Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Suite de l’examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur) 2
Mercredi 28 mai 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 50
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Sandrine Le Feur,
Présidente
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur).
Mme la présidente Sandrine Le Feur. La discussion générale ayant eu lieu hier, nous en venons directement aux amendements.
Je rappelle que notre commission a délégation au fond sur les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies. Sur ces articles, les amendements ne sont recevables que devant notre commission. Comme c’est l’usage, ils seront repris sans discussion par la commission des affaires économiques, qui commencera l’examen de ce texte lundi prochain.
Article 11 : Relèvement de 40 à 50 % – hors terres et forêts – de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, figurant parmi les objectifs énergétiques chiffrés mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie
Amendement de suppression CD54 de M. Fabrice Roussel
M. Fabrice Roussel (SOC). Nous proposons de supprimer cet article, révélateur du manque d’ambition du texte quant aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il convient en effet d’éviter des formules propres à relativiser notre objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre et à présenter les puits de carbone comme une garantie absolue, alors même qu’il est démontré scientifiquement que les équilibres biologiques des océans et des forêts se dégradent à une vitesse accélérée.
Enfin, le paquet Fit for 55, présenté par la Commission européenne en juillet 2021, constitue la pierre angulaire de la stratégie européenne pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Avec l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ce paquet ambitieux, qui couvre tous les secteurs de l’économie, implique une transformation profonde du modèle européen de production et de consommation d’énergie.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Je partage votre avis quant à la formulation « tendre vers un modèle de réduction », qui réduit la portée contraignante de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette proposition de loi définit les objectifs énergétiques de la France, qui doivent répondre à l’urgence écologique et climatique, selon l’article L. 100-4 du code de l’énergie, que nous amendons ce matin. Cela suppose d’adopter un langage clair et ambitieux. Je vous invite donc à voter mon amendement CD86 visant à rétablir une formulation contraignante.
Je rappelle que l’objectif actuel exclut déjà les puits de carbone de la comptabilisation, mais que cela n’est pas expressément mentionné dans la loi. Je partage votre point de vue quant à l’urgence de la restauration de nos puits de carbone, mais il est inexact de dire qu’ils sont présentés comme une garantie absolue. Des objectifs contraignants d’amélioration des puits de carbone existent et seront renouvelés dans les prochaines stratégies nationales bas-carbone (SNBC). En outre, 150 millions d’euros ont été dédiés au renouvellement forestier dans le cadre du plan France relance, s’ajoutant aux 110 millions affectés par le plan France 2030. J’ajoute à cela les fonds privés certifiés par le label bas-carbone, qui a permis de stocker 3,2 millions de tonnes équivalent CO2 depuis sa création en 2018. Les résultats concrets de ces politiques seront visibles dans quelques années.
Enfin, je souhaite aussi saluer le travail du Parlement, qui a adopté voilà bientôt deux ans la loi contre le risque incendie, laquelle permet d’améliorer la protection des forêts contre les mégafeux. En tant qu’ancien sapeur-pompier, j’y suis personnellement très attaché.
Au lieu de supprimer cet article, je vous invite donc, je le répète, à voter mon amendement. Avis défavorable.
M. Timothée Houssin (RN). Nous voterons contre cet amendement, car la rédaction actuelle de l’article 11 est un bon compromis, qui nous convient. Le texte relève en effet de 40 % à 50 % nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Nous avons atteint une réduction d’environ 33 % par rapport à 1990 et allons donc vers 40 %, ce qui nous permet de poursuivre des objectifs plus ambitieux, mais l’article 11, en appelant à tendre vers 50 %, ne les rend pas trop rigides.
Il y a en effet une certaine hypocrisie dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre, car on parle énormément de la baisse des émissions au niveau national, mais très peu des émissions importées et, finalement, notre empreinte carbone ne baisse pas beaucoup.
Il faudra réindustrialiser notre pays, ce qui aura nécessairement des conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre. Le fait d’avoir des objectifs ambitieux – ce à quoi nous souscrivons tout à fait – ne doit pas empêcher cette réindustrialisation si, par exemple, nous ne parvenions en 2030 qu’à 49 % de réduction au lieu de 50 %.
Mme Olga Givernet (EPR). Nous serons défavorables à cet amendement pour nous ranger à celui du rapporteur pour avis, qui maintient l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’amendement est retiré.
Amendements CD31 de M. Maxime Laisney et CD64 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Ce matin a été publié un rapport de l’Organisation météorologique mondiale, l’OMM, organe de l’ONU, qui montre que, pour la période 2025-2029, le réchauffement mondial moyen dépassera 1,5 degré. L’euphémisme « tendre vers une réduction » qui figure dans le texte du Sénat est insuffisant, et même dangereux.
Nous proposons donc un amendement de réécriture globale, qui permet de suivre l’objectif de 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévu par le paquet de l’Union européenne Fit for 55. En effet, la formule actuelle n’est pas contraignante et tous les recours juridiques qui pourraient demander à l’État de rendre des comptes sur ses réductions d’émissions sont rendus impossibles par une formulation aussi floue. Il s’agit donc de rendre l’objectif contraignant et d’être à la hauteur des accords de Paris que nous avons signés, même si – et c’est dramatique – nous savons déjà que le réchauffement dépassera largement ce niveau.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). L’amendement CD64 du groupe Écologiste fixe un objectif de réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, conformément aux engagements européens de la France. Comme l’a dit Mme Guetté, la trajectoire de réchauffement climatique va bien au-delà des objectifs que nous nous étions fixés lors de la COP21 à Paris et dont nous étions très fiers. Il est indispensable de pouvoir les réinscrire dans la loi et de mettre notre droit national en conformité avec l’objectif issu du paquet Fit for 55 de la directive européenne. Réaffirmer nos objectifs est particulièrement indispensable face à la tendance actuelle à remettre en cause les outils qui nous permettent de les atteindre, au risque d’ouvrir la porte à un réchauffement qui causera des pertes de rendements agricoles, une augmentation des précipitations, un renouvellement continu des inondations et des vagues de chaleur insupportables, avec les morts afférents.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Un objectif de réduction de 50 % est un chiffre solide, qui repose sur les objectifs de baisse d’émissions de trois secteurs pour 2030 : le premier de ces secteurs est celui de l’industrie et de l’énergie, pour lequel l’objectif européen est de réduire les émissions de 62 %, le deuxième est celui du transport routier, du chauffage des bâtiments, de l’agriculture et des déchets, où nos émissions doivent être réduites de 47,5 %, et le troisième, celui des puits de carbone, qui doivent augmenter de 310 millions de tonnes équivalent CO2.
En combinant la décarbonation des secteurs émetteurs et l’amélioration de nos puits de carbone naturels, nous nous fixons l’objectif de réduire de 50 % nos émissions brutes en 2030. Cette analyse est confirmée par le Haut Conseil pour le climat dans son rapport annuel de 2023.
Deuxièmement, vous souhaitez rétablir la formulation « réduire » pour remplacer la rédaction de l’article 11, qui réduit la portée juridique de l’objectif de réduction des émissions. J’ai déposé moi-même un amendement en ce sens et vous invite plutôt à le voter.
Enfin, vous souhaitez rehausser l’objectif de réduction des émissions à 53 % et justifiez ce chiffre en citant la SNBC 3, qui évoque en effet une réduction de 52 % des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030. Je rappelle néanmoins que l’objectif de réduction de 55 % des émissions nettes en 2030 est fixé à l’échelle européenne et que les États le déclinent ensuite dans leur droit interne. Or l’objectif de réduire de 50 % les émissions brutes en 2030 constitue l’effort de la France pour atteindre l’objectif de 55 % à l’échelle européenne. Il n’est donc pas opportun d’inscrire l’objectif européen parmi les objectifs de la politique énergétique nationale et je suis donc défavorable à votre amendement.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Nous sommes surpris que, pour une fois, vous ne vouliez pas suivre les préconisations européennes – mais cela arrive toujours lorsque ces préconisations sont importantes et ambitieuses.
Pour ce qui est des puits de carbone, la capacité d’absorption des forêts françaises décline énormément, et plus encore au niveau de l’Union européenne, où elle a été divisée par deux en dix ans, ce qui pourrait en outre être une trajectoire, la capacité de stockage continuant à s’effondrer. En effet, les forêts françaises sont en très mauvaise santé du fait du changement climatique et de la mauvaise gestion de la filière bois, qui a été laissée dans les mains du secteur privé, qui pratique des coupes rases. Face au changement climatique, il n’y a pas aujourd’hui de gestion intelligente du rôle fondamental des puits de carbone. Malgré l’amendement que vous annoncez, nous devons être ambitieux au niveau français, en raison notamment du rôle symbolique qui incombe à la France, après les accords de Paris, pour fixer cet objectif de réduction et inciter les autres nations européennes à faire de même.
M. Olivier Becht (EPR). Les ambitions de décarbonation de l’Europe et de la France sont les plus élevées au monde. Nous sommes tous d’accord pour réduire nos émissions de carbone afin d’éviter au maximum les effets du réchauffement climatique, mais il faut aussi trouver un équilibre avec notre économie. En effet, si nous fixons des ambitions trop élevées et inatteignables pour nos entreprises et nos industries, celles-ci partiront, les gens se retrouveront sans emploi et nous n’aurons plus les moyens de financer notre modèle social, c’est-à-dire des retraites ou une assurance maladie.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous voterons cet amendement, d’abord par cohérence, pour être en phase avec les objectifs européens. Il est important d’avoir une visibilité à propos des emplois qui doivent être transformés, ainsi qu’une stratégie de conversion pour ces emplois de demain. Si nous ne faisons rien, nous serons dans une situation très difficile.
Les puits de carbone sont un enjeu majeur car, malheureusement, les forêts ont perdu en l’espace de dix ans la moitié de leur capacité à jouer ce rôle. Je regrette qu’un amendement que nous avions déposé en vue d’une stratégie de préservation, de restauration et de valorisation des puits de carbone n’ait pas été retenu, mais nous devons garder à l’esprit la gestion des forêts et des prairies, qui sont aussi des espaces très importants pour la captation du carbone et que nous aurions souhaité voir maintenir et revaloriser, notamment, par la proposition de loi Duplomb.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Le départ des entreprises est, comme celui des riches, un motif récurrent dans l’argumentation macroniste. Il y a certes un lien évident puisque, souvent, les riches possèdent les grands groupes, mais cette politique du chantage oublie de dire que l’État français fournit chaque année 200 milliards d’argent public d’aides aux entreprises sans aucune condition sociale ou environnementale. Nous subventionnons donc déjà largement les grands groupes, mais nous ne les accompagnons pas pour garantir qu’ils maintiennent des emplois en France ni qu’ils décarbonent leur industrie. Ces milliards qui alimentent aujourd’hui de grands groupes qui font des plans de licenciement et qui versent des dividendes tirés directement de la poche de l’État français, il serait beaucoup plus efficace de les réorienter plutôt vers des industries à qui l’on permettrait de se décarboner et d’entrer dans la trajectoire d’émission des gaz à effet de serre que nous proposons. Un autre hiatus de votre argumentation est que le budget de la sécurité sociale et celui de l’État relèvent de deux systèmes différents, si bien que la question des retraites n’a donc pas grand-chose à voir avec notre affaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CD86 de M. Jean-Marie Fiévet, CD32 de Mme Clémence Guetté, CD42 de M. Fabrice Roussel et CD75 de M. Nicolas Bonnet
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Mon amendement CD86 vise à rétablir la formulation initiale du code de l’énergie en utilisant le verbe « réduire » plutôt que l’expression « tendre vers une réduction des » pour viser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De fait, la rédaction actuelle de l’article minorerait la portée juridique des objectifs climatiques de la France pour 2030. L’objectif européen de réduction des émissions est contraignant. Il fixe bien une obligation de résultat, et non pas une cible vers laquelle l’Union européenne recommande de tendre. Pour respecter nos engagements européens, il est essentiel que le droit national utilise une terminologie similaire. La France a déjà fait des efforts : depuis 1990, nous avons réduit nos émissions de plus de 32 %, soit deux tiers de l’effort demandé pour 2030.
À moins de six mois de la COP30, il est essentiel de maintenir le cap et de fixer des objectifs climatiques ambitieux. En outre, une formulation purement incitative de l’objectif pourrait affaiblir la portée des budgets carbone, essentiels à la mise en œuvre des stratégies nationales bas-carbone, et compromettrait ainsi l’efficacité de ces instruments de planification.
Pour nous donner les moyens de respecter nos engagements climatiques internationaux, il est essentiel que nous ayons des objectifs clairs, et non des trajectoires incitatives. La formulation que propose l’amendement est, à cet égard, ambitieuse.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Notre amendement CD32 vise, lui aussi, à remplacer la formulation « tendre vers un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre » adoptée par le Sénat par la fixation d’un objectif contraignant de réduction de ces émissions. L’expression « tendre vers » laisserait penser que nous avons le choix et que le fait d’atteindre ou non nos objectifs climatiques serait une option parmi d’autres en discussion, comme si la science elle-même était en discussion, alors même que le changement climatique est scientifiquement établi, ainsi que ses effets dévastateurs et la nécessité de tout faire pour en limiter l’ampleur et en atténuer les effets. Il s’agit donc d’appliquer une obligation de résultat dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi une obligation morale envers notamment les populations et les secteurs d’activité qui seront les plus frappés et qui, évidemment, sont souvent les personnes les plus précaires et les secteurs qui, comme l’agriculture, sont très dépendants des aléas climatiques. Il s’agit aussi de sécuriser la possibilité de recours juridique contre des décisions qui manifesteraient une inaction ou un mépris des objectifs de réduction des gaz à effet de serre. C’est donc aussi un moment important pour sécuriser l’État de droit écologique que nous devons construire dans ce XXIe siècle.
M. Fabrice Roussel (SOC). L’amendement CD42 vise lui aussi à adopter une formulation plus contraignante. Il faut en effet des objectifs clairs et contraignants pour encourager la transformation de notre modèle.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Nous devons être très ambitieux, car il n’est pas question de repousser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est essentielle si nous voulons limiter le changement climatique. Quand l’objectif est, par exemple, la réduction de la pauvreté, on ne dit pas qu’on va y tendre, et quand certains décident de réduire les impôts des plus riches, ils ne disent pas qu’ils vont tendre vers la réduction : ils le font – ce que je regrette fortement – et savent parfois être ambitieux. Nous devons ici l’être collectivement.
La commission adopte les amendements.
Amendement CD33 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, amendements identiques CD34 de M. Matthias Tavel et CD69 de Mme Julie Laernoes, amendement CD30 de Mme Manon Bouquin (discussion commune)
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’amendement CD33, de repli, vise à porter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % à 55 %. En effet, pour respecter nos engagements pris dans le cadre des accords de Paris, une réduction d’au moins 62,2 % de nos émissions par rapport à 1990 serait nécessaire, alors que l’Union européenne a déterminé un objectif de réduction de 55 % en 2021 : un objectif de 50 % est donc largement inférieur à ce qu’il faudrait faire. C’est d’autant plus vrai que nous ne pouvons plus compter sur nos écosystèmes forestiers pour stocker le CO2 puisque, comme cela a été dit, leur capacité de stockage a été divisée par deux en dix ans en raison de la mauvaise santé de nos forêts, liée elle-même à des températures de plus en plus élevées et à un manque d’eau qui, par ailleurs, rend aussi les arbres plus fragiles face aux attaques, par exemple, de scolytes et d’autres insectes ravageurs. Cela s’explique aussi par une mauvaise gestion de la récolte de bois. Selon l’IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière, qui gère les données cartographiques, non seulement la séquestration de carbone par les forêts a diminué de moitié depuis 2010, mais elle devrait continuer à baisser d’ici 2050. Les scénarios les plus pessimistes évoquent même des écosystèmes qui dégageraient du CO2 au lieu de le garder. Ce n’est pas anodin, car nos forêts compensent environ 7 % de nos émissions de gaz à effet de serre, et même 9 % si on considère les sols forestiers. Face à cette menace, il faut redoubler d’efforts et adopter des législations plus prudentes à mesure que la capacité de la nature à s’équilibrer elle-même s’amenuise par la faute de nos activités. Il faut donc, à tout le moins, relever l’objectif de réduction.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). L’amendement CD34, lui aussi de repli, vise à fixer un objectif de réduction de 53 % plutôt que 55 %, chiffre qui aurait évidemment notre préférence. Il s’agit de ne pas fonder nos objectifs de réduction sur des hypothèses d’absorption du carbone par les puits de carbone que sont les forêts ou les océans, milieux dont la dégradation rend très aléatoire la capacité à remplir ce rôle. C’est, en effet, à la fois faire peser une pression supplémentaire sur ces espaces déjà fragilisés et, en même temps, prendre un risque très net de ne pas atteindre nos objectifs. Nos amendements tendent donc à relever l’exigence d’une réduction brute des émissions de gaz à effet de serre afin de dépendre le moins possible de ces puits de carbone très fragilisés que nous devons préserver.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’amendement CD 69 vise lui aussi à relever le taux de réduction des émissions brutes de 50 % à 53 %, chiffre qui, dans une approche réaliste, est nécessaire pour atteindre celui de 55 % de réduction des émissions nettes. Nous devons nous fixer les mêmes objectifs que tous les autres pays européens et être exemplaires. Certains estiment que la France fait déjà trop d’efforts, mais nous devons en faire autant que les autres pour atteindre un objectif commun. Si, d’ailleurs, nous en faisions plus, ce ne serait pas grave, car nous voulons être l’un des pays leaders de l’Europe.
Mme Manon Bouquin (RN). Mon amendement CD30, d’appel, abaisse l’objectif à 49 %. Il n’est pas question de remettre en cause les objectifs de réduction des émissions, mais de comprendre d’où sortent ces chiffres. En effet, comme cela a été dit lors de l’audition du secrétariat général à la planification écologique, le passage de 40 % à 50 % voulu par la loi n’est pas facile à justifier : est-ce une politique du doigt mouillé ou repose-t-elle sur des calculs sérieux ?
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Vous avez tous l’ambition d’accélérer la baisse des émissions, mais vous oubliez aussi qu’il est important d’aider nos industries les plus polluantes à émettre moins de CO2. Depuis 2023, avec le Président de la République, nous avons mis en place la décarbonation des 50 entreprises les plus polluantes de France, et le résultat est positif. J’ai dans ma circonscription, une de ces entreprises, qui baissera fortement ses émissions à partir de l’hiver prochain. Il faut également décarboner le transport routier. Il faut également décarboner nos forêts. Avis défavorable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je voudrais rassurer notre collègue quant à la solidité des chiffres avancés. La stratégie du SGPE est très claire : pour que les émissions de gaz à effet de serre soient en baisse de 55 % en 2030 par rapport à 1990, il faut les réduire de 4 % à 5 % par an, c’est-à-dire qu’il faut faire davantage en sept ans qu’au cours des trente-trois dernières années. Cet objectif vise à faire face à un réchauffement climatique dont les impacts sont déjà très importants dans notre territoire. D’après le Haut Conseil pour le climat (HCC), 10 % à 30 % des pertes de rendement agricole sont dus à des phénomènes climatiques comme les vagues de chaleur, les épisodes de grêle ou les gels tardifs. Du fait de la réduction de la ressource en eau, 30 % du territoire en manque à un moment de l’année.
L’amendement CD30 est retiré.
La commission rejette successivement l’amendement CD33 et les amendements identiques.
Amendement CD4 de M. Timothée Houssin
M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement d’appel vise à supprimer les mots «, sur le territoire national, » dans la définition de la neutralité carbone. Nous sommes en train de fixer des objectifs qui, même s’ils sont légitimes, pourraient empêcher la réindustrialisation de notre pays, et dans le même temps nous fermons les yeux sur nos émissions réelles de carbone. Celles-ci, en effet, se font majoritairement par l’importation de produits désormais fabriqués à l’autre bout du monde. Ainsi, l’empreinte carbone réelle des Français n’a baissé en réalité que de 13 % depuis 1990. Il faut donc tenir compte de nos importations dans nos objectifs de réduction des émissions de carbone.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’empreinte carbone est un indicateur éclairant qui permet de compléter une vision exclusivement territoriale de la décarbonation. Selon l’estimation réalisée en 2022 par le ministère de la transition écologique, l’empreinte carbone de la France était de 623 millions de tonnes équivalent CO2, soit 9,2 tonnes par habitant.
Néanmoins, je ne suis pas favorable au remplacement de l’objectif d’émissions territoriales par un mécanisme d’empreinte carbone. Premièrement, la prise en compte de l’empreinte carbone fait déjà partie de la politique de décarbonation : la SNBC 3 comportera à cet égard des budgets carbone indicatifs. Deuxièmement, ces objectifs dépendront non seulement de nos efforts de décarbonation mais aussi de ceux de nos partenaires commerciaux. Troisièmement, la réduction des émissions territoriales demeure incontournable : c’est en agissant à la fois sur nos émissions importées et sur nos émissions domestiques que nous pourrons respecter les engagements de l’accord de Paris. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD66 de Mme Julie Laernoes
M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’empreinte carbone ne doit pas être prise en compte à la place de nos émissions nettes mais en plus. Nous proposons de l’intégrer au texte en fixant un objectif de réduction de 68 % à l’horizon 2050 par rapport à 2005, un chiffre inspiré des travaux du HCC. L’empreinte carbone a bien sa place dans un texte sur l’énergie, même si elle figure aussi dans la SNBC, car la réindustrialisation de nombreuses productions délocalisées aura un impact sur nos consommations d’énergie et sur la hiérarchisation de nos usages.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. J’ai des réserves sur l’inscription d’un objectif chiffré de réduction de l’empreinte carbone car les objectifs dépendront aussi des efforts de nos partenaires commerciaux. En outre, le HCC alerte sur les limites d’un tel objectif : un indicateur intégrant les émissions importées ne permet pas un suivi précis et rapide, les données n’étant disponibles qu’avec plusieurs années de retard. De plus, il ne prend pas en compte les effets du stockage et du déstockage du carbone, dus notamment à la déforestation importée : cela revient à sous-estimer les effets environnementaux du commerce international.
Le gouvernement s’est cependant engagé, au travers de la SNBC 3, à réduire l’empreinte carbone de la France en tenant compte des émissions importées. Les travaux de modélisation sont en cours pour fixer ces budgets et l’objectif de long terme. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD8 de M. Timothée Houssin
M. Timothée Houssin (RN). Nous vous proposons de saisir l’opportunité de ce texte pour supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) dans le code de l’énergie. Cela évitera que ne soit inventé un jour un nouveau système de discrimination visant à empêcher les classes populaires et des habitants de la ruralité d’entrer dans les villes. Rappelons que les ZFE ne se justifient pas d’un point de vue environnemental : certaines Porsche émettent deux fois plus que des Twingo ou Clio, dont l’accès aux ZFE est interdit.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Les ZFE font partie des mesures mises en place par le gouvernement pour améliorer la qualité de l’air et éviter des milliers de décès précoces et de maladies graves causés par la pollution. La décision récemment rendue par le Conseil d’État conforte cette action et doit encourager à continuer dans cette voie.
Pour rappel, le transport routier est la principale source d’émissions de dioxyde d’azote, dont le risque pour la santé humaine est largement documenté. Dans les agglomérations de Lyon et Paris, où des ZFE ont été mises en place, sa concentration a été réduite de plus d’un tiers.
Il est important de reconnaître un droit à circuler et d’implanter les ZFE dans les agglomérations qui dépassent régulièrement les seuils. L’amendement du gouvernement au projet de loi de simplification de la vie économique défend cette position d’équilibre ; il supprime en effet, pour les villes de plus de 150 000 habitants, l’obligation de mettre en place une ZFE tout en garantissant la liberté des collectivités d’en maintenir ou d’en instaurer une.
Il est essentiel que soient prises en parallèle des mesures permettant à chacun de circuler dans un véhicule moins polluant. Pour les particuliers, le leasing social a été victime de son succès. Je salue sa relance en septembre 2025 et soutiens les futurs travaux relatifs à la prime à la conversion dans le cadre des discussions du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Il est également essentiel d’encourager le verdissement des flottes automobiles. J’ai formulé à cet effet vingt propositions dans les conclusions de la mission flash que j’ai conduite avec Gérard Leseul. Le débat sur les ZFE se tient dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie économique, et notre position est claire : pas de suppression mais des adaptations fortes pour concilier qualité de l’air et justice sociale. Avis défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). Vous savez que ce sujet me tient à cœur. Le texte du projet de loi de simplification de la vie économique issu des travaux de la commission prévoit la suppression des ZFE, que le présent amendement permet de border sur le plan juridique.
Les ZFE ne servent strictement à rien : la réduction d’un tiers des émissions de dioxyde d’azote à Paris et Lyon n’est pas liée à leur mise en place mais au renouvellement naturel du parc automobile et aux améliorations technologiques – singulièrement celles des motorisations diesel, comme le filtre à particules (FAP).
En réalité, les ZFE favorisent les riches. Une Range Rover dotée d’une vignette Crit’Air 1 pollue beaucoup plus qu’une Clio avec une vignette Crit’Air 4. Socialement, c’est un scandale : les 13 millions de véhicules qui n’ont pas le droit de circuler dans Paris et Lyon ont le droit de circuler dans les autres grandes villes ! J’ajoute qu’en 2026 seront installés les radars à lecture automatique de plaques d’immatriculation. Comment allez-vous expliquer aux Français qu’ils n’ont pas le droit de se rendre dans les grandes villes alors qu’on leur a retiré tous les services publics dans les zones rurales ?
La suppression des ZFE ayant été votée en commission, la gauche ne peut pas, selon toute logique, s’opposer au présent amendement. Une partie du bloc central et des Républicains avait voté avec nous. Nous sommes en train d’arriver à quelque chose : votons cet amendement !
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). La pollution de l’air provoque chaque année 40 000 décès prématurés et entraîne des maladies respiratoires, à tel point qu’il faut enfermer les enfants en cas de pic de pollution. Les politiques mises en place à Lyon, à Strasbourg ou à Grenoble ont des effets. L’amélioration de la qualité de l’air n’est pas liée seulement au renouvellement du parc mais aussi à l’augmentation de l’offre de transports en commun.
Les effets du renouvellement du parc posent la question de la fiabilité des tests. Aux États-Unis, 500 000 véhicules Volkswagen ont fait l’objet de fraudes aux tests à la pollution, et le même scandale s’est produit en Europe. Les nouvelles promesses ne se traduisent pas dans les faits.
S’agissant de justice sociale, rappelons que ce sont les habitants des quartiers populaires, souvent implantés le long des autoroutes, qui subissent le plus la pollution de l’air. Il est indispensable de les protéger et d’améliorer leurs conditions de vie afin qu’ils ne développent pas de maladies respiratoires. Il est exact, enfin, que le poids des véhicules n’est pas pris en compte dans les restrictions d’accès aux ZFE ; il est indispensable qu’il le soit pour que puissent être visés les SUV les plus polluants.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD83 de M. Fabrice Roussel
M. Fabrice Roussel (SOC). Nous proposons qu’il soit explicitement indiqué que le rapport remis au Parlement est réalisé par le Haut Conseil pour le climat, qui publie chaque année une analyse de nos émissions de gaz à effet de serre et des effets de nos politiques publiques.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Le Haut Conseil pour le climat documente chaque année, dans son rapport annuel, l’évaluation des objectifs climatiques de la France. En janvier 2025, il s’est autosaisi sur le projet de troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Notre commission a d’ailleurs auditionné son président, Jean-François Soussana, ainsi que plusieurs de ses membres. Ses travaux permettent d’éclairer le débat nécessaire à la préparation de la loi quinquennale sur l’énergie prévue à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
J’ai néanmoins deux réserves quant à l’inscription dans la loi de la compétence du HCC pour réaliser le rapport mentionné. D’une part, l’article L. 132-4 du code de l’environnement prévoit déjà que le rapport annuel du HCC évalue la mise en œuvre de la SNBC au regard de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un autre rapport risquerait d’être redondant. D’autre part, le rapport prévu à l’article L. 100-4 du code de l’énergie me semble incomber au gouvernement. Il doit en effet documenter les politiques mises en œuvre par l’État pour réaliser les objectifs du I. L’avis indépendant du HCC est éclairant et bienvenu, mais il est important que le gouvernement soit lui-même chargé de produire une restitution précise sur l’atteinte des objectifs de la PPE. Le HCC partage cette position dans son avis sur le projet de troisième PPE. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.
Amendement CD35 de M. Maxime Laisney
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). À côté de l’objectif de réduction des émissions territoriales, nous proposons d’ajouter un objectif de réduction de l’empreinte globale liée aux émissions importées : selon le HCC, la France doit réduire ses émissions importées de 65 % au cours des trente prochaines années pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris, c’est-à-dire la neutralité carbone en 2050. Le HCC nous invite à intégrer l’empreinte carbone comme l’un des critères pris en compte dans le choix des leviers et des mesures à mobiliser. Nous ne pouvons pas nous contenter des objectifs annoncés par le gouvernement ou de la SNBC 3. Pour rappel, l’empreinte de la France est estimée à 644 millions de tonnes équivalent CO2 tandis que nos émissions territoriales s’élèvent à 403 millions de tonnes.
L’intégration de cet objectif va de pair avec notre exigence de protection et de décarbonation de l’industrie sidérurgique ainsi que de relocalisation des productions agricoles.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Si les engagements internationaux de la France portent sur ses émissions territoriales, le gouvernement s’est déjà engagé à réduire l’empreinte carbone de la France en tenant compte des émissions importées. Avis défavorable.
M. Timothée Houssin (RN). Notre groupe n’est pas sectaire : même si nous sommes en désaccord avec une partie de l’exposé sommaire de l’amendement, le dispositif proposé nous convient. Il nous semble important de parler d’empreinte carbone et de ne pas négliger les émissions que nous importons. Il y a un consensus aujourd’hui pour diminuer notre empreinte carbone, et c’est essentiellement à l’international que cela se joue. Un calcul réalisé sur le périmètre de notre seul territoire national nuit à notre industrie et contribue à augmenter nos émissions. Nous voterons donc cet amendement.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Nous soutenons nous aussi cet amendement. Les engagements du gouvernement relatifs à l’empreinte carbone ne sont pas suffisants et il faut que des objectifs figurent dans la loi. Le rapport publié par le HCC en 2020, « Maîtriser l’empreinte carbone de la France », est plus positif que vous ne laissez penser, monsieur le rapporteur pour avis : il évoque l’empreinte carbone comme étant « un outil approprié pour comprendre les stratégies d’approvisionnement et de localisation de la production ». Il recommande que les émissions importées de la France suivent une trajectoire cohérente avec l’objectif de Paris, grâce à une diminution de 65 % des émissions importées de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 2005.
J’aimerais enfin connaître savoir si le gouvernement s’engage à suivre deux suggestions du HCC : le renforcement des moyens de la recherche sur le sujet et la mise en place d’un indicateur de mesure des émissions liées à la déforestation importée. Vous engagez-vous à déposer des amendements en séance sur le sujet ?
La commission adopte l’amendement.
Amendement CD29 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Nous proposons que la politique énergétique nationale ait aussi pour objectif de prendre en compte l’état de santé des forêts. Une forêt en bonne santé joue son rôle de puits de carbone et résiste mieux aux aléas climatiques : elle permet d’améliorer davantage encore la balance entre émissions et captage de CO2.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est satisfait par l’alinéa 5 de l’article L. 112-1 du code forestier, qui consacre explicitement le rôle des puits de carbone forestiers dans la lutte contre le changement climatique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Titre II – Poursuivre une simplification idoine des normes applicables aux projets d’énergie et d’hydrogène, nucléaires comme renouvelables
Chapitre IER – Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie nucléaire
Article 16 bis : Possibilité de requalification par l’autorité administrative de matières radioactives en stocks stratégiques
Amendements de suppression CD88 de M. Jean-Marie Fiévet, CD36 de Mme Clémence Guetté, CD55 de M. Fabrice Roussel, CD60 de Mme Julie Laernoes et CD76 de M. Nicolas Bonnet
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’utilisation de matières radioactives pour la relance du parc nucléaire français est louable mais elle ne peut se faire qu’avec de réelles perspectives de valorisation, dans un horizon temporel suffisamment proche. De ce fait, la création d’un stock stratégique pour sécuriser le stock d’uranium appauvri ne semble pas opportune.
D’abord, les quantités produites sont trop importantes au regard de l’utilisation qui en est faite aujourd’hui. Il faut donc prioriser les solutions sûres et durables d’entreposage de ces matières. Notre stock d’uranium appauvri s’élève à 341 000 tonnes et augmente de manière continue ; selon les projections de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), il s’établira à 569 000 tonnes en 2040. Le réenrichissement, qui est l’une des perspectives de valorisation de l’uranium appauvri, produirait d’autres stocks de déchets de même nature. La réduction globale des volumes serait donc limitée. Le stock ne décroîtrait qu’à partir de la mise en place d’un parc nucléaire exclusivement composé de réacteurs à neutrons rapides (RNR). Or, selon le projet de PPE, les premiers RNR ne sont pas attendus avant la fin du siècle.
Ensuite, la valorisation de l’uranium appauvri doit faire l’objet de recherches supplémentaires. Son utilisation à d’autres fins que la production électronucléaire est très incertaine à ce jour. Les efforts actuels de recherche et développement doivent être approfondis pour attester des perspectives de valorisation.
J’ai enfin des réserves sur la portée juridique d’une nouvelle catégorie de stock stratégique, qui reste à préciser. Sa création n’exonérera pas les substances concernées d’une requalification en matières ou en déchets, laquelle peut être prononcée par le ministre chargé de l’énergie après consultation de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Or il paraît peu probable que l’introduction de la notion de stock stratégique modifie sur le fond l’avis que l’ASNR pourrait être amenée à donner.
Du fait de ces réserves, partagées par plusieurs collègues, je vous invite à voter le présent amendement de suppression.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons nous aussi de supprimer cet article. La création d’une nouvelle catégorie de stock stratégique est une manœuvre visant à passer les déchets radioactifs du passif à l’actif dans le bilan comptable des centrales nucléaires. J’y vois deux objectifs. Le premier vise à entretenir l’utopie d’un cycle fermé du combustible, celle du fameux nucléaire rêvé, sans déchets, que l’on nous promet depuis des dizaines d’années. Le second consiste à faire disparaître des déchets extrêmement gênants, susceptibles de menacer les générations futures pendant des millénaires, que l’on ne sait ni traiter ni même stocker. Selon un décompte réalisé en 2021, la France doit gérer 1,76 million de mètres cubes de déchets radioactifs, dont 220 000 nouveaux mètres cubes ajoutés en cinq ans seulement. Chaque année, les centrales nucléaires françaises produisent environ 200 tonnes de déchets de haute activité et nos piscines de stockage débordent.
Le seul horizon que l’on nous propose est le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo), dont on nous annonce déjà qu’il accuse un retard certain et que son coût, en hausse, atteint au moins 37 milliards d’euros. Ce projet parie sur le fait qu’une fois que la radioactivité aura traversé les fûts en acier et les tunnels en béton, la couche d’argile tiendra suffisamment longtemps pour ne la libérer qu’une fois qu’elle ne sera plus dangereusement toxique. Compte tenu des effets du changement climatique et de l’échelle de temps dont il est question, c’est un pari complètement fou !
On comprend que l’État soit embarrassé par ces déchets mais la dénomination de stock stratégique va invisibiliser la toxicité des substances. Elle risque en outre d’empêcher que soit bien pris en compte un éventuel potentiel de réutilisation ou, à l’inverse, un besoin de traitement et de stockage des déchets.
M. Fabrice Roussel (SOC). En l’état, l’article n’apporte aucune garantie quant à la requalification des matières radioactives, qui seraient requalifiées en stock stratégique sur simple décision de l’autorité administrative compétente.
La gestion du cycle combustible est un sujet sérieux, qui mérite une régulation spécifique et des éléments d’analyse documentés et précis. À ce titre, nous regrettons que le Parlement soit contraint de légiférer sur la planification énergétique et en l’espèce sur la gestion des déchets nucléaires, sans aucune étude d’impact préalable ni avis du Conseil d’État.
Lors de l’examen du projet de loi sur l’accélération des réacteurs pressurisés européens (EPR), le groupe Socialistes et apparentés avait déjà soulevé le sujet de la gestion du combustible et réclamé une réflexion sur le cycle de vie du combustible nucléaire, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et sur la valorisation des différents types de déchets radioactifs.
Les enjeux et problématiques soulevés par le cycle du combustible nucléaire engagent le pays pour des centaines, voire des milliers d’années, comme dans le cas du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de Bure. Dès lors, il apparaît nécessaire qu’une loi de programmation quinquennale établisse la stratégie nationale en matière d’amont et d’aval du cycle du combustible. Cela correspondant précisément au contenu de l’amendement CD46, je vais retirer mon amendement de suppression.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il nous semble utile de supprimer cet article qui, sans faire de spéculations, apparaît comme une sorte de cavalier dans le cadre de la programmation nationale des choix énergétiques. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis, nous disposons déjà de quelque 324 000 tonnes d’uranium appauvri stockées dans des conditions extrêmement insatisfaisantes. Ce stock s’alourdit d’année en année et pourrait atteindre 500 000 tonnes en 2050.
Il est certes possible d’utiliser l’uranium appauvri pour fabriquer des munitions, des armes, mais dans des conditions morales absolument contestables et avec un statut difficilement soutenable au regard de la protection de l’environnement. Il faut cesser de contourner les obligations de traitement des déchets radioactifs et ne pas reporter le poids de leur gestion sur les générations futures, en contradiction avec les principes de précaution et de responsabilité intergénérationnels. Nous avons par conséquent déposé un amendement de suppression, mais serons très heureux, monsieur le rapporteur pour avis, de voter le vôtre.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). D’aucuns espèrent sans doute que les déchets des centrales nucléaires actuelles pourront être réutilisés. Nous n’en avons toutefois pas la certitude. Quand bien même cela serait possible, rien ne justifierait de requalifier des matières radioactives en stock stratégique sans disposer de la moindre définition d’une telle classification. Qu’ils soient un jour utilisables ou pas, il n’en demeure pas moins que ces matériaux sont radioactifs et doivent être traités comme tels, ainsi que le permet leur classement soit en matières radioactives, soit, si l’on estime qu’ils ne seront pas réemployables, en déchets radioactifs. L’existence d’une catégorie qualifiée de « stock stratégique » non seulement n’apporterait rien, mais viendrait créer un flou dangereux pour les populations et pour les enjeux de traitement soulevés par le risque radioactif.
M. Timothée Houssin (RN). Nous sommes, sans surprise, défavorables à ces amendements de suppression, car favorables à l’article 16 bis, qui est par ailleurs l’un des seuls articles de fond de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) laissés en débat à la commission du développement durable. Nous espérons en effet que ces déchets pourront être réutilisés. Cette perspective est intéressante, tant du point de vue écologique et économique qu’en matière de souveraineté. Il faut savoir la saisir. Les projets de réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides, bien que mis à mal par Emmanuel Macron en début de mandat, sont extrêmement prometteurs et offrent de réelles possibilités. Nous souhaitons donc le maintien de l’article 16 bis.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Nul ne peut présumer de l’avancée de la recherche et des progrès susceptibles d’intervenir dans ce domaine. Les réacteurs français utilisent déjà du mox. Cette technique, maîtrisée depuis un demi-siècle, est sûre, fiable et permet de créer des emplois. Nous pouvons compter sur l’évolution de la recherche pour augmenter encore la production d’électricité nucléaire à partir de combustible mox, qui représente actuellement environ 10 % de l’électricité nucléaire produite en France.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je vous rappelle que cet amendement est soutenu par le rapporteur pour avis, lequel n’est pas, me semble-t-il, un grand antinucléaire. L’idée n’est pas de faire disparaître ces matières ou déchets radioactifs, qui vont malheureusement perdurer. Soyez rassurés : si l’on trouve un jour le moyen de les réutiliser, ils seront disponibles, sauf si vous les enfouissez à Cigéo. Les requalifier en « stock stratégique » ne les fera ni apparaître ni disparaître. Ne créons pas une nouvelle catégorie indéfinie, qui risquera d’empêcher le traitement de la problématique du stockage spécifique des matières radioactives. Je pense que personne ici ne conteste le fait que les matières radioactives ne doivent pas être considérées comme des déchets classiques. Je suppose que vous n’aspirez pas à vivre près d’une décharge de déchets radioactifs. Une matière radioactive doit bénéficier d’un traitement spécifique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Si vous pouvez, madame Brulebois, avoir des doutes sur l’argumentation des écologistes, vous ne pouvez en avoir vis-à-vis des arguments développés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Or cette dernière a produit en 2020 un rapport dans lequel elle insiste, compte tenu des quantités phénoménales en jeu et des perspectives très distantes dans le temps d’une éventuelle réutilisation, sur la nécessité de traiter sérieusement ces matières, qu’elle considère comme des déchets.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Il s’agit de questions purement informatives. Nous savons en effet que les déchets nucléaires sont stockés, répartis en fonction de leur radioactivité et traités dans différentes usines. Mme Brulebois évoquait légitimement le mox, mais il existe d’autres modes de traitement. Je ne comprends pas la portée réelle de cet article ni de sa suppression, dans la mesure où ces matériaux sont stockés, surveillés et où de nombreux investissements sont effectués pour multiplier nos capacités de stockage. Ces composants constituent déjà, à bien des égards, un stock stratégique, que ce soit à Marcoule ou à La Hague. Je vous fais confiance, monsieur le rapporteur pour avis, et souscris à l’idée de la suppression de cet article, mais souhaiterais au préalable en comprendre véritablement la portée et l’intention première.
L’amendement CD55 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 16 bis.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Après l’article 16 bis
Amendement CD2 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à renforcer notre exigence de traçabilité des métaux faiblement irradiés dans le cadre de leur recyclage ou de leur transformation. À l’heure où la filière nucléaire est l’objet d’un regain d’intérêt stratégique pour assurer notre souveraineté énergétique, nous devons être à la hauteur des enjeux de sécurité et de transparence qui s’y rattachent. Concrètement, il ne s’agit pas d’alourdir les démarches, mais d’imposer une déclaration claire de l’usage final et du destinataire de ces matériaux sensibles. Cette mesure vient renforcer la rédaction initiale de l’article, afin de prévenir les détournements d’usage, les pertes de contrôle et d’éviter les transferts de technologies sortant du cadre collectivement défini. Cet encadrement est indispensable pour accompagner sereinement le développement du recyclage nucléaire tout en assurant la protection de nos intérêts stratégiques et la confiance des citoyens.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. La valorisation d’une partie des déchets radioactifs métalliques de très faible activité permettrait de réduire les quantités de déchets à stocker et l’artificialisation des sols qui s’y rattache. Le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) confirme l’opportunité de poursuivre des réflexions sur leur valorisation, qui peut passer par le recyclage.
L’arrêté du 9 décembre 2022 dispose en outre que les propriétaires transmettent à l’autorité administrative une feuille de route précisant le projet de valorisation ainsi que les exigences en matière de sûreté.
L’objet de votre amendement est par conséquent satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD28 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à inscrire la requalification possible des matières radioactives dans le PNGMDR. Créer un stock stratégique contribuerait à renforcer notre souveraineté énergétique, dans la mesure où une éventuelle réutilisation de la matière disponible permettrait de limiter les importations. Cela reviendrait à faire un pari sur l’avenir en favorisant le principe de l’économie circulaire et en diminuant ainsi la consommation de matières premières. Pour atteindre cet objectif et faire en sorte que le stock stratégique constitué soit utile, il faut soutenir la recherche et l’innovation dans le secteur nucléaire. C’est le sens de cet amendement.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. En application de l’article L. 542-13-2 et en vertu de l’article D542-82 du code de l’environnement, chaque propriétaire de matières radioactives doit élaborer un document présentant les perspectives de valorisation, associées à des jalons décisionnels et d’avancement, pour chaque matière dont il est propriétaire.
Le droit en vigueur satisfait déjà l’objet du présent amendement. J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD27 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à rendre possible la remise en service d’une centrale nucléaire fermée non encore démantelée. Il ne faut négliger aucun moyen susceptible d’accélérer la relance du nucléaire français. Il en va des centrales nucléaires comme du stock stratégique de matières radioactives. Si l’évolution des connaissances scientifiques et techniques permet de rouvrir une centrale, il ne faut pas s’en priver. La construction d’une centrale nucléaire est longue. Il faut se donner la possibilité de profiter des équipements existants pour gagner du temps. L’application de cette mesure suppose de soutenir l’innovation et la recherche dans le secteur nucléaire.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’article L. 593-24 du code de l’environnement prévoit qu’une installation nucléaire « ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans » peut être fermée par un décret en Conseil d’État. La mise à l’arrêt est prononcée dans le but de protéger la sécurité, la santé, la salubrité publique ainsi que la nature et l’environnement. Le décret de fermeture doit être pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et recueil des observations fournies par l’exploitant.
Permettre de revenir sur cette décision par décret en Conseil d’État ne me semble pas opportun, pour deux raisons.
Il est tout d’abord essentiel que l’ASNR fournisse un avis préalable à la réouverture d’une installation nucléaire fermée pour des raisons de sûreté ou de protection de l’environnement. Or le présent amendement ne mentionne pas cet aspect.
L’article L. 593-4 du code de l’environnement prévoit par ailleurs que l’exploitant fournisse ses observations avant que le décret ordonnant la mise à l’arrêt ne soit pris. À cette occasion, l’exploitant peut témoigner des connaissances scientifiques et techniques justifiant une prolongation du fonctionnement de l’installation nucléaire.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD19 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement est une demande de rapport sur les potentialités des réacteurs à neutrons rapides, mais je me permettrai de faire un peu de politique. Il existe historiquement dans ce domaine deux scandales d’État, avec d’une part l’abandon du projet de réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle (Astrid) par les macronistes, d’autre part la fermeture de Superphénix à Creys-Malville dans les années 1990. Cela me permet de souligner l’alliance du bloc central et de l’extrême gauche pour affaiblir notre filière nucléaire d’excellence. Mme Voynet se félicitait alors de l’efficacité de son lobbying et de ses actions contre le nucléaire civil français.
Le Rassemblement national défend au contraire le nucléaire français depuis toujours et c’est probablement grâce à ses prises de position et au basculement de l’opinion publique que les macronistes se sont réveillés, bien que très tardivement, sur le sujet. N’oublions pas, par ailleurs, que vous avez fait fermer la centrale de Fessenheim ; cela faisait l’objet de l’amendement précédent. Ces trente années de gabegie nucléaire ont conduit à abîmer notre souveraineté énergétique. Le Rassemblement national est la solution politique pour ne plus subir les conséquences néfastes de l’alliance entre les macronistes et l’extrême gauche contre le nucléaire français.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. S’agissant de la remise d’un rapport au Parlement sur les réacteurs à neutrons rapides, l’article D. 141-2 du code de l’énergie dispose que la réalisation des objectifs fixés par les programmations pluriannuelles de l’énergie fait l’objet d’un rapport d’évaluation transmis tous les deux ans au Conseil supérieur de l’énergie et au Conseil national de la transition écologique. Ce rapport intègre l’atteinte des objectifs de développement des réacteurs à neutrons rapides dès lors qu’ils constituent un objectif de la PPE.
L’objet de l’amendement est donc déjà satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 22 ter : Extension de l’exemption d’artificialisation des sols au stockage d’énergie solaire et aux installations de solaire thermique
Amendements de suppression CD12 de M. Timothée Houssin et CD39 de M. Maxime Laisney
M. Timothée Houssin (RN). Le présent amendement vise à supprimer l’article 22 ter. Notre choix est en effet de prioriser les énergies certes décarbonées, mais pilotables. Les énergies intermittentes posent différents problèmes, en raison précisément de leur intermittence. Elles créent souvent par ailleurs une dépendance vis-à-vis de pays étrangers, notamment asiatiques. Nous sommes surpris de constater que, texte après texte, ces énergies que vous idéalisez bénéficient de toutes les exemptions. Nous sommes opposés au développement inconsidéré des énergies intermittentes et préférons, en matière de stockage, la solution offerte par les stations de transfert d’énergie par pompage (Step). Nous sommes donc doublement défavorables à cet article, dont nous proposons la suppression.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je souhaite tout d’abord soulever un point de méthode. Nous constatons que la question de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) est désormais abordée quasiment dans chaque texte examiné, qu’il s’agisse du projet de loi de simplification de la vie économique discuté hier dans l’hémicycle, de la présente proposition de loi sur l’énergie ou de la proposition de loi Trace – trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus – censée arriver du Sénat. Or il n’est pas envisageable de travailler la question de l’artificialisation des sols à la découpe. Ce sujet nécessite une vision globale, cohérente. Nous sommes très attachés au maintien de l’objectif zéro artificialisation nette et pensons qu’il convient d’agir sur les modalités d’accompagnement permettant de le rendre atteignable, notamment par des mécanismes fiscaux, financiers, mais aussi de revalorisation et de requalification des friches. Il n’est pas possible de continuer à miter ainsi le débat.
Nous sommes, sur le fond, favorables à l’objectif ZAN et au développement des énergies renouvelables, mais estimons que ce dernier doit s’effectuer en priorité sur les espaces déjà artificialisés, qu’il s’agisse des friches industrielles ou commerciales ou des toitures pour les panneaux photovoltaïques – élément à propos duquel le gouvernement a envoyé un très mauvais signal en remettant en cause le tarif de rachat de l’énergie produite. L’effort doit porter sur ces espaces au lieu de continuer à artificialiser des terres agricoles et naturelles dont nous avons grand besoin pour la production alimentaire et l’absorption du carbone.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’article 22 ter ne crée pas un droit général à artificialiser, mais une exemption strictement limitée aux installations de production solaire thermique et aux installations de stockage d’énergie solaire.
La dérogation reste soumise aux conditions prévues par la loi, visant à ne pas affecter les fonctions écologiques du sol, en particulier biologiques, hydriques et climatiques.
La différence actuelle de traitement entre solaire thermique et solaire photovoltaïque est contestable, puisque les structures et les ancrages permettant de poser les capteurs solaires thermiques et photovoltaïques sont techniquement absolument similaires.
La situation du stockage me semble en revanche plus discutable. En effet, les caractéristiques techniques de ces constructions artificialisent par nature les sols et ne permettent pas de répondre aux critères de la loi. C’est la raison pour laquelle je propose un amendement visant à réduire le champ de l’exemption aux seules installations de production solaire photovoltaïque et thermique.
Avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). J’observe des incohérences manifestes.
La première est celle du Rassemblement national, qui passe son temps à critiquer le ZAN, mais, croisant les skis, le présente soudain comme un instrument merveilleux qu’il faudrait absolument préserver de toute exemption. Cette attitude est absurde, monsieur Houssin. Soyez cohérent : si vous êtes opposé au ZAN, n’essayez pas d’entraver de possibles exemptions.
Vous parlez en outre de pilotage des énergies intermittentes. Or nous sommes en train d’évoquer le stockage de ces énergies, dont les modalités permettent précisément d’en améliorer le pilotage. Le fait de disposer par exemple de Step rend ces énergies intermittentes plus pilotables. Cela va donc dans votre sens. Je vois là une deuxième incohérence.
Évoquer les Step à propos des panneaux photovoltaïques témoigne par ailleurs d’une incompréhension totale du fonctionnement des énergies renouvelables. Les Step ne fonctionnent en effet qu’avec un barrage hydraulique.
L’argumentation du Rassemblement national est donc, de A à Z, d’une incohérence absolue. Il est effarant d’observer le niveau du débat et de votre expertise sur ces questions.
Je perçois également une forme d’incohérence dans la position défendue par M. Tavel. Je respecte et salue votre engagement en faveur du ZAN et partage votre combat pour en maintenir les objectifs, même si certains ajustements me paraissent nécessaires. Je souscris à votre analyse de la méthode employée, consistant à proposer dans quasiment chaque texte examiné par l’Assemblée nationale des exemptions à cet objectif. Je pense que le sujet mériterait un texte unique pour encadrer au maximum ces aspects.
En revanche, si l’on est sincère dans sa volonté de développer les énergies décarbonées en France, notamment les énergies renouvelables, il n’est pas possible de ne pas souscrire à un amendement permettant d’aller dans cette direction, au prix d’une petite entorse au ZAN mais au service d’un objectif plus grand, en cohérence avec l’objectif d’ensemble de lutte contre le dérèglement climatique et par extension contre l’extinction du vivant. Cela fait partie des valeurs mesurées d’intelligence sur lesquelles nous pourrions sans doute avoir un point de convergence.
Je partage l’avis du rapporteur pour avis, dont l’amendement me semble très mesuré.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Le problème avec vous, les macronistes, est que vous édictez des principes, puis des exceptions à ces principes. Normalement, lorsque l’on fixe un principe, on s’y tient, ce qui suppose en l’occurrence d’avoir anticipé les surfaces potentielles sur lesquelles installer les éléments nécessaires, par exemple les zones de stockage. Les installations dont il est question peuvent être construites sur des zones déjà artificialisées ou fixées sur des toitures. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir une exception au ZAN. Je concède qu’il pourrait en aller autrement sur la question de l’éolien, qui n’est toutefois pas l’objet de cette discussion. Vous n’avez de cesse, lors de chaque projet de loi « écolo » de la Macronie, de revenir sur le principe du ZAN et de trouver un nombre conséquent de situations appelant des dérogations. Le principe initialement fixé finit ainsi par n’avoir plus aucun sens et n’être plus appliqué.
Nous maintenons par conséquent notre amendement de suppression, motivé par des raisons évidemment très différentes de celles présidant à l’amendement identique. Il s’agit également pour nous de formuler une mise en garde pour les prochains textes. L’application du ZAN a été controversée. La réception et l’explication de cette politique publique ont été difficiles. Ajouter de l’incohérence à l’incohérence ne facilitera pas la mise en œuvre de ce principe et le déploiement d’une politique publique cohérente en faveur du développement des énergies renouvelables. Ce type d’exemption apporte en réalité de l’eau au moulin des opposants du ZAN.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je rappelle, dans le prolongement des propos de ma collègue Clémence Guetté et pour répondre à l’incompréhension de M. Cazeneuve, que l’article en question n’interdit pas d’artificialiser des sols pour implanter des installations de production d’énergie solaire thermique ou de stockage d’énergie liée au photovoltaïque. Il impose simplement, lorsque des espaces sont artificialisés à cette fin, qu’ils soient comptabilisés dans le ZAN et que l’on trouve ailleurs les mesures de compensation, de renaturation permettant d’atteindre l’objectif. Il s’agit de deux aspects différents : d’une part, artificialiser ou ne pas artificialiser, d’autre part, comptabiliser, lorsque des besoins particuliers imposent l’artificialisation de sols, les espaces concernés afin d’être cohérent avec le ZAN.
Nous proposons dans notre amendement de conjuguer l’objectif zéro artificialisation nette et le développement des énergies renouvelables et, si la question se pose, de faire en sorte que ce dernier soit prioritaire sur d’autres formes d’artificialisation que nous considérons comme superflues, voire abusives au regard de l’exigence de préservation des espaces naturels et agricoles.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Nous n’avons aucune difficulté à assumer une forme de nuance et des entorses à certains des principes que nous fixons. Être absolutiste sur de tels sujets est une erreur et peut conduire à des attitudes paradoxales consistant par exemple à interdire la réalisation de projets qui pourraient aller dans le sens du ZAN.
Permettez-moi par ailleurs, monsieur Tavel, de formuler à mon tour une alerte quant au signal envoyé à nos concitoyens. Bien que vos motivations soient différentes, l’autre dépositaire d’un amendement de suppression de cet article est le Rassemblement national, qui sait pertinemment que la question du ZAN et des zones à artificialiser ou non est aux mains des élus locaux et que certains choix dans ce domaine peuvent être difficiles à effectuer, entre une zone économique, des habitations, etc. Par cet amendement, les députés du Rassemblement national veulent empêcher le déploiement des structures de stockage des énergies renouvelables, qui ne constitue pas un objectif prioritaire des élus dans un certain nombre de territoires.
La commission rejette les amendements.
Amendement CD40 de M. Matthias Tavel, amendements identiques CD59 de M. Xavier Roseren et CD84 de M. Belkhir Belhaddad (discussion commune)
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Le ZAN n’est pas une lubie mais un impératif si l’on veut préserver le climat, atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et protéger la biodiversité d’une nouvelle extinction de masse.
Nombre d’entre vous versent des larmes de crocodile sur la situation des agriculteurs, mais c’est bien le ZAN qui permet de mettre un coup d’arrêt à l’artificialisation et au recul des terres agricoles, souvent très fertiles. En le protégeant, nous sommes les véritables défenseurs des agriculteurs.
La multiplication des plans de licenciement, notamment dans le secteur du commerce de prêt-à-porter confronté à des difficultés structurelles, soulève la question cruciale de la requalification des friches industrielles et commerciales. Or les espaces déjà artificialisés doivent être prioritaires pour développer les énergies renouvelables. Contrairement aux éoliennes, les dispositifs produisant de l’énergie solaire thermique ou de l’énergie photovoltaïque peuvent être installés en toiture ou sur des ombrières, au-dessus des parkings ; il n’y a donc aucune raison de les installer ailleurs.
Enfin, si l’on veut développer une filière française du photovoltaïque capable de faire face à la concurrence étrangère, notamment chinoise, en matière de prix, il faut favoriser les installations de panneaux sur les toitures plutôt que sous la forme de grands champs photovoltaïques dans des espaces naturels.
Les arguments écologiques, énergétiques, fonciers, industriels et économiques convergent : afin de préserver les espaces naturels, les installations photovoltaïques et solaires thermiques doivent être concentrées dans les espaces déjà urbanisés.
M. Xavier Roseren (HOR). La transition énergétique exige que nous levions certains freins administratifs qui ralentissent le déploiement des énergies renouvelables. Des projets vertueux, de production électrique renouvelable ou de récupération de chaleur fatale, sont parfois empêchés parce qu’ils sont comptabilisés comme consommateurs d’espaces naturels agricoles ou forestiers, au même titre qu’un parking ou qu’une zone commerciale. Cela n’a pas de sens, puisque ces projets sont indispensables à la décarbonation de notre économie.
Cet amendement vise à étendre l’exemption prévue à l’article 22 ter à l’ensemble des installations de production d’énergies renouvelables visées à l’article L. 211-2 du code de l’énergie. Il ne s’agit pas d’accorder un blanc-seing à l’artificialisation, mais d’apporter une clarification nécessaire. La transition énergétique ne doit pas être mise en concurrence avec la sobriété foncière : ces deux impératifs vont de pair.
M. Belkhir Belhaddad (NI). Les collectivités locales sont parfois contraintes de choisir entre des projets économiques ou urbains renforçant l’attractivité de leur territoire et des projets indispensables à la transition énergétique.
Pour y remédier, cet amendement vise à étendre l’exemption de la comptabilisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), prévue à l’article 194 de la loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience, à un champ plus large de projets de production énergétique et d’infrastructures connexes.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. La loi « climat et résilience » exclut du calcul de la consommation foncière uniquement les installations photovoltaïques, afin de ne pas pénaliser des projets qui contribuent à la décarbonation sans entraîner une artificialisation au sens strict. L’abrogation de cette disposition irait à rebours de la logique d’optimisation foncière et de développement des énergies renouvelables promue par la programmation pluriannuelle de l’énergie et la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite Aper. Avis défavorable sur l’amendement CD40.
Quant aux amendements CD59 et CD84, ils tendent à exclure un ensemble très large d’installations et d’infrastructures, sans condition de nature du sol, d’impact réel ou de réversibilité. Une telle exemption généralisée viderait de sa portée le principe même de sobriété foncière, en autorisant de fait des consommations d’espace importantes, y compris sur des terres naturelles ou agricoles, sans encadrement. Avis défavorable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Lors de l’examen de la loi Aper, les députés écologistes, aux côtés des députés du groupe La France insoumise, ont essayé de limiter les impacts des installations d’énergies renouvelables sur la biodiversité ; nous tenons compte de la biodiversité, quel que soit le type d’installation énergétique. Nous aurions d’ailleurs souhaité aller un peu plus loin en matière de protection des terres agricoles.
L’installation des dispositifs d’énergies renouvelables sur les terrains déjà artificialisés doit être une priorité et nous regrettons que des objectifs plus ambitieux en matière d’installation sur des toitures n’aient pas été adoptés. Nous avions proposé de créer une obligation d’installation de panneaux photovoltaïques sur toutes les grandes surfaces – centres commerciaux et bâtiments administratifs notamment –, mais aucune mesure en ce sens n’a été retenue.
Supprimer les protections adoptées précédemment serait contre-productif ; il serait préférable de corriger la loi Aper, afin de favoriser la concentration de ces installations, par le biais d’obligations.
Enfin, à la suite du départ de Vencorex, nous avons en Isère une friche hautement polluée de 120 hectares. Nous n’avons reçu aucune réponse du gouvernement au sujet des actions prévues pour permettre la réutilisation de ces espaces vides et pollués, qui sont dangereux.
M. Olivier Becht (EPR). Adopter l’amendement CD40 entraînerait l’interdiction de l’agrivoltaïsme, ce qui va à l’encontre des objectifs de transition énergétique.
Certes, il est préférable d’installer les panneaux photovoltaïques sur les toits et les friches, mais se limiter à ces zones reviendrait à méconnaître la réalité profonde de notre pays. La France n’est pas uniquement constituée de grandes villes et de banlieues ; à 85 %, elle est faite de campagnes, de montagnes et de territoires d’outre-mer qui doivent développer des énergies renouvelables.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Certains de nos collègues sont prompts à créer des dérogations, même aux règles qu’ils ont eux-mêmes instaurées. Ne détricotons pas les mesures, trop peu nombreuses, que nous avions réussi à inscrire dans la loi pour respecter nos objectifs écologiques !
Les friches industrielles et commerciales représentent de 90 000 à 150 000 hectares. Il est nécessaire d’en réaliser un inventaire complet et d’élaborer un plan d’investissement pour les dépolluer et les réutiliser.
Il y a quelques jours, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), un amendement visait à revenir sur l’objectif de solarisation des toitures de bâtiments publics. Le rapporteur l’a finalement retiré, sous la pression de certains groupes, dont le nôtre.
Nous devons maintenir nos objectifs climatiques, ceux concernant la biodiversité et ceux portant sur la souveraineté énergétique, malgré la forte pression exercée pour les revoir à la baisse, en particulier depuis les bancs de l’extrême droite.
Nous n’avons pas d’autre choix : il nous faut regarder ces réalités en face, tenir bon et trouver des solutions qui ne sacrifient pas un objectif au profit d’un autre, qui ne laissent pas des intérêts économiques très restreints écraser les réalités physiques et scientifiques.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) tient un répertoire des friches industrielles. Les communautés de communes et les agglomérations sont très attentives à la reconversion de leurs friches industrielles, dont un grand nombre a été financé par le fonds Vert.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Ce texte étant une proposition de loi, son examen ne s’accompagne d’aucune étude d’impact ni de la présence du gouvernement. Par conséquent, nous manquons d’éléments importants d’appréciation des enjeux auxquels nous sommes confrontés : quelles suites seront données à la proposition de loi Trace ? Quelles suites seront données aux travaux de la mission dont vous étiez corapporteure, madame la présidente ? Le gouvernement reviendra-t-il sur la diminution du tarif de rachat de l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques de toiture ? La réduction de l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques sur les parkings sera-t-elle revue ? Aurons-nous enfin un fonds Vert et un fonds pour le recyclage des friches qui ne ressemblent pas à des variables d’ajustement budgétaire, mais qui soient des leviers puissants pour limiter l’artificialisation et permettre la requalification des friches ?
Tous ces éléments participent à la discussion sur l’articulation entre le développement des énergies renouvelables et la préservation du foncier naturel ou agricole. Sans eux, nous progressons à tâtons, voire à l’aveugle. Nous allons sacrifier l’objectif ZAN au profit des énergies renouvelables, avant de faire le contraire dans quelques mois ; je crains que finalement, nous ne fassions ni l’un ni l’autre, alors que les deux sont indispensables.
Nous avions proposé que les zones d’accélération concentrent le développement des énergies renouvelables, mais la majorité macroniste l’avait refusé, préférant étendre ce développement à l’ensemble du territoire. Nous le constatons désormais, le mécanisme prévu par la loi Aper n’est pas opérant pour le développement planifié et organisé des énergies renouvelables. Comme nous le craignions à l’époque, la loi Aper a manqué sa cible.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’article 22 ter ne préconise pas le développement du photovoltaïque dans tous les espaces naturels agricoles. Il autorise comme pour le photovoltaïque le déploiement d’une activité solaire thermique sur un espace naturel agricole à condition que cela n’artificialise pas son potentiel agronomique, que cela ne provoque pas une altération des fonctions écologiques du sol ou son imperméabilisation, et qu’une activité agricole puisse être maintenue ; il ne s’agit pas de promouvoir un mono-usage de l’énergie solaire.
Les amendements CD59 et CD84 visent à exempter du respect de l’objectif ZAN toute installation de dispositif d’énergie renouvelable, allant ainsi beaucoup plus loin que l’article. S’ils sont adoptés, l’installation d’une éolienne, d’une centrale nucléaire ou d’une structure de stockage ne sera pas prise en considération au regard de l’objectif ZAN, alors que cela artificialise les sols.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Monsieur Becht, vous dites que concentrer les installations de panneaux photovoltaïques sur des espaces déjà artificialisés les limiterait aux grandes villes, mais, même dans les départements les moins densément peuplés, il se trouve toujours une grande surface munie d’un parking ou des bâtiments agricoles sur lesquels installer des panneaux photovoltaïques.
C’est parce que nous connaissons finement notre territoire que nous savons que certains endroits doivent être préservés, alors que d’autres, déjà artificialisés, peuvent accueillir des installations productrices d’énergie. De plus, les territoires de montagne disposent de l’énergie hydraulique, qui provoque très peu d’artificialisation.
En tout état de cause, nous nous opposons fermement au détricotage de l’objectif ZAN proposé par les députés du groupe Rassemblement national.
La commission rejette successivement l’amendement CD40 et les amendements identiques.
Amendement CD87 de M. Jean-Marie Fiévet, amendements identiques CD62 de Mme Julie Laernoes et CD71 de M. Vincent Thiébaut (discussion commune)
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à exclure les installations de stockage des énergies solaires thermiques et photovoltaïques de l’exemption en matière d’artificialisation des sols, et d’y inclure les installations de production d’énergie solaire thermique – les installations de production d’énergie solaire photovoltaïque en bénéficiant déjà depuis la loi « climat et résilience ».
Par nature, les installations de stockage de l’énergie solaire artificialisent les sols et ne permettent pas de remplir les critères prévus par la loi visant à maintenir une activité agricole et à ne pas porter durablement atteinte aux fonctions écologiques du sol, notamment biologiques, hydriques et climatiques.
De plus, la différence de traitement entre le solaire thermique et le solaire photovoltaïque est contestable puisque techniquement, les structures et les ancrages permettant de poser des capteurs solaires sont absolument similaires, qu’ils soient thermiques ou photovoltaïques.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Comme le rapporteur pour avis, nous regrettons que l’article 22 ter, tel qu’il est rédigé, n’étende pas l’exemption aux installations solaires thermiques.
De plus, je reconnais que les installations de stockage de l’énergie solaire, qu’elle soit thermique ou photovoltaïque, contribuent à l’artificialisation des sols. Par conséquent, je retire notre amendement au profit de celui du rapporteur, qui me paraît mieux rédigé.
M. Vincent Thiébaut (HOR). La rédaction de l’article 22 ter, issue du Sénat, provoquerait un recul du droit par rapport à la loi « climat et résilience ». Elle limiterait l’exemption prévue dans cette loi aux seules installations associant des dispositifs de stockage, ce qui semble aberrant.
Mon amendement vise à modifier la rédaction de l’article de manière que soient concernées les installations de production d’énergie solaire, photovoltaïque ou thermique, mais aussi les dispositifs de stockage, essentiels au pilotage des énergies renouvelables, sans qu’ils soient nécessairement associés aux premières.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Contrairement à votre amendement, monsieur Thiébault, le mien propose que l’exemption ne concerne pas les installations de stockage, qui contribuent à l’artificialisation des sols. Avis défavorable.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). La loi « climat et résilience » prévoit déjà que pour être exemptée du respect des objectifs ZAN, une installation photovoltaïque ne doit pas affecter durablement les fonctions écologiques et le potentiel agronomique du sol ni empêcher le maintien d’une activité agricole.
S’il est possible d’installer des panneaux photovoltaïques sans emprise profonde dans le sol, il est en revanche impossible pour une installation de stockage de remplir ces critères. Parce qu’il est inutile de conserver leur mention dans le texte, je suis favorable à l’amendement CD87 du rapporteur pour avis.
M. Olivier Becht (EPR). En excluant les installations de stockage de l’exemption, on condamne à l’échec tous les projets d’agrivoltaïsme prévoyant à la fois une installation de production et une installation de stockage. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement CD71, qui est plus pragmatique.
M. Vincent Thiébaut (HOR). J’entends vos remarques et je respecte le souhait de réduire l’artificialisation, mais le stockage est une réponse à l’intermittence des énergies renouvelables, qui leur est souvent reprochée.
Par ailleurs, je fais confiance aux collectivités pour faire preuve de cohérence dans l’élaboration de leurs plans d’artificialisation. Pour que les énergies renouvelables soient mieux acceptées, il est essentiel de mieux les piloter, notamment pour faire face aux problèmes posés par leur intermittence.
Cependant, les installations de stockage n’étant pas destinées à être particulièrement nombreuses, je retire mon amendement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Les projets agrivoltaïques sont directement reliés au réseau et n’ont pas besoin de stockage. Certains projets d’installations de stockage ont pour seul but la spéculation électrique : il s’agit d’acheter du courant à bas prix sur le réseau avant de le revendre plus cher ultérieurement.
Je suis favorable au stockage de l’énergie pour résoudre le problème de l’intermittence, mais nous ne devons pas favoriser les phénomènes de spéculation, qui sont délétères.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Dans un objectif de compromis, nous voterons l’amendement du rapporteur. Toutefois, il est fondamental de distinguer l’artificialisation et sa comptabilité au titre des objectifs ZAN. Extraire les installations de stockage du décompte du ZAN n’équivaut pas à interdire l’artificialisation à des fins de stockage. Il s’agit simplement de considérer que l’atteinte faite à la nature du sol est telle qu’elle doit être prise en compte. L’artificialisation à des fins de stockage porte sur des surfaces considérables, que nous devons comptabiliser au titre du ZAN ; sinon, celui-ci n’aurait pas plus de réalité qu’un gruyère où ne resteraient que des trous.
Mme Olga Givernet (EPR). Nous avons identifié un problème de pilotage du réseau électrique, que nous voudrions résoudre par l’usage de batteries. Économiquement, nous avons intérêt à favoriser les batteries mobiles plutôt que les batteries stationnaires, et à identifier d’autres moyens de stockage, notamment par le biais des Step.
Par conséquent, il n’est pas utile de développer des installations de stockage pour chaque installation photovoltaïque. Le stockage n’est pas interdit, mais nous ne devons pas favoriser le développement du modèle associant photovoltaïque et batteries, et privilégier la flexibilité et la modulation sur le réseau.
Les amendements CD62 et CD71 sont retirés.
La commission adopte l’amendement CD87.
En conséquence, les amendements CD47 de M. Fabrice Roussel et CD77 de M. Nicolas Bonnet tombent.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 ter modifié.
Après l’article 22 ter
Amendement CD3 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). L’agrivoltaïsme doit répondre à une exigence fondamentale : rester au service de l’agriculture et ne pas s’y substituer.
Cet amendement vise à empêcher une dérive que nous constatons : sous couvert de co-activité, des projets photovoltaïques remplacent la production agricole, partiellement ou totalement. Afin d’aller plus loin qu’une simple notion d’incompatibilité, nous proposons de renforcer la rédaction existante avec une exigence claire : aucune baisse d’activité agricole ou pastorale ne doit être tolérée.
Alors que les terres agricoles utiles disparaissent un peu plus chaque année et que les agriculteurs sont à bout de souffle, il serait irresponsable de continuer de sacrifier les terres nourricières, même au nom d’objectifs énergétiques louables. L’énergie solaire est une chance, mais elle ne doit pas se développer au détriment de la souveraineté alimentaire.
Soutenons une transition énergétique équilibrée, respectueuse du monde agricole et ancrée dans le monde rural.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. La loi encadre déjà strictement les conditions d’application d’exemptions au titre du ZAN : ne pas affecter les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions agronomiques, et ne pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole.
Votre amendement rigidifie excessivement un équilibre déjà difficile à trouver entre production énergétique et continuité de l’activité agricole. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 22 quater : Encadrement de la durée d’instruction des autorisations environnementales pour les projets d’installations d’énergies renouvelables
Amendement de suppression CD89 de M. Jean-Marie Fiévet
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’article 22 quater introduit un encadrement rigide des délais d’instruction des demandes d’autorisations environnementales pour les projets d’énergies renouvelables. Or une telle rigidité pourrait s’avérer contre-productive. En effet, elle contraindrait l’administration à rejeter des projets potentiellement viables pour de simples dépassements de délai, même de quelques jours, sans possibilité de demander des compléments d’information. Cela exposerait les projets à un accroissement des contentieux, à une perte de temps pour les porteurs et à une obligation de redéposer des dossiers complets.
Par ailleurs, le dispositif proposé repose sur une lecture erronée de la directive RED III. Les zones d’accélération introduites par la loi Aper résultent d’une planification ascendante à l’initiative des communes et n’ont aucun effet juridique direct sur l’instruction des autorisations. À l’inverse, les zones prévues par RED III sont encadrées par un plan et un programme soumis à une évaluation environnementale stratégique, ouvrant la voie à des dérogations spécifiques en matière d’évaluation environnementale qui ne peuvent être transposées sans cette base préalable.
Enfin, les dispositions issues de la loi « industrie verte » permettent déjà de satisfaire aux exigences de RED III. Elles introduisent une procédure accélérée, applicable à compter du 23 octobre 2024, qui prévoit l’instruction parallèle de la demande et de la consultation du public, quels que soient la nature du projet et son emplacement. La durée théorique totale est désormais de six à neuf mois pour les autorisations environnementales.
Dans ce contexte, le maintien de l’article 22 quater apparaît juridiquement discutable, techniquement redondant et administrativement inopportun.
La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 22 quater.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Article 22 quinquies : Encadrement de la durée d’instruction des autorisations environnementales pour les projets de rééquipement des installations d’énergies renouvelables
Amendements de suppression CD90 de M. Jean-Marie Fiévet et CD16 de M. Sébastien Humbert
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Je propose la suppression de l’article 22 quinquies pour les mêmes raisons que celles indiquées pour l’article précédent.
M. Sébastien Humbert (RN). Le présent amendement vise à supprimer l’article 22 quinquies. En plus d’être inutile au regard des capacités de production de notre appareil nucléaire national et souverain, la mise en place de parcs solaires et éoliens constitue une atteinte particulièrement grave aux continuités paysagères et au cadre de vie des habitants.
Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit quasi exclusivement de rééquipement, assorti le plus souvent d’une hausse des capacités de production par l’implantation d’un matériel souvent plus massif et d’un déploiement encore plus large d’outils de production d’énergie intermittente – je pense par exemple au repowering des éoliennes.
Argument supplémentaire, RTE – Réseau de transport d’électricité – a mis en garde contre la surabondance électrique qui congestionne le réseau français, contraignant cet opérateur à procéder à la déconnexion du réseau de treize parcs éoliens et photovoltaïques en mars dernier.
Il apparaît dès lors inutile d’encadrer les délais d’instruction des demandes d’autorisations environnementales de ces projets.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je m’inscris en faux avec ce qui vient d’être dit : RTE ne critique pas la surabondance électrique – au contraire, il est absolument clair que l’approvisionnement en électricité du pays se fait beaucoup mieux lorsqu’il y a plus de production ; nous l’avons constaté il y a deux ans. Vous essayez, pour des raisons dogmatiques, de faire dire à RTE quelque chose qu’il ne dit pas pour l’utiliser contre les énergies renouvelables ; cela n’en fait pas pour autant une vérité.
Si l’on veut que les délais soient rapides, il faut donner des moyens aux services instructeurs de l’État. Ce n’est donc pas compatible avec les réductions d’effectifs qui sont à l’ordre du jour depuis de trop nombreuses années, notamment dans les services des DDT – directions départementales des territoires – et des Dreal – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement –, qui instruisent ces demandes.
De plus, une question se pose concernant les zones d’accélération. Il y a trois ans, on nous a dit qu’il ne s’agissait pas de zones exclusives mais de « zones VIP » pour les énergies renouvelables, où les procédures seraient traitées plus rapidement. L’idée d’encadrer les délais d’instruction paraît donc assez cohérente avec l’argumentaire développé à l’époque. Pour notre part, nous avons considéré que la loi Aper était une loi de ralentissement du développement des énergies renouvelables plutôt qu’une loi d’accélération, mais puisque c’était l’argument que vous avanciez à l’époque, j’aimerais savoir pourquoi vous en arrivez aujourd’hui à la position contraire.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Mon avis défavorable tient essentiellement à des raisons techniques.
La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 22 quinquies.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vais mettre aux voix les dispositions dont la commission est saisie, modifiées par nos travaux. Le vote sur l’ensemble de la proposition de loi aura lieu en commission des affaires économiques.
J’appelle votre attention sur la portée de ce vote. En cas de vote favorable aux articles ainsi modifiés, les amendements de notre commission seront transmis à la commission des affaires économiques. La discussion en séance portera donc sur les articles avec les modifications ou suppressions que nous avons adoptées.
En cas de vote défavorable, nous serons dans la même situation que si nous n’avions pas achevé l’examen de nos articles. La discussion, sur les cinq articles qui nous ont été délégués au fond, s’engagerait alors, en commission des affaires économiques puis en séance, sur la base du texte du Sénat, et il appartiendrait aux auteurs des amendements concernés de les redéposer.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Réunion du mercredi 28 mai 2025 à 9 h 30
Présents. - M. Olivier Becht, M. Belkhir Belhaddad, M. Sylvain Berrios, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. Bérenger Cernon, Mme Cyrielle Chatelain, M. Mickaël Cosson, M. Peio Dufau, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Olga Givernet, Mme Clémence Guetté, M. Julien Guibert, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Sandrine Josso, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, M. Pascal Markowsky, M. Pierre Meurin, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Marie Pochon, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Aurélien Saintoul, M. Raphaël Schellenberger, M. Freddy Sertin, M. Bertrand Sorre, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Matthias Tavel, M. Vincent Thiébaut, M. Antoine Vermorel-Marques
Excusés. - M. Anthony Brosse, M. Jean-Victor Castor, M. Marc Chavent, M. Aurélien Dutremble, M. Stéphane Lenormand, M. Éric Michoux, M. Marcellin Nadeau, Mme Christelle Petex, M. Olivier Serva, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne-Cécile Violland, M. Frédéric-Pierre Vos
Assistait également à la réunion. - Mme Dominique Voynet