Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................30

 

 

 

 

 


Mardi
29 avril 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 75

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


  1 

La réunion commence à vingt-et-une heures cinq.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs).

Article 5 (suite) : Demande d’accès à l’aide à mourir

Amendement AS660 de Mme Angélique Ranc

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 : Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale

Amendement de suppression AS348 de Mme Marine Hamelet

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS809 de Mme Marie-France Lorho

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS483 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Pour vérifier la condition liée à la nationalité française et à la résidence, nous prévoyons la possibilité pour le médecin de solliciter le préfet qui devra lui répondre sans délai. L’urgence de la situation impose une réponse rapide, malgré l’engorgement des services.

M. Laurent Panifous. À l’heure de la simplification, il ne me paraît pas pertinent d’alourdir la charge des administrations avec de nouvelles missions. Par ailleurs, l’article 13 de la proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d’État les conditions d’application du chapitre consacré à la procédure, notamment la procédure de vérification des critères prévus à l’article 2.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS69 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de rendre obligatoire pour le médecin la saisine du juge du contentieux de la protection lorsqu’il a des doutes sur le fait que la demande du patient a été exprimée de manière libre et éclairée. La décision devra être rendue sous huit jours, comme pour les procédures de référés.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je peine à comprendre en quoi un juge serait plus à même de procéder à une telle évaluation qu’un médecin. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Notre droit octroie dans beaucoup de cas ce rôle au juge, tout juriste vous le confirmera.

M. Philippe Juvin (DR). Une telle procédure existe déjà pour les dons intrafamiliaux d’organes : elle est bien rodée et les décisions sont rapides compte tenu du caractère urgent des greffes. J’ajoute que vos arguments me font sourire, monsieur le rapporteur. M. Vigier ne s’interrogeait-il pas tout à l’heure sur la capacité du médecin à évaluer le caractère libre et éclairé de la demande du patient ? Si le juge, selon vous, n’est pas non plus bien placé pour se prononcer, qui pourra le faire et selon quels critères ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1131 de M. Laurent Panifous, AS719 de M. Christophe Bentz et AS1064 de M. Eddy Casterman (discussion commune)

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement AS719 est défendu.

M. Eddy Casterman (RN). Compte tenu du caractère irréversible de l’euthanasie ou du suicide assisté, nous considérons qu’il faut prendre en compte plus largement ce qui peut altérer le discernement : au-delà de la maladie, il y a les souffrances physiques, psychologiques, matérielles ou sociales. Il s’agit de protéger les 36 % de Français qui, selon une enquête récente publiée par France Info, redoutent de devenir un fardeau financier pour leurs proches. Rien dans cet article ne permet en effet au médecin de refuser une euthanasie s’il constate que le discernement de son patient est altéré par les pressions matérielles exercées par ses proches ou son entourage familial. Il importe, en outre, de distinguer parmi les souffrances physiques et psychologiques, celles qui sont curables : elles ne devraient pas ouvrir le droit à l’euthanasie. Nous voulons ainsi consacrer la primauté des soins palliatifs.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous voulez exclure de l’aide médicale à mourir les personnes dont une souffrance physique ou psychologique curable, un handicap mental ou un environnement matériel et social dégradé altèrent gravement le discernement. De telles précisions sur ce qui peut entraver la manifestation d’une volonté libre et éclairée sont inutiles car l’article 2 définit clairement ce que celle-ci recouvre.

Avis défavorable sur les amendements AS719 et AS1064.

M. Thibault Bazin (DR). Le critère d’éligibilité est clair mais tout le problème est de savoir comment le médecin peut vérifier s’il est rempli, notamment au regard des mesures de protection car le registre national des mesures de protection n’est pas encore entré pleinement en vigueur.

La commission adopte l’amendement AS1131.

En conséquence, les amendements AS719 et AS1064 tombent ainsi que les amendements AS359 de Mme Marine Hamelet, AS1076 de M. Théo Bernhardt, AS1097 de M. Julien Odoul et AS810 de Mme Marie-France Lorho, les amendements identiques AS285 de M. Thibault Bazin, AS872 de Mme Lisette Pollet et AS949 de M. Philippe Juvin et l’amendement AS70 de M. Patrick Hetzel.

Amendement AS1099 de M. Julien Odoul

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

L’amendement AS600 de Mme Annie Vidal est retiré.

Amendement AS133 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). À l’alinéa 3, le terme « reconnue » nous semble préférable à « regardée ». Le verbe « regarder » n’a aucune consistance juridique, à l’inverse de « reconnaître », qui peut porter sur un état, une situation.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable : cette substitution ne me semble pas présenter d’intérêt d’un point de vue rédactionnel.

M. Philippe Vigier (Dem). Je voterai en faveur de cet amendement : on reconnaît un état, on ne le regarde pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS720 de M. Christophe Bentz

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS916 de Mme Danielle Simonnet

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Comme d’autres de nos amendements, cet amendement vise à ouvrir la possibilité d’accéder à l’aide à mourir aux personnes en ayant exprimé le souhait à travers des directives anticipées mais ne pouvant pas le réitérer autrement que par l’intermédiaire de leur personne de confiance car la maladie dégénérative dont elles souffrent altère leur discernement. On peut difficilement nier qu’une pathologie comme la maladie d’Alzheimer est source de souffrances, qui se manifestent souvent sous une forme d’agressivité. Perdre pied et ne plus reconnaître ses propres enfants pourrait constituer un élément déclencheur pour le recours à l’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Pour la douzième fois et pour les mêmes raisons, j’émettrai un avis défavorable, madame Rousseau, mais sans aucune exaspération.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS286 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Ce serait une pente dangereuse d’ouvrir pour les personnes exprimant un sentiment d’indignité la possibilité d’accéder à l’aide à mourir. L’éthique de la vulnérabilité doit nous conduire à réfléchir à leur éligibilité. Évoquant devant notre commission les personnes âgées en situation de dépendance et les personnes en situation de handicap, Régis Aubry a souligné que le sentiment mêlé d’inutilité et d’inexistence qu’elles éprouvaient nous renvoyait à notre responsabilité collective car, selon lui, c’est le regard que porte notre société sur ces personnes qui leur fait percevoir cette dimension d’indignité. Vous le voyez, j’ai été très sensible à la manière dont il nous engageait à nous interroger sur leur désir de mort.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Il est bien évident qu’exprimer un sentiment d’indignité ne suffit pas pour accéder à l’aide à mourir. Il appartient au médecin, à l’issue d’une procédure collégiale de prendre une décision, sur la base des critères d’éligibilité. Par ailleurs, lors de l’entretien, il pourra émettre des propositions d’orientation.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je comprends votre préoccupation, monsieur Bazin, mais si vous voulez éviter que des personnes soient en proie à ce sentiment d’indignité, vous savez ce qu’il faut faire. Ce qu’elles subissent ne relève pas d’une simple perception individuelle, il y a un remède : trouver d’autres moyens à consacrer à la santé et au médico‑social.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les amendements qui ciblent les personnes âgées, dépendantes ou non, ou les personnes en situation de handicap sèment le doute chez nos concitoyens qui pourraient avoir l’impression que ce texte oriente vers elles l’aide à mourir alors que nous insistons depuis le début sur le fait qu’il a une portée générale.

Mme Justine Gruet (DR). J’ai dit en préambule qu’il me semblait compliqué de légiférer sur un nouveau droit comme celui-ci sans renforcer les moyens financiers dédiés à la perte d’autonomie. Nous entendons protéger les personnes en situation de handicap et les personnes âgées car elles sont susceptibles de faire une demande si elles répondent aux critères, qui ne sont pas si restrictifs.

M. Thibault Bazin (DR). Elles peuvent en effet répondre aux critères comme celui de l’« affection grave et incurable », mais nous savons que certaines pathologies comme les cancers se développent à ce stade de la vie plus lentement et provoquent parfois des souffrances uniquement psychologiques. Comme le souligne Yannick Monnet à raison, notre système de santé est malade : l’accès aux soins est difficile et n’est pas assuré de la même manière partout sur notre territoire. Il ne faudrait pas qu’elles réclament l’aide à mourir seulement parce qu’elles pensent représenter un coût pour la société et leurs proches.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS288 et AS287 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement AS287 offre la possibilité pour le médecin examinant la demande de saisir un psychiatre s’il a des doutes sur le caractère libre et éclairé de la décision du patient. Cela n’aurait rien de systématique, contrairement à ce que je propose dans l’amendement AS288, que je retire pour espérer recueillir au moins un avis de sagesse.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Il est prévu dans cet article 6 que le médecin, dans une démarche collégiale, saisisse un psychiatre ou un psychologue qui contribuera à la délibération sur le cas dont ils sont saisis. Toutefois, la décision revient au seul médecin. L’avis du psychiatre ne saurait le contraindre, comme vous le proposez.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Quelle est la part de la collégialité dans la décision ? Si le psychiatre consulté remet en cause le caractère libre et éclairé du consentement, le médecin qui instruit la demande pourrait-il passer outre son avis ?

M. Patrick Hetzel (DR). D’autres pays comme l’Autriche ont mis en place le dispositif préconisé par M. Bazin tout simplement parce qu’il est nécessaire d’établir des garde‑fous supplémentaires pour protéger des personnes potentiellement vulnérables. Il s’agit de bonnes pratiques dont s’inspirer.

M. Philippe Juvin (DR). Nous aimerions avoir une réponse à la question que vient de poser M. Bazin : l’avis du psychiatre lie-t-il le médecin ?

M. Philippe Vigier (Dem). Vous voulez subordonner la décision du médecin à celle du psychiatre, ce qui n’est pas pertinent dans une procédure collégiale. J’ai toute confiance dans les médecins pour prendre en considération ces avis, compte tenu de leur conscience professionnelle que personne ici, je pense, ne remet en cause.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La collégialité exclut toute hiérarchie entre les professionnels, comme on peut le constater dans les structures qui la pratiquent. Il n’y a pas lieu de créer une telle hiérarchie en liant la décision du médecin qui a recueilli la demande à celle d’un psychiatre. Il reviendra audit médecin de prendre la décision finale après avoir recueilli plusieurs avis dans le cadre de la procédure collégiale.

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’on en juge par le nombre d’amendements déposés à ce sujet, il semble y avoir une obsession du psychiatre. Certains ont le sentiment que le fait de solliciter l’aide à mourir témoignerait d’une forme de déviance, ce qui justifierait le recours systématique au psychiatre. Je ne vois pas en quoi ce dernier éclairerait l’avis donné au médecin, ni en quoi il serait plus compétent que d’autres pour détecter les contraintes auxquelles aurait pu être soumis le malade.

L’amendement AS288 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS287.

Amendement AS242 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). L’appréciation des troisième et quatrième critères d’accès à l’aide à mourir dépend des médecins, tandis que le dernier critère, à savoir l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, relève davantage, à mes yeux, du contrôle du juge, que ce soit le président du tribunal judiciaire ou le magistrat qu’il désigne. En effet, il s’agit moins, dans ce dernier cas, d’examiner une question médicale que d’apprécier la pression sociale, familiale, financière, sociétale pouvant peser sur le malade.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez modifier les conditions appréciées par le collège pluriprofessionnel, par coordination avec d’autres amendements que vous avez présentés. Je me suis déjà exprimé sur le rôle du juge dans la procédure : il me semble que c’est au médecin seul, après avis du collège pluriprofessionnel, d’apprécier le caractère libre et éclairé.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS689 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’article 6 prévoit, en son alinéa 11, que le médecin rend sa décision motivée à la personne. Cela nous semble contradictoire avec la procédure collégiale pluriprofessionnelle. Nous proposons de calquer la procédure sur celles qui ont cours en matière de directives anticipées et de prélèvements d’éléments et produits du corps humain, définies respectivement par les articles R. 4127-37-1 et R. 1211-13 du code de la santé publique. Dans le cadre de ces procédures, le médecin décide à partir de l’avis complémentaire de collègues, tels que les médecins spécialistes, les auxiliaires médicaux, les aides‑soignants ou d’autres professionnels. Le médecin conserve toutefois la charge exclusive de la décision finale, comme le prévoyait le texte dans sa rédaction initiale. Celle-ci nous paraissait un peu plus claire car elle traitait de la responsabilité de la décision sans évoquer la procédure collégiale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je suis défavorable à votre amendement car vous proposez de supprimer la qualification de procédure collégiale. Or telle est bien la nature de cette procédure, à laquelle je suis attaché. Le fait que le médecin décide à l’issue de la délibération collégiale, après avoir recueilli l’avis de plusieurs professionnels, ne met nullement en cause la possibilité d’aboutir à une aide à mourir effective : elle rend tout au contraire le droit opérant. Supprimer la mention du caractère collégial ne me paraît donc pas judicieux. Je vous invite à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements AS519 de Mme Karine Lebon et AS520 de M. Yannick Monnet, amendement AS1152 de M. Frédéric Valletoux et sous-amendements AS1186 et AS1187 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendement AS484 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Karine Lebon (GDR). Les amendements AS519 et AS520 visent à permettre un examen véritablement collégial de la demande d’aide à mourir. En effet, bien que le texte précise que le médecin appréciera la demande du malade dans le cadre d’une procédure collégiale pluriprofessionnelle, la procédure prévue par l’article 6 ne présente pas véritablement un caractère collégial puisqu’un médecin devra répondre seul à la demande de la personne malade après avoir recueilli l’avis d’un autre médecin, qui ne sera pas tenu d’examiner cette personne, et d’un autre professionnel de santé – auxiliaire médical ou aide-soignant – qui ne connaît pas nécessairement le patient.

Nos amendements visent à substituer à cette décision individuelle du médecin une décision véritablement collégiale issue d’une équipe pluridisciplinaire. Nous proposons que le médecin qui reçoit la demande d’aide à mourir décide, après l’avoir étudiée, de la suite à y donner en concertation avec un médecin, spécialiste ou non de la pathologie du malade, qui examine ce dernier, ainsi qu’avec un auxiliaire médical ou un aide-soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, un autre auxiliaire médical et d’autres professionnels, notamment des infirmiers ou des aides-soignants qui interviennent auprès de la personne et, le cas échéant, le médecin référent ou un professionnel de l’établissement médico-social qui accompagne le malade. Nous proposons également que la personne de confiance puisse être consultée si l’équipe pluridisciplinaire le juge utile et que l’avis final soit rendu par l’équipe pluridisciplinaire ainsi formée et présenté sous forme écrite, afin de sécuriser le malade et les professionnels de santé.

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement vise à renforcer la collégialité au moment de la décision. Cet aspect des choses est en effet perfectible. Sans diminuer en rien le rôle du médecin qui prendra la décision, je propose que l’on s’inspire des recommandations du Comité consultatif national d’éthique.

M. Thibault Bazin (DR). Indépendamment de leur avis sur la légalisation du dispositif envisagé, nombre de personnes que nous avons auditionnées ont estimé que le caractère collégial de la procédure était perfectible. Cette question est d’autant plus importante que les possibilités de recours sont limitées et qu’il n’y a pas de traçabilité. La personne volontaire pour accompagner le malade et lui administrer la substance létale assume une responsabilité considérable. Je propose donc, par mon amendement, d’améliorer la collégialité, étant précisé que l’adoption de l’amendement de M. Valletoux me satisferait également.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements ont pour objet soit d’augmenter le nombre d’avis rendus, soit de modifier la liste des professionnels parties à la concertation, soit de rendre la décision – et pas seulement la procédure – collégiale. Nous pourrions discuter longuement du nombre et de la qualité des personnes devant ou pouvant être consultées dans le cadre de la procédure collégiale. Je suis pour ma part attaché à ce que plusieurs médecins interviennent, à l’instar d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant, et que d’autres avis puissent être recueillis. Je suis donc défavorable aux amendements qui visent à supprimer ces dispositions introduites en 2024.

Les ajouts proposés complexifieraient l’accès à l’aide à mourir. Le médecin devrait en effet trouver les professionnels que vous citez, lesquels auraient l’obligation, dans certains cas, d’examiner le patient, ce qui suppose qu’ils se déplacent – ou que ce dernier le fasse. En certains lieux, cela rendrait l’aide à mourir impossible ou très difficile.

Sur le fond, une partie de ces amendements visent à substituer à une procédure collégiale une décision collégiale. Or celle-ci serait nécessairement plus longue et plus complexe, et elle nous éloignerait du modèle français en matière de fin de vie tel qu’il est appliqué lors de l’arrêt des traitements et de la mise en œuvre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès prévue par la loi Claeys-Leonetti. Dans ce cadre, le médecin qui a la charge du patient prend la décision à l’issue d’une procédure collégiale.

À cet égard, monsieur le président, je donnerai un avis défavorable sur votre amendement, car il réduirait à deux – au lieu de trois dans la rédaction actuelle – le nombre de professionnels impliqués dans la procédure collégiale. Je vous invite à le retravailler en vue de la séance.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre amendement, monsieur le président, pèche à nos yeux sur deux points. D’une part, il ramènerait de trois à deux le nombre de professionnels obligatoirement consultés. D’autre part, il paraît trop centré sur le médecin puisque la procédure ne fait plus intervenir que le médecin sollicité et le médecin spécialiste de la pathologie ; il me paraît important qu’un autre professionnel intervienne. C’est pourquoi je vous propose que nous retravaillions cet amendement, dont l’esprit est tout à fait intéressant.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le président, nous proposons, par les sous-amendements AS1186 et AS1187, de supprimer la possibilité que vous ouvrez aux membres du collège pluriprofessionnel d’effectuer la concertation sur dossier, lorsqu’ils ne peuvent se réunir physiquement. Il ne nous paraît pas souhaitable que la concertation puisse avoir lieu uniquement sur dossier. Cette disposition, au demeurant peu claire, pourrait être retravaillée en vue de la séance.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président Frédéric Valletoux. Après avoir entendu les rapporteurs et sur l’engagement d’une réécriture commune, je retire mon amendement, ce qui fait tomber les deux sous-amendements.

M. Patrick Hetzel (DR). Le débat met en lumière la distinction entre procédure collégiale et prise de décision collégiale. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit un avis consultatif. L’alinéa 11 dispose que le médecin notifie « sa » décision motivée à la personne, ce qui témoigne de l’absence de décision collégiale. Dans le domaine judiciaire, la collégialité implique que l’ensemble des juges votent. Nous dénonçons depuis le début le fait qu’une seule personne décide.

M. Yannick Monnet (GDR). La collégialité est l’un des sujets centraux de notre débat, au même titre que les directives anticipées. Nous sommes prêts à retirer nos amendements si vous vous engagez à ce que l’on travaille à une formulation plus percutante sur la collégialité. En revanche, je suis favorable à ce que la concertation puisse avoir lieu à distance ; à défaut, des territoires comme le mien seraient très pénalisés.

M. le président Frédéric Valletoux. Les rapporteurs ont pris des engagements en la matière.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous retirons nos amendements.

M. Nicolas Turquois (Dem). Vous proposez que soit constitué un collège pluridisciplinaire : la question est de savoir qui en prendrait l’initiative – en tout état de cause, une seule personne doit s’en charger. La réflexion de M. Hetzel me paraît pertinente : je serais favorable à ce que l’on écrive « leur » décision en lieu et place de « sa » décision.

M. Philippe Vigier (Dem). La collégialité est indispensable. Frédéric Valletoux propose que le médecin engage la concertation, ce qui est un acte bien plus fort que de laisser faire une coordination. Il appartient au médecin qui a reçu la demande d’aide à mourir d’engager la procédure collégiale et de restituer la décision au patient. Si l’on écrit les choses à peu près ainsi, on sécurisera la collégialité. Il faut par ailleurs conserver la faculté de se concerter à distance car il est des territoires, comme le mien, où il n’existe pas de soins palliatifs.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je reviens sur les propos d’Olivier Falorni, qui estimait que l’amendement de M. Valletoux était médico-centré. Les professionnels de santé les plus proches des malades sont souvent les aides-soignantes, les auxiliaires médicaux. Ils ont un rôle à jouer pour s’assurer du caractère libre et éclairé de la volonté du malade, ce qui explique qu’on les ait introduits dans l’ensemble collégial. Il me semble important qu’ils y demeurent pour apporter au corps médical leur contribution à la prise de décision.

Mme Justine Gruet (DR). Je regrette que les défaillances de notre système de santé nous conduisent à sacrifier les principes éthiques fondamentaux en autorisant un professionnel de santé à rendre un avis à partir de la consultation d’un dossier, sans avoir échangé avec le patient. L’accès au nouveau droit que nous établissons doit être identique en tout point du territoire.

Par ailleurs, la majorité des professions d’auxiliaires médicaux – c’est le cas, par exemple, des aides-soignants –, ne disposent pas d’un ordre : en cas de manquement déontologique, ils ne peuvent donc pas faire l’objet des sanctions disciplinaires prévues par le code de la santé publique. Tous les professionnels impliqués devraient engager leur responsabilité de la même manière au regard des principes énoncés par un certain nombre d’ordres.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’ai bien noté que nos sous-amendements étaient tombés du fait du retrait de l’amendement AS1152. Nous allons retravailler ces dispositions en vue de la séance.

M. Philippe Juvin (DR). Je m’interroge sur la composition du collège pluridisciplinaire et, en particulier, sur les auxiliaires médicaux qui pourraient en faire partie. J’entends que toutes les paroles se valent, mais tous ces professionnels n’ont pas la même capacité de juger des critères énoncés par la loi. Un auxiliaire médical peut être directement en charge du patient – c’est le cas de l’infirmier ou du kinésithérapeute, par exemple. En revanche, d’autres auxiliaires, comme le pédicure-podologue ou l’orthoptiste, pour ne citer qu’eux, ne sont peut-être pas aussi bien placés pour apprécier la gravité du sujet. Dans le cadre de la future rédaction, il serait utile de résoudre cette difficulté – même si, personnellement, je n’ai pas la solution.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La difficulté, monsieur Juvin, est de savoir s’il faut établir une liste précise de l’ensemble des professions pouvant être sollicitées ou s’il vaut mieux faire référence à des catégories, ce qui a le mérite de ne pas trop alourdir le texte mais peut soulever des questions sur la présence de certaines professions. Rappelons, toutefois, que le choix est laissé au médecin. Il nous faut travailler sur le nombre et la qualité des personnes sollicitées, ainsi que sur la décision ou la procédure collégiale. Cela dit, il y a nécessairement un médecin référent – terme qui n’est pas inscrit dans le texte mais que j’emploie par souci de clarté –, qui recueille la demande et, éventuellement – il est essentiel, à mon sens, que ce soit la même personne – restitue le travail de la collégialité.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les professionnels de santé qui participent à une discussion collégiale sont ceux qui œuvrent au quotidien auprès des patients, telles l’infirmière ou l’aide-soignante, et non celui qui intervient une fois l’an. Ce n’est pas le podologue, qui prodigue des soins tous les mois, tous les trois mois ou parfois même tous les six mois, qui pourra fournir l’information le plus précocement.

Dans le cadre d’une discussion collégiale, l’objectif n’est pas de culpabiliser les personnes eu égard aux informations qu’elles auront données et de la part qu’elles prendront à la décision. La discussion se fait entre professionnels. Le médecin qui a reçu la demande et qui a participé à la discussion restitue la décision au patient.

M. Thibault Bazin (DR). Puisque vous êtes prêts à faire évoluer le texte, je vais retirer mon amendement pour participer à ce travail collectif qui, selon nous, doit aboutir à un renforcement de la collégialité.

Tous les amendements en discussion commune sont retirés.

Amendement AS890 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous en revenons à la définition de la collégialité. Comme vous l’avez dit, monsieur Falorni, c’est le médecin qui décide au terme d’une procédure pluridisciplinaire permettant de recueillir les avis de personnes aux statuts divers. C’est l’esprit de tout l’article 6 dont l’alinéa 11 précise : « Le médecin se prononce dans un délai de quinze jours à compter de la demande et notifie, oralement et par écrit, sa décision motivée à la personne. » La décision n’est donc pas collégiale ; la pluridisciplinarité s’exerce uniquement pour le recueil des avis.

Or, dans une décision du 14 octobre 2010, le Conseil constitutionnel définit la collégialité comme le principe pour plusieurs personnes de statuer ensemble, de manière consensuelle, ou à la majorité d’entre elles. Certains ont une interprétation conforme à cette définition et estiment qu’il faut changer le reste du texte pour le mettre en conformité avec cette vision de la collégialité. Pour ma part, je pense qu’il faut garder l’esprit du texte et supprimer le mot « collégiale » par souci de cohérence, mais conserver tout ce qui a trait au recueil d’avis pluridisciplinaires car il est important qu’un collectif puisse échanger.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous vous proposons de retravailler aussi sur ce point ensemble, afin de trouver une solution opérante, sachant que, même si un esprit transpartisan anime cette commission, nous ne réussirons pas forcément à faire en sorte que Thibault Bazin et Danielle Simonnet tombent d’accord. Pour ma part, je suis attaché à l’esprit de ce texte, c’est-à-dire à la pluridisciplinarité et à la dimension collégiale : le médecin ne prend pas seul la décision ; il consulte et recueille des avis. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement, afin que nous cherchions ensemble une formulation qui ne conviendra peut-être pas à tous – je ne me fais pas d’illusions –, mais recueillant l’agrément le plus large possible.

Mme Justine Gruet (DR). Merci, madame Simonnet, pour cette intervention qui permet d’expliciter ce que nous dénonçons depuis le début : l’absence de réelle collégialité au cours de ce protocole assez imprécis, notamment sur le délai de réflexion, qui n’est pas très sécurisé sur le plan juridique. Il est question de trois personnes, dont le médecin qui a reçu la demande et éventuellement un autre médecin en distanciel. Quant à la troisième personne, l’alinéa 7 indique qu’il s’agit « d’un auxiliaire médical ou d’un aide‑soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical ». Cette collégialité peut donc être formée de deux personnes qui ne connaissent pas le patient. Que se passe-t-il si, à la lecture du dossier, ces deux personnes ont un avis divergent sur le respect des critères ? Le médecin, dont la proximité et l’affinité avec le patient risquent d’affecter le discernement, peut alors aller au bout de la procédure. L’avis consultatif peut, en outre, émaner de deux personnes qui ne connaissent pas le patient.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Sur cette question très importante soulevée par Mme Simonnet, j’aimerais connaître la position des rapporteurs. Pensez-vous que la procédure et la décision doivent être collégiales ? Estimez-vous que seule la procédure doit l’être ?

Mme Danielle Simonnet (EcoS). C’est merveilleux que nous arrivions à nous mettre d’accord. À défaut, j’apprécie que nous soyons d’accord sur ce qui fait désaccord. Si nous pouvons vérifier nos points d’accord et de désaccord avant la date limite du dépôt des amendements pour l’examen de la proposition de loi en séance, je veux bien retirer mon amendement. En tout cas, en l’état actuel du texte, c’est le médecin qui décide après avoir collecté différents avis ; ce n’est pas une codécision prise dans un cadre collectif pluriprofessionnel. Je retire mon amendement.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Sur la base de l’amendement du président Valletoux, nous allons retravailler tous ces aspects : le nombre et la qualité des personnes consultées, la procédure de collégialité. Je ne peux pas imaginer que le médecin référent prenne une décision opposée aux conclusions du travail de la collégialité. Dans les autres situations de collégialité, évoquées par M. Vigier, on ne fait pas un décompte écrit des votes pour ou contre. Pourquoi le faire dans ce cas ? Nous devons mieux définir la collégialité dans ce texte, mais il me semble évident que le médecin référent rendra compte de la décision de la collégialité dans son ensemble à la personne qui a fait la demande d’aide à mourir. Il ne va pas prendre une décision opposée à la position de la collégialité.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour ma part, j’ai aussi compris que la collégialité allait jusqu’à la décision.

M. Thibault Bazin (DR). Il est important d’utiliser les bons termes concernant une décision aux lourdes conséquences puisqu’elle peut entraîner l’administration d’une substance létale. Tout le monde doit bien comprendre ce qu’implique la collégialité : les parlementaires, les personnes atteintes d’une affection grave et incurable, les médecins qui vont instruire les demandes. D’après le texte, c’est le médecin instruisant la demande qui prend la décision après avoir recueilli des avis. Comme nous pensons que la décision elle-même doit être prise de manière collégiale, nous voulons faire évoluer le texte. La collégialité peut d’ailleurs protéger aussi la personne qui instruit la demande car sa décision n’est pas anodine sur le plan de la responsabilité : la seule personne qui peut faire un recours sera décédée si sa demande a été acceptée.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Sur le plan juridique, quelle est la responsabilité du médecin qui prend la décision ? En cas de décision collective, la responsabilité de chaque personne est-elle engagée ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La discussion est collégiale, mais la décision ne peut être prise que par une personne : le médecin. Cette pratique est d’ailleurs courante en médecine. Le cas d’un patient est discuté par l’équipe qui le prend en charge, notamment quand il s’agit de décider si les soins doivent être arrêtés. Une fois la discussion terminée, une seule personne décide et aura à répondre de cette décision.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). N’oublions pas que c’est le patient qui décide d’engager la demande d’aide à mourir. Ensuite, le médecin recueille les avis de différents professionnels afin de vérifier que le cas du patient répond aux conditions fixées à l’article 4. Le médecin ne peut pas prendre seul une décision fondée sur son intime conviction. Pour lui comme pour les autres personnes consultées – aide à domicile, psychiatre, autre médecin spécialiste –, il s’agit de répondre à la question : la personne remplit-elle les critères donnant accès à l’aide à mourir ? Le médecin assume sa décision motivée dans un cas comme dans l’autre. Quoi qu’il en soit, c’est le patient qui prend la décision de demander l’aide à mourir.

M. Patrick Hetzel (DR). La question de M. Peytavie sur la responsabilité trouve sa réponse à l’article 2, alinéa 7 : « L’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122‑4 du code pénal. » En fait, on a dépénalisé cet acte.

Contrairement à Mme Simonnet, nous pensons que la décision doit être collégiale, conformément à la définition du Conseil constitutionnel. Nous considérons donc qu’il doit y avoir un vote et un décompte des voix des participants à cette collégialité, avec une majorité qui se dégage. Dans ce cas, le médecin référent porte le message, mais la décision n’émane pas d’une seule personne.

Mme Justine Gruet (DR). Cette décision collégiale se pratique dans les conseils d’éthique. Dans le cas d’une interruption médicale de grossesse, par exemple, la collégialité est formée de trois médecins d’égales compétences. Il n’est pas question de recherche de diagnostic médical dans le cas présent, me rétorquerez-vous, puisque l’euthanasie n’est pas un soin. On en revient à votre paradigme, très différent du mien : ce choix relève de la liberté individuelle, du droit de chacun à disposer de son corps. Dans ce cas, pourquoi définir des critères ? Si chacun est libre de disposer de son corps, qui suis-je pour juger de la légitimité d’une demande d’aide à mourir ? Vous dites que la loi fixe des limites sous forme de critères à respecter. Cependant, ces critères ne sont pas forcément vérifiés par plusieurs personnes, ni même étayés sur un plan médical quand on se réfère à un avis libre et éclairé. Vous utilisez des critères pour rassurer, tout en estimant que c’est l’avis du patient qui prime.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La procédure collégiale prévue par ce texte est calquée sur celle qui a été retenue dans le cadre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, que vous ne remettez pas en cause. À la fin, c’est le médecin qui prend la décision. Pourquoi cela vous pose-t-il un problème dans le cadre de l’aide à mourir ?

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer, qui décide d’arrêter la chimiothérapie parce qu’elle en a marre de ce traitement. Le médecin la prévient que la maladie risque d’évoluer très vite et l’informe qu’on lui proposera une sédation profonde et continue si elle souffre trop. Mais un patient peut refuser la sédation profonde et continue, qui n’est donc pas comparable à l’aide à mourir.

M. Philippe Juvin (DR). À la fin des fins, un seul médecin prend la décision. C’est le cas en matière de limitation et arrêt des traitements, ou de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Toutefois, la comparaison a des limites. D’une part, le collège est plus large et il est régi par une procédure très formelle : les gens doivent inscrire leur nom, s’impliquer. D’autre part, ces protocoles sont réversibles : on peut décider de reprendre un traitement qu’on aurait arrêté.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Dans le cas de la sédation profonde et continue, le médecin prend une décision. Dans le cas de l’aide à mourir, le collège donne un avis concernant le respect des cinq critères sont respectés. Cet avis n’étant pas une décision, il peut être collégial.

L’amendement est retiré.

Amendement AS601 de Mme Annie Vidal, amendement AS1092 de M. Julien Odoul (discussion commune)

Mme Annie Vidal (EPR). Je propose de préciser que la procédure collégiale pluriprofessionnelle est aussi pluridisciplinaire. Ajoutée à la pluriprofessionnalité, la pluridisciplinarité est un gage de réussite dans une procédure collégiale parce qu’elle permet d’avoir des regards divers sur la situation. Cela étant, je serais ravie de participer à un éventuel travail global sur la collégialité. À ce stade, j’indique que la Haute Autorité de santé définit la procédure collégiale comme une concertation entre plusieurs membres d’une équipe qui prennent en charge un patient avec, in fine, une confrontation des avis qui permet de prendre une décision éclairée et représentative.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Comme nous sommes à peu près tous d’accord sur la nécessité de réécrire ce qui concerne la collégialité dans le texte, je vous propose de retirer votre amendement dans la perspective de ce travail commun.

Avis défavorable sur l’amendement AS1092.

Mme Annie Vidal (EPR). Je vais le retirer, mais je veillerai à ce que la pluridisciplinarité figure en bonne place dans le texte.

À cette occasion, j’aimerais que vous me disiez pourquoi l’un de mes amendements a été déclaré irrecevable. Il concernait la dernière phrase de l’alinéa 6 : « Ce médecin a accès au dossier médical de la personne et il examine celle‑ci, sauf s’il ne l’estime pas nécessaire, avant de rendre son avis. » Je voulais supprimer « sauf s’il ne l’estime pas nécessaire ». Je suis très attaché à l’idée que le patient – pas seulement son dossier – soit vu par le médecin.

M. le président Frédéric Valletoux. Il a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution car il augmenterait le nombre de consultations potentielles.

L’amendement AS601 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS1092.

L’amendement AS521 de M. Yannick Monnet est retiré.

Amendement AS290 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Rédactionnel.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez que le médecin recueille « nécessairement » les avis. Cet ajout est inutile puisque l’utilisation du présent en donne l’obligation au médecin qui conduit la procédure.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS951 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS289 de M. Thibault Bazin et AS632 de M. Gaëtan Dussausaye, amendements AS911 de M. Thomas Ménagé, AS355 de Mme Marine Hamelet, AS522 de Mme Karine Lebon et AS1063 de M. Eddy Casterman (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Je propose de compléter l’alinéa 5 en mentionnant que l’avis recueilli doit être écrit, ce qui peut être important notamment en cas de recours. Dans les procédures évoquées précédemment – limitation et arrêt des traitements ; sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès – il y a davantage de collégialité et de possibilités de recours. Dans le cas présent, les recours sont moins évidents puisqu’ils ne peuvent émaner que des personnes qui ont demandé l’aide à mourir. Néanmoins, pour protéger la personne qui instruit le dossier, je pense qu’il faut une trace écrite comme en matière de limitation et arrêt des traitements ou de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

M. Théo Bernhardt (RN). Par l’amendement AS911, il s’agit de préciser que les avis recueillis sont écrits.

Mme Marine Hamelet (RN). Dans le même esprit, nous voulons que l’avis mentionné à l’alinéa 5 soit motivé.

M. Eddy Casterman (RN). Nous voulons réinstaurer la primauté de la collégialité pour empêcher qu’un seul soignant ne décide seul de pratiquer une euthanasie. Avec cet amendement, un acte d’euthanasie ne pourra être décidé si le seconnd médecin ou l’auxiliaire médical exprime un avis défavorable. L’exigence de l’avis conforme d’un autre médecin et d’un auxiliaire médical intervenant auprès du patient en fin de vie permet de lier les soignants entre eux et d’atténuer le risque que la décision ne soit influencée par la partialité, la toute-puissance, voire d’éventuelles erreurs d’appréciation de la part d’un seul médecin. La collégialité est exigée pour la sédation profonde, mais pas pour l’euthanasie. Si l’article était adopté en l’état, une mise en cohérence de notre droit s’imposerait par un moins-disant éthique. Alors qu’elle est un principe constitutif de l’éthique médicale, la collégialité finira alors par devenir une exception.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je ne crois pas qu’il soit utile de multiplier les ajouts qui, dans certains cas, peuvent rendre le texte plus difficile à comprendre pour ceux qui devront l’appliquer.

Pour autant, je comprends le souhait d’apporter plus de garanties exprimé par ces amendements. Aussi mon avis sera-t-il favorable aux amendements AS289 et AS632, qui prévoient que l’avis recueilli soit écrit.

M. Julien Odoul (RN). La collégialité ne complexifie pas, elle protège. Cette protection bénéficie au malade en fin de vie et, plus encore, au personnel soignant.

La gauche parle constamment de participation et n’a de cesse de créer diverses instances de concertation. Mais, selon elle, un acte aussi grave que mettre fin à une vie devrait relever de la décision d’une seule personne.

La commission rejette l’amendement AS951 puis adopte les amendements AS289 et AS632.

En conséquence, les amendements AS911 et AS522 tombent.

La commission rejette successivement les amendements AS355 et AS1063.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1133 de M. Laurent Panifous.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements AS523 de M. Yannick Monnet, AS526 de Mme Karine Lebon et AS525 de M. Yannick Monnet.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1134 de M. Laurent Panifous.

Amendement AS886 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Créé par la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, le plan personnalisé d’accompagnement est consacré à l’anticipation, à la coordination et au suivi des prises en charge sanitaires, psychologiques, sociales et médico-sociales.

L’amendement vise à mettre en cohérence les dispositions des deux propositions et à s’assurer que le médecin qui évalue la demande d’aide à mourir prenne connaissance de l’instrument précieux que constitue ce plan.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet amendement aurait dû porter sur l’article 5 et non sur l’article 6, qui décrit la procédure collégiale. Dans le cadre de cette dernière, le médecin spécialiste sollicité rend un avis qui permet d’apprécier si les conditions prévues par l’article 2 sont réunies et je ne crois pas que le plan personnalisé d’accompagnement l’aide pour cela.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS721 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS431 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement prévoit que le médecin traitant peut participer à la procédure collégiale, à la demande de la personne qui souhaite avoir accès à l’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet amendement n’est pas cohérent avec l’objet de l’alinéa.

Tout d’abord, il est très rare qu’un médecin spécialiste soit le médecin traitant d’une personne. Ensuite, l’idée selon laquelle le médecin n’intervient pas auprès de la personne semble contraire au fait qu’il est son médecin traitant.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS912 de M. Thomas Ménagé

M. Théo Bernhardt (RN). L’amendement prévoit que la consultation d’un psychiatre est obligatoire, afin de vérifier que l’avis de la personne qui fait la demande est libre et éclairé.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS292 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à inclure les proches de la personne dans le processus d’examen de la demande d’aide à mourir, sauf s’ils ne le souhaitent pas.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous avons une réelle divergence sur ce que doit être l’aide à mourir.

Selon moi, elle repose sur deux piliers : le respect des conditions fixées à l’article 2, appréciées à la suite d’une procédure collégiale, et la volonté de la personne, qui devra être confirmée tout au long de la procédure. Il ne revient pas aux proches d’émettre un avis, tant cette décision relève de l’intime.

Or, vous proposez que nous intégrions ces proches dans la procédure, et ce alors même qu’un certain nombre d’amendements traduisent des inquiétudes relatives aux pressions qui pourraient être exercées. Laissons le choix à la personne d’associer ses proches à la démarche, si elle le souhaite.

Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Thibault Bazin a précédemment insisté sur le fait que la personne qui demande l’aide à mourir pourrait subir des influences. Si vous voulez mieux la protéger, il ne faut pas que les proches participent à la décision car cela pourrait précisément faire courir un tel risque.

Mme Justine Gruet (DR). J’avais déposé un amendement à l’alinéa 6 qui proposait de supprimer la possibilité pour le médecin spécialiste de ne pas examiner le patient s’il estime que ce n’est pas nécessaire. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

Il aurait pourtant été nécessaire que nous puissions débattre de la possibilité donnée à ce praticien de rendre un avis en distanciel – d’autant qu’il est possible que cet amendement soit également irrecevable en séance. Le fait de voir la personne qui fait la demande et de discuter avec elle permet en effet de mieux sentir les choses d’un point de vue psychologique.

M. Thibault Bazin (DR). Si j’ai bien compris, les avis recueillis lors de cette procédure sont seulement consultatifs et le médecin chargé de statuer sur la demande n’est pas tenu de les suivre. Cet élément devrait rassurer ceux qui craignent que l’on associe les proches. Mon amendement correspond bien à l’esprit d’une procédure qui n’aboutit pas à une décision collégiale.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Monsieur Bazin, vous avez expliqué précédemment qu’il fallait faire en sorte que les patients soient reçus seuls, afin d’être certain qu’ils ne soient pas influencés – notamment par des proches qui les pousseraient à demander l’aide à mourir. Vous nous dites maintenant qu’il faut associer les proches à la prise de décision. Tout ça n’est pas très cohérent.

M. Thibault Bazin (DR). Je n’ai jamais demandé que le patient soit reçu seul !

M. Stéphane Delautrette (SOC). Même si vous n’avez pas défendu l’amendement qui le proposait, vous l’avez voté.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS954 et AS1020 de M. Philippe Juvin, amendement AS1124 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). En cas de demande d’euthanasie, nous souhaitons que le collège pluridisciplinaire comprenne forcément un psychiatre, comme c’est le cas dans d’autres pays. En effet, il s’agit probablement du professionnel le plus à même d’évaluer la capacité de discernement libre et éclairé des patients, en particulier lorsqu’ils souffrent de dépression.

Je rappelle que cette affection est très fréquente en fin de vie, quand on a un cancer ou quand on reçoit des soins palliatifs. Jusqu’à 77 % des patients en soins palliatifs du fait d’un cancer souffrent de dépression. Demander que l’on consulte systématiquement un psychiatre ne nous paraît pas superfétatoire.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement a pour objet de préciser qu’il est possible de recueillir l’avis d’autres professionnels de santé, du secteur médico-social en établissement ou à domicile et de psychologues.

La rédaction actuelle de l’alinéa permettrait en effet à n’importe quel professionnel intervenant auprès de la personne d’émettre un avis, y compris lorsque ce professionnel n’est pas un soignant. Quant à la fin de l’alinéa, elle ne concernerait que les établissements et non les services médico-sociaux, qui me semblent tout aussi essentiels.

Avis défavorable aux amendements AS954 et AS1020, qui sont très similaires.

S’il l’estime nécessaire, le médecin peut recueillir l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre intervenant auprès de la personne qui fait la demande. Ces garanties me semblent suffisantes et permettent de concilier les impératifs de célérité et d’accès à l’aide à mourir avec la nécessité d’un contrôle.

M. Philippe Juvin (DR). La rédaction actuelle de l’alinéa 8 permet en effet au médecin de consulter d’autres professionnels qui interviennent auprès de la personne, et notamment un psychiatre. Mais ce que je propose est différent puisqu’il s’agit d’ajouter un alinéa après l’alinéa 7 afin de rendre obligatoire la participation d’un psychiatre au fameux collège pluridisciplinaire, comme cela se fait chez un certain nombre de nos voisins.

La commission rejette successivement les amendements AS954 et AS1020 puis adopte l’amendement AS1124.

Amendements AS891 de Mme Danielle Simonnet, AS463 de M. Michel Lauzzana, AS690 de Mme Karen Erodi et AS528 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement propose que soit recueilli l’avis de la personne de confiance si elle a été désignée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique et dans le cas où la demande d’aide à mourir est engagée par l’intermédiaire de directives anticipées.

Si le patient a choisi une personne de confiance, c’est qu’il l’estime à même de faire part de ses dernières volontés. Notre rédaction contentera à la fois ceux qui veulent prendre le plus d’avis possible et ceux qui sont soucieux de respecter la volonté du patient.

M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement prévoit de demander l’avis de la personne de confiance désignée par le patient lorsqu’on ne peut pas recueillir directement celui de ce dernier. Il faut reconnaître le rôle de cette personne de confiance lors des dernières phases, si c’est nécessaire.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La fin de vie implique la plupart du temps – et c’est heureux – que l’on se concerte avec les personnes les plus proches du patient, qu’ils aient ou non un lien de parenté avec lui. Les aidants sont les parents ou les amis qui connaissent le plus intimement le malade. Ils jouent un rôle en matière de soins et constituent un pilier invisible sans lequel la solidarité s’effondre. Leur témoignage fournit donc une perspective complémentaire et précieuse.

En demandant que l’on prenne l’avis de la personne de confiance, cet amendement humanise et renforce la légitimité de la procédure.

M. Yannick Monnet (GDR). Puisque l’on considère que la procédure collégiale a vocation à donner un éclairage sur la demande du patient, il faut que cette collégialité soit la plus riche possible. Il est donc tout à fait adapté de demander l’avis de la personne de confiance, comme le propose l’amendement AS528.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous avons déjà délibéré quatorze fois à propos des directives anticipées. À l’exception de l’amendement AS528, ces amendements visent une nouvelle fois à permettre, indirectement, l’accès à l’aide à mourir par le biais de ces directives. J’y suis donc défavorable.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je relève que l’amendement AS528 est différent des trois autres, puisqu’il prévoit que la personne de confiance peut être sollicitée à la demande du patient. Cette rédaction nuancée est plutôt bienvenue et elle pourrait être adoptée.

Mme Justine Gruet (DR). Comme l’a relevé le rapporteur, votre amendement est une manière de réintroduire les directives anticipées, madame Simonnet.

Le rôle de la personne de confiance est de faire connaître le souhait du patient quand ce dernier n’est plus en état de le faire. Je ne vois pas quel est l’intérêt de lui demander son avis si le patient est capable de manifester sa volonté de manière libre et éclairée.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Contrairement à ce que certains sous-entendent, notre amendement ne traite pas des directives anticipées mais de la personne de confiance – celle qui connaît le mieux le malade et l’accompagne dans ses choix.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement de Mme Simonet mentionne bien les directives anticipées, ce qui n’est pas le cas de celui que Karine Lebon et moi-même avons déposé. Nous ne sommes pas favorables en effet à la prise en compte des directives anticipées pour accorder l’aide à mourir, mais nous voulons souligner le rôle central de la personne de confiance.

M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement ne mentionne pas, non plus, les directives anticipées.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’amendement AS528 est effectivement différent des autres. J’y suis favorable.

Avis défavorable pour tous les autres amendements.

La commission rejette successivement les amendements AS891, AS463 et AS690.

Puis elle adopte l’amendement AS528.

Amendement AS527 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement prévoit que, dans le cas où la personne est hébergée dans un établissement ou service social ou médico-social, le médecin qui la suit ou le professionnel de l’établissement qui l’accompagne est nécessairement associé à la procédure collégiale.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement AS1124, que nous avons adopté, prévoit que les professionnels du secteur médico-social qui interviennent dans ces établissements et à domicile peuvent être consultés. Il est complété par mon amendement AS1132, que nous examinerons très prochainement.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je suis tout à fait d’accord avec M. Monnet, qui souhaite que le médecin coordonnateur dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fasse partie du collège pluridisciplinaire.

Vous faites semblant de lui répondre en disant que son amendement serait satisfait, au motif que vous prévoyez que ce médecin pourra être consulté. La différence est pourtant très importante, mais cet argument est le même que celui que vous m’avez opposé lorsque j’ai proposé que le collège pluridisciplinaire comprenne obligatoirement un psychiatre.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Non, je ne fais pas semblant. Je prends ce texte très au sérieux. L’amendement de M. Monnet vise à rendre obligatoire l’avis du médecin qui suit la personne résidant en établissement médico-social, alors que mon amendement AS1124 propose de recueillir, de manière facultative, l’avis du personnel médico-social.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS293 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise également à renforcer la collégialité de la procédure.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS432 de Mme Sandrine Runel

M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement s’inspire de la proposition de loi d’Olivier Falorni donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, examinée au mois d’avril 2021. Nous proposons que la personne à l’origine de la demande d’accès à mourir puisse saisir un autre professionnel de santé, capable d’éclairer le médecin qui acceptera ou rejettera sa demande.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je peine à comprendre pourquoi le demandeur souhaiterait intégrer des avis complémentaires à la procédure alors qu’il peut les obtenir en consultant des professionnels ou des proches pour forger sa décision.

Par ailleurs, si tel était le cas, le dialogue qui s’instaurerait entre le médecin chargé de la procédure et la personne permettrait d’accéder à une telle demande qui, par définition, n’est pas interdite. Cet ajout me semble inutile.

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Il est important que le médecin sollicité connaisse bien le patient, qu’il s’agisse du médecin qui le suit.

Le médecin doit procéder à une analyse précise, à partir de critères objectifs, de la demande de la personne souhaitant avoir recours à l’euthanasie. Il n’est pas souhaitable que la personne qui aura reçu une réponse défavorable consulte des médecins jusqu’à ce que l’un d’eux accède à sa demande. Je crains donc que certains médecins ne pratiquent plus que l’euthanasie et que les critères deviennent subjectifs pour répondre à tout prix à une demande.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS294 de M. Thibault Bazin, amendement AS1132 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à renforcer la collégialité de la procédure.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement de coordination vise à supprimer la fin de l’alinéa 8, qui fait uniquement référence aux professionnels des Ehpad.

Avis défavorable sur l’amendement AS294.

M. Philippe Juvin (DR). Votre amendement vise à supprimer l’avis d’« un médecin qui assure son suivi ou d’un professionnel de l’établissement ou du service social ou médico‑social qui l’accompagne », soit l’avis du médecin coordonnateur.

M. Laurent Panifous, rapporteur. En effet, il supprime bien cette mention. Cela étant, l’amendement AS1124 que nous avons adopté est plus large puisqu’il prévoit la possibilité de recueillir l’avis de professionnels de santé du secteur social et médico-social intervenant à domicile ou dans des établissements, notamment en Ehpad, ce qui inclut le médecin coordonateur.

M. le président Frédéric Valletoux. L’amendement AS1124 modifie le début de la phrase mais ne supprime pas la fin. L’amendement AS1132 vise, quant à lui, à supprimer la fin de la phrase. Il aurait sans doute été plus clair de déposer un amendement unique de rédaction globale de l’alinéa 8.

M. Thibault Bazin (DR). Je l’ai bien compris, la commission ne souhaite pas renforcer la collégialité de la procédure. J’espère cependant que ce point évoluera en séance pour répondre aux attentes de plusieurs acteurs que nous avons auditionnés.

En tout état de cause, la commission ayant rejeté l’amendement AS527, qui prévoyait la consultation du médecin qui assure le suivi et la suppression de la fin de l’alinéa 8, il ne faut pas voter l’amendement AS1132.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ce ne sont pas les mêmes amendements. Certes, l’amendement AS527 vise également à supprimer la fin de l’alinéa 8. Mais il propose aussi de rendre obligatoire la consultation du médecin qui assure le suivi.

Pour ma part, je propose de supprimer la fin de l’alinéa car sa rédaction est redondante avec le dispositif de l’amendement AS1124. Il prévoit déjà que l’avis des professionnels du secteur social ou médico-social intervenant dans des établissements ou à domicile puisse être sollicité. Je ne vois pas pourquoi il serait utile de préciser la situation particulière des résidents des Ehpad.

Enfin, si j’avais déposé un seul amendement, de nombreux autres seraient tombés. Monsieur Juvin, n’y voyez là aucune coquinerie de ma part !

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur, vous avez systématiquement donné un avis défavorable aux amendements visant à renforcer la procédure collégiale. Je m’inquiète d’ailleurs car vous venez de dire que l’article 6 serait réécrit, alors même que nos travaux s’apparentent à une deuxième lecture puisque, l’an dernier, nous avons déjà examiné en commission le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.

En réalité, vous n’êtes pas favorable à la collégialité que vous considérez comme une sorte d’entrave et de garde-fou, ainsi que le prouve la suppression partielle de l’alinéa 8. Vous avez même dit que cela constituait une complexification de nature à limiter le droit à l’aide à mourir. En fait, vous souhaitez que les Français aient accès à l’euthanasie et au suicide assisté sans entrave ni garde-fou.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous sommes favorables à l’amendement AS1132 car la fin de l’alinéa est superfétatoire – peu importe le lieu où se trouvent les professionnels qui entourent le patient – et ne porte pas atteinte au principe de collégialité.

Après adoption de l’amendement AS1132, l’alinéa 8 sera beaucoup plus large et tiendra compte de tous les lieux où exercent les professionnels de santé.

La commission rejette l’amendement AS294 puis adopte l’amendement AS1132.

En conséquence, les amendements AS603 de Mme Annie Vidal et AS844 de Mme Sandrine Dogor-Such tombent.

Amendement AS604 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). L’alinéa 9 prévoit que le médecin informe la personne chargée d’une mesure de protection lorsque le patient fait l’objet d’une protection.

Je propose que la personne de confiance soit également informée par le médecin.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La procédure prévoit déjà l’information de la personne chargée de la mesure de protection et le fait que le médecin tienne compte de ses observations. Je ne suis pas favorable à l’ajout de la personne de confiance, qui peut être informée par la personne elle-même si elle le souhaite.

Je rappelle enfin que pour les majeurs protégés, le principe est celui de l’autonomie. Ils doivent prendre seuls les décisions relatives à leur personne dans la mesure où leur état le permet. La rédaction du texte comporte en outre des garanties supplémentaires suffisantes, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de 2011.

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). La personne de confiance et celle qui assure la protection du majeur protégé n’ont pas le même rôle. Lorsque le majeur protégé fait la demande de manière autonome, il me semble naturel que la personne de confiance en soit informée en même temps que la personne chargée de la protection juridique. La procédure liée à la fin de vie est distincte du régime de la protection juridique.

M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement est pertinent. Si la personne de confiance n’est pas informée, son rôle sera fragilisé et la portée de son action, réduite. La personne de confiance est susceptible d’être l’interlocuteur privilégié durant le parcours de soins. Ces arguments vont à l’encontre de ceux qui visent à développer la désignation de la personne de confiance.

M. Philippe Juvin (DR). Quel est le sens de l’expression « le cas échéant » figurant à l’alinéa 9 ? Le médecin est-il obligé de tenir compte des observations formulées ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement AS1135 vise précisément à supprimer l’expression « le cas échéant ».

La personne de confiance représente le majeur protégé lorsqu’il n’est plus en mesure de s’exprimer. Or l’alinéa 9 concerne les personnes qui sont pleinement capables de s’exprimer de manière libre et éclairée. Pourquoi la personne de confiance serait-elle donc informée ?

Mme Justine Gruet (DR). Dans les pays étrangers, la même démarche s’applique : la personne qui protège est consultée même si la personne protégée a le dernier mot. Cela pose une question sur la capacité de discernement et sur la définition de l’avis libre et éclairé. C’est une question éthique profonde : la personne est-elle capable de prendre cette décision, qui est la plus intime qui soit ? Doit-on demander l’avis de la personne censée la protéger alors qu’il ne sera pas forcément pris en compte ? C’est un vrai sujet. Certes, on ne peut exclure les personnes protégées de ce droit nouveau mais leur vulnérabilité est préoccupante. Je rappelle qu’on est précisément censé les protéger.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire, cet amendement vise à compléter la liste des personnes dont il faut tenir compte des observations et non la liste de celles qui doivent être informées.

Tenir compte des observations signifient mettre à exécution une opinion donnée. Il s’agit d’octroyer potentiellement un droit de veto à d’autres acteurs. Cet amendement va à l’encontre de nos objectifs et l’exposé sommaire ne correspond pas à son dispositif.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans sa rédaction initiale, l’alinéa 9 prévoit également que le médecin « informe la personne chargée de la mesure de protection et tient compte des observations qu’elle formule le cas échéant ».

Mon amendement vise simplement à compléter la liste en ajoutant la personne de confiance.

M. Philippe Vigier (Dem). L’exposé sommaire fait uniquement référence à l’information de la personne de confiance. Le dispositif de votre amendement va donc trop loin.

Mme Annie Vidal (EPR). Vous savez bien que l’exposé sommaire n’a pas de valeur juridique, contrairement au dispositif.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous refusons que le médecin soit obligé de tenir compte des observations. Mon amendement AS691 vise précisément à remplacer cette expression afin que le médecin conserve son libre arbitre. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS691 de M. René Pilato

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La personne qui demande l’aide à mourir doit exprimer sa volonté de manière libre et éclairée, en plus de remplir d’autres critères administratifs et médicaux.

Or l’alinéa 9 prévoit que le médecin « tient compte » des observations formulées, le cas échéant, par la personne chargée d’une mesure de protection. S’il en tient compte, cela signifie qu’il met en application cet avis ; s’il le met en application, cela veut dire qu’il est contraignant ; s’il est contraignant, cela signifie que la personne chargée de la mesure de protection juridique a un droit de veto. Nous n’y sommes pas favorables, d’autant que cette disposition serait alors contraire aux alinéas 5 et 8, qui prévoient que le médecin « recueille l’avis ».

La personne chargée de la mesure de protection juridique se verrait octroyer un droit spécifique qui déséquilibrerait la procédure. Cet amendement vise à traiter toutes les personnes à égalité : le médecin recueillerait l’avis de chacune sans tenir compte de celui d’une personne en particulier.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez substituer aux mots « tenir compte » les mots « recueillir » afin de laisser « le médecin libre juge des observations que lui délivre la personne en charge de la protection juridique ».

Or l’expression « tenir compte » renforce la protection de la personne protégée tout en respectant le libre arbitre du médecin. Si le majeur protégé doit pouvoir prendre une telle décision seule, n’oublions pas qu’il nous appartient de renforcer les garanties dont il bénéficie.

Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre amendement est cohérent avec la rédaction de l’ensemble de l’article 6 : les alinéas 5 et 8 prévoient que le médecin « recueille l’avis ».

L’amendement précédent de Mme Vidal, qui prévoyait que le médecin devait tenir compte des observations, a précisément été rejeté parce qu’il était contraignant. Dans un souci de cohérence, j’invite mes collègues à voter notre amendement.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement dénature le texte en diminuant la protection de la personne protégée. Recueillir l’avis d’une personne est une démarche de nature purement consultative. En revanche, tenir compte de l’avis implique que la personne qui ira à l’encontre de l’opinion formulée devra motiver sa décision. C’est, juridiquement, une protection supplémentaire.

La rédaction actuelle est davantage protectrice et permet au médecin de conserver son libre arbitre.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous avez résumé notre point de désaccord : la place que l’on veut accorder à la personne chargée de la protection juridique. L’avis de cette personne est-il supérieur aux autres avis à recueillir ? Vous le souhaitez, contrairement à nous. Voilà l’occasion de le trancher.

Mme Annie Vidal (EPR). Selon la définition juridique, les majeurs protégés sont « les personnes qui sont dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison de l’altération soit de leurs facultés mentales, soit de leurs facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté, et qui bénéficient à ce titre d’une mesure de protection juridique ».

Il est contradictoire de faire référence, à ce stade, à la personne chargée de la protection juridique, alors que, au début de l’examen du texte, on a considéré que la personne protégée était capable d’exprimer une volonté libre et éclairée.

M. Philippe Juvin (DR). Dans son avis, le Conseil d’État propose de « prévoir que la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une telle mesure de protection juridique à accéder à l’aide à mourir peut être contestée par la personne chargée de la mesure de protection devant le juge des tutelles ». L’avis du rapporteur est sage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS815 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1135 de M. Laurent Panifous.

Amendement AS73 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Afin de s’assurer de l’intelligibilité du texte, je propose d’insérer : « L’équipe de soins informe autant qu’il est possible le patient, la personne de confiance choisie par ce dernier et ses proches sur les détails techniques de l’euthanasie ou du suicide assisté. »

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS433 de Mme Sandrine Runel, AS923 de Mme Christine Loir et AS956 de M. Philippe Juvin

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement AS433 vise à supprimer l’alinéa 10, qui prévoit que la concertation peut être réalisée à distance. La procédure qui nous occupe tend à accompagner une personne lors de son ultime décision : elle nécessite la présence physique des participants.

Mme Christine Loir (RN). On ne peut utiliser une procédure dématérialisée pour apprécier la volonté d’une personne de recourir à une aide à mourir : les enjeux humains, médicaux et éthiques sont majeurs. Pour évaluer l’état physique et psychologique du patient, son discernement, et s’assurer qu’aucune pression extérieure n’altère sa décision, les soignants ont besoin d’un contact direct avec lui et de discussions entre eux. Le présentiel réduit les risques d’incompréhension et assure une meilleure coordination des soignants.

M. Philippe Juvin (DR). Nous avons largement débattu de la procédure collégiale. Celle adoptée fera intervenir le médecin coordonnateur ; un autre médecin, qui pourrait ne pas examiner le patient ; un auxiliaire médical, possiblement un pédicure-podologue, qui ne possède pas une connaissance satisfaisante des sujets relatifs à la fin de vie. Non seulement la collégialité est donc minimale, mais l’alinéa 10 prévoit que la concertation pourra se faire à distance. Nous parlons de vie et de mort ! Il faut examiner les gens et discuter ! Il est déjà difficile de mener une téléconsultation de médecine quotidienne ; on ne peut décider à distance d’administrer une substance létale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Mme Loir et M. Juvin suivent leur logique ; en revanche, j’ai du mal à comprendre que Mme Runel ait déposé un tel amendement. La possibilité de se concerter à distance permet de mobiliser rapidement les professionnels nécessaires dans les zones où cela est compliqué, sans remettre en cause la rigueur de la procédure. Dans certains cas, les délais de déplacement ou l’absence de professionnels de santé pourraient constituer une entrave à l’aide à mourir. Certaines situations sont urgentes – le texte prévoit que le médecin doit se prononcer dans un délai défini. J’ajoute qu’il ne suffit pas de supprimer l’alinéa pour interdire la concertation à distance.

Je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Comme vous ne pouvez pas vous opposer au texte, vous tâchez de réduire le nombre des personnes qui pourront accéder à ce droit, et ce de manière subjective : seront notamment exclues celles qui vivent dans des territoires qui manquent de médecins. J’ajoute, monsieur Juvin, que des décisions médicales majeures se prennent sans voir le patient. Il n’y a pas dans chaque département des spécialistes de toutes les maladies graves : tout peut se passer très bien à distance.

M. Jérôme Guedj (SOC). En autorisant la concertation à distance, nous risquons de donner l’impression qu’une indifférenciation est possible, alors que la décision collégiale doit être personnalisée. La situation n’est pas celle d’un avis qu’on demande à un éminent spécialiste sur un dossier. Il s’agit d’organiser un colloque singulier dont le patient est le centre – même si lui-même n’est pas présent. Cela suppose que les professionnels de santé aient un dialogue de qualité. Nous avons tous fait l’expérience de la dégradation des discussions lorsqu’elles étaient organisées en visioconférence. Les conseils politiques des partis politiques ne fonctionnent pas, non plus que les cours ; je crains que dans un cas aussi grave, la concertation des professionnels de santé ne fonctionne pas davantage.

M. Jean-François Rousset (EPR). Dans certaines situations, le médecin a besoin de se mettre en retrait pour prendre la meilleure décision : la compassion nuit à la sérénité. Tous les médecins le savent, il est parfois plus confortable, pour prendre une décision collégiale, de s’appuyer sur des gens qui n’appartiennent pas à la même structure.

M. Julien Odoul (RN). Nous ne parlons ni de visiter un appartement sur un site internet ni de renouveler une ordonnance par téléconsultation ! Quelles que soient nos opinions en la matière – nous respectons toutes les opinions –, et quoi qu’on en dise, l’acte qui nous occupe percutera notre humanité. Or vous voulez le déshumaniser en autorisant la distance, quand il faudrait plus de présence. Cela fragilisera encore davantage les personnes concernées.

M. Philippe Juvin (DR). Il est vrai que le manque de professionnels pose un problème. Toutefois, l’exercice de la médecine à distance, parce que déshumanisé, est difficile. Sur ce sujet, nous devons agir avec précaution. Il n’est pas vrai que de grandes décisions se prennent à distance sur le fondement de l’avis d’un seul médecin ayant physiquement examiné le patient ; or c’est ce que prévoit la procédure que nous avons adoptée. On peut demander l’avis de spécialistes à distance et il arrive qu’on prenne à distance des décisions collégiales, mais toujours avec plusieurs médecins qui ont rencontré le patient.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous parlons d’une décision singulière. En cancérologie par exemple, les décisions à distance sont de nature technique – il peut notamment s’agir d’optimiser un traitement. Ici, nous voulons la décision la plus adaptée à la personne concernée, ce qui nécessite un colloque singulier. La distance déshumanise ; nous voulons humaniser, plus que jamais, jusqu’au bout.

Mme Justine Gruet (DR). Le plus souvent, les équipes médicales chargées de statuer sur des situations se réunissent de manière régulière, en général toutes les semaines. Alors même que leurs membres sont habitués à travailler ensemble, il n’est pas toujours facile d’organiser ces réunions à distance. Ici, il faudra à chaque fois réunir des personnes différentes pour discuter d’un sujet infiniment complexe, dans un délai très bref. Le discernement du médecin, à qui l’on confie une lourde responsabilité, n’en sera-t-il pas gêné ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Vous dites, monsieur Juvin, que le patient ne sera examiné que par un seul médecin, mais c’est inexact ; l’alinéa 7 dispose que ce dernier recueille l’avis d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant qui intervient auprès de la personne. D’autres personnes interviendront donc ; elles ne sont pas médecins mais elles auront été en contact avec le patient : l’approche est humaine, selon l’impératif que nous nous sommes fixé.

Mme Océane Godard (SOC). On peut considérer la concertation comme une étape, qui peut se faire à distance. Néanmoins, je maintiens l’amendement. Dans ce processus d’accompagnement, il faut accorder de l’importance à chaque étape, en créant les meilleures conditions possibles, afin de garantir le respect de la dignité. Un problème technique peut survenir. Chaque année, quelque 300 personnes peut-être seront concernées : on peut leur accorder ce temps de concertation en présentiel.

Mme Annie Vidal (EPR). Comme Mme Gruet, je pense que la visioconférence est un outil fonctionnel pour les équipes dont les membres se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble sur des sujets connus. Nous voulons renforcer la procédure collégiale ; or celle-ci rassemblera des personnes qui ne se seront pas toujours rencontrées souvent et qui ne seront pas forcément à l’aise pour communiquer à distance – ce n’est pas si facile quand on n’en a pas l’habitude. Pendant un temps, les auditions parlementaires ont eu lieu à distance : nombre d’entre vous l’ont souligné, la qualité des discussions en est très altérée. Pour la décision dont nous parlons, il est fondamental que les personnes se rencontrent. Je soutiens la suppression de l’alinéa 10.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il est louable de vouloir organiser la concertation en présentiel mais cela ne peut que faire prendre du retard à la procédure. En milieu rural, où la mobilité est difficile, le médecin devra effectuer un parcours du combattant pour rencontrer tous les membres de la collégialité, c’est-à-dire les personnes qui entourent le patient, et non le patient lui-même. L’emploi du temps des médecins est si chargé que cela risque de retarder la décision, alors que les souffrances réfractaires nécessitent une réponse rapide. Nous ne voterons pas ces amendements.

M. Michel Lauzzana (EPR). En médecine, il existe déjà une procédure de décision collégiale : les réunions de concertation pluridisciplinaire, notamment organisées en cancérologie. On y prend parfois des décisions lourdes. Le patient a bien été examiné et l’on dispose de son dossier médical, construit non par un seul médecin mais tout au long du parcours. Il arrive que ces réunions aient lieu à distance, en particulier lorsque les spécificités territoriales empêchent de faire autrement. En outre-mer par exemple, toutes les spécialités ne sont pas représentées. L’alinéa 10 prévoit que la concertation « peut » être réalisée à distance.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous l’évoquons depuis le début des débats : le patient concerné sera issu d’un parcours de soins, palliatifs par exemple. Il aura donc été en contact avec le médecin. En tout état de cause, il faut sécuriser la procédure. Je rappelle que le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies a condamné les Pays‑Bas en 2009 parce que la consultation avec un second médecin pouvait avoir lieu par téléphone.

M. Nicolas Turquois (Dem). Certaines interventions laissent penser que les médecins pourraient appliquer cette procédure comme on poste une lettre. Nous parlons de professionnels de santé, d’hommes et de femmes qui consacrent toute leur carrière à soigner les autres, mobilisés pour répondre à une demande exceptionnelle : ils seront responsables. Si une concertation en présence est possible, ils l’organiseront. Ils ne recourront à la visioconférence que dans les rares cas où elle sera la seule ou la meilleure solution.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS295 de M. Thibault Bazin et AS1154 de M. Frédéric Valletoux

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à ajouter une négation à l’alinéa 10, afin que la concertation ne puisse être organisée à distance. Pour nous, c’est une ligne rouge.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements reviennent à interdire tout recours à la consultation à distance. Nous venons d’en débattre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS924 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). C’est un amendement de repli.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS634 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Le présent amendement vise à rendre obligatoire la présence du tuteur légal du demandeur lors de la concertation.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’exception n’est pas justifiée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion s’achève à minuit.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Stéphane Delautrette, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Marine Hamelet, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Pauline Levasseur, Mm  Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusé.  M. Jean-Hugues Ratenon

Assistaient également à la réunion.  M. Patrick Hetzel, M. Philippe Juvin