Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen de la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail (n° 732) (M. Pierre Cordier, rapporteur)              2

– Présences en réunion.................................17

 

 

 

 

 


Mardi
27 mai 2025

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 87

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


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La réunion commence à dix-huit heures cinquante.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission examine la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail (n° 732) (M. Pierre Cordier, rapporteur).

M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que la Conférence des présidents a souhaité que la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail, que nous allons examiner, soit inscrite parmi les textes à caractère transpartisan qui seront discutés en séance publique à partir du mardi 3 juin.

M. Pierre Cordier, rapporteur. Cette proposition de loi a reçu, en Conférence des présidents, le soutien de neuf groupes sur les onze qui composent notre assemblée et a été placée en troisième position dans l’ordre d’examen des textes à caractère transpartisan en séance publique. Il est vrai que le don du sang est, par essence, un sujet qui transcende les clivages. Faire don de son sang est un acte profondément civique, un geste volontaire, anonyme et gratuit, qui traduit des valeurs de fraternité et de solidarité vis-à-vis de ses concitoyens.

Le don de sang soulève des enjeux majeurs de santé publique. Chaque année, 500 000 patients bénéficient d’une transfusion sanguine. Si l’on prend en compte les traitements utilisant des médicaments dérivés du plasma sanguin, ce sont près de 1 million de patients qui sont soignés annuellement par des produits sanguins. Le sang soigne les pathologies hématologiques, les cancers et sauve des vies grâce aux opérations chirurgicales. Il est donc essentiel d’assurer notre autosuffisance dans ce domaine et de ne pas dépendre de produits sanguins importés d’autres pays, notamment des États-Unis. Il y va de notre souveraineté sanitaire.

Au-delà de la dimension économique, dans un contexte marqué par la menace d’une guerre commerciale, cette question comporte des enjeux liés à l’éthique et à la qualité des produits sanguins que nous utilisons. Aux États-Unis, les donneurs de plasma sont rémunérés et encouragés à donner bien plus fréquemment qu’en France. Cette situation fait courir le risque d’une exploitation de la vulnérabilité économique d’une population qui, par nécessité financière, peut ne pas déclarer d’éventuels problèmes de santé, mettant ainsi en danger donneurs et receveurs. C’est la raison pour laquelle je souhaite réaffirmer notre attachement au modèle français du don du sang, fondé sur le bénévolat.

Sur le temps long, nos besoins en sang total diminuent tendanciellement. En revanche, nos besoins en plasma sanguin vont en s’accroissant ; la collecte nationale ne permet d’en couvrir qu’un tiers, les deux tiers restants faisant l’objet d’une importation en provenance des États-Unis, pour un coût annuel de plus de 400 millions d’euros pour la sécurité sociale.

Dans le cadre du plan Ambition plasma, l’Établissement français du sang (EFS) s’assigne l’objectif de pouvoir livrer 1 400 000 litres de plasma par an à partir de 2028, contre 900 000 litres aujourd’hui. Cela suppose de disposer de donneurs réguliers, sensibilisés à la question, tout en conservant un vivier de donneurs de sang total. En effet, la durée de conservation des produits sanguins est source de tensions permanentes, que l’EFS est chargé de gérer au quotidien. De plus, le don de sang total est souvent le point d’entrée vers le don de plasma ou de plaquettes.

Le don de sang est un acte contraignant, qui demande du temps : c’est le cas, en particulier, du don de plasma ou de plaquettes, qui nécessite au moins une heure. Les critères de sélection des donneurs sont en outre relativement stricts. La fréquence des dons ainsi que les délais minimaux à respecter sont très encadrés. Si le don de sang total peut être effectué dans le cadre des collectes mobiles organisées par l’EFS, le don de plaquettes ou de plasma doit être réalisé en maison du don, ce qui implique de se déplacer aux horaires d’ouverture.

Il faut améliorer l’accès de nos compatriotes aux collectes de sang et encourager la régularité du don, en particulier chez les jeunes et les actifs. Or il n’est pas toujours facile de trouver le temps nécessaire, entre les journées de travail et les contraintes personnelles.

L’EFS s’emploie déjà à améliorer le maillage territorial en lieux de prélèvement et à élargir les horaires d’ouverture des maisons du don. Nous devons toutefois compléter le dispositif en imaginant des solutions simples de nature à faciliter l’accès de nos concitoyens au don de sang. Tel est l’objet de la proposition de loi, qui vise à faciliter le don du sang sur le temps de travail grâce à des autorisations d’absence rémunérées par l’employeur.

Il ne faut pas imaginer qu’une partie des salariés ou des agents publics pourraient s’absenter une fois par semaine ; il s’agit plutôt de prévoir trois ou quatre absences par an, d’une durée d’environ une heure trente à deux heures – pas davantage. C’est un effort que l’on demande aux entreprises et aux services publics de consentir au nom de la souveraineté sanitaire de notre pays.

Cet aménagement simple, peu coûteux, pourrait grandement contribuer à améliorer nos stocks de produits sanguins et à encourager l’émergence d’une filière française de plasma.

Soucieux d’éviter tout abus susceptible de noircir le bel objectif de cette proposition de loi, je vous présenterai plusieurs amendements visant notamment à limiter la fréquence des autorisations d’absence à une par mois, à encadrer la distance maximale entre le lieu de prélèvement et le lieu de travail, à garantir l’information préalable de l’employeur grâce à un délai de préavis, à permettre à l’employeur de refuser d’accorder l’autorisation d’absence pour des motifs précis tenant à la continuité du service ou de l’activité économique et, enfin, à garantir le respect de la vie privée du salarié en lui évitant d’avoir à justifier d’éventuels problèmes de santé auprès de son employeur.

Nous ferons preuve d’un esprit d’ouverture concernant les autres amendements, tout en nous efforçant de tenir compte des impératifs du monde économique, dont nous connaissons les difficultés.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Théo Bernhardt (RN). Le Rassemblement national souscrit sans réserve à l’ambition de ce texte, qui vise à faciliter l’accès des salariés au don du sang en leur permettant de s’absenter durant leurs heures de travail. La générosité n’exclut toutefois pas la lucidité. Une loi efficace doit concilier solidarité nationale et responsabilité économique. Or, dans sa rédaction actuelle, le texte ouvre un droit sans réellement prévoir les garde-fous qui devraient l’encadrer. Pour un employeur, en particulier dans une très petite, petite ou moyenne entreprise, deux ou trois absences imprévues le même jour peuvent désorganiser l’ensemble d’un service.

Nous ne soupçonnons pas nos concitoyens de vouloir abuser du dispositif mais nous estimons qu’il est du devoir du législateur d’anticiper d’éventuelles dérives pour que la mesure soit acceptée et donc pérennisée. Nous souhaitons introduire, à cet effet, un mécanisme de prévenance de soixante-douze heures qui laisserait à chaque employeur, y compris dans les petites structures, le temps minimal nécessaire pour ajuster ses équipes. Nous proposons également d’instaurer un plafond d’une autorisation d’absence par mois civil, tous types de prélèvements confondus, afin que l’organisation de l’entreprise ne soit jamais fragilisée. Enfin, nous souhaitons offrir à l’employeur, en cas de nécessité liée au fonctionnement de l’entreprise, la possibilité de reporter le don de sang par une décision écrite et motivée, dans une limite stricte de trente jours, afin d’éviter la survenue de tensions internes.

Nous regrettons que deux de nos amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. L’un visait à protéger le salarié contre toute discrimination, l’autre à encourager les grandes entreprises à organiser chaque année une collecte de sang en concertation avec l’EFS. Nous espérons que l’esprit constructif qui inspire nos autres amendements retiendra votre attention. Le don du sang est l’affaire de tous : du salarié qui tend les bras, de l’employeur qui s’adapte et du législateur qui veille à l’équilibre. Grâce à ces ajustements, nous ferons de ce texte une loi réellement applicable et durable.

Mme Camille Gaillard-Minier (EPR). Cette proposition de loi vise à permettre aux salariés des secteurs public et privé de donner leur sang, leurs plaquettes ou leur plasma durant leur temps de travail. Par-delà son apparente simplicité, elle traite de questions cruciales liées à la santé publique, à la solidarité nationale et à la souveraineté sanitaire. Le don de sang n’est pas une question technique ni purement logistique : c’est un acte profondément humain, un geste de fraternité que notre République doit encourager, faciliter et valoriser.

Alors que notre système de collecte, bien que solide, est sous tension permanente, en particulier concernant le plasma, cette proposition de loi répond au besoin urgent de renouveler et de fidéliser le vivier de donneurs, de sécuriser notre approvisionnement en produits sanguins et d’adapter notre modèle aux évolutions de la société et du monde du travail. À l’approche de la journée de remerciement des donneurs de sang du 14 juin, ce texte est l’occasion de rappeler l’importance vitale de cet engagement motivé par la solidarité.

Cette proposition de loi ne bouleverse pas les équilibres existants. Elle ne crée pas de nouveaux droits exorbitants mais prévoit simplement que les salariés et les agents publics puissent bénéficier, à leur demande et en bonne intelligence avec leur employeur, d’une autorisation d’absence rémunérée pour se rendre sur un lieu de collecte de sang, de plasma ou de plaquettes. Permettre aux actifs de participer à cet effort, c’est reconnaître leur engagement citoyen, ancrer la solidarité dans le quotidien et faire de la fraternité un principe actif.

En inscrivant le droit au don dans le temps de travail, cette proposition de loi ouvre la voie à une culture du don dans la vie professionnelle et est de nature à favoriser l’émergence de nouveaux donneurs réguliers, fidèles et informés, qui assureront la pérennité de notre modèle. En facilitant le don, nous affirmons une République du soin et de la fraternité.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Ensemble pour la République soutiendra la proposition de loi.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Chaque année, 1 million de malades sont sauvés grâce au don de sang. Une heure de notre temps suffit à sauver trois vies. Le don de sang est donc un sujet majeur autant qu’une réalité fragile. Malgré un bilan financier positif en 2024, l’Établissement français du sang fonctionne à perte, ce qui l’empêche d’investir.

L’EFS souffre par ailleurs d’un déficit chronique de donneurs, si bien que la France n’est plus souveraine en matière de plasma. Près de 65 % du plasma utilisé dans notre pays provient des États-Unis, où il est prélevé sur des miséreux rémunérés, ce qui pose des problèmes éthiques.

Il est plus que temps de favoriser le don de produits sanguins sans que le patronat y mette un frein. Nous soutiendrons donc ce texte qui nous paraît aller dans le bon sens, car il vise à trouver de nouveaux donneurs.

Cela étant, cette proposition de loi manque d’ambition et comporte des angles morts. Ainsi, aucune sanction n’est prévue à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations. Cela ouvre la porte à des discriminations à l’égard des salariés, d’autant plus que l’on attend toujours un renforcement des moyens de l’inspection du travail.

L’EFS n’a pas les moyens de recruter de nouveaux salariés pour effectuer les prélèvements, ce qui constitue un frein supplémentaire au développement des collectes. Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous avions proposé de revaloriser l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de 150 millions d’euros au bénéfice de l’EFS, mais vous avez préféré soutenir et voter le budget le plus austéritaire que l’on ait connu depuis des années.

Vous avez de même largement contribué à l’état de délabrement de nos hôpitaux, en particulier des services d’urgences comme celui de l’hôpital de Jossigny, où l’on peut être un patient prioritaire âgé de 79 ans et attendre cinq heures sur un brancard pour finir par mourir faute de soins. C’est dans ce même hôpital qu’a été battu le record de la plus longue attente aux urgences : en 2023, une personne a dû patienter vingt-trois heures cinquante. Sans urgences qui fonctionnent, à quoi servent les dons de sang ? La prochaine fois que nous voterons le projet de loi de finances ou le PLFSS, ne jouez pas les pique-sous et faites vos choix en partant des besoins !

M. Pierrick Courbon (SOC). Alors que la France a besoin de 10 000 dons de sang par jour pour répondre aux besoins de près de 1 million de patients par an, nous constatons, depuis 2015, une tendance à la baisse du nombre de donneurs parallèlement à une hausse de la demande, ce qui fragilise notre système de santé et met en péril de nombreuses vies. Cette crise silencieuse a pour conséquence directe et préoccupante de contraindre notre pays à importer 65 % de son plasma thérapeutique pour couvrir la demande, ce qui remet grandement en cause notre souveraineté sanitaire.

L’examen d’un texte relatif au don du sang est l’occasion pour les députés socialistes de rappeler leur attachement au modèle français et à son éthique fondée sur le triptyque « bénévolat, anonymat et gratuité ». Préserver ce modèle et tendre vers l’autosuffisance en matière de sang et de produits dérivés du sang suppose de tout faire pour inciter au don, faciliter la démarche de générosité et fidéliser les donneurs. Ce texte, bien que d’ambition modeste, y contribue.

Nous soutiendrons donc cette proposition de loi, que plusieurs de mes collègues et moi-même avons cosignée, tout en soulignant son insuffisance en l’état. L’article unique du texte ne garantit en effet ni l’égalité entre agents du public et salariés du privé, ni l’obligation de maintien de la rémunération pendant le temps du don, ni la simplification des démarches pour les donneurs, autant de points que nous proposerons de corriger par voie d’amendement.

Si ce texte va dans le bon sens, il est loin de répondre à l’Himalaya des besoins, notamment à ceux exprimés dans le cadre du plan Ambition plasma piloté par l’EFS. Pour assurer la bonne application de ce dernier, il faut que le Gouvernement et ses soutiens engagent d’importants moyens immobiliers, matériels et humains – il convient en particulier de créer de nouveaux centres de don. Lors de l’examen du dernier PLFSS, nous avions proposé d’octroyer à l’EFS les moyens nécessaires mais nos amendements avaient hélas été rejetés par le bloc central. Nous espérons qu’il en ira autrement dans quelques mois.

Mme Josiane Corneloup (DR). Le groupe Droite Républicaine soutient avec conviction cette proposition de loi qui vise à répondre à un impératif de santé publique en garantissant la souveraineté sanitaire de notre pays en matière de produits sanguins. Le texte réaffirme également les valeurs fondatrices de notre modèle du don que sont le volontariat, l’anonymat et la gratuité. Ces principes, qui reposent sur la solidarité, confèrent au modèle français un caractère éthique tout en assurant son efficacité. Il constitue un véritable choix de société que cette proposition de loi renforce.

Chaque jour, 10 000 dons sont nécessaires pour sauver des vies, accompagner les traitements de milliers de malades et répondre à des urgences chirurgicales ou hématologiques. Les besoins en produits sanguins décroissent tendanciellement avec le temps : en 2024, les cessions de concentrés de globules rouges entre l’EFS et les établissements de santé ont ainsi diminué de 4,5 % par rapport à 2023. Cette tendance ne doit toutefois pas masquer une réalité : le besoin de dons demeure constant et vital, notamment en matière de plasma et de plaquettes.

Seuls 3,52 % des Français en âge de le faire donnent leur sang. Trop souvent, les contraintes professionnelles empêchent nos concitoyens d’effectuer ce geste civique essentiel. Cette proposition de loi vise à les sensibiliser au don et à permettre aux salariés et aux agents publics de s’absenter pour faire don de leur sang, de leur plasma ou de leurs plaquettes.

Ce texte est équilibré. Il confère un droit qui doit être exercé en responsabilité ; il encadre strictement les absences, en les limitant à une par mois. Il prévoit un préavis, un justificatif et la possibilité pour l’employeur de s’opposer à une absence en cas de nécessité de service. Il protège également la vie privée du donneur sans porter atteinte à la bonne marche des entreprises et des administrations.

Nous vous proposerons, par nos amendements, d’aller plus loin, en associant à cette démarche les associations locales, qui effectuent un travail remarquable, les services de santé au travail et les comités sociaux et économiques, pour informer, sensibiliser et coordonner efficacement les collectes. Surtout, nous souhaitons assurer une reconnaissance pleine et entière de l’engagement des bénévoles, qui œuvrent chaque jour pour l’EFS.

Permettre, encourager, encadrer : telle est notre ambition. Donner son sang, c’est sauver des vies, mais aussi affirmer un choix de société fondé sur la solidarité et la fraternité. Nous appelons donc à une adoption large et unanime du texte.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le don du sang est un acte vital. En 2024, quelque 2 700 000 dons ont été effectués, qui ont permis de soigner près de 1 million de personnes en France, parmi lesquels des patients soignés par des médicaments dérivés du plasma. Pourtant, le nombre de donneurs a baissé de 2,9 % en 2023, et la tendance s’est poursuivie en 2024.

Cette situation est surtout préoccupante pour le plasma, dont les usages thérapeutiques sont essentiels, en particulier en cas de déficit immunitaire, d’hémophilie, de maladie auto-immune et dans le cadre des nouveaux traitements contre le cancer. La collecte nationale de plasma ne couvre que 35 % des besoins. La France dépend donc fortement des importations de produits sanguins en provenance, notamment, des États-Unis. L’EFS a lancé en 2024 le plan Ambition plasma dans le but de collecter 1 400 000 litres de plasma chaque année d’ici à 2028, ce qui suppose de multiplier le nombre de donneurs réguliers par plus de deux.

Cette proposition de loi va dans le bon sens. En permettant aux salariés de disposer de temps dédiés pour donner leur sang, elle remet en valeur un acte de solidarité essentiel trop souvent invisibilisé.

Cette avancée concrète ne constitue toutefois qu’un premier pas. De nombreux défis restent à relever. Nous devons tout d’abord veiller à garantir une plus grande diversité de donneurs ; à Marseille, par exemple, certaines personnes porteuses de groupes sanguins rares peinent à trouver des produits compatibles.

Il convient par ailleurs de rajeunir le vivier des donneurs. L’un des amendements que j’ai déposés vise ainsi à ce que les étudiants puissent également justifier de leur absence lorsqu’ils vont donner leur sang.

Le soutien aux bénévoles constitue un autre enjeu majeur car, sans eux, aucune collecte ne serait possible. Je présenterai un amendement qui vise à accorder cinq jours de congés rémunérés aux salariés souhaitant s’impliquer dans les associations de don du sang.

Il faut enfin financer l’Établissement français du sang. Le prélèvement de plasma coûte en effet plus cher que ce que l’EFS peut facturer et les dotations de l’État sont insuffisantes.

Il est essentiel de préserver ce modèle unique, fondé sur le bénévolat, l’anonymat, l’absence de profit et le consentement éclairé. Cela doit être une priorité de santé publique.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le don de sang constitue un acte de solidarité indispensable. Cette forme d’engagement sauve des vies et doit être encouragée autant que possible. Force est pourtant de constater que la participation des actifs reste limitée. Les tensions sur les réserves persistent. Selon l’EFS, 10 000 dons sont nécessaires chaque jour, alors que moins de 4 % des Français en âge de donner effectuent un don chaque année. Notre groupe partage donc pleinement l’objectif de la proposition de loi.

Nous émettons toutefois des réserves quant à son efficacité et à ses éventuelles conséquences. Pour renforcer la collecte, l’EFS applique déjà une stratégie reposant sur l’élargissement des horaires, des campagnes de sensibilisation et la multiplication des collectes mobiles dans les entreprises. Ces efforts ont porté leurs fruits, comme l’attestent, notamment, la hausse significative du nombre de dons et l’engagement de nouveaux donneurs au cours des dernières années.

Il nous semble souhaitable d’améliorer les possibilités de don en privilégiant le développement de l’offre plutôt qu’en agissant sur la demande : en effet, créer un droit à l’absence généralisé ferait peser une contrainte importante sur les employeurs, sans concertation et sans garantie d’augmentation substantielle des dons. Il nous paraît préférable de miser sur des solutions plus souples et adaptées aux réalités du terrain, comme la signature de conventions entre les entreprises et l’EFS, l’organisation de collectes sur site pendant les temps de pause ou la valorisation du don volontaire. Soutenir la mobilisation des donneurs doit rester une priorité mais cela passe avant tout, à nos yeux, par des incitations et des partenariats plutôt que par une obligation généralisée sur le temps de travail.

En conséquence, notre groupe ne soutiendra pas ce texte en l’état.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La France fait face à une pénurie de sang préoccupante. Selon l’EFS, 10 000 dons sont nécessaires chaque jour. Au cours des deux dernières années, seules 80 000 poches de sang étaient disponibles, ce qui est largement inférieur au seuil de sécurité recommandé. Ces dons permettent de sauver 1 million de malades par an. Ils sont utilisés notamment en cas d’hémorragie, d’accident, pour des opérations chirurgicales et des accouchements. Ils permettent également de soigner des patients aux besoins chroniques, atteints d’une maladie du sang ou d’un cancer. Or la France importe près de 40 % de ses produits sanguins, lesquels proviennent notamment de pays dans lesquels les prélèvements sont rémunérés, ce qui pose un réel problème éthique.

Cela met en lumière l’importance d’une mobilisation continue des donneurs pour maintenir un niveau de réserves suffisant et assurer les soins nécessaires à de nombreux patients. La proposition de loi, que j’ai cosignée, vise à faciliter l’accès au don de sang, de plaquettes ou de plasma en permettant aux salariés de s’absenter de leur entreprise pour effectuer un don. Elle constitue à ce titre une avancée essentielle.

En 2023, j’ai été l’auteure, en tant que députée européenne, du rapport sur la révision du cadre réglementaire relatif aux substances d’origine humaine, qui incluent le sang, le plasma, les tissus et les cellules. Dans ce texte, qui réaffirmait le principe fondamental du don volontaire et non rémunéré, je proposais de mieux communiquer et de faciliter les dons sur le temps de travail.

Cette proposition de loi s’inspire de la même philosophie. En effet, elle prévoit que les travailleurs ne sont pas rémunérés pour leur geste mais simplement protégés ; ils pourront accomplir cet acte solidaire sans subir de pénalité financière et sans devoir poser de congé. Il s’agit d’une reconnaissance concrète de la valeur du don, qui n’en altère pas la gratuité.

Les entreprises de plus de 500 salariés peuvent déjà organiser ponctuellement des collectes internes mais moins d’un salarié sur huit participe à ces initiatives, qui demeurent facultatives. Il est donc indispensable de créer un dispositif plus structurant, qui facilite réellement l’accès des salariés au don.

Le groupe Horizons & Indépendants soutient pleinement cette proposition de loi, dont le coût budgétaire pour l’État est quasiment nul et qui permettrait de couvrir les besoins des patients ainsi que de renforcer notre souveraineté sanitaire en sécurisant l’approvisionnement en sang, en plaquettes et en plasma.

M. le rapporteur. Monsieur Bernhardt, vous avez insisté sur la nécessité de prendre en compte les réalités du monde économique : c’est une préoccupation que nous partageons pleinement. Nous n’avons nullement l’intention de désorganiser les entreprises. Je présenterai plusieurs amendements visant à éviter toute dérive au sein de la sphère économique.

Madame Galliard-Minier, vous avez raison, cette proposition de loi se caractérise par sa simplicité – mais encore fallait-il penser à proposer ce dispositif. Les enjeux en matière de santé publique, de fidélisation des donneurs et de fraternité sont essentiels. Les personnes que nous avons auditionnées, qu’il s’agisse des représentants de l’EFS ou de donneurs de sang bénévoles – tels Jacques Allegra –, ont toutes témoigné de l’importance de ce texte, notamment pour les bénévoles qui se mobilisent au quotidien dans les territoires urbains comme ruraux. Comme vous l’avez souligné, les droits que nous proposons d’accorder ne sont pas exorbitants.

Madame Soudais, vous avez raison de rappeler qu’en donnant seulement une heure de son temps, on peut sauver trois vies. Par ailleurs, la souveraineté et l’indépendance de la France en matière de produits sanguins sont en effet essentielles. Nous souhaiterions, comme vous, que le texte aille plus loin ; il ne s’agit là que d’une première étape. Peut-être la situation évoluera-t-elle. Nous aurons par ailleurs la possibilité de déposer d’autres amendements d’ici à la discussion du texte en séance publique.

La question du recrutement, que nous avons soulevée lors de l’audition du président de l’EFS, se pose principalement dans les maisons du don mais aussi pour les collectes mobiles. La rotation des effectifs est élevée, car travailler dans une maison du don exige des agents des hôpitaux et de l’EFS une grande rigueur et, pour les collectes mobiles, une capacité d’adaptation à des horaires qui ne sont pas toujours simples.

Monsieur Courbon, vous avez rappelé que le don, dans le modèle français, repose sur la gratuité, l’anonymat et le bénévolat. Nous nous sommes fondés sur ces principes auxquels nous sommes très attachés. Nous ne souhaitons pas que le don de sang soit rémunéré, comme cela se fait dans quatre pays européens.

Madame Corneloup, les bénévoles jouent en effet un rôle essentiel dans les territoires. Chaque année, le don de sang total recule de 1 à 2 %, ce qui s’explique en partie par la baisse de la natalité, qui réduit la demande en poches de sang pour les accouchements. La proposition de loi se focalise notamment sur le don de plasma et de plaquettes.

Monsieur Davi, vous avez insisté, à juste raison, sur le fait que le plasma ne sert pas uniquement aux transfusions mais est également nécessaire à la fabrication de médicaments. Je suis conscient du fait que la proposition de loi ne réglera pas toutes les difficultés ; elle comporte sans doute des imperfections mais il faut la considérer comme une première étape. Elle aidera notamment à encourager le premier don, ce qui est un élément essentiel de la communication des équipes de bénévoles dans les territoires et de l’EFS.

Monsieur Turquois, le risque de désorganisation du monde économique ne m’a pas échappé. Nous avons sollicité les contributions de l’Union des entreprises de proximité, du Mouvement des entreprises de France (Medef= et de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Nous n’en avons obtenu, malgré les relances, qu’une seule, de la part du Medef, qui a appelé à la vigilance sur ce point.

Il ne s’agit pas de permettre aux salariés de dire à leur patron le matin, en arrivant sur leur lieu de travail, qu’ils partiront à 16 heures pour aller donner leur sang. Les amendements que je présenterai visent à introduire des garde-fous, destinés notamment aux petites et moyennes industries et entreprises (PMI-PME) et aux entreprises commerciales, dont l’activité peut être désorganisée en cas de notification tardive d’une absence. Aucune contrainte ne pèsera sur les entreprises, les commerçants et les artisans.

Faire de la politique, c’est faire des choix. Comme rien n’est tout blanc ni tout noir, il faut essayer de trouver le meilleur équilibre possible entre le besoin de plasma et de plaquettes, d’une part, et la nécessité de ne pas désorganiser le monde économique, d’autre part – nous sommes tous très conscients de cet impératif. Je ne désespère pas, chers collègues du groupe Les Démocrates, de vous faire changer d’avis lors de la présentation de mes amendements, ce qui permettrait d’adopter le texte à l’unanimité. Chacun pourrait ainsi se prévaloir, notamment lors des assemblées générales, de l’avoir soutenu.

Madame Colin-Oesterlé, il importe de renforcer les partenariats pour améliorer la communication dans les territoires. Les organisations et comités de bénévoles ne peuvent pas tout faire seuls. Ils consentent de gros efforts, avec l’aide des municipalités qui, souvent, prêtent une salle ou un support d’affichage à l’entrée de la commune. La circonscription que j’ai l’honneur de représenter compte une dizaine de ces comités de bénévoles, qui se donnent énormément de mal.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Chaque année, 1 million de malades sont sauvés grâce à un don de sang. La proposition de loi, qui prévoit un congé pour donner son sang, va dans le bon sens. Comme me l’a indiqué Marie-José Robert, présidente de l’Union départementale des donneurs de sang bénévoles de la Haute-Vienne, de nombreuses antennes de l’EFS ne sont ouvertes que pendant les horaires de travail. Créer un congé offre aux salariés une protection. Mme Robert m’a raconté avoir été appelée par une responsable des ressources humaines souhaitant savoir combien de temps un employé de son atelier était resté pour faire son don du sang, ce à quoi elle n’a pas su répondre. Bénéficier d’un congé pour donner son sang, c’est permettre de le faire sans devoir rendre compte du temps qu’on y a passé.

Par ailleurs, il serait intéressant de travailler avec les entreprises pour qu’elles ouvrent davantage de locaux lors d’opérations de don de sang. À Limoges, certaines grandes sociétés, qui mettaient à disposition tous leurs sites, n’en ouvrent plus désormais que quelques‑uns.

Enfin, la question du manque de personnel et de financement se pose. On dénombre 200 postes non pourvus à l’EFS. Au Palais-sur-Vienne, on m’explique que l’EFS fonctionne à flux tendus et qu’il suffit qu’un chauffeur soit malade pour que la collecte soit annulée. En 2022, 2 174 collectes ont été annulées faute de personnel, ce qui représente 100 000 poches de sang.

Quelle réponse vous a été fournie à ce sujet ? Quelles sont les perspectives pour faire en sorte que l’EFS recrute davantage ? Il est ubuesque que des collectes de sang soient annulées en raison d’un manque de moyens lorsqu’il y a suffisamment de donneurs.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Monsieur le rapporteur, votre travail approfondi a mis en lumière la pénurie importante de plasma, que nous étions nombreux à ne pas soupçonner. J’entends dire dans les collectes de la Loire que les salariés ont de plus en plus de mal à se libérer pour donner leur sang. Les donneurs bénévoles m’ont écrit il y a quelques jours pour me faire part de leur soutien unanime à la présente proposition de loi.

J’allais vous interroger sur les craintes éventuelles des employeurs mais les garde‑fous que vous venez de présenter sont tout à fait rassurants : ils garantissent en effet que la proposition de loi ne désorganisera pas les administrations et les entreprises. J’espère que nous l’adopterons à l’unanimité.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Monsieur le rapporteur, je salue votre implication sur la question du don du sang. Comme vous, je mesure l’engagement des bénévoles au sein des comités locaux. Sans le dévouement dont ils font preuve pour assurer le bon accueil des donneurs, la collecte n’aurait pas lieu. Je suis aussi attaché que vous au modèle français du don du sang, fondé sur le volontariat, l’anonymat et l’absence de rémunération, qui repose sur la générosité des donneurs et le dévouement des bénévoles.

Avez-vous eu des échanges préparatoires avec le Gouvernement sur l’encadrement de ce modèle dans la proposition de loi ? Comme vous l’indiquez page 14 de votre rapport, dans certains pays, l’assurance maladie compense les temps d’absence. Dans votre proposition de loi, ce temps est offert par les entreprises aux salariés, qui ne perdent aucune rémunération. Pourront-elles valoriser cette dépense auprès de l’État au titre du mécénat ? Comment conjuguez-vous le beau principe de la disponibilité pour donner son sang et l’attachement à notre modèle, qui est fondé sur la gratuité ? J’espère que nos débats nous rassureront sur cette exigence éthique à laquelle nous tenons, qui renvoie à la responsabilité sociale des entreprises.

M. le rapporteur. Monsieur Maudet, je vous précise que l’EFS a conclu des conventions avec des entreprises nationales – telles que la RATP, La Poste, la SNCF ou ADP. Il a également signé des accords, à l’échelon local, avec des sociétés relativement importantes qui permettent à l’antenne départementale de l’EFS de se rendre dans leurs locaux, sous réserve d’un nombre suffisant d’employés. En effet, les opérations de don du sang exigent la mobilisation d’une lourde logistique mais aussi la présence d’un certain nombre de personnels, chaque donneur étant interrogé sur ses antécédents médicaux.

Je suis très conscient qu’il faudrait davantage encourager ces partenariats sur le terrain, mais cela suppose des moyens. Le président de l’EFS nous a garanti que des recrutements auront lieu dans les prochains mois ou les prochaines années. Toutefois, il ne suffit pas de créer des postes et de les financer, il faut aussi les pourvoir. Or il n’est pas facile de trouver des personnels ayant envie de travailler à l’EFS.

Avec Sylvie Bonnet, je rends hommage au formidable travail des bénévoles, sans lesquels rien ne serait possible sur le terrain. Ils ne comptent pas leurs heures pour aménager les salles et disposer les indispensables collations pour les donneurs, avec lesquels ils partagent des moments de convivialité.

Comme moi, Thibault Bazin est élu dans un département au revenu par habitant modeste, où les personnes en difficulté représentent une part importante de la population. Il sait que ce sont souvent ces personnes-là – les cartes et les statistiques présentées dans mon rapport l’illustrent – qui font preuve de générosité lorsqu’il s’agit de donner son sang – même si, naturellement, elles ne sont pas les seules.

Il est possible d’offrir une contrepartie au monde économique par le biais du mécénat mais il faut veiller à ne pas bifurquer vers un système où l’on donnerait de l’argent aux entreprises pour qu’elles laissent partir leurs salariés ; en effet, cela pourrait remettre en cause le principe fondamental de la gratuité. Plusieurs options sont envisageables. Nous pourrions nous pencher sur la question au cours d’une prochaine étape ou examiner le sujet en séance publique si des amendements étaient déposés sur ce point. À l’heure actuelle, les donneurs sont éligibles à une compensation plafonnée à 7 euros mais j’imagine que très peu de ces personnes, qui ont la générosité dans le sang, en font la demande.

Article unique : Autoriser les salariés à participer à des collectes de produits sanguins sur leur temps de travail

Amendement AS30 de M. Pierre Cordier

M. le rapporteur. Cet amendement de précision rédactionnelle vise, au début de l’alinéa 2, à substituer aux mots « Chaque salarié privé et public peut s’absenter de son entreprise » les mots « Les salariés et les agents publics bénéficient d’une autorisation d’absence ».

M. Nicolas Turquois (Dem). Très attaché au don du sang, je suis gêné par la rédaction proposée. À titre d’exemple, comment des enseignants pourraient-ils s’absenter une heure dans une école rurale, où il est très difficile de se faire remplacer ? Je préfère l’organisation inverse, à savoir que l’on facilite les dons de sang à proximité du lieu de travail.

M. le rapporteur. Je défendrai un amendement mentionnant la continuité du service. Votre objection est recevable à l’aune du droit en vigueur, mais vous constaterez que mes amendements permettront de limiter les absences pour don de sang.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS1 de M. Pierrick Courbon tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS31 de M. Pierre Cordier.

Amendements AS32 de M. Pierre Cordier et AS7 de M. Théo Bernhardt (discussion commune)

M. le rapporteur. Mon amendement vise à encadrer le régime des autorisations d’absence en limitant leur nombre à une par mois et en précisant que le lieu de prélèvement doit se situer à une distance maximale – qui sera définie par décret – du lieu de travail. Cet encadrement du dispositif, qui reste très souple, permet de sécuriser les employeurs sans limiter trop fortement la possibilité offerte aux salariés de s’absenter pour donner leur sang. Rappelons qu’un donneur effectue en moyenne 1,5 don par an pour les globules rouges et 2,4 dons pour le plasma ; les hommes peuvent donner 6 fois par an et les femmes, 4 fois.

M. Théo Bernhardt (RN). Mon amendement vise à préciser que le salarié effectue son don dans le site de collecte le plus proche de son lieu de travail ou de son domicile. Cette garantie de bon sens est de nature à éviter les détours injustifiés, à limiter la durée de l’absence et à rassurer les petites entreprises, qui craignent que des demi-journées entières soient passées hors site. Le donneur conserverait une vraie liberté ; il pourrait choisir le centre le plus pratique, notamment un site mobile. De son côté, l’employeur serait tranquillisé par l’obligation de proximité. Nous conjuguerions ainsi efficacité sanitaire et responsabilité économique.

M. le rapporteur. L’amendement AS7 est satisfait par mon amendement. Demande de retrait.

M. Théo Bernhardt (RN). Mon amendement renvoie la définition de la distance maximale du lieu de travail à un décret. Je ne suis pas favorable au recours systématique au décret. En outre, la distance à un centre varie grandement selon que l’on se trouve en ville ou en zone rurale.

M. Hendrik Davi (EcoS). Notre groupe est opposé aux deux amendements, qui procèdent de la même logique. Leurs auteurs ont une vision du travail et des employeurs assez délétère. Les salariés ne cherchent pas à quitter leur poste à tout prix, surtout s’ils donnent leur sang. En outre, on ne donne pas son sang tous les jours.

Fixer un plafond d’une absence par mois enverrait un mauvais signal, d’autant que nous avons des difficultés à ouvrir des maisons du don et à aller vers les donneurs en zone rurale. Je comprends que l’on veuille rassurer les entreprises mais les donneurs de sang ou de plasma ne sont pas des lycéens qui demandent à aller à l’infirmerie pour louper le cours. Cette vision du salariat me pose problème.

M. Pierrick Courbon (SOC). Notre groupe est également opposé aux deux amendements, qui sont contraires à l’objectif de la proposition de loi. Celle-ci repose sur le constat d’une carence, notamment en dons de plasma, que la loi limite à vingt-quatre par aphérèse par an, espacés chacun de deux semaines au moins. Pourquoi interdire aux donneurs les plus assidus d’atteindre ce plafond alors même que nous manquons de plasma ?

S’agissant de la distance maximale, les amendements procèdent d’une défiance a priori vis-à-vis des salariés, considérés comme des personnes cherchant à tricher et à éviter de travailler sous couvert d’un don de sang, ce qui n’est pas exactement l’état d’esprit des personnes qui donnent leur sang. Surtout, nous sommes farouchement opposés à sa définition par décret, lequel pourrait exclure certains donneurs du périmètre de la proposition de loi, d’autant que certains d’entre eux, faute de maison du don à proximité, doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres – à titre d’exemple, le nord du département de la Loire est distant de 80 kilomètres de Saint-Étienne.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Si l’objectif de la proposition de loi est d’accroître les dons pour faire face aux besoins, il me semble logique que ce droit puisse s’exercer à l’identique dans l’entreprise et hors de celle-ci. La loi limitant le nombre de dons à vingt‑quatre par an, je ne vois pas où est le risque de dérive.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’amendement du rapporteur soulève deux questions. Premièrement, il sera difficile de définir la distance maximale. Cela doit se faire en bonne intelligence entre le salarié et l’employeur ; en outre, il faut nécessairement distinguer les zones rurales et urbaines. De surcroît, cela implique une forme de flicage n’augurant rien de bon de l’application de cette nouvelle disposition dans le monde de l’entreprise.

Deuxièmement, s’agissant du nombre de dons, il faut concilier, dans ce texte, la nécessité de collecter davantage de sang et de plasma, d’une part, et la bonne organisation de l’entreprise, d’autre part. Un don de plasma nécessite une heure et demie, soit environ une demi‑journée si l’on inclut le déplacement. Il est donc souhaitable de limiter le nombre de dons, d’autant que la personne peut en faire d’autres pendant son temps libre – tel est l’objet de l’amendement AS23, que je défendrai ultérieurement.

M. le rapporteur. On dénombre, en moyenne, 1,5 don de sang total et 2,4 dons de plasma par an. La proposition de loi permettrait d’en réaliser un par mois, soit douze par an, ce qui augmenterait significativement la moyenne.

Par ailleurs, rien n’empêche un salarié de donner son sang une fois sa journée terminée ou le samedi matin. J’ai sous les yeux les horaires d’ouverture de la maison du don de Charleville-Mézières et de la collecte mobile : ils permettent d’accueillir une personne à l’issue de sa journée ou de sa semaine de travail.

Recourir au décret permet de s’adapter à la diversité des territoires sans énumérer fidèlement les caractéristiques de la géographie française dans la proposition de loi. Je fais confiance au pouvoir réglementaire pour définir la bonne distance. Tout ce qui peut augmenter les moyennes précitées est bon à prendre.

Il ne s’agit pas de restreindre la possibilité offerte aux salariés, mais d’encadrer un peu les choses. Cela étant, nous ne souhaitons pas réduire la portée du texte en l’assortissant de conditions trop nombreuses. Les présidents de l’EFS et de la Fédération française pour le don de sang bénévole se sont montrés satisfaits des modalités du texte et des amendements que je défends.

Ce texte ne restreint pas la liberté, au contraire. Qui peut le plus peut le moins ; même si le texte n’est pas parfait et n’établit pas de distinction entre les plaquettes, le plasma et le don total, c’est une première marche pour encourager au don.

M. Théo Bernhardt (RN). En relisant votre amendement, monsieur le rapporteur, je vois qu’il autorise une absence par mois civil. Par cohérence avec les règles de l’EFS, ne serait-il pas préférable de prévoir trente jours glissants ?

M. le rapporteur. Nous aviserons d’ici à la séance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS11 de M. Théo Bernhardt et AS23 de Mme Camille GalliardMinier, sous-amendement AS43 de M. Pierre Cordier (discussion commune)

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il est important de concilier la générosité du salarié et l’organisation du travail en entreprise. En audition, il a été rappelé qu’un donneur donnait son sang, en moyenne, 1,5 fois par an, ses plaquettes, 2,2 fois et son plasma, 2,4 fois. Je propose de limiter le nombre d’absences à quatre par an, ce qui permettrait de donner son sang à une fréquence deux fois supérieure à la moyenne actuellement constatée.

M. le rapporteur. Il faut laisser de la souplesse à chaque donneur. La limite de quatre par an est tout à fait insuffisante au vu des besoins estimés par le président de l’EFS et par la Fédération française pour le don de sang bénévole. J’ai déposé un sous-amendement qui vise à revenir à douze absences par an, soit une par mois, comme je l’avais proposé initialement. Nous verrons ensuite s’il est préférable de fixer ce quota sur trente jours glissants.

Avis défavorable sur l’amendement AS11 et avis favorable sur l’amendement AS23, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Vous allez nous faire regretter d’avoir rejeté l’amendement précédent ! Quatre absences par an, cela ne paraît pas dramatique eu égard à la limite annuelle au don de sang – six pour les hommes, quatre pour les femmes –, mais le problème concerne les dons de plasma. Actuellement, celui-ci est importé des États-Unis, où les donneurs sont rémunérés – il s’agit, pour l’essentiel, de Mexicains sous-alimentés qui traversent la frontière pour donner leur sang afin de survivre ; au-delà de la dimension éthique, les conditions dans lesquels le plasma est recueilli sont donc loin d’être idéales. Nous avons à Arras une usine de traitement de plasma qui a coûté près de 1 milliard d’euros : utilisons-la ! Quatre dons de plasma par an, cela ne va pas.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur le rapporteur, je porte cette démarche à votre crédit, mais, chez moi, les PME vont encore se dire qu’on leur complique la vie. L’un de nos collègues a demandé pourquoi on limitait le nombre d’absences puisqu’on peut faire vingt‑quatre dons de plasma par an. Trouvez-moi un seul donneur en France qui ait fait vingt‑quatre dons de plasma dans l’année ! Je connais bien le don du sang, personne ne va jusque-là. La proposition de Mme Galliard-Minier constitue un bon équilibre, dans un premier temps, entre la prise en compte des interrogations des chefs d’entreprise – que je partage, pour en être un moi-même – et la nécessité de remédier au manque de plasma en France.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Nous souhaitons tous qu’il y ait plus de donneurs pour sauver des vies. Le fait que l’entreprise prenne en charge une demi-journée d’absence incitera peut-être certaines personnes à aller donner leur sang ou leur plasma. Néanmoins, cela reviendrait à accorder six jours d’absence par an, ce qui n’est pas anodin pour une PME. Il faut inciter les gens à donner sur leur temps personnel une fois qu’ils en auront pris l’habitude.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il y a un juste équilibre à trouver entre l’incitation au don et les contraintes des entreprises. Soyons optimistes : pour les personnes qui n’ont jamais donné leur sang, ce texte jouera peut-être le rôle d’un déclencheur. Cependant, on peut aussi donner les jours où l’on ne travaille pas. Ces journées de don sur le temps des entreprises sont un moyen d’inciter et de communiquer, pas une fin en soi.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Je ne comprends pas cette suspicion à l’égard des salariés. On parle, au pire, de six absences, soit trois jours dans l’année : ce n’est quasiment rien ! On veut surveiller les salariés à tous les niveaux mais on ne se soucie absolument pas de l’application effective des obligations des employeurs. Alors que l’on a besoin de dons réguliers, notamment de plaquettes, dont la durée de vie est courte, pour traiter des malades du cancer, nous devrions plutôt nous concentrer sur la protection des salariés contre les discriminations auxquelles ils peuvent être confrontés lorsqu’ils veulent aider la société.

M. le rapporteur. Je remarque qu’au début de la réunion, tout le monde trouvait le texte formidable, puis qu’à présent, on veut tout détricoter.

La philosophie du texte n’est pas d’obliger le salarié à prendre sur son temps de travail pour aller donner son sang douze fois par an. Monsieur Turquois, vous qui connaissez bien le don du sang, savez-vous combien il y a de donneurs, en moyenne, lors d’une collecte mobile dans un territoire comme le mien – les Ardennes –, où les bassins de vie oscillent entre 10 000 et 15 000 habitants ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Je dirais entre cinquante et soixante.

M. le rapporteur. C’est cela. Une fois que l’on a retiré les jeunes et les retraités – je rappelle que l’âge limite pour donner son sang a été relevé à 70 ans –, combien de salariés cela va-t-il concerner ? Très peu. Il faut relativiser : comme l’a dit le président de l’EFS, il s’agit d’un encouragement au premier don. Il n’est pas question de donner exclusivement sur son temps de travail.

Mme Galliard-Minier propose d’abaisser le plafond de douze à quatre absences : j’aurais aimé en être informé plus tôt. Ce n’est pas un bon compromis car il n’est pas certain que cela fasse beaucoup augmenter les dons. Je rappelle que la moyenne annuelle est de 1,5 don de sang et de 2,4 dons pour le plasma. Nous avons posé clairement la question au président de l’EFS ; c’est lui qui a évoqué le nombre de douze. Je vous demande de faire preuve d’un peu de souplesse. Les patrons de PMI-PME étaient inquiets au départ, mais j’ai rassuré le président du Medef local en évoquant les dispositions contenues dans mes amendements.

M. Théo Bernhardt (RN). Madame Soudais, nous ne faisons preuve d’aucune suspicion générale envers les salariés : au contraire, nous les incitons à donner jusqu’à douze fois par an, contre une à trois fois actuellement. Il s’agit simplement d’éviter les dérives, certes rares, qui accompagnent tout dispositif.

M. le rapporteur. Afin de préciser les choses, je propose de sous-amender l’amendement de Mme Galliard-Minier afin de substituer au mot « quatre » le mot « douze ».

L’amendement AS11 est retiré.

La commission adopte le sous-amendement puis rejette l’amendement AS23 sousamendé.

La réunion s’achève à vingt heures.


Présences en réunion

Présents.  M. Gabriel Amard, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Bérenger Cernon, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Pierre Cordier, Mme Josiane Corneloup, M. Pierrick Courbon, M. Hendrik Davi, M. Fabien Di Filippo, M. Gaëtan Dussausaye, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Joséphine Missoffe, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Ersilia Soudais, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, M. Stéphane Viry

Excusés.  Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Elie Califer, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon

Assistaient également à la réunion.  M. Damien Maudet, M. Nicolas Ray