Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................30

 

 

 

 

 


Mercredi
30 avril 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 78

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


  1 

La réunion commence à vingt-et-une heures cinq.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs).

Article 10 : Arrêt des procédures

Amendement de suppression AS324 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’article 10 laisse en suspens plusieurs questions qui justifieraient de l’amender, même si nous commençons logiquement par examiner l’amendement tendant à le supprimer. Outre le fait que la commission de contrôle et d’évaluation ne devrait pas intervenir uniquement a posteriori mais aussi exercer un contrôle a priori, j’ai ainsi déposé des amendements en vue de mieux prendre en compte les doutes susceptibles d’être émis et de remédier à certaines imprécisions.

Surtout, je voudrais savoir si un patient pourra mettre fin à la procédure en en exprimant le souhait à tout professionnel de santé, et non uniquement à celui qui a instruit la demande.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous jugez que l’article 10 est trop restrictif et ne prévoit qu’une partie des cas devant entraîner l’arrêt de la procédure. J’estime au contraire que sa rédaction est suffisamment large pour embrasser l’ensemble des situations dans lesquelles une personne pourrait renoncer au bénéfice de l’aide à mourir, renoncement qui serait susceptible d’intervenir à chaque stade de la procédure et pour tout motif.

Les dispositions que nous avons adoptées garantissent que la volonté de la personne sera confirmée à plusieurs étapes : lors de la présentation de la demande initiale, prévue à l’article 5 ; après la notification de la décision du médecin chargé de se prononcer sur la demande, comme le prévoit l’article 6 ; et le jour de l’administration de la substance létale, l’article 9 imposant au soignant de vérifier que la personne veut toujours procéder à l’administration. La formulation retenue à l’article 10 constitue une garantie supplémentaire de respect de la volonté du malade, dans la mesure où elle couvre l’ensemble de la procédure.

Il me semble par ailleurs légitime de s’assurer que le médecin qui a engagé la procédure d’aide à mourir soit averti du renoncement du patient : il y va de la continuité de l’accompagnement. Cela paraît d’autant plus important que la personne pourrait ensuite formuler une nouvelle demande auprès du médecin. L’absence d’information de ce dernier n’impliquerait évidemment pas que la procédure aille à son terme contre la volonté du patient, puisque l’article prévoit qu’il y est mis fin « si la personne refuse l’administration de la substance létale ». Il est en outre très peu vraisemblable que le professionnel de santé à qui la personne aurait fait part de son renoncement n’en avertisse pas, si le malade le demande, le médecin qui s’est prononcé sur la demande d’aide à mourir.

Quant à l’effet suspensif d’un éventuel recours formé contre la décision d’un médecin ayant conclu que la personne remplit les conditions pour bénéficier de l’aide à mourir, cette question est dépourvue d’objet. L’article 12 prévoit que seule la personne qui demande à bénéficier de l’aide peut former un recours. Pourquoi demanderait-elle à un juge d’annuler la décision favorable du médecin ? Si elle souhaite renoncer à cette aide, elle lui suffit d’en faire part au médecin qui s’est prononcé sur sa demande ou au professionnel de santé qui l’accompagne lors de l’administration.

La crainte qu’une personne puisse se faire administrer une substance létale contre sa volonté est donc infondée.

Pour toutes ces raisons, il est impossible de supprimer cet article. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Je retire mon amendement, afin que nous puissions aborder plus précisément les différents points que vous avez soulevés.

L’amendement est retiré.

Amendements AS325 de M. Thibault Bazin et AS824 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Je propose de préciser que, si une des conditions prévues est satisfaite, il sera « immédiatement » mis fin à la procédure.

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement AS824 est défendu.

M. Stéphane Delautrette. Cette précision paraît superfétatoire. Il va de soi que la procédure ne pourra pas se poursuivre dès lors que la personne aura renoncé à l’aide à mourir ou que le médecin chargé de se prononcer sur sa demande aura pris connaissance d’éléments nouveaux le conduisant à revenir sur sa décision initiale.

Avis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1108 de M. Frédéric Valletoux

M. le président Frédéric Valletoux. Il s’agit de rétablir le caractère collégial de la décision, en cohérence avec les amendements que j’avais déposés sur l’article 6.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous souhaitez que le renoncement de la personne soit exprimé auprès du collège pluriprofessionnel consulté par le médecin qui se prononce sur la demande d’aide à mourir. Cette proposition est effectivement le corollaire d’amendements que vous aviez déposés précédemment, mais que vous aviez choisi de retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique. Je vous demande donc de bien vouloir retirer celui-ci également.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1158 de M. Stéphane Delautrette.

Amendement AS326 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Vous estimez, monsieur le rapporteur général, que si la personne indique à un autre professionnel de santé qu’elle souhaite renoncer à la démarche, ce dernier en informera nécessairement le médecin ayant instruit la demande. Cela suppose néanmoins qu’il connaisse ce médecin, alors même que nous n’avons pas adopté les amendements qui auraient garanti la traçabilité du dossier.

Je souhaite que donc que, le cas échéant, tout professionnel de santé côtoyé par la personne puisse mettre fin à la procédure, et non uniquement le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il me semble légitime de s’assurer que le médecin qui a engagé la procédure à la demande de la personne, et auprès de qui celle-ci a confirmé sa volonté à plusieurs reprises, soit averti de son renoncement : il y va de la continuité du suivi du malade. Par ailleurs, l’absence d’information de ce médecin n’impliquerait évidemment pas que la procédure aille à son terme contre la volonté de la personne : l’article prévoit qu’il y est mis fin « si la personne refuse l’administration de la substance létale ».

La rédaction que vous proposez – « tout professionnel de santé qu’elle côtoie » – est particulièrement floue : désigne-t-elle son médecin traitant, ou pourrait-il aussi s’agir d’une connaissance personnelle ? En outre, il paraît peu vraisemblable qu’un professionnel de santé à qui la personne aurait fait part de son renoncement n’en avertisse pas le médecin qui s’est prononcé sur la demande d’aide à mourir si le malade lui demande de le faire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS846 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS327 de M. Thibault Bazin, AS1120 de M. Julien Odoul et AS607 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je reste intimement persuadée que les choses doivent être dites clairement. L’aide à mourir est une mort programmée, puisqu’elle suppose de fixer un jour et une heure, et c’est ainsi qu’il faut l’appeler. Dans les autres pays, les mots « euthanasie » et « suicide assisté » sont d’ailleurs utilisés sans détour.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à assurer une cohérence rédactionnelle avec ce que nous défendons depuis le début de l’examen du texte.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS1120 est défendu.

L’amendement AS607 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les trois autres amendements.

Amendement AS751 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous souhaitons que le médecin qui déciderait d’interrompre la procédure soit tenu d’en notifier la personne par écrit, mais aussi de manière orale, par souci de cohérence avec l’amendement que nous avons adopté sur l’article 6.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La motivation écrite me semble suffisante, l’important étant que la personne puisse prendre connaissance des éléments invoqués par le médecin à l’appui de sa décision. Le choix d’une motivation écrite garantit un formalisme adapté. Au demeurant, il semble peu plausible, en pratique, que le médecin qui accompagne le patient ne lui présente pas aussi oralement les motifs de sa décision.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS977 de M. Philippe Juvin.

Amendement AS328 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement précédent, qui visait à prendre en compte le cas où la personne manifesterait une hésitation, mériterait d’être examiné avec intérêt lors de la séance publique.

Je propose, pour ma part, de préciser que la personne peut refuser l’administration de la substance létale « à n’importe quelle étape de la procédure ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS730 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Je souhaite que soient pris en compte les cas d’échec – faute d’un meilleur terme – de l’administration de la substance létale. Comment la procédure serait-elle alors encadrée ? Le médecin ou l’infirmier seraient-ils autorisés à se livrer à une forme d’acharnement euthanasique ? Une deuxième dose létale serait-elle délivrée, ou la personne serait-elle au contraire secourue ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Alors que j’avais jusqu’à présent eu tendance à souligner la répétitivité de vos arguments, je ne peux, en l’espèce, que saluer votre créativité lexicale, puisque vous venez de créer le concept d’acharnement euthanasique. Vous connaissez ma position quant à l’usage du terme « euthanasie », je n’y reviendrai pas. Quant à la notion d’acharnement euthanasique, elle m’est totalement étrangère.

Avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). Merci pour le compliment. Vous aurez compris que cette expression est construite en miroir du fameux « acharnement thérapeutique », mais la question reste entière : que prévoyez-vous dans les cas où l’administration de la substance létale échoue ? Le soignant s’acharnera-t-il à administrer une dose létale quoi qu’il arrive ?

M. Thibault Bazin (DR). La question mérite d’être posée : doit-on mettre fin à la procédure si l’administration ou l’action de la substance létale a manifestement échoué ? J’avais déposé un amendement comparable sur l’article 9, prévoyant qu’il serait mis fin à la procédure si le professionnel de santé se voyait obligé d’intervenir du fait d’une difficulté. L’état de la personne peut par exemple entraîner des échecs répétés d’administration par voie digestive, ou empêcher l’injection par voie intraveineuse. Que fera-t-on s’il est impossible de procéder comme convenu initialement par le patient et le médecin ? Au vu des retours qui nous proviennent d’autres pays, la question se pose.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS329 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons oublié de préciser qu’il sera mis fin à la procédure si un recours est engagé contre la décision d’aide à mourir octroyée par le médecin. Je sais que les cas de recours ne seront traités qu’à l’article 12, mais si nous prévoyons d’ouvrir cette possibilité – je ne veux pas préjuger de l’issue de nos débats sur ce point –, elle doit être mentionnée parmi les motifs d’interruption de la procédure.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne comprends pas très bien dans quel débat vous cherchez à nous engager. Seule la personne qui a formulé la demande pourrait engager un recours contre le médecin, si ce dernier lui refusait l’aide à mourir. Je ne vois pas dans quelle configuration une personne ayant reçu une suite favorable à sa demande d’aide à mourir attaquerait le médecin décisionnaire, sachant qu’elle pourrait par ailleurs changer d’avis tout au long de la procédure, jusqu’à l’administration de la substance létale.

Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Très bonne réponse du rapporteur.

M. Philippe Juvin (DR). Vous affirmez qu’une seule personne pourra faire le recours, mais nous n’avons pas encore déterminé qui sera capable d’ester en justice. Ce débat n’ayant pas encore eu lieu, il ne faut pas fermer cette porte.

Nous ne pouvons pas non plus exclure l’hypothèse d’un signalement au procureur de la République, auprès de qui toute personne peut se manifester si une situation lui semble anormale. Tant que cet éventuel signalement n’est pas classé, les opérations doivent être suspendues.

M. Patrick Hetzel (DR). Imaginons, en effet, qu’un tiers ait connaissance d’un risque d’abus de faiblesse. Même s’il ne peut pas lui-même agir en justice, il peut faire un signalement au procureur de la République, signalement qui devra être instruit – et peut‑être classé sans suite, mais il est difficile d’en préjuger. Il nous faut envisager ces situations, qui sont loin d’être neutres : un tel signalement interromprait-il la procédure ?

Mme Justine Gruet (DR). Je crois comprendre que, dans votre conception des choses, le recours ne serait possible qu’en cas de refus du médecin. Toutefois, si, dans une famille, un proche était témoin d’un abus de faiblesse et souhaitait interpeller a priori sur le non‑respect du cinquième critère d’éligibilité – l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée –, ne devrait-il pas avoir la capacité de le faire, non pour entraver la démarche, mais pour s’assurer du respect de tous les critères ? Dans ce cas, la procédure devrait être mise en pause.

Mme Annie Vidal (EPR). Une telle disposition servirait sans doute très peu souvent – et c’est tant mieux –, mais elle constituerait effectivement une protection pour les plus vulnérables. On sait par exemple que, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les personnes maltraitées n’osent pas se manifester de peur d’aggraver encore leur situation. De la même manière, certaines personnes pourraient demander un report de la procédure parce qu’elles n’osent pas annoncer qu’elles ne veulent plus y recourir.

On sait que le médecin, qui est un sachant, une figure d’autorité, peut inspirer une certaine timidité, notamment à des personnes vulnérables. Certaines pourraient donc hésiter à dire qu’elles ont changé d’avis, par crainte d’être considérées comme inaptes à exprimer leur volonté – d’autant que les personnes âgées peuvent être rapidement cataloguées comme étant diminuées sur le plan cognitif. Peut-être serait-il bon de conserver une possibilité de recours, pour protéger les plus fragiles.

M. Yannick Monnet (GDR). Je comprends votre volonté d’envisager tous les scénarios, mais cela revient à ne pas faire confiance au personnel soignant. Dans la relation entre un patient et son médecin, la première préoccupation de ce dernier, surtout dans un tel contexte, sera précisément de vérifier l’absence de contrainte de l’expression de la volonté du malade. Faisons confiance au personnel chargé d’accompagner les personnes concernées – sinon, autant remettre en cause tout le dispositif.

M. Thibault Bazin (DR). Les délais que vous avez prévus sont tout de même très courts. La commission de contrôle et d’évaluation n’interviendra qu’a posteriori. La décision ne sera pas prise de façon collégiale, alors que l’acte en question est par nature irréversible. Vous expliquez maintenant que la procédure ne sera susceptible de recours qu’en cas de refus, de sorte que même une personne désignée dans le cadre d’une mesure de protection juridique ou un médecin ayant participé à l’expertise ne pourraient pas intervenir. Comment peut-on défendre une procédure aussi unilatérale ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1072 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur, je vais faire preuve de répétitivité plutôt que de créativité. Nous sommes à la fin de la procédure et la substance létale a été administrée mais le corps résiste – cela arrive, vous le savez. Comment doit réagir le praticien, médecin ou infirmier ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous revenez sur un amendement antérieur. Avis défavorable à celui que nous sommes en train d’examiner mais que vous n’avez pas présenté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS330 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de prendre en compte le cas où la personne émet un doute explicite, à n’importe quelle étape de la procédure.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous en avons déjà débattu à de multiples reprises et la rédaction est claire. Au début de la procédure, le médecin demande à la personne de confirmer sa volonté et il n’y a pas de doute possible : c’est oui ou non. Par la suite, c’est tout aussi clair. Et la personne peut exprimer le souhait, sans interrompre la procédure, de reporter la date prévue – nous en avons déjà parlé. Votre amendement n’apportera rien de nouveau ni d’éclairant.

Par conséquent, avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Si je comprends bien, en cas de doute, c’est non. Alors écrivons-le !

M. Patrick Hetzel (DR). Si nous insistons autant, c’est parce que nous considérons que la formulation actuelle n’est pas suffisamment protectrice. Le complément proposé permettra d’y remédier.

Mme Justine Gruet (DR). Lorsqu’il existe une possibilité de changement d’avis, les délais sont importants. Or, dans votre texte, il n’y en a pas. L’avis du médecin doit être rendu dans les quinze jours, mais rien n’empêche dans la rédaction actuelle qu’il se prononce dans la demi‑heure. Et le délai de réflexion de quarante-huit heures peut être porté à zéro à la demande de la personne, si le médecin estime qu’elle est privée de dignité. Tout peut donc aller très vite, sans qu’il y ait de possibilité d’émettre un doute qui stopperait la procédure. Je ne comprends pas que vous soyez à ce point fermé à l’égard des leviers qui permettraient de protéger les personnes, notamment vulnérables.

M. Christophe Bentz (RN). Lorsque la personne a reçu une dose létale mais que celle‑ci ne fonctionne pas, si je puis dire, un doute peut voir le jour. Or il est possible de renoncer tant que la mort n’est pas intervenue. Je repose donc ma question, monsieur le rapporteur : en pareil cas, que devront faire les praticiens ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous revenez systématiquement sur les mesures à prendre en cas de dysfonctionnement de la substance létale. Je rappelle que les modalités de préparation et de mise en œuvre seront définies par la Haute Autorité de santé (HAS), qui déterminera les substances utilisées, les modes d’administration, les processus opératoires. En l’état donc, je ne peux pas vous répondre précisément, mais des réponses seront apportées à toutes les questions que vous soulevez. Les protocoles et les modes opératoires qu’établira la HAS tiendront compte notamment de l’expérience acquise dans d’autres pays quant aux difficultés rencontrées selon les substances utilisées pour éviter précisément les situations que vous évoquez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS331 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose de prévoir un autre cas dans lequel il pourrait être mis fin à la procédure : à la demande de la commission de contrôle et d’évaluation que crée la proposition de loi. Mme Leboucher m’a dit que nous en parlerions à l’article 15, dont elle est la rapporteure, mais il serait bon d’harmoniser et de rendre cohérentes les différentes étapes de la procédure. Les prérogatives de cette commission restent floues en l’état, notamment ses capacités d’intervention a priori.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Puisque M. Bazin a déjà commencé à en discuter avec la collègue rapporteure qui est concernée, je propose de reprendre cet échange lorsque nous aborderons l’article approprié.

Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Je voudrais demander à Thibault Bazin, qui aime bien que les choses soient claires, de ne pas mélanger l’article 10 et l’article 15. Évitons des enchevêtrements qui mènent souvent à des incompréhensions.

Je comprends bien pourquoi notre collègue souhaite des contrôles a priori, car nous connaissons le cheminement de sa pensée : il s’agit d’allonger les délais. Mais nous savons que c’est techniquement impossible. S’agissant de l’application de la loi Claeys-Leonetti, nous n’avons pas encore de traçabilité complète – nous y reviendrons à l’article 15, car nous avons besoin d’un suivi parfait pour chaque procédure, ce qui n’est pas encore le cas, comme l’a reconnu le président du Conseil national de l’Ordre des médecins lui-même. Par ailleurs, je rappelle que c’est la HAS qui établira tous les protocoles, par exemple les quantités de produit en fonction du poids des personnes.

Si nous commençons à instaurer de tels contrôles a priori, nous en viendrons bientôt à faire de même pour tous les actes médicaux et, croyez-moi, nous aurons vite à en reparler !

M. Thibault Bazin (DR). Pour rassurer Philippe Vigier, ce n’est pas une question de délais : il s’agit de protéger les personnes vulnérables et surtout de prendre en compte une réalité, qui est la volonté fluctuante des patients. Lorsque nous examinions les articles 2 et 4, on nous a dit qu’il faudrait aborder nos propositions aux articles 5 et 6 – mais nos amendements n’ont pas été adoptés à ces deux occasions. Maintenant, on nous demande d’attendre l’article 15 pour proposer que la commission puisse demander qu’on mette fin à la procédure, mais si on adoptait un amendement en ce sens à l’article 15, il faudrait modifier en séance l’article 10 pour en tirer les conséquences ! Il faudrait être cohérent.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’inverse fonctionne aussi, monsieur Bazin. Imaginons que le rapport de force fasse que nous adoptions maintenant votre amendement, mais que nous ne décidions pas, à l’article 15, de demander à cette commission d’effectuer des contrôles a priori : ce ne serait pas plus cohérent. Parlons plutôt de la question lorsque nous en viendrons à la création de la commission et à ses missions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS752 de M. Hadrien Clouet

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement permettra d’assurer une traçabilité de toutes les décisions de mettre fin à la procédure, quel qu’en soit le motif. La commission de contrôle et d’évaluation pourra ainsi effectuer le suivi et les apprentissages nécessaires a posteriori.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La commission de contrôle et d’évaluation aura déjà accès aux décisions, puisque celles-ci seront enregistrées dans le système d’information dont elle-même aura la responsabilité. Votre demande étant satisfaite, je vous invite à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 10 modifié.

Article 11 : Création d’un système d’information dédié au suivi de la procédure

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1160 de M. Stéphane Delautrette.

Amendement AS978 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Le texte prévoit que « chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré ». Je vous propose d’aller plus loin en précisant que « chacune des demandes du patient ainsi que chacune de ses déclarations en rapport avec l’acte sont enregistrées dans un système d’information ». Ces éléments sont très importants pour l’analyse des procédures, dans la perspective d’une éventuelle modification, qui a eu lieu d’ailleurs dans beaucoup de pays. Il faudra travailler sur les réactions des patients, leurs éventuels doutes et les questions qu’ils posent si nous voulons améliorer le système et l’adapter à la réalité.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il est déjà prévu d’enregistrer, vous l’avez souligné, l’ensemble des actes qui se dérouleront dans le cadre de la procédure, y compris la demande initiale de la personne, la déclaration par laquelle elle confirme sa volonté et l’attestation du médecin quant au maintien du discernement. Cela me semble tout à fait suffisant. Le risque d’une extension des éléments devant figurer dans le système d’information serait de rendre le dispositif inapplicable. Par ailleurs, vous ne précisez pas s’il s’agit uniquement des propos tenus dans le cadre des échanges de la personne avec son médecin ou également avec des proches, ni qui collecterait et intégrerait de telles informations.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Puisque nous nous engageons sur une voie tout à fait nouvelle, la logique commande d’enregistrer tout ce qui va se passer. Monsieur le rapporteur, s’il y a un risque dans ce texte, ce n’est pas de noter ce que dit le patient ! Je vous trouve bien pusillanime sur ce point : il n’y a pas de risque – à moins de ne pas vouloir comprendre, de ne pas souhaiter savoir ce que le patient a dit.

Mme Justine Gruet (DR). La commission chargée de gérer les données se verra aussi confier le contrôle l’application du dispositif. Elle sera donc juge et partie, ce qui interpelle.

L’amendement de Philippe Juvin permettrait de rattraper un peu l’absence de traçabilité écrite au début de la procédure. Il est important que les proches, pour faire face au choc post-traumatique, accepter ce qui s’est passé et faire leur deuil, puissent comprendre ce qui a motivé le geste, ce qui s’est passé et pourquoi la personne n’en avait pas parlé. Ce qui nous est proposé favorisera la traçabilité et le respect de la procédure.

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement n’est pas dénué d’intérêt. Ma seule crainte est liée à la lourdeur que cela représentera pour les professionnels de santé, qui se disent accablés par leurs charges administratives. Comme l’accompagnement se fera constamment dans le cadre d’un échange, la quantité de travail requise par cet amendement me paraît disproportionnée par rapport au résultat escompté. Ce qui est en l’état demandé me semble suffisant.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cet amendement pousse en effet à s’interroger. La démarche étant nouvelle, il faut une évaluation, des retours reposant sur des éléments qualitatifs. Le texte représente une telle rupture que cela paraît nécessaire – en anonymisant néanmoins certaines données. Je ne sais pas si la rédaction proposée est la bonne, mais la question me semble pertinente. Il faut dépasser les données techniques pour disposer d’éléments de ressenti.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il me semble très important, parce que la démarche est nouvelle, d’avoir un retour sur la manière dont les choses se passent. Monsieur Monnet, je suis très inquiète de voir que vous vous attendez à une application à grande échelle : cette procédure reste un ultime recours, un médecin n’aura pas trente cas par jour ! Ce que nous envisageons constituera effectivement une charge, mais plutôt exceptionnelle.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de disposer d’informations pour assurer un suivi. À vous entendre, on pourrait pourtant en douter.

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi de 2024 comprend une liste de deux pages des informations à collecter pour qu’une évaluation exhaustive et un suivi puissent être menés. Si vous considérez que ces informations ne sont pas suffisantes, nous pourrons y revenir en séance mais, comme je l’ai dit, je trouve le présent amendement insuffisamment précis.

Nous pouvons diverger sur les données à collecter, mais ne laissez pas entendre que nous ne partageons pas le même objectif en matière d’évaluation. Tout le monde a tiré les enseignements des difficultés d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti : nous souhaitons tous ne pas nous retrouver dans la même situation pour le suivi des sédations profondes et continues jusqu’au décès, lorsqu’il sera possible d’y recourir.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous avons, en tant que législateurs, à formaliser un certain nombre de choses. S’il faut les recadrer, pour une raison ou pour une autre, ce sera le rôle du pouvoir exécutif de le faire, mais ce que nous souhaitons doit figurer explicitement dans un texte. Je m’étonne, monsieur le rapporteur, que vous vous disiez d’accord tout en donnant in fine un avis défavorable. L’objectif est de faire en sorte que des travaux de recherche sérieux puissent être conduits. On déplore assez régulièrement que des données n’existent pas : nous sommes en train de faire en sorte qu’elles soient disponibles. Tout ce qui permet d’aller dans le bon sens devrait être accepté.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je redis que nous partageons la même préoccupation en matière d’évaluation. Mon avis est que votre proposition ne permettra pas de rendre l’évaluation opérante mais alourdira inutilement la procédure. Ne laissez pas entendre, pour autant, que nous n’avons pas en commun la volonté qu’une évaluation et un suivi aient lieu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS540 de Mme Karine Lebon, AS754 de M. René Pilato et AS1073 de M. Christophe Bentz

M. Yannick Monnet (GDR). Face à la grande quantité d’informations qui seront recueillies, il est impératif que le système soit sécurisé. Tel est l’objet de l’amendement AS540.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Un système d’information éminemment complexe sera instauré pour récolter des données très hétérogènes, y compris sur le plan qualitatif. Par l’amendement AS754, il nous paraît donc utile de fixer dans la loi un cadrage, une norme en matière de sécurité pour la conception du système, l’accès aux informations, leur diffusion, leur protection et leur stockage.

M. Christophe Bentz (RN). Notre amendement vise, dans le même esprit, à sécuriser les informations pour protéger les données et les choix personnels.

M. le président Frédéric Valletoux. À titre personnel, je ne connais pas de système d’information non sécurisé : il peut ne pas l’être assez, mais c’est une autre question.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’étude d’impact du projet de loi initial précisait que les garanties de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et celles du règlement général sur la protection des données s’appliqueraient bien entendu à ce système d’information.

Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre seront déterminées par un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ce qui permettra d’assurer un degré élevé de protection des données. Si l’on souhaite apporter des garanties supplémentaires, il me semble qu’il serait plus opportun de préciser quels standards de sécurité doivent être adoptés que de se borner à faire état de la nécessité d’une sécurisation du système d’information, ce qui serait purement déclaratoire.

De ce point de vue, l’amendement AS465 que nous allons examiner a le mérite de définir les standards qui devront s’appliquer en se référant à l’article 31 de la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (« Sren »), ce qui est juridiquement plus solide. J’invite donc à retirer les présents amendements au profit de celui que je viens d’évoquer.

Les amendements sont retirés.

Mme Annie Vidal (EPR). J’ai une question à propos du système d’information visé par cet article. Existe-t-il déjà ou sera-t-il créé, et dans ce cas, quand ? Par ailleurs, avons‑nous la certitude qu’il permettra d’atteindre la finalité attendue par le Conseil d’État, à savoir « un contrôle des procédures d’aide à mourir en vue d’identifier, le cas échéant, des anomalies susceptibles de révéler l’existence d’un délit ou d’un crime ou de donner lieu à des actions en responsabilité » ? Je n’en suis pas sûre, car la liste des actes concernés montre qu’il s’agira en fait d’un contrôle des étapes de la procédure, mais quelque chose m’a sans doute échappé.

M. Philippe Juvin (DR). Le fichier des directives anticipées créé par l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, adopté par l’Assemblée nationale, n’a jamais vu le jour. Nous ne voudrions pas que le registre dont nous débattons connaisse le même sort. La question du délai posée par Mme Vidal est donc fondamentale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Contrôler l’action du Gouvernement fait partie de notre travail, et il faudra un marquage à la culotte pour faire en sorte que les décisions prévues soient prises. Madame Vidal, il s’agira d’une création ex nihilo, par décret en Conseil d’État, après avis de la Cnil.

Amendements AS450 et AS451 de Mme Sandrine Runel, amendement AS1159 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

Mme Océane Godard (SOC). Je retire l’amendement AS450 pour ne conserver que l’amendement AS451, qui vise à fixer un délai maximal de vingt-quatre heures au professionnel de santé pour enregistrer les actes dans le système d’information.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Afin de garantir l’effectivité de l’enregistrement, je vous propose de préciser qu’il doit intervenir dans les vingt-quatre heures. Ce délai raisonnable permettra d’éviter une éventuelle perte d’informations sans imposer une charge disproportionnée au professionnel de santé.

J’invite Mme Godard à retirer l’amendement AS451 au profit du mien.

M. Philippe Juvin (DR). À partir de quel moment ce délai est-il décompté : à partir de la demande, de son acceptation, de l’injection, du décès ? S’il est décompté à partir du décès, aucune information ne sera jamais versée dans le système au sujet des patients qui auraient décidé d’arrêter le processus. Et de façon générale, si l’on ne remplit pas un dossier tout de suite, on prend le risque d’oublier ou de confondre les patients. La bonne méthode consiste à remplir le dossier immédiatement à chacune des étapes.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Si nous fixons un délai, il est indispensable de fixer également un point de départ. Ce peut être la fin du processus, qu’il s’agisse du décès, du renoncement ou de tout autre événement.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Notre discussion soulève une interrogation : l’enregistrement dans le système de santé par les professionnels concernés exclut-il de fait la délégation d’acte à leur secrétariat médical ?

Mme Justine Gruet (DR). Certains semblent trouver futile la question de la traçabilité, alors qu’elle est à mes yeux très importante. Pour garantir que tous les actes sont bien versés dans le système, sans doute devrions-nous fixer un délai pour l’enregistrement de chacune des étapes, du début à la fin de la procédure.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’absence d’un tel processus de traçabilité nous a empêchés d’évaluer la loi Claeys-Leonetti à sa juste mesure : de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, rien n’est inscrit. Chaque décision doit donc être enregistrée au moment où elle est prise, au fil de l’eau – d’autant plus que, contrairement à ce qu’a indiqué M. Bazin, les recours ne concernent pas uniquement les cas où l’aide à mourir a été mise en œuvre, mais aussi ceux où elle a été refusée. Sans doute faut-il simplement amender le texte en ce sens.

Mme Océane Godard (SOC). L’alinéa 2 me semble déjà très clair : « Chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré, par les professionnels concernés, dans un système d’information » – et même « dans un délai de vingt-quatre heures » si l’amendement de notre collègue Delautrette était adopté.

M. Thibault Bazin (DR). Je parlais effectivement des recours portant sur des demandes d’aide à mourir qui auront été satisfaites.

Quant à la traçabilité à chaque étape, nous y avons intérêt – mais nous avons déjà prévu par le passé des registres qui n’ont jamais été remplis. Regardez le dossier médical partagé : les professionnels de santé commencent tout juste à y avoir accès ! Pour la présente loi, la mise en œuvre du système d’information va être un vrai sujet, sur lequel il nous faut interroger le Gouvernement.

M. Philippe Vigier (Dem). Je trouve moi aussi que l’alinéa 2 est très complet. Tous les actes seront enregistrés : on ne peut pas faire plus ! Quant au point de départ, collègue Juvin, il est connu, puisque la rédaction insère bien l’enregistrement dans le cadre d’un chapitre bien déterminé.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous avons besoin de ces informations pour les travaux de recherche, mais aussi pour que des recours puissent être engagés, notamment par les patients, avant la fin de la procédure. Mais la fixation d’un délai ne me semble pas être la bonne formule. Il me semblerait plus pertinent de rédiger ainsi l’alinéa 2 : « Chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré au fil de l’eau par les professionnels concernés, dans un système d’information. »

M. le président Frédéric Valletoux. La séance est suspendue quelques minutes afin de laisser le temps à M. le rapporteur de rédiger un nouvel amendement.

 

La réunion est suspendue de vingt-deux heures dix à vingt-deux heures quinze.

 

Amendement AS1189 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. À la suite de nos discussions, je retire l’amendement qui visait à fixer un délai de vingt-quatre heures et je vous en propose un nouveau, l’AS1189, qui précise que l’enregistrement doit se faire au fur et à mesure dans le système d’information.

Les amendements AS450, AS451 et AS1159 sont retirés.

La commission adopte l’amendement AS1189.

Amendement AS465 de Mme Anne Le Hénanff

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans la mesure où des données très sensibles seront enregistrées, cet amendement vise à recourir, pour la mise en œuvre du système d’information, à un cloud sécurisé et souverain tel que mentionné à l’article 31 de la loi Sren.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je vous propose d’adopter cet amendement, qui adapte le texte aux standards de la loi Sren.

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement précise simplement que la mise en œuvre du système d’information doit respecter la loi – très bien !

J’imagine, monsieur le rapporteur général, que le financement de ce système d’information ne se fera pas sur les crédits alloués à la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous me posez une colle. Je ne le crois pas. En tout cas, nous sommes nombreux à estimer que cela ne doit pas être le cas.

M. Philippe Vigier (Dem). Philippe Juvin pose une très bonne question. Il me semble que la mise en œuvre de ce système d’information devra être confiée à l’Agence du numérique en santé. Ni les soins palliatifs ni l’aide à mourir ne seront ainsi privés de crédits.

M. Patrick Hetzel (DR). Plusieurs de nos collègues ont défendu tout à l’heure des amendements visant à préciser que le système d’information devra être sécurisé ; ils ont été invités à les retirer au profit de celui de Mme Colin-Oesterlé. Celui-ci ne pose pas de problème en tant que tel, mais il y a des angles morts : qui aura accès au système, et selon quelles modalités ?

M. Thibault Bazin (DR). Les crédits sont un véritable enjeu. Nous avons adopté une programmation, mais le Gouvernement n’a pas créé de sous-objectif. J’appelle votre attention sur le fait que lorsque l’on a accru les moyens alloués aux maisons de retraite, on en a enlevé au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé.

La mise en œuvre des systèmes d’information est toujours difficile. Avez-vous interrogé le Gouvernement, messieurs les rapporteurs, au sujet de la date à laquelle celui‑ci serait opérationnel ? Ainsi, le registre prévu par la loi « bien‑vieillir », adoptée l’année dernière, n’est pas encore mis en œuvre.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS755 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement vise à garantir une codification spécifique et harmonisée des données enregistrées dans le système d’information afin qu’elles soient exploitables par la commission de contrôle et d’évaluation.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre intention me semble satisfaite par l’article 18. Il nous appartiendra évidemment de contrôler la bonne mise en œuvre d’un codage spécifique de ces actes – il est vrai que cela a pris du temps pour la sédation profonde et continue – mais il ne me semble pas nécessaire de faire figurer cette précision dans la loi.

Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). L’expérience, en particulier de la loi Claeys-Leonetti, montre qu’en l’absence de cotation, il n’y a pas de suivi. Vous dites que l’amendement est satisfait par l’article 18 mais si notre collègue, qui en sera la rapporteure, le maintient, c’est que ce n’est peut-être pas le cas. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons qu’être favorables à une codification spécifique et harmonisée et soutiendrons cet amendement.

M. Philippe Juvin (DR). Je ne vois pas, à l’article 18, de référence à la classification commune des actes médicaux. Votre réponse ne me semble donc pas adaptée, monsieur le rapporteur.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous m’interrogez sans cesse sur des sujets qui ne relèvent pas de l’article en cours d’examen : ne me reprochez pas de vous renvoyer aux articles appropriés.

S’agissant de l’accès au système d’information, au sujet duquel M. Hetzel nous a interpellés, je vous renvoie à l’alinéa 10 de l’article 15, dans le chapitre V : « Nonobstant l’article L. 1110‑4, les données enregistrées dans ce système d’information sont traitées et partagées dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, aux seules fins d’assurer le suivi, le contrôle et l’évaluation des dispositions prévues à la présente section. » L’alinéa 11 dispose ensuite : « Nonobstant l’article L. 1110‑4, les médecins membres de la commission peuvent accéder, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission, au dossier médical de la personne ayant procédé ou fait procéder à l’administration de la substance létale. »

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1166 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je propose que soit reconnu à la personne souhaitant recourir à l’aide à mourir le droit de se faire communiquer les actes la concernant qui sont enregistrés dans le système d’information. Ils pourront lui être transmis par la commission de contrôle et d’évaluation. La seule limite à ce droit concerne l’ordonnance par laquelle le médecin prescrit la substance létale, cette exception étant justifiée par l’insertion de cette substance dans un circuit sécurisé, de son élaboration à sa destruction.

M. Philippe Juvin (DR). D’abord, il est normal que le patient ait accès à ces actes puisque la loi dispose qu’il a accès à toutes les données médicales le concernant ! Ensuite, pourquoi le patient ne pourrait-il pas se voir communiquer l’ordonnance, alors qu’elle est l’élément le plus important ? Il ne s’agit pas qu’il puisse obtenir la molécule, mais qu’il sache quel produit va lui être administré et à quelle dose. Je suis très surpris par cet amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis moi aussi favorable à ce que le patient puisse avoir accès à l’ordonnance.

M. Thibault Bazin (DR). Pourriez-vous rectifier votre amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. J’entends vos arguments. Je retire mon amendement le temps de faire quelques vérifications, sans exclure de le déposer de nouveau en séance le cas échéant.

L’amendement est retiré.

Amendement AS979 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Le recueil des données médicales a trois objectifs : le contrôle, la recherche et l’information des familles. Je souhaiterais que, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays, les données enregistrées dans le système d’information soient disponibles en open source, de façon anonymisée évidemment, afin que nous puissions les utiliser pour des travaux de recherche. Le fait que les données soient de façon générale complètement cadenassées est un problème important de la recherche, en médecine comme dans d’autres sciences.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ces données seront consultées à des fins de contrôle par la commission instituée par l’article 15, qui lui confère la responsabilité d’évaluer le dispositif, à partir des données agrégées et anonymisées, et de formuler des recommandations concernant l’aide à mourir. Les modalités de contrôle et d’évaluation me semblent donc pleinement satisfaites.

L’amendement induit la reconnaissance d’un droit de consultation dont il ne définit ni les bénéficiaires, ni les conditions d’exercice. Il me semble fondamental de respecter la volonté de la personne concernant la façon dont elle entend faire part de sa démarche à ses proches. Au demeurant, les informations personnelles enregistrées dans le système seront couvertes par le secret médical.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). L’alinéa 10 de l’article 15 prévoit dans l’ordre le suivi, le contrôle et l’évaluation. Il ne prévoit rien s’agissant de l’information des familles ni surtout de la recherche – j’insiste sur ce point, car nous passons là à côté de quelque chose. Je suis prêt à retirer l’amendement si M. le rapporteur accepte d’amender en ce sens l’article 15 lors de l’examen du texte en séance publique.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne puis prendre d’engagement s’agissant de l’article 15, car la rapporteure Mme Leboucher proposera des amendements.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Les rapporteurs forment une équipe et j’ai l’honneur d’être rapporteur général. Nous avions identifié la question soulevée à raison par M. Juvin et Mme Leboucher proposera des amendements qui devraient lui convenir.

L’amendement est retiré.

Amendement AS576 de M. Paul-André Colombani

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise, afin d’assurer la traçabilité des procédures et l’information des personnes, à inscrire la procédure non seulement dans le système d’information mais aussi dans le dossier médical du patient.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). L’alinéa 11 de l’article 15 mentionne uniquement le dossier médical du patient. Dès lors, qui aura accès au système d’information ? La caisse primaire d’assurance maladie travaille à une analyse anonymisée des données à grande échelle. Le texte ne précise pas qui a le droit d’accéder à quelles informations et dans quels délais au sein du système d’information.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’alinéa 10 de l’article 15 mentionne le système d’information. Je propose que nous ayons ce débat lors de l’examen de l’article 15.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je comprends qu’on veuille vérifier qu’une procédure est bien appliquée, mais j’aimerais qu’on m’explique ce qu’est la traçabilité d’une procédure écrite.

L’amendement est retiré.

Amendement AS753 de Mme Karen Erodi

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à compléter l’article 11 par un alinéa ainsi rédigé : « Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités d’enregistrement et de consultation du présent système d’information ». Une telle disposition est prévue pour la consultation du registre recensant les déclarations des professionnels de santé volontaires pour participer aux procédures d’aide à mourir, mais il n’y a rien concernant le système d’information recensant les actes réalisés. Dès lors que ces données comportent des détails privés et sensibles, il nous semble important d’appliquer la même protection pour l’un et pour l’autre.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous aurons ce débat lors de l’examen de l’article 15. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

Amendements AS473, AS474 et AS472 de Mme Anne Le Hénanff

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Les données relatives aux actes enregistrées dans le système d’information sont sensibles. Elles doivent donc faire l’objet d’une attention particulière s’agissant de leur stockage. Il convient de prévoir que le cloud choisi pour les héberger satisfait aux critères les plus exigeants en matière de sécurité et de souveraineté.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par l’adoption de votre amendement AS465 à l’article 11, qui couvre tout le champ de la procédure. Il y a une limite au degré de précision de la rédaction de la loi, si importants soient les sujets dont elle traite. Il n’est pas utile de pratiquer la surenchère rédactionnelle sur le mode « ceinture, bretelles et parapluie ».

Les amendements sont retirés.

Article 12 : Recours devant le juge administratif

Amendements de suppression AS94 de M. Patrick Hetzel, AS334 de M. Thibault Bazin et AS980 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Selon l’article 12, « la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun ». Les éventuelles autres parties prenantes, notamment le conjoint ou les enfants de la personne demandant l’aide à mourir – nous avons déjà évoqué l’arrêt Mortier c. Belgique de la Cour européenne des droits de l’homme –, doivent avoir la possibilité de former des recours.

M. Thibault Bazin (DR). Aux termes de la disposition citée par Patrick Hetzel, si le médecin donne son accord, nul ne peut former un recours – le demandeur étant décédé. Ce dispositif est déséquilibré et très restrictif, d’autant que le médecin se prononce seul – même si c’est après avoir pris les avis de ses confrères – et qu’il n’est pas infaillible.

L’absence de possibilité, pour un tiers tel qu’un proche du patient ou un professionnel de santé chargé de son suivi, de contester une décision favorable du médecin ne va pas de soi. La sédation profonde et continue, qui, elle, ne provoque pas la mort intentionnellement ni de façon accélérée, peut être contestée par la famille devant le juge des référés si elle l’estime injustifiée ou contraire à la volonté du patient. Par ailleurs, il faudrait préciser que le recours peut aussi être porté devant la juridiction de l’ordre judiciaire.

M. Philippe Juvin (DR). En cas de suspicion d’irrégularités dans la procédure et une fois la personne décédée, l’article 12 interdit d’agir en justice, quand bien même l’on estime en souffrir ou en subir un préjudice. Mais si je souffre d’un préjudice en raison de la disparition d’un parent ayant bénéficié de façon irrégulière de l’aide à mourir, il faut que je puisse me pourvoir devant les tribunaux compétents. Tel qu’il est rédigé, l’article 12 crée une quasi‑irresponsabilité, civile si l’intervention est pratiquée dans le secteur privé, administrative si elle l’est dans le secteur public, et pénale dans tous les cas, ce qui est contraire aux principes généraux du droit.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’article 12 prévoit que seule la personne demandant à bénéficier de l’aide à mourir peut former un recours contre la décision du médecin qui se prononce sur celle-ci, et réserve ce contentieux aux juridictions de l’ordre administratif. Les auteurs des amendements contestent cette fermeture du prétoire qui me semble pleinement justifiée.

D’une part, il ne me semble pas opportun de permettre à des tiers d’introduire un recours contre une décision répondant à la volonté libre et éclairée de la personne.

Il y va d’abord du respect de son autonomie et de la décision prise par le médecin à la lumière de sa situation médicale. Cette décision est d’une nature très différente de celle portant sur l’arrêt des traitements ou sur la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, car seule la personne concernée pourra demander à recourir à l’aide à mourir – et devra, pour en bénéficier, être apte à manifester sa volonté libre et éclairée. Cette condition n’existe pas dans le cas de la mise sous sédation, ce qui justifie que des tiers puissent former un recours.

Ensuite, les dispositions de l’article 12 ne font pas obstacle à la saisine du juge pénal par des tiers estimant que des manquements susceptibles de constituer des crimes ou des délits ont été commis pendant la procédure d’aide à mourir.

Enfin, l’adoption à l’article 5 de l’amendement AS512 de M. Monnet offre aux personnes protégées la possibilité de saisir le juge des tutelles ou le conseil de famille. Il s’agit d’une garantie supplémentaire, qu’il conviendra peut-être de modifier en séance publique afin d’améliorer son articulation avec les dispositions de l’article 12.

D’autre part, la dérogation aux règles de répartition des litiges entre les ordres administratif et judiciaire est selon moi justifiée par trois éléments : l’existence de procédures d’urgence devant le juge administratif ayant fait la preuve de leur efficacité, notamment le référé-liberté ; la nécessité d’éviter les jurisprudences divergentes entre ordres juridictionnels dans une matière contentieuse qui ne concernera qu’un nombre limité de cas ; la simplification des procédures pour le justiciable, qui n’aura pas à rechercher l’ordre de juridiction compétent en fonction de sa situation et à attendre plusieurs jours, voire plusieurs mois, la transmission de son recours au bon ordre de juridiction en cas d’erreur de sa part.

Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, je ne suis pas d’accord avec vous sur deux points.

D’abord, ce n’est pas parce que le patient aura exprimé librement et de façon éclairée sa décision que les procédures sont exclues. Si par exemple je me fais opérer demain, en y ayant consenti de façon libre et éclairée, et meurs au cours de l’intervention, mes ayants droit peuvent tout à fait saisir un juge du tribunal de grande instance pour demander compensation financière du préjudice. Mon accord libre et éclairé n’exonère pas, ce qui est heureux, le médecin de sa responsabilité.

Ensuite, si l’intervention a lieu dans un établissement privé à but lucratif, la juridiction administrative n’a tout simplement rien à dire, ce qui rend inconstitutionnel l’article 12. La distinction est absolue.

Nous sommes donc en train de créer la seule activité humaine que je connaisse privée de toute possibilité de recours en cas de préjudice. C’est très surprenant.

M. Patrick Hetzel (DR). Outre le fait que les médecins libéraux ne relèvent pas de la justice administrative, d’autres éléments sont très troublants. Ainsi, ouvert aux seuls mourants, susceptible d’être formé devant la seule juridiction administrative et uniquement contre les refus, le droit de recours est privé d’effet. Or des tiers – parents ou professionnels de santé – peuvent avoir des doutes et souhaiter agir contre une autorisation d’aide à mourir. La nécessité d’expertiser les conditions de la demande, quand bien même elle a été considérée comme libre et éclairée, peut se faire sentir. Un tiers peut être amené à s’en préoccuper.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 12 limite fortement le droit de recours. Il laisse un vide immense et prive les tiers d’une partie de leurs droits. Aucune demande écrite n’est prévue, aucun examen clinique par le second médecin, pas davantage de consultation des proches, et la question de l’accès aux données n’est pas tranchée. Que se passe-t-il si la volonté du patient s’avère ne pas être libre ni éclairée ? Que se passe-t-il si les pouvoirs de la commission de contrôle, qu’il nous reste à préciser, sont réduits ? Cet article m’inquiète, et ouvre la voie à la suspicion.

Mme Justine Gruet (DR). On ne peut défendre la liberté individuelle en faisant abstraction des conséquences des choix individuels sur la société et sur l’entourage du patient, dont les interrogations ne peuvent être considérées d’emblée comme illégitimes. Déposer un recours ne signifie pas nécessairement que l’on nourrit une suspicion. Il peut s’agir de s’assurer que tout a été bien été réalisé comme il le fallait. Par ailleurs, le recours ne peut porter que sur un refus et non sur un avis favorable, ce qui constitue un profond déséquilibre, à rebours du texte équilibré que l’on nous a tant vanté.

Ce qui m’inquiète encore plus, c’est que les choses pourront aller très vite. Une fois la décision prise, le délai pourra être de quelques heures. Je me mets à la place des proches, qui comprendront d’autant moins la décision si le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Si l’aide à mourir est ouverte à une personne atteinte d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, dans des délais très courts et sans que les proches en soient informés, le risque de suspicion est élevé. Pour le réduire, il faut prévoir la possibilité de former un recours.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis très choquée par certains aspects des interventions qui précèdent. Que des proches puissent porter plainte pour demander réparation ou simplement comprendre pourquoi une opération a mal tourné, cela va de soi. Mais comment admettre que des proches opposés à une décision prise en conscience, de façon libre et éclairée, entravent cette démarche personnelle et tentent de gagner du temps par le biais d’une action en justice, alors même que le patient endure des souffrances réfractaires à tout traitement ?

Voilà la porte que les auteurs des amendements veulent ouvrir en supprimant l’article 12. Cela m’effraie profondément, sans me surprendre, la logique de M. Hetzel consistant à remettre en cause le principe même de la liberté individuelle, en vertu duquel chacun est maître de son corps, de sa vie et de sa mort, à l’exclusion de quiconque.

M. Yannick Monnet (GDR). En quoi l’impossibilité de former un recours une fois la personne décédée pose-t-elle problème, dès lors qu’elle a exprimé son consentement libre et éclairé ? Dès lors que son choix ne peut être contesté, le seul argument susceptible de fonder un recours serait le fait qu’elle ait été manipulée par le médecin, ce dont il faut se prémunir avant le décès et qu’on voit mal comment démontrer. Au reste, rien dans le texte n’empêche les ayants droit d’introduire un recours.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Juvin, votre argumentation est cohérente, mais il est inexact de parler de quasi-irresponsabilité pénale.

S’agissant des juridictions, je rappelle que le Conseil constitutionnel admet des dérogations aux règles habituelles de répartition des compétences entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire, dans un souci de bonne administration de la justice.

S’agissant de la responsabilité pénale du médecin, elle demeure, sans préjudice de la saisine de l’ordre des médecins par un confrère estimant qu’il a commis une faute déontologique, et du procureur par la commission de contrôle ou par toute personne estimant qu’il y a suspicion de crime ou de délit. Aucune irresponsabilité pénale n’est à déplorer.

M. Philippe Juvin (DR). À côté de la question pénale, il y a la question civile.

Imaginons que je meure lors de l’intervention chirurgicale à laquelle j’avais librement consenti. Ma famille est démunie financièrement : elle fait un recours – devant le tribunal administratif si j’ai été opéré à l’hôpital public, devant le tribunal judiciaire si j’ai été opéré dans une clinique privée à but lucratif – pour demander des dommages et intérêts au médecin.

C’est la même chose ici : si une faute a été commise durant le processus, quelqu’un doit pouvoir saisir soit le tribunal judiciaire, soit le tribunal administratif. Sauf que le texte indique que ce n’est pas possible ! En effet, « la décision du médecin [...] ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande ». Donc les ayants droit n’ont aucun recours.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1045 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement de repli ne mentionne que la juridiction administrative, pour me conformer à votre volonté de réunir sous l’égide de l’ordre administratif tous les contentieux éventuels, y compris d’ordre civil. Mais la décision peut être contestée, a posteriori, par toute personne physique ou morale, considérant qu’en tant qu’acte médical cette décision crée un préjudice. Je n’empêche pas les gens de bénéficier de l’aide à mourir, mais un fils, par exemple, peut demander réparation s’il considère avoir été lésé par cette décision.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre amendement ne rend pas compte de la procédure prévue par les articles précédents : s’il doit recueillir l’avis d’autres professionnels de santé, le médecin est le seul auteur de la décision concernant la demande d’aide à mourir. Ce n’est pas une décision collégiale.

Je ne suis pas favorable à ce que cette décision puisse être contestée par des tiers.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’on a le sentiment d’être lésé, rien n’interdit de faire un courrier au procureur !

M. Patrick Hetzel (DR). Je n’ai aucun problème avec le principe de consentement libre et éclairé. Mais que se passe-t-il lorsqu’un tiers nourrit un doute sur le fait que le consentement était vraiment libre et éclairé ? Ce tiers doit pouvoir agir en urgence, avant que l’irrémédiable ne soit commis.

Ce que nous demandons, c’est une possibilité de recours dans ce cas précis d’un doute sur le fait que les conditions soient effectivement remplies. La rédaction actuelle ne semble pas apporter cette garantie.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’amendement évoque en effet une décision prise collégialement ; or ce n’est pas le cas.

Seule la personne destinataire de la décision peut former un recours devant le juge administratif. S’il y a ensuite une procédure pénale, il faut prouver un acte, un préjudice, un lien de causalité : le droit commun prévoit tout cela.

Cet amendement n’a donc pas lieu d’être.

M. Philippe Juvin (DR). Je vous relis l’alinéa 2 : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande. » C’est écrit. Je voudrais être rassuré et qu’on écrive quelque part qu’après le décès, les recours des tiers sont possibles. J’ai peur que la rédaction actuelle n’empêche l’application du droit commun.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS1109 de M. Frédéric Valletoux est retiré.

Amendements AS826 de Mme Marie-France Lorho, AS847 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS339 de M. Thibault Bazin et AS608 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS826 est sémantique. Nous avons toujours le même problème. M. Turquois disait tout à l’heure qu’il ne devait pas y avoir d’ambiguïté dans le texte : alors il faut le réécrire entièrement ! Nous contestons les mots employés du début à la fin.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). « Mal nommer les choses contribue au malheur du monde. »

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement est rédactionnel.

L’amendement AS608 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS95 de M. Patrick Hetzel, AS1046 de M. Philippe Juvin, AS335, AS336 et AS337 de M. Thibault Bazin, AS453 de Mme Océane Godard, AS338 de M. Thibault Bazin, AS896 de Mme Danielle Simonnet et AS545 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Encore une fois, le recours par des tiers doit être possible avant que le décès n’ait lieu. C’est peut-être un point de divergence entre nous.

M. Philippe Juvin (DR). Mon amendement vise également à ouvrir la possibilité de recours à toute personne, physique ou morale, ayant intérêt à agir devant la juridiction. M. Hetzel propose que ce recours soit possible avant l’acte, je défends plutôt l’ouverture d’une possibilité de recours après le décès. Mais je constate que ma proposition est incomplète : je retire l’amendement et je le réécrirai en vue de la séance publique.

M. Thibault Bazin (DR). Par l’amendement AS335, je propose de préciser que le droit commun s’applique complètement, donc de rétablir toutes les possibilités de recours, afin qu’une action soit possible avant et après le décès devant la juridiction administrative mais aussi judiciaire. Cette dernière traite des contentieux relatifs aux libertés fondamentales et me paraît donc préférable en l’occurrence.

L’amendement AS336 est un amendement de repli qui ouvre la contestation aux personnes autres que celle ayant formé la demande.

L’amendement AS337 est un autre amendement de repli qui ouvre la contestation à certains tiers seulement : parent, allié, conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou ayant droit de la personne. Cela écarte les professionnels de santé, ce qui me paraît dommage.

L’amendement AS338 limite cette fois la contestation à la personne concernée et à la personne de confiance.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS545 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà indiquées, je suis défavorable aux amendements qui tendent à supprimer l’attribution de ce contentieux aux juridictions administratives. Je ne suis pas non plus favorable à l’ouverture à des tiers de la possibilité de former un recours contre la décision du médecin.

Les amendements de Mme Godard et de Mme Simonnet visent à permettre à la personne de confiance de former un recours contre la décision du médecin. Je comprends que ces amendements sont, contrairement à d’autres, inspirés par la volonté de permettre la contestation d’une décision de refus. Toutefois, cela pourrait aussi donner lieu à des recours visant à faire obstacle à la démarche de la personne qui demande l’aide à mourir. C’est pour moi un point de vigilance. Je vous invite donc à retirer ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je retire également l’amendement AS545, mais je continue à considérer que l’idée d’une médiation serait judicieuse pour apaiser les conflits. Rien n’empêchera quelqu’un de mener des procédures s’il le veut vraiment.

M. Thibault Bazin (DR). Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, celui de mes amendements qui porte sur la personne de confiance ne concerne pas que la décision de refus du médecin, comme les autres amendements similaires, mais aussi la décision positive.

Les amendements AS1046, AS453, AS896 et AS545 étant retirés, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS756 de M. Hadrien Clouet, AS577 de M. Paul-André Colombani, AS1161 de M. Stéphane Delautrette et AS544 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Mon amendement est presque rédactionnel : c’est de la pure logique, dans la suite de notre débat. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il est légitime que la personne qui demande une aide à mourir puisse former un recours si le médecin lui refuse cette procédure. Mais ce n’est pas le seul moment où il peut y avoir un désaccord : la procédure peut être interrompue par la suite, par exemple si le praticien prend connaissance de nouveaux éléments ou si la situation change – ce qui est tout à fait légitime. Il conviendrait donc d’ouvrir le droit au recours également pour les cas d’interruption de la procédure.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement AS577 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. J’ai le même objectif : la décision du médecin de mettre fin à la procédure doit pouvoir être contestée dans les mêmes conditions que la décision initiale du médecin sur la demande d’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Parmi ces amendements qui disent peu ou prou la même chose, je vous propose d’adopter celui de M. Delautrette. Il est plus précis, puisqu’il est le seul à mentionner exactement le 2° de l’article L. 1111‑12‑8. En outre, il répète à dessein le mot « décision », alors que le mot « celle » des autres amendements soulève une ambiguïté entre la décision et la demande d’aide à mourir.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement couvre-t-il bien l’ensemble des motifs d’interruption ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Oui. Je précise qu’on parle bien de ce qui concerne le médecin.

Mme Justine Gruet (DR). La possibilité de recours n’est pas une fin en soi. Le recours ne sera en rien automatique : nous demandons seulement qu’il soit autorisé. Il s’agit de se donner la possibilité d’une meilleure expertise des critères, et peut-être de conforter le choix et d’alléger la responsabilité. Mais ce recours est à sens unique, puisqu’il n’est possible qu’en cas de refus. Vous parlez d’un texte équilibré, mais il n’y a ni transparence, ni collégialité, ni recours, ni contrôle. Des garde-fous supplémentaires me paraissent nécessaires.

Les amendements AS756, AS577 et AS544 sont retirés.

L’amendement AS1161 est adopté.

Amendements AS909 de M. Thomas Ménagé et AS541 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS909 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement vise à ajouter la juridiction judiciaire à la procédure, afin de respecter au mieux l’avis rendu par le Conseil d’État le 4 avril 2024.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.

La dérogation aux règles de répartition des litiges entre les ordres administratif et judiciaire est justifiée par plusieurs éléments : l’existence de procédures d’urgence devant le juge administratif qui ont fait la preuve de leur efficacité, notamment le référé-liberté ; la nécessité d’éviter les jurisprudences divergentes entre ordres juridictionnels, dans une matière contentieuse qui ne concernera qu’un nombre limité de cas ; la simplification des procédures pour le justiciable, qui n’aura pas à rechercher l’ordre de juridiction compétent en fonction de sa situation et à attendre plusieurs jours, voire plusieurs mois, la transmission de son recours au bon ordre de juridiction en cas d’erreur de sa part.

Enfin, la majorité des décisions d’aides à mourir devraient intervenir dans des établissements de santé publics, dont les relations avec les usagers du service public hospitalier sont régies par le droit administratif. Plus précisément, le Gouvernement avait fait valoir qu’il était probable qu’une part importante des demandes d’aide à mourir soient formulées par des personnes hospitalisées dans les services de soins palliatifs des établissements de santé publics. Il est vrai que le Conseil d’État a relevé que l’étude d’impact du projet de loi ne comportait pas de données quantitatives à l’appui de cette dernière affirmation. Il ne s’est toutefois pas prononcé sur les autres éléments qui justifient la dérogation aux règles habituelles de répartition des litiges entre les deux ordres de juridiction.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS757 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il peut être compliqué pour une personne fatiguée, en fin de vie, vulnérable, de faire un recours devant le tribunal administratif. Je propose donc qu’elle puisse contester la décision du médecin en faisant recours à la médiation. Le malade pourrait ainsi mieux comprendre la décision du médecin, ou faire prendre conscience au médecin qu’il remplit tous les critères. Ce serait un juste milieu qui éviterait à des personnes à bout de forces d’avoir recours à la grosse machine administrative.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je comprends votre intention de soulager des personnes qui se trouvent dans des situations difficiles. Néanmoins, les procédures de médiation ne sont pas forcément plus rapides que les procédures judiciaires – elles sont même quelquefois plus longues. L’existence de procédures d’urgence est justement ce qui nous a conduits à choisir l’ordre administratif, pour pouvoir obtenir une réponse rapide. De plus, l’usage de la médiation n’empêcherait pas forcément le recours ultérieur au juge.

La médiation me semble donc peu adaptée. Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Pour une fois, je ne partage pas votre analyse : ce n’est pas une question d’urgence, mais de compréhension du refus du médecin. La personne pense remplir les critères, mais elle ne se sent pas capable d’affronter une procédure administrative en cas de refus. Elle a besoin d’être conseillée, éclairée, d’où le recours à la médiation.

Mme Justine Gruet (DR). Nous n’aurions pas besoin de tout cela si le texte instaurait une procédure très transparente et très collégiale, qui rendait l’échange plus facile et éclairait la décision du point de vue éthique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS889 de Mme Lisette Pollet.

Article 13 : Mesures réglementaires d’application

Amendements de suppression AS96 de M. Patrick Hetzel et AS981 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Légiférer sur l’aide à mourir, c’est légiférer sur la vie humaine et la liberté personnelle, qui relèvent de l’article 34 de la Constitution. Il appartient donc au législateur et à lui seul de déterminer les modalités de sa mise en œuvre.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Les dispositions que nous avons adoptées détaillent chacune des étapes de la procédure. La plupart des lois n’ont pas la même exhaustivité. On ne peut donc pas dire que le législateur s’est dessaisi de sa compétence au profit du pouvoir réglementaire en renvoyant dans cet article à un décret en Conseil d’État.

De toute façon, il n’est pas du tout anormal de laisser au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d’application de la loi. Ainsi, la procédure collégiale qui peut aboutir à l’arrêt des traitements et à la mise sous sédation du patient est organisée par des dispositions réglementaires. En l’occurrence, l’article 13 traite d’aspects très procéduraux, qui n’appellent pas d’intervention du législateur.

Enfin, je rappelle que le pouvoir réglementaire peut toujours déterminer les conditions d’exécution de la loi en application de l’article 21 de la Constitution. La suppression de l’article 13 ne priverait pas le Gouvernement de cette faculté, mais abaisserait le niveau de formalisme des dispositions d’application de la loi, ainsi que leur place au sein de la hiérarchie des normes, en supprimant l’obligation de recourir à un décret en Conseil d’État.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Vous nous dites avoir réduit au minimum le poids du pouvoir réglementaire pour en donner davantage au pouvoir législatif, mais j’ai perdu le compte du nombre d’amendements que vous avez refusés au motif qu’ils relevaient du domaine réglementaire !

M. Patrick Hetzel (DR). Nous ne devons pas renvoyer à un décret des questions aussi importantes que l’information de la personne, la formation de la demande et la vérification des conditions.

Vous vous êtes souvent référé à la procédure de sédation profonde et continue de la loi Claeys-Leonetti, dont de nombreux collègues ont souligné la perfectibilité. Il ne suffit pas de dire que vous avez fait un petit peu mieux : nous devons faire sérieusement mieux.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS758 de Mme Élise Leboucher et AS542 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes d’accord avec le rapporteur : il n’y a pas de dessaisissement au profit du pouvoir réglementaire, seuls quelques éléments ont été renvoyés à un décret.

Nous proposons que le décret mentionné à l’article 13 soit pris après avis de la HAS. Eu égard aux trois missions qu’elle mène, en matière de prise en charge collective de la santé par l’État et les collectivités, de diffusion des bonnes pratiques aux praticiennes et praticiens et d’information des usagères et des usagers, cet avis de la HAS serait très enrichissant.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS542 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La HAS sera amenée à jouer un rôle central en matière d’efficacité de la substance létale et de sécurité de la procédure, qui relèvent pleinement de sa compétence, ce qui ne me semble pas être le cas de la procédure de demande d’aide à mourir. Évitons d’alourdir la procédure, surtout quand on connaît les délais avec lesquels la HAS rend ses avis. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Il existe plusieurs opérateurs financés par l’assurance maladie qui publient des guides de bonne pratique et des indicateurs. Sans harmonisation, il est vain de demander à la HAS de remplir de nouvelles missions, surtout sans moyens supplémentaires. Nous devons nous y atteler.

M. le président Frédéric Valletoux. L’audition du directeur général de la HAS nous a rappelé que ses missions relèvent du domaine de la santé stricto sensu plutôt que des procédures administratives entourant les soins.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Un avis de la HAS permettrait justement d’envisager la procédure du point de vue de la santé.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1162 de M. Stéphane Delautrette.

Amendements AS731 de M. Christophe Bentz, AS848 de Mme Sandrine DogorSuch et AS609 de Mme Annie Vidal

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement AS609 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS1075 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS667 de Mme Angélique Ranc

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS667 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Après l’article 13

Amendement AS991 de M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin (DR). Je propose de limiter la part de l’activité consacrée à l’aide à mourir à 10 % – on peut discuter du chiffre – de l’activité totale d’un médecin. Il faut éviter qu’un médecin devienne, comme dans certains pays, un technicien supérieur de l’aide à mourir : pour évaluer la volonté de ne plus vivre, il faut bien qu’il continue à voir des patients qui souhaitent vivre.

De façon plus générale, l’aide à mourir ne doit pas devenir un business. J’avais d’ailleurs déposé un amendement proposant d’interdire cette activité aux cliniques privées à but lucratif.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il est peu probable qu’un médecin puisse arriver à 10 % de son activité consacrée à l’aide à mourir. Surtout, cette disposition pourrait compromettre l’accès à l’aide à mourir, déjà limité dans les zones sous-denses ou en raison de la clause de conscience.

Mme Justine Gruet (DR). J’ignore quel sera le volume de médecins prêts à pratiquer l’aide active à mourir. Je proposerai d’ailleurs à l’article 14 l’établissement d’une liste de médecins volontaires. Certes, il faut éviter la spécialisation, y compris afin de préserver la santé mentale des médecins et le sens de la thérapeutique. Mais il ne faudrait pas non plus se priver de ce droit nouveau avec un plafond de volume d’activité.

M. Yannick Monnet (GDR). Je n’aime pas cet amendement, car il sous-entend que l’aide à mourir représentera une activité importante. Or le texte n’ouvre pas les vannes, l’aide à mourir ne pourra représenter une activité à part entière ! Je vous le dis sans méchanceté : je trouve votre amendement intellectuellement malhonnête ; il distille une idée fausse de ce qu’est cette proposition de loi.

M. Philippe Juvin (DR). Ne vous méprenez pas sur ma motivation : je veux simplement éviter que l’aide à mourir devienne un business, comme en Belgique pour ce médecin français bien connu, qui ne fait que cela.

Une limitation à 10 % ne pèserait pas sur l’accès à l’aide à mourir. Sur une patientèle moyenne, soit 850 patients, cela représenterait 85 patients par an : je ne pense pas que ce serait restrictif. Je suis très preneur d’un travail commun sur ce sujet.

M. Jean-François Rousset (EPR). Il faut laisser les médecins décider de leurs activités. Prenons l’exemple des médecins de recours, spécialisés dans le conseil aux patients sur les procédures à engager contre les hôpitaux et cliniques. Ils n’exercent pas une activité que je trouve très honorable. Pour autant, ils ont le droit d’exercer et je pense qu’il faut les laisser tranquilles.

M. Nicolas Turquois (Dem). Les profils de médecins tels que celui décrit par M. Juvin risqueraient effectivement d’abîmer la cause et il a raison de soulever le problème, mais je ne pense pas que limiter l’activité soit la solution. Les ordres pourraient peut-être se saisir de la question.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je rappelle que 3 000 personnes se rendent à l’étranger pour recevoir l’aide à mourir, soit 30 personnes par département. Réparties entre tous les médecins, cela ne représente pas grand-chose. Une fois la loi votée, il n’y aura plus besoin qu’un médecin frontalier se spécialise, comme cela peut exister aujourd’hui.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Cet amendement laisse entendre que pratiquer l’aide à mourir serait un acte honteux alors que nous avons tout fait dans ce texte pour encadrer cette pratique et en faire un acte réalisé dans l’intérêt et le respect de la dignité des patients.

M. Philippe Juvin (DR). Il n’y a là effectivement rien de honteux. Je rappelle que l’idée est d’éviter d’en faire un business, mais j’entends les arguments de mes collègues et je retire mon amendement, quitte à y retravailler avec certains avant la séance.

L’amendement est retiré.

 

 

La réunion s’achève à minuit.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Stéphane Delautrette, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Patrick Hetzel, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusés.  Mme Karine Lebon, M. Jean-Hugues Ratenon

Assistait également à la réunion.  M. Philippe Juvin