Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................29
Mardi
29 avril 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 74
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président,
puis de
Mme Annie Vidal,
vice‑présidente
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La réunion commence à seize heures trente-cinq.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous, M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs).
M. le président Frédéric Valletoux. Il nous reste 707 amendements à examiner : au rythme actuel, nous devrons travailler soit la nuit, soit vendredi. La date limite de dépôt des amendements en vue de l’examen du texte en séance a été fixée au mercredi 7 mai à 17 heures. Par conséquent, si nous imaginions poursuivre la discussion lundi prochain, il ne resterait que vingt-quatre heures pour amender le texte, ce qui serait trop juste sur un sujet de cette importance.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Est-il envisageable de limiter les prises de parole à deux pour et deux contre ?
M. le président Frédéric Valletoux. Cela me paraît difficile, d’autant que des nuances différentes peuvent s’exprimer au sein d’un même groupe. Essayons d’abord de nous discipliner et de nous en tenir à une minute par prise de parole.
M. Thierry Frappé (RN). Pourriez-vous nous indiquer le nombre d’amendements examinés hier ?
M. le président Frédéric Valletoux. Il y en a eu 187.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous pourrions aussi terminer nos travaux à 1 heure du matin ce soir et demain soir, afin de disposer de deux heures de discussion supplémentaires.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Cela ne me semble pas raisonnable ; évitons des fins de soirée comme celle d’hier soir.
M. Nicolas Turquois (Dem). C’est vrai qu’en raison de la fatigue ou des sujets abordés, les esprits se sont un peu échauffés hier. Les positions des uns et des autres sont toutes respectables et mieux vaut éviter les interpellations inutiles.
M. le président Frédéric Valletoux. Tâchons de ne pas dépasser minuit, mais gardons à l’esprit la possibilité de prolonger nos travaux vendredi.
Article 5 (suite) : Demande d’accès à l’aide à mourir
Amendement AS950 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à préciser, après l’alinéa 7, que « le médecin s’assure des capacités pleines et entières de discernement de la personne tout au long de la procédure de l’aide à mourir ».
M. Laurent Panifous, rapporteur pour les articles 5 et 6. La manifestation de la volonté « de façon libre et éclairée » est déjà présente dans les conditions cumulatives d’accès à l’aide à mourir exposées à l’article 4. De plus, l’article 6 précise que « la personne dont une maladie altère gravement le discernement [...] ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée ». Enfin, aux termes de l’article 10, si le médecin prend connaissance, postérieurement à sa décision, d’informations le conduisant à considérer que les conditions, y compris la volonté libre et éclairée, ne sont pas remplies ou ont cessé de l’être, il est mis fin à la procédure.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS785 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet amendement prévoit d’annexer aux directives anticipées la demande d’aide à mourir, sous réserve que la personne qui la formule remplisse les conditions d’accès ; cela permettrait notamment aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives d’exprimer une première volonté, alors qu’elles sont encore conscientes, avant une possible dégradation de leur capacité de discernement.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous avons déjà abordé ce sujet à six reprises depuis le début de l’examen du texte. Avis défavorable, pour les raisons déjà développées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS321 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à garantir l’information et la parfaite compréhension de la personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir, en lui faisant signer un document précisant que la procédure a été respectée.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 13 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la procédure, notamment « la forme et le contenu de la demande ».
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS275 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de préciser, à l’alinéa 8, que le médecin peut faire valoir sa clause de conscience, au moment où il reçoit la demande d’aide à mourir.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet ajout est inutile puisque la clause de conscience peut être opposée par le médecin, au moment de la demande ; elle est de droit.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 4 prévoit que la personne qui souhaite l’administration d’une substance létale en fait la demande expresse à un médecin en activité. L’alinéa 8 détaille ensuite l’ensemble de la procédure : le médecin informe la personne sur son état de santé, lui propose de bénéficier de soins d’accompagnement et lui explique les conditions d’accès à l’aide à mourir. Néanmoins, est-il obligé de présenter tout le processus s’il n’est pas à l’aise avec celui-ci ? À quel moment doit-il faire valoir sa clause de conscience ? N’est-il pas préférable de mentionner qu’il peut le faire dès le début de la procédure, pour éviter que sa décision ne soit connue qu’au moment d’administrer la substance ?
M. Patrick Hetzel (DR). Cette précision permettrait effectivement d’éviter toute ambiguïté sur le sujet.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous aborderons la question de la clause de conscience à l’article 14, qui précise, en son alinéa 5 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à la mise en œuvre de ces dispositions doit informer sans délai la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à cette mise en œuvre. »
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement est inutile puisque nous examinerons un article dédié à la clause de conscience. Pire, la façon dont il est rédigé laisse entendre que, si la clause de conscience était invoquée, le médecin n’informerait pas la personne sur son état de santé, ne lui proposerait pas de bénéficier de soins d’accompagnement, y compris palliatifs, ne l’orienterait pas vers un psychologue clinicien ou un psychiatre et ne lui indiquerait pas qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande. Autrement dit, faire valoir sa clause de conscience empêcherait le médecin d’orienter la personne vers un parcours d’accompagnement et de soins. Ce n’est sans doute pas votre intention, mais c’est ce que l’on comprend de l’amendement tel qu’il est rédigé. Par conséquent, mieux vaut le rejeter.
M. Christophe Bentz (RN). Vous nous renvoyez à l’article 14, qui est consacré à la clause de conscience. Cependant, nul ne peut présager du vote à venir et celle-ci pourrait être supprimée. Nous voterons donc en faveur de l’amendement de M. Bazin, afin d’en sécuriser le principe.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Votre amendement pose question : signifie-t-il que le professionnel de santé qui est mal à l’aise avec l’aide à mourir n’accompagnera plus le malade ou ne pourra plus prendre en compte sa volonté ? En vertu de la « loi Kouchner », relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, tout soignant doit être en mesure de recueillir la volonté du patient. S’il a le droit de refuser de pratiquer l’acte lui-même, n’ouvrons pas une boîte de Pandore, qui conduirait à ne plus faire la toilette du malade ni à prendre ses constantes.
Mme Justine Gruet (DR). Nous nous étions déjà interrogés sur le moment opportun pour faire valoir la clause de conscience lorsque nous avons évoqué la formation à l’aide active à mourir, dans le cadre de la proposition de loi relative aux soins palliatifs. Soit on décide de former tous les professionnels de santé, soit on accepte qu’un médecin qui ne souhaite pas pratiquer l’aide active à mourir invoque la clause de conscience, avant même de suivre la formation. Néanmoins, dans ce cas, il lui sera difficile d’accompagner le patient et de lui expliquer toute la procédure.
Mme Annie Vidal (EPR). Dans l’intérêt du patient, il est préférable que le médecin fasse valoir la clause de conscience dès le départ, plutôt qu’au dernier moment, ce qui serait brutal tant pour le malade que pour le soignant amené à pratiquer l’acte en dernier ressort. L’accompagnement à l’aide à mourir étant prévu sur une courte période – une quinzaine de jours –, il vaut mieux que la procédure soit assurée par un seul et même professionnel de santé.
M. Thierry Frappé (RN). La clause de conscience est un droit réservé à certaines professions, comme les médecins, les journalistes ou les avocats. Toutefois, si un professionnel de santé peut refuser de pratiquer un acte, il ne peut pas refuser de prendre en charge un patient. Il peut être opposé à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ou à l’aide à mourir, mais continuer à suivre son patient, tout en exprimant son désaccord avec sa décision ; ce n’est pas incompatible.
M. Philippe Vigier (Dem). La clause de conscience est consubstantielle à la fonction de médecin, qui peut l’activer à tout moment et pour tout acte. Votre amendement risque de désacraliser cette notion. Ne complexifions donc pas les choses. Un médecin peut être volontaire à un moment donné, puis ne plus l’être pour des raisons qui lui sont propres – cela arrive s’agissant des avortements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Au-delà de la clause de conscience, un médecin a des obligations d’accompagnement et d’information envers son patient. Ne nous mettons pas des bâtons dans les roues en créant des barrières qui empêcheraient le médecin d’accomplir cette dimension de conseil.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS276 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à constituer un collège de trois médecins volontaires – dont celui qui a reçu la demande –, chargés de vérifier l’éligibilité de la personne, de lui présenter les solutions alternatives et de lui expliquer la procédure. Je note que pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès, vous prévoyez une collégialité plus importante que pour l’administration d’une substance létale.
Par ailleurs, pour des raisons de recevabilité financière, il est précisé que la transmission du dossier et les actes qui lui sont liés ne font l’objet d’aucune rémunération par la sécurité sociale et que les dispositions de l’article 18 de la présente loi ne leur sont pas applicables – j’espère néanmoins que le Gouvernement lèvera le gage pour financer cette collégialité.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’article 6 introduit déjà une procédure collégiale pluriprofessionnelle, par laquelle le médecin à qui la demande a été formulée recueille obligatoirement les avis d’un spécialiste de la pathologie et d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant et, éventuellement, ceux d’autres professionnels, tels que des psychologues ou des infirmiers. La collégialité de la décision est donc parfaitement assurée par l’article 6.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). La collégialité que vous évoquez fait intervenir un second médecin qui ne rencontre pas forcément le patient et un auxiliaire médical – ce qui est très large. Il n’y a donc pas la même exigence que pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès. De plus, pour avoir mené les évaluations ensemble, nous savons bien que d’autres questions se posent : par exemple, la collégialité est-elle toujours assurée ? C’est pourquoi il est nécessaire de la renforcer.
M. Patrick Hetzel (DR). Pour qu’une décision soit prise de manière collégiale, il faut que les médecins rencontrent le patient, ce qui n’est pas prévu pour le second médecin.
M. Philippe Vigier (Dem). La collégialité, que vous semblez mettre en doute, est bien prévue puisque trois personnes du corps médical seront amenées à se prononcer. Croyez‑vous que dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) tous les médecins voient tous les patients ? Non. Ils consultent les dossiers. Ne demandez donc pas plus que ce qui se fait déjà dans tous les CHU de France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS786 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Au risque d’agacer le rapporteur général je propose, avec cet amendement, que le médecin prenne connaissance des directives anticipées et échange avec l’intéressé ou sa personne de confiance sur leur contenu. L’idée est de prendre en compte la volonté exprimée par la personne lorsque le diagnostic a été posé, même si elle a perdu ensuite son discernement.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je ne suis pas agacé, car vos amendements sont parfaitement légitimes. Je renouvelle néanmoins mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS825 de Mme Sandrine Dogor-Such, amendement AS1127 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cet amendement vise à donner une place centrale aux soins palliatifs dans l’offre de soins proposée au patient.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.
Par ailleurs, l’amendement AS825 est satisfait puisqu’il est précisé à l’alinéa 10 que le médecin « propose à la personne de bénéficier des soins d’accompagnement ».
Avis défavorable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous pourrions néanmoins mentionner les soins palliatifs.
M. Christophe Bentz (RN). L’idée n’est pas d’écrire une loi bavarde, mais précise. Pourquoi insistons-nous sur le sujet ? Parce qu’un flou persiste, dans l’esprit de certains, sur la notion d’accompagnement qui comprend, à terme, l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie.
Mme Annie Vidal (EPR). On peut raisonnablement penser que, lorsqu’un patient en vient à demander une aide à mourir, c’est parce qu’il a été informé du caractère grave et incurable de sa maladie. Rappelez-vous que l’article 14 de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement prévoit que dès l’annonce à un patient d’une pathologie grave et incurable, un cycle de discussions est ouvert au cours duquel tous les traitements possibles lui sont proposés, dont la prise en charge palliative.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Je n’ai pas lu l’intégralité de l’alinéa 10 tout à l’heure, mais il est bien mentionné « des soins d’accompagnement, y compris des soins palliatifs ». Ils figurent bien à l’article 5 et ne sont pas renvoyés à des articles ultérieurs.
Successivement, la commission rejette l’amendement AS825 et adopte l’amendement AS1127.
Amendement AS61 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement vise à préciser la notion d’accompagnement mentionnée à l’alinéa 9 – qui résulte de l’ancien projet de loi et englobe à la fois les soins palliatifs et l’aide à mourir – en lui substituant les mots « soins palliatifs ».
M. Laurent Panifous, rapporteur. Je propose moi-même un amendement, que nous examinerons juste après le vôtre, avec une rédaction plus adaptée. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1126 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la fin de l’alinéa 9, qui mentionnait spécifiquement l’information aux personnes en situation de handicap ; celles-ci étant englobées dans la présente proposition de loi, cette mention est injustifiée.
M. Thibault Bazin (DR). Je comprends que, dans une société idéale, on ne veuille pas faire de différence. Toutefois, dans la réalité, lorsqu’on est en situation de handicap, l’expression de la souffrance et de la douleur sont parfois difficiles. Et il existe bien une spécificité liée au handicap – nous nous apprêtons d’ailleurs à fêter les vingt ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, adoptée en 2005 sous la présidence de Jacques Chirac. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en parler, mais c’est ce que j’entends sur le terrain, auprès des acteurs spécialisés.
M. Yannick Monnet (GDR). Sans le faire exprès, vous m’avez induit en erreur, monsieur le rapporteur, et j’aurais dû voter en faveur de l’amendement de M. Hetzel. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas faire explicitement référence aux soins palliatifs.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement dont vous parlez arrivera ultérieurement.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS805 de Mme Marie-France Lorho, AS1128 de M. Laurent Panifous et AS967 de M. Philippe Juvin tombent.
Amendement AS428 de Mme Sandrine Runel
M. Arnaud Simion (SOC). Même si je ne veux pas remettre en cause l’équilibre du texte que M. le rapporteur appelle de ses vœux, cet amendement, relatif aux directives anticipées, reprend des préconisations du Conseil économique, social et environnemental.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je vous invite à la retirer ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS514 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). Je précise que je suis favorable à la mention des soins palliatifs aux alinéas 9 et 10.
Mon amendement est de cohérence avec l’article 14 de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, qui prévoit la formalisation d’un plan personnalisé d’accompagnement (PPA). Il s’agit de s’en assurer dès l’annonce du diagnostic à la personne.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez que le médecin prenne connaissance du PPA ou informe le demandeur sur les modalités de sa formalisation. Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 9 n’y fait pas obstacle.
Par ailleurs, l’alinéa 10 prévoit d’évoquer les soins palliatifs avec la personne et de lui proposer d’en bénéficier. Enfin, l’article 13 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’information prévues au présent article.
Avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Certes, tout ce qui n’est pas exclu est possible. Toutefois, inscrire l’évocation du PPA dans la loi permet d’en indiquer l’importance.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je souhaite m’assurer que la suppression de la fin de l’alinéa 9 après le mot « disponibles », consécutive à l’adoption de l’amendement AS1126 du rapporteur, aura pour conséquence que les personnes en situation de handicap ne seront plus informées de leurs droits ni des dispositifs auxquels elles ont droit.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’alinéa 9 vise toute personne souhaitant accéder à l’aide à mourir, en situation de handicap ou non.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS278 de M. Thibault Bazin, amendement AS687 de M. René Pilato et sous-amendement AS1182 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). Proposer au patient de bénéficier de soins palliatifs n’est pas suffisant, surtout en cas de difficulté à trouver un professionnel. Il faut véritablement orienter la personne vers un médecin spécialiste des soins palliatifs et s’assurer qu’elle y accède, sauf si son état de santé ne le requiert pas.
Une telle rédaction permet de montrer que l’on ne se contente pas de proposer, mais que l’on oriente. Au demeurant, il est courant qu’un médecin oriente un patient vers un spécialiste. Il faut se placer dans la situation concrète des personnes qui sont dans cette situation ; il s’agit de leur dire non « vous devriez recevoir des soins palliatifs », mais « consultez tel professionnel, spécialiste des soins palliatifs ».
M. René Pilato (LFI-NFP). Contrairement à M. Bazin, nous ne proposons pas d’orienter, mais nous insistons fortement sur l’accès aux soins palliatifs. Nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 10 : « 2° Informe la personne qu’elle peut bénéficier des soins palliatifs et d’accompagnement définis à l’article L. 1110‑10 et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ». Nous garantissons la liberté de choix du patient tout en donnant plus de force à la rédaction de l’alinéa, dont nous pouvons tomber d’accord qu’elle est trop faible pour assurer un accès effectif aux soins palliatifs.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon sous-amendement vise à assurer la cohérence de l’amendement avec la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement AS278 vise à rendre obligatoire l’orientation du patient vers des soins palliatifs, au détriment du libre choix du patient. J’y suis défavorable.
J’émets un avis favorable au sous-amendement AS1182 et à l’amendement AS687 sous-amendé.
M. Thibault Bazin (DR). Rien n’oblige un patient orienté vers un autre médecin à le consulter. Mon amendement n’entrave en rien la liberté de choix du patient. Il vise à remplacer une proposition susceptible de rester théorique à une orientation concrète vers un professionnel des soins palliatifs. Certes, on peut s’en tenir aux bonnes intentions. Dans la vraie vie, dire à un patient qu’il pourrait bénéficier de soins palliatifs, c’est moins fort que l’orienter vers ces derniers et lui dire qui peut lui en prodiguer.
M. Philippe Vigier (Dem). Pour Thibault Bazin, l’exigence n’est pas un vain mot. Je lui fais observer qu’« orienter » est moins fort que « proposer », qui est davantage qu’une orientation vers des soins palliatifs. Par ailleurs, l’alinéa 10 prévoit que le médecin « s’assure, le cas échéant, qu’elle puisse y accéder ». Cette rédaction a le mérite de l’honnêteté : vous savez comme moi que, dans certains territoires, les soins palliatifs ne sont pas complètement développés – à défaut d’équipe fixe, les soins sont assurés par une équipe mobile. Avec ces deux verrous, notre rédaction va bien plus loin que celle que vous proposez.
M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons l’amendement AS278, dont l’intention est distincte de celle qui sous-tend l’amendement AS687, d’autant que celui-ci, sous-amendé, fait passer au second plan les soins palliatifs par rapport aux soins d’accompagnement. Or nous nous sommes d’emblée accordés sur la définition de l’accompagnement, qui revêt des aspects médicaux, sociaux et humains, et inclut tout le spectre du soin, des soins précoces et de confort aux soins de support et palliatifs.
M. René Pilato (LFI-NFP). Notre collègue Bentz joue sur les mots. Le sous‑amendement AS1182 n’est rien d’autre qu’une disposition de cohérence avec la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, votée à l’unanimité. Pour nous, la liberté du patient est fondamentale. Quoi que l’on pense du présent texte, il ouvre un droit dont chacun est libre d’user ou non. Notre rédaction, qui prévoit d’informer le patient qu’il peut bénéficier de soins palliatifs et de s’assurer qu’il y accède, non seulement préserve sa liberté mais donne plus de force à l’alinéa 10 que la rédaction proposée par M. Bazin.
M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction proposée par l’amendement AS687 sous‑amendé, à laquelle le rapporteur est favorable, place d’un côté les soins d’accompagnement et de l’autre les soins palliatifs, ce qui introduit entre eux une forme de hiérarchie implicite, ce qui est assez troublant. C’est pourquoi nous avons proposé de préciser les choses. Les soins palliatifs ne doivent pas occuper une place mineure, ce qui risque d’être le cas si l’amendement AS687 sous-amendé est adopté.
Mme Annie Vidal (EPR). Aucune des rédactions proposées n’améliore l’alinéa 10, dont la rédaction est presque parfaite. M. le rapporteur et moi-même défendrons les amendements identiques, AS1129 et AS599, visant à substituer aux mots : « des soins d’accompagnement, y compris des soins palliatifs » les mots « de l’accompagnement et des soins palliatifs ». Si, de surcroît, nous supprimons les mots : « le cas échéant » en adoptant un sous-amendement à cet effet, la phrase est parfaite : « « 2° Propose à la personne de bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs définis au 2° de l’article L. 1110‑10 du présent code et s’assure qu’elle puisse y accéder ».
La commission rejette l’amendement AS278.
Puis elle adopte successivement le sous-amendement AS1182 et l’amendement AS687 sous-amendé.
En conséquence, les amendements AS494 de M. Éric Liégeon, AS928 de Mme Christine Loir et AS515 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS1129 de M. Laurent Panifous et AS599 de Mme Annie Vidal, les amendements AS1105 de M. Frédéric Valletoux, AS248 de M. Jean‑Pierre Taite, AS132 de Mme Justine Gruet et AS717 de M. Christophe Bentz, les amendements identiques AS62 de M. Patrick Hetzel et AS408 de Mme Justine Gruet, les amendements AS429 de Mme Sandrine Runel, AS1010 et AS1022 de M. Philippe Juvin, AS495 de M. Éric Liégeon et AS279 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques AS517 de Mme Karine Lebon et AS859 de Mme Nathalie Colin‑Oesterlé, les amendements identiques AS430 de Mme Sandrine Runel et AS481 de Mme Marie‑Noëlle Battistel ainsi que l’amendement AS277 de M. Thibault Bazin tombent.
Amendements AS280 de M. Thibault Bazin, AS968 de M. Philippe Juvin et AS145 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à renforcer la collégialité de la décision en prévoyant une consultation avec un psychologue ou un psychiatre. Comme l’a rappelé le président du comité d’éthique de l’Académie nationale de médecine lors de son audition par notre commission le 2 avril dernier, l’éthique est un questionnement collectif.
Je propose de rédiger ainsi l’alinéa 11 : « 3° Oriente la personne vers un psychologue clinicien ou un psychiatre et attend le retour du spécialiste avant de poursuivre la procédure d’aide à mourir. Seul un avis favorable peut permettre de poursuivre la procédure ». Il s’agit d’un gage de sécurité pour les personnes présentant des souffrances psychologiques en vue de les accompagner. Par ailleurs, une question – que soulevait l’amendement AS279, tombé – demeure en suspens : que se passe-t-il si le malade opte pour des soins palliatifs à rebours de sa demande initiale ?
M. Philippe Juvin (DR). L’alinéa 11 est ainsi rédigé : « 3° Propose à la personne de l’orienter vers un psychologue clinicien ou un psychiatre ». Mon expérience des urgences m’a appris qu’un patient en grande souffrance ou en décompensation d’une maladie psychiatrique auquel on propose de consulter un psychiatre refuse dans la plupart des cas, quand bien même il y a objectivement quelque chose à faire pour soulager sa souffrance. Je propose donc de rédiger l’alinéa 11 comme suit : « 3° Oriente la personne vers un psychologue clinicien ou un psychiatre qui s’assure que le demandeur ne présente pas de pathologie ou d’état affectant son jugement ».
M. Fabien Di Filippo (DR). Souscrivant à l’exigence rappelée par notre collègue Vigier, je m’inscris dans la démarche de MM. Bazin et Juvin. Nos auditions ont montré que la souffrance psychique est susceptible d’affecter le jugement et que son traitement peut éviter de recourir à l’euthanasie. Je propose donc de substituer aux mots : « Propose à la personne de l’orienter », les mots : « Oriente la personne », afin de rendre obligatoire la consultation d’un psychologue clinicien ou d’un psychiatre pour quiconque souhaite recourir au suicide assisté.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Ne rouvrons pas le débat que nous venons d’avoir entre les tenants de « proposer » et ceux d’« orienter ». Proposer une orientation est satisfaisant ; la rendre obligatoire n’est pas souhaitable. Par ailleurs, l’article 6 prévoit la consultation obligatoire de plusieurs personnels de santé.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Je souhaite rappeler l’importance de la relation thérapeutique et de la confiance dans les soins. Par-delà de la volonté de toute puissance du médecin, il faut avoir confiance dans l’expertise médicale. S’agissant d’un patient animé d’une volonté de mourir, quel que soit son état psychologique ou physique, il faut donner au médecin une place centrale dans le diagnostic et dans l’orientation vers les professionnels.
On ne peut se satisfaire d’une relation thérapeutique complètement déséquilibrée fondée sur une simple proposition, s’agissant notamment des patients les plus vulnérables. Il faut s’assurer de la prise en charge clinique du patient même si son état clinique l’amène à la refuser.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les auteurs des amendements suggèrent que la demande d’aide à mourir procède exclusivement d’une souffrance psychologique ou psychiatrique, laissant de côté les douleurs réfractaires sans lesquelles elle ne peut être formulée. Ils prônent la médicalisation de cette demande, alors même que le texte donne la parole à la personne qui la formule.
La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-huit heures.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Demander l’aide à mourir suppose non seulement une souffrance psychique, mais aussi des douleurs réfractaires. Il ne faut pas psychiatriser la question.
Psychologue clinicien, je suis bien placé pour savoir que nous ne recevons une formation permettant de nous prononcer sur la validité de la demande d’aide à mourir d’une personne que nous n’avons vue qu’une ou deux fois. Au demeurant, tel n’est ni le rôle ni le devoir d’un psychologue, moins encore d’un psychiatre, ce qui suggère que les auteurs des amendements, qui auraient pour effet d’alourdir la procédure, cherchent surtout à gagner du temps.
Madame Gruet, en proposant de prévoir une validation médicale, vous vous inscrivez à contre-courant du texte, qui est un prolongement de la loi Kouchner visant à faire exister d’autres avis que celui du médecin. Il importe que le choix appartienne à la personne souffrant de douleurs insupportables. Aucune validation a posteriori d’un psychologue ou d’un psychiatre n’est nécessaire.
M. Fabien Di Filippo (DR). Ces propos illustrent ce qui nous sépare de ceux qui sont favorables aux perspectives ouvertes par le texte. Pour vous, l’euthanasie est un sujet qui n’est pas uniquement médical. Elle est un droit social. Or tel n’est pas l’essence de notre société, qui doit prendre soin des plus fragiles, s’efforcer de les soigner, et accompagner la vie plutôt que la mort. En entretenant une forme de confusion entre des souffrances qui ne sont pas de même nature, en faisant en sorte que l’on s’affranchisse autant que possible de l’avis des médecins, non seulement vous ouvrez la porte à l’aide à mourir pour ceux qui sont vraiment en fin de vie et subissent des souffrances insupportables, mais vous exposez des gens dont la situation physique, psychique ou familiale est fragile à subir un sort qu’ils n’auront pas souhaité.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1130 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à supprimer le mot « clinicien » à l’alinéa 11. Cette notion ne figure pas dans le code de la santé publique.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS281 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il y a des impensés dans la procédure telle qu’elle est décrite dans la proposition de loi. L’un d’entre eux m’intrigue. Un médecin auquel un patient demande l’administration d’une substance létale procède à des vérifications, puis l’informe et l’oriente. S’il ressent le besoin de l’orienter vers un psychologue ou un psychiatre, doit-il attendre son avis pour poursuivre la procédure ? Cet avis doit-il être favorable ? Hier soir, M. le rapporteur a évoqué la possibilité de demander un second avis. Celui-ci devra-t-il être conforme ? S’il est négatif, la procédure s’arrête-t-elle ?
M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez faire dépendre la poursuite de la procédure de l’avis favorable d’un psychologue ou d’un psychiatre. Le texte prévoit de proposer à la personne de l’orienter vers un psychologue ou un psychiatre, dont l’avis n’est nullement contraignant. Un tel amendement, auquel je suis défavorable, aurait davantage sa place à l’article 6. Par ailleurs, il est contre-productif : une personne acceptant l’orientation vers un psychologue serait soumise à un avis contraignant, contrairement à une autre l’ayant refusée.
M. Thibault Bazin (DR). Si je comprends bien, la décision est collégiale mais les avis non contraignants. La question qui se pose est la suivante : si un médecin auquel une personne demande l’administration d’une substance létale lui propose de bénéficier de soins palliatifs si son état de santé le requiert, si elle peut y accéder et si elle le souhaite, la procédure est-elle interrompue ? La même question se pose si elle accepte d’être orientée vers un psychologue. Il ne suffit pas de formuler des propositions en s’armant de ses bonnes intentions.
Mme Justine Gruet (DR). L’avis du psychologue n’a pas nécessairement pour effet de faire changer les gens d’avis. Il faut cesser de croire que telle est notre obsession. Tout ce que nous voulons, c’est que les patients soient accompagnés au mieux. Il nous semble souhaitable que, dans le cadre de la procédure, le patient puisse discuter avec un psychologue, sinon pour le faire changer d’avis, du moins pour lui faire prendre conscience de ce dont il s’agit et l’accompagner tout au long d’une procédure conduisant à la mort.
Le patient peut en avoir besoin, ainsi que ses proches. Dans les pays où l’euthanasie ou le suicide assisté sont légalisés, il n’est pas rare que ceux qui y recourent n’en parlent pas à leurs proches, dont ils craignent le regard. Rendre consultatif l’avis du psychologue amoindrit l’accompagnement psychologique du patient.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Monsieur Bazin, les délais prévus par le texte s’imposent aux professionnels de santé, pas à la personne formulant la demande, qui peut à tout moment demander des informations, consulter et accepter une proposition d’orientation du médecin, nonobstant les délais supplémentaires qui en résultent.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Panifous, je m’adresse à la fois au rapporteur et au professionnel de la prise en charge des personnes âgées que vous êtes. Je souhaite bien comprendre le sens de votre réponse à M. Bazin.
Soit un patient remplissant toutes les conditions d’accès à l’aide à mourir présentant une dépression sévère et une souffrance afférente diagnostiquée par un psychologue ou un psychiatre. Sa capacité de juger n’est pas affectée, tant il est vrai que l’on peut être très dépressif, très triste et avoir des envies de mort sans perdre sa capacité de prendre des décisions. Dans cette situation, considérez-vous que l’on peut passer outre l’avis négatif du psychiatre si la personne persiste à vouloir recourir à l’euthanasie ?
M. Yannick Monnet (GDR). Pensez-vous que le psychiatre rend un avis de cette façon ? Moi non. Lorsqu’on les rencontre, les professionnels de santé nous font part de la difficulté de donner un avis. L’amendement donne un coup de canif à la collégialité en octroyant un droit de veto à chaque professionnel. Leur démarche collégiale consiste non à dire oui ou non, mais à discuter, évaluer et soupeser. Au demeurant, ils ne demandent pas un droit de veto.
M. Nicolas Turquois (Dem). Sur le fond, je suis fermement opposé à l’amendement. Sur la forme, M. Bazin est un législateur suffisamment expérimenté pour ne pas ignorer qu’il est à visée dilatoire. Il devrait figurer à l’article 4, relatif aux conditions d’accès à l’aide à mourir, ou à l’article 6, relatif à l’avis des professionnels de santé. L’article 5 traite des droits du demandeur de l’aide à mourir et des informations que le médecin doit lui fournir. Cet amendement a manifestement pour objet de retarder l’examen au fond des sujets.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bazin, votre amendement prévoit que le médecin peut, « le cas échéant », orienter le demandeur vers un psychologue, dont il devra attendre l’avis. Cela implique que l’avis sera facultatif. Or, aux termes de la seconde partie de votre amendement, « seul un avis favorable permet de poursuivre la procédure ». Cela contreviendrait au principe de collégialité.
Monsieur Hetzel, le juriste émérite que vous êtes sait bien comment les collèges de juges d’instruction prennent leurs décisions.
M. René Pilato (LFI-NFP). Imaginez une personne qui est mourante, le sait et dont les souffrances sont réfractaires à tout traitement médicamenteux. Pensez-vous qu’un psychologue la fera changer d’avis ? Ce n’est pas sérieux ! Comment demander à des personnes en bout de course de consulter un psychologue, « au cas où elles se tromperaient » ?
Au moment où l’orientation vers le psychologue aura lieu, le demandeur devra déjà satisfaire les critères prévus, dont les souffrances réfractaires. Or vous proposez d’allonger la procédure.
M. Stéphane Delautrette (SOC). D’après cet article, quand un malade exprimera le souhait d’accéder à l’aide à mourir au médecin, celui-ci devra lui présenter tous les accompagnements disponibles et pourra l’orienter vers un psychologue, si le malade en ressent le besoin, tout en précisant que, quand bien même le psychologue émettrait un avis favorable à la demande d’aide à mourir, le malade pourra interrompre à tout moment le processus.
La question est donc différente de celle que nous traiterons à l’article 6, quand il s’agira de déterminer la manière dont le médecin saisi de la demande se forgera sa propre opinion et prendra sa décision – après avoir recueilli l’avis d’un psychologue, s’il le souhaite. Ne confondons pas les deux débats.
Par ailleurs, le fait qu’un patient consulte un psychologue et bénéficie d’un accompagnement psychologique s’il le juge nécessaire n’empêchera pas le déroulement de la procédure. Et le patient pourra toujours décider d’annuler sa demande à tout moment. Vos propos ne reflètent donc pas la réalité et nous nous opposons à votre amendement.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cette série d’amendements me fait furieusement penser à l’obligation de consulter un psychologue en cas de demande d’IVG, qui a heureusement été supprimée il y a plusieurs années. De fait, le recours à l’IVG est une liberté fondamentale, comme doit l’être le droit à l’aide active à mourir.
La fin de vie est en soi une souffrance, un moment où l’on éprouve des regrets, le besoin de poser les choses. L’accès à un psychologue devrait donc être ouvert à toutes les personnes en fin de vie.
En réduisant cet accès aux demandeurs de l’aide active à mourir, nous les traitons comme si quelque chose leur faisait défaut alors qu’ils souhaitent simplement bénéficier d’une liberté. C’est au nom de cette liberté que nous défendons le présent texte, et non par défaut.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le recours à un psychologue ou à un psychiatre médicalisera les souffrances, ou en tout cas conduira à les traiter comme des pathologies, des anomalies. Or les souffrances réfractaires n’impliquent pas nécessairement de troubles psychiatriques, monsieur Juvin. Un malade doit pouvoir choisir quand il souhaite que des douleurs réfractaires cessent. Ce n’est nullement un trouble psychiatrique.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les patients concernés devront satisfaire des critères cumulatifs et avoir réitéré leur demande d’accéder à l’aide à mourir en toute conscience. Quand on est en fin de vie, on a le droit d’être un peu dépressif sans que cela relève de l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre. Ne stigmatisons pas les demandeurs et préservons la collégialité. Celle-ci doit permettre aux différents soignants, notamment, une discussion à bâtons rompus sur leur ressenti concernant la demande d’aide à mourir. Et je ne connais pas de psychiatre qui formulerait un avis tranché pour ou contre une demande. Laissons le patient libre de choisir sa prise en charge et de définir sa demande.
Mme Annie Vidal (EPR). Les premiers articles du texte définissent un droit, des critères d’accès à celui-ci, mais la suite est plus compliquée. L’article 5 définit le processus, c’est-à-dire toutes les actions qui sous-tendent, supportent la demande. L’article 6, lui, précise la procédure elle-même. Or ces deux articles sont intégrés dans un chapitre intitulé « Procédure ». Le texte est construit de telle manière qu’on peut parler de tout dans tout. Je comprends que chacun veuille préciser les choses par précaution, mais je crains que cela ne complique la compréhension et l’application du texte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS63 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). La proposition d’orientation vers un psychologue ou un psychiatre doit intervenir « dans le délai de quinze jours » dont le médecin disposera pour rendre son évaluation sur la demande d’aide à mourir. Nous nous assurons ainsi du consentement libre et éclairé du malade et de la réalité de sa volonté.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous ajoutez une notion d’obligation, alors que l’orientation vers un psychologue doit être simplement proposée au malade, dans le cadre de sa demande d’aide active à mourir. Quant à l’évaluation collégiale de cette demande, elle sera traitée à l’article 6.
Monsieur Juvin, je fais confiance à la collégialité prévue par le texte pour permettre aux médecins de trier entre les demandes d’aide à mourir acceptables et les autres.
M. Patrick Hetzel (DR). La législation belge, parmi d’autres, impose l’orientation ver un psychologue et un psychiatre. Malgré plusieurs révisions du dispositif depuis 2002, nos voisins belges ne sont jamais revenus sur ce point. Vous ne prenez pas suffisamment de précautions. Vous prétendez prendre les autres pays comme modèles, mais vous n’imitez qu’une partie du dispositif, au mépris de la sécurité de nos concitoyens.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question. Parmi les critères internationalement reconnus du diagnostic d’un épisode dépressif majeur figurent une « souffrance cliniquement significative » et la demande de mourir. Actuellement, ces épisodes sont pris en charge, en France comme dans beaucoup d’autres pays, par des antidépresseurs et une psychothérapie. Avec le texte, les victimes de tels épisodes dépressifs qui satisferaient par ailleurs les autres critères de l’aide active à mourir pourront-elles encore bénéficier d’une telle prise en charge ? Les médecins pourront-ils renoncer à traiter les cas de dépression sévère et accepter la demande d’euthanasie ?
M. Laurent Panifous, rapporteur. Il ne s’agit pas, avec ce texte, d’accepter automatiquement toute demande d’aide à mourir. Vous faites référence à mon passé de directeur d’établissement ; or, justement, ce ne sont pas les personnes comme moi qui traiteront ces situations complexes, mais les professionnels de santé. Je fais confiance à leur capacité de discernement. Ils sauront déterminer si la souffrance du malade peut ou non être soulagée, s’il accepte un traitement – ils lui rappelleront d’ailleurs qu’il a le droit de refuser tout traitement. La décision sera prise collégialement par le médecin désigné par le patient, un médecin tiers et un auxiliaire médical. Le médecin désigné par le patient pourra en outre solliciter d’autres spécialistes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS16 de M. Alexandre Portier
M. Alexandre Portier (DR). Le rôle des élus est de protéger les plus vulnérables et d’empêcher qu’ils se trouvent seuls face à leur souffrance, grâce à des garde-fous. Nous proposons que le patient soit obligé d’exprimer par écrit le choix de ne pas recourir à un psychologue clinicien ou à un psychiatre. Nous nous assurerions ainsi que le patient sera pleinement informé et volontaire et qu’il ne souffrira pas de pressions externes ou de troubles psychologiques qui n’auraient pas été traités. Le consentement doit être formalisé pour garantir la transparence et la sécurité de la procédure et donc la confiance dans l’ensemble de notre système de soins.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Je ne crois pas qu’en obligeant le malade à écrire qu’il refuse l’accès à un psychologue, nous garantirons qu’il n’est pas sous influence ; du moins, la garantie ne sera pas meilleure qu’avec un refus oral. Le refus de l’orientation vers un psychologue relève du libre choix des malades. Nous n’avons pas à leur imposer d’écrire leur souhait.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Comme beaucoup d’amendements défendus du côté droit de la salle, cet amendement aurait l’effet inverse de l’objectif affiché dans son exposé sommaire. En obligeant les patients à fixer tout de suite par écrit leur choix de consulter ou non un praticien de la santé mentale, vous les empêcherez de réfléchir. Ils refuseront immédiatement ces consultations. Forcer leur décision et raccourcir le temps de réflexion serait contre‑productif, du point de vue de vos objectifs.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS64 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Nous devons préciser que le psychologue « s’assure[ra] que la décision du patient ne souffre d’aucune pression extérieure ». Veillons à ce que la vulnérabilité des patients ne soit pas exploitée et évitons les abus.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Je vous renvoie aux dispositifs de contrôle de l’accès à l’aide à mourir prévus aux articles 2 et 6.
Il n’est pas nécessaire de préciser ce que devront faire les psychologues, d’autant que la consultation prévue à cet article ne sera que facultative. La recherche d’éventuelles pressions que vous demandez ne concernerait donc que ceux qui ont accepté de voir un psychologue.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS807 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). Le médecin doit préciser au patient qu’il peut renoncer non seulement à tout moment, mais également « par tout moyen ». Nous faciliterons ainsi l’expression du renoncement à la demande de mort.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Le texte précise à plusieurs reprises, notamment à l’article 10, que les patients pourront renoncer à leur demande à n’importe quel moment. L’ajout proposé me paraît inutile.
Je rappelle que les contraintes temporelles prévues dans le texte s’imposent aux seuls professionnels, et certainement pas aux demandeurs.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). C’est un bon amendement. Même si cette précision est prévue à l’article 10, relatif à l’arrêt des procédures, il est rassurant de la répéter ici, pour ceux qui hésitent et souhaitent des garde-fous.
M. Nicolas Turquois (Dem). Comme les amendements précédents, celui-ci vise à retarder les débats. Pourquoi ne pas préciser « partout, par tout moyen, en tout lieu, en toute heure » ? Comment un professionnel pourrait-il refuser qu’un patient renonce à l’aide à mourir ? Vous pervertissez les intentions des uns et des autres. C’est regrettable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS832 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous proposons que le médecin explique ce qu’est l’aide à mourir non seulement au demandeur mais aussi « à sa personne de confiance et aux membres de sa famille, si ces derniers le souhaitent. »
En Belgique, les membres de la famille et les personnes de confiance d’une personne ayant demandé l’euthanasie ne sont pas forcément informés de cette demande. Certains ont ainsi découvert, alors qu’ils allaient rendre visite à un proche, que celui-ci avait été euthanasié. Les souffrances psychiques ont été considérables, comme l’a montré l’arrêt Mortier du 4 octobre 2022 de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est essentiel d’éviter que les membres de la famille et les personnes de confiance soient pris au dépourvu.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Selon moi, ce n’est pas aux membres de la famille qu’il faut demander s’ils souhaitent des informations sur le droit à mourir, mais au patient lui-même qu’il faut demander s’il souhaite informer sa famille. Rien dans le texte ne l’en empêche. L’obligation d’informer des tiers d’une décision personnelle me paraît délétère.
La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie par M. Mortier après le décès de sa mère, qui avait bénéficié de l’aide à mourir. Il reprochait aux autorités belges de ne pas l’avoir informé ni associé à la décision et contestait la conformité de la procédure à la convention européenne des droits de l’homme. Les conclusions de la Cour ont été très claires. Elle a validé le cadre légal belge, jugeant qu’il ne violait pas les articles 2 et 8 de la convention et offrait un cadre législatif adéquat, qui ne remettait nullement en cause le droit à la vie.
La Cour a estimé que, dans le cas d’espèce, la procédure avait été respectée. Mme Mortier avait choisi de ne pas informer son fils de sa décision, conformément à la loi belge et au secret médical. Toutefois, la Cour a critiqué la composition de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Nous devrons être pointilleux lorsque nous définirons la composition de son pendant français, dans quelques articles.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement prévoit bien que les membres de la famille et les personnes de confiance pourront être informés « s’ils le souhaitent », car il faut les protéger, leur permettre de se préparer à l’euthanasie ou au suicide assisté de leur proche. S’ils ne sont pas au courant, je crains l’effet que l’euthanasie de leur proche aura sur eux.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Vous vous inquiétez des conséquences psychologiques sur l’entourage d’une personne ayant recours à l’aide à mourir. Oui, avoir un proche en fin de vie peut avoir des conséquences psychologiques, que celui-ci recoure ou non à l’aide à mourir. De fait, cette aide ne concernera que des personnes par ailleurs condamnées à mourir dans les jours ou semaines suivantes. Nous défendons donc divers amendements visant à renforcer le soutien de l’entourage de la personne en fin de vie.
Le cœur du sujet n’en est pas moins l’expression de la volonté autonome, libre et éclairée de la personne en fin de vie de disposer d’elle-même jusqu’au bout. L’obligation d’information ne concerne qu’elle. Et elle seule doit déterminer le niveau d’information qu’elle souhaite transmettre à telle ou telle personne.
Si le patient souhaite que sa personne de confiance ou les membres de sa famille soient informés, il faut le faciliter. Mais il ne revient pas au législateur de l’imposer.
M. Patrick Hetzel (DR). Certes, monsieur Falorni, dans l’arrêt Mortier, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu le caractère adéquat du droit belge. Toutefois, elle a identifié des défaillances procédurales dans le contrôle a posteriori de l’euthanasie et elle a relevé le défaut d’indépendance de Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Ces points sont essentiels. Nous avons déposé des amendements afin de garantir la présence de traces écrites, car celles-ci permettent d’assurer un contrôle indépendant a posteriori.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Quand un patient est suivi médicalement, quelle que soit la pathologie, il n’est nul besoin d’écrire dans la loi que son accompagnateur peut obtenir des explications auprès de la communauté médicale, dès lors que le patient est d’accord. Je n’ai jamais entendu parler de médecins qui refuseraient de donner des explications à un proche si le patient est d’accord.
En revanche, il ne faut pas obliger le médecin à prévenir les membres de la famille du patient de sa demande d’aide à mourir. C’est une démarche personnelle, individuelle.
Vous insistez pour garantir que ces demandes seront formulées de manière libre et éclairée, indépendamment de toute emprise extérieure. N’obligez donc pas le médecin à informer ses proches.
M. Philippe Vigier (Dem). La question relève du secret médical, lequel concerne directement le patient. Libre à lui de demander au médecin d’expliquer sa démarche à une personne de confiance. Mais si vous obligez le médecin à informer ces tiers, n’est-ce pas une forme de mise sous tutelle du patient, alors même que nous voulons, tout au contraire, garantir la totale autonomie de leur décision ? Cet amendement serait dangereux.
Mme Justine Gruet (DR). Alors que le texte devait être équilibré et mesuré, nous prévoyons moins de garde-fous qu’en Belgique. Dans ce pays, une demande écrite est nécessaire, afin de garantir la traçabilité de la démarche – vous la refusez ; il est prévu de s’assurer que le patient ne subit pas de pression extérieure – vous confiez cette mission au corps médical, qui n’est pourtant pas compétent en la matière ; un délai d’un mois est nécessaire entre le dépôt de la demande et l’euthanasie – avec vous, le délai ne sera que de dix-sept jours. Enfin, un second examen médical est prévu – pas dans votre texte, où la collégialité n’est qu’apparente.
Chacun votera en son âme et conscience, mais, en refusant des garde‑fous supplémentaires, vous aboutissez à un dispositif beaucoup moins équilibré que celui initialement proposé et en tout cas très différent de celui en vigueur en Belgique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS718 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous aurions pu gagner des heures de débat si le texte avait formulé les choses en vérité. Pour l’heure, le débat sémantique est seulement enclenché, car vous n’avez pas répondu à nos questions.
Le suicide existe depuis toujours, malheureusement. Personne ne conteste que l’acte qui consiste à mettre fin à sa vie, en s’injectant une substance létale, quand on souffre trop, est un suicide. En quoi votre texte prévoit-il un acte différent ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous avez parfaitement compris le texte, et j’ai déjà dû vous répondre soixante-dix-huit fois ; j’ai une forme d’admiration pour votre persévérance, et je ne doute pas que vous admirerez ma propre persévérance à répéter que les termes « aide à mourir » sont adéquats. Les termes de « suicide assisté » seraient en effet source de confusion et celui d’« euthanasie » est associé à l’idéologie nazie. Ils ne sont donc pas acceptables.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Préparons-nous encore à de longs débats sur le sujet. Il reste encore soixante-douze amendements visant à inscrire le terme « euthanasie » dans le texte.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.
Présidence de Mme Annie Vidal, vice-présidente de la commission
Amendement AS969 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Pour tout soin il est nécessaire d’informer le patient sur les bénéfices attendus, mais aussi et surtout sur les éventuelles complications, qu’elles soient exceptionnelles ou plus fréquentes. Si l’on considère que la mort assistée est un soin, il me semble donc logique de lui appliquer cette jurisprudence.
Selon la base de données de l’Oregon, très complète, sur les 1 200 personnes ayant reçu une aide à mourir entre 1998 et 2004, 94 avaient souffert de complications – dont 59 cas de régurgitations, 9 réveils et 5 cas de convulsions. L’efficacité de l’acte peut également être évaluée à l’aune du délai d’obtention du décès, qui va de 1 minute à 137 heures, soit cinq jours, avec un délai médian de 36 minutes. Il faut que la personne qui demande à bénéficier de l’aide à mourir ait bien ces chiffres en tête ; ils sont partie intégrante du processus de décision.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je ne crois pas qu’un tel niveau de détail relève de la loi. Au reste, l’article 5 dispose déjà que le médecin explique à la personne la mise en œuvre de l’aide à mourir, ce qui recouvre à la fois les modalités d’administration et l’action de la substance létale, et les éventuels risques et complications. L’article 13 prévoit en outre qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’information du patient.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Savoir qu’il pourrait s’écouler jusqu’à cinq jours entre l’ingestion de la substance létale et le décès est une information de nature à faire réfléchir le patient qui demande à mourir ; c’est pourquoi j’insiste pour qu’elle lui soit communiquée. Il semble que vous refusiez une information quoi soit la plus exhaustive possible, et on comprend pourquoi.
Mme Justine Gruet (DR). Pour toute opération, le protocole est expliqué au patient, qui doit signer un document. Il est très surprenant de refuser d’entrer dans le détail s’agissant de l’administration de la substance létale.
Bien entendu, l’information devra être modulée en fonction de la sensibilité du patient et du professionnel de santé qui la délivre. Il s’agit seulement de s’assurer que les modalités d’administration sont détaillées – la substance sera-t-elle administrée par intraveineuse ou faudra-t-il avaler un comprimé ? Que se passe-t-il ensuite ? Ces précisions sont de nature à tranquilliser un peu les patients.
M. Patrick Hetzel (DR). Ce texte s’inscrit dans une éthique à la française. Comme cela a été dit, en cas d’opération, le patient reçoit une information très complète sur les risques encourus – il doit d’ailleurs y consentir. Pourquoi donnerait-on moins d’informations sur l’administration de la dose létale que pour une simple intervention chirurgicale ? C’est paradoxal, et je suis très étonné de telles réticences. Nous souhaitons tous agir dans l’intérêt des patients, et l’amendement va pleinement dans ce sens.
M. Jean-François Rousset (EPR). Les éventuelles complications liées à une opération sont toujours annoncées avec tact et mesure : on n’indique pas de but en blanc à un patient devant subir une opération lourde qu’il a 20 % de chances de mourir sur la table.
En outre, la demande d’aide à mourir est une démarche volontaire, donc la situation est différente.
M. Michel Lauzzana (EPR). L’article 16 prévoit l’élargissement des compétences de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui seront chargées d’établir de bonnes pratiques. Je leur fais confiance pour proposer des protocoles plus efficaces que ceux utilisés dans l’Oregon.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS282 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). À l’image des situations qu’il traite, le texte est complexe, et il est normal que l’on s’interroge sur l’articulation des articles. L’article 5 porte sur les droits du patient en matière d’information, et l’article 6 sur les obligations et responsabilités du professionnel qui instruit la demande d’aide à mourir : il y a bien un lien entre les deux.
Contrairement à ce que vous avez dit, la procédure n’est collégiale qu’en apparence car la décision prise par le médecin à l’issue de l’instruction, elle, ne l’est pas – le président du Conseil national de l’Ordre des médecins appelait d’ailleurs à davantage de collégialité. Cet amendement vise à s’assurer que les avis des professionnels en soins palliatifs, psychologues et psychiatres seront bien pris en considération dans la décision finale.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cela me semble relever davantage de la procédure prévue à l’article 6. Quoi qu’il en soit, votre proposition va à l’encontre de la logique que vous avez, à juste titre, défendue jusqu’à présent : elle pénaliserait les patients qui accepteraient d’être orientés vers les soins palliatifs et de rencontrer un psychiatre ou un psychologue, puisque l’avis favorable de ces professionnels serait alors nécessaire pour la poursuite de la procédure d’aide à mourir. Ce serait contre-productif.
M. Philippe Vigier (Dem). Les alinéas 5 à 8 de l’article 6, très clairs, disposent bien que le médecin recueille l’avis d’un médecin qui remplit les conditions prévues au premier alinéa du I de l’article L. 1111-12-3 et d’un auxiliaire médical, et qu’il peut également recueillir l’avis d’autres professionnels. Le médecin qui instruit le dossier devra donc recueillir au moins deux autres avis, qui pourront faire basculer la décision finale : la décision est bel et bien collégiale.
Vous qui aimez une loi limpide et bien organisée, vous semblez prendre un plaisir singulier à mélanger les articles 5 et 6 : examinons-les l’un après l’autre, le texte n’en sera que plus pertinent.
M. Thibault Bazin (DR). Effectivement, monsieur le rapporteur général, mon objectif n’était pas de décourager un patient qui accepterait d’être orienté vers un médecin en soins palliatifs ou de voir un psychologue. Mais il est important que le patient sache si les avis sollicités par le médecin dans le cadre de l’instruction de sa demande seront pris en considération. Et quid de la demande si le patient qui le souhaite ne peut pas accéder aux soins palliatifs ou à un psychologue dans les délais impartis ? Quoique vous en disiez, toutes ces questions qui ont trait à l’instruction ont une incidence sur la demande.
Reste que j’entends les remarques du rapporteur général : je retire mon amendement et le retravaillerai d’ici à l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS65 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Pour éviter tout risque de contentieux, l’amendement tend à préciser qu’il revient au médecin suivant la demande d’aide à mourir d’informer le patient de l’éventuelle incompatibilité de sa situation médicale avec les critères d’accès à l’aide à mourir définis à l’article 4. Il semble logique que ce soit ce médecin référent qui indique au patient que sa demande ne peut être accueillie favorablement.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable.
Le médecin ne peut pas affirmer à un patient qu’il n’est pas éligible au dispositif avant même que la procédure de vérification ait commencé. Je rappelle que cette procédure est collégiale et dure quinze jours.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS841 de Mme Sandrine Dogor-Such, amendement AS623 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Toujours dans une volonté de protection du patient qui demande l’aide à mourir, cet amendement prévoit que la personne de confiance est informée par écrit, dans un délai de dix jours, lorsqu’une demande d’aide à mourir a été formulée. Cela lui évitera d’apprendre cette décision tardivement, et lui permettra donc de s’y préparer en obtenant davantage d’informations sur la suite.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS623 est défendu.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Si je comprends la nécessité d’informer la personne chargée de la protection juridique d’un patient qui en ferait l’objet, l’information de la personne de confiance ne relève pas de la compétence du médecin. C’est au patient, et à lui seul, de l’informer s’il le souhaite. En outre, la désignation d’une personne de confiance n’est pas obligatoire. En pratique, il n’est donc pas toujours possible, pour ne pas dire rare, d’informer ce tiers.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Et si la personne de confiance a les directives anticipées du patient et qu’elle arrive trop tard ? Le patient a pu confier à cette personne certaines volontés, y compris pour après son décès. Il faut également préparer la famille au choc psychologique.
Mme Justine Gruet (DR). Il faut respecter le choix du patient, c’est une question d’éthique. Au reste, une personne qui se suicide ne prévient pas forcément ses proches, même si les choses sont évidemment un peu différentes dans le cadre de la fin de vie.
Néanmoins, le rendez-vous avec le psychologue peut être l’occasion de sensibiliser les patients à la question de l’accompagnement. Certains voudront dire au revoir à leurs proches, d’autres préféreront ne pas les voir de peur qu’ils ne cherchent à les faire changer d’avis. Parallèlement, cette décision peut créer un choc post-traumatique important pour les proches qui n’auraient pas pu accompagner le patient jusqu’au bout. Il me semble important de sensibiliser le patient, sans l’obliger, évidemment, à informer la personne de confiance de sa demande d’aide à mourir s’il préfère mener cette démarche de manière solitaire.
M. Christophe Bentz (RN). Faute d’avoir réussi à faire rejeter le texte, nous cherchons volontairement à complexifier le protocole – en l’espèce, en instaurant des délais – pour restreindre au maximum l’accès à l’aide à mourir et au suicide assisté, sécuriser la procédure et protéger les Français. C’est notre conviction, elle est tout aussi respectable qu’une autre.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Rien n’empêche un patient d’informer ses proches de sa décision ; chacun est libre de ne pas le faire. Au nom de quoi nous permettrions‑nous d’obliger des personnes en fin de vie à prévenir leurs proches, avec tout ce que cela peut générer comme réactions ou tentatives de manipulation pour qu’elles reviennent sur leur décision ? Il est honteux de vouloir leur imposer cette charge mentale supplémentaire au moment où ils font face à une décision si difficile.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La fin de vie est un processus long : même si la famille n’est pas forcément d’accord avec la décision du patient, en général, ils ont eu le temps d’en discuter ensemble ; et ceux qui n’ont pas de famille en parlent avec les soignants. Ce n’est pas une décision prise à l’emporte-pièce, du jour au lendemain, en excluant la famille : la réflexion commence bien en amont de la demande et, à l’exception des familles où les relations sont conflictuelles, auquel cas le patient peut choisir de ne pas avertir son entourage, l’information de la famille se fait tout naturellement.
M. Philippe Vigier (Dem). C’est une responsabilité supplémentaire pour le patient mais, dans les situations dont nous parlons, la fin de vie n’arrive pas du jour au lendemain. Dans les familles, on en parle.
Monsieur Hetzel, vous qui êtes toujours si prompt à évaluer tous les contentieux possibles, que se passe-t-il si le patient n’informe pas par écrit la personne de confiance ?
M. René Pilato (LFI-NFP). En réalité, c’est le fait qu’une personne puisse disposer de son corps jusqu’à la dernière minute qui vous pose problème. Vous ne voulez pas qu’une personne puisse choisir, en son âme et conscience, de mettre fin à ses jours, et donc vous cherchez toutes les excuses possibles pour retarder la décision – M. Bentz vient de l’avouer –, faire culpabiliser le patient, convaincre la famille ou les psychiatres de le faire changer d’avis. Ce faisant, vous occultez un élément fondamental : cette personne souffre, et elle va mourir.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est une réflexion intéressante : il ne s’agit pas de refuser à un patient le droit de mourir, toute personne est libre de ses choix. Mais est-ce à la société d’organiser la fin de vie dans tous ses détails ?
Il existe un lien compassionnel entre soignants et patients – c’est d’ailleurs ce qui a guidé la loi Claeys-Leonetti. Mais demander à mourir est une décision individuelle, et je ne comprends pas pourquoi la société s’immiscerait dans l’organisation de la mort de l’un de ses membres. Personnellement, j’aurais préféré qu’on se contente de dépénaliser l’aide à mourir pour les médecins, à l’instar de ce qui avait été décidé initialement pour l’IVG.
M. Hervé de Lépinau (RN). Je souscris à l’analyse du collègue Pilato. Si nos positions sont si opposées, c’est parce que le débat est à la fois philosophique, éthique, moral et civilisationnel. Pour certains, il est évident qu’il faut avancer rapidement vers l’euthanasie et le suicide assisté ; d’autres estiment nécessaire de ralentir, car cette orientation heurte des conceptions anciennes, qui fondent d’ailleurs notre droit.
Le texte présente plusieurs effets de bord, et je vous garantis que, si nous l’adoptons en l’état, il y aura de nombreux contentieux, en particulier sur la preuve du consentement – il y en aura toujours pour dénoncer l’administration de la substance létale à des personnes qui ne l’auraient prétendument jamais demandée.
M. Patrick Hetzel (DR). Attention à ne pas fausser le débat. Contrairement à ce qui vient d’être dit, nous ne sommes pas insensibles à la souffrance du patient. Seulement, il existe des moyens de lutter contre cette souffrance, comme les soins palliatifs ou, dans certains cas, la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti. Une loi d’équilibre doit permettre de protéger le patient qui souffre, particulièrement vulnérable, de tout abus.
N’oublions pas que les dispositions d’une loi sont appliquées au nom du peuple français. Or, même si la dose létale sera administrée par un soignant volontaire, donner la mort n’est pas un acte anodin – c’est d’ailleurs considéré comme un homicide dans le code pénal. Il s’agit donc bien ici de dépénaliser l’acte de donner la mort.
M. Yannick Monnet (GDR). Je ne crois pas qu’il y ait, d’un côté ceux qui veulent aller très vite, et, de l’autre, ceux qui veulent ralentir : le débat est bien plus complexe, comme nous l’a prouvé l’examen du texte l’an dernier.
La fin de vie est déjà prise en charge par la société.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pas la mort !
M. Yannick Monnet (GDR). Bien sûr que si ! La sédation longue mène elle aussi à la mort.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il n’y a pas d’intention de donner la mort !
M. Yannick Monnet (GDR). Mais si ! Il faut arrêter de se raconter des histoires.
Si on se contente de dépénaliser l’aide à mourir, ce ne sera toujours pas un droit ; c’est pourtant nécessaire pour garantir un accès équitable à cette pratique et l’encadrer correctement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS516 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS628 de Mme Geneviève Darrieussecq
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le monde médical est très divisé sur l’idée de donner la mort, et 85 % des acteurs des soins palliatifs y sont défavorables. Ce n’est pas le tout d’adopter des textes, encore faut-il qu’ils soient appliqués : pour que l’aide à mourir soit effectivement accessible partout, il faut des soignants pour l’administrer.
L’an dernier, nous avions longuement souligné l’importance que le geste soit effectué par des médecins volontaires. Cet amendement de notre collègue Darrieussecq prévoit que le médecin chargé d’instruire la demande à mourir fournit au patient le nom de professionnels de santé volontaires inscrits au registre mentionné au nouvel article L. 1111‑12‑3 du code de la santé publique.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous en avons déjà beaucoup débattu. Cette proposition restreindrait l’accès au dispositif. Au reste, l’amendement s’intègre mal dans la procédure : si un médecin décide d’objecter sa clause de conscience, il doit le faire immédiatement, en renvoyant éventuellement le patient vers la liste de médecins volontaires, et non après avoir lui avoir proposé une orientation vers des soins palliatifs, un psychologue ou un psychiatre, et encore expliqué les conditions d’accès à l’aide à mourir et les modalités de sa mise en œuvre.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Peut-être pourrait-on introduire cette disposition après l’alinéa 8, afin que le médecin qui souhaite opposer sa clause de conscience le fasse dès le début du protocole ? Cela nous ramène à la discussion précédente : à quel moment la clause de conscience doit-elle être invoquée – au moment de l’information, au début de la procédure ?
Mettons-nous un instant à la place d’un médecin qui a noué un lien de confiance avec son patient mais ne souhaite pas pratiquer l’aide active à mourir. Disposer d’une liste de volontaires permettrait de ne pas rompre cette alliance thérapeutique tout en respectant à la fois la décision du patient, légitime et respectable, et les convictions du médecin qui ne souhaite pas se retrouver seul face à cette demande lourde de conséquences.
M. Philippe Juvin (DR). En proposant de communiquer les coordonnées de professionnels de santé volontaires, cet amendement me semble de nature à faciliter l’application de la proposition de loi. Alors même que je suis opposé à celle-ci, j’ai défendu hier un amendement semblable, pour des raisons de transparence. Je ne comprends donc pas votre opposition à l’impératif démocratique qu’il promeut.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1015 M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Que nous soyons pour ou contre ce texte, nous sommes d’accord pour nous assurer que le demandeur ne fait l’objet d’aucune pression – dans des familles qui ne sont pas aimantes ou lorsque des héritages sont longs à venir, par exemple. C’est pourquoi je propose que le médecin s’assure que le demandeur ne fait l’objet d’aucune pression financière ou sociale.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 6 prévoit que le caractère libre et éclairé de la demande est évalué par le médecin. Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il est de notre responsabilité de législateurs d’anticiper les effets de bord de la loi que nous votons ! Même si 90 % des demandes d’accéder à la mort se feront librement, nous devons nous préoccuper des 10 % restants. Penser que la captation d’héritage ou la volonté de se débarrasser d’un vieux encombrant n’existent pas, c’est faire preuve d’un angélisme qui ne sert pas la cause que vous défendez !
De plus, l’adoption de cet amendement permettra au médecin de signaler un abus au parquet.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est inscrit dans ce texte, à plusieurs reprises, que la demande doit être « libre et éclairée » et que les professionnels de santé doivent s’en assurer. Les précisions que vous demandez sont donc inutiles.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pour nombre d’entre nous, l’aide à mourir est un nouveau droit et sa création n’a pas d’impact sur ceux qui ne sont pas concernés. J’estime pour ma part qu’elle aura une répercussion sur l’ensemble de la société : elle peut, involontairement, créer une pression sur des patients qui auraient le sentiment d’être un poids pour leurs proches et pour la société.
Cet amendement n’est peut-être pas placé au bon endroit, mais nous devons y réfléchir.
M. Patrick Hetzel (DR). Dans les pays où l’aide à mourir a été instaurée, les plus fragiles socialement se retrouvent parfois dans le cas de figure décrit par notre collègue Isaac‑Sibille. En tant que législateurs, notre rôle consiste à protéger nos concitoyens autant que possible.
M. Philippe Juvin (DR). Donner un avis favorable à cet amendement montrera votre volonté de progresser, monsieur le rapporteur. Chaque année, on dénombre environ un millier de condamnations pour abus de faiblesse à l’encontre de personnes âgées, notamment celles en situation de handicap.
Cet amendement est peut-être imparfait, mais il a le mérite de poser les bonnes questions.
M. Philippe Vigier (Dem). Du point de vue pratique, comment envisagez-vous d’appliquer cet amendement ? En menant une enquête financière ou sociale, en auditionnant tous les membres de l’entourage du demandeur ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1008 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Philippe Vigier, tous les jours des médecins s’assurent que leurs patients ne sont pas soumis à des pressions ou à des influences, sans pour autant mener une enquête policière.
Par ailleurs, le présent amendement constitue un début de réponse à votre interrogation : il propose de prévoir, dans le texte, que le médecin rencontre le demandeur seul, sans la présence d’un tiers, afin d’éviter toute pression éventuelle.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Ce texte tient compte du risque de pression extérieure puisque l’article 6 prévoit la recherche d’un consentement libre et éclairé.
Par ailleurs, cet amendement me semble contradictoire avec de précédents amendements demandant la présence d’un tiers, notamment d’un notaire. En définitive, le demandeur est libre de choisir d’être accompagné ou non. S’ils l’estiment nécessaire, les médecins ont toute latitude pour recevoir leurs patients en tête-à-tête. En tout état de cause, je leur fais pleinement confiance.
Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mettons-nous à la place d’un médecin faisant face à un patient qui se considère comme un poids pour son entourage et pour la société, et qui demande l’aide à mourir. Quelle serait pour vous la réponse à apporter, monsieur le rapporteur ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Un médecin peut tout à fait proposer à un patient de le recevoir seul, que nous adoptions cet amendement ou non. Mais l’imposer revient à exclure tous ceux qui ont besoin d’assistance, parce qu’ils sont en situation de handicap ou parce qu’ils ne parlent pas français – ou pas suffisamment bien. En cela, cet amendement est validiste.
M. Patrick Hetzel (DR). La procédure d’émancipation des mineurs prévoit un colloque singulier entre un magistrat et le mineur demandeur, en dehors de la présence de son avocat – susceptible d’être rémunéré par les parents. Ne faudrait-il pas nous assurer d’une protection similaire pour une demande d’aide à mourir ?
Ce que propose cet amendement n’a rien d’extraordinaire : cela existe dans notre droit pour des mesures bien plus banales.
M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement ne vise évidemment pas à empêcher un patient d’être reçu en présence d’un proche. Mais, une fois que la consultation s’est déroulée de la façon la plus satisfaisante possible – en présence d’un proche ou d’un interprète le cas échéant –, obliger le médecin à recevoir le patient seul constitue un élément de sécurité supplémentaire.
Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de faire confiance ou non aux médecins, mais de prévoir un cadre permettant de s’assurer de l’intention de la personne concernée.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Hier, vous avez expliqué que le demandeur devrait être accompagné de deux témoins attestant du sérieux de sa demande ; aujourd’hui vous dites qu’il doit être reçu seul par le médecin pour s’assurer qu’il n’est pas soumis à des pressions extérieures. Tout cela est contradictoire.
Vous l’avez dit vous-même, monsieur Juvin : chaque jour, les médecins sont amenés à s’assurer que leurs patients ne subissent aucune forme de pression.
Enfin, rappelons que cinq critères cumulatifs doivent être remplis avant de pouvoir demander l’aide à mourir.
M. Philippe Vigier (Dem). Ce texte ne concernant pas les mineurs, votre raisonnement ne s’applique pas, monsieur Hetzel.
Par ailleurs, nulle part dans le texte il n’est indiqué que le demandeur doive systématiquement être rencontré en présence d’un tiers. Le colloque singulier entre un médecin et son patient a lieu assez naturellement.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans le notariat, on rencontre souvent les personnes seules, notamment lorsqu’il est question de donations. Je ne comprends donc pas la réticence de certains à prévoir une rencontre en tête-à-tête entre un médecin et un patient. La présence de témoins, dont il a été question hier, avait pour but de protéger le médecin, alors que cet amendement vise à protéger les patients de toute forme de pression.
Nous ne cessons d’éviter toute mesure qui permettrait d’encadrer la démarche et d’éviter les contentieux ; c’est incompréhensible.
La commission rejette l’amendement.
La réunion s’achève à vingt heures.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Hendrik Davi, M. Stéphane Delautrette, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Marine Hamelet, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Pauline Levasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Pierre Meurin, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor
Assistaient également à la réunion. – M. Alexandre Dufosset, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Juvin, M. Eric Liégeon, Mme Frédérique Meunier, M. Alexandre Portier