Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................42
Vendredi
2 mai 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 79
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous, M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs).
Chapitre IV
Clause de conscience
Article 14 : Clause de conscience, responsabilité du chef d’établissement sanitaire ou médico-social et déclaration de professionnels auprès de la commission
Amendement AS97 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à introduire une clause de conscience spécifique, que les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les auxiliaires médicaux pourraient faire valoir. La clause de conscience générale n’est pas totalement satisfaisante : elle ne s’applique pas en cas d’urgence ; elle est de nature réglementaire et non législative ; elle n’est pas valable pour tous les personnels soignants.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre intention est pleinement satisfaite par l’article 14, en vertu duquel la clause de conscience bénéficie au médecin qui se prononce sur la demande d’aide à mourir ; à l’ensemble des professionnels de santé dont l’avis est sollicité par ce médecin, y compris les auxiliaires médicaux et les aides-soignants ; au médecin ou à l’infirmier sollicité pour accompagner la personne pendant l’administration de la substance létale.
Votre amendement est même moins‑disant que la rédaction actuelle, puisqu’il exclut les professionnels qui ne sont ni médecin, ni infirmier, ni auxiliaire médical, ni aide-soignant. Or l’alinéa 8 de l’article 6 prévoit que d’autres professionnels peuvent être consultés par le médecin chargé de se prononcer sur la demande d’aide à mourir, notamment un psychologue.
Je suis donc défavorable à l’amendement.
M. Philippe Juvin (DR). L’amendement énumère un nombre important de professionnels. Je ne vois pas lesquels pourraient ne pas être couverts.
L’amendement concerne non seulement la décision du médecin, mais aussi l’acte et ses conséquences. Je reprends l’exemple de la toilette mortuaire. Pour les aides-soignants ou les agents hospitaliers qui en sont chargés, cela représente un poids psychologique réel. Je ne sais pas si vous avez déjà fait une toilette mortuaire, mais c’est difficile. Or le texte n’ouvre pas la clause de conscience à ceux qui l’effectuent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS341 de M. Thibault Bazin
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit d’étendre la clause de conscience à « toute autre personne susceptible de concourir, par ses fonctions, à la mise en œuvre des procédures » de suicide assisté ou d’euthanasie.
Contrairement à ce qu’a affirmé le rapporteur général, le précédent amendement n’excluait personne.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’ensemble des professionnels de santé susceptibles d’intervenir dans la procédure d’aide à mourir pourront invoquer la clause de conscience prévue par l’article 14.
Je rappelle que, dans son avis sur le projet de loi initial, le Conseil d’État avait estimé que « les missions [des pharmaciens] ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à [leur] liberté de conscience ». Par ailleurs, lors de son audition par la commission spéciale l’année dernière, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, le docteur Carine Wolf‑Thal, n’avait pas demandé que les pharmaciens disposent d’une clause de conscience.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). La donne a changé depuis l’année dernière : le principal syndicat de pharmaciens hospitaliers s’est récemment prononcé à plus de 80 % en faveur d’une clause de conscience.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS386 de Mme Marine Hamelet, AS1017 et AS1007 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS638 de Mme Michèle Tabarot et AS1018 de M. Philippe Juvin, amendement AS850 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme Marine Hamelet (RN). Notre amendement a pour objet d’étendre la clause de conscience aux pharmaciens, qui sont les seuls à ne pas en bénéficier. Il répare ainsi une injustice.
M. Philippe Juvin (DR). Deux raisons justifient l’extension de la clause de conscience aux pharmaciens, proposée par les amendements AS1017 et AS1007 : d’une part, un syndicat de pharmaciens hospitaliers très représentatif la réclame ; d’autre part, le code de la santé publique permet au pharmacien de refuser de délivrer un médicament pour des raisons financières ou morales. Ce que nous demandons n’a donc rien d’extraordinaire.
Pourquoi les pharmaciens ne pourraient-ils pas dire non alors que les médecins en auraient le droit ? Sur quelle base juridique ?
L’amendement AS1018 concerne les professionnels de santé – les préparateurs en pharmacie – exerçant dans les pharmacies à usage intérieur. On a tendance à ne penser qu’aux pharmaciens et aux médecins, en oubliant les préparateurs et les aides-soignants. Il ne faut pas négliger les sans-grade.
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS638 est défendu.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il est anormal qu’il soit privé de la clause de conscience. Ce n’est pas un simple exécutant. Il a une conscience, comme les autres professionnels de santé.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. La base juridique sur laquelle nous nous appuyons, monsieur Juvin, est l’avis du Conseil d’État aux termes duquel « les missions [des pharmaciens] ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à leur liberté de conscience ». Par ailleurs, vous, vous citez un syndicat important ; nous, nous nous référons à l’Ordre des pharmaciens.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS1006 et AS1005 de M. Philippe Juvin.
Amendement AS1163 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Amendement rédactionnel.
M. Philippe Juvin (DR). Je conteste le qualificatif. Le texte devrait faire référence aux actes, pas seulement aux procédures. La rédaction que vous proposez me semble réductrice. Est-ce bien votre intention ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Les actes font partie des procédures. Il n’y a pas de doute à avoir sur ce point.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS340 de M. Thibault Bazin
M. Patrick Hetzel (DR). L’article 14 garantit aux professionnels de santé susceptibles de participer à une euthanasie ou à un suicide assisté la possibilité de faire valoir leur clause de conscience et de se retirer de la procédure.
Néanmoins, les alinéas 5 à 8 posent problème. Il est donc proposé de les supprimer.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ces dispositions sont indispensables pour garantir l’effectivité de l’accès à l’aide à mourir et l’égalité entre les personnes susceptibles d’y avoir recours, quels que soient leur lieu de résidence ou les modalités de leur prise en charge.
J’émets un avis défavorable à cet amendement, dont l’adoption priverait l’accès à l’aide à mourir de garantie légale.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS98 de M. Patrick Hetzel et AS1014 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). Il est proposé de rédiger ainsi l’alinéa 5 : « Les professionnels de santé qui veulent participer, délivrer ou administrer une préparation létale à une personne en fin de vie qui demande à mourir le font sur la base du volontariat. Ils s’enregistrent sur un registre public dédié à cet effet. » Cette rédaction garantit à la fois la transparence et l’accès à des praticiens volontaires pour les patients.
M. Philippe Juvin (DR). Dans un souci de bonne administration pour les établissements de santé et de clarté pour les patients, il serait préférable que les médecins volontaires soient inscrits sur un registre public. Cela faciliterait aussi la tâche du médecin qui ne souhaite pas participer à la procédure et doit adresser le patient à un confrère. Les partisans du texte auraient intérêt à la création d’un tel registre.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’information et le réadressage de la personne conditionnent l’effectivité de l’accès à l’aide à mourir et ne portent pas atteinte à la liberté de conscience des professionnels de santé, qui ne seront pas tenus de concourir à la procédure d’aide à mourir.
Le texte est parfaitement limpide sur le principe du volontariat. Quant au registre, il est prévu et sera accessible aux médecins pour qu’ils puissent procéder au réadressage de la personne lorsqu’ils font jouer leur clause de conscience.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Vous parlez d’un registre réservé aux médecins ; nous proposons un registre public.
M. Philippe Juvin (DR). La publicité du registre sert l’intérêt des patients – ils savent où aller. Je m’étonne de l’opposition à cette disposition de la part des partisans du texte.
M. Nicolas Turquois (Dem). Nous sommes interpellés par des associations très militantes, d’un côté comme de l’autre. Dans quelques années, le sujet ne suscitera peut-être plus de telles passions, mais aujourd’hui, des personnes très excessives dans leur militantisme pourraient être tentés de cibler les médecins volontaires et de les empêcher d’accomplir leur mission. Il me semble que la tenue du registre par les ordres permet de concilier protection des médecins et accessibilité aux patients. La publicité expose les professionnels de santé à un risque majeur pour leur intégrité physique et morale.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis pleinement d’accord avec ce qui vient d’être dit.
De plus, la clause de conscience est invoquée pour un cas, un moment, un patient. Elle ne vaut pas pour l’ensemble de l’exercice professionnel. Il faut conserver de la souplesse pour pouvoir s’adapter aux évolutions.
M. Thibault Bazin (DR). J’avoue ne pas comprendre. Puisque vous créez un délit d’entrave, vous n’avez rien à craindre d’un registre public.
Il est vrai que certains professionnels pourront être volontaires ou non au gré des cas, mais d’autres pourront systématiquement ne pas l’être. Ceux qui seront inscrits dans le registre pourront à tout moment faire valoir la clause de conscience.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La protection des soignants doit être garantie, que leur décision soit temporaire ou définitive. Il est normal que le réadressage incombe au médecin qui a invoqué sa clause de conscience. Ce n’est pas au patient de chercher un nouveau médecin pour l’accompagner. La tenue de la liste par les ordres est donc absolument nécessaire.
M. Julien Odoul (RN). Je ne vois pas ce qui pose problème dans la publication de la liste. Cette solution est favorable au patient en fin de vie, qui sait en amont vers quel professionnel se tourner. Je pensais que les partisans du texte préféreraient éviter au patient d’avoir à essuyer un ou plusieurs refus.
La publicité de la liste est aussi favorable au médecin, qui n’est pas obligé d’orienter le patient en fin de vie vers un confrère, mais peut l’inviter à consulter la liste.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Bazin, vous mettez en avant le délit d’entrave pour contrebalancer la publicité de la liste. Est-ce à dire que vous retirez vos amendements tendant à supprimer ce délit ? Ce serait un signe de cohérence.
L’argument du parallélisme entre les soignants ne me semble pas recevable. Dans le cas de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la clause de conscience n’existe pas non plus pour les pharmaciens. Le fait de laisser une personne disposer de son corps suppose de reconnaître la souveraineté de la personne sur elle-même, mais aussi la liberté des praticiens qui interviennent directement sur ce corps, non de ceux qui produisent un matériau dont ils ignorent l’usage futur.
Pour toutes ces raisons, ces amendements et tous les suivants qui sont de même inspiration méritent d’être rejetés.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1165 de M. Stéphane Delautrette.
Amendements AS455 de M. Jérôme Guedj, AS759 de Mme Karen Erodi, AS1164 de M. Stéphane Delautrette, AS851 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS760 de Mme Karen Erodi, amendements identiques AS761 de Mme Karen Erodi et AS897 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS759 vise à substituer aux mots « informer sans délai » les mots « immédiatement informer ». Cette rédaction moins floue garantit au patient de pouvoir s’adresser au plus vite à un autre professionnel si celui qu’il a sollicité a usé de la clause de conscience.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je partage la volonté de tous les autres auteurs d’amendements de garantir l’effectivité et la célérité du réadressage de la personne par le professionnel de santé qui invoque la clause de conscience. Je les invite à retirer leurs amendements au profit du mien.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il est proposé de remplacer « sans délai » par « au cours de la première consultation ». Toute personne a le droit de savoir pourquoi un professionnel de santé décide de ne pas concourir à la mise en œuvre des dispositions relatives au suicide assisté ou à l’euthanasie.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, nous ne partageons pas votre analyse : l’expression « sans délai » porte sur la notification de la décision du médecin et non sur l’orientation ultérieure.
Pour dissiper le flou de la rédaction actuelle, l’amendement AS760 vise à fixer un délai de vingt-quatre heures avant la notification et l’orientation.
S’agissant d’un sujet éthique, le praticien sait s’il est favorable ou non. Sa décision peut être rendue immédiatement.
En outre, savoir que sa décision est encadrée par ce délai lui ôtera un stress potentiel lié à d’éventuels recours, à une conflictualité qui n’a pas lieu d’être, et permet aussi d’éviter des attentes asymétriques des deux parties.
Enfin, le patient n’aura pas à s’interroger sur le moment auquel relancer le praticien ni sur l’opportunité de revenir à la charge.
En résumé, la fixation d’un délai permet de sécuriser l’ensemble de la procédure et des parties prenantes.
M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement AS761 est de repli. Il prévoit un délai de 48 heures. Un patricien peut avoir besoin d’un peu plus de temps s’agissant d’un cas difficile.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement AS897 vise à empêcher d’éventuelles entraves à la procédure d’aide à mourir en imposant un délai au médecin pour proposer une solution alternative s’il fait valoir la clause de conscience.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes d’accord sur la nécessité d’écarter tout délai tant lors de l’invocation de la clause de conscience qu’avant la réorientation vers un autre professionnel susceptible d’accompagner le patient. Mon amendement vise à modifier la place de « sans délai » dans la phrase pour qu’il couvre bien ces deux situations. Je suis opposé à tous les amendements qui fixent un délai.
M. Laurent Panifous (LIOT). L’esprit du texte veut que le patient soit informé immédiatement, donc sans délai, du fait que le professionnel de santé oppose la clause de conscience. Je suis donc favorable à l’amendement AS759 et à l’amendement du rapporteur.
M. Thierry Frappé (RN). L’amendement de Mme Dogor-Such me semble pertinent. Le médecin qui invoque la clause de conscience n’a pas besoin d’y réfléchir ; il peut le faire au cours de la consultation. Un délai de vingt-quatre ou de quarante-huit heures ne pourrait-il pas être considéré comme une forme d’entrave ?
M. Philippe Juvin (DR). Vous proposez de substituer aux mots : « informer sans délai » les mots : « , sans délai, informer ». « Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : d’amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. Ou bien : vos yeux beaux d’amour me font, belle marquise, mourir. Ou bien : mourir vos beaux yeux, belle marquise, d’amour me font. Ou bien : me font vos yeux beaux mourir, belle marquise, d’amour. »
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). La remarque est infondée. Le fait de placer « sans délai » avant ou après « informer » change tout. S’il est placé avant, il s’applique à la fois au fait d’informer et de communiquer le nom du professionnel.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Grâce à l’amendement du rapporteur, « sans délai » se rapporte aux deux éléments de la phrase et non plus à un seul. La comparaison avec Le Bourgeois gentilhomme n’a pas de sens.
M. Thibault Bazin (DR). La question de la portée de la clause de conscience se pose. Est-ce une clause de conscience partielle ou totale ?
En droit pénal, une personne peut être reconnue coupable non seulement du fait d’agir, mais également de celui de contribuer à l’acte en aidant la personne qui agit ou en lui donnant des informations. Faut-il obliger les professionnels de santé que la procédure met vraiment mal à l’aise à communiquer au patient le nom des professionnels disposés à y participer ? S’il existait un registre public, la question ne se poserait pas.
M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction actuelle n’est pas ambiguë : la conjonction de coordination « et » suppose que l’expression « sans délai » s’applique tant à « informer » qu’à « communiquer ».
Si on veut aller au bout de la logique, la personne devrait être informée de l’exercice de la clause de conscience dès la première consultation.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Substituer « dès la première consultation » à « sans délai » lèverait toute équivoque.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bazin, il ne faut pas essayer de troubler les esprits : il n’existe pas de clause de conscience partielle. Le médecin a un droit absolu de l’invoquer et quand il le fait, c’est pleinement.
Vous revenez à votre proposition de registre, mais vous n’avez pas répondu aux objections : la clause de conscience doit pouvoir être activée de manière indépendante pour chaque cas et pour chaque personne, alors qu’un professionnel de santé inscrit sur un registre serait tenu par un engagement écrit. C’est réduire la portée de la clause de conscience et compliquer la procédure, alors qu’il convient de respecter les professionnels en leur laissant une liberté totale.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous ne voulons pas nous limiter au moment de la première consultation, car il n’est pas exclu que le second professionnel consulté, celui vers lequel le patient aura été réorienté, exerce également sa clause de conscience. En effet, comme l’a dit Mme Rousseau, la clause de conscience peut très bien être invoquée pour un cas particulier et pas pour un autre. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à la création d’un registre public.
L’information dès la première consultation réduirait la portée de la clause de conscience, que, pourtant, vous défendez. Je ne comprends pas cette position.
Mme Annie Vidal (EPR). C’est dès la première consultation, lorsque le médecin reçoit la demande du patient, qu’il doit indiquer qu’il fera valoir sa clause de conscience. C’est à ce stade que le médecin doit réorienter le patient vers un confrère qui le prendra en charge du début jusqu’à la fin.
La commission rejette successivement les amendements AS455 et AS759.
Puis elle adopte l’amendement AS1164.
En conséquence, les amendements AS851, AS760, AS761 et AS897 tombent.
Amendement AS763 de M. Hadrien Clouet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’article ne mentionne que l’information du patient. Il ne prévoit pas le cas où le praticien serait sollicité par un confrère ou une consœur. Il s’agit donc de préciser que le médecin informera rapidement de son refus le professionnel qui le sollicite, afin que celui-ci puisse trouver rapidement un autre praticien pour le remplacer.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette modification contribue à renforcer l’effectivité de la procédure. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS343 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). La rédaction du début de l’alinéa mériterait d’être clarifiée afin de viser le professionnel de santé qui ne souhaite « pas ou plus » participer, puisqu’il est possible de faire jouer sa clause de conscience à n’importe quelle étape.
Mon amendement vise à rendre facultative la communication à la personne du nom d’un professionnel disposé à participer à la procédure. Certains professionnels considèrent qu’en vertu de la clause de conscience, ils peuvent refuser de contribuer, même indirectement, à la réalisation de l’acte ; d’ici à la séance, nous devrons réfléchir à la portée de cette clause. Néanmoins, en raison de l’adoption de l’amendement AS1164, mon amendement poserait un problème de nature légistique. Je le retire donc.
L’amendement est retiré.
Amendements AS587 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS762 de Mme Karen Erodi (discussion commune)
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je retire mon amendement en raison de l’adoption de l’amendement AS1164.
M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement AS762, qui vise à prévoir que le professionnel de santé communique le nom d’un autre professionnel de façon concomitante à l’expression de son refus, va dans le même sens que l’amendement AS1164.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’adoption de ce dernier, l’expression « sans délai » impliquant ce caractère concomitant. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Les amendements sont successivement retirés.
Amendement AS849 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Dans les zones rurales, et même dans les zones urbaines, il sera plus facile pour un praticien qui fait jouer la clause de conscience d’indiquer un établissement à son patient pour que sa demande de mort programmée soit satisfaite.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous souhaitez permettre le réadressage vers un établissement plutôt que vers des professionnels.
Ce n’est toutefois pas l’établissement qui participe à l’aide à mourir, mais bien les professionnels. Ce sont également ces derniers qui seront inscrits sur le registre. Il s’agit ainsi d’éviter un réadressage vers un établissement où aucun professionnel n’est disposé à ou disponible pour accompagner une demande d’aide à mourir. Je souhaite conserver le dispositif actuel.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AS342 de M. Thibault Bazin est retiré.
Amendement AS578 de M. Paul‑André Colombani
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS454 de M. Arnaud Simion
M. Arnaud Simion (SOC). Afin de garantir l’effectivité du droit à mourir, l’amendement vise à prévoir que le professionnel de santé refusant d’accompagner un patient dans sa demande d’aide à mourir transfère son dossier à un médecin disponible.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends votre intention et partage l’objectif de simplifier autant que possible les démarches que devront accomplir les personnes qui souhaitent avoir recours à l’aide à mourir.
Cependant, je suis convaincu que la modification que vous proposez contreviendrait au secret médical : il faut que la personne consente à une telle transmission d’informations.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS250 de M. Jean-Pierre Taite
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à étendre la clause de conscience aux pharmaciens qui pourraient ainsi refuser de préparer la substance létale.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous avons débattu de ce sujet à plusieurs reprises. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Nous voulons dire avec la plus grande force que nous regrettons infiniment que les pharmaciens ne bénéficient pas de la clause de conscience. C’est un problème majeur qui aura des conséquences abyssales.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS880 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement vise à exclure l’obligation pour les responsables d’établissement de santé d’accueillir une personne souhaitant recourir à l’euthanasie. L’euthanasie n’étant pas un soin, la clause de conscience doit s’appliquer à l’ensemble des établissements, dont le but est d’améliorer ou de préserver la santé des patients et qui ne doivent pas devenir des mouroirs.
C’est d’autant plus vrai que la mort provoquée de malades serait de nature à perturber les autres patients, alors même que l’élément psychologique est important dans le combat contre n’importe quelle maladie.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.
L’adoption de cet amendement priverait l’accès à l’aide à mourir de garantie légale. En outre, il supprime l’alinéa qui prévoit que les professionnels de santé disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir se déclarent à la commission de contrôle et d’évaluation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS982 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). L’irruption de personnes venues pratiquer l’euthanasie alors qu’elles n’appartiennent pas à l’équipe de soins est de nature à considérablement gêner cette équipe, et même à la disloquer.
L’équipe de soins regroupe des personnes qui travaillent ensemble et qui ont les mêmes réflexes techniques, professionnels et humains. L’arrivée dans un service hospitalier de ces étrangers – « bonjour, je viens pour l’aide à mourir de M. ou Mme X, c’est quelle chambre ? » – serait dévastatrice ; on n’a pas pris la mesure des conséquences humaines d’une telle pratique.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.
M. Arnaud Simion (SOC). Monsieur Juvin, vous parlez de collègues ! À vous entendre, on aurait l’impression qu’ils vont arriver vêtus d’un habit noir et armés d’une faux.
M. Jean-François Rousset (EPR). Certaines équipes qui fonctionnent bien ont n néanmoins besoin de l’assistance de professionnels extérieurs ayant une compétence particulière, notamment à l’occasion d’opérations chirurgicales. Leur intervention pourrait, au contraire, répondre à une demande de l’équipe de soignants.
M. Philippe Juvin (DR). Certes, des chirurgiens peuvent prêter main‑forte à certaines équipes. Néanmoins, nous débattons d’un tout autre sujet. Vous ne pouvez prétendre que ces actes sont exactement de même nature.
Par ailleurs, ces personnes n’interviendraient que pour réaliser l’euthanasie, puis repartiraient, laissant le soin à l’équipe d’effectuer la toilette mortuaire. Vous n’avez jamais assisté à cet acte, vous ne savez pas ce que c’est. Je ne vous juge pas. Simplement, je l’ai déjà fait, et ce n’est pas simple, il ne s’agit pas d’un geste technique ; ce qui est en jeu, ce n’est pas de la matière mais de l’épaisseur humaine.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cessons de caricaturer. Dans de nombreux domaines, les équipes médicales ont besoin d’un apport extérieur. Ici, ce serait dans l’intérêt du patient : si aucune personne de l’équipe qui suit le malade ne souhaite procéder au geste, il faudra le transférer.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je m’étonne des propos tenus. Les soignants ont une éthique, ils assurent une continuité des soins et ont l’habitude de travailler avec des personnes appartenant à d’autres services que le leur.
Il est hallucinant de penser qu’une personne viendrait délivrer la substance létale puis s’en irait. Selon un directeur d’établissement qui m’a adressé un courrier, si l’intervention de professionnels extérieurs était proscrite, les personnes résidant dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) depuis plusieurs années devraient quitter l’établissement pour avoir recours à l’aide à mourir. Celle-ci serait alors mise en œuvre par une autre équipe. Cette prise en charge des patients dépasserait l’entendement.
M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement me surprend. Notre collègue Juvin sait très bien que 10 000 praticiens à diplôme hors Union européenne travaillent dans les hôpitaux français et ils font partie des équipes soignantes, qu’ils n’ont absolument pas désorganisées.
Mon cher collègue, vous sous-entendez que la possibilité de faire intervenir des équipes extérieures permettrait de créer une véritable filière organisée qui viendrait procéder à l’aide à mourir dans les hôpitaux. Cela m’étonne de vous. J’ai bien compris que vous essayiez par tous les moyens de faire obstacle à ce texte. Vous avez la liberté de dire ce que vous voulez ; quant à moi, j’ai la liberté de vous répondre. Du reste, je me suis montré très respectueux.
M. Patrick Hetzel (DR). Ce débat est intéressant, car il pose la question fondamentale de la continuité des soins. Nous ne souhaitons pas que l’acte de donner la mort soit considéré comme un soin. Pour nous, il traduit en réalité une discontinuité, une rupture fondamentale de nature anthropologique. Le fait que vous considériez que cet acte s’inscrit dans la continuité des soins nous pose un problème. Certains d’entre vous utilisent l’expression « soin ultime » ; nous la réfutons. Le soin ultime ne peut être le fait de donner la mort. C’est un point de divergence, entendez-le.
M. Laurent Panifous (LIOT). Monsieur Juvin, l’exemple de la toilette mortuaire n’est pas pertinent. Vous n’êtes pas le seul à en avoir réalisé, je l’ai fait à titre personnel et je vous confirme que c’est très lourd. Une personne à qui un professionnel aurait opposé – comme c’est son droit – la clause de conscience doit-elle pour autant quitter l’établissement ? Non.
M. Julien Odoul (RN). Les réflexions qui s’expriment révèlent beaucoup de légèreté et dénaturent complètement l’acte. L’administration de la mort n’est pas et ne sera jamais un soin.
Intégrer d’autres éléments – certes, des soignants, mais qui ont pour objectif d’interrompre la vie – au sein d’équipes médicales qui n’ont d’autre souci que de préserver la vie, de prodiguer des soins, d’améliorer l’état des personnes et de leur apporter du réconfort peut susciter du trouble. Nous parlons d’un acte qui, dans l’univers médical et la communauté des soignants, est anormal. Vous voulez donc y introduire de l’anormalité. Cet amendement est pertinent.
Mme Océane Godard (SOC). J’écoute ce que vous dites depuis de nombreuses heures, monsieur Juvin. Vous ne parlez jamais du patient. Vous cherchez des facteurs extérieurs qui pourraient justifier le refus d’accéder à la demande du patient. Vous n’avez jamais parlé des souffrances réfractaires. Mme Chantal Sébire, qui a été très malade et souhaitait accéder à l’aide à mourir, a parlé d’un « acte ultime d’amour » ; c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque la souffrance est extrême. J’aimerais l’entendre dans vos propos.
Enfin, ne préjugez pas de ce que nous avons vécu. Qu’en savez-vous, que savez‑vous de nos métiers ? Vous n’avez pas le monopole de ces situations très difficiles.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous sommes au cœur d’un sujet profond. Certaines personnes ne veulent pas que l’on puisse disposer de son corps comme on le souhaiterait – je respecte cette opinion. Ces mêmes personnes peuvent également être opposées à l’IVG ou à la prise en compte du consentement.
Monsieur Odoul, il n’est pas anormal de mettre fin à des souffrances réfractaires et insupportables à la demande du patient. Pour ma part, je trouve cela salutaire. Accéder à l’ultime demande d’une personne qui souffre l’enfer et qui veut que cela cesse est un geste humaniste.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Votre morale et la nôtre, c’est l’enjeu de ce débat. Il faut savoir faire la différence entre une morale publique et une morale privée. On peut souhaiter, à titre personnel, recourir à tel ou tel dispositif social, médical, sanitaire. Mais vous voulez, au nom de votre morale personnelle, interdire à une partie de la population de disposer de son corps. En notre qualité de législateur, devons-nous imposer nos choix personnels ou bien créer le cadre permettant à toutes et tous d’exercer des libertés fondamentales, parmi lesquelles figure l’aide à mourir ?
L’amendement ne fait pas ce qu’il dit et ne dit pas ce qu’il fait. Vous avez évoqué le fait d’empêcher d’accéder à ce droit des personnes prises en charge dans des établissements de santé, mais – répétons-le – les personnes peuvent être domiciliées là où elles sont prises en charge. Il s’agit donc de leur domicile privé. Par conséquent, l’amendement reviendrait à refuser à ces personnes le droit de bénéficier de l’aide à mourir à leur domicile. Concrètement, les sortirez-vous de leur lit pour que cet acte soit réalisé dans la rue ?
Enfin, dans l’exposé sommaire – très sommaire – de l’amendement, il est indiqué que l’intervention de professionnels extérieurs est de nature à « désorganiser gravement les équipes soignantes ». Ce qui désorganise une équipe, c’est de ne pouvoir soulager une personne qui souffre abominablement et qui demande à partir.
M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur Odoul, la mort n’est pas anormale. La prise en compte de la mort en médecine est parfaitement intégrée, c’est un point de passage pour chaque professionnel de santé.
La vocation du milieu médical est de prodiguer des soins. Or, dans la situation actuelle, la souffrance des personnes dont nous parlons peut être telle qu’elles en viennent parfois à se suicider.
J’entends que certains sont totalement opposés à ce droit. Néanmoins, il ne s’imposera pas à eux. Il s’agit d’un choix, ce n’est pas une liberté que l’on retire à certains mais une liberté que l’on donne à ceux qui souhaitent l’exercer. L’équilibre trouvé est le bon. Par conséquent, cet amendement n’est pas pertinent.
M. Philippe Juvin (DR). Madame Godard, ces attaques personnelles ne sont pas dignes. Vous ne pouvez pas me faire ce procès. Je suis médecin ; j’ai toujours considéré que la médecine n’était pas un simple exercice technique. Un patient ne se résume pas à un symptôme ou à un acte qu’il faut ou non réaliser. Malgré mes défauts et mes insuffisances, j’essaie de considérer l’être humain comme un tout. Nous pouvons être en désaccord sur des points techniques. En revanche, ne venez pas me donner des leçons sur ce qu’est la souffrance ou sur l’être humain dans sa globalité. Je ne sais pas quel métier vous exercez – du reste, je m’en moque. Ma vie a été consacrée à la prise en charge de la souffrance des gens.
Ce que je voulais absolument éviter, c’est une désorganisation des équipes causée par l’irruption de personnes extérieures qui pratiqueraient l’euthanasie. Or M. Clouet a très justement – et de manière très modérée – fait remarquer que le dispositif de l’amendement n’était pas correctement rédigé, car il inclut le domicile du patient. Je le retire donc pour le retravailler d’ici à la séance.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Non, monsieur Odoul, nous ne parlons pas de l’aide à mourir avec légèreté. Cela fait quinze ans que je suis engagé sur ce sujet : je n’ai jamais parlé de la mort avec légèreté. Vous pouvez être en désaccord avec ce que nous défendons, c’est votre droit le plus légitime, mais ne dites pas que nous en parlons avec légèreté, s’il vous plaît.
Monsieur Juvin, je ne sais pas pourquoi vous avez fait référence, à plusieurs reprises, à la toilette mortuaire. Je suis habitué à écouter les arguments des opposants, peu de choses me choquent, mais je suis choqué par cet exemple, car il s’agit de gestes et de soins prodigués à une personne défunte. Y aurait-il plusieurs catégories de personnes défuntes ? La personne est décédée, peu importe la cause – accident, suicide, aide à mourir. La toilette mortuaire est un soin dont tout le monde doit pouvoir bénéficier. Cette question ne relève pas de notre débat ; restons-en au sujet philosophique et éthique de l’aide à mourir.
L’amendement est retiré.
Amendement AS345 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je souhaite que soit modifié l’alinéa 6. Il impose en effet aux responsables des établissements de santé refusant, pour des raisons éthiques, de pratiquer l’euthanasie ou le suicide assisté de laisser pénétrer dans leur établissement les personnes procédant à ces actes. Cette disposition me semble en contradiction avec la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000, au nom de laquelle une entreprise dite de conviction peut imposer à ses employés d’exercer leurs activités en cohérence avec son éthique et ses principes.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le II de l’article 14 n’impose pas au personnel de ces établissements de concourir à l’aide à mourir ; il se borne à interdire au directeur de la structure de s’opposer à l’intervention de professionnels de santé venus de l’extérieur, dans le cas où le personnel invoquerait la clause de conscience. Cette solution me paraissant parfaitement équilibrée et respectueuse des convictions de chacun, j’émets un avis défavorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS346 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je propose de réglementer plus strictement les conditions d’accès aux établissements des personnes physiques et des représentants de personnes morales en précisant, à l’alinéa 8, qu’elles sont définies par un décret en Conseil d’État.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’alinéa que vous proposez de modifier concerne les proches dont la personne a choisi de s’entourer pour ses derniers instants. Je comprends mal en quoi il serait nécessaire de réglementer leur accès plus strictement que celui des autres visiteurs.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS20 de M. Alexandre Portier, AS100 de M. Patrick Hetzel, AS988 et AS1009 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Alexandre Portier (DR). Je propose que chaque établissement de santé ou structure médico-sociale puisse refuser de développer des pratiques d’aide à mourir. Cette clause de conscience collective, en quelque sorte, leur permettrait d’agir en cohérence avec leurs valeurs fondamentales. Une distinction claire serait maintenue entre les soins palliatifs d’une part et l’euthanasie active d’autre part.
M. Patrick Hetzel (DR). Considérant que l’aide à mourir n’est pas un soin, nous souhaitons qu’un établissement de santé puisse refuser que cet acte soit pratiqué en son sein.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Par l’amendement AS988, nous proposons d’insérer un nouvel alinéa permettant aux établissements ou aux services sociaux et médicaux-sociaux, s’ils le prévoient dans leur projet d’établissement ou de service, de ne pas participer à la mise en œuvre des dispositions relatives à l’aide à mourir. À défaut, les établissements dans lesquels tous les médecins et infirmiers feraient jouer leur clause de conscience seraient contraints de faire appel à des professionnels de santé spécialisés, en quelque sorte, dans ce type d’acte.
M. Philippe Juvin (DR). Je rappelle que l’article L. 2212-8 du code de la santé publique prévoit une clause de conscience collective pour l’IVG, laquelle a été admise dans la directive européenne du 27 novembre 2000. Elle est bien sûr soumise à des restrictions, en particulier pour les établissements participant au service public, mais elle existe.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Une clause de conscience est individuelle ; il n’en existe pas de collective. Je rappelle que, contrairement à ce qui se passe pour l’IVG, les personnes souhaitant bénéficier de l’aide à mourir peuvent être domiciliées dans l’établissement où celle-ci sera mise en œuvre. Les situations étant très différentes, l’application des mêmes règles ne se justifie pas. De surcroît, les dispositions que vous proposez d’insérer pourraient restreindre l’accès à l’aide à mourir.
J’émets donc un avis défavorable à ces amendements.
M. Patrick Hetzel (DR). Le droit européen reconnaît l’existence d’entreprises de conviction et fait bien référence à une éthique des organisations. Je ne comprends pas l’avis défavorable du rapporteur à l’amendement de repli AS1009, puisqu’un établissement habilité à assurer le service public ne pourrait refuser de pratiquer à l’aide à mourir qu’à condition que d’autres établissements soient en mesure de répondre aux besoins locaux : l’accès à l’aide à mourir ne serait pas restreint.
M. Philippe Juvin (DR). On ne peut pas dire qu’il n’existe pas de clause de conscience collective : il en existe bien une pour les établissements privés refusant de pratiquer l’IVG.
Il est vrai, monsieur le rapporteur, que les Ehpad doivent être exclus des dispositions que nous proposons afin de ne pas empêcher les résidents qui y sont domiciliés d’y bénéficier de l’aide à mourir. Mais mon amendement AS1009 ne les concerne pas, puisqu’il vise les établissements de santé privés.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les établissements de santé privés sont souvent des sociétés anonymes ou des sociétés à responsabilité limitée : elles n’ont pas de conscience ! L’ensemble des médecins d’un établissement peuvent faire valoir leur clause de conscience à titre individuel, mais l’établissement lui-même ne le peut pas.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je ne pense pas qu’il existe de clause de conscience collective pour l’IVG. Dans sa décision du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que la clause de conscience avait un caractère individuel et qu’un chef de service ne pouvait s’opposer à ce que l’IVG soit pratiquée au sein de son service.
Contrairement aux personnes recourant à l’IVG, celles qui demanderont l’aide à mourir seront souvent immobilisées et ne pourront être transportées qu’au prix de souffrances considérables : il serait contradictoire de les leur imposer pour leur en éviter d’autres à venir. Nous sommes tous d’accord, je crois, pour minimiser les souffrances.
Ces raisons plaident pour le rejet des amendements.
M. Thibault Bazin (DR). La question induite est celle des projets d’établissement. Dans certains établissements spécialisés en soins palliatifs, où les professionnels auront choisi d’exercer pour des raisons éthiques, ils risquent de refuser tous de provoquer intentionnellement la mort. Il est dans l’intérêt des patients de le savoir à l’avance.
M. Philippe Vigier (Dem). Si un patient hospitalisé dans un établissement de soins palliatifs souhaite bénéficier de l’aide à mourir, il serait inhumain de le sortir de son établissement pour l’emmener mourir dans un autre.
Ensuite, je suis persuadé que l’avis des soignants a évolué et que certains préféreront que les choses se passent au sein de l’établissement où ils ont accueilli le patient en soins palliatifs.
Enfin, on peut penser que de nouveaux praticiens acceptant l’aide à mourir rejoindront ces établissements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS487 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose de modifier l’alinéa 9 de sorte que les professionnels de santé disposés à pratiquer l’aide à mourir se déclarent auprès de l’agence régionale de santé (ARS) et non auprès de la commission de contrôle et d’évaluation – qui n’est pas l’instance la plus pertinente pour cela.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il ne semble pas souhaitable de confier cette mission supplémentaire aux ARS, qui ne sont pas outillées à cette fin et qui, le plus souvent, ne sont pas connues des citoyens. L’ajout d’une étape préalable pourrait rendre plus difficile la mise en relation avec un professionnel de santé disposé à mettre en œuvre l’aide à mourir. Il me paraît plus pertinent de prévoir un registre unique consultable en chaque point du territoire.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Il ne me semble pas efficace de demander à la commission en charge du contrôle a posteriori de veiller à ce que l’organisation des soins permette l’accès à l’aide à mourir – d’autant qu’elle risque de ne pas être davantage connue du citoyen que l’ARS.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS347 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose de préciser que les professionnels de santé s’étant déclarés disposés à pratiquer l’aide à mourir peuvent à tout moment demander le retrait de leur inscription dans le registre. Cela va dans le sens de ce que disait Philippe Vigier à propos de l’activation de la clause de conscience.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La précision que vous souhaitez introduire n’est que le corollaire du principe du volontariat qui prévaut à l’inscription dans le registre : on ne peut douter que le retrait se fera selon ce même principe. J’ajoute que les conditions d’enregistrement feront l’objet d’un décret en Conseil d’État et qu’en pratique, un professionnel peut à tout moment invoquer sa clause de conscience.
Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y suis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 14 modifié.
La réunion est suspendue de dix heures trente à dix heures quarante.
Chapitre V
Contrôle et évaluation
Article 15 : Création d’une commission de contrôle et d’évaluation
Amendements de suppression AS101 de M. Patrick Hetzel et AS983 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). Nous sommes en désaccord avec le fait que le dispositif de l’aide à mourir, porteur d’une rupture anthropologique majeure, ne soit contrôlé qu’a posteriori alors qu’il mériterait de l’être a priori.
M. Philippe Juvin (DR). La création de cette commission est évidemment une bonne chose. On peut regretter cependant que le contrôle d’un acte consistant à donner la mort ne se fasse qu’a posteriori, et non a priori : vous conviendrez que les voies de recours seront limitées.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le Conseil d’État comme la Cour européenne des droits de l’homme reconnaissent qu’un contrôle a posteriori apporte toutes les garanties nécessaires. La Cour a ainsi admis, s’agissant du système belge, un contrôle a posteriori uniquement dès lors que les actes sont soumis à des conditions strictement réglementées par la loi et que la composition et le fonctionnement de la commission chargée de ce contrôle garantissent son indépendance. Le dispositif prévu à l’article 15 apporte justement ces garanties ; j’espère que les amendements de ma collègue Élise Leboucher visant à les conforter seront adoptés. En outre, le contrôle s’exercera sans préjudice des recours devant l’autorité judiciaire ou devant les chambres disciplinaires des ordres professionnels que pourraient introduire des tiers.
La commission assurera également le suivi et l’évaluation de l’aide à mourir par une information annuelle du Gouvernement et du Parlement et par des recommandations, grâce notamment à l’exploitation des données agrégées et anonymisées. Elle assurera aussi la gestion du registre des professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir.
Nous pouvons débattre de cet article, mais en aucun cas le supprimer. Je vous invite donc à repousser ces amendements.
M. Patrick Hetzel (DR). En Belgique, le contrôle ne s’effectue pas uniquement a posteriori, mais aussi a priori. Il est tout à fait paradoxal, par ailleurs, que seule la personne décédée soit susceptible d’introduire un recours. À cet argument, vous n’avez d’ailleurs rien à opposer.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1056 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Le contrôle a priori nous semble absolument indispensable. Je propose d’en instituer un qui serait réalisé par le président du tribunal judiciaire ou par le magistrat qu’il désignerait. Dans la version actuelle du texte, le seul contrôle réalisé a priori est effectué par le demandeur lui-même et le médecin qui accepte sa demande. Personne n’entre dans ce colloque singulier pour vérifier que la procédure a été respectée, alors que ce serait la moindre des choses.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Il me paraît superfétatoire d’imposer un recours systématique à l’autorité judiciaire afin qu’elle confirme le caractère libre et éclairé du consentement, dans la mesure où le médecin chargé de se prononcer aura déjà vérifié le respect de cette condition. De surcroît, l’amendement AS512 de notre collègue Monnet, adopté à l’article 5, a ouvert une voie de saisine du juge des tutelles ou du conseil de famille par le médecin chargé de se prononcer sur la demande d’aide à mourir.
Un tel contrôle me semblerait en outre trop contraignant et alourdirait la procédure. J’émets donc un avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Ce qui est prévu, c’est une procédure allégée. Le médecin qui instruit la demande ne sera pas tenu de suivre l’avis de l’autre médecin et sera donc seul à décider. S’il décide de ne pas saisir le juge des tutelles, qui d’autre pourra vérifier que le consentement est bien libre et éclairé ? Que se passera-t-il s’il se trompe ? J’ajoute que les délais prévus sont très courts et pourraient même être quasiment réduits à néant. Tout cela est inquiétant – d’autant plus que les amendements de Mme la rapporteure me semblent essentiellement rédactionnels, en réalité.
M. Patrick Hetzel (DR). Il existe pour les dons d’organe une procédure telle que celle que nous proposons, que les magistrats eux-mêmes jugent tout à fait opérationnelle. Dites clairement que vous refusez d’en voir une similaire s’appliquer dans le cas présent, plutôt que de considérer qu’elle serait trop contraignante.
M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons qu’avant la mise en œuvre de l’aide à mourir, une personne indépendante vérifie le respect des conditions : nous estimons que c’est une garantie de justice, de prudence et de respect de la volonté authentique du patient, et que cela préviendra les abus de faiblesse – y compris de la part de médecins. Si celui qui met en œuvre l’aide à mourir effectue lui-même le contrôle, il sera juge et partie. Vous lui demandez de s’autocontrôler – c’est-à-dire qu’en réalité, vous ne voulez pas de contrôle.
M. Julien Odoul (RN). Il est très important que cet acte soit contrôlé, car il dépasse le cadre de la relation entre le médecin et son patient en fin de vie. C’est en effet l’État qui légalise l’administration de la mort, qui lui attribue les moyens nécessaires et qui l’encadre. Certains médecins commettent des erreurs ; d’autres sont faillibles ou corrompus. Il y a aussi des entourages familiaux peu scrupuleux, qui pourraient faire pression sur les personnes fragiles. Un contrôle est donc nécessaire.
M. Yannick Monnet (GDR). L’administration de la substance létale est un acte médical et non un soin, certes, mais pourquoi serait-ce le seul à devoir faire l’objet d’un contrôle ? Les médecins donnent chaque jour des produits très dangereux à des patients et sont susceptibles de commettre des erreurs fatales. Faisons confiance aux professionnels de santé, sinon on ne s’en sortira jamais.
M. Philippe Vigier (Dem). S’il est normal qu’un contrôle a posteriori s’exerce, on peut s’interroger sur la nécessité d’en effectuer un a priori. Souhaiteriez-vous, monsieur Juvin, que des vérifications de ce type soient étendues à l’anesthésie-réanimation, pour prendre l’exemple d’une spécialité que vous connaissez admirablement bien ? Cette procédure fera l’objet d’une traçabilité exemplaire, à l’inverse de la sédation profonde sur laquelle il existe très peu de données, comme le soulignait ici même le président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Selon vous, le médecin serait juge et partie. Or il se prononce après une procédure collégiale et doit se conformer à des délais précis. Il n’y a aucune raison qu’il ne respecte pas ce que le législateur aura décidé. La judiciarisation de la médecine qui a pris tant d’ampleur aux États-Unis est en train de gagner la France ; n’alimentons pas ce phénomène : ce contrôle en amont risque d’avoir un effet miroir sur d’autres actes, ce qui exposerait les professionnels à un grand danger.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le médecin, en tant qu’expert, est appelé à donner un avis, mais il n’a pas à décider. Vous lui laissez l’entière responsabilité de cet acte alors même que la traçabilité n’est pas garantie puisque la personne ne demande pas par écrit l’aide à mourir. Comme pour les mesures de protection, il faut laisser la société décider, en l’occurrence par l’intermédiaire du tribunal judiciaire.
M. Philippe Juvin (DR). Si le législateur a estimé nécessaire d’inscrire dans le code civil l’interdiction pour les médecins d’hériter de leurs patients, c’est bien parce qu’il y a eu des abus. Pour éviter tout risque, nous proposons donc cette forme de contrôle.
Quant aux actes d’anesthésie-réanimation, monsieur Vigier, ils ne s’apparentent pas à l’administration d’une substance létale : quand j’endors un patient, j’espère qu’il va se réveiller !
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS610 de Mme Annie Vidal, AS1117 de M. Julien Odoul et AS852 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
L’amendement AS610 est retiré.
M. Julien Odoul (RN). Monsieur Falorni, si j’ai pu parler de légèreté, c’est à propos de votre conception de l’euthanasie comme d’un soin. Même si je ne le partage pas, je respecte pleinement votre engagement que je sais assez ancien et profond pour que votre crédibilité soit incontestable. À nos yeux, seule la sédation profonde et continue jusqu’au décès constitue un soin de nature à soulager les souffrances du patient en fin de vie : la loi Claeys-Leonetti a marqué à cet égard une avancée législative formidable. Notre amendement vise à appeler un chat un chat : plutôt que d’« aide à mourir », parlons de « suicide assisté ou d’euthanasie ».
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat. Les termes « aide à mourir » sont les plus appropriés : ils englobent l’auto‑administration de la substance létale et l’administration par un médecin ou un infirmier. L’adjectif « active » n’est pas opportun, car aucune démarche proactive d’un tiers n’est prévue : c’est le malade, au cœur du texte, qui choisit et confirme son choix.
Quant aux termes de « mort programmée », je les rejette totalement, madame Dogor‑Such. L’aide à mourir ne provoque pas la mort ; celle-ci est déjà là quand l’affection grave et incurable en phase avancée engage le pronostic vital. Il ne s’agit pas de tuer, mais de permettre à des personnes en fin de vie, condamnées par la médecine, d’entrer dans la mort avec dignité, c’est-à-dire conformément à leur volonté et selon leurs capacités à surmonter la souffrance.
M. Christophe Bentz (RN). Nous savons pertinemment que vous en avez marre de ce débat sémantique, raison pour laquelle nous le poursuivons. Et je remercie Mme la rapporteure pour l’aveu qu’elle vient de nous faire : l’aide à mourir recouvrirait le suicide assisté et l’euthanasie, termes que vous vous refusez à inscrire dans la loi.
M. Philippe Juvin (DR). Madame la rapporteure, nous devons nous interroger sur la temporalité. Je vous ai donné plusieurs exemples concrets de patients répondant à tous les critères d’éligibilité à l’aide à mourir auxquels il reste plusieurs années à vivre. Sont‑ils vraiment en fin de vie ? Peut-on parler dans ce cas d’ultime recours ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS766 de Mme Élise Leboucher
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La commission de contrôle et d’évaluation sera chargée d’enregistrer les déclarations des professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir, mais elle n’aura pas à recueillir d’informations sur les professionnels invoquant la clause de conscience et la manière dont ils se conforment à leurs obligations. Nous voulons corriger cette asymétrie afin que la commission ait la capacité de saisir la chambre disciplinaire du conseil de l’ordre compétent si elle constate des manquements.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement est adopté.
Amendement AS767 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Dans leur rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti remis en mars 2023, Caroline Fiat et Olivier Falorni avaient déploré le peu de connaissances disponibles sur son application, confirmant le constat dressé par des acteurs engagés au sujet des enjeux de la fin de vie. Nous proposons d’étendre les missions de la commission de contrôle et d’évaluation aux procédures de sédation profonde et continue, qui, n’en déplaise à certains, appartient au continuum de l’aide à mourir. Ce contrôle serait exercé de manière bénévole.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Lors des travaux de la mission d’évaluation de cette loi, nous nous étions en effet heurtés à la difficulté de connaître le nombre de sédations profondes et continues pratiquées en France. Toutefois, depuis le début de l’année, les choses ont évolué, puisque cet acte fait désormais l’objet d’un codage. Je serai défavorable à votre amendement. D’une part, je considère que cette sédation n’entre pas dans le champ du texte, car elle se distingue de l’aide à mourir – évitons toute confusion. D’autre part, je ne souhaite pas alourdir les missions de cette commission sur la composition de laquelle Mme la rapporteure va proposer un amendement très important. Je vous invite donc à retirer le vôtre.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1178 de Mme Élise Leboucher.
Amendement AS1184 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Il s’agit d’inclure dans la méthode de travail de la commission une approche sociologique et éthique, complémentaire de son approche médicale et juridique.
M. Philippe Juvin (DR). Je suis favorable à cet amendement, qui fait écho à l’un de mes amendements défendus hier, qui aurait d’ailleurs permis, s’il avait été adopté, de préciser les conditions pratiques de cette orientation.
Dans votre exposé sommaire, vous soulignez que les actes relatifs à chaque procédure d’aide à mourir ne pourront être consultés que par les médecins en raison des exigences inhérentes au respect du secret médical. Or, si ces données sont anonymisées, tout chercheur en sciences humaines devrait pouvoir les étudier et j’espère bien que ce sera le cas, sinon, on est mal partis !
M. Thibault Bazin (DR). Je suis également favorable à cet amendement. Seulement, il faudra en séance prévoir des modifications pour donner à la commission des outils propices à la mise en œuvre de cette approche sociologique et éthique. Pour cela, des traces écrites seront nécessaires.
M. Patrick Hetzel (DR). Les données qu’il est prévu de collecter sont essentiellement quantitatives. Il importe que la commission se penche aussi sur des éléments qualitatifs. Les expériences étrangères montrent que, du fait de nombreuses défaillances, le contrôle a posteriori ne contribue pas à améliorer les procédures.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS154 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Un amendement précédent a supprimé l’exception euthanasique ; il serait bon que les données exploitées par la commission distinguent euthanasie et suicide assisté si nous voulons qu’elle exerce un contrôle effectif.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Rappelons que nous avons fait le choix de ne pas employer les termes « suicide assisté » et « euthanasie ». Par cohérence avec la terminologie retenue dans les articles précédents, il serait plus juste d’utiliser les notions d’auto‑administration de la substance létale et d’administration par un tiers. Sur le fond, il n’est pas opportun de détailler dans la loi le contenu des données exploitées par la commission. Il est clair que le mode d’administration fera partie des éléments qu’elle prendra en compte dans le contrôle de chaque procédure.
M. Thibault Bazin (DR). L’approche éthique impose de faire une distinction selon qu’un tiers est impliqué ou pas, à l’instar du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1024 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). À des fins de recherche, nous souhaitons que la commission mette à la disposition du public, en libre accès, la totalité des données individuelles anonymisées relatives aux procédures d’aide. Cela ne va pas dans le sens des usages en France, où l’on n’aime pas rendre publiques de telles données. Travailler à partir des données de l’assurance maladie reste d’une complexité absolue : pour étudier la mort subite du nourrisson, il nous a ainsi fallu trois ans de demandes administratives réitérées pour accéder à un jeu de données couvrant seulement une année et remontant à une décennie.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Une telle publication serait tout à fait malvenue compte tenu de l’exigence de respect du secret médical et de protection des données personnelles. Quand bien même les données individuelles seraient anonymisées, le recoupement de plusieurs informations – âge, région de résidence, pathologie – permettrait d’identifier les personnes ayant recouru à l’aide à mourir. Cette mise à disposition serait d’ailleurs sans équivalent dans le domaine médical. L’information annuelle du Gouvernement et du Parlement, prévue par l’alinéa 6, suffit à assurer une évaluation adéquate de l’aide à mourir.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Les données fournies dans le cadre de cette information annuelle ne seront pas de même nature que celles dont ont besoin les chercheurs pour leurs travaux, c’est-à-dire les données brutes, les raw data. Dans tous les domaines, dès qu’on veut nous cacher des informations, on invoque le respect de l’anonymat. Or il est parfaitement possible d’anonymiser les données, sinon aucune recherche ne serait lancée.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. J’ajoute que, dans votre amendement, vous ne prévoyez nullement d’encadrer cette ouverture en faisant intervenir la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
M. Julien Odoul (RN). J’invite les défenseurs du texte à prendre garde aux conséquences de cette restriction dans la diffusion des données. Ce manque de transparence alimentera des soupçons qui seront entretenus par certaines associations, voire nourrira le complotisme. Nous nous dirigeons vers une procédure inconnue ; la moindre des choses serait de disposer d’informations fiables sur le nombre respectif d’euthanasies et de suicides assistés.
M. Philippe Vigier (Dem). Je ne suis pas insensible aux arguments de Philippe Juvin sur les besoins de la recherche, mais la disposition qu’il propose me semble inapplicable. Pourquoi ne profiterions-nous pas de l’occasion offerte par l’information annuelle du Parlement pour déterminer quelles données sont susceptibles d’être exploitées ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS624 de Mme Geneviève Darrieussecq
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit d’expliciter le caractère volontaire de l’inscription au registre des professionnels de santé disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Défavorable. Votre amendement est satisfait par le dernier alinéa de l’article 14.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS459 de M. Arnaud Simion
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable : la disposition proposée relève davantage du domaine règlementaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1025 de M. Philippe Juvin, AS827 de Mme Marie-France Lorho et AS768 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
M. Philippe Juvin (DR). Je propose que le registre des professionnels de santé disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir, à défaut d’être public, soit accessible non seulement aux médecins, mais aussi aux magistrats et aux avocats, pour prévoir les cas de contestation en justice.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Notre amendement AS827 vise une extension à l’autorité judiciaire.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par cohérence avec les modifications proposées dans l’ensemble du texte, il s’agit de substituer le terme « professionnels de santé » au mot « médecins ». Les médecins ne seront pas seuls habilités à administrer la substance létale et à accompagner les patients tout au long de la procédure. Il importe donc que l’ensemble des membres de l’équipe pluridisciplinaire concernés aient la possibilité d’accéder à ce registre.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. En effet, madame Amiot, des professionnels de santé autres que les médecins interviennent aussi dans cette procédure. Il est donc parfaitement légitime de leur ouvrir l’accès au registre afin qu’ils orientent au mieux la personne dans ses démarches. Concrètement, un infirmier qui aurait invoqué la clause de conscience pourra orienter un patient en lui communiquant le nom d’un autre infirmier ou d’un médecin acceptant de se tenir auprès de lui lors de ses derniers instants. Je suis donc favorable à cet amendement et défavorable aux deux autres.
Monsieur Juvin, les éventuelles procédures judiciaires concerneront les professionnels disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir, non les actes eux-mêmes, et je ne vois pas en quoi ces renseignements seraient utiles dans le cadre d’une information judiciaire ou d’un procès.
Quant à votre amendement, madame Dogor-Such, je pense que son exposé sommaire, en évoquant le « registre dans lequel les procédures de suicide assisté et d’euthanasie sont consignées », opère une confusion avec le système d’information dans lequel sont enregistrés les actes.
M. Philippe Juvin (DR). Les partisans du texte insistent sur l’idée que les médecins ne sont pas seuls à décider dans cette procédure, ce qui me convient tout à fait. Or, il me semble qu’à chaque étape, au contraire, le médecin est seul à décider et que l’accès aux informations est verrouillé au sein du monde médical. L’intérêt du patient doit être au cœur de nos préoccupations et j’estime que les avocats et les magistrats contribuent à le défendre.
M. Thibault Bazin (DR). Ne faudrait-il pas rendre ce registre accessible également aux responsables d’établissement, dans la mesure où, aux termes de l’article 14, ils sont tenus de permettre l’intervention et l’accès des professionnels disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir ?
M. Yannick Monnet (GDR). Je ne suis pas opposé à l’extension suggérée par M. Juvin, mais elle nécessiterait une autre proposition de loi, organisée différemment. En revanche, je ne suis pas d’accord avec lui quand il dit que le médecin décide seul : c’est le patient qui décide ; le médecin vérifie simplement s’il satisfait aux critères.
Mme Camille Galliard-Minier. Revenons à l’esprit qui a guidé la disposition concernant le registre : les médecins et les autres professionnels de santé ne souhaitant pas participer doivent pouvoir trouver une liste de leurs confrères et consœurs disposés à le faire. Il est bon de le rappeler alors qu’une petite musique se fait entendre depuis tout à l’heure selon laquelle il n’y aurait pas de transparence.
La commission rejette successivement les amendements AS1025 et AS827 puis adopte l’amendement AS768.
Amendement AS460 de M. Arnaud Simion
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Votre amendement fait uniquement référence aux médecins alors qu’il faudrait mentionner l’ensemble des professionnels de santé.
Retrait ou avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1122 de Mme Geneviève Darrieussecq
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous prévoyons de décliner le registre national en registres départementaux accessibles à l’échelon de chaque ordre des médecins.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Par souci de clarté et de simplicité dans la mise en œuvre du dispositif, il ne me semble pas opportun de multiplier les registres. Cela impliquerait d’organiser des échanges d’informations permanents entre la commission et les conseils départementaux des ordres afin d’éviter que des discordances apparaissent entre les listes, à chaque inscription ou à chaque retrait d’un professionnel de santé.
Recourir à un registre national est aussi plus opportun pour faciliter le réadressage vers un professionnel de santé exerçant à proximité du lieu de résidence ou de prise en charge de la personne, lorsque cette dernière se trouve à la limite de deux départements.
M. Philippe Juvin (DR). Franchement, madame la rapporteure, le risque que vous évoquez me paraît faible. Le fait qu’un professionnel de santé soit inscrit au conseil de l’ordre d’un département et exerce aussi dans un département limitrophe ne constitue pas un problème. La modification suggérée dans l’amendement me paraît au contraire source d’une meilleure lisibilité. En 2025, synchroniser deux fichiers ne relève quand même pas de l’impossible !
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il ne s’agit pas de créer un nouveau registre mais d’en avoir des déclinaisons départementales qui permettraient précisément de répondre à votre souci de proximité. Votre réponse est en contradiction avec votre avis.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je vous rassure : le registre est national mais les données seront bien présentées par département. Votre amendement est satisfait et je maintiens mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS732 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous proposons que soit publié chaque année un rapport présentant des données objectives et chiffrées relatives aux personnes ayant recouru à l’aide à mourir – voyez, je reprends même votre terme !
Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’intention sous-jacente à votre amendement me semble satisfaite par l’alinéa 6 qui prévoit que la commission « exploit[e] des données agrégées et anonymisées afin d’en informer annuellement le Gouvernement et le Parlement et de [formuler] des recommandations ». Rien n’interdit au Gouvernement ni au Parlement de rendre publiques ces informations. Je ne doute pas d’ailleurs que notre commission sera amenée à s’en saisir sous une forme ou sous une autre.
Cependant, certaines des données auxquelles vous faites référence me semblent poser des problèmes de confidentialité. C’est le cas de la liste des communes dans lesquelles résidaient les personnes qui ont eu recours à l’aide à mourir, car ce qui ne poserait pas problème dans une grande ville pourrait en poser dans un petit village.
Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement, dont je comprends toutefois l’esprit.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Selon le principe du secret statistique, toute donnée permettant une réidentification est présentée d’une manière spécifique, parfois en supprimant les caractéristiques qui s’appliquent à de petits échantillons. Ainsi, le site de l’Institut national de la statistique et des études économiques ne publie pas les revenus des habitants des petites communes. En imposant des précisions excessives, vous risquez de rendre le rapport inutilisable, étant donné qu’il violera ce secret statistique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS567 de M. Cyrille Isaac-Sibille, amendements identiques AS103 de M. Patrick Hetzel, AS733 de M. Christophe Bentz et AS1026 de M. Philippe Juvin, amendement AS351 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il faut rendre obligatoire la saisine du procureur de la République – et non de la chambre disciplinaire de l’ordre compétent – en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles lors de la procédure d’aide à mourir.
M. Patrick Hetzel (DR). En effet, la saisine de la chambre disciplinaire doit être automatique.
M. Philippe Juvin (DR). En l’absence de contrôle a priori, il faut d’autant plus rendre obligatoire la saisine du procureur de la République ou de la chambre disciplinaire de l’ordre compétent si la moindre anomalie est constatée.
M. Thibault Bazin (DR). Je propose également de passer d’une saisine possible à une saisine obligatoire, en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles. Nous parlons tout de même de vie ou de mort !
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Monsieur Isaac-Sibille, je partage votre souhait de préciser que la commission devra, comme le prévoit l’article 40 du code de procédure pénale, signaler au procureur les faits dont elle aurait connaissance et qui seraient susceptibles de constituer un crime ou un délit. Je présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens. En revanche, je ne vous suis pas lorsque vous voulez supprimer la possibilité pour cette commission de saisir la chambre disciplinaire de l’ordre auquel appartient le professionnel mis en cause. Enfin, votre amendement s’insère mal dans le dispositif puisqu’il prévoit que la commission saisisse le procureur de la République en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles.
Les autres amendements comportent un risque juridique eu égard au principe constitutionnel d’individualisation des peines et des poursuites, lequel s’applique non seulement aux sanctions pénales mais plus largement à l’ensemble des sanctions ayant le caractère d’une punition. En rendant obligatoire l’engagement d’une procédure disciplinaire devant une juridiction ordinale, quelles que soient les circonstances de l’espèce, vos amendements pourraient entraîner la censure de l’alinéa par le juge constitutionnel.
Qui plus est, une telle modification ne changerait sans doute rien en pratique car je ne doute pas que la commission mette en œuvre cette faculté. Il appartiendra au ministre chargé de la santé auprès de qui sera placée la commission de lui demander d’y recourir aussi largement que possible. Pour conclure, ces amendements nous font courir un risque de censure alors même que leur intérêt pratique serait à mon sens très limité.
M. Patrick Hetzel (DR). Je ne pense pas que l’on coure un risque constitutionnel. Le principe d’individualisation des peines vaut au moment où une juridiction prononce une peine. Or il ne s’agit ici que d’engager une procédure. Chacun est présumé innocent jusqu’à sa condamnation, comme le garantit la Constitution. Sauf votre respect, votre argument juridique ne tient pas.
M. Philippe Vigier (Dem). J’ai une sainte horreur de ces allusions au juge constitutionnel – chacun son travail. Inscrire une obligation de saisine permet de conforter le contrôle a posteriori. Nous verrons ensuite ce qu’en dira le juge constitutionnel.
M. Philippe Juvin (DR). L’obligation de dénonciation existe et elle n’a rien à voir avec l’individualisation des peines. Il est donc inexact de prétendre qu’il y a un problème de fond.
Mme Camille Galliard-Minier. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec ces amendements : si la commission estime que des manquements ont eu lieu, il faut prévoir qu’elle saisisse la chambre disciplinaire – « peut saisir » est inutile et « doit saisir » trop fort.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ma collègue et moi-même avons entendu vos arguments. En réalité, nous sommes d’accord avec vos amendements sur le fond, à l’exception de celui de M. Isaac-Sibille, mais nous craignons une censure de tout l’article. La discussion en séance nous permettra peut-être de sécuriser constitutionnellement le dispositif.
Avis défavorable pour l’instant.
M. Patrick Hetzel (DR). Le risque est faible, à mon sens, d’autant que le Conseil constitutionnel peut émettre des alertes sans pour autant censurer. Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle les « sages de la rue de Montpensier » : ce point sera très certainement étudié au cordeau, sous l’éclairage, qui plus est, de nos débats.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous ne voterons pas les amendements, à cause du risque constitutionnel. Ceux qui le partagent pourraient se retrouver d’ici à la séance pour concevoir un article additionnel levant ces préventions.
L’amendement AS567 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements AS734 de M. Christophe Bentz et AS1177 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). Nous pouvons au moins nous accorder sur une chose : si ce texte est voté, ce que je ne souhaite pas, l’administration d’une substance létale ne sera plus illégale. Par crainte des détournements de son utilisation, nous souhaitons que la commission puisse saisir le procureur de la République si elle a connaissance d’un crime ou d’un délit intervenu dans le cadre de la procédure d’aide à mourir.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je propose d’expliciter ce que le Conseil d’État avait déjà souligné dans son avis sur le projet de loi initial, à savoir que la commission doit être regardée comme une « autorité constituée » au sens de l’article 40 du code de procédure pénale, qui dispose que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». L’amendement prévoit ainsi que, lorsque la commission estime que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, elle le signale au procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale.
Votre amendement, monsieur Bentz, vise le même objectif avec une rédaction un peu différente. Son champ d’application est plus restreint, puisqu’il porte sur les crimes et les délits dont la commission aurait connaissance, tandis que le mien s’applique à l’ensemble des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit. Mon amendement cite explicitement l’article 40 du code de procédure pénale, qui définit précisément les obligations qui pèsent sur les auteurs de signalement. Il prévoit notamment la transmission au procureur de tous les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à l’infraction. Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.
M. Christophe Bentz (RN). Vos arguments m’ont convaincu.
L’amendement AS734 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS1177.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, l’amendement AS881 de Mme Lisette Pollet est retiré.
Amendement AS1185 de Mme Élise Leboucher et sous-amendement AS1191 de M. Arnaud Simion
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je propose de préciser la composition de la commission de contrôle et d’évaluation. Le texte renvoie la définition de la composition de la commission à un décret en Conseil d’État. L’année dernière, la commission spéciale, sans remettre en cause le renvoi à un décret, avait choisi de préciser que la commission devrait comprendre au moins deux médecins.
Tout en confirmant cet acquis, je propose, dans le même esprit, de compléter la liste des catégories d’acteurs qui prendront part aux travaux de la commission, en prévoyant la participation : de juristes – un conseiller d’État et un conseiller à la Cour de cassation ; de représentants d’associations agréées d’usagers du système de santé ; de chercheurs en sciences humaines et sociales, qui pourraient être des sociologues et des spécialistes de l’éthique.
J’ai voulu mettre l’accent sur plusieurs catégories d’acteurs dont la présence me semble nécessaire pour assurer la complémentarité des expertises au sein de la commission. Je propose de laisser le soin au pouvoir réglementaire de compléter cette liste.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Par le sous-amendement, nous souhaitons préciser que les membres de la commission n’exercent pas leur clause de conscience par ailleurs, afin d’éviter toute opposition de principe et de favoriser la réflexion.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Votre sous-amendement me semble difficilement applicable. Vous-même disiez que la clause de conscience avait un caractère mouvant.
M. le président Frédéric Valletoux. En effet, vous nous avez dit que l’on faisait valoir une clause de conscience pour un patient ou pour une situation.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous allons le retirer pour le retravailler. L’idée est qu’il n’y ait pas d’obstacle interne à la commission.
M. Philippe Vigier (Dem). C’est un moment important du débat, après l’amendement précédent, adopté à l’unanimité, qui devrait rassurer nos collègues de la Droite républicaine. L’équilibre que vous définissez ici offre la garantie d’une forme d’impartialité et de neutralité. Avec ces deux amendements, la chaîne de sécurisation a posteriori me paraît satisfaite.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement est intéressant. Néanmoins, il est inscrit dans notre texte que la composition de la commission sera déterminée par un décret en Conseil d’État. En pratique, qui aura le dernier mot ?
En cas d’adoption, plusieurs amendements tomberont alors qu’ils posent des questions importantes. Qui choisira les médecins ? Y aura-t-il des représentants des infirmiers ? Comment s’assurer qu’il n’y ait pas de prises d’intérêts contradictoires avec la neutralité requise ?
Mme Annie Vidal (EPR). Je suis également gênée par ce principe de la liste, contraignante à l’excès ou lacunaire, et par l’incohérence de l’amendement – est-ce le Conseil d’État ou nous qui fixons la composition de la commission ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Au-delà de l’incohérence notable, faire une liste, c’est forcément oublier des professionnels. Il y a quelque chose qui ne va pas.
M. Patrick Hetzel (DR). Le décret a un but double : décider de la composition – mais la liste semble définitive – et définir les règles de fonctionnement de la commission. Sans doute faudrait-il en rester à une liste minimale, comprenant les deux médecins sur lesquels nous nous étions accordés, avant un décret en Conseil d’État.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il y a en effet un problème de cohérence. Ne faudrait-il pas proposer plutôt que déterminer ? Je souhaitais, pour ma part, intégrer les infirmières. Je trouve bizarre que l’article précise la présence d’au moins deux médecins. Soit on ne met rien, soit on met tous les professionnels juridiques et médicaux.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Même si les prochains amendements témoignent d’une grande variété dans la composition de la commission, nous oublierons forcément des professionnels. Par exemple, il faut à mon sens qu’il y ait des représentants du paramédical et des personnes de la société civile. Laisser la désignation au Conseil d’État me semble sage.
M. Philippe Juvin (DR). De même, il ne me semble pas inintéressant d’intégrer trois catégories de personnes : un représentant des associations de personnes âgées et un autre des associations de personnes en situation de handicap, qui sont d’ailleurs vice-présidents de droit du conseil d’administration de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ainsi qu’un représentant du CCNE.
Mme Céline Calvez (EPR). Je ne vois pas de contradiction entre la proposition de la rapporteure, qui n’est pas exhaustive, et le fait que la composition définitive soit arrêtée par le Conseil d’État. En revanche, il me semble que préciser « un conseiller d’État » et « un conseiller à la Cour de cassation » sans la mention « au moins » est trop prescriptif, ce qui n’enlève rien à la nécessité de présenter une liste.
Mme Camille Galliard-Minier. Toute la question est de donner à cette liste un caractère purement indicatif. Nous pourrions préciser que la commission est composée d’au moins telles et telles personnalités, afin de donner une orientation au Conseil d’État.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suspends notre séance, le temps que la rapporteure modifie la rédaction de son amendement pour tenir compte de vos remarques.
Le sous-amendement AS1191 est retiré.
La réunion est suspendue de douze heures à douze heures dix.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avec le rapporteur général, nous avons entendu vos arguments et vous proposons, dans un souci de coconstruction, un amendement AS1185 rectifié précisant que la commission « comprend au moins » deux médecins, un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation, deux membres d’associations agréées représentant les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique et deux personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine des sciences humaines et sociales. S’agissant de la présence du conseiller d’État, les situations de déport sont courantes. La liste n’est pas figée ; ce n’est qu’une proposition qu’il me semblait important de faire en tant que législateur.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS1179 de Mme Élise Leboucher, AS353 de M. Thibault Bazin, AS566 de M. Cyrille Isaac‑Sibille, AS1028 de M. Philippe Juvin, AS356 et AS352 de M. Thibault Bazin, AS588 de Mme Nicole Dubré‑Chirat, AS461 de M. Arnaud Simion, AS898 de Mme Danielle Simonnet, AS543 de M. Yannick Monnet et AS1083 de M. Théo Bernhardt tombent.
Amendement AS996 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons que la commission de contrôle et d’évaluation intègre dans son rapport les coûts engagés par l’aide à mourir ainsi que les économies générées pour le système de santé.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Sur la forme, il ne me semble pas que la commission de contrôle et d’évaluation ait vocation à mettre en œuvre une approche budgétaire. Au demeurant, si vous tenez à ce qu’une discussion ait lieu sur le coût des différents modes d’accompagnement de la fin de vie, ce débat devrait dépasser le seul cas de l’aide à mourir qui constitue l’objet des évaluations menées par cette commission.
Sur le fond, il me semble que l’évaluation de la loi doit être menée en fonction de ses objectifs : conforter l’autonomie des malades en leur donnant le choix, sous certaines conditions strictes, de définir le moment de leur mort. Contrairement à ce que d’aucuns ont pu sous-entendre, il n’est pas question de rechercher des économies budgétaires.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Je demande simplement que le Parlement exerce sa mission de contrôle. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela.
Par ailleurs, les économies du système de santé sont certaines dans la mesure où la dernière année de soins coûte très cher. Il est légitime de disposer d’informations à ce sujet. Il n’y a de rien de scandaleux à rappeler une évidence.
M. Philippe Vigier (Dem). Il faut vraiment voter contre cet amendement, pour au moins une raison, très importante à mes yeux : de nombreux articles ont été publiés dans la presse pour affirmer, sans craindre l’indécence, notamment pour les patients, que l’adoption de la présente proposition de loi sera source d’économies. C’est innommable.
Sans vous faire ce procès, cher collègue Juvin, j’imagine que, lors de l’examen en séance publique de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, vous demanderez l’évaluation des coûts et des économies de l’interdiction de l’obstination déraisonnable de la loi Claeys-Leonetti.
M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur Juvin, nous ne vous avons pas entendu, ni même n’osons imaginer vous entendre, faire ce genre de demande sur les soins palliatifs et sur la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Vous nous servez cela par idéologie, parce que vous êtes contre le texte. Ce n’est pas très sérieux.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement est inapplicable. Personne n’a une boule de cristal permettant de dire combien il reste de jours à vivre à chacun d’entre nous. Faute de pouvoir quantifier le nombre de jours de vie qu’il reste à tout un chacun, il est impossible de calculer les coûts résultant du simple fait de continuer à vivre. Cet amendement est non seulement profondément choquant mais aussi parfaitement inapplicable.
M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur Juvin, l’intention qui sous-tend cet amendement n’est pas honorable. L’objet d’un système de santé n’est pas de faire des économies. Il est cynique de sous-entendre que l’on faciliterait la mort de certains patients pour que la sécurité sociale fasse des économies. Vous êtes libre de le penser, mais nos travaux, qui depuis deux semaines n’ont jamais abordé la question des économies du système de santé, ont démontré que nous sommes très éloignés d’une telle perspective.
M. Thibault Bazin (DR). Il ne s’agit certes pas d’une intention collective, mais l’incidence sur le système de santé est bien réelle. Toute disposition fait normalement l’objet d’une évaluation multidimensionnelle, qui peut avoir une dimension économique et budgétaire.
Mme la rapporteure a rappelé à raison que la commission de contrôle et d’évaluation n’aura pas les éléments nécessaires. C’est pourquoi je défendrai l’amendement AS390 prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le nombre de personnes éligibles à l’aide à mourir ainsi que sur les économies et les coûts liés à ce nouveau dispositif. Ne nous racontons pas d’histoires : il y a aura des effets sur notre système de santé.
Ce qui nous inquiète, c’est que des personnes éligibles soient privées d’accès aux soins et optent pour la solution de facilité. Au demeurant, même les membres du CCNE favorables à l’ouverture de ce nouveau droit ont évoqué ce risque.
Quant à l’évaluation des conséquences budgétaires des soins palliatifs, je l’ai demandée. Monsieur Pilato, je vous invite à consulter mon amendement, qui n’a pas été adopté, visant à obtenir un rapport à ce sujet tous les deux ans.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Jusqu’à présent, le débat a été correct. Là, nous franchissons la limite de ce qui est acceptable. Nous avons des convictions différentes, comme l’ont montré nos débats. Soulever la question des économies d’argent public est indigne et choquant. Le débat démocratique s’honore de faire place à des conceptions distinctes de la fin de vie. Y évoquer l’argent n’est pas à la hauteur.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les seules économies que permettra le texte seront de souffrance, de douleur, de détresse et de malheur. Elles valent le coup d’être faites.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La loi visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs a été adoptée en 1999, la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie en 2005 et la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie en 2016. Les soins palliatifs ont toujours manqué de moyens humains et financiers. Il importe donc de savoir ce qu’il en est, d’autant que les restrictions budgétaires ont entravé, pendant plusieurs années, l’application de ces lois.
Il ne s’agit pas de soupçonner l’intention de faire des économies au détriment des patients, mais de formuler une demande, qui n’a rien de grave. Les moyens supplémentaires alloués aux soins palliatifs ne produiront pas leurs effets avant longtemps. Comme Mme Vidal a eu l’occasion de le rappeler, les premières unités n’ouvriront que l’an prochain.
Dans tous les pays ayant légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté, le recours aux soins palliatifs et d’accompagnement ont diminué. Il importe donc de réfléchir à la question. Je soutiens l’amendement, qui vise à déterminer si la présente proposition de loi, qui risque d’être adoptée, aura pour effet de réduire les coûts de la sécurité sociale.
M. Patrick Hetzel (DR). Cette interrogation doit être abordée avec sang-froid. Nous débattons souvent des moyens financiers et humains du système de santé. Il importe d’en avoir une approche objective, d’autant que nous avons eu beaucoup de mal à dégager des moyens pour les soins palliatifs. Il importe d’avoir de la fin de vie et de son financement une vision à 360 degrés, d’autant que, comme le rappellent régulièrement, dans le débat public, les économistes de la santé, les douze derniers mois de la vie sont ceux qui coûtent le plus cher.
Je suis très heureux de constater que nos collègues considèrent que cela ne doit pas être un sujet de préoccupation. Pour ce faire, il faut tout faire pour disposer durablement de moyens. Dans cette perspective, la volonté de clarification qui anime notre collègue Juvin est tout à fait légitime.
M. Julien Odoul (RN). Il est assez paradoxal d’entendre ceux qui considèrent que l’euthanasie est un acte médical lambda, un soin comme un autre, voire une mort naturelle, dire qu’elle doit être exemptée de tout contrôle, de toute analyse et de tout suivi économique. Le système de santé, qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, a un coût, même si la santé ne devrait jamais être soumise aux politiques de rentabilité que nous dénonçons.
Il est clair que la présente proposition de loi induira des économies pour le système de santé. Il importe que nos concitoyens en soient informés. Pourquoi faudrait-il se satisfaire de l’absence d’information, d’analyse et de suivi ? Faut-il en déduire que vous voulez, vous qui soutenez le texte, susciter la défiance et le complotisme partout en France ? Mieux vaut que tout soit transparent, à tous les niveaux.
M. Laurent Panifous (LIOT). Il est parfaitement déplacé d’évaluer les éventuelles économies réalisées par la sécurité sociale consécutivement à l’adoption de la présente proposition de loi. Il est de surcroît paradoxal que celles et ceux qui soutiennent cet amendement de près ou de loin aient souvent et fortement reproché à celles et ceux qui défendent le texte qu’il a pour objet de réaliser des économies, ce qui est absolument ignoble. J’espère, lorsque nous aurons rejeté massivement cet amendement, ne plus jamais entendre dire dans cette maison que ce texte obéit à des motivations budgétaires.
M. Nicolas Turquois (Dem). Globalement, l’examen du texte en commission, qui touche à sa fin, a été de très bon niveau et très respectueux des positions des uns des autres. Toutefois, il a parfois dépassé – tel est le cas en l’occurrence – les bornes de l’indécence. Suggérer, en s’abritant derrière des motifs apparemment de bon aloi tels que procéder à des vérifications et obtenir des informations à 360 degrés, que ceux qui soutiennent le texte le font pour des raisons budgétaires est indécent et ignominieux.
Parler de l’euthanasie comme d’une mort lambda, comme vient de le faire M. Odoul, est absolument inacceptable. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Il faut d’autant plus passer à autre chose sans tarder que ces insupportables allégations nourrissent des publications adressées aux parlementaires qui sont favorables, à des degrés divers, au texte. Cet amendement me scandalise.
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement frappé au coin du bon sens lève un tabou. Il traite d’un sujet dont il importe que nous puissions débattre calmement et sérieusement, sans accuser personne. Il s’agit d’obtenir des informations. La fin de vie coûte cher à l’État. La prise en charge en soins palliatifs coûte beaucoup plus cher qu’une euthanasie. C’est un fait objectif.
Chacun a sur ce texte sa conviction chevillée au corps, mais il n’y a pas de tabou. Pour ma part, je considère que la France doit dépenser davantage pour prendre en charge les soins palliatifs. Tel est l’objet de la stratégie décennale des soins d’accompagnement et de la proposition de loi sur les soins palliatifs et d’accompagnement.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Injecter une substance létale n’est pas un acte lambda. Je ne connais aucun soignant, favorable ou non à l’aide à mourir, qui le considère comme tel.
L’amendement de M. Juvin diffuse une petite musique qui répand la défiance, en suggérant que, dès lors que les vieux et les handicapés coûtent cher, on pourrait être tenté de les supprimer pour réduire les coûts. Jamais exprimée, cette idée a été suggérée article après article.
Que vous ne soyez pas d’accord avec le texte, soit. Insinuer sans discontinuer qu’il sert à faire des économies, c’est indécent. Je suis favorable à l’évaluation des coûts de la santé, mais dans tous les domaines. Au demeurant, ce qui coûte cher, ce ne sont pas les personnes âgées ni l’aide à mourir, mais les maladies chroniques dont elles souffrent.
M. Philippe Juvin (DR). D’abord, je n’ai jamais dit ni écrit, ni même suggéré, que certains députés pourraient voter en faveur de la légalisation de l’aide à mourir pour des raisons financières, pour la simple et bonne raison que je ne le pense pas. Je souhaite que l’on m’épargne ce procès d’intention.
Ensuite, ce que je dis est, au Canada, une évidence. Les économies du système de santé induites par la légalisation de l’aide à mourir y ont été estimées à 80 millions de dollars en 2023. Il s’agit d’une donnée économique. Je souhaite que nous en disposions.
Troisièmement, si l’on démontre qu’au contraire l’aide à mourir a un coût, personne ne jugerait scandaleux qu’on le dise, dès lors que nous l’assumerions. Je demande que nous assumions à l’identique une éventuelle économie, comme c’est le cas au Canada.
Quatrièmement, j’informe ceux qui l’ignorent qu’il existe des malades privés de traitement parce que la société, conformément aux lois que nous votons, décide de ne pas les traiter pour des raisons économiques. Une dose de Zolgensma, qui permet de traiter l’amyotrophie spinale infantile, coûte 2 millions d’euros. Certains pays, dont la France, ont décidé de ne pas rembourser ce médicament. Le coût des systèmes de santé modernes est tel que la question économique, qu’on le veuille ou non, se pose systématiquement et impose des choix.
Je répète mon premier point, qui est le plus important : je n’ai jamais dit, car je ne le pense pas, que quiconque ici votera le texte pour des raisons budgétaires.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Certains de nos collègues s’étant déclarés choqués, voire blessés que l’on puisse insinuer que des députés sont susceptibles de défendre ce nouveau droit pour des raisons budgétaires, je remercie Philippe Juvin d’avoir très clairement dit le contraire, dissipant un malaise inconnu dans nos débats jusqu’à présent. J’espère vraiment que personne ici ne pense que certains de leurs collègues soutiennent le texte à des fins d’économie.
Par ailleurs, dans aucun pays ayant légalisé l’aide à mourir, sous quelque forme que ce soit, le recours aux soins palliatifs n’a diminué. Nulle part le nombre de lits alloués aux soins palliatifs, en effet trop bas dans la plupart des pays, n’a diminué après l’adoption d’une loi légalisant l’aide à mourir. Sur ce point, nous ne voulons surtout pas faire d’économies, au contraire : nous voulons dépenser encore plus d’argent pour les soins palliatifs.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 15 modifié.
Après l’article 15
Amendement AS93 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à prévoir un registre par établissement. Nos débats ayant démontré qu’une codification est prévue, je retire l’amendement dans l’attente de nos débats dans l’hémicycle.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS333 et AS390 de M. Thibault Bazin.
Amendement AS1100 de M. Julien Odoul
M. Julien Odoul (RN). Au bénéfice de la transparence et de l’information de nos concitoyens, il me semble nécessaire que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la répartition sociologique des personnes ayant eu recours à l’euthanasie ou au suicide assisté. Dans l’Oregon, premier État américain ayant légalisé l’euthanasie, 80 % des personnes ayant demandé le recours au suicide assisté appartenaient aux catégories les plus pauvres de la population.
Ces populations risquent, faute d’accès aux soins palliatifs, d’être dirigées plus facilement que les autres vers l’euthanasie. Le rapport demandé permettrait de détecter les éventuelles disparités en la matière et d’envisager un rééquilibrage.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Un exemple en vaut un autre : certaines études démontrent que les personnes appartenant aux catégories socioprofessionnelles supérieures recourent à l’aide à mourir plus que les personnes défavorisées. L’amendement est satisfait dans la mesure où la commission d’évaluation et de contrôle transmettra les informations demandées.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS1119 de M. Julien Odoul.
Amendement AS769 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les éventuelles aides à mourir clandestines et les poursuites pénales afférentes visant les professionnels de santé les ayant pratiquées. Le malaise à ce sujet résulte du fait que les magistrats, lorsqu’ils doivent se prononcer sur cette pratique, prononcent des peines très légères, tant il est vrai que l’on ne considère pas qu’aider quelqu’un à mourir n’est pas un homicide, surtout dans les circonstances retenues par la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter.
Le rapport demandé vise à savoir ce qu’il en est, pour ne pas laisser seuls les professionnels de santé, solder les situations entrant dans le cadre de la législation que nous nous apprêtons à voter et ne pas abandonner les professionnels qui en ont épousé l’esprit après avoir été plongés dans des dilemmes cornéliens.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends l’esprit de l’amendement mais juge inopportune la prolifération des rapports. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Avant l’article 16
Amendement AS1030 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). C’est un amendement rédactionnel.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Il est un peu plus que rédactionnel... Vous souhaitez introduire une nouvelle division dans le texte en créant un chapitre intitulé « Substance létale » comprenant l’article 16. Celui-ci modifie les missions de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et fait partie, avec l’article 15, du chapitre V intitulé « Contrôle et évaluation ». La modification proposée n’a pas la force de l’évidence, dans la mesure où les dispositions de l’article 16 relèvent du contrôle et de l’évaluation de plusieurs actions en lien avec la procédure.
En outre, le circuit d’utilisation des préparations magistrales létales est pour partie défini au sein d’autres articles, notamment l’article 9, dont l’alinéa 10 définit ses modalités de destruction. L’article 16 n’est donc pas le seul article portant sur les substances létales.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 16 : Évolution des missions de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et insertion des produits destinés à l’aide à mourir dans un circuit spécifique et sécurisé
Amendements de suppression AS104 de M. Patrick Hetzel, AS357 de M. Thibault Bazin et AS985 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). L’article 16 détaille les caractéristiques ainsi que les modalités de préparation et de délivrance de la substance létale, à laquelle je suis opposé. Je propose de supprimer cet article.
M. Thibault Bazin (DR). Proposer de supprimer l’article 16 est cohérent avec mes positions précédentes, notamment sur le refus de prévoir une clause de conscience pour toute personne participant à la délivrance de la substance létale en vue de provoquer la mort. L’article 16 détaille les caractéristiques ainsi que les modalités de préparation et de délivrance de la substance létale sans offrir aux personnes impliquées, qu’elles la préparent ou qu’elles la délivrent, la possibilité d’invoquer une clause de conscience.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Par l’amendement AS985, il s’agit de supprimer l’article 16. L’État français ne peut en aucune manière organiser la mort de l’un de ses citoyens. Ne pas supprimer cet article équivaut à accepter la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie tels qu’ils sont définis à l’article 2.
M. Olivier Falorni (Dem). Au contraire, l’article 16 est indispensable. Le supprimer, c’est supprimer l’encadrement rigoureux de la préparation, de la délivrance et de l’utilisation de la substance létale. C’est supprimer l’élaboration, par la HAS, de recommandations relatives aux conditions de son utilisation. C’est supprimer l’évaluation, par l’ANSM, des produits de santé destinés à l’aide à mourir.
C’est, en somme, supprimer les conditions encadrant l’élaboration et la délivrance des préparations magistrales létales. Je vous invite à ne pas supprimer ces garanties très strictes assurant la sécurité de la fabrication, de la délivrance et de l’utilisation de la substance létale.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Nous opposons à l’article 16 un autre argument. La substance létale n’est pas à proprement parler un médicament. À ce titre, il serait préférable, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle, que le législateur décide de la façon dont les choses sont définies. Le texte nous dessaisit au profit d’une autorité administrative.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Imaginons que l’article soit supprimé et la proposition de loi adoptée sans lui. Le processus qu’il prévoit s’en trouverait fragilisé, ce qui est contraire au souhait souvent exprimé des auteurs de l’amendement que la proposition de loi, si elle doit être adoptée, soit aussi encadrée et sécurisée que possible. La cohérence de leur position m’échappe. La suppression d’articles est contraire à l’objectif des opposants au texte.
M. Thibault Bazin (DR). Vous savez bien que les amendements visant à supprimer un article ne valent pas nécessairement désaccord avec celui-ci dans son ensemble. Nous ne sommes en désaccord ni avec les recommandations ni avec l’encadrement des dispositions. Nous estimons qu’elles ne sont pas suffisamment encadrées.
Précédemment, on a tenté de nous rassurer en nous disant que l’article 16 encadrerait le processus. L’expérience des quinze précédents articles prouve qu’aucun de nos amendements structurants n’a été adopté.
J’estime que les conditions d’utilisation et de délivrance de la substance létale n’offrent pas une sécurité suffisante. La présence à proximité d’un professionnel de santé est‑elle suffisante ? L’administration de la substance, sous forme d’injection ou d’ingestion, peut poser des problèmes, même avec une sécurité supplémentaire.
M. Philippe Vigier (Dem). Si les amendements sont adoptés, le texte sera encore plus bancal. Vous qui vous inquiétez de sécurité et de protection, vous devez être conscients que, si nous supprimons l’article 16, le texte ne fonctionne pas. Je vous invite à utiliser votre droit d’amendement pour améliorer, s’il y a lieu, la sécurisation du processus.
Quant à la clause de conscience, un pharmacien délivrant, sur ordonnance et sans les administrer lui-même, des produits inscrits au tableau B n’en bénéficie pas. Si tel était le cas, aucune pharmacie, notamment les pharmacies à usage intérieur, ne délivrerait ces produits, donc certains sont létaux.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Vigier, vous avez dit craindre que, si nous supprimons l’article 16, le texte soit « encore plus bancal ». Je vous laisse la responsabilité de cette observation.
Si les pharmaciens ne peuvent invoquer une clause de conscience, sur laquelle au demeurant le débat est clos, s’agissant des produits inscrits au tableau B, c’est parce qu’ils ne délivrent pas des médicaments susceptibles de tuer les gens.
S’agissant de la proposition de supprimer l’article, vous l’avez tous fait au cours de votre vie de parlementaire et vous le ferez encore, dès lors que vous êtes opposés à un texte.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1029 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit de remplacer, à chacune de ses occurrences, le mot « substance » par le mot « produit ». Une substance est une matière pure d’origine naturelle ou synthétique, dont la composition chimique définie n’est pas transformée ou minimalement traitée. Un produit est une préparation finie ou intermédiaire. Un médicament étant un type particulier de produit, il me semble logique de préférer le mot « produit » au mot « substance ».
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Juridiquement, la préparation d’une substance létale destinée à l’aide à mourir relève bien de la préparation magistrale au sens de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique. Il s’agit d’élaborer un produit sur prescription nominative, dans des conditions strictes de qualité et de sécurité, adapté au patient concerné.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1115 de M. Julien Odoul, AS358 de M. Thibault Bazin et AS853 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
M. Julien Odoul (RN). Si le débat sémantique est important, c’est aussi pour une raison peu évoquée jusqu’à présent : les Français n’y comprennent rien. D’après un sondage dont j’ai les résultats sous les yeux, à la question « Pouvez-vous expliquer les différences entre l’aide à mourir, l’euthanasie et le suicide assisté ? », 49 % des Français répondent « non », 40 % « approximativement » et 11 % seulement des Français « oui ».
Il y a donc des Français qui pensent que l’aide à mourir est l’euthanasie et le suicide assisté, d’autres que l’aide à mourir est l’euthanasie mais pas le suicide assisté, d’autres encore qu’elle est le suicide assisté mais pas l’euthanasie ou qu’elle n’est ni l’un ni l’autre. Cet état de fait pose problème en matière de pédagogie. En réalité, les Français ne savent pas sur quoi nous légiférons.
M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement est un amendement rédactionnel de cohérence avec nos positions.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’article 16 ne prévoit pas une aide, mais la réalisation d’un geste létal.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons eu ce débat.
M. Philippe Vigier (Dem). Depuis le début de notre discussion, j’ai expliqué que le texte me paraissait équilibré et solide, et qu’il s’était renforcé au fil de nos travaux. Il faut éviter de s’engager sur d’autres voies.
Tout à l’heure, M. Bentz lui-même a employé l’expression « aide à mourir » : peut‑être les innombrables mises au point du rapporteur général ont-elles fini par porter leurs fruits...
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1180 de Mme Élise Leboucher.
Amendements AS366 de Mme Marine Hamelet et AS828 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS366 est défendu.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS828 est défendu.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Si votre volonté de sécuriser la gestion des substances létales est légitime, vos amendements ne me paraissent pas nécessaires car l’article 9 prévoit la destruction de la substance létale conformément à la réglementation existante.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS364 de Mme Marine Hamelet
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS735 de M. Christophe Bentz.
Amendement AS992 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). L’Oregon a mis longtemps à élaborer une préparation magistrale satisfaisante : sept modifications y sont intervenues depuis l’entrée en vigueur de la loi, comme on peut le constater à la lecture des rapports de son autorité sanitaire. Je souhaite que l’on en tire les enseignements en inscrivant dans la loi que la préparation magistrale doit provoquer la mort « rapidement, avec certitude, sans douleur et sans souffrance ». Cela nous éviterait de commettre les mêmes erreurs.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. La volonté de garantir l’efficacité de la substance létale et l’absence de souffrance liée à son administration est légitime. Toutefois, cette précision ne paraît ni nécessaire, ni opportune car l’alinéa 2 confie le soin à la HAS de définir les substances létales qui seront utilisées. Il ne fait aucun doute qu’elle les choisira avec justesse, dans le but de provoquer la mort de manière certaine, rapide et sans souffrance.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). L’Oregon souhaitait évidemment parvenir à ce résultat, ce qui n’a pas empêché la survenance d’un certain nombre de difficultés. Il me paraît donc utile d’écrire clairement dans la loi, d’emblée, l’objectif qui, d’un point de vue opérationnel, doit être visé.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Pensez-vous sérieusement que la HAS ne va pas tenir compte des retours d’expérience – parfois malheureux – provenant d’autres pays ? Avez‑vous si peu confiance dans la capacité de cette instance à aboutir à une préparation de nature à éviter ces écueils ?
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Hetzel, à quoi bon inscrire dans la loi le même objectif que celui qui avait été fixé par le législateur dans l’Oregon ? La science évolue, les technologies se perfectionnent. Nous partageons tous la même intention, mais son inscription dans le texte ne changerait absolument rien : chacun s’efforce d’utiliser au mieux les connaissances existantes à un moment donné pour abréger les souffrances des personnes.
M. Thibault Bazin (DR). La concrétisation d’une intention peut se heurter à un certain nombre de contraintes. Il est des substances que l’on ne peut pas utiliser de la même manière dans tous les pays. Les pratiques diffèrent d’un État à l’autre. La HAS peut faire des recommandations qui ne produiront pas le résultat escompté. On pense que la substance aura un effet rapide mais l’expérience montre que le corps humain réagit parfois de façon imprévisible, surtout lorsque la personne n’est pas en fin de vie ou lorsqu’un mode d’administration se révèle inadapté. Il me paraît nécessaire que le législateur précise l’objectif, tant pour la HAS que pour le professionnel de santé qui accompagnera le malade. Cela permettra de faire évoluer les pratiques au fur et à mesure.
M. Philippe Juvin (DR). L’année dernière, lors des travaux de la commission spéciale, j’avais demandé à des représentants de la HAS quels produits ils comptaient sélectionner et quel dosage serait nécessaire : ils n’ont pu m’apporter aucune réponse. Je me suis alors dit qu’il serait utile que la loi fixe un objectif politique. L’expérience de l’Oregon montre en effet qu’en pratique, les choses ne sont pas si évidentes. Par ailleurs, il ne faut pas penser que l’on va facilement inventer des produits moins douloureux : voilà trente ans que l’on n’a pas mis au point un médicament anesthésique nouveau. On fera avec ce qu’on a.
M. Philippe Vigier (Dem). Je fais confiance à la HAS pour examiner les pratiques qui ont cours dans d’autres pays et établir un protocole. Lors de la pandémie de covid, elle a pu définir les règles de vaccination par tranche d’âge à partir des données consolidées résultant des analyses réalisées dans un grand nombre de pays – notamment les pays européens.
Monsieur Juvin, vous affirmez que la préparation doit provoquer la mort « rapidement », mais cette notion est sujette à interprétation : parle-t-on de quelques secondes, quelques minutes, quelques heures, voire quelques jours ? Votre amendement pèche par une certaine imprécision.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1181 de Mme Élise Leboucher.
L’amendement AS986 de M. Philippe Juvin est retiré.
Amendements AS829 de Mme Marie-France Lorho et AS1114 de M. Julien Odoul (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS829 est défendu.
M. Julien Odoul (RN). Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que, dans tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie, les soins palliatifs demeuraient. Vous avez raison, mais il faut regarder les choses de plus près. En Belgique, en 2024, l’euthanasie a concerné 4 000 personnes – chiffre en augmentation de près de 17 % : elle y est devenue, en réalité, un soin palliatif. La situation se caractérise donc par un grand flou. Concernant ce que nous appelons, nous, Français, les soins palliatifs et l’accompagnement, les budgets diminuent, à l’instar du nombre de malades concernés puisqu’on oriente directement les personnes vers l’euthanasie.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS370 de Mme Marine Hamelet
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’ANSM est une autorité de régulation et de contrôle des produits de santé dont l’action s’inscrit à l’échelon national : elle n’a pas vocation à intervenir dans la gestion opérationnelle et quotidienne des flux de produits dans les établissements de santé ou dans les officines.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS372 de Mme Marine Hamelet
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette amendement AS926 de Mme Christine Loir.
Elle adopte ensuite l’article 16 modifié.
La réunion s’achève à treize heures.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Sylvie Bonnet, Mme Céline Calvez, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, M. Stéphane Delautrette, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Océane Godard, Mme Zahia Hamdane, Mme Marine Hamelet, M. Patrick Hetzel, Mme Mathilde Hignet, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, M. Didier Le Gac, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Éric Martineau, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, Mme Mathilde Panot, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Isabelle Santiago, M. Arnaud Simion, M. Matthias Tavel, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusée. – Mme Christine Pirès Beaune
Assistait également à la réunion. – M. Alexandre Portier