Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................37
Mercredi
30 avril 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 76
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs).
Article 6 (suite) : Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale
Amendement AS296 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Une rencontre physique avec la personne qui demande l’administration d’une substance létale semble indispensable. Plus on échange avec ceux qui pratiquent beaucoup la téléconsultation, plus on s’aperçoit de ses limites. Or, étant donné l’irréversibilité du geste, il est nécessaire d’établir au préalable un rapport de confiance entre le malade et le personnel médical destiné à émettre un avis.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous avons longuement débattu hier soir de la qualité que cet avis pouvait avoir même à distance. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS957 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Nous proposons que le collège pluridisciplinaire n’ait pas qu’un rôle de consultation mais de décision, en accordant un droit de veto à ses membres. La nature de l’acte différant profondément d’un arrêt des soins ou d’une sédation profonde, il nous paraît utile d’ajouter un filet de sécurité.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’unanimité au sein du collège n’est pas obligatoire. Ce qu’il faut, c’est que le médecin référent tienne compte de l’avis sous tous ses aspects. On ne peut pas prévoir qu’un seul membre bloque la procédure.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Si l’unanimité n’est pas exigée dans les procédures actuelles, il me semble que l’irréversibilité de l’euthanasie l’impose dans celle-ci. Il est en effet possible de revenir sur une décision de limitation ou d’arrêt des soins.
M. Patrick Hetzel (DR). Il existe en droit le principe du bénéfice du doute. Si un professionnel a un sérieux doute sur un tel acte, incomparable à tout autre geste médical ou chirurgical, il faut s’y attarder.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1019 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Nous proposons de nous inspirer du recueil du consentement applicable aux quelque 600 personnes qui font chaque année des dons d’organe intrafamiliaux – un nombre qui se rapprocherait, selon vos estimations, de celui des morts assistées. Elles sont soumises à une décision prise en quelques jours par un représentant du président du tribunal judiciaire, qui s’assure que les conditions du consentement sont bien établies. Cela permettrait de garantir le respect du processus et le caractère libre et éclairé du consentement du patient.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je le dis et le redis : la détermination du consentement libre et éclairé relève d’une décision médicale. Le médecin chargé de la procédure évalue déjà le caractère libre et éclairé de la volonté de la personne, comme le précise le texte : « La personne dont une maladie altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée. »
Par ailleurs, vous proposez que le tribunal émette une attestation sur le fondement d’un simple document déclaratif, ce qui me paraît beaucoup moins protecteur que la procédure prévue par le texte.
M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le rapporteur général, le cas du don d’organe intrafamilial est également médical. Le législateur a été très sage en prévoyant une procédure pour s’assurer qu’aucune pression n’est exercée. Cela m’étonne que vous ne fassiez pas le parallélisme entre les deux situations.
M. Nicolas Turquois (Dem). Il n’y a aucun parallélisme entre le don d’organe et la fin de vie ! L’aide à mourir est définitive, alors que des problèmes peuvent se poser après un don d’organe, ce qui nécessite une garantie juridique.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, quand je donne l’un de mes deux reins, c’est aussi une décision médicale. Le juge n’a pas à se prononcer sur la décision, il ne fait que contrôler la conformité de la procédure. Vous refusez que quelqu’un d’extérieur vérifie non l’opportunité de la décision, mais le respect du processus, c’est-à-dire celui de la loi. Quel est le problème ? Comment pourrait-on s’opposer au respect de la procédure ?
M. Stéphane Delautrette (SOC). Le don d’organe se fait au bénéfice d’un tiers. On comprend donc qu’il y ait une procédure pour vérifier qu’il ne soit pas consenti sous influence. La décision de recourir à l’aide à mourir, quant à elle, ne concerne qu’une seule personne et ne profite à personne d’autre. Ce n’est donc pas pareil.
M. Thibault Bazin (DR). C’est un sujet sensible. En réalité, des intérêts, notamment patrimoniaux, peuvent être en jeu. La personne, qui n’est pas forcément en fin de vie, peut être en maison de retraite ou dans un établissement qui impose un reste à charge à sa famille. Elle peut ne pas vouloir être un poids et nous devons la protéger. L’amendement propose une bonne façon de le faire.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Juvin, vous écrivez que le magistrat procède à l’appréciation de la volonté libre et éclairée. Mais ce n’est pas son rôle ! C’est une décision médicale. D’ailleurs, les magistrats ne souhaitent pas être impliqués dans ce processus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS557 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Depuis hier, nous constatons plusieurs imprécisions autour du collège. À mon sens, il y a trois étapes : décider, expertiser et acter. Qui prend la décision ? Ce n’est pas le collège – et c’est bien pour cela que nous tournons autour du pot –, c’est le patient. Ensuite, le collège livre son expertise. Et, pour moi, ce ne peut être qu’un juge qui acte. Ce n’est pas au médecin de le faire. Messieurs les rapporteurs, vous dites que c’est une loi sociétale. Mais quelle responsabilité le texte donne-t-il à la société ? J’entends que les juges ne veulent pas s’en mêler. Ils s’en lavent les mains comme Ponce Pilate ! Ne pas impliquer la société revient à dire que l’on s’en lave tous les mains et que l’on fait peser toute la responsabilité sur le médecin.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il n’est pas question de Ponce Pilate ici ! Ma réponse sera la même qu’à M. Juvin : ce n’est pas au président du tribunal judiciaire d’apprécier la volonté libre et éclairée du patient.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il ne s’agit pas d’apprécier cette volonté mais d’acter le respect de la procédure ! Je réécrirai mieux mon amendement pour que vous y soyez favorable dans l’hémicycle. C’est fondamental. La société doit se mouiller. Les médecins n’ont pas à porter toute la responsabilité ; ils sont là pour donner un avis.
Mme Justine Gruet (DR). Je m’inquiète de la responsabilité importante que l’on fait peser sur une seule personne, qui va évaluer les cinq critères, prendre la décision finale et exécuter l’acte. En cas de problème, c’est contre elle seule que l’on se retournera. On va nous rétorquer que c’est le patient qui décide. À ce compte-là, pourquoi avons-nous fixé des critères de recevabilité ?
M. Philippe Vigier (Dem). Qui fait la demande ? Le patient. Qui décide ? Le collège. Et c’est le médecin qui a reçu la demande qui sera chargé d’effectuer l’acte. J’entends votre souhait de faire entrer un président de tribunal dans le dispositif. Pourtant, la justice n’est pas sollicitée dans le cas de la sédation profonde et continue de la loi Claeys-Leonetti, alors qu’elle conduit selon toute certitude à la mort, du fait de l’arrêt des fonctions vitales.
M. Yannick Monnet (GDR). C’est un sujet central. Je comprends que les médecins trouvent que cela leur fait beaucoup pour eux. Je n’étais pas opposé à l’idée de permettre à un juge de vérifier que toutes les conditions prévues par la loi sont réunies – cela se fait dans d’autres domaines – mais, compte tenu de l’état de la justice, je crains qu’une telle disposition prive le droit à l’aide à mourir de toute effectivité. Pour moi, c’est le patient qui décide et le collège qui vérifie si les conditions sont respectées mais j’entends votre position.
M. Patrick Hetzel (DR). M. Isaac-Sibille a parfaitement raison de dire que celui qui assure le contrôle de la légalité, y compris d’actes médicaux, c’est le juge. Nous n’inventons rien. On ne peut pas comparer avec la sédation profonde et continue, d’une part parce qu’elle est réversible, d’autre part, parce qu’elle s’inscrit dans le court terme. Nous devons faire apparaître dans la loi un contrôle exercé au nom de la société, afin de ne pas reproduire les travers de certains modèles étrangers comme celui de la Belgique. Il faut un regard extérieur. Or celui qui est légitime pour le poser au nom du peuple français s’appelle un juge.
M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes en train de donner aux Français un droit supplémentaire, le droit à mourir. Ce droit que certains contestent, comme moi, sera entouré d’une procédure et de conditions. Ce que propose M. Isaac-Sibille et ce que je proposais également, c’est que le président du tribunal judiciaire atteste du respect des conditions d’accès. C’est tout. Cela n’a rien d’extraordinaire. S’agissant de l’encombrement de la justice, les cas de dons d’organe intrafamiliaux se règlent en quelques jours. Il serait paradoxal de limiter des droits pour des raisons matérielles. Nous souhaitons que la société, par le biais du juge, s’assure que toutes les conditions sont respectées. C’est une question fondamentale dans un État de droit.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il n’y a heureusement pas de décisions de justice pour vérifier les conditions d’accès à un droit. Le droit à l’avortement s’applique sans qu’un juge vérifie le nombre de semaines de grossesse. Ce serait hallucinant. Je demande un parallélisme des formes avec la loi Claeys-Leonetti, qui accorde le droit au laisser mourir. En effet, dans cette loi, le terme « collégial » renvoie bien à une délibération collective et non à la décision prise à son issue. Les professionnels vérifient que le patient répond aux conditions de l’aide à mourir. Le cas échéant, ils émettent un avis positif, puis le médecin prend la décision. Il n’est donc pas besoin d’un juge.
M. Thibault Bazin (DR). Robert Badinter, auditionné par la mission d’évaluation de la loi Leonetti, le 16 septembre 2008, avait déclaré ceci : « Constitutionnellement, la magistrature est gardienne de la liberté individuelle. À plus forte raison quand il s’agit de la vie d’autrui, il est évident que je ne concevrai pas qu’un comité quelconque puisse apprécier, en dehors de toute décision de justice, qu’une exception d’euthanasie trouve sa place. » Nous parlons de vie ou de mort. C’est une sacrée responsabilité. Il faut pouvoir vérifier que les conditions sont bien remplies.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On touche le fond du problème. La loi Claeys-Leonetti porte sur un acte médical réalisé sans intention de donner la mort. Nous sommes tous convenus que, dans ce texte, le geste n’était pas un acte médical et qu’il était effectué avec l’intention de donner la mort. Messieurs les rapporteurs, vous dites que c’est une loi sociétale. Mais où est-ce que la société prend sa responsabilité ? En reportant toute la responsabilité sur le médecin, vous faites comme Ponce Pilate et considérez qu’il s’agit d’un problème entre un patient et des médecins, lesquels doivent le régler seuls, sans que la société s’en mêle. Or la société doit s’en mêler par le biais du juge.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1107 de M. Frédéric Valletoux, amendement AS436 de Mme Christine Pirès Beaune, amendements AS135 et AS239 de Mme Justine Gruet, amendement AS74 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement vise à renforcer la collégialité de la décision, en remplaçant « le médecin » par « le collège pluriprofessionnel ».
Mme Justine Gruet (DR). Il s’agit de mieux associer le collège de professionnels de santé, en lui demandant sa décision plutôt que celle du médecin.
Chers collègues, vous faites un parallèle avec la loi Claeys-Leonetti. En ce cas, il faudrait aller jusqu’au bout et ne retenir que l’engagement du pronostic vital à court terme. L’éthique de ces textes ne sont pas les mêmes.
Vous mentionnez l’embouteillage de la justice. Votre loi est pourtant censée n’être qu’une loi d’exception. J’espère qu’il n’y aura pas des centaines de personnes concernées tous les jours.
Enfin, dans une interruption volontaire de grossesse, les éléments concernant le délai sont scientifiques et précis, ce qui est sécurisant. Ici, le pronostic vital est engagé, en phase avancée ou terminale, ce qui n’est juridiquement pas la même chose, à mon sens.
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de rendre collégiale la décision d’autoriser ou non le recours à une euthanasie ou à un suicide assisté.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous avons eu un long débat hier soir. Il est écrit à l’alinéa 11 que c’est le médecin qui se prononce. Mais il le fait à l’issue de la délibération du collège pluriprofessionnel. Il est bien sûr essentiel que ce soit le même médecin qui recueille la demande et qui restitue la décision. Le parallèle avec la loi Claeys-Leonetti et la sédation profonde et continue me semble précisément pertinent, puisque personne ne remet en cause la rigueur de cette procédure. La collégialité permet la délibération des professionnels. Le médecin ne fait qu’en restituer fidèlement la décision. Vos amendements complexifient inutilement la procédure.
Avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Pour aller dans le sens de Mme Simonnet, je tenais à vous faire part de la décision de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant la sédation profonde : « Cette demande est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale avec le médecin qui suit le patient, les membres présents de l’équipe soignante et au moins un médecin extérieur. Si la situation du patient est conforme aux dispositions de la loi, et à l’issue de la procédure collégiale, le médecin du patient met en place une [sédation profonde et continue]. » Aussi peut-on reprendre les mêmes termes, plutôt que d’en inventer de nouveaux.
M. Patrick Hetzel (DR). Nous insistons sur la collégialité de la prise de décision, parce que nous voulons garantir l’impartialité et la qualité de la décision grâce à la confrontation des points de vue médicaux. Notre rôle n’est pas simplement d’accorder un droit mais aussi de nous assurer que celui-ci est encadré. Je ne comprends pas votre acharnement à ne pas vouloir encadrer un minimum les choses. Il est de notre devoir de donner ces garanties à nos concitoyens.
Mme Justine Gruet (DR). Le médecin peut-il aller à l’inverse de la décision du collège ? Son avis est-il contraignant juridiquement ? Imaginons un lien très fort entre le patient et son médecin, lequel est intimement convaincu de la légitimité de la demande. À l’examen des critères, les deux autres personnes consultées essaient de lui ouvrir les yeux en lui montrant que les cinq critères ne sont pas remplis. Le médecin peut-il tout de même décider que la demande est recevable ? Un encadrement serait sécurisant, notamment pour les personnes les plus vulnérables.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Madame la députée, j’ai déjà répondu à cette question. Le retour du médecin ne peut qu’être fidèle à l’expression collégiale.
Mme Annie Vidal (EPR). Dans le cas de la sédation profonde, le médecin verse sa décision motivée au dossier, tout comme les autres professionnels médicaux.
L’amendement AS436 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements AS692 de M. Hadrien Clouet, AS299 de M. Thibault Bazin, amendements identiques AS18 de M. Alexandre Portier et AS322 de M. Thierry Frappé, amendements AS435 de Mme Sandrine Runel, AS437 de Mme Océane Godard et AS892 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes confrontés à une contradiction. D’un côté, l’aide à mourir s’applique pour des pronostics vitaux engagés à court terme, de l’autre, le médecin a un délai de quinze jours pour notifier cette décision. Parfois, le temps accordé au médecin excède celui qu’a la personne qui veut recourir à l’aide à mourir. C’est pourquoi notre amendement prévoit que le plafond de quinze jours soit réduit pour les personnes qui n’ont pas ce temps devant elles, pour éviter que le dispositif n’impose cyniquement aux personnes de supporter les souffrances auxquelles elles veulent échapper. L’amendement suivant, AS299, mentionne un délai « raisonnable », ce qui nous semble trop peu précis. Pour qui serait-il raisonnable ? Pourquoi le serait-il ? La raison est toujours instrumentale.
M. Thibault Bazin (DR). Il y a des patients en fin de vie ; il y a des patients qui ne sont pas en fin de vie mais dont le pronostic vital est engagé en raison d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. Ils peuvent tous demander à parler à un psychologue, peut-être pour demander des soins palliatifs. Cela demande du temps. La formulation que je propose – « le médecin se prononce dans un délai raisonnable » – me semble la meilleure possible. Quinze jours, cela peut passer très vite ; pensons à la première quinzaine d’août, par exemple.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement de M. Portier vise à porter à trente jours le délai dont dispose le médecin pour se prononcer sur l’activation de la procédure de l’aide à mourir. Cette extension est essentielle pour garantir une réflexion approfondie et une évaluation minutieuse de chaque situation particulière.
M. Thierry Frappé (RN). Il faut en effet donner plus de temps au médecin pour rendre son avis. Une telle décision, souvent difficile, nécessite un avis collégial et celui de confrères.
Mme Océane Godard (SOC). On peut considérer que la personne qui fait cette demande a pris le temps de réfléchir avant de la formuler. Il ne s’agit pas d’une décision prise à la légère. Il faut aussi penser aux souffrances qui guident un tel choix.
L’amendement AS435 ramène donc le délai à dix jours, l’amendement AS437 à sept jours.
Mme Annie Vidal (EPR). Vingt-quatre heures tant qu’on y est !
Mme Danielle Simonnet (EcoS). C’est un débat sérieux, il ne faut pas le railler comme vous le faites. Il s’agit de personnes qui demandent une aide à mourir parce que leurs souffrances sont insupportables et réfractaires à tout traitement. Elles n’en peuvent plus, elles veulent qu’on éteigne la lumière pour elles. Devront-elles attendre quinze jours pour accéder à ce droit alors que, souvent, leur situation se sera encore dégradée ?
L’essentiel, c’est que la décision ne puisse pas être rendue au-delà de ce délai de quinze jours. L’amendement de M. Clouet me paraît judicieux : il faut être au plus près du pronostic vital. La communauté médicale connaît la situation du patient.
Par ailleurs, je regrette l’ordre dans lequel ont été placés les amendements : il m’aurait semblé préférable de voter les amendements proposant d’abord les délais les plus courts.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.
Ces amendements ont un seul point commun : ils tendent à modifier le délai laissé au médecin pour se prononcer, que ce soit pour le réduire ou pour l’allonger. Cette discussion illustre parfaitement l’idée que je m’efforce de défendre : celle d’un texte équilibré, ce que vous avez assuré par vos votes depuis le début de son examen. Je vous en remercie encore.
Nous devons, en toute responsabilité, prendre en considération deux principes : celui de célérité de la procédure, car l’état de santé de la personne peut exiger une réponse rapide, et l’attente peut être difficilement supportable s’agissant d’une telle demande ; celui de réalité, car le médecin a besoin d’un peu de temps pour engager la procédure et recueillir les avis. La conciliation de ces deux impératifs impose d’écarter des délais qui ne me semblent pas crédibles, dans un sens ou dans l’autre.
Je vous invite à suivre la sagesse qui prévaut depuis le début de nos travaux et à maintenir l’équilibre inscrit dans la proposition de loi.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous ne proposons pas d’augmenter le délai ; nous demandons, avec l’amendement AS692, qu’il ne puisse pas excéder quinze jours. C’est précisément un point d’équilibre. Comme l’a souligné Mme Simonnet, notre amendement aurait dû être un amendement de repli, mis au vote après ceux proposant quatre, sept ou dix jours. Je vous invite donc à le voter : ce sera un joli test pour savoir si ceux qui ne cessent de parler d’équilibre sont capables de voter celui-ci.
M. Yannick Monnet (GDR). La rédaction proposée par M. Clouet me paraît la plus judicieuse.
Il manque parfois quelque chose à nos débats : la nécessaire confiance que nous devons accorder aux médecins et aux professionnels de santé. Nous leur demandons beaucoup, et cet amendement leur donne une marge d’appréciation sur le délai. Au contraire, un délai de quinze jours paraît arbitraire, alors que les situations particulières sont si nombreuses.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Ce délai est le fruit des discussions transpartisanes menées lors de l’écriture du projet de loi d’origine. En Espagne, aucun délai n’est inscrit dans la loi ; plus de la moitié des personnes qui y demandent l’aide à mourir décèdent avant que les médecins ne rendent leur décision. Il nous a donc semblé important de prévoir un délai.
Quel délai, et y a-t-il un bon délai ? Les bornes et les limites sont toujours discutables. Une semaine a paru trop court, en raison du principe de réalité invoqué par notre rapporteur général. Quinze jours semblent le délai le plus approprié pour répondre à la fois au malade qui demande l’aide à mourir – une décision dont je ne peux pas laisser dire qu’elle est irréfléchie – et au corps médical.
M. Patrick Hetzel (DR). J’entends bien que ces amendements cherchent à laisser une marge d’appréciation. Mais un tel texte doit fixer des bornes. Bien sûr, elles pourront toutes être sujettes à interrogation, mais sans délai précis, vous créeriez d’autres risques.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous dites souvent que la proposition de loi est équilibrée. C’est là une appréciation très subjective que certains d’entre nous ne partageons pas, notamment parce que les garanties procédurales ne nous semblent pas suffisantes. Nous sommes loin, très loin d’un équilibre.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je m’étonne moi aussi de l’ordre de discussion et de vote des amendements. Il m’aurait paru logique de voter d’abord sur les délais les plus courts. Quelle est l’explication de cet ordonnancement ?
Sur le fond, j’apprécie la rédaction de l’amendement de M. Clouet. Avec la rédaction actuelle, des proches qui seraient opposés à la demande du malade pourraient critiquer une décision qui interviendrait avant quinze jours. Il existe aussi des agonies qui durent huit, dix jours, avec des souffrances insupportables. La formule « un délai compatible avec le pronostic vital de la personne et n’excédant pas quinze jours » me paraît donc pertinente.
M. Thibault Bazin (DR). La notion de délai est importante, et la durée choisie doit être réaliste. Je suis aussi sensible à la question de la relation de confiance.
Je n’ai pas inventé la notion de « délai raisonnable » que je propose : elle apparaît dans le code de la santé publique, dans la section des principes généraux relatifs aux droits des personnes malades. En particulier, l’article L. 1111‑4 dispose que « si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable ». Lorsque le juge doit se prononcer dans des contentieux qui ont trait à la liberté individuelle, il évoque souvent cette notion de délai raisonnable, qui apporte à la fois souplesse et confiance.
M. Julien Odoul (RN). En matière d’équilibre, on repassera ! Ce texte penche sérieusement d’un côté, celui qui vous agrée.
À côté du principe de réalité que vous évoquez à juste titre, il y a un impératif de prudence. J’entends qu’il faut se mettre à la place du médecin ; celui-ci doit avoir le temps de prendre sa décision. Il faut aussi se mettre à la place du patient en fin de vie. Une fois exprimée et réitérée la demande, le médecin engage la procédure, et le patient se met à réfléchir. Les professionnels de santé nous disent que c’est à ce moment-là que la demande d’aide à mourir devient concrète. Ce délai doit donc être important, par prudence : il faut laisser le temps à cette prise de conscience de se faire.
L’amendement de M. Clouet autoriserait toutes les dérives. Sur le papier, ce sera quinze jours et moins ; dans la réalité, ce sera toujours moins de quinze jours.
Mme Océane Godard (SOC). Sensibles aux arguments de M. Monnet, nous retirons les amendements AS435 et AS437 au profit de celui de M. Clouet.
Les amendements AS435 et AS437 sont retirés.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’amendement de M. Clouet me semble satisfait par la rédaction actuelle de la proposition de loi.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il me paraît utile de clarifier que le médecin peut répondre avant la date limite.
Pour certains, il faudrait que le médecin ait beaucoup plus de temps, mais on ne parle pas ici de la concertation, ni de la collecte des avis. Ce délai doit nécessairement être adapté en fonction du pronostic vital, il me semble important de le mentionner.
Il serait bon qu’en séance publique, l’ordre de discussion des amendements soit plus cohérent.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Le délai de quinze jours mentionné dans le texte est bien un plafond. Si ce délai était incompressible, le texte le préciserait clairement. D’ailleurs, l’alinéa 12 mentionne « un délai de réflexion qui ne peut être inférieur à deux jours » pour la phase suivante. À mes yeux, l’amendement de M. Clouet est satisfait : le médecin peut, et doit, se prononcer dans un délai inférieur si cela est nécessaire, à condition que ce soit techniquement possible, par exemple pour recueillir les avis.
M. le président Frédéric Valletoux. L’ordre de discussion est décidé de façon formelle, selon la partie de la phrase que les amendements tendent à modifier.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Présumons que chacun est de bonne foi dans cette discussion, qui est complexe.
Je suis souvent d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, mais pas ici : le médecin « peut » – il ne doit pas. Nous ne remettons pas en cause le plafond de quinze jours : la collégialité peut poser des problèmes techniques. Le sens de notre amendement est d’insister sur le fait que ce délai sera, pour certaines personnes, une entrave à l’accès au dispositif : le temps de la réunion du collège, puis de la notification, la personne sera décédée. Sans le vouloir, on aura empêché des individus d’exercer ce droit.
L’amendement précise simplement que si le pronostic vital est engagé à très court terme – ce qu’on sait, puisque c’est l’un des critères initiaux de la demande –, on pourra appliquer cette règle. Il est donc utile et concourt à la bonne application de la loi.
M. Philippe Juvin (DR). En Espagne, le malade doit renouveler sa demande au bout de quinze jours. Le délai est bien ici celui du médecin. La plupart du temps, ce sera probablement zéro jour : l’étude collégiale aura été menée préalablement et le médecin pourra juger immédiatement. À cela, il faut ajouter les quarante-huit heures inscrites à l’alinéa 12, qui peuvent devenir zéro elles aussi, en fonction de raisons dont les acteurs jugent en conscience.
En chirurgie esthétique – ce n’est évidemment pas la même chose, mais c’est un élément de comparaison intéressant –, le délai pour le consentement est de quinze jours. De nombreux actes chirurgicaux nécessitent une réflexion plus longue.
La procédure telle qu’elle est prévue ici me paraît expéditive.
Mme Hanane Mansouri (UDR). Le délai de quinze jours est bien sûr insuffisant pour un acte aussi grave. En guise de comparaison, pensons que le délai légal pour renvoyer un colis commandé sur internet est de quatorze jours !
Quant à l’argument selon lequel ce délai empêcherait des proches d’influencer la décision du patient pour qu’il revienne sur sa décision, je m’interroge : comme cela serait-il possible puisque la loi crée un délit d’entrave ? Ni les proches, ni les soignants ne pourront faire changer un patient d’avis.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS298 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Nous voulons que la décision soit collégiale et que les avis soient pris en compte ; pour cela, il faut qu’ils aient le temps d’être émis. Il s’agit ici encore une fois de renforcer la collégialité.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est superflu, car l’emploi du présent dans le texte implique une obligation : le médecin ne pourra pas rendre de décision sans avoir reçu ces avis.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS958 de M. Philippe Juvin.
Amendement AS434 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS622 de Mme Geneviève Darrieussecq et AS605 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS622 est défendu.
Mme Annie Vidal (EPR). Il s’agit de préciser que la décision motivée du médecin est également communiquée au proche aidant et à la personne de confiance.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS300 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’un amendement de cohérence. Je l’ai déjà dit, la traçabilité est essentielle. Les acteurs doivent être responsabilisés, d’autant qu’il n’y aura pas de recours possible, puisque la seule personne qui aurait pu en intenter sera décédée.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. C’est un débat que nous avons déjà eu hier soir. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS75 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement prévoit un délai supplémentaire de cinq jours lorsque tous les avis nécessaires à la prise de décision par le médecin n’ont pu être recueillis. Il s’agit de s’assurer que l’expertise soit complète.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous soulevez un point intéressant : il paraît utile de prévoir ce cas de figure.
S’agissant d’exigences opérationnelles, il me semble néanmoins plus judicieux de renvoyer cette adaptation au pouvoir réglementaire, d’autant que l’article 13 dispose qu’un décret en Conseil d’État précisera la procédure de recueil des avis mentionnés ici. En tant que parlementaires, il nous reviendra ensuite de contrôler l’application de la loi.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1121 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Toujours dans l’idée de renforcer la traçabilité, il s’agit de prévoir que l’information de la personne chargée d’une mesure de protection juridique se fasse par écrit. Ce texte souffre à mon sens d’un manque de traces écrites. Il y a trop d’oralité.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis favorable.
La réponse à la demande du malade étant formulée par écrit, il est probable que la personne chargée de sa protection recevra la même notification. Toutefois, le texte ne le précise pas.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS873 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). Les proches de la personne qui fait une demande d’euthanasie doivent être à tout le moins informés de ce choix. L’euthanasie d’une personne chère a toujours des répercussions psychologiques importantes et il serait injustifiable de laisser les parents et les enfants dans l’ignorance.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS76 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de supprimer les mots « le cas échéant » dans la seconde phrase de l’alinéa 11. La personne qui assiste ou représente le patient qui souhaite mourir doit être informée de la décision médicale : elle l’a suivi et a protégé ses intérêts. Il semble légitime qu’elle soit informée de la décision du médecin.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le médecin ne peut informer cette personne que si elle existe : c’est pourquoi les mots « le cas échéant » figurent ici.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS297 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à apporter des garanties supplémentaires aux majeurs protégés et à assurer le respect de leurs droits fondamentaux en permettant à la personne chargée de la mesure de protection de former un recours devant le juge des tutelles.
En effet, l’article 6 prévoit que le médecin devra l’informer de la demande du majeur protégé, recueillir ses observations et lui notifier la décision prise. Cela paraît insuffisant : cette personne pourrait, au titre de son rôle de protection, être en désaccord avec la décision du médecin d’approuver la demande d’aide à mourir. Cette situation est susceptible de créer de la complexité et du conflit, au détriment de l’intérêt du majeur protégé.
J’ajoute que si un patient n’indique pas au médecin faire l’objet d’une mesure de protection, et si le registre n’est pas en place, nous courons de vrais risques.
M. Laurent Panifous, rapporteur. De nombreuses mesures suggérées par le Conseil d’État ont été intégrées par voie d’amendement l’an dernier lors de l’examen du projet de loi. Le texte en a été sensiblement amélioré et apporte des garanties supplémentaires.
Le caractère libre et éclairé de la volonté du demandeur sera évalué par le médecin et le collège pluriprofessionnel. La judiciarisation que vous appelez de vos vœux ne me paraît pas apporter de plus-value.
Mme Justine Gruet (DR). J’en reviens au cinquième critère, celui d’être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Un juge serait peut-être plus à même d’accéder au registre, quand celui-ci fonctionnera. Si nous nous reposons sur le lien de confiance, le médecin pourra ignorer que le patient est sous tutelle ou sous curatelle. Nous risquons de passer à côté de quelque chose. C’est une question éthique. Nous légiférons ici sur une liberté individuelle. Mais dans quelle mesure le majeur protégé comprendra-t-il toute la portée de cette décision ?
M. Hervé de Lépinau (RN). On ne peut pas faire l’économie, concernant les majeurs protégés, de l’application des règles de droit commun qui s’appliquent à eux. En cas de recours au juge des tutelles, le parquet est partie à la procédure. Cet amendement apporte des garanties solides contre les tentatives d’abuser de la vulnérabilité d’une personne protégée, à des fins peu avouables. C’est une réalité : des maires sont témoins d’abus de faiblesse de la part d’une dame de compagnie ou d’une femme de ménage.
Cette précision serait utile. Les personnes chargées des majeurs protégés vous en sauront gré.
M. Thibault Bazin (DR). Les majeurs qui font l’objet d’une mesure de protection sont par définition déjà judiciarisés, monsieur le rapporteur. Les personnes chargées de leur protection pourront seulement, selon la rédaction actuelle de la proposition de loi, émettre des observations. Cela ne me paraît pas suffisant ; la société a une responsabilité vis-à-vis de ces majeurs protégés. Il ne s’agit pas de demander une saisine systématique du juge, mais seulement d’ouvrir cette possibilité.
Un autre article prévoit que seule la personne concernée – décédée – pourra faire un recours : disons-le, aucun recours ne sera possible. Ne risquons-nous pas d’ouvrir la porte à des dérives graves ?
Mme Annie Vidal (EPR). Je suis plutôt favorable à cet amendement. Les travaux de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance ont montré que les majeurs protégés sont vulnérables. Ils ont besoin de garanties solides afin d’éviter des pressions qui les conduiraient à formuler cette demande.
S’ils sont protégés, c’est bien que leurs facultés sont altérées, ce qui rend difficile l’expression d’une volonté libre et éclairée.
M. Laurent Panifous, rapporteur. À l’article 5, nous avons adopté l’amendement AS966 de M. Philippe Juvin, qui oblige les médecins à vérifier l’effectivité de la protection judiciaire d’un patient majeur protégé, et l’amendement AS512 de M. Yannick Monnet, qui permet aux médecins de saisir le juge des tutelles ou le conseil de famille en cas de doute quant au consentement du patient majeur protégé.
M. Patrick Hetzel (DR). Dans le cas précis que vous évoquez, monsieur le rapporteur, le médecin est à la fois juge et partie ; il n’est donc pas à même de jouer son rôle de protecteur du patient. Il faut que le tiers joue son rôle, donc il convient de ne pas l’effacer. Par nature, la loi a vocation à créer des normes inédites, mais là, vous innovez particulièrement dans la construction juridique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS559 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Parce que ce texte fait peser la responsabilité de la décision sur les médecins, il me semble essentiel de leur permettre de saisir le procureur de la République s’ils doutent du caractère libre et éclairé du consentement de leur patient.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends l’objectif de votre amendement, mais en cas de doute, le médecin peut notifier au demandeur une décision défavorable.
De plus, le droit pénal répond à vos inquiétudes : dans le cas de figure que vous évoquez, le procureur de la République peut déjà apprécier la situation s’il est saisi par le médecin, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans ce texte. Si l’enquête qu’il diligente révèle l’absence de pression extérieure, tout médecin pourra alors, à la demande du patient, appliquer la procédure.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Ce cas de figure se présentera nécessairement, monsieur le rapporteur général.
Vous avez raison, il est déjà possible pour un médecin de faire un signalement s’il constate quelque chose d’anormal. La rédaction de l’amendement est toutefois intéressante : en obligeant le médecin à effectuer ce signalement en cas de doute, elle lui confie un rôle de protecteur des droits ; elle crée une sorte d’équivalent à l’article 40 du code de procédure pénale.
M. Philippe Vigier (Dem). La décision, collégiale doit prendre en considération de nombreux éléments, pas seulement médicaux. Si un médecin était tenaillé par le doute, comment le collège pourrait-il ne pas en tenir compte au moment de prendre la décision ? Il faut veiller à ne pas encourager de transfert de responsabilité entre le collège et la justice, que les membres du premier pourraient intégrer en cas de risque de soupçon pesant sur la décision qu’ils sont amenés à prendre. En tout état de cause, je ne crois pas qu’une décision favorable à l’aide à mourir serait prise en cas de doute – sauf à envisager une forme de cynisme.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je souscris aux propos de M. Philippe Vigier : les médecins ont le droit de refuser d’autoriser l’aide à mourir. Cela me semble suffisant, pourquoi recourir au procureur de la République ? Cette proposition de loi vise à assurer une fin de vie sereine aux patients, mais vos amendements tendent à leur ajouter une charge mentale et judiciaire complexe et inutile.
M. Hervé de Lépinau (RN). Le texte prévoit un délit d’entrave ; face à celui-ci, il convient, pour maintenir l’équilibre du texte, de protéger les médecins en leur donnant la possibilité de se dégager de l’obligation que vous souhaitez leur imposer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS560 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Vous dites que la création de ce nouveau droit ne retire rien à autrui, mais il me semble qu’elle peut susciter une forme de pression sociale. Hier soir, messieurs les rapporteurs, je n’ai pas obtenu de réponse à mon interrogation : qu’est-ce qu’un médecin peut dire à un patient qui veut accéder à l’aide à mourir, de manière libre et éclairée, parce qu’il estime être un poids trop lourd pour sa famille, pour les soignants et pour la société tout entière ? Et quelle réponse apporter si cette motivation n’est pas dite, mais que le médecin en suspecte l’existence ?
M. Laurent Panifous, rapporteur. Je mesure les difficultés auxquelles sera confronté le corps médical au moment de prendre de telles décisions ; les médecins exercent une profession qui les conduit à prendre des décisions délicates.
Un patient doit remplir cinq conditions précises pour accéder à l’aide à mourir. S’il souffre d’une maladie grave et incurable, et que ses souffrances sont réfractaires et insupportables, le médecin est fondé à donner une réponse favorable à sa demande libre et éclairée.
Avis défavorable.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je partage totalement les propos du rapporteur Panifous et je regrette que notre réponse ne vous convienne pas.
L’avis est défavorable sur l’amendement.
M. Philippe Vigier (Dem). Ce débat est trop grave pour laisser passer de telles allégations : une personne qui se considérerait comme un poids pour la société n’accédera pas soudainement à l’aide à mourir !
Le cadre que nous avons défini grâce à nos débats est strict et il convient de le respecter. Il n’est pas question de faire croire qu’il existerait une sorte de droit de tirage ! Qui, à un moment ou à un autre, ne peut être considéré comme un poids pour la société ? Ce texte est uniquement conçu pour des patients souffrant d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé.
Mme Justine Gruet (DR). Le cadre que nous avons défini jusqu’à présent est beaucoup moins sécurisant que celui en vigueur en Belgique. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Vigier : les critères, notamment ceux portant sur l’état d’avancement de la maladie, n’ont pas été suffisamment précisés pour garantir l’absence d’abus.
Vous évoquez la situation de patients qui seraient arrivés au terme de leur maladie, mais ce n’est pas le seul cas de figure. La déficience de la prise en charge de la perte d’autonomie provoque une pression sociale qui m’inquiète ; si un médecin n’a aucune solution alternative à proposer à son patient en la matière, ne risque-t-il pas d’être réduit à une forme d’impuissance au moment de faire valoir les critères ? Ne risque-t-on pas, à l’inverse, de constater une toute-puissance du patient vis-à-vis du médecin ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS959 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). L’amendement vise à faire présenter, par le médecin, le résultat de la concertation à un juge du tribunal judiciaire, afin que celui-ci vérifie la régularité de la procédure. Il m’a été suggéré par le président d’un tribunal judiciaire de la région parisienne : s’il estime n’avoir pas son mot à dire sur le fond – une demande libre du patient, éclairée par le collège –, il considère en revanche que la validité de la procédure doit être contrôlée par un juge.
Enfin, l’amendement prévoit que le juge statue en urgence, pour éviter des délais trop longs résultant de l’encombrement des tribunaux.
M. Laurent Panifous, rapporteur. La judiciarisation de la procédure n’est pas souhaitable. Un professionnel de santé me semble plus compétent qu’un juge pour évaluer le caractère libre et éclairé du consentement du patient.
Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). L’amendement est intéressant, mais il gagnerait à être réécrit en vue de l’examen du texte en séance publique. Les derniers mots – « et sans appel possible » – créent une inconstitutionnalité et ne peuvent donc être conservés ; il est impossible d’écarter la possibilité de faire appel, notamment de la part du parquet qui sera partie à la procédure.
M. Philippe Juvin (DR). Dans la procédure de don d’organe intrafamilial, il me semble que la décision du juge ne peut faire l’objet d’un appel – nous le vérifierons.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Qui assumera véritablement la responsabilité de la décision de donner accès à l’aide à mourir ? En considérant – un peu facilement – que ce sera le collège, vous ne vous rendez pas compte de la responsabilité que vous faites peser sur les médecins !
Si cette proposition de loi est sociétale comme vous le prétendez, alors la société doit s’engager par le biais d’un acte judiciaire puisque nous vivons dans un État de droit. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1136 de M. Laurent Panifous.
La réunion est suspendue de dix heures quarante-cinq à onze heures.
Amendements AS301 de M. Thibault Bazin, AS661 de Mme Angélique Ranc, AS961 de M. Philippe Juvin, AS919 de Mme Christine Loir, amendements identiques AS962 de M. Philippe Juvin et AS1104 de M. Julien Odoul, amendements AS1061 de M. Serge Muller et AS816 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques AS875 de Mme Lisette Pollet et AS960 de M. Philippe Juvin, amendements AS238 de Mme Justine Gruet, AS350 de Mme Marine Hamelet, AS1077 de M. Théo Bernhardt, AS724 de M. Christophe Bentz et AS438 de Mme Sandrine Runel (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). Le texte prévoit un délai de réflexion de seulement deux jours avant de réitérer la demande. Or la volonté du patient peut fluctuer et celui-ci peut changer d’avis, notamment grâce à un nouveau traitement. D’après de nombreux professionnels, la demande d’administration d’une substance létale en vue de provoquer la mort disparaît, dans l’immense majorité des cas, après une prise en charge psychologique ou le début de soins palliatifs.
Les délais prévus – quinze jours, puis deux jours – sont-ils suffisants pour tenir compte de la fluctuation de la volonté du patient ? Certains patients veulent absolument mourir juste après un accident grave, mais changent d’avis après quelques jours. Alors que nous devrions favoriser l’apaisement du malade, je ne suis pas certain que des délais contraints y contribuent.
Mme Angélique Ranc (RN). Mon amendement vise à fixer le délai de réflexion à trente jours, une durée nécessaire compte tenu du caractère irréversible de cette décision.
En chirurgie esthétique, le délai de réflexion est de quatorze jours ; il doit être plus long lorsque l’on souhaite se donner la mort, afin d’avoir la possibilité de prendre connaissance d’informations susceptibles de modifier son opinion ou d’expérimenter un traitement contre la dépression, dont l’effet est constaté après trois semaines.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement de Philippe Juvin vise à porter à vingt et un jours le délai de réflexion avant de réitérer une demande d’aide à mourir.
En chirurgie esthétique, un délai de quinze jours doit être observé entre la remise du devis et l’intervention éventuelle : il offre au patient la possibilité de revenir sur sa demande. Une communication de l’Académie nationale de médecine indique que le délai moyen de réflexion en chirurgie orthopédique est de vingt-cinq jours.
Mme Christine Loir (RN). Mon amendement vise à porter le délai de réflexion à quinze jours. Un délai suffisamment long est nécessaire pour réfléchir à la décision d’être euthanasié ou de recourir au suicide assisté.
M. Christophe Bentz (RN). Je défends l’amendement AS1104.
Bien que plusieurs amendements visent à le modifier, il est impossible de fixer un délai de réflexion satisfaisant pour un acte aussi grave et irréversible.
Monsieur le rapporteur général, vous avez voulu un texte qui accélère la procédure tout en la nimbant de flou : ainsi, l’alinéa 12 prévoit que « ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit », une formulation qui manque volontairement de précision.
Loin d’être équilibré, ce texte est le plus permissif au monde ; en Belgique et aux Pays-Bas, les délais sont plus longs. En tout état de cause, vous ne prévoyez aucun garde‑fou qui permettrait au patient de renoncer à sa demande de mort et de choisir la vie.
M. Serge Muller (RN). Mon amendement vise à substituer au délai de deux jours un délai incompressible de dix jours entre la demande d’aide à mourir et l’acte lui-même. Le choix de mettre fin à sa vie, même dans un cadre légal, doit être entouré de solennité et concrétisé après un temps de maturation à la hauteur de sa gravité.
Deux jours, c’est un sursaut ; dix jours, c’est un temps de recul, un espace propice au dialogue et au retour éventuel à un projet de soins visant à apaiser la souffrance psychique. Ce n’est pas une entrave à la liberté, mais une garantie contre la précipitation. Je ne doute pas que la majorité des patients seront fermes dans leur choix, mais notre responsabilité consiste aussi à penser à ceux qui pourraient regretter, trop tard, une décision prise dans un moment d’angoisse ou de désespoir.
Mme Sandrine Dogor‑Such (RN). L’amendement AS816 est défendu.
Mme Lisette Pollet (RN). Le délai de deux jours avant de confirmer la décision de mourir est bien trop bref et ne laisse pas le temps au patient d’envisager une alternative. Un délai d’une semaine me paraît bien plus raisonnable pour réfléchir de manière approfondie aux conséquences réelles de son choix, sans être excessif compte tenu du caractère définitif de cette décision.
Mme Justine Gruet (DR). Mon amendement vise à porter le délai de réflexion de deux jours à une semaine. Le désir de mourir peut fluctuer, notamment lors des derniers jours ; de plus, il y a certainement des choses à préparer. Il importe que l’accompagnement soit effectué dans les meilleures conditions possible.
Mme Sandrine Dogor‑Such (RN). L’amendement AS350 est défendu.
Mme Angélique Ranc (RN). L’amendement AS1077 est défendu.
M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement de repli ultime, visant à augmenter d’un jour le délai de réflexion. Les votes de chacun d’entre vous sur les amendements précédents – que je voterai tous – nous permettront de voir à quel point vous êtes prêts à prendre en considération la fluctuation de la demande de mort.
Mme Océane Godard (SOC). Contrairement aux précédents, l’amendement AS438 a pour but de réduire le délai minimal de réflexion à vingt-quatre heures.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Les amendements visant à allonger le délai s’appuient sur l’argument selon lequel la phase de réflexion serait trop courte. Celui qui tend à la réduire a pour but de rendre le droit effectif et d’assurer la célérité nécessaire dans les situations où la décision doit être prise rapidement.
Fixer des délais est un exercice compliqué ; la phase d’évaluation, d’une durée de quinze jours, et celle de réflexion, d’une durée de deux jours après la communication de la décision collégiale, ont un objectif clair visant à favoriser la réflexion du patient. Toutefois, le cheminement débute bien avant la demande et se poursuit après la rencontre avec le médecin, pendant la phase d’évaluation ; l’ultime délai de réflexion de quarante-huit heures au moins est imposé au patient – c’est d’ailleurs la seule chose qui lui soit imposée.
Permettez-moi cependant de rappeler qu’à tout moment de la procédure, le demandeur peut prendre le temps qui lui semble nécessaire ; à tout moment, il peut changer d’avis, même dans les minutes qui suivent la décision finale et même au tout dernier moment.
Les délais que nous avons fixés sont importants ; ils reflètent un équilibre délicat ayant fait consensus lors de l’élaboration du texte.
Avis défavorable sur tous les amendements, qu’ils visent à allonger ou à réduire le délai de réflexion.
M. Yannick Monnet (GDR). N’y voyez pas d’outrage et pardonnez ma trivialité, mais certains de ces amendements sont ce que j’appelle des « amendements dahu » : ils racontent une histoire qui n’existe pas.
Ils font croire que le demandeur doit prendre position, mais tel que le texte est rédigé, « un délai de réflexion qui ne peut être inférieur à deux jours à compter de la notification de la décision », le demandeur est libre de déterminer le temps de réflexion qui lui est nécessaire. Sa seule contrainte est d’attendre au moins deux jours, mais s’il a besoin de quinze jours, il peut les prendre ! Pourquoi voulez-vous imposer un délai à quelqu’un qui est malade ?
Ne faisons pas semblant de croire que les patients commencent à réfléchir à leur fin de vie le jour où ils formulent leur demande ; à ce moment-là, leur décision est déjà prise. La question se pose d’ailleurs dès l’annonce de la maladie.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous devons toujours envisager les effets de bord et, surtout, envisager le pire.
Tel que ses promoteurs l’ont envisagée, cette proposition de loi est un texte à effet cliquet sur lequel le législateur reviendra afin d’étendre davantage le champ de l’euthanasie et du suicide assisté, jusqu’à aboutir à la situation qui a cours au Benelux, où une personne en détresse psychologique peut demander à être euthanasiée.
Certaines mutuelles figurant parmi les promoteurs de ce texte, la dimension économique de l’euthanasie et du suicide assisté ne peut être entièrement écartée.
Des délais de réflexion trop courts font courir aux personnes en situation de sujétion le risque de ne plus pouvoir revenir sur leur décision.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis choquée par ce que je viens d’entendre. La position de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) n’est pas financière, mais philosophique, principielle et humaniste : elle défend la liberté de chacun de décider de sa vie et de sa mort.
Cette proposition de loi est un texte d’équilibre ; vos amendements laissent accroire qu’un patient pourrait décider de mourir en quarante-huit heures et trouverait immédiatement un médecin pour valider ce choix. Vous savez pertinemment que l’économie du texte diffère fortement de ce schéma.
En premier lieu surviennent la maladie et la souffrance ; puis, le pronostic vital est engagé, lorsque le patient est en phase avancée ou terminale ; après que celui-ci a formulé une demande d’aide à mourir, un délai de quinze jours permet au médecin de collecter des avis et de vérifier que les conditions requises sont remplies ; enfin, lorsque le médecin communique sa décision, elle revêt alors une certaine matérialité qui justifie d’un délai supplémentaire de réflexion. Le texte prévoit qu’il « ne peut être inférieur à deux jours » et, dans un objectif d’équilibre, il dispose également que « ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit ».
Mme Anne Bergantz (Dem). On voudrait nous faire croire que tout se déroulerait dans un délai de dix-sept jours : quinze jours d’évaluation pour le médecin et deux jours de réflexion pour le patient. Par ailleurs, des comparaisons ignobles ont été faites avec les délais de rétractation concernant des achats effectués sur internet.
Nous parlons de patients atteints de maladies incurables, dont le pronostic vital est engagé et le parcours de soins long et douloureux. Avant la demande formelle s’est déployé tout un processus que certains nient complètement.
M. René Pilato (LFI-NFP). Les membres du groupe Rassemblement National ont évoqué des motivations qui seraient financières ; permettez-moi de leur rappeler qu’il est question de patients remplissant les cinq conditions retenues et dont les souffrances sont réfractaires aux médicaments, ce qui minimise donc cette dimension pécuniaire.
Par ailleurs, l’alinéa 13 de ce même article prévoit qu’« en l’absence de confirmation de la demande dans un délai de trois mois à compter de la notification, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté ». Le patient dispose donc en réalité de trois mois pour confirmer sa demande : il faudrait peut-être même supprimer cette limite, car un patient qui n’en peut plus doit pouvoir passer à l’acte.
M. Philippe Juvin (DR). M. Monnet a raison, le délai de quarante-huit heures mentionné à l’alinéa 12 est un minimum : le patient peut donc prendre cinq jours, une semaine ou trois mois de réflexion. Cependant, le texte prévoit aussi que ce minimum peut être ramené à zéro. C’est une vraie difficulté.
On peut comprendre que l’on veuille aller très vite lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. Or le texte doit s’appliquer aussi à des malades qui pourraient encore vivre plusieurs mois ou plusieurs années. Il faut laisser du temps à la réflexion, car on sait que la demande de mort est fluctuante. J’ai déjà cité une étude indiquant qu’à leur entrée en soins palliatifs, 3 % des patients demandent à mourir, mais qu’au bout d’une semaine, ils ne sont plus que 0,3 %. Ainsi, quand le temps passe, on peut trouver des solutions et changer d’avis. Les quarante‑huit heures de réflexion sont donc trop courtes, a fortiori pour les malades pouvant encore vivre longtemps.
Mme Simonnet a évoqué très rapidement la question de l’intérêt financier de l’aide à mourir pour les mutuelles. La MGEN a pris position dans ce débat en mettant en avant des arguments philosophiques, mais notre collègue pense que ses raisons sont en réalité financières. Imaginez que le patron d’un fonds de pension américain ait pris la même position : vous auriez probablement eu la même réaction ! Tout le monde n’est peut-être pas totalement désintéressé dans cette affaire.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Monsieur de Lépinau, je respecte votre position, mais l’enjeu de cette proposition de loi est bien de prendre en compte une demande exprimée par des malades en fin de vie. En prétendant que cette proposition de loi viserait en partie à répondre à des enjeux économiques, vous risquez de blesser ces personnes, dont certaines nous regardent peut-être.
M. Patrick Hetzel (DR). S’agissant de la sédation profonde et continue, la HAS explique : « La décision d’arrêter un traitement de maintien en vie nécessite le temps d’un cheminement : tout doit être entrepris pour préserver l’intérêt du patient, car cette demande peut être une situation dynamique, évolutive. Il est nécessaire de donner du temps, laisser la possibilité au patient de changer d’avis. » Voilà pourquoi nos collègues Thibault Bazin et Philippe Juvin plaident pour un délai raisonnable. La Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation nous invitent aussi à prendre en compte à la fois l’enjeu de la décision, la complexité de la situation et l’attitude du patient. Dans l’Oregon, la fluctuation du désir des malades est telle que, depuis 1998, 34 % des personnes s’étant vu prescrire le produit létal n’y ont jamais eu recours.
M. Philippe Vigier (Dem). Anne Bergantz et Yannick Monnet ont bien expliqué la particularité de cette démarche, qui ne concerne que les individus satisfaisant à tous les critères que nous avons élaborés et validés ensemble. Une demande d’aide à mourir ne se fait pas sur un coup de tête : la personne qui souhaite y avoir recours a réfléchi à son choix.
Monsieur Bentz, votre amendement est satisfait de facto : le délai minimum est de deux jours, mais le malade, qui est au cœur de la décision, peut très bien prendre trois, quatre ou cinq jours de réflexion. La rédaction actuelle de l’alinéa 12 satisfait un grand nombre de demandes et tord le cou à l’idée selon laquelle le recours à l’aide à mourir pourrait être décidé en quelques heures. En réalité, les malades y réfléchissent pendant des semaines ou des mois. Mettons-nous à la place de ces personnes ! Il n’est pas convenable de parler d’accélération du processus.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Comme la plupart d’entre vous, je reçois des courriels de nos concitoyens lors de la discussion des textes. Ainsi, j’ai récemment reçu le témoignage d’une personne handicapée, souffrant beaucoup, qui avait été abandonnée par sa famille en raison de son handicap. Parce qu’elle était isolée et en avait marre de la vie, elle demandait à mourir. Le personnel soignant a appelé sa fille, qu’elle n’avait plus revue depuis plusieurs années mais qui est venue lui rendre visite : ses souffrances psychologiques, qui intensifiaient ses souffrances physiques, ont alors diminué. Aujourd’hui, cette personne vit avec sa fille et tout se passe très bien. Il est donc important de prévoir un délai suffisant.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS964 de M. Philippe Juvin.
Amendements AS530 de Mme Karine Lebon, AS693 de Mme Élise Leboucher, AS694 de Mme Karen Erodi et AS893 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)
Mme Karine Lebon (GDR). Mon amendement vise à assurer le respect de la liberté de choix de la personne malade en prévoyant que cette dernière puisse préciser si elle souhaite procéder elle-même à l’administration du produit létal ou si elle préfère que ce geste soit accompli par un médecin ou un infirmier.
Il ne s’agit pas d’un simple détail technique : à ce stade du parcours de soins, chaque mot, chaque possibilité compte. Certaines personnes souhaiteront garder la maîtrise du geste ultime, tandis que d’autres préféreront le déléguer à un soignant, pour des raisons physiques, psychologiques ou émotionnelles.
Notre amendement garantit que la volonté exprimée par la personne soit entendue dans toutes ses dimensions, y compris celle de la forme que prendra l’acte. Il permet d’éviter des malentendus ou des interprétations restrictives du droit en prévoyant explicitement cette liberté de choix et en inscrivant cette dernière dans un cadre médicalisé, sécurisé et respectueux de la dignité de chacun.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Notre amendement AS693 va dans le même sens. Il est parfaitement cohérent avec ce que nous avons voté à l’alinéa 6 de l’article 2. Il ne fait pas entrer davantage de personnes dans le dispositif, puisqu’il ne vise qu’à réaffirmer le choix du malade.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Mon amendement vise à donner au malade en fin de vie la possibilité de choisir la personne qui lui inoculera la substance létale. Il pourrait s’agir de la personne de confiance, avec laquelle il a les liens les plus intimes. Si cela résulte du choix du malade, que la personne de confiance est consentante, qu’elle dispose d’un droit de rétractation permanent et que l’encadrement médical est optimal, alors il n’y a aucune raison de s’y opposer.
On nous l’a dit et répété lors des auditions : l’administration de la substance létale n’est pas un geste technique. Un médecin sera là dans tous les cas. La personne de confiance est sans doute la seule à qui le malade peut déléguer cet acte, car elle le connaît intimement. Le pari de l’humanisme, c’est de respecter jusqu’au bout la responsabilité et la liberté de la personne en fin de vie.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement vise également à permettre au malade de choisir librement les modalités de l’aide à mourir, notamment la personne qui administrera la substance létale. La personne en fin de vie peut souhaiter conserver la maîtrise des choses en effectuant elle-même ce geste ultime, ou préférer qu’un professionnel de santé le fasse à sa place, pour de multiples raisons, et pas forcément parce qu’elle n’en serait pas capable physiquement. Il est important de respecter son choix, sa liberté. Il s’agit aussi de respecter le professionnel de santé, car en inscrivant cette possibilité dans le texte, nous lui permettons d’accéder à la demande du malade sans s’exposer à des poursuites judiciaires.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements sont effectivement cohérents avec ce que nous avons voté à l’article 2 : j’y suis donc favorable sur le fond. Je leur donnerai cependant un avis défavorable, car l’amendement AS442 de Mme Runel me semble proposer une rédaction plus adaptée et, surtout, un point d’impact plus approprié, aux alinéas 15 et 16, qui seraient ainsi rédigés : « Lorsque la personne a confirmé sa volonté, le médecin l’informe des modalités d’administration de la substance létale. Il détermine, en accord avec la personne, les modalités de l’administration et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale. »
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je ne vois pas trop comment l’amendement AS442 répond à la question posée par les quatre amendements dont nous discutons actuellement.
M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur, vous nous perdez totalement. Je ne comprends même pas votre propre logique. Lorsque vous avez supprimé, à l’article 2, les mots limitant la possibilité de faire administrer le produit létal par un professionnel de santé au seul cas où le malade serait physiquement incapable d’y procéder lui-même, M. Falorni nous a assuré que cela ne modifiait pas l’équilibre du texte. Nous avons failli vous croire ! Maintenant, vous donnez à ces quatre amendements visant à supprimer l’exception euthanasique un avis défavorable sur la forme mais favorable sur le fond. J’aimerais comprendre...
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je suis défavorable à ces quatre amendements, qui remettent en cause l’équilibre du texte.
Mme Simonnet souhaite préserver les professionnels de santé, mais la seule façon d’y parvenir est de faire de l’auto‑administration la règle, comme le prévoyait le texte initial. L’équilibre trouvé consiste à respecter la liberté du malade, qui est de pouvoir demander l’aide à mourir, tout en permettant à un maximum de professionnels de santé d’accompagner jusqu’au bout leurs patients sans avoir à effectuer le geste fatal. En donnant à la personne en fin de vie la possibilité de choisir entre une auto‑administration et une hétéro‑administration, vous rompriez cet équilibre.
M. Patrick Hetzel (DR). J’ajoute aux explications de Mme Firmin Le Bodo un argument juridique. En ne faisant plus de l’auto‑administration la règle, la loi serait en contradiction avec les articles R. 4127-38 et R. 4312-21 du code de la santé publique, qui interdisent aux médecins et aux infirmiers de provoquer délibérément la mort. Vous piétineriez ainsi cette règle de base, que nous rappellent les représentants des ordres.
M. Thibault Bazin (DR). Cette dérive opérée par la commission depuis le début de nos travaux est capitale. Alors que le texte initial prévoyait le suicide assisté et, par exception, l’euthanasie lorsque le patient en était physiquement incapable, vous avez souhaité, à l’article 2, laisser à toute personne en fin de vie le choix entre ces deux modalités d’aide à mourir. Que ce soit à l’article 2 ou à l’article 6, alinéa 12 ou 15, j’y suis opposé. Mesure-t-on l’impact que peut avoir l’administration à une autre personne d’une substance létale en vue de provoquer la mort, alors même que le malade en question serait capable de le faire lui-même ? Quand bien même la tierce personne serait volontaire, elle devrait vivre avec cela. L’implication de ce tiers n’est pas la même selon que le patient est physiquement capable ou non de procéder lui-même au geste fatal.
Mme Annie Vidal (EPR). Je suis, moi aussi, très défavorable à ces amendements. La modification de l’article 2, donnant au patient le choix entre une auto‑administration du produit létal et le recours à une tierce personne, a profondément changé l’esprit du texte. Pourtant, nous savons tous que, dans les pays où cette pratique est autorisée, 60 % des patients s’étant vu prescrire la substance létale ne la prennent finalement pas. Si une personne en fin de vie choisit de se faire administrer le produit par un tiers alors même qu’elle est physiquement capable de le faire elle-même, c’est peut-être qu’elle n’est pas complètement en phase avec la demande qu’elle a faite. Lui offrir cette possibilité serait peut-être l’inciter à y avoir recours.
M. Nicolas Turquois (Dem). Vous nous avez demandé, monsieur Bazin, si nous mesurions l’impact d’une telle disposition. Nous avons très bien compris votre position, qui est tout à fait respectable, mais nous vous demandons de ne pas ressortir tout le temps les mêmes arguments. Ce serait plus agréable pour tout le monde et plus pertinent pour le déroulement de nos réunions.
Cela étant, je suis défavorable à ces amendements, dont nous n’avons pas besoin.
La commission rejette l’amendement AS694, les autres amendements ayant été retirés.
Amendements identiques AS77 de M. Patrick Hetzel, AS237 de Mme Justine Gruet, AS302 de M. Thibault Bazin, AS558 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS874 de Mme Lisette Pollet, AS904 de M. Thomas Ménagé et AS963 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). Il convient de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 12. Alors que dans le projet de loi, la confirmation de la décision de recourir à l’aide à mourir ne pouvait intervenir avant deux jours, cette digue a sauté, puisque la proposition de loi prévoit la possibilité d’abréger ce délai. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, des délais trop contraints ne permettent pas d’apaiser le malade face à une telle décision ; au contraire, sous prétexte de vouloir couvrir absolument toutes les situations possibles, on risque de lui imposer une certaine pression.
Mme Justine Gruet (DR). Nous avons perdu beaucoup de temps à discuter du délai, puisque la seconde phrase de l’alinéa 12 permet de l’abréger. Juridiquement, cela signifie qu’il n’y en a plus... C’est écrit noir sur blanc ! Cela me fait peur !
M. Thibault Bazin (DR). La seconde phrase de l’alinéa 12, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, dispose : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. »
Je suis désolé, mais la dignité de la personne est inaliénable. Il s’agit là d’un principe fondamental, qui devrait tous nous réunir. Le professeur Sicard écrivait d’ailleurs, dans la Lettre de l’Espace éthique de l’Assistant publique – Hôpitaux de Paris : « La dignité n’est pas dans celui qui souffre ou jouit, elle est dans le regard que l’autre lui adresse, dans le regard porté sur celui qui est le plus faible, le plus désespéré, le plus condamné. “Condamné” à mort deux fois : par sa maladie, et par l’autre. »
En introduisant de la sorte la notion de dignité dans cette seconde phrase de l’alinéa 12, vous rendez la définition du délai très subjective. Or la dignité n’est pas subjective : elle doit être respectée pour toute personne, quelle que soit sa vulnérabilité, à tout moment de sa vie. Aussi convient-il de supprimer cette phrase.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Vous rendez-vous compte de ce que nous sommes en train de faire ? Nous allons donner au médecin la responsabilité d’évaluer la dignité de la personne telle que cette dernière la conçoit ; quant à nous, nous nous dédouanons de tout. Voilà pourquoi je souhaite, moi aussi, supprimer la seconde phrase de l’alinéa 12.
M. Christophe Bentz (RN). Vous avez dit, monsieur Vigier, que nos amendements visant à porter le délai de réflexion à trois, quatre, cinq ou dix jours étaient satisfaits. C’est faux, d’autant que la seconde phrase de l’alinéa 12 annule la première.
Le pire, c’est que la possibilité d’abréger le délai de deux jours est justifiée par le respect de la dignité. Or nous avons bien vu qu’il y avait un fossé entre votre conception de la dignité et la nôtre. Ce même écart se retrouve sans doute chez les médecins et au sein de la société. Voilà pourquoi nous demandons par l’amendement AS874 la suppression de cette phrase qui, du reste, paraît totalement floue. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer ce qu’elle signifie précisément ?
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il convient d’éviter la contradiction entre l’instauration d’un délai de réflexion, qui a davantage fait consensus au moment du vote que lors de la discussion des amendements, et la possibilité d’abréger ce délai. Aussi proposons‑nous également par l’amendement AS904 de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 12.
M. Philippe Juvin (DR). Cette phrase signifie qu’en pratique, le délai peut être ramené à zéro. Tant les quinze jours dont dispose le médecin pour répondre à la demande que les quarante-huit heures de réflexion laissées au patient peuvent être réduits à néant. Ainsi, le texte n’interdit pas que le médecin accepte immédiatement la demande d’aide à mourir formulée par le patient et, considérant que la dignité de ce dernier est altérée, décide de procéder sur-le-champ à l’administration du produit létal.
Je rejoins l’analyse de M. Isaac-Sibille concernant la responsabilité que nous faisons peser sur les médecins. L’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, applicable en France, affirme clairement le caractère inviolable de la dignité humaine ; dès lors, on ne peut pas demander au médecin de préserver la dignité de la personne malade telle que cette dernière la conçoit.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Monsieur Bentz, je rejette votre accusation d’incohérence : je défends une loi d’autonomie. La règle générale est bien le respect d’un délai minimal de quarante-huit heures – certains le trouvent trop long, d’autres trop court, mais le patient a toujours la possibilité de prendre davantage de temps. Toutefois, la seconde phrase de l’alinéa 12 vise à permettre une dérogation, à la demande du malade lui-même. Si la personne en fin de vie considère que ce délai doit être raccourci, pour les raisons que nous avons évoquées, et que le médecin confirme le risque d’une atteinte à la dignité du patient telle que ce dernier la conçoit, alors il est possible de faire une exception. En réalité, la réflexion a lieu avant, à chaque étape du processus : pendant l’évaluation, au moment de la demande, et jusqu’au moment de l’administration de la substance létale. Encore une fois, tout ceci est à la main de la personne qui demande l’aide à mourir.
Avis défavorable, donc.
M. René Pilato (LFI-NFP). À écouter les auteurs de ces amendements, il faudrait presque supprimer les alinéas 12 et 13 ! Pour notre part, nous souhaitons maintenir la seconde phrase de l’alinéa 12, car ses derniers mots sont importants : il y est question de la dignité telle que la conçoit le malade lui-même, et non son médecin ! Dans certains cas concrets que je ne décrirai pas, la personne en fin de vie peut très bien dire au docteur qu’elle est au bout du bout et qu’elle souhaite mettre fin à ses jours au plus vite, sans devoir attendre quarante-huit heures. C’est la personne elle-même qui va juger si elle est digne ou non de continuer à vivre dans l’état où elle se trouve.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les auteurs de ces amendements nient la liberté et la dignité des personnes qui choisissent l’aide active à mourir. Arrêtez de considérer que la dignité ne concerne que ceux qui refuseraient de recourir à ce droit ! Ce n’est pas un défaut de dignité que de demander l’aide active à mourir : cela résulte de la volonté individuelle des malades, qui font leur choix en conscience, ce que ce texte cherche à préserver absolument.
Vous pensez savoir mieux que tout le monde quelle est la dignité individuelle des patients, comment ils se sentent, et ce qui est bon pour leur corps. Non, notre corps nous appartient, et nos derniers jours nous appartiennent !
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). J’irai dans le même sens que M. Pilato et Mme Rousseau. Il ne faut pas laisser croire que c’est le médecin qui jugerait de la dignité des patients, qui assumerait toute la responsabilité de la décision, et que cela serait trop lourd pour lui. Au contraire, ce texte, très précis et très bien rédigé, vise à préserver l’autonomie de la personne malade en se référant à la dignité telle qu’elle la conçoit elle-même.
M. Patrick Hetzel (DR). La seconde phrase de l’alinéa 12 ne figurait pas dans le projet de loi initial. Elle est issue des débats de l’an dernier – nous vous avions alors alertés sur les difficultés soulevées par la façon de concevoir la dignité. En acceptant de raccourcir le délai de quarante-huit heures, vous supprimez tout encadrement procédural, toute nécessité de justifier le recours à l’aide à mourir, et vous faites de cette proposition de loi un texte extrêmement déséquilibré. Vous nous renvoyez à l’intérêt du patient, mais vous semblez oublier que celui-ci peut lui-même fluctuer ; ce faisant, vous niez une partie de la réalité. Il convient donc de trouver un équilibre que vous n’avez absolument pas atteint.
Mme Justine Gruet (DR). Je comprends votre point de vue, madame Rousseau : puisque vous placez la liberté individuelle au-dessus de tout, vous estimez que l’aide active à mourir doit pouvoir être proposée à tout prix et en toute situation, et vous déniez donc à quiconque la possibilité de juger légitime ou non la demande en ce sens formulée par une autre personne. Permettez-moi cependant d’insister sur l’importance de définir des critères objectifs.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce débat sur la liberté individuelle et la conception différenciée du principe de dignité est intéressant, mais pourquoi vouloir impliquer le médecin ? Il suffirait de prévoir que le délai de quarante-huit heures peut être abrégé à la demande de la personne en fin de vie si cette dernière considère que sa dignité, telle qu’elle la conçoit, est altérée.
Par ailleurs, j’aimerais que les rapporteurs m’expliquent où se situe l’équilibre qu’ils invoquent en donnant leur avis sur les différents amendements. C’est un faux argument, car chacun a son propre équilibre. Considèrent-ils que l’équilibre a été trouvé dans le texte de M. Falorni ? Dans ce cas, il n’est plus celui qui avait été proposé dans le projet de loi déposé par le Gouvernement il y a un an. J’aimerais que la définition de l’équilibre soit plus collective et que cette notion ne soit pas réservée aux seuls rapporteurs.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bentz, un délai minimal de deux jours laisse au patient la possibilité de prendre un temps de réflexion plus long. Vous ne pouvez pas le contester.
Monsieur Hetzel, votre appréciation des mots est très chirurgicale : vous admettrez donc que la seconde phrase de l’alinéa 12 ne permet de raccourcir le délai que dans certains cas. Si nous faisons intervenir le médecin, c’est pour éviter que cette possibilité soit utilisée par le malade par convenance personnelle. Vous devriez donc vous satisfaire que nous prévoyions une garantie plutôt que de nous reprocher une trop grande permissivité.
M. Philippe Juvin (DR). Il est faux de dire que le délai minimal est de quarante‑huit heures, puisqu’il peut être ramené à zéro. Tant les quinze jours dont dispose le médecin pour répondre à la demande que les quarante-huit heures de réflexion laissées au patient peuvent être réduits à néant. Cela n’est pas logique, ni raisonnable. Voilà pourquoi nous contestons cette disposition.
M. Christophe Bentz (RN). Madame Rousseau, nous n’avons jamais dit qu’une personne qui demanderait l’aide à mourir perdrait sa dignité. Bien au contraire : une demande de mort est toujours légitime et mérite d’être entendue. Cependant, contrairement à vous, nous considérons qu’un malade doit bénéficier de soins jusqu’à la fin, précisément parce qu’il ne perd jamais sa dignité humaine. Il y a donc une énorme différence entre nous : vous êtes pour un ultime recours, tandis que nous sommes pour un ultime secours.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je considère que ce texte, qui n’est pas le mien mais le résultat de la délibération collective des députés il y a un an, est solide et équilibré. Je ne détiens pas forcément la vérité, et je ne conteste à personne le droit de dire qu’il ne partage pas cet avis, mais si les votes souverains des députés intervenus l’an dernier ne valent pas tripette, alors ne perdons pas notre temps à discuter ici pendant des heures : rentrons chez nous et profitons du week-end du 1er mai ! Du reste, les votes ayant eu lieu il y a un an peuvent très bien être infirmés aujourd’hui.
Il se trouve que je ne suis pas le seul à penser que l’équilibre du texte est conservé, puisque Mme Vautrin, ministre chargée de la santé, avait eu l’honnêteté et la force de reconnaître, sous la précédente législature, que le projet de loi était équilibré. Personne ne détient la vérité.
Je récuse les procès d’intention. Je n’ai pas de modèle à l’étranger ; certaines législations me semblent mêmes complètement inadaptées. Je cherche une voie française.
Vous me prêtez aussi le projet de présenter un autre texte une fois que celui-ci aura été adopté. Je ne doute pas que le Rassemblement national proposera dans son programme pour les élections à venir l’abrogation de la loi que nous aurons votée. Les électeurs trancheront et les députés de la prochaine législature, ainsi que des suivantes, décideront de conserver, de réviser ou d’abroger le texte. C’est ce que l’on appelle la démocratie. Ne me prêtez pas d’intentions cachées. Je défends ce texte et pas un autre.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS440 de Mme Sandrine Runel et AS479 de Mme Christine Pirès Beaune
M. Jérôme Guedj (SOC). Je retire l’amendement AS440.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS303 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de préciser qu’il appartient bien au malade de revenir vers le médecin pour poursuivre la procédure et non l’inverse.
M. Laurent Panifous, rapporteur. La rédaction actuelle laisse penser qu’à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, en l’absence de confirmation du demandeur, le médecin est tenu d’évaluer à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté.
Afin de clarifier cette rédaction, qui ne me satisfait pas non plus, je présenterai à l’alinéa 13 un amendement, AS1138, précisant qu’une nouvelle évaluation est effectuée par le médecin « lorsque la confirmation intervient dans un délai de plus de trois mois ».
L’avis est défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Votre amendement nous garantit-il que le médecin ne se manifestera pas auprès du malade si celui-ci n’a pas confirmé sa démarche ? Pourquoi ne pas le préciser plus clairement encore ?
M. Laurent Panifous, rapporteur. Cela me semble assez clair dans mon amendement. Ce n’est pas au médecin d’aller vers le malade.
M. Hervé de Lépinau (RN). L’amendement est intéressant car on ne peut pas faire l’économie d’encadrer au maximum une procédure dans laquelle la mort est en jeu.
Monsieur le rapporteur général, j’espère que vous ne voyez pas dans l’évocation des effets de bord d’un texte un procès d’intention.
Mme Annie Vidal (EPR). Je soutiens l’amendement. Dans la rédaction actuelle, le médecin revient bien vers le patient puisqu’il évalue à nouveau le caractère libre et éclairé.
Si, à l’issue d’un délai de trois mois, un patient ne s’est pas manifesté, on peut légitimement penser qu’il a renoncé à sa demande. La nouvelle évaluation relance le processus.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement AS1138 propose de modifier le début de l’alinéa 13 afin d’établir clairement que le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté « lorsque la confirmation de la demande intervient dans un délai de plus de trois mois », et non « en l’absence de confirmation de la demande dans un délai de trois mois ». En effet, ce n’est pas au médecin de solliciter la personne sans nouvelles de sa part, c’est à elle de se tourner vers lui.
Mme Annie Vidal (EPR). Votre amendement ne dit pas la même chose. C’est toujours le médecin qui revient vers le patient. Si celui-ci ne se manifeste pas, la procédure devrait s’interrompre. La réévaluation n’a pas lieu d’être si le patient n’a pas confirmé sa demande.
M. Thibault Bazin (DR). Je maintiens l’amendement car une clarification est nécessaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS501 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Prenons l’hypothèse suivante : une personne apprend qu’elle est atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage son pronostic vital mais pas à court terme. Elle endure des souffrances psychologiques mais pas physiques. Elle demande à accéder à l’aide à mourir. On lui propose éventuellement des soins palliatifs et l’accompagnement par un psychologue. Elle maintient sa demande mais, avec le temps, son avis peut changer.
Il faut pouvoir prendre en considération les fluctuations de la volonté, en particulier après l’annonce d’un diagnostic déstabilisant. C’est l’objet de l’amendement.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez rendre obligatoire la réitération de la demande d’aide à mourir à trois reprises dans un délai de vingt et un jours. Je ne reviens pas sur les nombreux arguments que j’ai déjà développés sur la conciliation entre l’indispensable délai de réflexion et la célérité de la procédure. Sur le fond, l’amendement complexifie la demande d’accès à l’aide à mourir, sans motif légitime. Sur la forme, il fait coexister deux délais, celui de deux jours suivant la notification et ce nouveau délai de vingt et un jours.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS1042 de M. Philippe Juvin.
Amendement AS1138 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous venons d’évoquer cet amendement, qui concerne l’alinéa 13.
Les termes « en l’absence de confirmation dans un délai de trois mois » laissent entendre qu’il revient au médecin de solliciter la personne, ce qui n’est pas notre intention. Je propose donc de les remplacer par « lorsque la confirmation de la demande intervient dans un délai de plus de trois mois ». Autrement dit, en l’absence de confirmation, la réévaluation n’a pas lieu d’être, le médecin ne contacte en aucun cas la personne.
M. Philippe Vigier (Dem). Ce très bon amendement répond à l’interrogation sagace de M. Bazin et aux inquiétudes des autres : c’est bien le patient qui est au cœur du dispositif.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La rédaction proposée est plus adaptée que celle du texte puisqu’elle précise que sans confirmation de la demande, il n’y a pas de réévaluation.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS136 de Mme Justine Gruet et AS1043 de M. Philippe Juvin
Mme Justine Gruet (DR). Il est proposé d’abaisser à un mois le délai à l’issue duquel le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté dot être réévalué, ceci afin d’éviter les pressions. Le délai de trois mois est trop long.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le délai de trois mois permet de concilier la nécessité de laisser au demandeur un délai de réflexion et celle de tenir compte des éventuelles évolutions de son état.
Par ailleurs, l’article 10 prévoit que le médecin puisse mettre fin à la procédure si les conditions prévues à l’article 2 « cessent d’être remplies » postérieurement à sa décision.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS384 de Mme Marine Hamelet, AS817 de Mme Marie-France Lorho et AS304 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor‑Such (RN). L’amendement AS384 est défendu.
M. Christophe Bentz (RN). Je retire l’amendement AS817.
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’indiquer qu’en l’absence de confirmation dans un délai de trois mois, il est mis fin à la procédure. Cet amendement, couplé au vôtre, monsieur le rapporteur, clarifie bien la procédure.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements me semblent superflus puisque l’alinéa est très clair : le médecin réévalue le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté après trois mois sans confirmation et peut, pour ce faire et si besoin, s’appuyer sur la procédure de l’article 6. En outre, dans tous les cas, l’article 10 prévoit que le médecin pourra mettre fin à la procédure si les conditions prévues à l’article 2 « cessent d’être remplies » postérieurement à sa décision.
L’amendement AS817 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements identiques AS726 de M. Christophe Bentz et AS921 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). L’amendement vise à supprimer les mots : « si besoin » car la nouvelle évaluation par le médecin doit conserver les mêmes formes que celle de la demande initiale.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il est nécessaire de faire confiance au médecin, qui saura apprécier s’il est nécessaire ou non de reprendre la procédure de l’article 6. La procédure doit être claire et protectrice, tout en laissant la souplesse nécessaire au médecin, pour garantir son effectivité.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS738 de M. Hadrien Clouet
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement concerne le cas d’un patient ayant formulé une demande expresse d’aide à mourir et qui viendrait à perdre conscience de manière irréversible au cours de la procédure.
Si la personne a formulé une demande dont le caractère libre et éclairé a été attesté par le médecin et qui a été consignée dans ses directives anticipées et si elle remplit les critères mentionnés à l’article 6, elle reste éligible à l’aide à mourir même si elle subit une perte de conscience irréversible après avoir entamé la procédure.
Il est proposé que le médecin s’appuie sur les directives anticipées modifiées pour déterminer les modalités d’administration de la substance létale ainsi que le professionnel de santé chargé de l’accompagner. Il peut aussi recueillir l’avis de la personne de confiance.
L’amendement garantit ainsi aux personnes ayant engagé une procédure d’aide à mourir que leur choix sera respecté et appliqué, même dans le cas d’une perte de conscience irrémédiable en cours de procédure.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre argumentation a été développée à de nombreuses reprises. Je ne reviens pas sur ce que nous avons dit sur les directives anticipées. Je serai à nouveau défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Malgré les nombreux débats qui ont déjà eu lieu sur les directives anticipées, je souhaite appeler votre attention sur cet amendement important.
Il concerne le cas dans lequel une personne, qui répond à tous les critères, a déjà engagé, de manière libre et éclairée, la démarche pour accéder à l’aide à mourir. Imaginez que la situation s’accélère : la fin est proche et la perte de conscience irrémédiable est possible. La personne modifie ses directives anticipées pour préciser qu’elle a engagé la démarche et pour désigner une personne de confiance. Ainsi, elle saura que si elle perd conscience de manière irrémédiable, sa demande d’aide à mourir sera respectée.
Dans ce cas, le délai entre le dépôt de la demande d’accès à l’aide à mourir et la rédaction des directives anticipées est très court. Je ne suis pas forcément d’accord avec eux mais je comprends les collègues qui s’opposent à ce que des directives anticipées rédigées il y a dix ans puissent s’appliquer. Mais il est question ici de respecter l’ultime liberté d’une personne, qui a, en conscience, demandé à accéder à l’aide à mourir si elle perdait conscience. Cela concerne un nombre limité de cas.
M. Patrick Hetzel (DR). Vous écartez de fait l’éventualité d’une incertitude sur la volonté réelle de la personne au moment décisif.
Vous évoquez le cas d’une personne qui perd toute capacité de communication de ses dernières volontés. Jusqu’à présent, il a été décidé que la demande devait être explicite, répétée, volontaire et éclairée. Or vous faites fi de ces critères. C’est la raison pour laquelle on ne peut que s’opposer à un tel amendement.
M. René Pilato (LFI-NFP). On est vraiment à la frontière de la loi Claeys-Leonetti et de l’aide à mourir. La première a pour objet d’exclure l’acharnement thérapeutique si tel est le souhait du patient. La personne, qui perd conscience de manière irrémédiable après que sa demande d’accès à l’aide à mourir a été validée par le médecin, ne peut-elle pas se voir appliquer la loi Claeys-Leonetti ?
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1139 de M. Laurent Panifous.
En conséquence, l’amendement AS818 de Mme Marie-France Lorho tombe.
Amendement ²AS727 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement prévoit que le médecin informe la personne des modalités d’administration et d’action de la substance létale avant qu’elle confirme sa volonté, et non lorsqu’elle le fait. Il permet ainsi à la personne de renoncer à sa demande de mort en toute connaissance de cause.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. En vertu de l’article 5, le médecin est tenu d’expliquer à la personne la mise en œuvre de l’aide à mourir lorsqu’elle demande à y accéder. Ensuite, la personne peut renoncer à tout moment à l’aide à mourir, y compris après avoir pris connaissance des modalités d’administration et d’action de la substance létale. Enfin, il me semble important de distinguer les deux moments : d’une part, la confirmation de la décision, d’autre part, l’information sur l’administration de la substance létale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS695 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement va faire plaisir à nos adversaires. Il impose au médecin d’informer le patient oralement et par écrit afin de garantir une bonne compréhension des modalités d’administration de la substance létale.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 13 renvoie à un décret en Conseil d’État les conditions d’application du chapitre relatif à la procédure. Je comprends néanmoins votre démarche.
Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Christophe Bentz (RN). Bien qu’adversaires sur l’ensemble du texte, pour la première fois, nous souscrivons à cette proposition de M. Pilato, qui prévoit des modalités cumulatives d’information du patient.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS442 de Mme Sandrine Runel et sous-amendement AS1188 de Mme Danielle Simonnet
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement vise à assurer une meilleure cohérence rédactionnelle entre les alinéas 15 et 16. Nous proposons de ne conserver à l’alinéa 15 que la mention des modalités d’action de la substance létale et de préciser à l’alinéa 16 que le médecin détermine, en accord avec la personne, les modalités de l’administration de celle-ci.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Tout à l’heure, j’ai retiré un amendement qui proposait de donner à la personne le choix entre l’administration du produit létal par un professionnel de santé et l’auto‑administration. Je me permets donc de sous-amender celui‑ci pour y introduire les mots : « selon le choix de la personne, par la personne elle-même ou par un professionnel de santé ».
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement propose que le médecin détermine avec la personne le professionnel chargé de l’accompagner, mais également les modalités d’administration de la substance létale. Il est cohérent et placé au bon endroit. C’est pourquoi j’émets un avis favorable.
En revanche, je suis défavorable au sous-amendement de Mme Simonnet car le terme « professionnel de santé » a une acception trop large. Le texte prévoit que seul le médecin ou l’infirmier sera habilité à réaliser ce geste.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je retire mon sous-amendement et je le modifierai en vue de la séance publique.
Le sous-amendement est retiré.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Nous avions retiré l’amendement de notre collègue Leboucher après avoir reçu la garantie que la personne qui choisit pour elle‑même d’éteindre la lumière, dans le respect des critères cumulatifs – je précise à nouveau que la décision de mettre fin à ses souffrances sera le fruit d’un cheminement et ne pourra en aucun cas être prise sur un coup de tête –, peut décider que la solution létale lui sera administrée par le médecin ou l’infirmier, même si elle est physiquement et psychiquement en état de se l’auto‑administrer. En rendant ce choix explicite, l’amendement garantit la liberté effective de la personne.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis inquiet de cette tendance à euphémiser la réalité. Il y a une différence entre « éteindre la lumière » et demander à un soignant d’administrer une substance létale alors que la personne peut le faire elle-même. Ce n’est pas le même degré d’implication et le sujet n’a rien d’anodin.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS78 de M. Patrick Hetzel et AS1044 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à indiquer au patient les éventuels risques encourus lors de l’administration d’une substance létale. Contrairement à ce que l’on entend parfois, la littérature montre que le processus ne se déroule pas toujours bien : on constate dans certains cas une réponse incomplète à la substance et des délais variables avant le décès.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Les risques que vous évoquez sont compris dans l’information sur les modalités d’action de la substance létale prévue à l’alinéa 15. L’article 13 renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’information de la personne.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS485 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 16 prévoit que le médecin « détermine, en accord avec la personne, le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale ». Cette rédaction prescriptive va à l’encontre de la liberté de conscience. Le refus d’administrer une substance létale peut être général, si le médecin souhaite ne jamais provoquer la mort, ou être signifié au cas par cas en fonction des situations. Je propose donc de supprimer l’alinéa.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable. Dans la logique du texte, il est essentiel qu’un professionnel de santé accompagne la personne.
M. Yannick Monnet (GDR). Cet alinéa est fondamental. Sa suppression aurait pour conséquence de permettre au médecin de choisir l’infirmier ou le médecin accompagnateur sans l’accord du patient.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis sensible aux propos de M. Monnet. Il est évident que le choix du professionnel doit se faire avec l’accord de la personne. Je suis prêt à retravailler mon amendement en ce sens. Je tenais seulement à partager mon inquiétude.
L’amendement est retiré.
Amendements AS920 de Mme Christine Loir et AS631 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)
Mme Angélique Ranc (RN). Les soins relationnels forment le cœur du métier d’infirmier. L’amendement de ma collègue Loir vise à préserver la charge mentale de ces professionnels en les excluant du processus d’assistance dans l’administration de la dose létale.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS631 est défendu.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement de Mme Loir vise à n’autoriser que le médecin à accompagner la personne, tandis que celui de Mme Darrieussecq rappelle que le médecin ou l’infirmier doit être volontaire. Concernant le second, je vous renvoie à la clause de conscience, inscrite à l’article 14, que les professionnels de santé pourront faire valoir à tout moment, même si nous les incitons à le faire au début de la phase d’évaluation. Quant au premier amendement, il me semble utile que les infirmiers puissent accompagner la personne dans cette phase ultime au même titre que les médecins. L’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. Christophe Bentz (RN). Même si de nouveaux textes leur attribuent régulièrement des prérogatives supplémentaires, comme la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dit « loi Rist », et la récente proposition de loi sur la profession d’infirmier, la vocation des soignants est de soigner. L’Ordre national des infirmiers et la plupart des syndicats sont opposés à l’idée qu’un infirmier puisse injecter une substance létale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS931 de Mme Christine Loir
Mme Angélique Ranc (RN). C’est un amendement rédactionnel. Le processus d’administration de la dose létale relève plus de l’assistance que de l’accompagnement.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez substituer le mot « assister » au mot « accompagner ». Celui-ci me semble pourtant caractériser le rôle du médecin ou de l’infirmier, qui ne se limite pas à une simple assistance technique : il est chargé de vérifier que la personne confirme qu’elle veut procéder à l’administration et, le cas échéant, la prépare et assure la surveillance de celle-ci.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS502 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je propose de rendre obligatoire la validation préalable de chaque procédure par la commission de contrôle et d’évaluation que l’article 15 instaure. Dans sa rédaction actuelle, le texte ne prévoit qu’un contrôle a posteriori.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 15 prévoit un contrôle a posteriori de la régularité de la procédure par une commission de contrôle et d’évaluation ; si celle-ci estime que des faits sont susceptibles de constituer un manquement à la déontologie ou au professionnalisme, elle peut saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent. Ces dispositions me semblent suffisantes pour assurer le respect scrupuleux de la procédure par les médecins.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS486 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à préciser que la durée de validité de la prescription de la substance létale est de trois mois, en cohérence avec le délai de fin de la procédure.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Cette mesure me semble inutile car la personne n’intervient pas dans le circuit. Pour rappel, aux termes de l’article 8, le médecin traitant transmet sa prescription à la pharmacie à usage intérieur (PUI), laquelle réalise la préparation magistrale létale puis la transmet à la pharmacie d’officine.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). La personne devra-t-elle aller chercher la substance létale elle-même ? Comment nous assurer qu’elle ne finira pas dans la nature ?
M. Thibault Bazin (DR). J’ai bien compris que la PUI délivrera la substance à la pharmacie d’officine, puis que celle-ci sera récupérée par le professionnel de santé chargé d’accompagner la personne. Toutefois, si cette dernière souhaite s’administrer elle-même la substance létale mais qu’elle ne le fait pas, que deviendra cette substance ?
M. Laurent Panifous, rapporteur. M. Delautrette a déposé aux articles suivants des amendements qui répondent à votre question. En tout état de cause, le malade ne sera jamais en contact avec la substance létale avant de se l’administrer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS929 de Mme Christine Loir
Mme Angélique Ranc (RN). L’amendement vise à introduire un principe de volontariat pour les pharmaciens, lesquels seront des acteurs clés de l’aide à mourir puisqu’ils prépareront la substance létale. Il est crucial de respecter leur liberté de conscience.
M. Laurent Panifous, rapporteur. Le texte ne prévoit pas de clause de conscience pour les pharmaciens de PUI, considérant qu’ils n’interviennent pas directement dans l’aide à mourir, c’est-à-dire dans la procédure d’accompagnement de la personne. Pour les mêmes raisons, je ne suis pas favorable au principe de volontariat. Ni le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ni les syndicats n’ont réclamé l’instauration d’une clause de conscience lors des auditions.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS240 de Mme Justine Gruet
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement vise à associer davantage le médecin traitant à la procédure.
M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement demande un rapport au Gouvernement sur l’opportunité de solliciter l’avis du médecin traitant dans le cadre de la procédure collégiale. C’est au législateur d’en décider, et non au Gouvernement, qui plus est dans un rapport qu’il remettrait au Parlement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 6 modifié.
La réunion s’achève à douze heures cinquante.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Éric Bothorel, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, M. Arthur Delaporte, M. Stéphane Delautrette, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Marine Hamelet, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Pauline Levasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry
Excusé. – M. Jean-Hugues Ratenon