Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Suite de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs)              2

– Examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs)              29

– Présences en réunion.................................43

 

 

 

 

 


Vendredi
11 avril 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 69

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


  1 

La réunion commence à neuf heures.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs).

Article 15 (suite) : Renforcement de l’utilisation et de l’accessibilité des directives anticipées

Amendement AS161 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 15, qui autorise l’accès à l’espace numérique de santé non seulement à la personne de confiance mais aussi à « un parent ou un proche ». Autoriser un parent ou un proche du titulaire de l’espace numérique de santé à « effectuer des actions » pose un problème. Cette rédaction n’étant pas encadrée, elle ouvre la voie à des abus de confiance.

M. François Gernigon, rapporteur. Je crains que votre amendement n’ait exactement l’effet inverse. L’alinéa 15 n’ouvre pas les fenêtres à tous les vents mais offre une sécurisation juridique significative des dispositions en vigueur.

L’article 15 donne une autorisation immédiatement assortie de garanties, que votre amendement tend, de façon incompréhensible, à supprimer. Non seulement chaque connexion du délégataire sera suivie de façon distincte des connexions effectuées avec les identifiants du titulaire de l’espace numérique de santé, mais ses interventions seront limitées et traçables.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). D’après les juristes avec lesquels j’ai échangé, traçabilité ou non, la question centrale est l’abus de faiblesse. Ce risque est réel, même avec une personne de confiance.

M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 15 crée une ouverture à des tiers – « un parent ou un proche » – au sein d’un vivier très large, d’autant que la délégation d’accès à l’espace numérique de santé n’est pas explicitement limitée à une seule personne. Comment tout cela s’organise-t-il ? Dans les moments difficiles, désaccords et conflits ne sont pas rares, si proche du titulaire de l’espace numérique de santé ou apparenté à lui que l’on puisse être. Il est donc normal de s’interroger sur l’alinéa 15 de manière rigoureuse afin d’éviter les abus.

Mme Justine Gruet (DR). Les amendements AS229 et AS228 tomberont si l’amendement AS161 est adopté. Le premier a pour effet de supprimer les mots « un parent ou un proche » ; le second vise à exclure que l’action sur l’espace numérique de santé d’un proche ne modifie les intentions du titulaire. Qu’un autre que le rédacteur des directives anticipées puisse les modifier me semble grave. Est-il envisageable que la parole de la personne de confiance prime sur les directives anticipées ? Nous devons sécuriser le dispositif dans la loi. Les directives anticipées, si elles existent, priment, ce qui exclut leur modification par quiconque.

M. Philippe Juvin (DR). L’expression « effectuer des actions » est vague. Elle désigne aussi bien une modification de détail de l’état civil que l’énonciation de directives précises.

L’an dernier, le parquet de Paris a reçu un signalement d’abus de faiblesse par jour concernant des personnes âgées. Dans 44 % des cas, il était dû à un membre de la famille. L’alinéa ouvre la voie à une défiance des gens vis-à-vis des directives anticipées. Quant aux médecins, ils n’ont ni le temps ni l’habitude de vérifier si les directives anticipées ont été modifiées, ni quand et par qui elles l’auraient été.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je comprends l’intention qui sous-tend l’amendement mais je considère qu’il aura l’effet inverse de celui recherché. Il suffit, pour avoir accès à un espace numérique, de disposer d’un code d’accès. Il arrive à tout le monde, pour rendre service, de donner le sien à un proche pour effectuer une démarche et inversement.

L’alinéa 15 donne accès à une personne autre que le titulaire « par des moyens d’identification propres afin de garantir la traçabilité des actions menées au nom du titulaire ». Il exclut de surcroît la modification des documents enregistrés dans l’espace numérique de santé. Dès lors qu’un code d’accès suffit pour accéder à un espace numérique, cet alinéa est un gage de sécurité.

M. René Pilato (LFI-NFP). L’espace numérique de santé reste à expérimenter. Dans l’intervalle, il faut distinguer les codes d’accès du titulaire et du délégataire, et peut-être verrouiller l’accès aux directives anticipées. L’usage dira quels garde-fous adopter. Supprimer l’alinéa n’a pas de sens.

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Il n’est pas nécessaire de supprimer l’alinéa 15. Nous examinerons par la suite plusieurs amendements visant à modifier sa rédaction afin de préciser ce que peuvent faire les personnes autorisées à accéder à l’espace numérique de santé d’un proche.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS80 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à préciser que le titulaire de l’espace numérique de santé en est l’unique gestionnaire, dans la mesure où l’on y accède pour s’informer mais aussi pour effectuer des actions, notamment pour modifier des informations. Les directives anticipées seront-elles concernées ? Quid de la volonté de leur rédacteur, dont chacun sait qu’elle peut fluctuer ? Au sein d’une famille, on ne tient pas le même discours aux uns et aux autres, notamment selon leur âge.

Par ailleurs, nous n’avons pas encore discuté de la teneur des directives anticipées. Ne soyons pas hypocrites : la proposition de loi relative à la fin de vie, qui reste à examiner, pourrait prévoir – l’adoption d’un amendement y suffirait – que les directives anticipées incluent la mort provoquée, ce qui n’a rien d’anodin. La question de savoir qui est le gestionnaire de l’espace numérique de santé se pose.

M. le rapporteur. L’accès à un espace numérique est aisé. Il suffit d’obtenir le code d’accès du titulaire ou de cliquer sur « mot de passe oublié ». L’alinéa 15 proscrit la modification de documents au sein de l’espace numérique de santé par quiconque n’en est pas le titulaire.

M. Patrick Hetzel (DR). La question centrale est de savoir ce que recouvre l’expression « effectuer des actions ». L’ignorer m’a semblé suffisant pour justifier la suppression de l’alinéa 15, qui ne prohibe en rien les modifications au sein de l’espace numérique de santé.

Je soutiens l’amendement. Il faut faire en sorte, à titre préventif, que titulaire et gestionnaire ne fassent qu’un. Entre personnes de confiance, parents et proches, les conflits existent, si l’on ne vit pas dans le monde des Bisounours.

Il y a quelques années, plusieurs cas de désaccords sur la volonté d’un patient entre membres d’une même famille ont défrayé la chronique. Ces questions sont suffisamment sensibles pour que nous, législateurs, prenions toutes les précautions pour éviter toute dérive et faire en sorte que rien de contraire à la volonté du patient n’advienne.

M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur Bazin, nous nous sommes fixé comme principe de distinguer la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement et la proposition de loi relative à la fin de vie.

Confier le code d’accès à une seule personne exclut toute traçabilité des auteurs des actions, dans la mesure où on peut le transmettre. Avec un unique gestionnaire, la visibilité sur les dérives est nulle ; mieux vaut que chacun dispose de son propre code. Certes, il s’agit de personnes vulnérables, donc susceptibles d’être influencées, mais si le titulaire de l’espace numérique de santé et la personne de confiance ont chacun un code d’accès, il sera possible de savoir exactement qui a fait quoi en cas de litige. Ce que vous proposez est dangereux.

Mme Justine Gruet (DR). Il faudrait peut-être encadrer davantage le dossier médical partagé (DMP), créé par décret, afin de lui accoler les garde-fous nécessaires pour savoir qui y a accédé, quelles modifications ont été réalisées et quand elles l’ont été.

M. Thibault Bazin (DR). Je ne remets pas en cause la nécessité de distinguer les deux propositions de loi.

Les directives anticipées ne sont pas nécessairement enregistrées une fois rédigées et peuvent être modifiées à tout moment. L’objectif est que tout se passe bien mais tout n’est pas clair en matière de directives anticipées, qui peuvent exister, sur l’espace numérique ou non, en plusieurs versions distinctes.

M. Philippe Juvin (DR). Qualifier de gestionnaire de l’espace numérique une autre personne que son titulaire nous expose à des difficultés. Comment l’affaire Vincent Lambert aurait-elle tourné s’il avait rédigé des directives anticipées, sachant que son épouse et ses parents auraient donné des informations distinctes ?

Par ailleurs, si vous disposez des codes d’accès à un compte bancaire qui ne vous appartient pas, la loi vous interdit d’y effectuer des mouvements de fonds. Il me semble déraisonnable que les comptes bancaires soient mieux protégés que le DMP.

M. Laurent Panifous (LIOT). Cet exemple apporte de l’eau à notre moulin. Il est non seulement souhaitable, mais essentiel de conserver l’alinéa 15, quitte à en préciser certains points pour garantir l’intégrité des documents enregistrés dans l’espace numérique et sécuriser le dispositif.

Je souscris à la prudence de nos collègues du groupe Droite  Républicaine mais je n’en tire pas les mêmes conclusions. Il est indispensable que quiconque, quel que soit son degré de proximité avec le titulaire de l’espace numérique – personne de confiance, parent, proche –, dispose d’un code d’accès spécifique garantissant la traçabilité de ses actions. Avec un code d’accès unique, il est impossible d’établir avec certitude qui a fait quoi.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Avant de rédiger des directives anticipées, on y réfléchit longuement. L’exercice n’est pas aisé, et suppose parfois d’être accompagné. Le choix de la personne de confiance est encore plus sécurisé car il est mûrement réfléchi et ne se fait pas au hasard. En tout état de cause, la décision de la personne concernée prime tout au long du processus, la personne de confiance n’étant consultée que si nécessaire. La personne qui décide est celle qui a rédigé les directives anticipées et qui est consultée à chaque étape de la prise en charge.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il ne faut pas confondre la rédaction des directives anticipées et leur consultation. Seule la personne titulaire du DMP doit pouvoir les modifier sur l’espace numérique de santé. Leur consultation par les personnes de confiance ou le médecin traitant, en revanche, peut s’avérer utile, par exemple en cas de perte de conscience. Il faut sans doute modifier la rédaction de l’alinéa 15 ; il ne faut pas adopter l’amendement, qui tend à restreindre la capacité de consultation des directives anticipées.

Mme Annie Vidal (EPR). Les patients pris en charge dans une unité de soins palliatifs font l’objet d’un plan personnalisé de santé. Ils ont été incités à rédiger des directives anticipées et à désigner une personne de confiance. On peut donc raisonnablement penser que ces deux opérations ont été faites conjointement et que la personne de confiance est clairement informée des décisions du patient. Je considère qu’elle ne doit pas être autorisée à modifier les directives anticipées.

Ce qui importe, c’est sa connaissance de la personne qui l’a désignée comme telle et son lien avec elle. Par le biais de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie, nous avons redéfini les rôles et missions de la personne de confiance au sein du code de la santé publique et du code de l’action sociale et sanitaire.

Les choses me semblent relativement claires. Brandir des situations extrêmes, c’est les compliquer. Il faut s’en tenir au cas général si nous voulons rédiger des lois qui tiennent debout. On trouvera toujours des cas limites. Pour rédiger des dispositions applicables, il faut s’en tenir à une logique stricte.

M. Thibault Bazin (DR). Si j’ai bien compris les propos de nos collègues, l’alinéa 15, tel qu’il est rédigé, ne correspond pas à la volonté de la commission, qui souhaite distinguer la consultation des informations des actions au sein de l’espace numérique de santé. Or un gestionnaire ne se contente pas de consulter : il peut agir, donc modifier les directives anticipées.

Nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer qu’il est possible de rédiger des directives anticipées auprès d’un établissement de santé ou d’un professionnel de santé sans les avoir déposées sur l’espace numérique de santé. Il est aussi possible d’en rédiger d’autres, accompagné par un proche, qui peuvent être antérieures. Faut-il autoriser cette personne à les déposer sur l’espace numérique de santé, en se fondant sur la primauté de la dernière volonté, sans savoir qu’il en existe d’autres ?

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’alinéa 15 dispose que le titulaire de l’espace numérique de santé peut autoriser une autre personne à y effectuer des actions pour son compte « à l’exception de celles qui auraient pour effet de porter atteinte à l’intégrité d’un document enregistré dans l’espace numérique de santé ». Il est donc impossible de modifier les directives anticipées à la place de leur auteur.

M. Yannick Monnet (GDR). On ne peut pas aborder la question de l’abus de faiblesse en omettant que la personne de confiance est librement choisie. Par ailleurs, l’accès à l’espace numérique de santé doit être envisagé sur le plan intellectuel, exclusivement réservé à son titulaire, et sur le plan matériel, qui peut être ouvert à la personne de confiance.

M. le rapporteur. Sans l’alinéa 15, la situation actuelle, dans laquelle il suffit de cliquer sur « mot de passe oublié » pour accéder à un espace numérique et y ajouter ou y modifier des documents, demeurera inchangée.

La deuxième phrase de l’alinéa offre un cadre sécurisant : « Il peut autoriser la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, un parent ou un proche à accéder à son espace numérique de santé et à y effectuer des actions pour son compte, à l’exception de celles qui auraient pour effet de porter atteinte à l’intégrité d’un document enregistré dans l’espace numérique de santé. » Les amendements identiques AS388 et AS438 permettront de préciser le caractère prioritaire de l’accès donné à la personne de confiance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS287 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La rédaction de l’alinéa 15 n’est pas claire. Dans le cercle familial, il n’est pas rare de donner ses codes d’accès. L’intervention de la personne de confiance par voie numérique est préférable à celle sur papier, qui prévalait autrefois, car elle permet d’en assurer la traçabilité – auparavant, il pouvait arriver qu’une personne de confiance disparaisse sans crier gare. Toutefois, il faut protéger cette traçabilité pour éviter toute modification des directives anticipées.

M. le rapporteur. En guise de réécriture, vous ne conservez que la première phrase de l’alinéa. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction actuelle donne l’accès à plusieurs personnes – personne de confiance, parents ou proches – mais prévoit que l’intégrité d’un document déposé dans l’espace numérique ne peut être altérée. Toutefois, l’une de ces personnes peut en déposer un nouveau, qui pourrait être considéré comme faisant foi de la volonté du patient alors que rien n’assure que c’est le cas. Il existe donc un risque, par exemple en cas de conflits familiaux. Je continuerai donc à batailler pour garantir que les dernières volontés du patient soient respectées.

M. Yannick Monnet (GDR). Je ne veux pas vous attribuer de mauvaises intentions mais étant donné qu’il n’est pas toujours possible de recueillir la volonté du patient dans ses derniers instants, vous risquez de neutraliser le dispositif en empêchant la personne de confiance d’intervenir au nom du patient alors que, dans la plupart de cas, celle-ci restera fidèle aux volontés exprimées.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS265 est à même de rassurer nos collègues puisqu’il prévoit d’interdire toute création, modification ou suppression par un tiers dans l’espace numérique de santé du patient.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je vous invite à relire attentivement l’alinéa 15 : vous pourrez constater que nous avons pris le maximum de précautions lors de nos travaux précédents en commission et en séance. Si vous pensez qu’elles ne sont pas suffisantes, poursuivons la discussion afin de lever toutes vos inquiétudes.

M. Philippe Juvin (DR). Nous ne voulons pas tout empêcher mais je peux citer de nombreux exemples de trahison par la personne de confiance, notamment celui de la femme d’un chanteur très célèbre ou encore de la personne de confiance d’une dame de 85 ans qui avait vendu l’appartement de cette dernière.

Il n’est pas possible d’aller chez le notaire pour modifier le testament d’une autre personne, ni d’y ajouter une pièce. Nous craignons que la possibilité d’ajouter une pièce aux volontés exprimées par le patient ne modifie ces dernières.

Mme Annie Vidal (EPR). En restreignant l’accès à la rubrique « Entourage et volontés » dans l’espace numérique de santé au seul patient, nous bordons les choses car, ainsi, la personne de confiance ne peut modifier les directives anticipées.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS229 et AS228 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS229 propose de supprimer, d’une part, l’accès d’un parent ou d’un proche, ce qui peut représenter beaucoup de personnes, à l’espace numérique de santé pour le réserver à la seule personne de confiance et, d’autre part, la possibilité d’y apporter des modifications. L’amendement AS228 propose de supprimer uniquement la possibilité d’apporter des modifications.

M. le rapporteur. Nous allons examiner les amendements AS388, AS438 et AS265, qui précisent les conditions d’accès. Avis défavorable.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nous devons prendre en compte les cas où aucune personne de confiance n’a été désignée. Il ne faut pas supprimer l’accès par un proche ou un parent. Les amendements évoqués par le rapporteur répondent à la crainte de la multiplication des accès puisqu’ils prévoient de les hiérarchiser en donnant la priorité à la personne de confiance.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous devons aboutir à une rédaction verrouillant l’accès à une seule personne. Or la rédaction actuelle permet une pluralité d’accès, mais je pense que nous pourrons régler cette question en séance.

L’autre question, celle de la modification des intentions du patient, est réglée par l’amendement AS228.

M. Philippe Juvin (DR). Je comprends que l’amendement AS229 ne vous convienne pas, mais je ne comprends pas en quoi l’amendement AS228 vous gêne, à moins que vous ne souhaitiez ouvrir la possibilité à une personne tierce de modifier les intentions du patient.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur Juvin, les exemples que vous avez cités précédemment sont liés à l’abus de faiblesse et à la tutelle, qui ne peut être modifiée que par une décision de justice.

Il me semble indispensable d’autoriser la modification par un tiers avec l’accord du patient dans les cas où celui-ci ne pourrait le faire lui-même.

Mme Justine Gruet (DR). Nous devons nous assurer que la personne de confiance, le parent ou le proche respecte l’intention du patient, par exemple si celui-ci ne souhaite pas être réanimé. Mon amendement propose d’autoriser la modification, mais dans le respect de cette intention alors que la rédaction actuelle, en interdisant de « porter atteinte à l’intégrité d’un document », empêche toute modification.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il faut éviter de mélanger les directives anticipées, qui sont écrites et donc réelles, et l’intention, dont je ne sais pas de quoi elle relève. Votre amendement est presque moraliste. La personne de confiance est choisie pour pouvoir donner des directives à la place du patient si celui-ci est dans l’incapacité de les préciser.

Vous pouvez citer des exemples extraordinaires, mais vous ne pouvez en faire une généralité.

M. le rapporteur. La rédaction de l’amendement laisse entendre qu’il s’agit des intentions de l’espace numérique et non de celles du patient.

Mme Justine Gruet (DR). La personne de confiance n’est pas médecin et n’a donc pas vocation à changer le contenu d’un dossier médical.

Si les gens ont tous de bonnes intentions, alors la loi ne sert à rien. Notre rôle de législateur est de mettre des garde-fous pour éviter les abus de faiblesse. Nous n’avons pas à nous mettre à la place du patient et de sa famille.

Mme Annie Vidal (EPR). La définition de la personne de confiance dans la loi « bien‑vieillir », harmonisée dans le code de la santé publique et dans celui de l’action sociale et des familles, est claire. Son rôle est de s’exprimer au nom du patient quand celui-ci ne peut plus le faire. Son témoignage prévaut alors sur tout autre témoignage.

Les fonctionnalités de l’espace numérique de santé sont elles aussi très claires : elles permettent de désigner une personne à prévenir en cas de problème et une personne de confiance, mais aussi de remplir un questionnaire détaillé sur le maintien artificiel en vie, la réanimation, la sédation, l’arrêt de certains traitements et, peut-être bientôt, l’aide à mourir.

Prenons donc garde, en voulant réécrire et préciser, à ne pas fragiliser ce qui me semble déjà suffisamment solide.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS388 de M. Paul-André Colombani et AS438 de M. Hadrien Clouet

M. Laurent Panifous (LIOT). Nous proposons par l’amendement AS388 de limiter l’accès à l’espace numérique à une personne et de hiérarchiser en donnant la priorité à la personne de confiance « ou, à défaut, » à un proche ou membre de la famille, lui aussi désigné par le patient.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je souhaite simplement ajouter aux propos de M. Panifous que son amendement et l’amendement AS438 que je défends doivent être couplés avec l’amendement AS265.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme Justine Gruet (DR). Si un parent ou un proche peut accéder à l’espace numérique, quel est l’intérêt de la personne de confiance ?

Madame Vidal, vous avez mentionné l’aide à mourir dans le questionnaire sur les volontés. Je vous rappelle que nous ne discutons pas de la proposition de loi sur la fin de vie. J’espère que la volonté sur l’aide à mourir ne sera pas inscrite dans le DMP, car celle-ci doit être l’expression de la volonté libre et éclairée jusqu’au bout. Je vous vois venir : on modifie dans ce texte des choses sur les directives anticipées pour pouvoir ouvrir la possibilité, dans le second texte, de modifier les intentions concernant l’aide active à mourir.

M. le président Frédéric Valletoux. Personne n’anticipe rien. Simplement, nous avons tous à l’esprit que nous allons avoir certaines discussions lors de l’examen du second texte, sans préjuger du sort de ses dispositions.

M. René Pilato (LFI-NFP). Dans le cas où la personne de confiance est absente ou empêchée, il faut pouvoir aller jusqu’au bout du processus et rendre l’espace numérique accessible à une autre personne en établissant une hiérarchie d’accès.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les directives anticipées restent la référence permanente. La personne de confiance se contente de les exposer, elle ne les interprète pas. En son absence, cette responsabilité revient à un proche ou un membre de la famille. C’est l’un ou l’autre, il n’y a pas de réunion à dix.

M. Patrick Hetzel (DR). Je suis d’accord avec M. Pilato : il faut trouver les moyens d’ouvrir le jeu tout en garantissant que l’intention du patient prime. Instaurer une hiérarchie dans l’accès à l’espace numérique va dans la bonne direction, mais nous souhaitons que l’accès par une autre personne que la personne de confiance ne soit possible que si cette dernière est empêchée.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS220 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement propose de supprimer la mention d’un parent ou d’un proche pouvant accéder à l’espace numérique. Je pense donc qu’il tombe du fait de l’adoption des amendements identiques.

Pour parvenir à un consensus, peut-être pourrions-nous préciser que la personne de confiance peut modifier, mais qu’un parent ou un proche ne peut qu’accéder. L’affaire Lambert nous rappelle que, lorsque plusieurs personnes sont impliquées dans la décision, la situation se complique.

M. le rapporteur. Votre amendement est en effet devenu sans objet. Je vous propose donc de le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement AS265 de Mme Fanny Dombre Coste

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). L’expression « porter atteinte à l’intégrité d’un document enregistré » n’est pas suffisamment précise. Nous proposons donc d’indiquer clairement ce que la personne autorisée peut faire et ne pas faire : elle ne peut ni créer, ni modifier, ni supprimer.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet amendement est excellent.

M. Philippe Juvin (DR). Il permet d’éloigner nos craintes, notamment celles relatives à l’ajout d’un document puisque nous comprenons que l’interdiction de « créer [...] un document enregistré » couvre ce cas.

Mme Annie Vidal (EPR). La rubrique « Entourage et volontés » doit voir son accès bloqué, notamment pour l’ajout de document, mais il doit rester possible d’ajouter des documents médicaux, concernant par exemple des résultats d’examen ou des ordonnances.

M. le rapporteur. La rédaction proposée n’interdit pas d’ajouter un document.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est très bien, mais il faut veiller à sa bonne intégration dans l’alinéa.

M. le président Frédéric Valletoux. L’intention de l’amendement est saluée par de nombreux groupes ; peut-être faudra-t-il lui apporter de légères modifications.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’invite M. Hetzel à se reporter à l’amendement AS441, qui répond à la question de la sécurisation de la hiérarchie des accès.

Mme Justine Gruet (DR). J’ai eu le sentiment dans les discussions précédentes que vous souhaitiez que la personne de confiance puisse modifier si jamais les directives anticipées avaient changé. Peut-être n’avais-je pas compris vos arguments, mais me voilà rassurée, même si je suis un peu surprise parce que cela semble aller à l’inverse de ce que vous disiez tout à l’heure.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je précise qu’il s’agit de pouvoir modifier quand la personne est psychiquement lucide et donc en capacité de prendre une décision, mais en incapacité physique de pouvoir l’appliquer.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS531 de M. François Gernigon.

L’amendement AS162 de M. Patrick Hetzel est retiré.

Amendement AS24 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à mieux encadrer l’accès à l’espace numérique de santé ainsi que son utilisation lorsque le titulaire bénéficie d’une mesure de protection avec représentation. Il précise le cas des personnes représentées, définies à l’article 459 du code civil, qui, en vertu du jugement de mise sous protection, ne sont pas capables de prendre seules des décisions sur leur santé. Enfin, il indique que le consentement et l’avis du majeur protégé doivent, dans la mesure du possible, toujours être recherchés en priorité.

M. le rapporteur. Cet amendement présente un caractère superfétatoire car il reprend des dispositions en vigueur relatives à l’espace numérique de santé d’un majeur protégé. De plus, le droit commun applicable, prévu aux alinéas précédents, couvrira ce cas de figure. Enfin, il précise inutilement que les interventions du tiers devront se faire dans l’intérêt de la personne faisant l’objet d’une protection avec représentation, alors que c’est uniquement dans cet intérêt que le tuteur ou le conseil de famille agissent en toute matière, sous le contrôle du juge.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS338 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). La personne chargée de la mesure de protection ne doit pas avoir accès à tous les documents sans autorisation du titulaire. Un tuteur n’est pas une personne de confiance mais une personne désignée par un juge.

M. le rapporteur. Avis défavorable car il ne s’agit ici que de la consultation de documents.

M. Yannick Monnet (GDR). Précisément. Ne négligeons aucun acte, sous prétexte que la personne fait l’objet d’une mesure de protection ; il y va de son respect. On n’admettrait pas que quiconque puisse consulter les documents d’une personne lambda. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de l’amendement AS337, adopté hier soir.

M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes favorables à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS499 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Il s’agit de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 17, pour assurer la continuité des soins dans le respect des intérêts de la personne protégée, en tenant compte, lorsque cela est possible, des volontés exprimées antérieurement.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas tort sur le fait que la seconde phrase n’est pas entièrement logique. Néanmoins, sa suppression produirait l’effet inverse à celui recherché. En revanche, je suis favorable à votre amendement AS497. Je vous invite donc à retirer le présent amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements AS81 de M. Thibault Bazin et AS497 de Mme Christine Loir (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). La dernière phrase de l’alinéa pose un problème : soit la personne placée sous tutelle ou curatelle est apte à exprimer sa volonté et peut donner son avis, soit elle ne l’est pas et, dans ce cas, elle n’est donc pas capable de donner un avis. Cet amendement vise à mieux protéger les droits de la personne protégée qui ne peut exprimer sa volonté, en soumettant la gestion de son espace numérique de santé par la personne chargée de la mesure de protection à l’accord écrit du juge des tutelles.

Mme Christine Loir (RN). Si le titulaire n’est pas apte à exprimer sa volonté, comment pourrait-il, par définition, donner son avis ? Je propose une rédaction différente pour sécuriser le dispositif juridique.

M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement AS81, cette mesure serait inopérante car il n’y a pas assez de juges chargés des mesures de protection. Avis défavorable.

En revanche, je donne un avis favorable à l’amendement AS497.

M. Philippe Juvin (DR). Ces amendements s’inscrivent dans la droite ligne de l’amendement AS338. Il est donc logique de les adopter.

M. le rapporteur. Ne pouvant être favorable aux deux amendements en discussion commune, j’émets un avis favorable à l’amendement AS497.

La commission rejette l’amendement AS81 puis adopte l’amendement AS497.

Amendements AS163 et AS164 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Ces amendements visent à prévoir l’exclusion du dépôt d’une demande d’aide à mourir dans l’espace numérique de santé par la personne chargée de la mesure de protection.

M. le rapporteur. Ne créons pas de polémiques inutiles, n’essayons pas de faire croire des choses absolument fausses à ceux qui nous écoutent. L’aide à mourir ne peut être demandée dans d’autres conditions que celles prévues aux premiers articles de la proposition de loi relative à la fin de vie, auprès d’un médecin.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Il ne s’agit pas d’une polémique inutile. Ce sujet est présent de manière sous-jacente. Nous souhaitons expressément exclure l’aide à mourir, sans quoi cela pourrait modifier notre point de vue sur ce texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS293 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Le professionnel doit être informé de la délégation accordée par son patient pour l’éclairer sur les conséquences de cet accès et la nature des informations qui pourront être versées dans l’espace numérique de santé. Je propose donc d’insérer l’alinéa suivant : « Dans ces hypothèses, le professionnel dispose d’une information claire de toute délégation accordée par la personne pour accéder à son espace numérique en santé. »

D’ici à la séance, pourrait-on savoir quels documents – qui peuvent être importants, comme les directives anticipées – rédigés avec un professionnel seraient intégrés dans l’espace numérique de santé ?

M. le rapporteur. À titre personnel, je suis favorable à votre amendement mais je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS165 et AS166 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). En raison de l’adoption de l’amendement AS293, je retire ces amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendements AS439 de Mme Karen Erodi et AS240 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Mon amendement vise à ajouter à la liste des objectifs des rendez-vous de prévention l’information sur la possibilité, à tout moment, de réviser les directives anticipées et de désigner une autre personne de confiance. Il vise également à rectifier une erreur rédactionnelle.

M. Patrick Hetzel (DR). Malgré une rédaction un tantinet différente, mon amendement va dans le même sens. Il vise à indiquer clairement que les directives anticipées peuvent être révisées à tout moment.

M. le rapporteur. L’amendement AS240 est, en effet, un tantinet différent de l’amendement AS439, auquel je donne un avis favorable.

L’amendement AS240 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS439.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

La réunion est suspendue de dix heures dix à dix heures quinze.

Article 15 bis (nouveau) : Préséance dans les membres de la famille dont le témoignage peut être recueilli en l’absence de directives anticipées et de personne de confiance

Amendements AS389 de M. Charles de Courson et AS441 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement AS389 vise à établir une hiérarchie entre les proches du patient dont le médecin doit recueillir le témoignage, en l’absence de directives anticipées. L’absence de hiérarchie crée des difficultés. Néanmoins, l’amendement, tel qu’il est rédigé, écarte la personne de confiance. Je le retire donc au profit de l’amendement AS441.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement AS441 vise à prévoir, en l’absence de directives anticipées, le recueil du témoignage de la personne de confiance et des proches, entre lesquels il établit une hiérarchie en fonction du caractère récent de la communauté de vie. Cette hiérarchisation permettrait de rassurer les collègues de droite et de sécuriser le texte.

M. le rapporteur. M. Panifous a anticipé ma demande. Je suis très favorable à l’amendement AS441.

M. Patrick Hetzel (DR). En effet, cet amendement répond à la demande tenant à la hiérarchisation des proches que nous avons exprimée.

L’amendement AS389 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS441. L’article 15 bis est ainsi rédigé.

Après l’article 15

Amendement AS180 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’article L. 1111-11, dans sa rédaction issue de la loi Claeys-Leonetti de 2016, prévoit la conservation des directives anticipées dans un registre national. Certes, l’article 15 prévoit que ces données seront conservées dans le DMP du patient. Si les citoyens qui utilisent le DMP sont de plus en plus nombreux, cette pratique ne s’est pas pour autant généralisée. En vue de protéger les droits du patient, il est donc nécessaire de disposer d’un rapport évaluant l’application de cet article.

M. le rapporteur. Selon les rapporteurs du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, l’article 4 du projet de loi « [tirait] la conséquence de l’absence de registre national des directives anticipées ». C’est pourquoi l’article 15 prévoit que ces directives seront conservées dans le DMP.

Demande de retrait.

M. Patrick Hetzel (DR). Je le maintiens car la question de l’application de cette disposition continue de se poser.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 : Procédure collégiale de suspension ou d’absence d’entreprise des traitements et des soins soit résultant d’une obstination déraisonnable, soit apparaissant inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie

Amendement AS205 de Mme Hanane Mansouri

Mme Hanane Mansouri (UDR). C’est un amendement rédactionnel. La liste des professionnels participant à la procédure collégiale est trop rigide. Des acteurs indispensables en matière de soins palliatifs pourraient ainsi en être écartés.

Je suis favorable à l’amendement AS25 de Mme Bonnet, qui inclut les proches et la famille dans cette liste.

M. le rapporteur. Votre amendement propose une suppression sèche de l’alinéa 3. Or cette rédaction résulte d’un consensus trouvé lors de l’examen du projet de loi en 2024.

Avis défavorable.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Je présenterai ensuite deux amendements de repli. L’objectif est d’assouplir la liste afin d’éviter que certains acteurs soient exclus de ce processus.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous préférons l’amendement AS473 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, tendant à prévoir la participation éventuelle du médecin traitant, qui accompagne le patient d’un bout à l’autre du parcours de soins.

L’amendement est retiré.

Amendement AS25 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à assouplir la procédure collégiale prévue à l’article 16, notamment en élargissant la composition des participants. Il a également pour objet de mieux encadrer la situation des personnes en situation de handicap qui n’ont pu rédiger des directives anticipées ou désigner une personne de confiance.

M. le rapporteur. Bien que vos intentions soient bonnes, j’émets un avis défavorable sur votre amendement. Il serait utile que vous déposiez en séance des amendements distincts reprenant chacun des nombreux points que vous abordez.

M. le président Frédéric Valletoux. Je viens de déposer un amendement AS632, identique à l’amendement AS473 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS539 de M. François Gernigon.

Amendement AS206 de Mme Hanane Mansouri

Mme Hanane Mansouri (UDR). Cet amendement de repli vise à assouplir la rédaction rigide de l’article 16 qui ne permettrait pas de répondre à tous les cas spécifiques. L’amendement AS207, qui vise à supprimer le mot « notamment », pourrait faire consensus.

M. le rapporteur. Votre amendement, qui tend précisément à rigidifier l’article 16, est en contradiction avec ce que vous souhaitez.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS631 de M. François Gernigon.

Amendement AS207 de Mme Hanane Mansouri

Mme Hanane Mansouri (UDR). Cet amendement rédactionnel vise à assouplir le dispositif en supprimant le mot « notamment ».

M. le rapporteur. Votre amendement bloquerait la concertation. La prise de parole, qui ne serait pas non plus systématique, d’une personne ne faisant pas partie de la liste établie à l’article 16 pourrait avoir un grand intérêt dans certains cas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS214 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). Cet amendement vise à prévoir la participation de l’infirmier qui accompagne une personne à la concertation prévue à l’article 16.

M. le rapporteur. Les infirmiers n’en sont pas exclus. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte ensuite l’amendement AS632 de M. Frédéric Valletoux.

Puis la commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS583 et AS584 de M. François Gernigon.

Amendement AS484 de Mme Danielle Simonnet

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. La participation de personnes tierces à l’équipe soignante ne relève pas de l’alinéa 3. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS82 de M. Thibault Bazin

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Le partenaire de fait est-il considéré comme un membre de la famille ?

M. Patrick Hetzel (DR). D’après le code civil, seules les personnes mariées ou liées par un pacte civil de solidarité sont considérées comme des membres de la famille.

M. le rapporteur. Je reste favorable à l’amendement mais il conviendra d’éclaircir ce point en séance.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS170 de M. Patrick Hetzel, AS532 de M. François Gernigon et AS474 de Mme Agnès Firmin Le Bodo tombent.

Amendements AS340 de Mme Karine Lebon et AS93 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS340 est défendu.

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à assouplir la procédure collégiale prévue à l’article 16, notamment en élargissant la composition des participants.

M. le rapporteur. Vos intentions sont louables mais ces amendements n’ajoutent rien au dispositif : ils sont satisfaits par l’article 16.

Demande de retrait.

L’amendement AS93 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS340.

Amendement AS292 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). La loi posant le principe d’une concertation collégiale, il ne me semble pas opportun de renvoyer la composition au pouvoir réglementaire.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS533 de M. François Gernigon.

Amendement AS171 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 16 car ils contredisent l’alinéa 4, qui dispose que la famille participe à la procédure seulement si elle le souhaite.

M. le rapporteur. L’alinéa 4 parle d’une participation de l’entourage à la procédure, quand l’alinéa 6 évoque la lecture par la famille de la décision prise à son issue. On peut ne pas approuver une décision prise par une instance à laquelle on n’a pas pris part : il me semble d’ailleurs que cela arrive plusieurs dizaines de milliers de fois par an à l’Assemblée nationale.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS540, AS585 et AS586 de M. François Gernigon.

Elle adopte ensuite l’article 16 modifié.

Article 17 : Recherche alternative du consentement éclairé du patient ne pouvant s’exprimer

Amendement de suppression AS208 de Mme Hanane Mansouri

M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’adoption de cet amendement de suppression de l’article.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Si on supprimait l’article, on ne rechercherait pas prioritairement à obtenir l’expression du consentement éclairé de la personne lorsque celle-ci se trouve dans l’impossibilité partielle ou totale de s’exprimer. Ce serait grave.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS541 de M. François Gernigon.

Amendement AS210 de Mme Hanane Mansouri

M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission, sachant que j’incline à soutenir l’amendement.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement vise à ajouter dans le texte l’expression « saine d’esprit », dont j’aimerais connaître la définition. Cette notion n’est présente dans aucun code ni aucune loi. Par ailleurs, les femmes ont longtemps été considérées comme hystériques et non saines d’esprit, elles ont été enfermées dans des hôpitaux psychiatriques après avoir subi des violences, donc il faut absolument rejeter l’amendement.

M. René Pilato (LFI-NFP). L’humanité et les individus qui détruisent l’écosystème sont-ils sains d’esprit ? Cette notion est tellement sujette à interprétation et à représentation pour chacune et chacun d’entre nous qu’il me paraît hallucinant de l’introduire dans la loi.

M. le rapporteur. L’expression est présente dans tous les codes.

Mme Justine Gruet (DR). La notion figure en effet dans le code civil. L’insanité d’esprit comprend toutes les affections psychiques par l’effet desquelles l’intelligence d’une personne aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée. À l’inverse, être sain d’esprit libère de la pression sociétale et familiale. Néanmoins, cette expression surprend.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Le terme se trouve dans le code civil. L’objectif de l’amendement est d’apporter une dimension psychologique destinée à s’assurer que l’expression de l’avis de la personne n’est pas altérée par un moment de douleur ou de fatigue. Je suis prête à discuter de l’expression, mais il faudra alors m’expliquer ce qu’est une « communication alternative et améliorée » car cette notion obscure ne figure nulle part.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La rédaction de l’amendement permettrait d’exclure de la procédure de l’article 17 une personne souffrant d’une addiction, aux jeux par exemple. Pourtant, ce problème n’est pas de nature à altérer le discernement dans le contexte de l’article. Je suis donc opposée à l’amendement.

La communication alternative concerne des personnes n’étant plus capables de communiquer de manière intelligible avec leur entourage – pensons à une personne ayant fait un accident vasculaire cérébral ou à une autre qui ne parle plus mais qui peut signer et qui aurait besoin d’un interprète.

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’amendement était adopté, les communications alternatives ne bénéficieraient qu’aux personnes saines d’esprit. Que faisons-nous alors des personnes souffrant de troubles cognitifs ? Nous les écartons ? Je suis farouchement opposé à cet amendement d’exclusion.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS587 et AS588 de M. François Gernigon.

Amendements identiques AS589 de M. François Gernigon et AS248 de Mme Hanane Mansouri

M. le rapporteur. L’amendement est rédactionnel.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement vise à enlever le terme « prioritairement » pour la recherche, par une communication alternative et améliorée, de l’expression du consentement de la personne : il ne s’agit pas d’un amendement rédactionnel, cet adverbe est important.

M. le rapporteur. Sur quoi cette recherche aurait-elle la priorité ? Le dispositif se place sur le terrain d’une recherche alternative du consentement quand une autre voie plus classique a déjà été essayée.

M. Yannick Monnet (GDR). C’est vrai.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS249 de Mme Hanane Mansouri

Mme Hanane Mansouri (UDR). L’amendement vise à s’assurer que la volonté du patient est véritablement prise en compte. Je n’ai toujours pas compris ce qu’était une communication alternative et améliorée. L’adoption de l’amendement garantirait que personne ne puisse faire prévaloir son avis sur celui du patient.

M. le rapporteur. Je comprends votre intention, mais l’amendement ne la traduit ni en droit ni en fait. Si la communication alternative échoue à recueillir de façon univoque le consentement de la personne malade, il n’est pas tenu compte de cette tentative.

L’avis est défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Certaines personnes handicapées bougent des lettres sur un clavier par la pensée, par des gestes ou avec la bouche : voilà un exemple de communication alternative.

M. le rapporteur. Vous trouverez une définition de cette notion à la page 72 du projet de rapport qui a été communiqué aux commissaires.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

Après l’article 17

Amendement AS167 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’objectif de l’amendement est de faire le lien entre le texte et la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, laquelle a créé les espaces de réflexion éthique régionaux (Erer), qui assurent une coordination entre les centres hospitaliers universitaires et les lieux de formation, de documentation, de rencontres et d’échanges interdisciplinaires sur les questions d’éthique dans le domaine de la santé.

Il serait opportun que le code de la santé publique prévoie la contribution des Erer à la limitation des traitements pour les patients atteints d’une infection grave et incurable, incapables d’exprimer leur volonté et pour lesquels le pronostic vital est susceptible d’être engagé. L’adoption de l’amendement permettrait de prendre en compte certaines bonnes pratiques tout en veillant à conforter la dimension éthique, essentielle pour le respect de l’intérêt du patient.

M. le rapporteur. Les Erer sont des lieux de documentation et d’organisation de débats. Ils ne sont ni des sociétés savantes, ni la Haute Autorité de santé (HAS).

Je vous demande de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 18 : Campagne de sensibilisation et de prévention relative au deuil

Amendement de suppression AS172 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’article 18 a trait à l’accompagnement des personnes endeuillées : sa présence dans cette proposition de loi est paradoxale alors que nous allons bientôt commencer l’examen d’un texte sur l’euthanasie et le suicide assisté.

M. le rapporteur. Je souhaite maintenir l’article 18. Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Les soins palliatifs visent à aider le patient jusqu’à la fin de sa vie. Il faut accompagner l’équipe de soins et les proches du défunt dans le deuil. Cet aspect n’a rien à voir avec la seconde proposition de loi.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). On peut parler de suicide assisté ou de tout autre chose, mais il y a d’un côté les morts et de l’autre les vivants. L’accompagnement de ces derniers dans le deuil est très important. Nous n’avons cessé de parler de sensibilisation lors de nos débats ; il serait donc inopportun d’abandonner la campagne de sensibilisation relative au deuil.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS537 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à élargir la campagne aux soins palliatifs et à l’accompagnement des aidants.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous nous opposerons à l’amendement car son adoption ferait tomber les autres amendements à l’article ; or la rédaction du suivant, AS442, est plus complète.

La commission adopte l’amendement. L’article 18 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS442 de Mme Élise Leboucher, AS365 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS173 de M. Patrick Hetzel, AS475 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS27 de Mme Sylvie Bonnet, AS289 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS451 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS83 de M. Thibault Bazin et AS443 de Mme Karen Erodi, le sousamendement AS592 de M. François Gernigon ainsi que les amendements AS12 de M. Alexandre Portier et AS218 de M. Éric Liégeon tombent.

Article 19 : Traçabilité de la sédation profonde et continue

Amendement de suppression AS174 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Je souhaite supprimer l’article 19 car son dispositif laisse à penser qu’un continuum de soins existerait entre la sédation profonde et continue jusqu’au décès et l’aide à mourir. Je rejette cette idée car il y a un paradoxe à exiger explicitement un enregistrement des sédations profondes et continues jusqu’au décès et à ne pas prescrire d’obligation symétrique dans la proposition de loi relative à la fin de vie.

M. le rapporteur. Il y a deux parties dans l’article 19 : le codage et le contrôle. Sur le codage, il a fallu attendre le 1er mars dernier pour que le programme de médicalisation des systèmes d’information, donc, pour simplifier, le principal versant hospitalier du système national des données de santé, fasse une distinction entre les sédations palliatives et les sédations profondes et continues jusqu’au décès. S’agissant du contrôle, je suis en revanche d’accord pour dire qu’il ne faut pas mélanger les choses.

Demande de retrait au profit de mon amendement AS538.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS534 de M. François Gernigon.

Amendement AS538 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. L’amendement vise à clarifier le contrôle.

M. Patrick Hetzel (DR). Je soutiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS175 de M. Patrick Hetzel, AS444 de Mme Élise Leboucher, AS176 de M. Patrick Hetzel, AS6 de M. Alexandre Portier, AS535 de M. François Gernigon et AS177 de M. Patrick Hetzel tombent.

La commission adopte l’article 19 modifié.

Article 20 : Vérification par l’équipe pluridisciplinaire chargée du patient des conditions de la sédation profonde et continue

Amendement de suppression AS536 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Il convient de supprimer l’article 20 car son dispositif vient d’être intégré dans l’article 19.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 20 est supprimé et les amendements AS86 de M. Thibault Bazin, AS445 de Mme Karen Erodi, AS506 de Mme Christine Loir et AS485 de Mme Danielle Simonnet tombent.

Article 20 bis (nouveau) : Définition par voie réglementaire des conditions dans lesquelles la nutrition et l’hydratation artificielles sont des traitements pouvant être arrêtés lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable et réaffirmation de l’application aux mineurs des dispositions relatives à l’obstination déraisonnable

Amendements identiques AS250 de M. Arnaud Simion et AS297 de M. Thibault Bazin

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). L’amendement AS250 vise à préciser par décret les conditions d’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielles qui, pour de nombreuses personnes en situation de handicap complexe, sont courantes et constituent un acte de la vie quotidienne et un soin qui améliore la qualité de vie. Nous proposons de traduire dans un décret la jurisprudence du Conseil d’État, qui précise les conditions d’arrêt de l’hydratation et de la nutrition artificielles.

M. le rapporteur. La jurisprudence à laquelle vous faites allusion porte sur le cas de Vincent Lambert, affaire bien connue des équipes soignantes. Le législateur s’en est déjà inspiré pour élaborer la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Il me semble pertinent d’en rester là, car je ne vois pas comment un texte réglementaire parviendrait à définir les conditions d’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielles.

Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). La complexité de ces situations pose la question de la procédure collégiale lorsque la personne n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté. Les circonstances sont particulières à chaque patient et certains cas peuvent ne pas avoir été envisagés par la loi. Il ne faudrait d’ailleurs pas faire accroire que la loi pourrait répondre à toutes les situations. La collégialité et le respect de la volonté du patient sont primordiaux. Le cas auquel vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, a pu heurter certaines consciences ; nous devons donc faire montre de prudence.

La question de l’hydratation n’est pas simple et elle suscite le débat, notamment pour l’accompagnement de la fin de vie et les soins palliatifs. Des médecins m’ont indiqué que des capteurs pouvaient être posés à différents endroits du corps pour détecter la déshydratation. Il ne suffit pas d’humidifier certaines parties du corps. L’objectif est de soulager les souffrances du patient.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS84 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Dans le rapport de la mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016, on lit : « Les professionnels de santé spécialisés dans la prise en charge des mineurs en fin de vie indiquent unanimement que le cadre juridique de la loi Claeys-Leonetti répond à la plupart des situations. La demande d’obstination déraisonnable, plus fréquente dans les services pédiatriques, constitue la principale difficulté soulignée par les acteurs rencontrés. » Je propose de reprendre la vingt-cinquième proposition du rapport, qui vise à préciser dans la loi que le refus de l’obstination déraisonnable s’applique aux mineurs.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait. L’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique ne dispose pas que son application est réservée aux personnes majeures. Le sujet est très délicat car il n’est pas simple pour un parent d’accepter que son enfant soit condamné. L’article 16 de la proposition de loi crée une procédure de médiation, à laquelle je suis très attaché – j’ai été confronté, dans ma circonscription, à un cas très sensible d’un enfant âgé de 5 ans.

L’instauration de cette nouvelle voie de médiation me conduit à vous demander de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Vous avez raison de souligner que le droit actuel satisfait la demande de notre collègue Bazin, néanmoins, il serait utile que la loi affirme explicitement que le concept d’obstination déraisonnable s’applique également aux mineurs. Les équipes de l’hôpital Necker et de l’Institut Imagine, qui prennent en charge les maladies génétiques rares, m’ont indiqué que cette question était importante. L’adoption de l’amendement enverrait un signal sur les précautions à prendre contre l’obstination déraisonnable, même pour les mineurs.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). En tant qu’adultes, qu’il s’agisse des parents ou des professionnels de santé, il est difficile de devoir laisser mourir un enfant et prendre la responsabilité d’arrêter les traitements ; c’est atroce à vivre, quoi qu’il arrive. Le problème de fond n’est donc pas tant sur le plan légal, puisqu’il est déjà possible de ne pas s’obstiner, que sur le plan humain. Par conséquent, il ne sert à rien d’écrire une loi bavarde.

M. Thibault Bazin (DR). Ces sujets sont particulièrement sensibles et douloureux. Ma seule boussole, sur le plan éthique, est qu’il ne doit y avoir ni mort provoquée ni obstination déraisonnable ; c’est d’ailleurs ce qui a guidé les précédentes lois sur la fin de vie. Néanmoins, ces situations restent difficiles à vivre, sans doute davantage encore dans les services pédiatriques – cela nous avait frappés lors des auditions menées dans le cadre de la mission d’évaluation. C’est pourquoi le rapport préconisait d’étendre le concept d’obstination déraisonnable aux services spécialisés dans la prise en charge des mineurs. J’entends que l’application de cette mesure n’est pas d’ordre législatif, mais plutôt réglementaire. J’espère toutefois que nos débats permettront de lever tout sentiment de culpabilité chez les professionnels et les parents.

M. le rapporteur. Le fait d’avoir intégré une procédure de médiation à l’article 16 est une très bonne chose ; elle permettra d’accorder plus de temps à la discussion entre les médecins et la famille et de laisser mûrir la réflexion jusqu’à, malheureusement, la solution définitive.

La commission adopte l’amendement. L’article 20 bis est ainsi rédigé.

Article 20 ter (nouveau) : Élaboration par la Haute Autorité de santé d’un référentiel sur l’obstination déraisonnable

Amendement AS269 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Les combats menés en faveur de la création de services de soins palliatifs – notamment à l’époque du sida – visaient à prendre en considération l’intérêt du patient avant tout et à sortir d’une vision jusqu’au-boutiste de la médecine. Depuis, différentes lois ont mis la focale sur les droits des patients, ce qui a permis de faire évoluer le concept d’obstination déraisonnable. Toutefois, si sa bonne compréhension par les professionnels de santé et par les usagers a progressé, il reste perfectible. Par cet amendement, nous proposons donc que la HAS élabore un référentiel de bonnes pratiques, pour prévenir l’obstination déraisonnable.

M. le rapporteur. Je ne sais pas si la HAS sera en mesure de le produire rapidement, au vu des délais nécessaires pour répondre sur les notions de court terme et de moyen terme ou de phase avancée. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 20

Amendement AS7 de M. Alexandre Portier

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 20 quater (nouveau) : Rapport sur le développement de la biographie hospitalière

Amendement AS89 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement concerne le dispositif de biographie hospitalière, que je ne connaissais pas lorsque nous avons procédé à l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti et que j’ai découvert en rencontrant des professionnels spécialement formés. L’idée est d’inciter le Gouvernement à déployer cette bonne pratique qui permet à une personne en fin de vie de bénéficier, si elle le souhaite, d’un biographe hospitalier, intégré à l’équipe de soins, à qui elle peut raconter son histoire ; le récit de sa vie lui sera ensuite remis gracieusement ou à un proche désigné. C’est, en quelque sorte, un soin de support à la personne en fin de vie, qui s’inscrit dans un parcours global. Là où cette pratique a été expérimentée, des bénéfices ont été constatés. Des associations la développent et une formation a d’ailleurs été créée dans une faculté de médecine. Il faudrait donc donner un cadre légal à cette expérimentation positive tant pour le patient que pour les proches et l’équipe soignante. J’avais repris cette idée dans une proposition de loi et dans un amendement jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Adopter mon amendement permettrait au moins de la cranter.

M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Justine Gruet (DR). Je connais très bien l’association Traces de vies, qui a été créée à Dole, dans ma circonscription, et qui a vocation à se déployer dans l’ensemble du territoire national, en organisant notamment des formations spécifiques. L’objectif est de respecter à la fois les phases d’acceptation de la maladie et les phases de deuil. Or recourir à un biographe hospitalier permet non seulement à la personne en fin de vie de travailler sur elle-même, mais aussi à ses proches de mieux comprendre ce qu’elle a pu vivre. Je tiens à saluer, à ce titre, l’engagement des bénévoles et des salariés de l’association et j’espère que nous parviendrons à déployer cette expérimentation partout.

Mme Annie Vidal (EPR). Je soutiens cet amendement. J’ai rencontré des représentants de l’association et leur action est extraordinaire. Il a été beaucoup question d’accompagnement : je suis persuadée que cette pratique est bien plus efficace qu’une campagne de sensibilisation au deuil – même s’il faut également la faire. Par ailleurs, les moments de fin de vie peuvent sembler longs mais ils passent vite quand même et la personne qui est dans l’accompagnement ne les vit pas tous avec la même intensité. C’est pourquoi il est humainement très important de permettre le recours à un biographe.

M. Patrick Hetzel (DR). La présence de biographes auprès des personnes en fin de vie produit des moments d’une très grande humanité ; nous sommes là au cœur de l’intérêt des patients.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 20

Amendement AS112 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à demander au Gouvernement de présenter un bilan de sa stratégie de lutte contre l’obstination déraisonnable, pour que ce principe soit pris en considération dans les politiques publiques. Cet amendement vient en miroir du précédent, qui demandait à la HAS de réaliser un référentiel des bonnes pratiques.

M. le rapporteur. La stratégie pour laquelle vous demandez un rapport existe : c’est la loi ! Le code de la santé publique a été complété sur cette question par la loi Claeys-Leonetti. Je ne vois donc pas l’intérêt de l’amendement.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 21 : Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 21 non modifié.

Titre

Amendements AS611 de M. François Gernigon, AS219 et AS223 de Mme Justine Gruet, AS37 de M. Thibault Bazin, AS233 de M. Patrick Hetzel, AS305 de M. Yannick Monnet et AS515 de M. Julien Odoul (discussion commune)

Mme la rapporteure. J’ai cosigné avec M. le rapporteur l’amendement AS611, qui propose, en toute logique, de modifier le titre de la proposition de loi afin de le mettre en adéquation avec ce qui a été voté, notamment à l’article 1er. Nous proposons donc le titre suivant : proposition de loi « relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs ».

Mme Justine Gruet (DR). Mon premier amendement corrobore les propos de la rapporteure, en proposant de spécifier dans le titre « l’accompagnement » et non les « soins d’accompagnement ». Le second propose d’inclure les soins palliatifs dans l’accompagnement de fin de vie.

J’en profite pour vous remercier de la qualité de nos débats. J’espère qu’il en sera de même en séance.

M. Thibault Bazin (DR). Je me réjouis également que nous ayons réussi à trouver un consensus sur plusieurs articles du texte. Le vote de certains articles en séance dépendra aussi du Gouvernement, puisque des questions de moyens, de forfaits, de financement et d’organisation restent à clarifier.

Par cet amendement, je souhaite faire écho à un avis du Comité consultatif national d’éthique qui recommandait d’imposer les soins palliatifs parmi les priorités des politiques de santé publique. Nous nous sommes efforcés, parfois de manière audacieuse, de porter une ambition, y compris sur ce qui ne relève pas forcément du domaine législatif. Le titre proposé reste très humble et je reconnais en cela les deux rapporteurs qui font preuve d’humilité. Toutefois, nous pourrions être plus audacieux, en espérant que le Gouvernement lève des gages et rende certains amendements recevables. Je propose donc la rédaction suivante : proposition de loi « visant à faire du développement des soins palliatifs une priorité de la nation et à en garantir l’accès pour tous sur l’ensemble du territoire français ».

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS233 des députés du groupe Droite Républicaine propose de modifier le titre, qui deviendrait le suivant : « Garantir les soins palliatifs, renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades partout sur le territoire ».

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis également très satisfait de la nature de nos échanges, à la fois intéressants et agréables. Ils seront sans doute plus tendus sur le second texte, mais il est bon de pouvoir en débattre.

Le titre d’une proposition de loi est important, puisqu’il permet de traduire la richesse de nos débats. Or force est de constater, en toute modestie, que celui que je propose est, de loin, le meilleur, car il est court et concis : proposition de loi « visant à garantir les droits des malades et l’égal accès de tous aux soins palliatifs et d’accompagnement ».

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS515 est défendu.

M. le président Frédéric Valletoux. J’imagine, madame la rapporteure, que vous êtes plutôt favorable au vôtre et défavorable aux autres ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Comment avez-vous fait pour deviner mes pensées... ?

M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement des rapporteurs nous convient parfaitement, puisqu’il est à l’image de nos débats et qu’il a le mérite d’être simple à lire et à comprendre.

M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai également une préférence pour le titre proposé par les rapporteurs. Les autres propositions évoquent des sujets plus précis, mais un titre doit rester simple, condensé et modeste. Par ailleurs, si notre ambition est de déployer cette politique partout dans le territoire, nous devrons, en tant que législateurs, vérifier sa déclinaison budgétaire.

J’en profite pour vous remercier pour ces moments de débat. J’ai eu l’occasion de présider moi-même et j’ai apprécié la façon dont nos échanges se sont déroulés, dans le respect. Notre commission traite de sujets qui doivent rassembler et qui devraient préfigurer ce que pourrait être l’Assemblée nationale. J’espère que la suite de nos travaux sera tout aussi respectueuse, car des positions très différentes seront exprimées en fonction des convictions des uns et des autres, s’agissant d’un sujet très personnel qui dépasse toute logique de parti.

La commission adopte l’amendement AS611.

En conséquence, les autres amendements tombent.

M. Patrick Hetzel (DR). Je remercie l’ensemble des commissaires et les rapporteurs pour la manière dont nos débats se sont déroulés. Nous attaquerons, dans les prochaines minutes, la partie sans doute la plus ardue. Néanmoins, je salue l’esprit constructif qui a prévalu, pour trouver des solutions et proposer des pistes de modification en séance. Je formule le vœu que nos échanges se poursuivent dans le même état d’esprit.

M. Yannick Monnet (GDR). Je voterai en faveur de la proposition de loi. Au-delà de la teneur très positive de nos débats, ce texte comporte des éléments très importants, tels que le droit opposable ou la prise en compte de situations particulières – notamment s’agissant du handicap. Je souhaite que nous puissions conserver ces éléments lors de la discussion dans l’hémicycle. Nous sommes parvenus à un texte équilibré, juste et qui répond à l’ambition que nous souhaitions porter.

M. Christophe Bentz (RN). Notre groupe votera en faveur de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs. Vous avez compris notre scepticisme et nos doutes sur la porosité persistante entre ce texte et le suivant. Je signale au passage que la discussion générale commune aux deux textes nous pose problème. Nous estimons que bien des articles de la proposition de loi vont dans le bon sens, puisqu’ils permettront d’appuyer les soins à la personne. Enfin, je forme le vœu que les débats sur l’aide à mourir – l’euthanasie et le suicide assisté – se déroulent dans de bonnes conditions, dans le respect des convictions de chacun, au sein de chaque groupe – puisqu’il y a une vraie diversité d’opinions et de sensibilités.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La France insoumise se prononcera également en faveur de ce texte. Il était important pour nous de proposer un cadre pour répondre aux besoins dans l’ensemble du territoire et apporter un accompagnement de qualité et une offre de soins palliatifs à toute personne qui le souhaiterait. Nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur la rédaction d’articles qui satisfont tout le monde ; je forme donc le vœu que nous n’y revenions pas en séance.

M. Olivier Falorni (Dem). Mon intervention sera dans la même tonalité. La présente proposition de loi sera certainement adoptée à l’unanimité ; je m’en réjouis car elle était attendue. J’espère également que le même respect des convictions de chacun prévaudra au cours de l’examen du second texte. Mais je n’en doute pas : nous sommes les représentants de la nation et les Français, quelles que soient leurs convictions, évidemment diverses, attendent beaucoup de ce débat – au-delà de leur choix personnel. Ils attendent que nous nous saisissions de ce sujet de société avec dignité, hauteur et respect des sensibilités de chacun. L’Assemblée nationale doit montrer le meilleur d’elle-même.

Parfois, certains concitoyens me demandent pourquoi nous passons des heures en commission. Nous démontrons ainsi le rôle des commissions : décortiquer longuement et en détail un texte de loi, pour réaliser un travail d’orfèvre. J’espère qu’il ne sera pas jeté aux orties en séance, par un débat qui reviendrait sur ce que nous avons collectivement et unanimement validé. Rappelons aux collègues qui ne sont pas membres de notre commission que le travail de fond a déjà été mené.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le groupe Écologiste et Social votera en faveur de ce texte. Les travaux de la commission ont permis notamment de maintenir le droit opposable, afin de garantir l’accès à un accompagnement et aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Nous regrettons néanmoins que les moyens affichés par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie décennale aient été divisés par deux par rapport aux chiffres sur lesquels nous étions parvenus à un accord l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi. Nous soulignons positivement la prise en considération des directives anticipées – le débat se poursuivra sur leur place dans le cadre de la fin de vie. Nous saluons aussi le fait que les maisons d’accompagnement et de soins palliatifs ne pourront pas être des structures à but lucratif : c’était un point important pour que la fin de vie soit traitée dans l’intérêt général et non dans la recherche du profit.

Nous allons maintenant examiner le second texte, qui concerne cette ultime liberté qu’est le droit de mourir dans la dignité. J’espère que nous l’aborderons de manière sereine et respectueuse : une écrasante majorité de nos concitoyens n’attendent que cela.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nos travaux ont confirmé notre ambition et notre exigence collective en matière d’accompagnement et de soins palliatifs. Plusieurs d’entre nous ont souhaité qu’il n’y ait aucune porosité entre les deux propositions de loi et ils ont eu gain de cause. Elles seront examinées séparément et il n’y a pas eu d’ambiguïté au cours des débats sur la différence entre les deux textes. L’accès préalable à des soins palliatifs de qualité et répartis partout dans le territoire étant garanti, nous pourrons aborder l’aide à mourir sans la moindre équivoque quant à la volonté de celles et de ceux qui souhaitent ouvrir ce nouveau droit.

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera avec plaisir la proposition de loi. Ce fut un travail intense mais important et mené de belle manière. Je salue ceux qui ont organisé ce débat de façon équilibrée. C’est un sujet difficile, très attendu des Français, non seulement s’agissant des soins palliatifs mais aussi sur la fin de vie. Il fallait donc faire honneur à notre place et à notre responsabilité, en ayant un débat digne. J’espère que les débats dans l’hémicycle auront la même teneur et que certaines postures n’apparaîtront pas, car ce sujet mérite une certaine éthique.

Nous resterons vigilants sur les moyens qui seront déployés pour appliquer concrètement les dispositions du texte. Nous devrons pouvoir nous dire, à l’avenir, que les soins palliatifs ont évolué en France et que les personnes qui en avaient besoin ont pu en bénéficier partout dans le territoire, y compris dans les outre-mer. Nous devrons, en tant que parlementaires, porter un regard de contrôle et d’évaluation du texte.

Mme Brigitte Liso (EPR). Comme tous ceux qui m’ont précédée, je me réjouis que ce texte soit voté. Nous étions nombreux à préférer un seul texte car les soins palliatifs et l’aide à la fin de vie sont complémentaires. Néanmoins, le niveau des débats sur ce premier texte est tout à fait rassurant. J’espère que ceux à venir auront la même tenue. Je remercie les rapporteurs, le président et le vice-président, qui ont été pour beaucoup dans la sérénité des débats. Le groupe EPR votera évidemment en faveur du texte.

M. le rapporteur. Je salue le bon déroulement des débats et le climat respectueux qui y a régné. C’était un baptême du feu pour moi et ce fut une belle expérience. On arrive parfois avec des certitudes mais elles peuvent évoluer, et les discussions entre nous continueront à nourrir notre réflexion. Le groupe Horizons & Indépendants votera pour le texte.

Mme la rapporteure. Je vous remercie, chers collègues, pour vos expressions nourries et denses. En tant que législateur, notre rôle est d’écrire la loi. Ce n’est pas toujours aisé, c’est même particulièrement difficile quand la loi parle de la mort et de l’approche de celle-ci. Ces sujets posent de nombreuses questions et nous ne les avons pas évacuées. Nous avons essayé d’y répondre en trouvant un équilibre et en respectant les positions des uns et des autres. Notre rôle est aussi de créer les conditions de la complémentarité entre tous les acteurs, mais aussi de l’expression de l’humanité, indispensable dans ces situations difficiles, et de la fraternité, l’une des très belles valeurs de notre République. Ce genre de débat redonne à la politique les lettres de noblesse qu’elle perd parfois. Pour tout cela, je vous remercie.

M. le président Frédéric Valletoux. Je tiens aussi à saluer la qualité des débats. Je ne peux pas garantir que ceux qui vont suivre conserveront la même hauteur, je ne peux que l’espérer.

En revanche, je peux vous assurer que je veillerai, comme je l’ai toujours fait, à ce que l’écoute et le respect soient les plus grands possibles et à ce que chacun puisse s’exprimer, d’autant qu’il s’agit de sujets sensibles et importants, sur lesquels les grilles d’analyse partisane ne sont pas de mise. Ils nous renvoient à nos convictions intimes, à notre éthique personnelle, et à nos expériences.

Je suis certain que nous saurons dans l’hémicycle garder à ce débat la hauteur de vue nécessaire.

La commission adopte, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La réunion est suspendue de onze heures quarante à onze heures cinquante-cinq.

La commission en vient à l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs).

 

Chapitres Ier et II

Définition et conditions d’accès

Article 1er : Modification de l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique

 

Amendements de suppression AS26 de M. Patrick Hetzel, AS166 de Mme Hanane Mansouri, AS251 de M. Thibault Bazin et AS938 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’article 1er propose d’inscrire le texte, qui parle de suicide assisté et d’euthanasie, dans le code de la santé publique. Or ce sujet relève à mes yeux du code civil. Le rattachement au code de santé publique serait justifié par l’idée d’un continuum de soins. Or s’il y a bien une catégorie qui est majoritairement très défavorable à l’euthanasie, c’est celle des soignants. Ce n’est en aucun cas un soin. Voilà pourquoi elle n’a pas sa place dans le code de la santé publique.

M. Thibault Bazin (DR). Le projet de loi initial, que nous avions commencé à examiner sous la précédente législature, ne prévoyait pas de codification. Elle a été introduite par la suite. Certes la codification est préconisée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État. Mais que codifie-t-on ? Pour figurer dans le code de la santé publique, il devrait s’agir de soins.

Selon l’Académie nationale de médecine, le soin est « l’ensemble des mesures et actes visant à faire bénéficier une personne des moyens de diagnostic et de traitement lui permettant d’améliorer et de maintenir sa santé physique et mentale ». Nous ne sommes pas dans ce cas-là.

En octobre 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) définissait un acte de soin comme « un ensemble cohérent d’actions et de pratiques mis en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien de la santé d’une personne ». Nous ne sommes pas non plus dans ce cas.

L’Organisation mondiale de la santé estime que les soins ne nient pas la mort mais qu’ils ne la donnent pas ; ils la considèrent comme un processus normal n’entendant ni l’accélérer, ni la repousser. Là encore, nous ne sommes pas dans ce cas.

Si codification il doit y avoir, elle ne peut donc pas se faire dans le code de la santé publique.

Vous revendiquez une loi de liberté. Lors de son audition mercredi, le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins a évoqué une loi de société et réfuté le terme de loi de santé. Il faut trancher ce point.

M. Philippe Juvin (DR). Mon argumentation est un peu différente. Cet article est, à mon sens, superfétatoire puisque la notion de fin de vie est déjà présente dans le code de la santé publique au sein de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier, intitulée : « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie », aux articles L. 1111‑11 à L. 1111‑12.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ces amendements visent à contester le choix de faire figurer les dispositions du texte dans le code de la santé publique.

Or ce choix est d’abord justifié par le fait que l’aide à mourir, qui s’adresse à des personnes malades, s’inscrit dans un cadre médical. Sa mise en œuvre repose sur une appréciation portée sur l’état de santé de la personne qui demande à en bénéficier. Des professionnels de santé et plus particulièrement des médecins, à moins d’exciper de la clause de conscience, interviennent à l’ensemble des étapes de la procédure, depuis la vérification du respect des conditions légales jusqu’à l’administration de la substance.

Il ne faut pas non plus perdre de vue l’intérêt de la codification, qui est de favoriser l’accessibilité de la loi et donc la connaissance que les personnes ont de leurs droits. Or les autres droits et dispositions relatifs à l’accompagnement médical des personnes en fin de vie figurent déjà dans le code de la santé publique. Il me semble tout naturel que les règles encadrant la mise en œuvre de l’aide à mourir trouvent leur place aux côtés des articles, issus des lois fondatrices sur la fin de vie, qui interdisent l’obstination déraisonnable ou permettent le recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

Ce rapprochement n’emporte aucun risque de confusion entre les différents modes d’accompagnement des malades : l’aide à mourir demeurera un dispositif d’exception, dont l’accès et la mise en œuvre resteront strictement encadrés. La réunion de ces dispositions dans un même chapitre vise uniquement à favoriser la clarté et l’accessibilité de la loi pour les citoyens et les professionnels.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Monsieur Juvin, la notion de fin de vie est intégrée dans le chapitre Ier car il traite de l’expression de la volonté.

M. Christophe Bentz (RN). Cette proposition de loi fait suite à plusieurs semaines de débats il y a presque un an maintenant, qui eux-mêmes étaient le fruit de plusieurs mois, voire années de travail.

Nous entrons dans la discussion sur l’aide à mourir. Il nous faudra reprendre le fameux débat sémantique que nous n’avons pas assez approfondi. S’agissant de l’expression de la volonté, nous devrons veiller à toujours respecter la volonté de la personne. Nous devrons aussi définir deux notions, qui y sont liées : d’une part, la fin de vie qui, dans notre esprit, doit toujours être considérée comme faisant partie intégrante de la vie ; d’autre part, l’aide à mourir, que nous assimilons à l’euthanasie ou au suicide assisté.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous nous opposerons à ces amendements. Non seulement la suppression de l’article 1er n’aura pas d’impact sur la procédure d’aide à mourir puisqu’il concerne le titre du chapitre du code de la santé publique dans lequel celle-ci sera inscrite. Mais, plus fondamentalement, il nous semble nécessaire de conserver la formulation « expression de leur volonté et fin de vie ».

Ce qui est au cœur de ce texte, c’est le droit d’un individu à disposer de lui-même jusqu’au bout. L’aide à mourir s’ajoutera ainsi aux options qui s’offrent à une personne en fin de vie telles que les soins palliatifs et la sédation profonde et continue. Il nous reviendra ensuite de créer le cadre garantissant le libre choix mais aussi la sécurité de la personne en fin de vie ainsi que celle des soignants.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il a été dit que de nombreux médecins sont opposés à l’aide à mourir. Néanmoins la plupart des professionnels de santé savent pertinemment que la fin de vie est indissociable de la santé.

Il me semble légitime, et même pertinent, que cette question soit abordée dans le code de la santé publique. En outre, la codification favorise la visibilité et la compréhension des lois. Nous serons donc défavorables aux amendements de suppression.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis défavorable aux amendements. Je ne méconnais pas la dimension symbolique de la codification, mais, dans ce texte, les symboles comptent.

On ne peut pas extraire la fin de vie de l’environnement médical dans lequel elle doit nécessairement s’inscrire. Si on ne l’intègre pas dans le code de la santé publique, on en fait autre chose que ce que le texte définit. Je ne le veux pas, je crains même les effets pernicieux d’un tel choix, qui reviendrait à modifier le sens que l’on donne à l’aide à mourir.

Mme Océane Godard (SOC). Nous nous opposons aux amendements.

D’abord, la loi Claeys-Leonetti sur la sédation profonde et continue ainsi que toutes les lois de bioéthique sont dans le code de santé publique. Il nous semble donc important que la future loi le soit également.

Ensuite, le code civil régit les relations entre les particuliers. Quel sens cela aurait‑il d’y insérer des dispositions concernant un acte médical ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La future loi ne peut pas être placée ailleurs que dans le code de la santé publique. La santé va de la naissance à la mort. Quant aux soins, ils peuvent être de prévention, curatifs, palliatifs et d’accompagnement à la mort. Je ne connais pas un soignant qui n’est pas confronté à l’accompagnement à la mort, quel que soit l’âge des patients.

Je suis très attachée à l’inscription dans le code de la santé publique. Nous aurons sans doute des divergences sur la qualification de soin. Je considère que l’aide à mourir en est un. Je suis également très attentive à l’expression de la volonté de la personne tout au long de la démarche ainsi qu’au respect de sa dignité et de ses souhaits.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est important pour le groupe Écologiste et Social de conserver l’article 1er. Il faut assumer d’inscrire dans le code de la santé publique l’expression de la volonté et la fin de vie.

C’est précisément parce que nous souhaitons rappeler le contexte de l’aide à mourir – une affection grave et incurable, des douleurs réfractaires à tout traitement, etc. – qu’il faut maintenir la codification. Nous pourrons ainsi poursuivre sereinement nos travaux, qui ont pour but de préciser les conditions de mise en œuvre de l’aide à mourir.

M. Thibault Bazin (DR). La fin de vie est déjà évoquée dans le code de la santé publique, Philippe Juvin a raison. Pourquoi modifier le titre du chapitre Ier pour y ajouter la mention de la fin de vie alors qu’il comporte des sections qui sont aucun rapport avec ce sujet ? Section 1 « Principes généraux » ; section 2 « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie » ; section 3 « Espace numérique de santé, dossier médical partagé et dossier pharmaceutique » ; section 4 « Conditions de reconnaissance de la force probante des documents comportant des données de santé », il est question de bien d’autres choses que de la fin de vie. La référence dans le titre du chapitre à l’expression de leur volonté est suffisante à mes yeux.

M. Patrick Hetzel (DR). Le texte devait être la reprise de ce qui avait été acté sous la précédente législature. Comme l’a rappelé notre collègue Bazin, la codification n’avait pas été prévue alors. C’est le droit le plus strict des auteurs de la proposition de loi que de l’envisager aujourd’hui, mais cela signifie que vous vous apprêtez à codifier le suicide assisté et l’euthanasie dans le code de la santé.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Une précision à l’attention de M. Hetzel, la codification ne figurait pas dans le texte initial mais elle a été votée. Chaque article codifié a été voté par les députés lors de la précédente législature. Ce n’est pas une décision que j’ai prise.

M. Thibault Bazin (DR). J’entends, mais les deux tiers des membres de la commission sont nouveaux et en séance, un tiers des députés sont nouveaux, il est donc légitime de poser de nouveau la question de savoir si on codifie et, si oui, dans quel code.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS247 de M. Jean-Pierre Taite et AS592 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Par l’amendement AS247, il s’agit de remplacer « expression de leur volonté et fin de vie » par « expression de leur volonté pour leur fin de vie ».

Le texte concerne la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. Chacun se prononcera librement pour ou contre, mais le sujet est bien celui-là. Je vous propose donc de le dire clairement.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans le même esprit, il est proposé de mentionner « expression de leur volonté en fin de vie ».

Les termes utilisés dans l’article 1er renvoient à un acte tandis que la notion de volonté en fin de vie renvoie à une temporalité, ce qui me semble plus adapté. En outre, cela contribue à la sécurité juridique et à la bonne lisibilité du code.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous souhaitez restreindre à la fin de vie mais l’expression de la volonté des malades est bien plus large, elle ne porte pas seulement sur ce point.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Votre réponse est très intéressante. Le titre du texte fait référence à la fin de vie, mais ses dispositions pourraient s’appliquer à des personnes qui ne sont pas en fin de vie, si je comprends bien. Est-ce à dire qu’une personne pourrait à tout moment exprimer sa volonté, y compris lorsque son pronostic vital n’est pas engagé à court terme ou lorsqu’elle est en phase avancée mais pas terminale de sa maladie. J’aimerais savoir qui est concerné. La question est légitime. J’avais compris que le dispositif était très ciblé et ne concernait que les personnes en fin de vie.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous avez raison. Je parlais évidemment du contenu du chapitre Ier et non de l’ensemble du texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS27 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Le texte dont nous débattons concerne bien le suicide assisté et l’euthanasie.

Alors que le rôle du législateur est de dire les choses clairement, le fait d’utiliser le terme de fin de vie pour masquer des dispositifs de suicide assisté et de d’euthanasie me dérange profondément. Peut-être le malaise de certains les pousse-t-il à euphémiser – même si M. Falorni a toujours été explicite. Il faut que les choses soient dites ; mon amendement vise donc à employer explicitement ces termes.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’an dernier, lors de la discussion du projet de loi en commission spéciale puis dans l’hémicycle, nous avons effectivement eu un débat sémantique assez long. Il est important d’y revenir pour préciser les choses.

Je vous remercie, monsieur Hetzel, d’avoir salué ma clarté et ma cohérence. Je reconnais de la même façon la cohérence de votre point de vue, même s’il est différent.

Si je ne souhaite pas que les mots « euthanasie » et « suicide assisté » figurent dans ce texte, c’est d’abord parce qu’ils sont connotés. Qu’on le veuille ou non, la façon dont ils sont perçus est influencée par l’histoire. Qui d’entre nous, pour vanter l’amitié et la coopération entre la France et l’Allemagne, appellerait de ses vœux une « collaboration » franco-allemande ? Le mot « collaboration » a été souillé par l’histoire ; il en est de même du mot « euthanasie ». Il ne se passe pas une journée sans que mon nom soit associé, sur les réseaux sociaux, à l’« euthanasie » et à l’« État nazi ». Soyez assurés que je ne fais ce procès à personne ici. Du reste, cela me laisse totalement indifférent, mais on voit bien les références auxquelles renvoie cet amalgame : le mot « euthanasie » a effectivement été utilisé par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale.

Quant à l’expression « suicide assisté », elle est source de confusion. Nous convenons tous de la nécessité de prévenir les suicides : il n’est donc pas opportun d’utiliser ce terme pour désigner l’aide à mourir, qui relève d’une logique absolument différente.

La France utilise dans sa loi les mots qu’elle souhaite. Les mots « euthanasie » et « suicide assisté » ne sont pas brevetés au niveau international. De nombreux pays ont déjà légiféré : le Canada parle d’« aide médicale à mourir », la Nouvelle-Zélande de « mort assistée », l’Australie de « mort assistée volontaire », l’Oregon de « mort dans la dignité ». Chaque pays choisit souverainement les termes qu’il souhaite. À titre personnel, l’expression « aide à mourir » me semble la plus adaptée.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il est nécessaire de prendre un peu de temps, car un grand nombre d’amendements déposés ont le même objet que celui de M. Hetzel.

Comme M. Falorni, j’estime que le terme « euthanasie » est connoté et renvoie à certaines représentations. Dans notre inconscient collectif, l’euthanasie est un acte par lequel on provoque délibérément la mort d’une personne qui ne l’a pas demandée. Or, dans la présente proposition de loi, c’est le patient qui demande l’aide à mourir. Quant à l’expression « suicide assisté », elle relève de l’oxymore : ces deux mots ne vont pas ensemble, car le suicide est un acte qu’une personne décide et accomplit seule. Il est important que nous ayons ce débat avant d’entrer dans le vif du sujet, car il conditionne toutes nos représentations, qu’il convient de revoir.

Je me réjouis que la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs vienne d’être adoptée à l’unanimité. À travers le développement des soins palliatifs et la création du nouveau droit dont nous discutons à présent, la France va pouvoir montrer le chemin. Peu importe que l’on parle d’« aide à mourir » ou d’« aide active à mourir ». J’ai d’ailleurs déjà expliqué à M. Hetzel, avec qui j’ai discuté tranquillement, que la sédation me semblait être un acte d’aide à mourir. Mettons-nous d’accord sur ces questions lexicales : nous éviterons ainsi de nous chamailler inutilement par la suite.

M. Christophe Bentz (RN). Sur un sujet aussi profond et intime, nous devons faire preuve d’une grande humilité. Toutes les convictions sont respectables et doivent être respectées. Les diffamations dont vous êtes victime, monsieur le rapporteur général, sont parfaitement scandaleuses et inacceptables : vous aurez toujours mon soutien pour les dénoncer. Votre position, que je ne partage pas, a le mérite d’être claire, cohérente et compréhensible.

Le débat sémantique nous renvoie en réalité à la langue française. Nous devons effectivement clarifier cette question afin que nos discussions soient intelligibles et puissent être comprises par tous les Français. On parle de « suicide assisté » et d’« euthanasie », mais vous préférez l’expression « aide à mourir ». Faisons donc un peu de français : le mot « aide », d’origine latine, désigne l’accompagnement par le soutien et le secours. L’administration d’une substance létale est-elle un soutien ? Évidemment pas. Est-elle un secours ? Non plus. C’est même l’inverse : certains partisans de l’euthanasie et du suicide assisté parlaient d’ailleurs autrefois de « secours à l’envers ».

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Comme M. Falorni, j’estime que le mot « euthanasie » doit se limiter à un contexte historique particulier, dans lequel la mort était donnée de manière scientifique. L’utilisation de ce terme dans la présente proposition de loi, qui vise à instaurer une nouvelle liberté, serait tout à fait contradictoire.

Alors que le nombre de tentatives de suicide explose, en particulier chez les jeunes, la prévention de ces actes est un sujet de santé publique majeur. Parler dans la loi de « suicide assisté », alors qu’il ne s’agit pas réellement de suicide mais plutôt de l’arrêt d’une vie arrivée à son terme, créerait de la confusion et compliquerait le travail des professionnels de santé qui luttent avec acharnement, en dépit du peu de moyens dont ils disposent, contre cette épidémie. Ce serait irresponsable. Vous vous enorgueilliriez de débattre du fond plutôt que de contester les mots employés.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Nous devons débattre de ces questions sémantiques, puisque nous avons une obligation de clarté et de transparence vis-à-vis des Français qui nous regardent.

Oui, monsieur le rapporteur général, les mots sont connotés. Ainsi, à mon sens, l’expression « aide à mourir » donne à cet acte une connotation positive qu’il ne devrait pas avoir, compte tenu de sa gravité. Je respecte la position des partisans de l’euthanasie ou du suicide assisté, mais je les invite à assumer clairement ce qu’ils nous proposent de voter.

M. Philippe Juvin (DR). Que les choses soient claires, monsieur le rapporteur général : les attaques dont vous faites l’objet sont absolument inacceptables. Vous nous trouverez toujours à vos côtés pour défendre la liberté d’expression la plus élémentaire. J’aime que vous soyez très clair dans votre approche ; nous l’essayons de l’être aussi, de notre côté, même si nous nous trouvons sur deux berges opposées.

Le terme « euthanasie » figure dans la législation de certains pays : il n’est donc pas impossible de l’utiliser également. J’estime que nous gagnerions à employer les mots justes, mais j’entends ce que vous dites au sujet du poids historique de ce terme. Vous proposez cependant de le remplacer par une expression très vague, qui ne dit pas du tout les choses. En effet, l’aide à mourir existe déjà. Les soignants aident les gens à mourir, et heureusement qu’il en est ainsi : ils leur donnent des médicaments pour calmer la douleur et les entourent, ainsi que leur famille. Au cours de ma vie professionnelle, j’ai aidé beaucoup de patients à mourir, sans réaliser ce que nous appelons l’euthanasie – sur ce point, je suis d’accord avec M. Pilato. Si vous ne voulez pas du mot « euthanasie », l’expression « aide à mourir » n’est donc pas plus adaptée.

M. Yannick Monnet (GDR). Pour ma part, je suis favorable à l’aide à mourir et n’ai aucun problème avec les mots « euthanasie » et « suicide assisté », que j’assume. Quand j’ai lu l’amendement de M. Hetzel, j’y ai été instinctivement assez favorable, car je considère que nommer les choses, pour contraignant que cela soit, nous rapproche toujours un peu de la vérité. Cependant, j’entends ce que disent nos collègues, notamment le rapporteur général, sur la symbolique de ces termes. En somme, je suis sensible aux deux argumentaires, sans pouvoir en faire la synthèse. Je considérerai donc avec sagesse l’avis du rapporteur.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). M. Monnet m’a ôté les mots de la bouche. Loin de moi la volonté de minimiser le débat sémantique, même si nous convenons tous qu’il faut privilégier le fond plutôt que la forme. Pour ma part, je suis favorable à ce nouveau droit, qu’on l’appelle « euthanasie », « suicide assisté », « aide à mourir » ou « aide active à mourir ». Cependant, il ne faut jamais oublier le patient dans l’équation. Si cette liberté nouvelle ou ce droit nouveau est apprécié différemment par le malade en fonction de sa dénomination, au point de le faire changer d’avis, alors c’est que la loi sera mal faite et que nous aurons manqué notre objectif.

Mme Océane Godard (SOC). Nous sommes favorables à l’expression « aide à mourir », qui présente plusieurs avantages, à commencer par celui d’englober le suicide assisté et l’euthanasie. Cependant, il ne faudra pas établir de hiérarchie entre ces deux modalités – nous défendrons un amendement visant à éviter cet écueil.

Tout à l’heure, Mme Mansouri a considéré que l’« aide à mourir » avait une connotation positive. Or il n’est pas question ici d’acte positif ou négatif. Nous avons affaire à des femmes et à des hommes qui souffrent d’une manière insupportable : parlons donc plutôt d’acte ultime de liberté, de délivrance, de dignité et de choix. Peut-être avez-vous entendu parler, il y a quelques années, de Mme Chantal Sébire, une Dijonnaise atteinte d’un esthésioneuroblastome. Cette tumeur évolutive des sinus et de la cloison nasale lui occasionnait des souffrances absolument terribles et des douleurs réfractaires qui lui déformaient le visage. Elle suppliait les médecins de mettre un terme à ses souffrances et disait, dans l’une de ses dernières interviews : « Il ne s’agit nullement de tuer, mais de poser un geste d’amour envers l’humain en souffrance en face de soi, d’accompagner vers ce dernier cap. » Je comprends que se cache, derrière ce débat sémantique, une volonté de ne pas adopter cette proposition de loi. Ne simplifions pas les choses, ne réduisons pas ce nouveau droit à un acte positif ou négatif, et parlons, encore une fois, d’acte de liberté et de délivrance.

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur Falorni, les attaques dont vous êtes victime sont absolument insupportables. Vous aurez toujours notre soutien face à des faits aussi abjects.

Le débat sur les mots est essentiel. En grec, vous le savez, eu-thanatos signifie « la mort douce », qu’elle soit naturelle ou provoquée. À l’origine, le terme « euthanasie » n’était donc pas connoté ; j’admets cependant qu’il l’est désormais.

L’expression « suicide assisté » soulève une autre question. Mme Rousseau a évoqué le problème sociétal que représente l’augmentation du nombre de suicides chez les jeunes. Se suicider, c’est se donner volontairement la mort. Il faut bien assumer le fait que la présente proposition de loi ouvre la possibilité de donner la mort ; or, en parlant simplement d’« aide à mourir », vous utilisez un euphémisme et vous ne nommez pas les choses. M. Pilato a évoqué tout à l’heure l’« aide active à mourir » : cette expression illustre mieux le caractère actif et l’intentionnalité du geste, quand bien même il serait voulu par le patient.

Le fait de donner la mort à une personne, même si cette dernière la demande, marque une rupture, la transgression d’un interdit de nature civilisationnelle – je mets ici de côté toute considération religieuse. Il ne faut pas prendre la chose à la légère. En instaurant cette nouvelle possibilité, vous faites de la mort une solution ultime. Pour ma part, j’aspire à une vraie société fraternelle, où les nôtres seraient entourés jusqu’au bout et de la manière la plus forte possible. Prenons garde, d’ailleurs, à ne voir dans la notion de fraternité qu’une dimension individuelle : ce principe inscrit aussi la personne dans un collectif.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je soutiens moi aussi Olivier Falorni face aux attaques inadmissibles dont il a fait l’objet.

Je suis également attachée à ce que nous utilisions les mots les plus justes afin de rendre la loi plus claire aux yeux de nos concitoyens. Cependant, on a entendu que les termes « euthanasie » et « suicide assisté » pouvaient aussi suggérer le geste d’une main qui tue. Ce serait totalement irrespectueux envers les soignants, qui accompagnent au quotidien les patients jusqu’à la mort.

Par ailleurs, nous parlons ici d’une situation très particulière, puisque les personnes qui seront concernées par ce nouveau droit sont atteintes de maladies graves et incurables – autrement dit, elles mourront inévitablement du fait de ces maladies. L’aide à mourir consiste alors simplement à faire en sorte que les choses se passent de façon plus apaisée et confortable, pour le patient comme pour son entourage. On ne va pas faire mourir des gens qui ne le doivent pas, mais accompagner des gens atteints d’une maladie qui les conduira à la mort. Il ne faut pas non plus se cacher derrière son petit doigt : la sédation est aussi une manière d’accompagner la mort.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Amendements de suppression AS28 de M. Patrick Hetzel, AS252 de M. Thibault Bazin, AS583 de M. Alexandre Allegret-Pilot, AS696 de M. Christophe Bentz, AS864 de Mme Lisette Pollet et AS939 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Dans le prolongement du débat que nous venons d’avoir, j’aimerais vous lire quelques lignes tirées d’une annexe de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui date de 2022 : « Il est loin d’être clair que les individus qui choisissent le suicide médicalement assisté soient dans une position fondamentalement différente de ceux qui décident de se suicider. Les différents arguments avancés pour établir une différence entre le suicide médicalement assisté et les autres formes de suicide, comme la capacité à réaliser un choix éclairé, l’existence d’un support familial, les différences en termes de souffrance ou de raisons de vouloir se donner la mort ou encore d’espérance, ne permettent pas de conclure de manière claire et précise à une différence fondamentale entre les deux et, partant, à la nécessité de les séparer, au moins sur le plan terminologique. » Ces mots sont ceux du CCNE, l’autorité compétente en matière d’éthique. Ainsi, un certain nombre de chercheurs en éthique et de professionnels de santé proposent d’utiliser, pour désigner la possibilité que vous voulez ouvrir par la présente proposition de loi, le terme « suicide », car la différence ontologique entre le suicide médicalement assisté et les autres formes de suicide est assez ténue.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 2 de la présente proposition de loi correspond au premier article du titre II, consacré à l’aide à mourir, du projet de loi initial. Il vise à insérer, dans le code de la santé publique, une nouvelle section autorisant le recours à une substance létale pour abréger de manière intentionnelle la vie d’un patient. Autrement dit, cet article opère une forme de légalisation de la mort provoquée, demandée par un malade, en ayant recours ou non à l’aide d’un professionnel.

Cette disposition touche à un interdit de notre société. Je ne suis pas capable de mesurer, en tant que parlementaire, l’impact qu’elle pourrait avoir, à court et à long terme, sur notre société.

Lors de la discussion générale, mercredi matin, on a tenté de nous rassurer en expliquant que cette nouvelle possibilité serait très encadrée ; or je me suis rendu compte que les critères évoqués par la ministre Vautrin ne figuraient pas dans le texte qui nous est soumis. J’ai plutôt l’impression qu’ils feront l’objet d’un débat.

Cet article soulève plusieurs questions éthiques.

Quand un patient dont l’état de santé nécessite des soins palliatifs en est privé, faute d’un déploiement suffisant de ce type de soins, ne sera-t-il pas plus facile, pour notre société, de le laisser choisir de mourir vite ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté, il faut que les deux termes de l’alternative soient tout aussi possibles – sinon, ce n’est plus vraiment un choix.

Vous avez évoqué le drame des personnes qui se suicident. Nous avons tous connu ces situations terribles, dans nos entourages et dans nos territoires. Quand un patient est atteint de souffrances psychiques, qu’il se trouve dans un état dépressif mais que son pronostic vital n’est pas engagé à court terme, parce qu’il n’est pas en phase terminale d’une maladie grave et incurable, ne risque-t-il pas de demander à bénéficier de l’aide à mourir ? Ce risque me semble bien réel pour les personnes vulnérables.

Enfin, cette disposition ne va-t-elle pas amener les personnes malades ou en perte d’autonomie, qu’elles soient âgées ou en situation de handicap, à s’interroger sur la valeur de leur vie ? C’est une vraie question, à laquelle je ne sais pas répondre.

M. Christophe Bentz (RN). Nos amendements de suppression se justifient par notre opposition à cette proposition de loi visant à instaurer l’aide à mourir, qui correspond en réalité au suicide assisté et, par exception, à l’euthanasie. Nous sommes partisans de limiter les possibilités offertes aux malades en fin de vie à ce qui existe déjà, c’est-à-dire aux soins palliatifs, lesquels permettent de répondre à l’ensemble des besoins et attentes d’une personne qui souffre en tenant compte de toutes les dimensions de cette dernière. La maladie nécessite l’accompagnement, le soin du corps et le soin de la vie jusqu’à son terme : c’est bien ce que prévoit la loi Claeys-Leonetti de 2016.

Mme Lisette Pollet (RN). L’article 2 ouvre la voie au suicide assisté et à l’euthanasie, à travers les termes volontairement flous d’« aide à mourir » et de « fin de vie ».

Vous voulez demander à des soignants, dont la vocation est de préserver la vie, d’administrer à des patients une substance létale. Ce n’est pas un accompagnement, mais un geste actif visant à donner la mort. Donner la mort n’est pas un soin ; il s’agit d’un acte irréversible, grave, profondément contraire à notre conception du soin et de la dignité humaine. La loi Claeys-Leonetti permet déjà la sédation profonde dans un cadre médical respectueux. Nous devons rester fidèles à cette ligne : soulager sans jamais tuer.

La liberté que vous invoquez est discutable. La volonté d’un patient qui souffre est-elle vraiment libre ? La vraie compassion consiste à accompagner un malade, et non à écourter sa vie.

M. Philippe Juvin (DR). Le titre de l’article 2 est très mal choisi ; il serait plus juste de parler d’« aide active à mourir ». Cet acte est présenté comme une expression de liberté absolue. Or l’exaltation de la liberté comme valeur suprême ne peut pas être un projet de société, car nous ne sommes pas seuls. Cet article induit, en creux, une dépréciation de la fin de vie, de la vieillesse et du handicap, comme si certaines vies valaient le coup d’être vécues et d’autres pas. Cela me heurte.

Enfin, tous les pays qui ont légalisé cette pratique ont vu le nombre de suicides assistés, d’euthanasies ou d’aides à mourir augmenter considérablement. A-t-on une estimation du nombre de nos concitoyens susceptibles d’en bénéficier ? Quand on vote une loi, il est important de savoir combien de personnes elle concerne. J’ai posé la question à la ministre mais je reste sans réponse.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’article 2 définit l’aide à mourir. Je comprends que certains veuillent le supprimer, mais ce serait remettre en cause tous les travaux qui ont été menés et le débat démocratique qui a eu lieu l’année dernière ; ce serait aussi faire l’impasse sur la convention citoyenne.

Nous devons débattre de ce sujet ; or la suppression de cet article nous en priverait. Il est d’autant plus important de définir l’aide à mourir que nous discuterons des conditions d’accès à ce droit à l’article 4.

Le raccourci que vous établissez entre la fin de vie et la vieillesse est inapproprié, monsieur Juvin. Par ailleurs, si le nombre de décès a augmenté dans les pays qui ont légalisé l’aide à mourir, c’est peut-être parce que cet acte est passé de la clandestinité à la légalité.

M. Yannick Monnet (GDR). Soyons clairs : ce n’est pas l’intitulé de l’article qui vous pose problème ; vous y êtes opposés sur le fond. Quand on crée un droit, c’est parce qu’on estime qu’il répond à une attente ; il est donc inévitable que des personnes demandent à en bénéficier.

Sommes-nous prêts à offrir à chacun une certaine autodétermination dans sa fin de vie, étant entendu que cette liberté individuelle s’inscrit dans un cadre social et ne peut s’exercer que dans un univers médical, quand la fin est inéluctable ? J’y suis favorable. Je suis favorable à ce que l’on permette à des gens de mettre fin à leur vie par le suicide assisté ou l’euthanasie – j’emploie volontairement ces deux termes qui ne me choquent pas –, dès lors que leur état de santé les conduira inéluctablement à la mort et qu’ils endurent d’immenses souffrances. Je voterai donc contre ces amendements de suppression.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’abonde en ce sens. Même si l’article employait d’autres termes, vous y seriez opposés sur le fond, car vous êtes contre l’aide à mourir.

L’expression « aide à mourir » me paraît juste. Cet acte n’équivaut pas à aider les patients à l’approche de la mort, comme le permettent les lois antérieures. Il s’agit de garantir aux personnes atteintes d’une affection grave et incurable, qui endurent des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires à tout traitement, la possibilité d’exercer une ultime liberté en demandant à être aidées à en finir et à mourir. C’est une question de liberté, d’égalité et de laïcité – de liberté, car les personnes doivent pouvoir y recourir quand elles le souhaitent ; d’égalité, parce que pour l’heure, seules celles qui en ont les moyens accèdent à cette aide ; de laïcité, car ce droit respecte toutes les convictions personnelles et spirituelles, nul n’étant obligé de l’exercer. Naturellement, nous souhaitons tous qu’un petit nombre de personnes aient besoin d’y recourir et que les progrès de la médecine permettront d’atténuer leurs souffrances.

Mme Hanane Mansouri (UDR). La commission spéciale a certainement eu des discussions très riches l’année dernière, mais nous sommes un certain nombre à débattre de ce sujet pour la première fois, et nous souhaitons pouvoir exposer nos arguments.

Vous ne semblez pas appréhender correctement le rôle qui incombe à la société. On ne devrait pas agir sur la vie en provoquant la mort, par l’euthanasie ou le suicide assisté, mais agir sur la fin de vie en soulageant la souffrance – c’est le rôle des soins palliatifs et des dispositions de la loi Claeys-Leonetti. Je suis favorable à ces amendements car je suis contre l’aide à mourir.

Mme Océane Godard (SOC). Vous invoquez la société ; j’entends ces arguments, mais je vous invite à porter votre regard sur la situation des patients. La loi Claeys-Leonetti représente certes une avancée, mais il faut préciser que dans l’immense majorité des cas, ce sont les médecins qui demandent la sédation, et non le patient. Remettons le patient au cœur de ses choix et de ses décisions.

J’ajoute que lors d’une sédation, le temps qui précède la mort peut être long, et nous ignorons si le patient n’a pas des microréveils et des moments d’angoisse. Il est également terrible pour les proches de voir le corps du malade se dégrader tout au long de la sédation.

Accompagner la fin de vie, ce n’est pas tuer, c’est soulager les souffrances d’une personne qui en a décidé ainsi. Or je n’entends pas le mot « souffrance » dans vos propos.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’indique à nos collègues qui n’ont pas participé à la commission spéciale que nos travaux ont tous été filmés et qu’ils peuvent les consulter. Je les invite aussi à faire confiance à ceux qui y ont pris part, qui peuvent les éclairer. Nous ne pouvons pas refaire des heures de débat.

En tant que législateurs, nous ne devons pas agir selon notre intime conviction, qu’elle soit religieuse ou non, mais dans le respect du mandat que nous ont confié nos électeurs. Laissons le religieux à l’extérieur du Palais-Bourbon, et concentrons-nous sur l’intérêt général.

Les textes religieux imposent des devoirs pour espérer accéder à des droits – schématiquement, tu dois faire ceci et cela pour avoir le droit d’entrer au paradis. Pour notre part, nous ouvrons des droits dans une République laïque où la loi est faite par les humains, pour les humains. Notre devoir est de fabriquer la loi dans l’intérêt général ; en l’occurrence, il est de mettre fin aux souffrances réfractaires, indépendamment de toute conviction intime.

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne peux pas laisser dire des contrevérités. Le nouveau droit dont nous débattons ne doit pas être un prétexte pour remettre en cause ce qui existe déjà : la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Il est faux de dire que cette sédation est majoritairement décidée par le médecin. La loi précise bien que la demande doit venir du patient et que la décision doit être prise dans une large collégialité. Les très nombreux médecins avec lesquels j’ai échangé m’ont assuré que ce n’était pas un acte solitaire. On ne peut pas proférer des bêtises pour faire valoir ses idées.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Les personnes auditionnées ont insisté sur un point important : pour un patient, savoir qu’il peut choisir de partir peut l’aider à rester.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Vous insistez sur la liberté de choisir, et je le respecte. Le problème est que notre système de santé est par terre du fait d’une mauvaise gestion politique. Il faut des mois pour passer une imagerie par résonance magnétique et voir un médecin, un an voire plus pour consulter un spécialiste. En légalisant l’euthanasie ou le suicide assisté, j’ai peur que l’on finance encore moins les soins palliatifs. Une ambition est certes affichée en la matière, mais elle mettra du temps à se concrétiser.

Je crains aussi que l’on n’ait pas accès à la même fin de vie selon qu’on est précaire ou qu’on a les moyens d’accéder à un grand professeur et de s’offrir du matériel pour rendre ses jours plus confortables. Les personnes précaires sont isolées. Pour elles, la liberté de choisir ne doit pas se transformer en incitation. Le sentiment d’être une charge pourrait les amener à prendre une décision ultime.

Mme Christine Loir (RN). Nos positions n’ont rien de religieux, monsieur Pilato. Je suis athée. Lorsque j’étais soignante, j’accompagnais des malades dans la fin de vie, mais je ne les accompagnais pas à la mort. Je ne leur donnais pas la mort : c’est toute la différence.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Puisque nous en appelons à respecter les avis de chacun, j’aimerais aussi que l’on respecte le travail que nous avons accompli ces derniers jours. Vous ne pouvez pas ignorer que la commission vient de voter une proposition de loi sur les soins palliatifs.

M. Philippe Juvin (DR). L’aide à mourir telle qu’elle est définie dans l’article 2 consiste à recourir à une substance létale. Je sais qu’il existe des soins palliatifs, des soins d’accompagnement et des soins de confort, mais je trouve choquant que l’aide à mourir soit réduite à l’administration d’une substance létale.

Sachez aussi que les sédations sont toujours décidées avec le patient – j’en ai pratiqué quelques-unes, y compris pour des personnes très proches –, et qu’elles font toujours l’objet d’une discussion collégiale entre soignants.

M. Patrick Hetzel (DR). Le président de la Mutuelle générale de l’éducation nationale et celui de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité ont publié une tribune dans laquelle ils utilisent explicitement les termes d’euthanasie et de suicide assisté ; je ne pense pas que ce soit par méconnaissance.

Vous voudriez nous convaincre que le suicide assisté est l’ultime liberté, mais ce faisant, vous déplacez les curseurs. Lors de l’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti, Jean Leonetti avait fait de la sédation profonde et continue la limite à ne pas franchir. Vous repoussez progressivement cette limite par effet domino. Voici ce qu’en dit Theo Boer, qui a participé à la mise en place du dispositif aux Pays-Bas : « [...] j’ai cru, à l’époque, qu’un cadre rigoureux pouvait prévenir les dérives : je n’en suis plus si sûr. Ce que je constate, c’est que chaque ouverture du champ de l’euthanasie crée de nouvelles attentes, de nouvelles demandes, une nouvelle normalité. » Comment délimiter les choses pour ne pas susciter un appel d’air qui nous entraînerait au-delà de ce qui était prévu initialement ?

M. Thibault Bazin (DR). L’article 2 a beau s’intituler « aide à mourir », il vise à légaliser le recours à une substance létale avec l’intention de provoquer ou d’accélérer la mort ; cette dimension se démarque des lois précédentes et soulève des questions éthiques. On peut aider à mourir sans provoquer la mort ; c’est le rôle des soins palliatifs. L’aide à mourir ne doit pas se résumer à l’acte intentionnel d’accélérer la mort ; elle peut être au pire une option.

Nous devrions nous interroger sur la motivation de la demande d’aide à mourir, pour mieux appréhender la façon dont la société peut y répondre. Si, par exemple, la personne qui en fait la demande est privée de soins palliatifs alors que son état de santé le requiert, que lui répondons-nous ? Si elle endure des souffrances psychiques et un mal-être sans que son pronostic vital ne soit engagé à court terme, que lui répondons-nous ? Si elle est en perte d’autonomie et se sent un poids pour la société, que lui répondons-nous ? Dans ces situations, l’éthique de la vulnérabilité doit l’emporter sur l’éthique de la volonté, qui est respectable et à laquelle vous êtes attachés.

Enfin, cet acte qui est loin d’être anodin est présenté par beaucoup comme un soulagement. Mais ne risque-t-il pas d’être ressenti comme un poids – sur le moment ou a posteriori – par ceux qui y participent ?

M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes au cœur du débat car nous touchons à la question de la dignité. Lorsqu’on est malade et souffrant, on conserve toujours sa dignité, qui est intrinsèque à la personne – c’est ce qui est magnifique dans la nature humaine. Face à des personnes malades et en fin de vie, la mission du soin est de soigner le corps, de secourir la vie et d’accompagner la dignité humaine jusqu’au bout.

La commission rejette les amendements.

 

La réunion s’achève à treize heures quinze.


Présences en réunion

Présents  Mme Ségolène Amiot, M Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, Mme Sylvie Bonnet, M. Éric Bothorel, M. Eddy Casterman, M. Vincent Caure, M. Jean-François Coulomme, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Juvin, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, M. Éric Martineau, M. Thomas Ménagé, Mme Estelle Mercier, M. Paul Molac, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, Mme Anna Pic, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Claude Raux, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal

Excusée.  Mme Karine Lebon

Assistait également à la réunion.  M. Alexandre Allegret-Pilot