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Mon amendement vise à supprimer l’article 5, pour les raisons longuement exposées dans mon propos liminaire.
Mme Delphine Batho (EcoS). Les dispositions de l’article 5 posent éminemment problème, compte tenu de la situation critique de la ressource en eau dans notre pays et du changement climatique que nos agriculteurs subissent massivement – depuis 2020, il n’y a pas eu une seule année normale de récolte à l’échelle nationale. La situation est d’autant plus critique que l’eau est notamment contaminée par les nitrates – sur ce point, la Commission européenne attaque la France devant la Cour de justice de l’Union européenne – et par les pesticides, créant un problème majeur de santé publique.
De plus, alors que la lutte contre les inondations ou les sécheresses et la restauration de la biodiversité exigent celle des zones humides, les dispositions de l’article 5 procèdent à leur liquidation.
Quant aux conflits d’usage de l’eau apparus dans plusieurs territoires – en tant que députée des Deux-Sèvres, je suis bien placée pour en parler – les dispositions du texte n’apportent pas le début d’un commencement de réponse permettant d’éviter une guerre de l’eau ; il propose, tout au contraire, d’appuyer sur l’accélérateur à l’origine des problèmes que nous rencontrons partout.
M. Fabrice Barusseau (SOC). Notre amendement vise à protéger la ressource hydrique et à empêcher de graves reculs environnementaux qui conduiraient inévitablement à une mal-adaptation, au vu des effets du changement climatique.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’article 5, lequel facilitera le déploiement des mégabassines dans des zones prétendument affectées par un déficit d’eau. Sans mauvais jeu de mots, ce déficit en eau est évalué un peu au doigt mouillé. En effet, alors que les études sur l’hydrologie, les milieux, les usages, le climat (HMUC) devraient être effectuées avant la réalisation de retenues, elles ne sont que très rarement menées et, dans la majorité des cas, les bassines sont développées en dehors de toute étude sérieuse. C’est pourquoi nous nous opposons aux mégabassines, d’autant qu’elles sont imposées sans le moindre débat démocratique, qu’elles représentent une mal-adaptation et nous conduisent dans une impasse écologique.
De plus, cet article redéfinit les zones humides fortement modifiées et contribue à affaiblir leur protection. Les installations, ouvrages, travaux et activités seront facilités dans ces zones car ils seront exemptés de procédures d’autorisation ou de déclaration. Au lieu d’engager la nécessaire restauration des zones humides, qui jouent un rôle clef dans la protection de la biodiversité, et de s’appuyer sur les solutions fondées sur la nature, qui sont les seules à même de répondre au défi qui nous est posé, le texte tend vers une accélération de leur dégradation.
M. Marcellin Nadeau (GDR). Notre amendement vise également la suppression de l’article pour toutes les raisons déjà évoquées, dans un souci de protection de la ressource en eau. Par ailleurs, une conférence de l’eau à l’échelle nationale avait été annoncée par le Premier ministre Barnier, et l’actuel Premier ministre a repris ce projet en lui donnant une dimension régionale. Nous pensons donc que légiférer sur la gestion de l’eau alors que ces conférences n’ont pas encore eu lieu, et en l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, pose problème.
M. Hubert Ott (Dem). Cette proposition de loi revient sur plusieurs aspects de la politique de l’eau, alors que des dispositions importantes visant à établir un équilibre dans la gestion de cette ressource ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi d’orientation agricole. Ces dispositions, comme la définition d’un étang piscicole ou la possibilité offerte aux départements de recevoir un mandat de maîtrise d’ouvrage à titre gratuit pour la production, le transport, le stockage d’eau destiné à la consommation humaine ou encore l’approvisionnement en eau, ont besoin de temps pour porter leurs fruits.
L’article 5 introduit la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement. Cependant, les mécanismes existants promeuvent déjà le développement, la mobilisation et la protection de la ressource en eau, ainsi qu’une politique active de stockage de l’eau et son utilisation économe et durable. Il n’apparaît donc pas nécessaire de redéfinir les enjeux de l’accès à l’eau, déjà traités dans un cadre juridique rigoureux.
L’article 5 crée également une présomption d’intérêt général majeur pour les retenues et les stockages d’eau à vocation principalement agricole. Cette présomption, parce qu’elle renverse l’ordre des priorités d’usage de la ressource, serait contre-productive et risquerait d’en compromettre la gestion durable.
Enfin, l’article 5 introduit la notion de zone humide fortement modifiée, qui rompt avec les principes du droit de l’environnement et avec les engagements pris aux niveaux national et européen en matière de préservation de l’eau et de lutte contre l’érosion de la biodiversité. Cette notion floue et scientifiquement infondée présente un risque juridique majeur en introduisant une subjectivité dans la reconnaissance de ces milieux. Elle pourrait faciliter leur déclassement au profit d’aménagements ou d’exploitations, même lorsqu’ils conservent en partie leurs fonctions écologiques essentielles. Les zones humides, même partiellement altérées, jouent un rôle crucial dans le cycle de l’eau, la régulation des inondations, la prévention des sécheresses, le stockage de carbone et la préservation de la biodiversité. Les qualifier de non fonctionnelles reviendrait à ignorer leur potentiel de restauration et à compromettre les efforts de résilience face au dérèglement climatique.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Permettez-moi d’exposer deux arguments pour vous convaincre de ne pas supprimer cet article.
Préserver l’accès des éleveurs à la ressource en eau pour abreuver leurs bêtes est un enjeu en matière de santé animale. La suppression de cet article éliminerait cette priorité, que je croyais consensuelle. Compte tenu de l’importance de l’élevage dans notre pays, une telle décision me surprendrait.
De plus, l’adoption de l’article 5 faciliterait la concrétisation de projets de stockage d’eau, qui ont pour objectif de concilier la préservation du potentiel agricole, la protection de la ressource en eau et son juste partage.
M. Vincent Descoeur (DR). Il serait regrettable que notre commission s’interdise de débattre du stockage de l’eau, qui ne prend pas nécessairement la forme de bassines ou de mégabassines. Notre capacité à nous adapter à la dérégulation du volume et des fréquences des précipitations est un enjeu crucial. Dans certains territoires, le volume des précipitations demeurera peut-être identique, mais sera beaucoup plus concentré dans le temps ; il me semble judicieux de prévoir l’utilisation de cette eau à d’autres moments de l’année. Ne caricaturons pas le débat en évoquant uniquement les bassines, alors que le stockage de l’eau peut prendre des formes beaucoup plus respectables et raisonnables.
Mme Delphine Batho (EcoS). En lisant le terme d’abreuvement dans le texte, j’ai cherché à quel endroit en France des animaux auraient été privés d’eau parce que les règles d’usage de l’eau s’y opposeraient ; je n’ai rien trouvé, parce que ça n’existe pas. Tous les usages agricoles de l’eau sont prévus par le code de l’environnement ; même lorsque des arrêtés de sécheresse sont pris, prélever de l’eau pour abreuver les animaux demeure autorisé. Cette disposition est donc inutile.
Les dispositions relatives au stockage de l’eau figurant dans ce texte sont proclamatoires, évoquant l’intérêt public majeur ; elles ne changeraient malheureusement rien au droit en vigueur et aux réalités de terrain. Pour ma part, je suis favorable à un moratoire à ce sujet, parce que les grands ouvrages de stockage comme les bassines sont une mal-adaptation au changement climatique.
Enfin, l’article 5 soulève un problème de sécurité civile au regard de la nécessaire restauration des zones humides pour lutter contre les inondations.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je vous recommande la lecture du rapport de la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique, rédigé par MM. Vincent Descoeur et Yannick Haury. Compte tenu de l’évolution des précipitations et des niveaux des nappes phréatiques, qui ne feront que se dégrader, le stockage de l’eau est indispensable.
En revanche, les mesures prévues par l’article 5 concernant les zones humides fortement modifiées me posent un problème de conscience, parce que nous en avons déjà trop détruit.
M. Vincent Descoeur (DR). La question de l’abreuvement des animaux n’est pas si simple. Parce que leur réseau d’adduction d’eau potable a été sous-alimenté, des exploitations envisagent de renforcer leur autonomie grâce à l’installation de solutions de stockage. Dans certaines régions, la transhumance des animaux a été interrompue en raison d’un manque d’eau, que pourrait pallier une solution de stockage.
M. Dominique Potier (SOC). L’abreuvement n’est qu’un prétexte : c’est une priorité absolue que nul ne conteste.
Je souscris aux propos de M. Nadeau – sans doute les plus importants : les enjeux relatifs à l’usage de l’eau ne peuvent être traités de façon compartimentée. Imaginez si nous devions adopter différentes lois consacrées à l’usage de l’eau dans l’industrie, dans la lutte contre les incendies ou par les collectivités ! Cela n’aurait aucun sens. L’eau est un bien commun, qui doit être géré et partagé comme tel, en favorisant l’innovation et la sobriété.
En attendant le projet promis par Matignon, il nous faut déjouer les logiques visant à compartimenter l’usage de l’eau, qui créent des tensions là où nous avons besoin de concorde, de science et de démocratie.
La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Après l’article 5 (examen prioritaire)
Amendement CD372 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement tend à ajouter au code de l’environnement une référence aux milieux naturels aquatiques d’eau douce, distincts des milieux terrestres et marins. La dégradation de la ressource en eau met directement en péril la durabilité de notre agriculture et menace l’activité des agriculteurs qui en dépendent. Il convient de mentionner explicitement l’appartenance des milieux naturels aquatiques au patrimoine commun de la nation pour renforcer leur préservation.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, puisque cette mention figure déjà dans le texte, que je ne souhaite pas alourdir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD310 de Mme Clémence Guetté
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les études d’impact des projets soumis à autorisation et faisant l’objet d’une évaluation environnementale permettent d’apprécier leurs incidences directes et indirectes sur les terres, le sol, l’air et le climat, en tenant compte notamment des effets du changement climatique sur la ressource en eau.
Certaines études scientifiques s’appuient sur des données relatives aux ressources en eau remontant sur plusieurs décennies ; or ces ressources évoluent rapidement, au fur et à mesure de l’aggravation des sécheresses. Par cet amendement, nous souhaitons que les études d’impact prennent aussi en considération des données prospectives.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il appartient au juge administratif de déterminer si l’étude d’impact est suffisante. Dans le cadre d’un recours, les dernières études produites doivent être compatibles avec les Sdage, qui tiennent déjà compte des effets du changement climatique sur la ressource en eau. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 bis (nouveau) : Modification des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau
Amendement CD311 de M. Loïc Prud’homme
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). L’amendement n’a plus lieu d’être puisque nous avons émis un avis favorable à la suppression de l’article 5.
Nous ne sommes pas opposés au principe du stockage de l’eau mais à certaines façons de procéder ; ainsi, nous sommes favorables aux retenues collinaires. Tous les scientifiques le confirment : dans le contexte d’adaptation au changement climatique, le meilleur stockage est celui qui est naturellement accompli dans les nappes phréatiques, les milieux naturels et les zones humides.
Nous devons identifier les meilleures manières de réduire la vitesse d’écoulement de l’eau entre son point de chute et son exutoire, afin de la retenir dans les sols des bassins-versants. Il nous faut rétablir le grand cycle de l’eau, la stocker dans les nappes phréatiques et dans les sols des zones humides dont nous aurons restauré la matière organique, plutôt que dans des méga-ouvrages qui accaparent la ressource pour quelques-uns au détriment de la majorité.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, puisque les objectifs de la politique de l’eau font déjà état du besoin d’un usage partagé de l’eau. De plus, réserver toute l’eau stockée à la seule agriculture biologique poserait un problème de faisabilité et priverait de nombreux agriculteurs de cette ressource.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 ter (nouveau) : Protection des captages d’eau
Amendement CD489 de la rapporteure pour avis, sous-amendements CD497 et CD495 de M. Jean-Claude Raux, sous-amendement CD494 de Mme Delphine Batho ; amendements CD259, CD260, CD261 et CD262 de M. Jean-Claude Raux, CD35 de Mme Delphine Batho et CD263 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD489 s’inspire largement de la proposition de loi présentée par Jean-Claude Raux relative à la protection des captages d’eau. Il vise à insérer un article modifiant différents articles du code général des collectivités territoriales et du code de l’environnement, afin de protéger durablement les captages d’eau potable contre les pollutions diffuses d’origine agricole et industrielle, tout en assurant un meilleur suivi de la qualité des eaux prélevées et distribuées.
Dans un premier temps, il s’agit de systématiser la délimitation d’aires d’alimentation des captages (AAC) au sein desquels l’autorité administrative compétente instaure un plan d’action pluriannuel visant à préserver la qualité de l’eau.
Dans un second temps, il s’agit d’interdire, à compter du 30 septembre 2030, l’usage de pesticides de synthèse et d’engrais azotés minéraux dans les AAC associées à des points de prélèvement sensibles – c’est-à-dire qui approchent des seuils limites de tolérance pour les pollutions concernées.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). En matière de qualité de l’eau, le volontariat a longtemps prévalu et continue d’être la norme. Pour protéger les captages d’eau, en particulier les plus vulnérables ou les plus sensibles, ce sous-amendement CD497 vise à passer du volontariat à l’obligation.
Les aires d’alimentation concernent les captages sensibles, c’est-à-dire les points de prélèvement déjà en danger en raison de problèmes de qualité de l’eau. Pourtant, en 2019, 40 % des points de prélèvements sensibles n’avaient toujours pas d’aire d’alimentation. Or, plus celles-ci tardent à être délimitées, plus longtemps perdurent les pollutions de l’eau. Afin d’accélérer la protection des captages en danger, le sous-amendement CD495 vise à obliger le préfet à suspendre l’AAC en l’absence de proposition de délimitation.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le sous-amendement CD494 vise à intégrer un délai de trois ans de conversion vers l’agriculture biologique.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable sur les deux sous-amendements de M. Raux et défavorable sur celui de Mme Batho. Dans des zones de captage, certaines exploitations agricoles, sans être labélisées en agriculture biologique, pratiquent une forme d’agroécologie et testent des cultures sans recourir aux pesticides ni aux azotes ; elles sont susceptibles de généraliser ces bonnes pratiques. Je ne souhaite pas que les zones de captages protégées soient réservées aux exploitations pratiquant l’agriculture biologique.
Mme Delphine Batho (EcoS). Je vais retirer mon sous-amendement CD494 au profit de ceux de Jean-Claude Raux, puisque mon objectif consiste avant tout à sortir d’une logique de programmes volontaristes, qui ne règlent pas les problèmes.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Depuis des décennies, on nous répète qu’il faut protéger l’eau ; nous le répétons à notre tour. Pourtant, cette proposition de loi tend clairement à affaiblir nos protections et risque d’accentuer la pollution des écosystèmes. De la qualité de l’eau en amont dépend la qualité de l’eau que nous buvons. En 2023, 17 millions de Françaises et de Français ont consommé au moins une fois une eau contaminée aux pesticides. Il est temps de choisir entre la santé publique et les lobbys de l’agrochimie ; agir maintenant, c’est prévenir des scandales sanitaires à l’avenir.
L’amendement CD259 vise à protéger durablement la qualité de l’eau potable en sanctuarisant les aires d’alimentation des captages sensibles contre les pollutions aux pesticides.
Entre 1980 et 2024, 14 000 captages d’eau ont été fermés, essentiellement en raison de la dégradation de la qualité de l’eau. Chaque année, la lutte contre la pollution de l’eau courante coûte entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros, uniquement pour l’élimination des pesticides.
Par conséquent, sanctuariser les périmètres de protection éloignée de tous les captages d’eau, comme le propose l’amendement CD260, c’est appliquer une politique de prévention efficace et empêcher de futures pollutions qui conduiraient à de nouvelles fermetures de captage, voire à des restrictions d’usage de l’eau. Finalement, cela éviterait aux Françaises et aux Français de boire une eau contaminée. Nous le savons, la prévention est beaucoup moins coûteuse que la dépollution.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait des cinq amendements de M. Raux au profit du mien, qui est mieux-disant, a fortiori s’il est modifié par les deux sous-amendements de M. Raux.
Le sous-amendement CD494 est retiré, de même que les amendements CD259, CD260, CD261, CD262, CD35 et CD263.
La commission adopte successivement les deux sous-amendements CD497 et CD495.
Elle adopte l’amendement CD489 sous-amendé.
Après l’article 5
Amendement CD247 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à confier au comité de bassin une mission essentielle d’évaluation des besoins en matière d’irrigation et de stockage de l’eau, dans un objectif de préservation durable de la ressource et de soutien à l’agriculture.
Le code de l’environnement, dans son chapitre consacré à la planification de l’eau, ne mentionne pas explicitement l’agriculture et l’irrigation ; ces besoins fondamentaux sont trop souvent ignorés ou relégués au second plan. Pourtant, face aux sécheresses à répétition et aux aléas climatiques, les agriculteurs ont besoin de visibilité et de prévisibilité, d’outils concrets à l’échelle des bassins-versants. Sans eau, pas d’agriculture et sans agriculture, pas non plus de souveraineté alimentaire ; il est urgent de placer cette réalité au cœur de nos politiques de l’eau.
Il s’agit donc de mieux connaître, mieux anticiper et mieux organiser les besoins en matière d’irrigation, afin d’en faire un véritable levier de dialogue entre tous les acteurs concernés. Cette démarche de bon sens serait utile à la planification, notamment dans le cadre des Sdage, et au renforcement de la cohérence et de l’efficacité de notre politique de l’eau.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les comités de bassin remplissent déjà cette mission : l’article L. 212-1 du code de l’environnement stipule qu’ils doivent tenir compte des besoins liés à la production alimentaire. Leur priorité demeure la protection de la ressource ; la production d’une évaluation chiffrée des besoins en matière d’irrigation n’est pas de leur ressort. Avis défavorable.
Mme Julie Lechanteux (RN). C’est précisément la raison pour laquelle je souhaite ajouter cette mission.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il n’y a pas de raison de l’ajouter.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD248 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). Afin de mieux articuler la politique de l’eau et les exigences de notre souveraineté agricole et alimentaire, cet amendement vise à prévoir une dérogation aux objectifs fixés par les schémas directeurs en matière de qualité ou de quantité d’eau lorsqu’un projet est en contradiction avec l’objectif fondamental du code de l’environnement de préservation de nos capacités de production agricole.
Il ne s’agit pas de contourner les exigences environnementales, puisque cette dérogation serait encadrée, motivée et exceptionnelle, mais l’agriculture ne peut pas toujours être sacrifiée lorsque des arbitrages sont nécessaires. Que notre alimentation soit produite sur notre sol par nos agriculteurs est un impératif stratégique. Dans le contexte de bouleversement climatique, cela suppose une gestion de l’eau pragmatique, équilibrée et adaptée. Nous proposons une reconnaissance juridique des conflits d’usage qui peuvent survenir et des outils pour les résoudre intelligemment, sans opposer systématiquement agriculture et écologie. C’est une démarche de bon sens au service de l’intérêt général et de la résilience de notre pays.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Alors que les Sdage, dont les principales missions sont prévues par la loi, ont précisément pour vocation de concilier au mieux les différentes exigences en matière d’accès à l’eau, votre amendement vise à modifier ces missions au nom de la protection des seuls impératifs agricoles. Avis défavorable.
Mme Julie Lechanteux (RN). Il s’agit au contraire de proposer un cadre pour ne pas les opposer, afin d’éviter les confrontations.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les Sdage prévoient déjà des concertations et des échanges, qui permettent de parvenir à des consensus dans les comités de bassin entre les usagers, les agriculteurs et les autres parties prenantes. Je m’oppose à ce que l’impératif agricole prévale sur les autres, comme votre amendement tendrait à le favoriser.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 quater (nouveau) : Interdire le financement par les agences de l’eau des réserves de substitution
Amendements CD313 de M. Loïc Prud’homme et CD312 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il n’est pas acceptable que quelques acteurs accaparent un bien commun dans des mégabassines tout en faisant reposer le financement de celles-ci sur l’ensemble de la société.
Dans son rapport de juillet 2023 sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique, la Cour des comptes remarque que « la cristallisation des oppositions autour de certains projets […] n’est pas sans rapports avec cette inégale répartition du financement de la politique de l’eau. Elle témoigne aussi de la faiblesse de la concertation sur cette politique dans de nombreux territoires dépourvus de commissions locales de l’eau ».
Théoriquement, les mégabassines doivent s’inscrire dans le cadre d’un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) – encadré par la directive du 7 mai 2019. C’est précisément ce qui a fait défaut dans le cas des bassines des Deux-Sèvres : certaines parties prenantes ont été expulsées du tour de table du PTGE, entraînant l’opposition que nous connaissons.
La Coop de l’eau 79, porteuse du projet, a réévalué le coût des seize bassines installées dans les Deux-Sèvres à 76 millions, soit 20 millions de plus que le coût estimé en 2019. Leur financement repose à 70 % sur des fonds publics issus notamment de l’agence de l’eau Loire-Bretagne et sur des fonds du plan de relance. Il ne nous semble pas opportun que ces infrastructures soient financées de manière aussi déséquilibrée par de l’argent public, alors qu’elles ne satisfont que quelques acteurs privés.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement vise à conditionner les concours des agences de l’eau à la réduction des prélèvements et à l’usage exclusif de l’irrigation pour l’agriculture biologique. Il s’agit d’empêcher le financement de mégabassines, qui empêchent la bifurcation écologique et enferment une partie du monde agricole dans un modèle uniquement basé sur la compétition mondiale entre agriculteurs, qui montre ses limites, notamment écologiques. Il est préférable de se donner les moyens d’accompagner les agriculteurs vers un changement de pratiques en faveur de l’agroécologie, plutôt que de continuer de financer des bassines au profit de l’agrobusiness.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les agences de l’eau, qui participent à l’élaboration des Sage et des Sdage, ont des objectifs de réduction des prélèvements et de préservation de la ressource. Elles apportent parfois leur concours à des organismes ayant pour mission de mieux répartir les prélèvements et d’organiser le dialogue, même si certains acteurs ne pratiquent pas une agriculture biologique ou que leurs actions ne reposent pas sur une étude hydrologique préalable. Nous devons leur faire confiance pour ne pas contribuer à la dégradation de la ressource.
Avis défavorable sur les deux amendements.
Mme Delphine Batho (EcoS). Depuis une circulaire de Jean-Louis Borloo datant de 2010, la pratique ne correspond pas à ce que vous venez de dire, et je suis bien placée pour en parler. Dans les Deux-Sèvres, l’agence de l’eau aurait pu jouer un rôle pour éviter qu’on se retrouve dans la situation actuelle, mais cela n’a pas été le cas, car elle avait des directives lui demandant de ne pas aller dans ce sens ; et quand le comité de bassin plaide pour un arrêt des travaux et la reprise du dialogue, il n’est pas écouté. Nous soutenons donc l’amendement CD312, qui correspond exactement à celui que nous avions déposé à l’article 5, à nos amendements à la proposition de loi du groupe LFI visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des mégabassines, ainsi qu’à une disposition de notre propre proposition de loi sur le sujet.
La commission adopte l’amendement CD313.
En conséquence, l’amendement CD312 tombe.
La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures cinquante-cinq.
Article 5 quinquies (nouveau) : Réalisation d’une étude hydrologique obligatoire préalable à toute autorisation environnementale d’ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation agricole
Amendement CD309 de Mme Clémence Guetté
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cet amendement revient sur la prise de décision – jusqu’à présent au doigt mouillé – pour la construction de ces infrastructures. Il faudrait s’appuyer sur une connaissance approfondie du milieu, notamment pour bien mesurer l’impact des retenues sur les territoires concernés, en menant à chaque fois des études HMUC. Souvent, le technosolutionnisme qui nous est vendu quand il est question des mégabassines ne fonctionne pas. Les études HMUC sont réalisées de manière scientifique sur les cinq années précédant les demandes d’autorisation et sont donc très sérieuses. Elles conduisent à des avis défavorables, car elles démontrent dans la grande majorité des cas que les mégaretenues ne remplissent pas leur fonction, qui est de permettre de trouver des solutions en matière de stockage d’eau ou du moins de pallier la modification de la fréquence et de l’intensité des pluies sur nos territoires.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous avons abordé la question des études, qui sont déjà demandées par les Sage, lesquels déclinent les Sdage.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le groupe Écologiste et social est très favorable à cet amendement, qui est absolument nécessaire. La réalité concrète du terrain, c’est que soit les projets reposent sur des données anciennes et ne tiennent donc aucun compte du changement climatique, soit il existe des données plus récentes, comme les études HMUC, mais le préfet décide de n’en tenir aucun compte pour la délivrance des autorisations environnementales – notre collègue Lisa Belluco pourrait en parler longuement, après ce qui s’est passé dans la Vienne. Il est important que les données scientifiques sur l’état des milieux, les nappes phréatiques et leur devenir, dans un contexte d’accélération du changement climatique, soient la base à partir de laquelle un dialogue s’engage quant aux perspectives et solutions à déployer dans les territoires.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Madame la rapporteure pour avis, je suis très déçu par cet avis défavorable. Il faut asseoir les décisions sur des faits scientifiques. Vous l’avez d’ailleurs rappelé tout à l’heure : nous suivons une pente glissante qui nous conduit vers un trumpisme à la française. Cet amendement très clair et de bon sens permettra de se fonder sur des études scientifiques, donc sérieuses, et non sur des considérations complètement irrationnelles à propos des mégabassines.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 5 (examen prioritaire)
Amendement CD457 de M. Hubert Ott
M. Hubert Ott (Dem). Cet amendement vise à sécuriser la définition du cours d’eau afin de simplifier les démarches pour de très nombreux agriculteurs en l’absence d’enjeux liés au cycle de l’eau.
Selon le code de l’environnement, « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales ». Une instruction du gouvernement en date de juin 2015 a précisé la méthode d’identification des cours d’eau qui doit être utilisée par les préfets afin d’en établir une cartographie dans les départements. Cette méthode se fonde sur les critères cumulatifs retenus par le Conseil d’État dans un arrêt du 21 octobre 2011 : la présence ou permanence d’un lit naturel à l’origine, l’alimentation par une source et un débit suffisant une majeure partie de l’année. En cas de difficultés d’appréciation, des critères supplémentaires peuvent être utilisés suivant la méthode dite du faisceau d’indices : la présence de berges et d’un lit au substrat spécifique, la présence de vie aquatique et la continuité amont-aval.
Sur le terrain, les difficultés d’appréciation sont grandes, ce qui génère des incertitudes et des complications majeures quant aux démarches administratives nécessaires. La définition des cours d’eau doit donc être sécurisée juridiquement et la cartographie en cours au sein des départements doit devenir opposable, dans un esprit de sécurisation des démarches administratives et de simplification, sans aucune remise en cause des enjeux environnementaux et de biodiversité liés aux cours d’eau.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ce n’est pas du tout une mauvaise idée mais une mission d’information sur les cours d’eau a été confiée à Freddy Sertin et Julie Ozenne. Je vous propose de retirer l’amendement dans l’attente des conclusions de cette mission.
M. Hubert Ott (Dem). Je maintiens l’amendement, la question étant importante et urgente.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Je préconise aussi d’attendre la fin de la mission d’information, qui travaille notamment sur les définitions des cours d’eau, avant de revenir sur le sujet – c’est évidemment une bonne initiative.
M. Freddy Sertin (EPR). Je salue également l’initiative de notre collègue mais je rejoins Julie Ozenne. Nous rendrons nos conclusions dans quelques mois et nous souhaitons donc attendre.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous avons besoin d’éclaircissements ou d’une réécriture, notamment si vous souhaitez vraiment revenir sur l’instruction donnée en 2015. Ce qui pose problème, c’est l’effacement du chevelu hydrographique.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 sexies (nouveau) : Interdiction de l’irrigation des cultures intermédiaires à vocation énergétique à partir de prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines
Amendement CD36 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit de mettre fin à une confusion entre les usages agricoles de l’eau, pour la production d’alimentation, et l’usage de l’irrigation pour des cultures à vocation énergétique. Nous pensons que dans un contexte marqué par des situations qui sont critiques pour bon nombre de masses d’eau depuis des années, en lien avec des prélèvements excessifs, et qui sont désormais aggravées par le changement climatique, les cultures à vocation énergétique ne doivent pas être irriguées.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis très partagée à l’égard de cette proposition. Je n’ai pas le recul nécessaire sur le territoire national : on ne manque pas d’eau en Bretagne et les cultures intermédiaires ne sont pas irriguées – en général, elles ont lieu en hiver et au printemps –, mais je sais que la situation est plus tendue en matière d’accès à l’eau dans d’autres départements durant les mêmes périodes. Par ailleurs, les cultures intermédiaires à vocation énergétique permettent une couverture du sol et une retenue d’azote, ce qui signifie un apport agronomique. Ces cultures sont donc bénéfiques pour le sol. Madame Batho, avez-vous des exemples de départements dans lesquels une irrigation de ces cultures intermédiaires aurait lieu ? Pour le moment, demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Cela existe dans le département des Deux-Sèvres, à partir des bassines, étant entendu que l’amendement porte sur les prélèvements dans ces dernières et les nappes. On utilise de l’argent public, venant des agences de l’eau, pour construire des bassines, et de l’eau stockée ou prélevée dans les nappes est utilisée pour des cultures énergétiques. Même du strict point de vue de la rationalité de l’usage de l’argent public, un problème se pose.
Par ailleurs, nous entrons dans une période où il faut se poser la question du bon usage de chaque goutte d’eau. L’amendement ne propose pas d’interdire les cultures à vocation énergétique et ne nie pas leur rôle dans le cadre de certaines rotations. Nous pourrions aussi avoir un débat, important, au sujet de la méthanisation. La question posée par l’amendement est de savoir à quoi on consacre l’eau dans l’agriculture. Il a ainsi été question tout à l’heure de l’abreuvement des animaux. Par ailleurs, des cultures ont besoin d’être irriguées, même s’il faut développer des stratégies d’adaptation au changement climatique qui ne reposent pas sur le déploiement massif de l’irrigation, parce que cela ne marchera pas et que cela flinguera l’eau potable.
Je précise enfin que l’amendement avait été adopté par l’Assemblée lors de l’examen du texte « énergie-climat » ou « climat et résilience », mais que le Sénat a empêché qu’il figure dans la loi.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la commission et à votre connaissance des territoires.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 5
Amendements CD340 et CD339 de Mme Lisa Belluco
Mme Marie Pochon (EcoS). Ces amendements visent à supprimer le régime dérogatoire instauré par l’article 44 de la loi d’orientation agricole pour les mégabassines, qui vise à accélérer leur déploiement et celui des élevages industriels. En tant qu’écologistes, nous y sommes défavorables. Cet article est par ailleurs très problématique juridiquement. Selon l’avis du Conseil d’État, « les dispositions du projet de loi, qui sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice, comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice. Il propose en conséquence de ne pas les retenir. » C’est clairement une fausse promesse, y compris pour les irrigants et les éleveurs industriels, qui a été faite. Le Conseil d’État a prévenu que la nouvelle procédure allait ralentir les délais d’instruction. Par ailleurs, comme un référé sera possible dans un délai resserré, tous les requérants auront tendance à y recourir très rapidement. Cet article ne contentait personne : au lieu de médiations, les désaccords se traduiront directement en processus judiciaires. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cette disposition de la loi d’orientation agricole. L’amendement suivant est de repli.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, demande de retrait, sinon avis défavorable. Sur la forme, il faudrait viser le code auquel est rattaché l’article de la loi, et non celui-ci.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 5 septies (nouveau) : Moratoire suspendant l’autorisation de construction de méga-bassines
Amendement CD308 de Mme Clémence Guetté
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons un moratoire sur la délivrance des autorisations pour les mégabassines, comme nous l’avions fait lors de notre niche parlementaire de novembre 2023.
Les mégabassines sont des projets complètement démesurés : celle de Sainte-Soline s’étend sur plus de 15 hectares – son bassin est aussi grand que dix-sept terrains de football et contient l’équivalent en eau de près de 300 piscines olympiques. Ces systèmes accaparent la ressource en eau au détriment d’une très grande majorité d’agriculteurs. Dans les Deux-Sèvres, M. Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS – Centre national de la recherche scientifique –, a expliqué que les bassines profiteraient à seulement 7 % des agriculteurs, majoritairement ceux qui produisent du maïs, ce qui privilégie de fait une minorité, ayant les moyens de financer ce genre de structures, au détriment des autres, qui partagent pourtant la même nappe phréatique. Des maraîchers se trouvent ainsi menacés alors que leurs exploitations sont durables et de petite taille, parce qu’un exploitant industriel s’est installé à côté et pompe toute l’eau. De plus, celle-ci stagne dans des bassins, ce qui accentue le risque de développement des algues et des bactéries et expose jusqu’à 20 % de l’eau à l’évaporation.
Voilà pourquoi nous parlons d’une mal-adaptation au changement climatique en cours. On gaspille encore plus l’eau et on fait même courir un risque de contamination des cultures ainsi arrosées. Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau, d’augmentation de la sécheresse – 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée –, nous pensons qu’il est urgent d’appuyer sur « pause » et de réfléchir avant de continuer à déployer des systèmes démesurés et délétères. Nous proposons donc un moratoire de dix ans.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. En cohérence avec ma position lors de l’examen de la proposition de loi que vous avez évoquée, je suis défavorable à un moratoire. Les discussions doivent se tenir au niveau des comités de bassin. Il faut que chaque territoire puisse adapter sa gestion de l’eau, y compris par des réserves de substitution, en prenant évidemment toutes les précautions nécessaires – j’ai eu l’occasion de dire que je n’étais pas favorable, telles quelles, à ces réserves. Par ailleurs, les mégabassines n’ont pas de définition précise à l’heure actuelle.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 octies (nouveau) : Autorisation d’utilisation des ouvrages de stockage d’eau alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines conditionnée à des conditions environnementales renforcées
Amendement CD147 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement est complémentaire du précédent, qui demandait un moratoire pour les projets futurs. Il s’agit ici des ouvrages existants qui sont alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou les nappes souterraines. Nous proposons de soumettre la poursuite de l’exploitation de ces ouvrages à quatre conditions : l’existence d’un schéma directeur de la biodiversité et d’un plan d’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique ; la baisse des volumes prélevés ; le partage de l’eau entre agriculteurs ; l’utilisation de l’eau pour l’agriculture biologique ou une conversion vers celle-ci, eu égard aux graves problèmes d’effondrement de la biodiversité et de pollution des nappes d’eau, notamment potable, que nous connaissons.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Selon moi, les conditions posées sont trop drastiques, notamment le conditionnement de l’usage de l’eau pour l’agriculture biologique ou la conversion à celle-ci.
Mme Delphine Batho (EcoS). Il y a un désaccord entre nous : nous considérons que nous sommes, en France, dans un état d’urgence absolu pour ce qui est de la ressource en eau. Il est impossible de continuer comme aujourd’hui. Il est urgent de mettre à plat l’irrigation et l’usage des ouvrages existants. On parle beaucoup de ceux en projet et en construction, mais nombreux sont ceux, déjà existants, qui ne sont soumis à aucune règle de partage de l’eau entre les agricultures, à aucune règle agroécologique, à aucune rationalité. Dans le département des Deux-Sèvres, s’agissant de certains ouvrages, le prix de l’eau pour les agriculteurs est même décroissant avec l’augmentation des volumes. Si un agriculteur a besoin de 25 000 ou 30 000 mètres cubes, par exemple, il paiera plus cher le mètre cube d’eau que quelqu’un qui prélèverait 180 000 ou 190 000 mètres cubes. Il est vraiment nécessaire de remettre de l’ordre.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les trois premiers critères que vous proposez me conviennent, mais je trouve le dernier trop drastique.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ces critères sont de bon aloi. J’en aurais plutôt ajouté un cinquième : il faudrait que l’irrigation soit destinée à des cultures qui n’ont pas vocation à être exportées – on exporte ainsi notre eau – mais à produire, en premier lieu, de l’alimentation humaine et, pourquoi pas, avec toutes les conditions cumulatives précédentes, de l’alimentation pour du bétail. Il ne doit pas s’agir, comme dans le département de Delphine Batho, d’irriguer du maïs qui finit au port de La Pallice pour nourrir ensuite je ne sais quelles vaches sud-américaines. Nous déposerons peut-être un sous-amendement en ce sens.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 nonies (nouveau) : Rapport annuel sur les volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage d’eau
Amendement CD375 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). La raréfaction de la ressource en eau est une des principales menaces qui pèsent sur notre agriculture et donc sur l’activité des agriculteurs. Dans ce contexte, comme le recommande le Conseil économique, social et environnemental (Cese), il convient d’objectiver clairement les enjeux du partage de l’eau pour assurer une répartition équilibrée et durable entre tous les acteurs et tous les agriculteurs. C’est pourquoi notre amendement demande que l’État publie annuellement un bilan des volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage et des différentes stratégies d’irrigation agricole, dans le cadre du changement climatique.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage votre envie de progresser s’agissant de l’identification et du comptage des prélèvements d’eau, notamment par des compteurs intelligents à déployer un peu partout, y compris sur les ouvrages de stockage, mais un rapport spécifique sur le stockage d’eau ne me semble pas pouvoir être opérant. En outre, on mélangerait ainsi tous les types de stockage, sans faire de différence entre les périodes de prélèvement, les types d’ouvrage et les conditions d’utilisation. Je doute que l’information ainsi recueillie soit très pertinente. Pour ces raisons, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 decies (nouveau) : Rapport relatif aux pratiques agricoles économes en eau
Amendement CD189 de M. Fabrice Barusseau
M. Fabrice Barusseau (SOC). Dans la perspective de la prochaine loi d’orientation agricole, nous demandons un rapport sur les pratiques agricoles économes en eau qui permettent de réduire les besoins d’irrigation afin de parvenir à un meilleur équilibre compte tenu de l’évolution du climat. Le changement climatique conduira, en effet, à une raréfaction de la ressource en eau, indispensable à toute pratique agricole. Préserver cette ressource implique nécessairement d’agir sur l’irrigation, dont les deux tiers servent aux grandes cultures, en particulier le maïs. La question de l’irrigation n’est toujours pas posée de manière systémique, alors que le changement climatique conduit à s’interroger sur les cultures. Pour des raisons de résilience et de souveraineté alimentaire, il faut accompagner dès maintenant l’agriculture française vers des pratiques économes en eau.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une identification des activités économiques et de leurs besoins est déjà prévue dans le cadre des Sdage et des Sage. Les pratiques agricoles économes en eau pourraient être identifiées dans ce cadre. Il n’est donc pas forcément nécessaire que le gouvernement remette un rapport. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
M. Fabrice Barusseau (SOC). Des Sdage et des Sage n’existent pas dans tout le territoire, ce qui pose un problème pour l’identification des pratiques.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 undecies (nouveau) : Stratégie nationale de préservation et de restauration des cours d’eau
Amendement CD373 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). L’eau des fleuves, rivières, ruisseaux et rus joue un rôle essentiel pour l’agriculture française, qui est actuellement la première consommatrice d’eau douce. Or plus de la moitié des cours d’eau français ne sont pas en bon état écologique et leur dégradation se poursuit malgré les objectifs fixés en 2018, lors des assises de l’eau – il était prévu de restaurer 25 000 kilomètres de cours d’eau d’ici à 2022. Cette dégradation est une menace directe pour la résilience de notre système agricole et alimentaire. Il convient donc de se donner les moyens d’atteindre les objectifs de restauration des cours d’eau, par la mise en place d’une véritable stratégie nationale.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec l’objectif mais je vous demande de retirer cet amendement compte tenu de la mission d’information que vous menez : j’aimerais en attendre les conclusions.
La commission adopte l’amendement.
titre iv – Mieux accompagner les contrÔles et dispositions diverses relatives aux suites liÉes aux inspections et contrÔles en matiÈre agricole
Avant l’article 6 (examen prioritaire)
Amendements CD178 de Mme Marie Pochon et CD462 de la rapporteure pour avis (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Depuis plus de deux ans, l’OFB subit des attaques venant de responsables politiques et syndicaux qui se sont traduites par des actions violentes sur les sites de la police de l’environnement – incendie du siège de l’OFB à Brest –, des dégradations et des actes de vandalisme partout dans le pays, le sabotage de la voiture d’un chef de service dans le Tarn-et-Garonne et des appels au meurtre d’agents. Certains responsables politiques en appellent même publiquement, parfois à grand renfort d’argent public, à la soustraction aux contrôles de la police de l’environnement et remettent en cause l’autorité de l’OFB.
Face à la multiplication de ces attaques, et parce que les missions de l’OFB ne recoupent que pour une part minime les contrôles sur les exploitations agricoles, nous souhaitons inscrire dans le titre IV l’objectif d’assurer le soutien aux missions de l’OFB dans un cadre apaisé entre le monde agricole et les agents de l’office.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD462 est rédactionnel.
Le titre est centré sur les modalités de mise en œuvre des contrôles de police environnementale en lien avec les activités agricoles. Il n’a donc pas vocation à traiter de l’ensemble des missions de l’OFB, comme y tend l’amendement CD178. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Tous, ici, nous dénonçons les appels au meurtre d’agents publics, mais j’aimerais vous entendre condamner de la même façon ceux qui visent les policiers et les gendarmes.
Notre position sur l’OFB est claire : si nous ne remettons pas en cause le travail des fonctionnaires – je suis moi-même fonctionnaire, je sais ce que cela signifie d’appliquer la loi dans un territoire –, nous contestons en revanche la doctrine d’emploi de l’OFB, qui est mal ficelée. Avec le député Daniel Labaronne – qui n’est pas de mon bord politique –, nous avons rendu un rapport rappelant que les missions de l’OFB n’étaient pas bien comprises et appliquées dans les territoires. Nous voterons donc contre ces amendements.
Mme Marie Pochon (EcoS). Pourquoi voteriez-vous contre notre proposition de titre – « Assurer les missions de l’Office français de la biodiversité et mieux accompagner les contrôles en matière agricole » –, sur lequel nous pouvons tous tomber d’accord ?
M. Emmanuel Blairy (RN). L’OFB a deux casquettes : ses agents ont des missions administratives mais également judiciaires, lorsqu’ils deviennent inspecteurs de l’environnement. Or l’article en question n’a rien à voir avec les seuls agents de l’OFB puisqu’il concerne un panel d’agents chargés de la police de l’environnement. Nous voterons contre pour cette raison.
Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne peux pas laisser passer l’allusion inacceptable de M. Blairy : notre soutien à tous les agents de la force publique, qu’ils soient policiers, gendarmes, douaniers, militaires ou de la police de l’environnement, est constant. Ceux qui ne se lèvent pas pour applaudir la police de l’environnement quand elle est citée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale devraient balayer devant leur porte : manifestement, ce serait la seule police de France qui n’aurait pas le droit à la considération de la représentation nationale !
Successivement, la commission rejette l’amendement CD178 et adopte l’amendement CD462.
Article 6 (examen prioritaire) : Organisation des contrôles relatifs à la police de l’environnement et amélioration des relations entre les agents chargés de cette police et les usagers
Amendements de suppression CD166 de Mme Marie Pochon et CD314 de M. Loïc Prud’homme
Mme Marie Pochon (EcoS). L’article 6 nous semble dangereux. Les attaques pleuvent contre l’OFB depuis des années. Qu’il s’agisse du discours de politique générale du Premier ministre, des appels au refus d’obtempérer à la police de l’environnement lancés par un chef de groupe du socle commun ou encore des amendements de suppression de l’OFB déposés par le Rassemblement national dans le projet de loi de simplification de la vie économique, tout semble permis dès lors qu’il est question d’environnement ! Le fait même qu’un tel article ait été introduit dans le présent texte constitue une menace parce qu’il ouvre la voie à des amendements visant à affaiblir l’OFB, comme le démontrent ceux déposés par les groupes UDR et RN.
La version que nous examinons n’est pas celle initialement présentée au Sénat, qui proposait de limiter les procédures judiciaires contre les auteurs d’infractions environnementales et de réduire les peines appliquées en cas de préjudice environnemental. Mais nous devons rester vigilants : l’OFB est un maillon essentiel de la protection de l’environnement et de la restauration de la biodiversité. L’office doit être protégé, sanctuarisé ; ses agents doivent bénéficier du soutien inconditionnel du gouvernement, au même titre que les autres polices judiciaires et administratives de notre pays.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous souhaitons la suppression de l’article 6, qui prévoit la mise sous tutelle des missions de police administrative et de police judiciaire sous l’autorité respectivement du représentant de l’État dans le département et du procureur de la République. Il prévoit également la validation de la programmation annuelle des contrôles, ce qui est extraordinaire quand on connaît leur fréquence.
Une telle remise en cause des pouvoirs de l’OFB s’inscrit dans un cadre de défiance et d’attaques inédites de l’OFB et de ses agents. Le Premier ministre, François Bayrou, avait jeté de l’huile sur le feu, en pleine crise agricole, en déclarant : « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation et c’est donc une faute. » Cette remise en cause est d’autant plus grave que les agents de l’OFB sont menacés et agressés, leurs locaux et leurs voitures étant pris pour cibles. Nous sommes à rebours de ce que devrait faire le gouvernement, à savoir apporter un soutien inconditionnel à la police de l’environnement, comme il le fait pour d’autres fonctionnaires de l’État. Nous déplorons que le gouvernement cède à la pression. L’article 6 étant délétère, nous souhaitons qu’il soit supprimé.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’article 6 a été rédigé par le gouvernement au Sénat en accord avec l’OFB et ses agents, qui ne souhaitent pas sa suppression. Celle-ci reviendrait en outre à supprimer l’autorisation de port de caméras individuelles, qui est très attendue par les agents. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Je viens d’entendre que l’OFB ferait partie des forces de l’ordre ; or il n’en est rien ! Les forces de l’ordre publiques sont la gendarmerie nationale et la police nationale. L’OFB a certes des compétences judiciaires mais celles-ci doivent être placées sous la tutelle du procureur de la République.
Certains ont évoqué un risque de déperdition d’information si les agents doivent transmettre leurs procès-verbaux à leur hiérarchie. Or cela se passe ainsi pour toutes les forces de police : les policiers, qu’ils soient nationaux ou municipaux, et les gendarmes transmettent leurs procès-verbaux par voie hiérarchique. Cela permet d’assurer une traçabilité et de poser des garde-fous.
M. René Pilato (LFI-NFP). Vous avez vraiment un problème avec l’État de droit. C’est nous qui écrivons la loi et qui la votons ; les agents l’appliquent ensuite sur le terrain. Il est donc inutile de s’en prendre aux agents de l’OFB, qui ne font que le travail pour lequel ils sont missionnés, à savoir faire appliquer la réglementation qui nous évitera des cancers. Actuellement, 43 % des eaux du robinet sont polluées – et vous continuez à dénoncer les excès de réglementation et à montrer du doigt l’OFB ? Ce n’est pas sérieux. Il y va de la préservation de l’écosystème et de la survie de l’humanité. On ne tire pas sur la personne qui fait son travail : on la soutient.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le principal problème posé par cet article est son alinéa 6. Les agents chargés de la police de l’environnement seraient les seuls à ne pas pouvoir transmettre leurs procès-verbaux au procureur de la République. Dans aucune police de France, un officier de police judiciaire n’est obligé de demander la permission d’un chef de bureau avant de transmettre un procès-verbal au procureur de la République, car c’est ce dernier qui décide de l’opportunité des poursuites, et non le chef de service, le commissaire ou le préfet.
Lorsque j’étais ministre de l’écologie, un préfet a interdit aux inspecteurs ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement – de transmettre un procès-verbal au parquet concernant l’usine Lubrizol. Je vous mets donc en garde : les agents de la police de l’environnement doivent pouvoir, sous l’autorité du parquet et du procureur de la République, transmettre leurs procès-verbaux sans aucun filtre ou contrôle.
M. Dominique Potier (SOC). Nous avons été l’un des premiers groupes à condamner les propos malheureux du Premier ministre, qui avait discriminé les agents de l’OFB dans son discours de politique générale.
Le préfet peut-il jouer le rôle d’un filtre dans la transmission du procès-verbal et intervenir sur la programmation des contrôles sur le terrain ? Nous n’avons pas encore les idées claires sur cette question. L’article 6 vise-t-il à redonner au préfet le pouvoir d’accepter ou de refuser un contrôle sur le terrain ? Ce serait très critiquable eu égard à la liberté de l’OFB de protéger la biodiversité.
M. Emmanuel Blairy (RN). Passer par la voie hiérarchique ne signifie pas que l’agent qui a rédigé et transmis le procès-verbal ne s’en occupe plus. Cela veut dire que l’autorité hiérarchique est elle-même obligée de transmettre le procès-verbal au procureur de la République ; à défaut, cela constituerait une infraction. Il n’est pas très correct de travestir ainsi mes propos. La voie hiérarchique n’est pas un filtre ni une barrière : c’est le mode de transmission obligatoire d’un procès-verbal au procureur de la République.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La transmission par voie hiérarchique se fait déjà au niveau de l’OFB, comme nous l’a confirmé son directeur. Cela ne signifie pas que le préfet bloque ensuite le transfert au procureur. Par ailleurs, le préfet gère la procédure administrative et organise les contrôles administratifs sur son territoire ; la procédure judiciaire passe toujours par le procureur. L’article 6, tel qu’il est rédigé, ne pose donc pas de problème et l’OFB, que j’ai longuement auditionné, pense comme moi que cela revient à mettre par écrit ce que l’office pratique déjà.
M. Vincent Descoeur (DR). L’article 6 a pour objectif d’apaiser les contrôles, au bénéfice du contrôlé comme du contrôleur. Il n’y a donc pas d’intention malveillante dans la rédaction de cet article, qui ne vise qu’à apporter de la sérénité. Je trouverais donc dommage de le supprimer.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous devons supprimer l’article 6 car il est mal rédigé. Il faut réfléchir à une version mieux bordée en vue de la séance. Le gouvernement doit faire un travail un peu plus précis pour lever tous les doutes.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. On ne peut pas dire que l’article 6 est mal écrit. Sa rédaction a fait l’objet d’un travail commun avec le Sénat, le ministère chargé de la transition écologique et l’OFB. Loin de changer la pratique actuelle, l’article sécurise le travail de l’OFB sur le terrain.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CD133 de M. Richard Ramos et CD315 de Mme Mathilde Hignet
M. Richard Ramos (Dem). Mon amendement vise, d’une part, à supprimer les dispositions concernant le renforcement de la position du préfet, déjà délégué territorial de l’OFB et, d’autre part, à supprimer la généralisation du principe de transmission hiérarchique des procès-verbaux en alignant la procédure sur celle issue de la procédure pénale classique. Il vise également à redonner une autorité pleine et entière aux agents de l’OFB, qui font un travail formidable. C’est un compromis qui va dans le sens souhaité par Mme Batho.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer la mise sous tutelle de l’OFB. Je renouvelle notre soutien à ses agents et dénonce les attaques de la droite et de l’extrême droite qui les visent – je citerai par exemple la lettre de Laurent Wauquiez adressée à tous les agriculteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En outre, selon un rapport d’inspection interministérielle sur les contrôles effectués dans les fermes, 89 % des exploitations agricoles n’ont pas subi le moindre contrôle en 2023 ; une exploitation sur dix a connu un seul contrôle ; 1 % seulement a subi deux contrôles ou plus. De fausses informations sont donc diffusées, en plus des attaques qui se sont multipliées ces derniers mois.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable car il s’agit d’une de l’OFB et de ses agents, afin de sécuriser les procédures déjà à l’œuvre sur le terrain.
M. Richard Ramos (Dem). Vous ne pouvez pas parler au nom de tous les agents de l’OFB : moi aussi, j’ai rédigé mon amendement avec des agents de l’OFB.
Mme Delphine Batho (EcoS). Je soutiens ces amendements qui suppriment le principal problème posé par l’article 6. En dépit de l’avis de l’OFB, quand nous rédigeons la loi, nous devons penser à l’intérêt général. Actuellement, l’article L. 172-16 du code de l’environnement dispose que « les procès-verbaux sont adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République ». L’article 6 vise à ajouter qu’ils sont adressés « par voie hiérarchique », mettant ainsi en place un contrôle hiérarchique de leur transmission ou de leur non-transmission au procureur de la République. Cela correspond malheureusement à une pratique.
Mme la rapporteure pourrait lever un malentendu : le pouvoir des préfets sur les Dreal – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement – et sur l’OFB est une tendance qui s’est développée ces dernières années. Les agents de la police de l’environnement, quand ils exercent une mission de police judiciaire, doivent rendre compte au procureur et à lui seul.
M. Emmanuel Blairy (RN). Cet article ne fait qu’entériner une pratique. Selon vous, l’agent de l’OFB contrôle, recherche les infractions et le constate, puis il envoie son procès-verbal par courrier au tribunal compétent ou le dépose directement chez le procureur. Or ce n’est pas ainsi que cela fonctionne : cela se fait systématiquement par voie hiérarchique.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CD316 à CD319 tombent.
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 6 mai 2025 à 16 h 30
Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Olivier Becht, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Pierre Cazeneuve, M. Bérenger Cernon, M. Pierrick Courbon, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Aurélien Dutremble, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, M. Julien Guibert, Mme Mathilde Hignet, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, M. Pascal Lecamp, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, M. Pascal Markowsky, Mme Manon Meunier, M. Marcellin Nadeau, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, M. René Pilato, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Claude Raux, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Freddy Sertin, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland
Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Victor Castor, M. Stéphane Lenormand, Mme Christelle Petex, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Mélanie Thomin