Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Suite de l’examen de la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail (n° 732) (M. Pierre Cordier, rapporteur)              2

– Examen de la proposition de loi visant à exercer l’accès à l’emploi, pérenniser et étendre progressivement l’expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée comme solution de retour à l’emploi pour les personnes privées durablement d’emploi (n° 1326) (M. Stéphane Viry, rapporteur)              11

– Présences en réunion.................................32

 

 

 

 

 


Mardi
27 mai 2025

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 88

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


  1 

La réunion commence à vingt et une heures trente.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail (n° 732) (M. Pierre Cordier, rapporteur).

Article unique (suite) : Autoriser les salariés à participer à des collectes de produits sanguins sur leur temps de travail

Amendement AS33 de M. Pierre Cordier, sous-amendements AS42 de M. Théo Bernhardt et AS44 de M. Pierrick Courbon, et amendements AS8 et AS9 de M. Théo Bernhardt (discussion commune)

M. Pierre Cordier, rapporteur. Mon amendement ajoute un alinéa après l’alinéa 2 afin d’apporter trois précisions.

Il prévoit que le salarié ou l’agent public devra informer son employeur de sa volonté de se rendre à une collecte de sang au moins quarante-huit heures à l’avance.

Il offre à l’employeur la possibilité de refuser l’octroi de l’autorisation d’absence, mais uniquement pour des motifs liés à l’organisation ou à la continuité de l’activité économique ou du service. Il s’agit d’éviter que les absences ne se concentrent au même moment ou que le déplacement ait lieu lors d’une journée particulièrement chargée.

Enfin, il réécrit l’alinéa 4 de l’article unique selon lequel le salarié « fournit un justificatif de son don ou de son déplacement » pour ne conserver qu’une référence à la candidature au don, conformément à une proposition de la Fédération française pour le don de sang bénévole visant à mieux garantir le respect de la vie privée du salarié. Ainsi, l’employeur ne pourra pas savoir si des problèmes médicaux ou des contre-indications ont éventuellement fait obstacle au don. Seul serait pris en compte le fait que salarié s’est présenté à l’accueil et a passé l’entretien préalable.

M. Théo Bernhardt (RN). Mon sous-amendement vise à étendre le délai dont dispose le salarié pour prévenir son employeur de deux jours à trois jours ouvrés, afin de prendre en compte les week-ends et les jours fériés ; mon amendement AS8 propose de le fixer à soixante-douze heures. Quant à mon amendement AS9, il permet à l’employeur de reporter l’autorisation d’absence dans les trente jours suivant la demande émise par le salarié.

M. Pierrick Courbon (SOC). Mon sous-amendement vise à supprimer la troisième phrase de l’amendement car les termes de « justificatif de candidature au don », nous paraissent ambigus : l’un fait référence à la phase qui se situe après le don – le justificatif concerne le bon accomplissement d’une démarche – et, l’autre, celle qui se situe avant – la candidature désigne le fait de déposer une demande en amont. Par ailleurs, on ne saurait être candidat à un don : on se présente à un centre de collecte en vue du don. Il faudra donc trouver une autre rédaction d’ici à la séance. Cela dit, je suis prêt à le retirer car je suis d’accord avec la logique qui a motivé la reformulation proposée par le rapporteur.

M. le rapporteur. Monsieur Courbon, je suis d’accord pour qu’on revoie cette formulation d’ici à la séance et vous remercie pour le retrait de votre sous-amendement.

Sur votre sous-amendement, monsieur Bernhardt : sagesse. Si le salarié fait sa demande un vendredi, il peut en effet être difficile à employeur de s’organiser pour le lundi. Quant à vos amendements AS8 et AS9, je vous demanderai de les retirer.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je suis défavorable aux propositions de notre collègue Bernhardt : deux jours semblent un délai raisonnable. Introduire trop de critères viendrait limiter l’effet incitatif que nous recherchons.

M. Théo Bernhardt (RN). Il faut prendre en compte le caractère ouvré des jours pour faciliter l’organisation de l’employeur.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Peut-être pourra-t-on ajouter en vue de la séance le mot « ouvrés » mais restons-en à un délai de deux jours.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir pris en compte la proposition faite lors des auditions s’agissant du justificatif : ainsi, le salarié ne risque pas d’avoir à expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas pu donner son sang. Par ailleurs, pour éviter le mot « candidature », je vous signale qu’ont été proposés les termes d’« attestation de présentation au don ».

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Je trouve gênant que l’amendement ne prévoie pas de moyens coercitifs pour obliger l’employeur à motiver sa décision alors que pour le salarié, il n’y a que des contraintes supplémentaires sans possibilité de recours. Comment parviendra-t-on, dans ces conditions, à atteindre les objectifs de cette proposition de loi ?

M. Théo Bernhardt (RN). Pourquoi la logique de la suspicion que vous refusez de voir appliquée aux salariés vaudrait-elle pour les employeurs ? Ils sont capables de s’organiser correctement, à condition d’être notifiés des absences par avance.

M. le rapporteur. Je ne comprends pas votre remarque, madame Soudais, puisque l’amendement prévoit que « l’employeur peut s’y opposer pour des motifs tenant à l’organisation et à la continuité du service ou de l’activité économique ». La nécessité d’une justification est bien prise en compte. Faire entrer des considérations de philosophie politique dans ce débat me gêne : n’allons pas voir dans les relations entre salariés et employeurs une lutte des classes entre ouvriers et patrons. Ce n’est pas donner un spectacle agréable à celles et ceux qui nous regardent. Comptons sur le sens des responsabilités des chefs d’entreprise et sur la conscience professionnelle des salariés, qui ont aussi la possibilité d’aller donner leur sang en dehors de leurs heures travail. Restons-en à l’idée que ce texte appelle simplement quelques aménagements.

M. Pierrick Courbon (SOC). Monsieur le rapporteur, nous défendons nos points de vue dans un esprit constructif et nous pouvons assumer nos divergences. Quelle que soit la bonne volonté manifestée par les uns et par les autres dans une entreprise, employeur et employé ne sont, par définition, pas sur un pied d’égalité puisque le contrat de travail suppose un lien de subordination – ce n’est ni un gros mot, ni une manifestation de la lutte des classes. Le travail du dimanche, par exemple, fait l’objet de fortes incitations de la part de certains employeurs alors qu’aux termes de la loi, il n’est qu’une possibilité. Il me semble donc nécessaire à moi aussi de prévoir que les employeurs justifient leur refus. Si l’on pose pour condition pour les salariés de ne pas se rendre dans un centre situé dans un rayon de plus tant de kilomètres, pourquoi les employeurs n’auraient-ils qu’à invoquer des « motifs impérieux » sans avoir à les justifier ? Le dialogue social dans une entreprise peut appeler des explications complémentaires.

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Si tout était si rose dans le monde de l’entreprise, nous pourrions nous passer de la justice prud’homale et nous n’aurions pas non plus à légiférer pour encadrer le don de sang des salariés. Prévoir que l’employeur ait à justifier son refus est essentiel, je le sais d’expérience.

Le sous-amendement AS44 ayant été retiré, la commission rejette le sousamendement AS42 puis adopte l’amendement AS33.

En conséquence, les amendements AS8 et AS9 tombent.

Amendements AS35 de M. Pierre Cordier et AS2 M. Pierrick Courbon (discussion commune)

M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

M. Pierrick Courbon (SOC). L’amendement du rapporteur est loin d’être simplement rédactionnel. Il touche au cœur de cette proposition de loi, la rémunération du salarié pendant la durée consacrée au don, en prévoyant qu’elle soit maintenue alors que, selon la rédaction actuelle, elle peut seulement l’être. Notre amendement va dans le même sens.

M. le rapporteur. Votre amendement est en effet satisfait par mon amendement, qui impose bien une obligation de maintien de la rémunération en remplaçant « peut être » par « être ».

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il est bon que cette garantie de maintien soit introduite : il faut que la rémunération ne soit pas seulement possible, mais obligatoire.

La commission adopte l’amendement AS35.

En conséquence, l’amendement AS2 tombe.

La commission adopte ensuite les amendements rédactionnels AS38, AS34, AS39 et AS36 de M. Pierre Cordier.

L’amendement AS40 de M. Pierre Cordier, rapporteur, est retiré.

Amendement AS24 de Mme Camille Galliard-Minier

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Vous venez de retirer l’amendement AS40 qui visait à supprimer l’alinéa 4, ce qui paraissait logique compte tenu des modifications apportées par l’amendement AS33 qui fait porter le justificatif non sur le don mais sur la candidature du salarié au don. Mais dès lors que cet alinéa est maintenu, je vais défendre mon amendement qui supprime les termes « de son don » pour limiter l’objet du justificatif au déplacement.

M. le rapporteur. L’adoption de l’amendement AS33 rend votre amendement sans objet.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Le problème, c’est que l’alinéa 4, qui fait référence au justificatif de don, est maintenu alors que vous avez dit vouloir supprimer cette formulation.

M. le rapporteur. En effet. J’aimerais que l’amendement AS40 soit à nouveau soumis à notre discussion, monsieur le président.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vais accéder à votre demande, monsieur le rapporteur, car il me semble en effet qu’il a été trop vite retiré.

Amendement AS40 de M. Pierre Cordier

M. Pierrick Courbon (SOC). L’erreur originelle vient de la troisième phrase de l’amendement AS33 qui a introduit la notion de « justificatif de la candidature au don fourni par le salarié ». Mon sous-amendement proposait de la supprimer, car elle revenait à faire de ce quatrième alinéa un doublon maladroit. En séance, je proposerai à nouveau cette suppression : il serait bon de réserver les modifications concernant le justificatif à cet alinéa 4, ce qui nous permettrait d’ailleurs d’introduire les termes d’« attestation de présentation ».

M. Nicolas Turquois (Dem). Qu’une candidature fasse l’objet d’un justificatif pose problème en effet : pourquoi le salarié devrait-il apporter la preuve à son employeur qu’il demande à faire un don ? Ce justificatif ne doit pas non plus porter sur le don en tant que tel car il peut être in fine refusé. Il serait plus pertinent que ce soit la présentation effective du salarié au centre qui fasse l’objet d’une justification auprès de l’employeur.

M. le rapporteur. Il nous faudra utiliser un autre mot que « candidature », qui ne me semble pas approprié à un don de sang ; nous y reviendrons en séance.

M. Pierrick Courbon (SOC). Il me semble que M. Turquois introduit une nouvelle condition. Le salarié devrait d’abord – si j’ai bien compris son propos – attester l’organisation d’une collecte à l’appui de sa demande d’autorisation d’absence, puis produire la preuve qu’il s’est bien présenté au don. Un tel dispositif serait très restrictif.

M. Nicolas Turquois (Dem). Non, dans mon esprit, le salarié ferait part oralement à son employeur de sa volonté de se rendre à la collecte et produirait, après le don, un justificatif prouvant qu’il s’y est bien rendu.

M. Pierre Cordier (DR). Voilà : il justifierait a posteriori qu’il s’est présenté à la collecte.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS24 de Mme Camille Galliard-Minier, AS5, AS4 et AS6 de M. Pierrick Courbon et AS19 de Mme Ersilia Soudais tombent.

Amendement AS26 de Mme Sylvie Dezarnaud

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. L’amendement, qui tend à préciser que l’organisation des collectes est coordonnée avec les associations locales de donneurs de sang bénévoles, est satisfait, comme cela est d’ailleurs indiqué dans l’exposé sommaire. En effet, l’Établissement français du sang (EFS) s’appuie beaucoup sur les associations locales, surtout dans les zones rurales, où il est nécessaire de mobiliser la population en amont de la collecte.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS25 de Mme Sylvie Dezarnaud

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser que l’EFS doit faciliter l’organisation de collectes mobiles de sang dans les territoires ruraux, insulaires ou montagneux. Je souscris à cet objectif, mais il convient de tenir compte des contraintes techniques et financières qui s’imposent à l’EFS. Celui-ci organise des collectes de sang dans les endroits où le vivier de donneurs potentiels est suffisamment important, faute de quoi le coût du déplacement et de l’organisation de la collecte dépasserait le gain qui en résulte.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS27 de Mme Sylvie Dezarnaud

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS15 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Compte tenu de la nécessité de rajeunir la population des donneurs, nous proposons d’étendre le dispositif de l’article unique aux étudiants en leur accordant des autorisations d’absence pour don de sang. Cette mesure symbolique – son coût serait nul – est néanmoins importante en ce qu’elle favoriserait la constitution d’un nouveau vivier de donneurs.

M. le rapporteur. Je comprends votre objectif, mais la situation des étudiants n’est pas la même que celle des salariés et des agents publics, auxquels est circonscrit l’objet de la proposition de loi.

Même si les études sont prenantes et ne se limitent pas aux cours en amphithéâtre, un étudiant n’a pas les mêmes contraintes horaires qu’un salarié ou un agent public. De plus, des collectes mobiles sont très souvent organisées sur les campus universitaires – comme récemment à Charleville-Mézières –, ce qui encourage beaucoup de jeunes à donner leur sang : 30 % des donneurs annuels ont moins de 30 ans.

La population qu’il est le plus difficile à encourager à donner son sang est celle des actifs, en raison des contraintes professionnelles et personnelles auxquelles ils sont soumis. C’est pourquoi c’est le public visé par la proposition de loi.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le symbole est important : je maintiens l’amendement.

M. Nicolas Turquois (Dem). Certes, de nombreuses initiatives sont prises sur les campus pour encourager le don de sang. Mais si la mesure proposée peut inciter des étudiants à faire le premier don, qui est le plus dur, et favoriser une émulation, j’y suis plutôt favorable – moyennant une modification rédactionnelle pour remplacer le justificatif « de don » par un justificatif de présentation au don.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je comprends l’idée. Il est vrai que le renouvellement des donneurs est un enjeu. Toutefois, il ne me paraît pas nécessaire d’adopter ce dispositif pour inciter les jeunes à donner : ils le font déjà, comme on peut le constater dans les comités locaux. Dans ma circonscription, l’un de ces comités est même présidé par une donneuse de 20 ans.

Par ailleurs, les horaires des étudiants ne sont pas aussi contraignants que ceux des salariés et des collectes sont souvent organisées aux abords des universités afin que les étudiants puissent s’y rendre pendant les pauses, avant ou après leurs cours. Il ne me semble donc pas opportun de leur permettre de s’absenter des activités obligatoires.

Enfin, si l’on veut que la navette aboutisse, mieux vaut éviter d’adopter des mesures telles que celle-là, qui sortent du périmètre du texte.

M. Théo Bernhardt (RN). L’idée est louable et nous pouvons tous nous accorder sur la nécessité d’un rajeunissement des donneurs. Mais cet amendement ne correspond pas à l’objet du texte. Je me demande du reste pourquoi il n’a pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, alors que certains des miens, qui avaient pourtant un lien avec la proposition de loi, l’ont été – mais c’est un autre débat.

Au demeurant, les établissements d’éducation – universités, lycées, centres de formation d’apprentis... – organisent déjà très régulièrement des collectes de produits sanguins, et les étudiants, notamment à l’université, ont des horaires qui leur permettent d’y participer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS20 de M. Bérenger Cernon

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Les travailleurs des services essentiels – soignants, cheminots, professeurs… – font tourner le pays. Sans eux, pas de services publics. Or leurs contraintes horaires rendent très difficile, voire impossible, leur participation à cet acte très important qu’est le don du sang. Nous proposons donc qu’ils bénéficient du droit de s’absenter pour faire un don ou d’un temps de récupération si ce don est effectué en dehors de leurs horaires de travail, à raison d’une demi-journée pour un don de sang ou de plasma et d’une journée pour un don de plaquettes. C’est bien peu, au regard de ce qu’ils donnent au pays par leur travail. Ce serait non seulement une mesure de justice, mais aussi une mesure d’intérêt général.

M. le rapporteur. Vous proposez de créer un congé don du sang, en quelque sorte, pour les personnes qui travaillent pour des opérateurs fournissant un service essentiel, c’est‑à‑dire, dans votre esprit, ceux pour qui il est difficile de s’absenter de leur poste de travail en journée, même avec l’accord de leur employeur.

Je comprends l’esprit de votre amendement, mais il créerait une distorsion majeure entre ces salariés et les autres travailleurs. De plus, quelle différence y a-t-il entre une autorisation d’absence sur temps de travail et une demi-journée de congé supplémentaire si la personne ne peut pas se permettre de ne pas se rendre au travail en raison du caractère essentiel de son emploi ?

Avis défavorable.

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Je n’invente rien. J’ai été conducteur de train pendant dix-sept ans à la SNCF : vous vous doutez bien que je ne pouvais pas arrêter mon train pendant deux heures pour aller donner mon sang. Notre accord d’entreprise prévoyait donc une demi-journée de récupération pour les salariés qui effectuait un don de sang ou de plaquettes. Si l’objectif de la proposition de loi est d’inciter les salariés à donner leur sang ; elle doit donc comporter un dispositif pour les travailleurs des services essentiels, qui ne peuvent pas s’absenter de leur poste de travail. Ce n’est pas grand-chose : ce sont bien d’autres facteurs qui ruinent notre service public.

M. Pierre Cordier (DR). Vous faites sans doute référence à une convention conclue entre l’Établissement français du sang et certaines grandes entreprises, comme La Poste, la RATP, la SNCF ou Aéroports de Paris. Par ailleurs, et je vous le dis en toute amitié, car j’ai beaucoup d’amis qui exercent le même métier que vous, les conducteurs de train de la SNCF ont le temps d’aller donner leur sang en dehors de leurs heures de travail.

Il ne faut pas trop tirer sur la corde, car on risque de dévoyer l’esprit de la proposition de loi. Si l’on vous suivait, un salarié qui donnerait son plasma vingt-quatre fois par an bénéficierait d’autant de demi-journées de récupération. Nous risquerions d’avoir sur le dos de nombreux chefs d’entreprise, de commerçants et d’artisans.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article unique modifié.

Après l’article unique

Amendement AS17 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous proposons que, parmi les missions de l’Établissement français du sang, figure celle d’informer les salariés du public et du privé qu’ils peuvent bénéficier d’une autorisation d’absence rémunérée pour donner leur sang.

M. le rapporteur. Je suis plutôt favorable à votre amendement sur le fond. Toutefois, la rédaction proposée me semble devoir être intégrée directement dans le 2° de l’article L. 1222-1 du code de la santé publique. Si vous en êtes d’accord, nous pourrions y retravailler en vue de la séance. À ce stade, je vous propose donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements AS14 de M. Hendrik Davi et AS 18 de M. Nicolas Ray (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit d’instaurer, à l’instar de ce que faisaient autrefois les grandes entreprises publiques, une autorisation d’absence rémunérée pour les salariés qui participent bénévolement aux activités d’une association de don du sang afin qu’ils puissent consacrer du temps à cet engagement fondamental pour le fonctionnement du système de collecte du don du sang.

M. Nicolas Ray (DR). Nous proposons d’étendre l’autorisation d’absence accordée aux donneurs aux bénévoles d’associations de don du sang. Ces dernières, on le sait, contribuent fortement à l’organisation des collectes, à l’accueil des donneurs et à la préparation de la collation. Or certains présidents d’association sont contraints de prendre des congés pour participer à l’organisation de la collecte. Bien entendu, cette autorisation d’absence serait encadrée par un décret, afin de ne pas désorganiser les entreprises.

Le droit actuel prévoit un congé pour les membres du bureau d’associations d’intérêt général, catégorie à laquelle n’appartiennent pas les associations locales de don du sang. Ce ne sont pourtant pas des associations comme les autres : elles ont une véritable utilité publique dans le domaine de la santé.

M. le rapporteur. Je comprends évidemment l’objectif de ces amendements : je suis le premier à rappeler l’importance du rôle de ces bénévoles au quotidien, qui facilitent grandement le travail de l’EFS, surtout lors des collectes mobiles. Néanmoins, mon avis sera défavorable car, si l’on autorise les bénévoles de ces associations à s’absenter, pourquoi le refuserait-on aux bénévoles membres d’autres associations d’intérêt général ? Je souhaite bien entendu soutenir l’engagement citoyen et associatif, mais ce n’est pas aux entreprises de le financer. L’effort qu’on leur demande en matière de don du sang me semble suffisamment important.

Notre intention est d’autoriser, chaque année, un nombre raisonnable d’absences d’une à deux heures. Or une collecte commence généralement vers 11 heures et se termine vers 19 heures 30 et il y en a, selon les territoires, cinq à dix par an. Cela ferait beaucoup de demi‑journées d’absence ! Je comprends que l’on veuille toujours plus, mais une telle mesure risquerait de décourager les employeurs à autoriser des absences et de désorganiser fortement les entreprises. Les bénévoles font un travail formidable, mais il faut savoir raison garder.

M. le rapporteur général. Si nous voulons que le texte prospère, il nous faut, en effet, faire preuve de prudence dans la définition de son périmètre. Or nous irions trop loin en adoptant cet amendement.

De même, l’intention de confier à l’EFS la mission d’informer les salariés de ce nouveau droit est louable, mais cet établissement est en difficulté et les dotations supplémentaires qui lui ont été allouées doivent être consacrées en priorité à ses missions actuelles. Il faut que les missions qu’on lui confie soient cohérentes avec les moyens dont il dispose.

Même si j’ai, comme vous tous, beaucoup de considération pour les bénévoles, restons raisonnables.

M. Pierrick Courbon (SOC). Pour encourager le don de sang, nous avons besoin des associations, qui ont elles-mêmes besoin de bénévoles. Il nous faudra d’ailleurs traiter de l’engagement bénévole, notamment des actifs – peut-être en aurons-nous l’occasion si nous sommes amenés à reparler des retraites. Toujours est-il que la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a créé un congé d’engagement bénévole qui répond en partie à la demande de notre collègue.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Si l’on revenait sur la réforme des retraites, si l’on fixait l’âge de départ à 60 ans, si l’on instaurait la semaine de 32 heures et si l’on portait à six le nombre de semaines de congés payés, l’amendement de M. Davi ne serait peut-être pas nécessaire.

M. le président Frédéric Valletoux. Cela fait beaucoup de « si » pour une petite proposition de loi.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Vous sacralisez le travail rémunéré, mais le bénévolat est aussi un travail, accompli dans l’intérêt général. Il faut donc le valoriser. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement de M. Davi.

M. Hendrik Davi (EcoS). Une fois n’est pas coutume, je suis entièrement d’accord avec M. Bazin : lorsqu’on décide d’une politique publique, il faut y mettre les moyens. Si l’on permet aux salariés d’être rémunérés lorsqu’ils s’absentent de leur poste de travail pour donner leur sang, il est important qu’ils en soient informés. Cette mission d’information revient, me semble-t-il, à l’EFS, auquel nous devons donner les moyens de l’exercer.

Il en va de même pour les bénévoles. Des gens qui donnent de leur temps – en participant à une banque alimentaire, par exemple – ne le pourront plus demain. Comme on part à la retraite de plus en plus tard, il n’y a plus de bénévoles. C’est pourquoi on aura besoin que les salariés qui ont une activité bénévole puissent s’absenter de leur travail. Il n’y a pas de raison qu’ils ne soient pas rémunérés : cela fait partie de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Elles en profitent, d’ailleurs, car le jour où il n’y aura plus de bénévoles pour faire le travail, elles seront obligées de recourir à des services payants.

Certes, la mesure que je propose est un peu éloignée de la proposition de loi, mais elle est utile.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Le droit prévoit déjà une solution : le mécénat de compétences. Les responsables des entreprises connaissent ce dispositif qui leur offre un avantage fiscal s’ils libèrent leurs salariés pour que ces derniers exercent des activités bénévoles pendant leur temps de travail.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 2 (nouveau) : Rapport d’évaluation sur l’effet de la proposition de loi sur la sensibilisation des citoyens et la fréquentation des lieux de collecte

Amendement AS41 de M. Pierre Cordier

M. le rapporteur. Le présent amendement tend à obtenir, dans un délai de deux ans, un rapport évaluant l’effet du texte sur la fréquentation des lieux de collecte.

La commission adopte l’amendement. L’article 2 est ainsi rédigé.

Après l’article unique

Amendement AS13 de M. Théo Bernhardt

M. Théo Bernhardt (RN). Je propose de demander au Gouvernement de remettre un rapport d’évaluation, dans les trois ans qui suivront la promulgation de la loi.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’adoption du précédent.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Merci pour ce débat. Je ne désespère pas que nous trouvions un accord sur le nombre d’absences lors de l’examen en séance publique, afin d’aboutir à un texte qui satisfasse les salariés sans handicaper les chefs d’entreprise.

*

La commission examine ensuite la proposition de loi visant à exercer l’accès à l’emploi, pérenniser et étendre progressivement l’expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée comme solution de retour à l’emploi pour les personnes privées durablement d’emploi (n° 1326) (M. Stéphane Viry, rapporteur).

M. le président Frédéric Valletoux. La Conférence des présidents a décidé d’inscrire cette proposition de loi au nombre des textes transpartisans qui seront discutés en séance publique à partir de mardi.

M. Stéphane Viry, rapporteur. La présente proposition de loi obéit à un principe fondateur de notre République : nul ne doit être laissé au bord du chemin. L’exclusion du marché du travail n’est pas une fatalité ; le chômage de longue durée isole, désocialise et déclasse durablement ; chaque situation de chômage de longue durée cache des parcours de vie – des hommes, des femmes, des familles qui ont été cabossés et mis à l’écart mais jamais vidés de leur volonté d’agir, de contribuer et de retrouver une place dans la société. Je vous propose de donner à ces convictions une force juridique et pratique pérenne en les inscrivant dans le droit du travail.

L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) n’est pas née dans un bureau ministériel ; issue de la société civile, elle est le résultat de l’engagement associatif et de la volonté de territoires d’agir autrement. ATD Quart Monde, Emmaüs France, le Secours catholique, la Fédération des acteurs de la solidarité, le Pacte civique l’ont soutenue, à l’instar des élus locaux et des citoyens. Elle s’est concrétisée ici dès 2016 grâce à une initiative législative ambitieuse qui a largement convaincu puisqu’elle a été adoptée à l’unanimité, comme son renouvellement en 2020. Fondée sur l’intuition puissante que personne n’est inemployable, elle a donné lieu à une démonstration politique et économique.

Innovante, cette approche repose sur un changement de paradigme : plutôt que d’adapter les personnes aux emplois disponibles, on part des compétences et des aspirations des personnes privées durablement d’emploi pour concevoir des postes adaptés à leurs capacités. On crée autant d’emplois supplémentaires que nécessaire, afin de supprimer localement la privation d’emploi, sans concurrencer les autres voies d’insertion. L’expérimentation tire sa force de sa capacité à démentir certaines idées préconçues sur les demandeurs d’emploi de longue durée : la France n’est pas peuplée de personnes réfractaires au travail mais il convient d’adapter l’offre d’emploi aux réalités individuelles.

Depuis 2017, le dispositif a permis à plus de 9 000 personnes de retrouver un emploi digne. Plus de 3 900 personnes sont actuellement en contrat à durée indéterminée (CDI) dans l’une des quatre-vingt-douze entreprises à but d’emploi (EBE), qui ne sont pas des entreprises comme les autres : elles cultivent la force du collectif, l’entraide et la solidarité entre les salariés. Loin de se contenter d’offrir des contrats de travail, elles recréent du lien, elles reconstruisent une communauté, elles redonnent à chacun un rôle, de la reconnaissance, l’estime de soi – cela, aucun bilan financier ne peut le quantifier.

Territoires zéro chômeur de longue durée n’est pas un pari idéologique : c’est une réalité concrète, une réussite locale devenue une promesse nationale. Le rapport final d’évaluation de la première loi, rédigé par le comité scientifique et remis en avril 2021, l’a clairement établi : « Les structures créées ont [...] contribué à améliorer la trajectoire en emploi et, plus largement, le bien-être des bénéficiaires [...] » Il souligne que le CDI joue un rôle majeur, parce qu’il offre un horizon, une stabilité et une sécurité indispensables pour se reconstruire.

Le projet repose sur une coconstruction inédite des collectivités, des citoyens, des acteurs de l’emploi et des entreprises : la méthode est démocratique, décentralisée et, grâce aux comités locaux pour l’emploi (CLE), ancrée dans les territoires. C’est aussi cela, l’innovation sociale : faire confiance à l’intelligence collective plutôt qu’imposer des solutions verticales standardisées, comme l’ont souligné les représentants de France Travail que nous avons auditionnés.

L’inclusion professionnelle est l’affaire de tous. Le chômage de longue durée fragilise non seulement l’individu, mais aussi la société : replacer chacun dans un emploi, c’est retisser le lien républicain. L’approche repose sur une conception exigeante de la citoyenneté, qui reconnaît à chacun des droits mais lui confère des responsabilités.

Depuis ses débuts, le projet TZCLD bénéficie d’un soutien transpartisan et constant. Encore aujourd’hui, il rassemble : dans son discours de politique générale, l’ancien Premier ministre Michel Barnier a salué une initiative qui donne des résultats, digne d’être encouragée ; l’actuel Premier ministre, François Bayrou, maire de Pau, l’a lui-même déployé dans son territoire, avec le plein soutien de sa majorité municipale, témoignant que la démarche, ancrée localement, a une portée concrète.

Certains s’interrogent sur l’opportunité de discuter cette proposition de loi alors que certaines évaluations sont attendues au printemps. Il s’agit non de précipitation mais d’une anticipation responsable, afin de sécuriser un dispositif efficace et d’éviter un gâchis social. L’urgence politique est réelle : en cas de dissolution ou de censure du Gouvernement, le processus législatif sera interrompu, mettant en péril les quatre-vingt-trois habilitations existantes. Faute d’une nouvelle loi avant juin 2026, l’expérimentation, donc les emplois existants, perdront leur fondement juridique : cela reviendrait à organiser un plan de sauvegarde de l’emploi massif dans tous les territoires concernés – les 3 900 personnes salariées en CDI dans les EBE, dont beaucoup ont connu des années d’exclusion, pourraient perdre leur emploi. Ce serait un non-sens économique, une violence sociale, un reniement politique : nous ne pouvons y consentir. Déposer cette proposition de loi avant la parution d’un énième rapport relatif à un projet déjà maintes fois évalué permet d’engager le débat parlementaire que les dernières données viendront enrichir au moment de l’examen par la Chambre haute.

Tous les ans, l’État dépense pour chaque personne sans emploi des milliers d’euros, sans retour ni effet durable. Pour 6 200 euros par an, TZCLD offre un CDI, un revenu, une dignité, une contribution active à la société. Qui peut dire que ce n’est pas rentable ? Contrairement à ce qui se passe avec les aides classiques, chaque euro investi revient dans l’économie réelle : l’EBE paie la TVA, les salariés consomment et participent au système de protection sociale, les territoires vivent. C’est un cercle vertueux, nullement un trou dans la caisse. Les bénéfices ne se limitent pas au retour à l’emploi : le dispositif améliore la santé mentale, renforce la cohésion sociale et redonne de la confiance. Les effets, que les économistes appellent des externalités positives, sont profonds.

Je pense aux enfants de ces familles : ils ont retrouvé une stabilité, un modèle, de la sérénité quant à l’avenir. Dans ma circonscription, dans les Vosges, une professeure me l’a dit avec émotion : quand un parent retrouve un emploi, l’enfant retrouve le goût d’apprendre. Comment avoir de bons résultats à l’école quand ses parents sont en grande difficulté ; comment ne pas se sentir coupable à l’idée de réussir quand ses parents n’ont pas eu leur chance ? Les enfants concernés vivent un conflit de loyauté. Quand l’emploi revient, toute une chaîne se remet en marche, qui fabrique de la dignité et la possibilité de se projeter. L’école redevient possible. Le projet TZCLD offre davantage qu’un CDI : un retour dans la société et une fierté qui se transmet.

La présente proposition de loi ne pérennise pas un ovni ; elle intègre TZCLD dans l’architecture de la loi pour le plein emploi de 2023, notamment en l’intégrant dans le réseau Pôle emploi ; elle articule l’action des territoires et celle de France Travail, garantissant cohérence et continuité. Là où le dispositif existe, il jouera, avec l’insertion par l’activité économique (IAE), un rôle central pour les personnes privées d’emploi. Les comités départementaux pour l’emploi seront dotés d’une branche consacrée aux personnes durablement privées d’emploi. L’IAE offre un accompagnement que prolonge Territoires zéro chômeur, qui commence souvent là où s’arrêtent les autres dispositifs.

Les grandes voix de l’insertion soutiennent ce projet, parce qu’elles ont compris qu’il était complémentaire. Pour les personnes concernées, qui souvent n’ont plus d’issue, il est un filet de sécurité. Il donne aux départements les moyens d’atteindre l’objectif qui devrait être celui de toute politique sociale : non pas gérer la pauvreté mais la faire reculer, en traitant les causes outre les conséquences, en investissant dans l’autonomie plutôt qu’en maintenant dans la dépendance.

Le texte tend à faire évoluer le niveau de participation des départements, en tenant compte de leurs contraintes financières, que je mesure, étant moi-même conseiller départemental. Je veux offrir aux territoires désireux de participer la possibilité d’alléger la part du département en autorisant une participation accrue des autres collectivités. Il pérennise aussi l’expérimentation tout en respectant son esprit ; il favorise une montée en charge progressive en autorisant de nouvelles candidatures, que l’État devra valider ; il conserve l’exigence d’évaluation continue – il constitue une avancée mesurée mais soutenue par notre détermination.

Territoires zéro chômeurs de longue durée, ce n’est pas un slogan ; c’est une vision, une méthode, la preuve que la République peut innover, faire confiance, réparer et transformer. Je vous demande d’accomplir non un acte de foi mais un acte responsable, d’observer les résultats et d’écouter les voix des territoires et des salariés, pour faire vivre ce droit à l’emploi que la Constitution garantit mais que trop de nos concitoyens attendent encore.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Créée en 2016 et renouvelée en 2020, l’expérimentation fait consensus. Il ne s’agit pas d’une solution pour les millions de chômeurs du pays : elle ne permettra pas au Gouvernement de se dérober à sa responsabilité dans l’explosion du chômage ni dans la désindustrialisation, non plus que de faire oublier son incapacité à répondre à l’urgence sociale qu’ont provoquée des années de politique macroniste.

Souvent, on envisage la lutte contre le chômage par le prisme de la création d’emploi, en fonction de considérations macroéconomiques. Ici l’approche est différente, fondée sur une observation microéconomique ; l’emploi est envisagé dans sa dimension sociale. Cela permet d’apporter une première réponse à la question de savoir pourquoi on n’arrive pas à faire coïncider les personnes qui ne travaillent pas avec les emplois disponibles. Cette solution innovante a déjà prouvé son succès. Nous soutenons en particulier le CDI à temps choisi.

La pérennisation du projet doit garantir l’insertion à moyen et à long terme des bénéficiaires et l’amélioration de leurs compétences, de sorte qu’ils puissent sortir eux-mêmes du dispositif.

Mme Christine Le Nabour (EPR). L’ambition de Territoires zéro chômeur de longue durée est louable : proposer un emploi à toutes celles et à tous ceux qui en ont été durablement privés. Néanmoins, pour débattre de sa pérennisation, nous devons nous astreindre à la rigueur et à la cohérence. La rigueur, d’abord : une évaluation indépendante est en cours d’achèvement ; la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et le comité scientifique qui la coordonnent la remettront en septembre, suivant un calendrier parfaitement compatible avec l’adoption d’un texte avant juin 2026. La Cour des comptes publiera également un rapport fin juin. Or nos débats doivent se nourrir de ces analyses : le postulat que chaque emploi éviterait une dépense de 18 000 euros n’a jamais été vraiment démontré – le coût réel, à savoir 28 500 euros par équivalent temps plein (ETP), serait bien supérieur à celui des autres dispositifs d’insertion.

La cohérence, ensuite : dans certains territoires, l’expérimentation se déroule isolément de l’écosystème des politiques de l’emploi, ce qui est contraire à l’esprit de la loi pour le plein emploi, que j’ai rapportée avec Paul Christophe et qui renforce la concertation territoriale et confie davantage de responsabilités aux préfets. Notre groupe soutient donc la territorialisation complète du dispositif, qui devrait prévoir des conventions entre le préfet, le département et l’entreprise à but d’emploi, conclues sur la base d’un nombre plafonné d’ETP financé pour cinq ans maximum. Ce modèle, proche de celui des entreprises adaptées ou de l’IAE, permettrait de mieux gérer le dispositif, de responsabiliser les acteurs et de respecter les budgets votés. En outre, pour éviter de fausser les équilibres au niveau local, nous devons garantir une égalité de traitement des dispositifs d’insertion.

Depuis 2017, notre pays a réduit le chômage à un niveau historiquement bas. Ne laissons pas la dispersion freiner cette dynamique : soutenons ce qui fonctionne, corrigeons ce qui doit l’être et tenons le cap d’une politique de l’emploi efficace, juste et responsable. Je propose non de renier l’expérimentation mais de l’inscrire dans une stratégie territoriale cohérente et pérenne, tout en garantissant interconnaissance, coopération et coordination entre les acteurs.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Le chômage et la précarité explosent : il est temps de sortir de l’inaction. C’est ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur – nous vous en remercions. La collectivité a le devoir de garantir à chacune et à chacun la possibilité de travailler et de vivre dignement.

Huit années de macronisme ont laissé le pays fracturé. La pauvreté gagne du terrain ; l’ubérisation transforme des millions de travailleurs en forçats modernes, dépourvus de droits et de protection. Le fléau du chômage de masse est bien installé ; le nombre des licenciements économiques a augmenté de 9 % en un an ; les syndicats nous alertent : jusqu’à 300 000 suppressions de poste sont encore à venir – non, on ne trouve pas du travail en traversant la rue. Le droit à l’emploi a été dénigré et bafoué pendant trop longtemps.

La France insoumise défend la garantie de l’emploi, condition de la justice sociale : il faut proposer à chaque chômeur de longue durée un emploi utile, dans le domaine de la bifurcation écologique ou de l’action sociale, en lien avec ses compétences et sur la base du volontariat.

Le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée, lancé en 2017 par des associations de lutte contre la pauvreté, se place dans cette perspective. Il permet de proposer des emplois en fonction des besoins locaux. C’est un premier pas vers la garantie de l’emploi. Alors que tant d’acteurs publics reculent, nous choisissons d’avancer. Si nous exprimerons des critiques et défendrons des amendements, nous sommes favorables à la généralisation de ce projet, symbole d’une société qui refuse l’exclusion.

Mme Océane Godard (SOC). Je salue Laurent Grandguillaume, ancien député de la première circonscription de la Côte-d’Or, dont je suis élue, qui fut à l’initiative de l’expérimentation ; il est aujourd’hui président bénévole de l’association TZCLD.

On ne peut que se féliciter d’examiner cette proposition de loi – évidemment, nous la soutiendrons. D’abord, elle nous fait faire un pas de côté par rapport aux autres politiques publiques de l’emploi, qui reposent sur trois piliers : la réforme de l’assurance chômage, l’allongement du temps de travail et la multiplication des dispositifs de formation. Or le chômage de longue durée résiste. Ensuite, elle est intelligente et pleine de bon sens : le projet s’appuie sur des activités qui, déjà ancrées dans les territoires, y créent de la valeur ; il ne concurrence pas les autres dispositifs – l’IAE, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, les missions locales et les maisons de l’emploi –, il les complète.

Deuxièmement, le texte renouvelle le point de vue sur la sécurisation professionnelle. Nous parlons souvent du chômage en termes de quantité, en citant des chiffres ; avec cette expérimentation, on s’attache à la qualité des emplois et à l’accompagnement, ce qu’il faut encourager.

Enfin, elle rompt avec la logique culpabilisante et punitive de nombreuses politiques publiques de l’emploi, comme la réforme de l’assurance chômage. Positive, elle est encourageante. Ce sont les femmes et les hommes d’un territoire qui, par leurs compétences, concourent à son développement et à celui des entreprises qui y sont installées.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée s’appuie sur un principe inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. » La première expérimentation a commencé le 1er juillet 2016. La loi du 14 décembre 2020 a ensuite prolongé l’expérimentation pour cinq ans et prévu de l’élargir à cinquante nouvelles zones au moins. Cette deuxième loi a permis l’habilitation de soixante-treize nouveaux territoires entre 2021 et 2025, portant leur nombre total de dix à quatre-vingt-trois, pour près de 3 600 salariés concernés.

Le groupe Droite Républicaine soutient les initiatives favorisant le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée. La valorisation du travail, au cœur de notre socle idéologique, passe par le retour à l’activité plutôt que par les aides sociales. Cependant, avant de voter cette proposition de loi, nous aurions préféré avoir connaissance du résultat des études en cours de finalisation – notamment celle du comité scientifique coordonnée par la Dares – ainsi que du rapport de la Cour des comptes. Nous aurions aussi souhaité des garanties de nature à éviter un dérapage des dépenses associées au dispositif.

L’expérimentation, si elle s’appuie sur des dynamiques territoriales, fonctionne selon une logique centralisée – les territoires sont habilités par voie réglementaire sur proposition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée – et de manière relativement isolée de l’écosystème des politiques de l’emploi, notamment des services de l’État. Une réelle territorialisation du dispositif impliquerait que la convention soit signée par le préfet, le président du département et les entreprises à but d’emploi, pour une durée maximale de cinq ans, et qu’elle soit assortie d’un nombre maximal d’équivalents temps plein au titre desquels l’EBE percevrait des financements de l’État. Ce fonctionnement serait analogue à celui des entreprises adaptées, qui recrutent principalement en CDI, et à celui des structures de l’IAE, qui recrutent en contrat à durée déterminée d’insertion. L’éventuelle pérennisation du dispositif doit se faire en concertation avec l’État et les collectivités locales.

Les députés de la Droite Républicaine ne sont pas opposés par principe à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. C’est la raison pour laquelle, dans l’attente de plusieurs études essentielles et en l’absence de garanties quant au pilotage des finances publiques, ils s’abstiendront.

Mme Marie Pochon (EcoS). En décembre dernier, le département de la Drôme a décidé de retirer son soutien à l’initiative Territoires zéro chômeur de longue durée dans la zone très rurale de Dieulefit-Bourdeaux.

Alors que vingt emplois, dont 30 % destinés à des personnes au revenu de solidarité active (RSA), étaient sur le point d’être créés, alors que soixante personnes sont inscrites sur la liste d’attente, alors que 337 personnes sont identifiées comme possibles volontaires, alors qu’il s’agit d’une zone blanche en matière de structures d’insertion, alors que la directrice de l’EBE était recrutée, alors que les activités avaient été identifiées et chiffrées, le département s’est désengagé, au motif d’une faute de frappe dans le transfert de la délibération. Oui : c’est par une faute de frappe que le conseil départemental, masquant ainsi son choix politique de couper dans les budgets, a justifié la fin de son soutien à un projet qui avait pourtant été voté et engagé.

Chez moi, ce fut un tremblement de terre : les maires, les élus municipaux, les habitants, les bénéficiaires sont allés jusqu’à faire une grève de la faim pour défendre le projet. Mais rien n’y fit : le département ne bougea pas, les chômeurs resteraient chômeurs, on continuerait à pointer du doigt ces satanés assistés, et tant pis pour les besoins locaux et la précarité qui rongent nos campagnes. Alors, ce soir, je tiens à saluer le travail exemplaire des associations qui œuvrent, sur le terrain, à l’application concrète de cette si importante promesse qu’est le droit fondamental à l’emploi, que ce texte vise à pérenniser et à sécuriser.

Le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée sort des milliers de nos concitoyens de la précarité ; il crée des emplois non délocalisables, pérennes et utiles pour les territoires ; il permet d’aller chercher les personnes les plus éloignées du marché de l’emploi pour leur trouver des postes adaptés ; il les aide à se réinsérer socialement et à retrouver une fierté en occupant un emploi utile non seulement à eux-mêmes, mais aussi à un territoire. C’est une aventure collective, réunissant une multitude d’acteurs locaux – élus, habitants, associations, structures de l’insertion, acteurs économiques – qui s’engagent pour l’accès à l’emploi.

Le texte permettra aussi à d’autres collectivités de contribuer au dispositif, donc de trouver une solution de financement quand la volonté politique d’un département de couper les vivres s’exerce au prétexte d’une satanée faute de frappe.

Refusant la dépendance et l’exclusion, nous, écologistes, promouvons bien évidemment l’autonomie, la fierté et la dignité retrouvée par l’emploi. Nous soutiendrons, y compris par nos amendements, ce texte essentiel.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le groupe Les Démocrates est convaincu que l’IAE est un levier majeur dans la lutte contre le chômage, notamment contre le chômage de longue durée, dont les effets socio-économiques, sur la santé ou le bien-être sont particulièrement délétères. C’est pourquoi, à titre personnel, je soutiens l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée et ai cosigné la proposition de loi.

Ce dispositif a permis à de nombreuses personnes éloignées de l’emploi de retrouver une activité stable, conformément aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946, qui prévoit que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Les premiers résultats de l’expérimentation paraissent encourageants à l’échelle individuelle : selon le rapport du comité scientifique publié en 2021, une personne qui bénéficie du dispositif a trois fois plus de chances d’accéder à un emploi durable qu’une personne sans accompagnement. L’amélioration des conditions de vie des personnes concernées est même notable : par rapport à celles qui ne font pas partie de l’expérimentation, elles sont 9 points de plus à juger leurs dépenses de logements supportables, 20 points de plus à voir leur mobilité facilitée, et 15 points de moins à devoir renoncer aux soins.

Plusieurs interrogations subsistent néanmoins. D’abord, ce rapport fait état d’un coût moyen par emploi de 26 000 euros par an, bien supérieur à l’évaluation initiale, ce qui témoigne d’un équilibre financier fragile et revêt un impact significatif sur les finances publiques. Ensuite, la pertinence des territoires sélectionnés semble assez variable : si certains acteurs en ont réellement compris la philosophie profonde, d’autres initiatives semblent plus porteuses d’un affichage politique que d’un réel projet. Enfin, l’initiative Territoires zéro chômeur de longue durée semble parfois entrer en compétition avec d’autres initiatives d’insertion par l’activité, là où elles devraient être complémentaires.

Alors que le texte propose une généralisation du dispositif, il nous semble donc important de poursuivre l’expérimentation, et surtout son évaluation. Le rapport intermédiaire prévu en 2025 doit fournir des éléments clés quant à la soutenabilité budgétaire du dispositif et son efficacité à grande échelle. Dans une démarche constructive, j’ai souhaité déposer à titre individuel plusieurs amendements, notamment pour améliorer sa cohérence territoriale. Encourager l’insertion est une priorité, mais, en tant que législateurs, nous devons veiller à ce que les moyens mobilisés soient pertinents et adaptés aux réalités du terrain.

M. François Gernigon (HOR). Depuis 2016, l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée montre que les personnes privées d’emploi peuvent être une richesse pour nos territoires, à condition de partir des individus et des besoins des territoires pour créer des emplois utiles au sein d’EBE. Le résultat est en effet clair : des milliers de personnes durablement éloignées de l’emploi ont retrouvé une activité, un projet de vie. Pour beaucoup, c’était leur premier CDI.

J’ai eu l’occasion de constater les effets de ce dispositif lors de ma visite de l’EBE Tezea à Pipriac, en Ille-et-Vilaine : j’y ai vu des parcours de vie redémarrer, des personnes animées d’une énergie nouvelle qui infuse dans tout un territoire. Des personnes qui avaient été privées d’emploi retrouvent une place dans la société ; elles ressentent de nouveau l’envie de se lever le matin et, le soir venu, la fierté du travail accompli. Plus de 90 EBE ont vu le jour. Elles développent des activités utiles localement : recycleries, circuits courts, médiation, mobilité – autant de services qui répondent à des besoins.

Tout cela a un coût, c’est vrai : entre 22 000 et 25 000 euros par emploi, contre 18 000 à 20 000 euros pour un accompagnement classique. Mais, à la différence des aides qui peuvent être versées aux chômeurs, cette expérimentation permet d’investir dans l’humain, dans la cohésion sociale et dans la vitalité économique des territoires. On ne peut pas ignorer ses effets intangibles que sont le retour du lien social, de l’estime de soi, mais aussi les richesses créées par ces entreprises, que ceux qui évoquent les coûts de ces initiatives oublient souvent de mentionner.

Nous soutiendrons l’ambition affichée dans ce texte, tout en restant attentifs aux conditions de sa réussite. Le Parlement devra tirer pleinement parti des évaluations que la Dares et la Cour des comptes s’apprêtent à rendre pour objectiver les effets du dispositif et clarifier ses incidences budgétaires ainsi que son articulation avec les autres outils d’insertion. Il faudra veiller à définir un pilotage local, à cibler précisément les publics les plus éloignés de l’emploi et à assurer une allocation équitable des moyens.

Derrière chaque CDI signé dans une EBE, il y a une vie qui redémarre grâce au travail. Voilà ce qui doit continuer à nous guider.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée est né de l’initiative de plusieurs associations de lutte contre la pauvreté et de l’action de notre ancien collègue Laurent Grandguillaume, qui l’a défendu ici même.

Il est la preuve que les politiques publiques doivent s’inspirer des solutions proposées par les acteurs de terrain. L’expérimentation a su démontrer son utilité et ses bienfaits. Au-delà des résultats sur l’emploi et le revenu, la sortie de la précarité a en effet des externalités positives aussi bien pour les personnes elles-mêmes que pour les collectivités et les territoires concernés.

Après deux phases expérimentales concluantes, notre groupe soutient la pérennisation du dispositif. La proposition de loi permettra de maintenir les principes d’origine de l’expérimentation et de préserver sa spécificité, à savoir sa complémentarité avec les autres structures existantes d’IAE.

Elle tient toutefois compte des axes d’amélioration identifiés lors des évaluations, notamment la nécessité d’une meilleure coordination avec les acteurs de l’emploi à l’échelon local. Aussi le texte prévoit-il des évaluations essentielles pour s’assurer du succès de la pérennisation, ainsi qu’un renforcement des missions des comités locaux pour le droit à l’emploi, qui seront notamment chargés d’assurer la coopération entre acteurs au sein du réseau pour l’emploi. Une collectivité porteuse d’un projet pourra également apporter un financement en complément du département, afin d’augmenter les chances de démarrage et de réussite.

Notre responsabilité envers les personnes privées d’emploi est de tout faire pour permettre leur réinsertion par le travail dans les meilleures conditions. Cette proposition de loi y contribue. Nous en appelons au soutien de tous.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Cette proposition de loi est un immense soulagement pour toutes celles et ceux qui bénéficient de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, mais surtout pour ceux qui aimeraient y avoir accès.

« Quand on est chômeur, ce n’est pas juste une question de revenu, c’est le regard de ses enfants, des proches, des autres. Plus le temps passe, plus c’est lourd à porter », explique Jérôme, salarié de NoblAtout, une entreprise à but d’emploi située à Saint-Léonard-de-Noblat. Par son ingénierie, par l’intégration des volontaires, le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée redonne confiance aux personnes privées d’emploi. C’est ce qui rend cette démarche assez exceptionnelle.

Myriam, elle aussi salariée de NoblAtout, témoigne également : « Ce qui m’a marquée, c’est à quel point l’intégration dans le projet change tout. J’ai commencé par participer aux enquêtes pour connaître les besoins dans le territoire, puis au laboratoire des travaux utiles. Petit à petit, on se rend compte que c’est faisable, que ce qu’on croyait hors de portée devient concret. » Myriam et Jérôme, comme tant d’autres, ont été privés d’emploi pendant des mois et des années. Je vous assure qu’il est assez bluffant de voir à quel point le fait de participer à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée leur redonne confiance.

Elle permet aussi d’échapper au dogme de l’offre et de la demande, en partant des besoins réels des territoires. Chez moi, c’est la papeterie du Moulin du Got qui, formant les papetiers qu’elle ne parvenait pas à recruter, fabrique désormais du papier comme on le faisait au XVe siècle. Ces initiatives permettent ainsi de faire perdurer des savoirs traditionnels ou, comme à Saint-Léonard-de-Noblat, d’aider les aînés à faire leurs courses. Sans le dispositif TZCLD, aucune entreprise ne répondrait à cette demande.

Celles et ceux qui ont la chance d’en bénéficier reprennent confiance en eux et, surtout, rendent à la population des services qui ne seraient pas assurés autrement. Je vous demande de le prendre en considération, chers collègues.

M. Didier Le Gac (EPR). Je connais bien le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée et je salue le sérieux de ces initiatives ainsi que leur capacité à mobiliser tous les acteurs d’un territoire. Plusieurs points de cette proposition de loi posent toutefois problème.

D’abord, on met la charrue avant les bœufs, puisqu’une évaluation sera bientôt remise par la Dares : il aurait mieux valu attendre quelques semaines ou quelques mois, afin de pouvoir l’étudier avant d’examiner le texte. On déplore régulièrement, sur ces bancs, que les projets ou les propositions de loi qui nous sont soumis ne soient pas assortis d’une étude d’impact. Ici, l’étude existe, mais on nous propose de voter avant qu’elle nous parvienne. C’est regrettable.

Ensuite, il faut avoir le courage de dire que cette expérimentation coûte très cher au regard du nombre de bénéficiaires, mais aussi par rapport à d’autres dispositifs : le rapport est de 1 à 10. Elle représente notamment un coût important pour l’État, dont il faudrait plafonner la dotation. Celle-ci, qui s’élevait à 14,9 millions d’euros en 2017, atteignait 22 millions en 2021, 68 millions en 2024, et s’établira même à 80 millions cette année. L’année dernière, alors que j’étais rapporteur pour avis de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, j’ai pu assister au lobbying des défenseurs de l’expérimentation, qui dénonçaient un désengagement de l’État au motif que nous refusions de porter la dotation à 85 millions. Le coût a presque quadruplé en cinq ans ! Il est temps de le plafonner.

Je me ferai aussi, à travers mes amendements, le porte-parole des départements, qui sont en difficulté et qui peuvent avoir envie de se désengager. On ne peut pas continuer cette fuite en avant, malgré toutes les qualités du dispositif. Il faut être sérieux et savoir décider, à un moment donné, qu’on ne peut pas prolonger indéfiniment les expérimentations ni continuer à doubler chaque année l’aide de l’État au dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée.

M. le rapporteur. Je rejoins M. Dussaussaye lorsqu’il estime que l’enjeu réside dans l’insertion durable des personnes concernées. Le TZCLD ne doit pas être une finalité, mais une possibilité offerte à titre transitoire : notre boussole doit toujours rester le retour à l’emploi durable. Les promoteurs du dispositif ont toujours considéré que son objectif n’est pas de confisquer des personnes du marché classique, mais de les ramener vers l’emploi conventionnel, autant que possible et dès que possible.

Pour ce qui est de la rigueur, madame Le Nabour, s’il est une expérimentation qui a été scrutée, évaluée et expertisée depuis 2016, c’est bien celle-ci. L’Inspection générale des affaires sociales et celle des finances, la Dares, France Stratégie, le comité scientifique : tous, partout, dans tous les territoires, ont regardé comment l’expérimentation fonctionne. Rien n’a été fait à la légère. L’argument selon lequel il ne faudrait pas pérenniser la solution parce qu’on n’en sait pas encore suffisamment et que les évaluations manquent de rigueur n’est donc pas recevable. Ces arguments, émanant des mêmes bancs, avaient d’ailleurs déjà été avancés en 2020, lors de l’examen de la proposition de loi visant à prolonger l’expérimentation. Il n’y a donc rien de neuf, si ce n’est qu’entre-temps, des milliers de personnes ont pu retrouver un emploi.

Je conteste donc les chiffres qui ont été évoqués. Ce dispositif concerne des hommes et des femmes différents, exclus de la société depuis très longtemps et dont la prise en charge exige forcément un investissement financier supérieur. Que son coût soit plus élevé que celui d’autres dispositifs se comprend du fait même de sa cible. Je rappelle également qu’une entreprise à but d’emploi, à la différence des autres, ne choisit pas ses salariés : elle prend les personnes qui veulent venir et s’en occupe même si elles ont des difficultés et que cela lui coûte de l’argent, parce que c’est précisément sa finalité. C’est cela, la dignité. Une EBE n’a pas non plus forcément pour objectif de faire du bénéfice et ne choisit pas ses marchés. Pour équilibrer le modèle, il faut donc effectivement y mettre un peu d’argent public : sans cela, il ne tient pas. Nier cela, c’est récuser totalement la solution TZCLD.

Quant à la cohérence, j’ai bien compris votre ligne : vous promouvez une mise sous tutelle – ou sous cloche – du fonds d’activation des Territoires zéro chômeur de longue durée, ce qui revient à dénaturer son esprit. Pourquoi vouloir le faire dès aujourd’hui alors que, comme vous l’avez vous-même souligné, nous attendons les rapports de la Cour des comptes et du comité scientifique ? Attendez donc avant d’asséner qu’il faut modifier la gouvernance du dispositif : nous verrons bien, à la lumière des conclusions des uns et des autres, si une telle réforme est nécessaire.

Madame Belouassa-Cherifi, cette solution s’adresse en effet aux 2 à 3 millions de personnes chômeuses exclues, cantonnées à un territoire parce qu’elles ne peuvent pas se déplacer pour chercher du travail ailleurs. Vous avez raison : pour elles, il n’y a quasiment pas d’autre solution que l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Cela justifie qu’on légifère pour permettre son maintien.

Mme Godard a rappelé les enseignements de près de dix années d’expérimentation, dans des zones aussi bien urbaines que rurales ou insulaires. Il en ressort clairement que ce dispositif offre des solutions que les territoires ne savent pas apporter par eux-mêmes. En cela, il s’agit d’un complément qui me paraît assez utile. J’ai en tout cas bien entendu votre appui au texte.

Les propos de Mme Bonnet sur les études en cours et la gouvernance rejoignent ceux du groupe Ensemble pour la République. Je précise simplement, à ce stade, que l’initiative est dupliquée partout dans l’Union européenne ; que l’ONU, l’Organisation internationale du travail et tous les organes qui traitent de ces questions dans le monde promeuvent le financement par activation des dépenses passives pour aider les personnes les plus éloignées du marché du travail. Ce modèle fonctionne bien, à tel point qu’il est décliné partout. Il me reviendra de tenter de vous faire basculer de l’abstention vers un vote favorable. J’exprimerai notamment une nuance par rapport à votre volonté de rattacher le dispositif à celui prévu par la loi pour le plein emploi : il me semble que c’est une des valeurs ajoutées du texte que de privilégier plutôt une complémentarité – mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Notre collègue Marie Pochon a rappelé, avec les mots qui sont les siens et en contant l’expérience douloureuse qu’elle a vécue dans la Drôme, combien ce dispositif permet de répondre à la diversité des territoires, en adoptant une approche pragmatique et en tenant compte des spécificités de chaque partie prenante. Je souscris à son diagnostic très juste et pertinent à l’appui du texte.

Notre collègue Nicolas Turquois a rappelé les résultats encourageants de l’expérimentation non seulement sur l’emploi, mais aussi sur la santé, la famille et la mobilité. Quant à la comparaison avec d’autres dispositifs, elle est en cours. Je ne crois pas, en tout cas, qu’il faille placer les solutions en compétition les unes avec les autres : elles appartiennent toutes à un même écosystème, elles sont complémentaires et, dans la majorité des cas, les différentes parties prenantes savent les concilier avec intelligence.

Monsieur Gernigon, vous vous êtes rendu dans une EBE. Vous avez vu, vous avez compris, vous avez mesuré, non pas en lisant des rapports, mais en constatant les impacts, les conséquences, les bienfaits des Territoires zéro chômeur de longue durée. Vous avez aussi évoqué le coût du dispositif. Il est d’un peu plus de 6 000 euros net par an et par bénéficiaire, soit 500 euros par mois. La nation française ne peut-elle pas consentir cet effort pour sortir des femmes et des hommes de l’exclusion, de l’oubli, de l’isolement et du néant, tout en leur permettant d’occuper un emploi, de produire et de contribuer à la richesse nationale ? Il me semble qu’il faut savoir faire cet investissement.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux mots d’encouragement de Paul-André Colombani, dont j’ai pris bonne note.

M. Maudet a parfaitement compris notre objectif : lutter contre l’exclusion, refuser la division d’une société dans laquelle certains seraient considérés comme des citoyens de seconde zone au motif qu’ils sont isolés, reclus, perdus par un chômage de longue durée. Encore fois, il y a un coût, j’en conviens, mais on sait parfois le supporter dans d’autres secteurs. Au moment du « quoi qu’il en coûte », qui n’est pas si vieux, on a su dépenser de l’argent quand il fallait le faire. On sait aussi en dépenser pour investir – je l’assume – dans certaines politiques publiques de l’emploi. Pourquoi ne pourrait-on pas en faire de même pour la solution Territoires zéro chômeur de longue durée ?

Enfin, M. Didier Le Gac assure bien connaître le dispositif. Moi aussi, cher collègue. Si je vous comprends bien, vous souhaitez y mettre fin : votre plaidoyer était si critique que vous n’êtes pas tant dans l’abstention que dans l’opposition. J’ai déjà répondu sur la question du coût, mais je le répète, car c’est important : l’expérimentation concerne des hommes et des femmes qui étaient éloignés de l’emploi depuis des années et qui, de toute façon, coûtaient à la société. Si nous pouvons, en y consacrant un peu d’argent, les sortir du néant pour les remettre dans le champ commun par de l’activité, cela n’en vaut-il pas la peine ? Cela ne serait-il pas conforme à nos valeurs républicaines ? C’est un vrai choix philosophique et politique que je vous soumets : il ne s’agit pas de statistiques, mais de conviction politique. Faisons de la politique pour des statistiques ou pour des hommes et des femmes ?

Par ailleurs, soyons sérieux : vous expliquez, montants budgétaires à l’appui, que le dispositif coûte de plus en plus cher. Mais c’est bien normal, puisque de nouveaux territoires sont habilités chaque année : le nombre de bénéficiaires augmentant, les dépenses afférentes augmentent forcément aussi. Cette expérimentation n’est toutefois ni un puits sans fond, ni une ligne budgétaire non maîtrisée. Je m’inscris en faux contre ce que vous tentez de faire croire à nos collègues.

Article 1er : Pérennisation et extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et création de comités locaux pour le droit à l’emploi

Amendement AS36 de Mme Christine Le Nabour

Mme Christine Le Nabour (EPR). L’abrogation du titre II de la loi du 14 décembre 2020 n’est pas nécessaire. Elle serait même source d’insécurité juridique, dans la mesure où certaines dispositions transitoires, telles que les mesures relatives à la poursuite des contrats de travail issus de l’expérimentation menée entre 2016 et 2020, pourraient continuer à s’appliquer.

M. le rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable.

La présente proposition de loi reprend l’essentiel des dispositions du titre II de la loi de 2020, avec l’objectif de pérenniser l’expérimentation. Aussi est-il nécessaire d’abroger ces dispositions à compter de l’entrée en vigueur du texte que nous examinons ce soir, de façon à garantir la clarté et l’intelligibilité de la loi, qui ne doit souffrir d’aucune ambiguïté.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Cette abrogation de mesures expérimentales risque d’être inconstitutionnelle.

M. le rapporteur. Mais en pérennisant le dispositif, nous sortons de l’expérimentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS41 de Mme Christine Le Nabour

Mme Christine Le Nabour (EPR). Cet amendement vise à pérenniser l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée en introduisant ce dispositif dans un nouveau chapitre du code du travail.

Aux termes de ces nouvelles dispositions, « le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée a pour objet de permettre aux personnes durablement privées d’emploi [...], rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle ».

Par ailleurs, l’amendement conforte la dimension territoriale du dispositif et définit les entreprises à but d’emploi comme des « structures de l’économie sociale et solidaire ».

M. le rapporteur. En proposant une nouvelle rédaction du premier alinéa, cet amendement vise, comme le précédent, à revenir sur l’abrogation du titre II de la loi de 2020. La nouvelle définition du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée, que vous souhaitez introduire dans le code du travail, me semble redondante avec les dispositions de la proposition de loi, et donc inutile. Pour ma part, je considère qu’il est important que le premier alinéa soit maintenu en l’état.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS37 de Mme Christine Le Nabour et AS74 de M. Nicolas Turquois

Mme Christine Le Nabour (EPR). Il convient de concilier la pérennisation de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée avec l’impératif de maîtrise des finances publiques en indiquant que les crédits ouverts en loi de finances constituent un plafond.

M. Nicolas Turquois (Dem). La question budgétaire mérite d’être posée. Tout à l’heure, M. Le Gac a parlé d’une forte progression des dépenses, qui serait même exponentielle. Si l’on multiplie les 2 à 3 millions de personnes potentiellement concernées par ce dispositif – un chiffre que vous avez vous-même évoqué, monsieur le rapporteur – par un coût individuel de 25 000 euros, on arrive rapidement à un coût total de 50 milliards, ce qui n’est pas envisageable. Le dispositif devait certes éviter des dépenses dans d’autres structures, mais l’on ne constate pas de retour financier pour l’État, à l’exception d’économies limitées sur les dépenses relatives au RSA pour certains départements. Aussi me semble-t-il nécessaire de préciser que les territoires zéro chômeur de longue durée peuvent être mis en place « dans la limite des crédits ouverts en loi de finances ».

M. le rapporteur. Je considère que vous avez déposé deux amendements d’appel visant à nous alerter sur le financement du dispositif et sur la nécessité d’encadrer la trajectoire budgétaire. Il ne me paraît pas nécessaire d’ajouter cette mention explicite dans la loi, car, comme pour d’autres dispositifs, la loi de finances ouvre chaque année des crédits qui constituent un plafond qu’on ne peut dépasser. Si je comprends l’objet de vos amendements, la précision qu’ils entendent apporter me paraît surabondante, bavarde et absolument inutile du point de vue juridique.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Sans vouloir remettre en cause le dispositif, qui est bénéfique à certains endroits, je pense qu’il faut évaluer son efficacité ou son efficience dans chaque territoire. Je déplore que tous les dispositifs dont nous disposons, qui se complètent mais sont aussi parfois redondants, n’obéissent pas aux mêmes règles, notamment en matière de financement. Il y a là une inégalité de traitement. Même le coût de l’accompagnement diffère entre les territoires zéro chômeur et l’action des missions locales, des structures de l’IAE et des entreprises adaptées. Sans doute faudra-t-il ouvrir ce chantier avec les acteurs de l’insertion.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur le fait que tout texte s’applique dans la limite des crédits budgétaires ouverts. Il y a cependant une dissociation entre la création de territoires zéro chômeur, au niveau local, et l’autorisation budgétaire, votée au niveau national. Puisque l’État s’engage à financer les postes ouverts, il se retrouve, de fait, coincé, pris au piège d’un cercle vicieux. Il me semble donc nécessaire de régler ce problème majeur relatif au financement du dispositif.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Permettez-moi de vous alerter sur le danger que représentent ces amendements, qui visent à tuer le dispositif en permettant au Gouvernement de l’empêcher de fonctionner, d’autant avec tous les 49.3, nous n’aurons même pas notre mot à dire ! Et pourtant, le chômage de longue durée ne va cesser d’augmenter. Ce fléau de masse touche actuellement plus de 2 millions de personnes : c’est un vrai camouflet pour les macronistes, qui prétendaient pouvoir atteindre le plein emploi mais n’apprennent visiblement rien.

M. Didier Le Gac (EPR). Vous venez d’expliquer, monsieur le rapporteur, qu’il était inutile de voter ces amendements, dans la mesure où c’est la loi de finances qui détermine le niveau des crédits. Dont acte : je vous donne rendez-vous dans quelques semaines. Si vous venez nous dire, en septembre, qu’en raison de la généralisation du dispositif, tous les territoires ont été incités à le mettre en œuvre et qu’il est donc nécessaire d’inscrire 85, 100 ou 200 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2026, comme cela s’est passé l’année dernière, nous vous répondrons qu’il faudra se limiter à 80 millions.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Dans le cadre actuel de l’expérimentation, l’État accorde une sorte d’agrément aux territoires concernés : ce faisant, il s’engage à financer le dispositif. Si, demain, tout le monde peut se porter candidat, il risque d’y avoir un problème de périmètre. L’État aura-t-il toujours la possibilité d’agréer ou de ne pas agréer un projet, et donc de décider s’il finance ou non ce dernier ? Lors des travaux préparatoires à votre proposition de loi, avez-vous échangé à ce sujet avec le Gouvernement afin de tracer un chemin des possibles ?

M. François Gernigon (HOR). Si l’on divise les 80 ou 85 millions d’euros dépensés par les 3 500 bénéficiaires du dispositif, on retrouve bien le coût unitaire de 23 000 euros dont on a parlé.

J’entends dire qu’il existe déjà des entreprises d’insertion et des établissements et services d’aide par le travail, mais ces structures ne s’adressent pas du tout au même public. Les personnes dont nous parlons ici sont des accidentés de la vie, et peut-être même des « handicapés » de la vie – ce terme n’étant pas employé dans son sens habituel –, pour qui ce dispositif a toute sa raison d’être. Je n’ai pas rencontré que des dirigeants d’EBE, mais aussi des salariés. J’ai vraiment été emballé par le dispositif : je suis convaincu qu’il faut le pérenniser et qu’il a toute sa place dans notre législation. S’il disparaît, ses bénéficiaires vont se retrouver au RSA ! Ces gens créent de la valeur dans leur territoire.

Je le répète, la nécessité de pérenniser ce dispositif ne souffre aucune discussion, d’autant qu’il génère des recettes cachées, dans la mesure où il apporte un salaire à des gens qui peuvent ainsi faire vivre tout un système économique sur leur territoire.

Mme Josiane Corneloup (DR). Il faut tenir compte d’un autre élément important. Dans le cadre de l’expérimentation actuelle, les départements financent une fraction du coût du dispositif, aux côtés de l’État ; or, compte tenu de leur situation financière assez difficile, bon nombre d’entre eux ont exprimé le souhait de se désengager. Ils avaient accepté de financer une mesure expérimentale, absolument pas un dispositif pérenne !

M. le rapporteur. Monsieur Bazin, c’est l’État qui a la main, puisque la ministre du travail décide, chaque année, du nombre de postes ouverts.

Sans vouloir être désagréable ni polémiquer, je voudrais revenir sur certains propos inexacts. Contrairement à ce qui a été dit, un plafond de crédits ouverts en loi de finances ne peut être dépassé. Le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée n’est pas un chèque en blanc, ni une boîte noire dans laquelle il se passerait n’importe quoi : il est étroitement piloté par l’État, dans le cadre d’une gestion budgétaire encadrée et transparente, de sorte qu’aucun dépassement de l’enveloppe prévue n’a été déploré depuis 2016. Ainsi, les dépenses sont totalement maîtrisées.

Par ailleurs, il faut aussi regarder les gains permis par le dispositif. Le fait que des hommes et des femmes retrouvent une activité et reçoivent un bulletin de salaire a forcément un impact positif. Les EBE paient de la TVA. Des cotisations sociales sont versées. D’autres dépenses sont évitées. Ainsi, le coût net du dispositif n’est pas de 23 000 euros, mais d’environ 6 000 euros par emploi. Il est important de ne pas s’arrêter au coût brut, mais de tenir compte des bénéfices engendrés afin de pouvoir étudier l’économie réelle de ces territoires zéro chômeur de longue durée.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS101 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Mon département, la Nièvre, est sans doute celui qui compte le plus de territoires zéro chômeur de longue durée, puisqu’il y en a cinq.

Je peux comparer les avantages que procurait, au début, la présence d’un seul de ces territoires, avec les difficultés que provoque aujourd’hui la coexistence de cinq territoires. La moitié des associations d’IAE ont disparu, et le nombre d’artisans en activité a malheureusement diminué, en raison de la concurrence. J’invite ceux qui contestent mes propos à venir voir ce qui se passe dans mon département : les cinq territoires ont même mis en place une grappe pour coordonner leur action. Je ne vous dis pas le travail !

Nous avons besoin de ce dispositif, mais de manière ciblée, par exemple dans des territoires souffrant de désindustrialisation. Je propose donc de limiter le nombre de territoires à trois par département, couvrant tout au plus 10 % de la population départementale.

Je vous assure, madame Godard, que la présence de cinq de ces territoires, surplombés par une grappe, appauvrit l’ensemble de mon département. Vous ne connaissez pas la situation de la Nièvre, qui est très différente de celle de la Côte-d’Or.

En clair, je suis favorable à ce dispositif, à condition qu’il soit encadré et appliqué dans des territoires qui en ont réellement besoin. Je refuse que l’on en fasse un outil politique mis en œuvre dans la moitié d’un département, comme cela se passe actuellement dans le mien.

M. le rapporteur. Votre amendement a le mérite de la clarté, puisqu’il revient à supprimer l’habilitation des quatre-vingt-trois territoires actuels et à conditionner la création de territoires au respect de critères très stricts.

J’ai visité les cinq territoires zéro chômeur de longue durée que compte la Nièvre. J’ai rencontré les acteurs des comités locaux pour l’emploi et des dirigeants d’EBE. Je ne fais pas la même lecture que vous des bienfaits du dispositif, qui crée de l’activité, de la richesse et améliore la situation d’hommes et de femmes ainsi que de leurs familles.

Je suis donc défavorable à votre amendement, qui dénature profondément ce qui constitue l’essence des TZCLD depuis leur création. La présence de structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) sur un territoire ne diminue en rien la pertinence du dispositif, qui permet notamment d’accueillir des chômeurs de longue durée qui ne trouveraient pas leur place dans le domaine de l’IAE – ce qui arrive très souvent. Du reste, l’article 1er de la proposition de loi donne au fonds, puis aux comités locaux, le rôle d’apprécier au cas par cas la pertinence des créations d’emplois supplémentaires en EBE au regard des emplois existants en SIAE et dans les secteurs du travail protégé et adapté.

Telle est la logique du dispositif : on habilite un territoire – autrement dit, on lui donne le droit de devenir TZCLD – après un diagnostic d’une durée moyenne de trois ans visant à s’assurer que ce changement n’aura pas pour effet de déstabiliser profondément l’écosystème et les acteurs de l’insertion qui en sont parties prenantes. Cela ne se fait pas au doigt mouillé, mais au terme d’un long processus d’évaluation reposant sur des critères objectivés et un véritable cahier des charges. Et cela fonctionne plutôt bien !

Je ne fais pas la même analyse que vous du fonctionnement des cinq territoires de votre département. Mais surtout, encore une fois, adopter votre amendement reviendrait à fracasser la complémentarité entre les TZCLD et l’action des SIAE, elle-même régulée par la gouvernance même du dispositif que je propose de pérenniser.

Mme Perrine Goulet (Dem). Je ne remets pas en cause ce que vous avez pu voir sur mon territoire. Je conviens qu’à l’occasion d’une visite ponctuelle, le dispositif peut paraître alléchant ; cependant, lorsqu’on vit dans mon département, on voit tous les désagréments qu’entraîne la présence d’autant de TZCLD sur une si petite superficie.

Vous m’avez répondu tout à l’heure que ce dispositif ne devait pas être une finalité, son objectif étant de ramener ses bénéficiaires vers l’emploi conventionnel. Or je ne vois aucune sortie positive des EBE, y compris dans le premier territoire zéro chômeur créé dans la Nièvre. Vous me direz peut-être que mon territoire est atypique, ou que je n’ai pas la bonne lecture des effets du dispositif, mais je vous incite à consulter les pages Facebook de ces territoires zéro chômeur : vous verrez qu’ils sont en concurrence avec les SIAE et même avec les autres entreprises, par exemple dans le domaine des plaques de plâtre ou du jardinage.

Je comprends que, quand on vient dans la Nièvre pendant quelques heures ou quelques jours, on a l’impression que le dispositif est bénéfique, parce qu’il est très bien organisé et qu’il existe même une grappe qui coordonne les activités des différents territoires. Or, quand on vit dans mon département, on voit la réalité des choses. Des entreprises se retrouvent sans marché. Ainsi, des EBE viennent de répondre à un appel d’offres d’une mairie à 9 euros de l’heure : comment voulez-vous que les SIAE puissent suivre ? Encore une fois, je ne conteste pas le dispositif sur le fond, car il est intéressant, mais il y a, dans mon territoire, trop d’EBE sur une si petite superficie. Il faut limiter l’activité de ces entreprises à des endroits particuliers au lieu d’en permettre la création dans la moitié d’un département.

Mme Océane Godard (SOC). Madame Goulet, je ne connais peut-être pas votre territoire aussi bien que vous, mais j’ai été pendant dix ans vice-présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, dont fait partie la Nièvre. J’ai donc tout à fait conscience des enjeux auquel votre département est confronté.

Votre amendement ne correspond pas à l’esprit de cette proposition de loi et du dispositif TZCLD, qui vise à ancrer les emplois dans les territoires et à permettre une certaine souplesse plutôt qu’à déterminer des normes rigides relatives, par exemple, au nombre d’EBE. Nous voterons donc contre votre amendement, qui ne me paraît pas opportun : même si j’entends le constat sur lequel il repose, il ne me semble pas qu’il permette de répondre aux problèmes de votre territoire.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). À chaque fois que nous avons prévu des expérimentations, l’Assemblée nationale les a votées à l’unanimité. Or, aujourd’hui, alors que nous sommes appelés à nous prononcer sur l’évolution à donner aux territoires zéro chômeur de longue durée, j’ai l’impression que nous sommes un peu timides.

Mon département de La Réunion est confronté à un chômage de masse, de longue durée, notamment chez les jeunes. La moitié des demandeurs d’emploi sont inscrits à France Travail depuis plus d’un an et demi. Qui dit chômage dit tristesse, pauvreté, problèmes de santé et mortalité précoce. Si nous avons la possibilité de sortir des hommes et des femmes du chômage, de la précarité et de la misère, il faut le faire, et il faut mettre le paquet !

Plusieurs d’entre vous nous appellent à restreindre le dispositif, sur le plan budgétaire ou au niveau des territoires. Laissons à chaque territoire la liberté de créer ce qu’il considère comme nécessaire à l’insertion dans l’emploi du plus grand nombre d’hommes et de femmes, en tenant compte de leurs besoins ! Imposer un maximum de trois territoires zéro chômeur par département, ne couvrant pas plus de 10 % de la population, revient quasiment à tuer le dispositif.

M. le rapporteur. J’entends ce que vous dites, madame Goulet, mais il faut bien prendre conscience que l’adoption de votre amendement supprimerait l’habilitation des quatre‑vingt‑trois territoires existants. J’ai bien compris la nécessité de préciser ou de réaffirmer la règle de non-concurrence avec les SIAE : j’ai d’ailleurs moi-même déposé un amendement allant dans ce sens, afin de garantir que ne se produise pas ce que vous dénoncez dans le département de la Nièvre.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS136 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS50 de Mme Christine Le Nabour

Mme Christine Le Nabour (EPR). L’amendement vise à intégrer les CLE issus de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée dans la gouvernance territoriale du réseau pour l’emploi, introduit par la loi de 2023 pour le plein emploi. Il tend à ajouter les entreprises à but d’emploi parmi les membres de ce réseau, ainsi qu’à conforter la dimension territoriale du dispositif.

Le risque, monsieur le rapporteur, c’est l’autoévaluation. En effet, il n’existe aucun dispositif d’insertion qui ne fasse l’objet d’évaluations indépendantes. Une telle inégalité de traitement me chagrine.

Enfin, puisque François Gernigon a évoqué mon territoire et la commune de Pipriac, il est vrai que les choses fonctionnent quand il y a une complémentarité avec les autres structures de l’IAE, mais ce n’est pas le cas partout.

M. le rapporteur. Nous l’avons bien compris, les alinéas que cet amendement tend à supprimer concernent le rôle et les missions des CLE. Or l’expérience acquise depuis dix ans montre que ces instances pilotes fonctionnent bien. Il serait donc dommageable de ne pas s’appuyer sur ces organes pour prolonger le projet et de leur substituer une nouvelle gouvernance qui risquerait d’ajouter de la complexité.

Plus largement, l’amendement souligne la nécessité de coordonner les comités locaux avec le réseau pour l’emploi, ce que prévoit l’article 1er à plusieurs titres. D’abord, les différents acteurs locaux du réseau que sont les missions locales, les antennes locales de France Travail, les collectivités et Cap emploi, devront être représentés au sein des comités locaux pour le droit à l’emploi. Ensuite, les comités locaux devront être intégrés aux comités départementaux pour l’emploi. Enfin, il sera confié aux comités locaux la mission d’organiser la coopération entre les différents acteurs du réseau. Le dispositif est donc bien articulé et la coopération assurée.

J’ajoute que j’ai déposé un amendement visant à créer une commission locale spécialisée au sein des CLE, qui serait chargée de coordonner les actions de lutte contre le chômage de longue durée.

J’ai rédigé cet amendement en lien avec France Travail à l’issue des auditions préparatoires à cette proposition de loi, sachant que l’établissement public a contribué à l’élaboration de la loi de 2023 et s’est dit très favorable au dispositif.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Ce n’est pas vrai !

M. le rapporteur. Certains collègues ont assisté à cette audition en visioconférence, madame Le Nabour. Le directeur de France Travail a tenu des propos sans équivoque au sujet du dispositif, qui fait partie de la batterie de solutions. C’est bien France Travail qui a suggéré que, dans chaque département, une instance soit dédiée au chômage de longue durée, ce que j’ai donc traduit dans un amendement.

Avis défavorable sur celui-ci.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS102 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Aux termes du quatrième alinéa, les collectivités « installent et animent un comité local pour le droit à l’emploi ». Or, ainsi que l’a dit Mme Pochon, il arrive que des élus locaux se désengagent du jour au lendemain. Afin de stabiliser le dispositif et d’éviter qu’il soit soumis aux aléas politiques, je souhaite donc que ces comités installés par les collectivités soient présidés par les directeurs départementaux de l’emploi, du travail et des solidarités. Ce faisant, nous renforcerions la place de l’État et intégrerions pleinement la généralisation de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée dans la loi pour le plein emploi.

C’est pour cette raison que je défendrai plusieurs amendements – dont un tendant à supprimer le fonds d’activation – afin de confier aux départements l’intégralité du dispositif. Si nous voulons pérenniser le projet TZCLD, le plus important est selon moi de l’intégrer au schéma pour l’emploi que la loi de 2023 décline à l’échelon départemental.

M. le rapporteur. Vous souhaitez que l’État reprenne totalement la main...

Mme Perrine Goulet (Dem). Avec les départements !

M. le rapporteur. ... en dirigeant le pilotage du dispositif dans chaque territoire.

D’abord, je rappelle que le préfet de département et ses services sont déjà bien représentés dans la gouvernance du fonds d’expérimentation et des comités locaux.

Ensuite, le fonctionnement que vous proposez amoindrirait l’histoire collective. Pour qu’un territoire demande une habilitation, il faut en effet que les élus et les collectivités se soient entendus en ce sens. Il y a donc nécessairement une histoire et un portage politiques. C’est la raison pour laquelle je préfère que la présidence du comité local revienne à l’élu représentant le département concerné.

Vous avez également esquissé la défense de vos amendements suivants. À cet égard, lors des interventions liminaires, j’ai entendu un début de grief selon lequel je n’avais pas attendu les rapports du comité scientifique créé par la loi pour le plein emploi et de la Cour des comptes avant de proposer l’extension du projet TZCLD. Je retourne l’argument : attendez également de voir ce qui serait dit de la gouvernance du dispositif avant de vouloir la réformer. En effet, adopter cet amendement dénaturerait totalement les lois de 2016 et 2020 que je propose ici de prolonger.

Mme Perrine Goulet (Dem). Peut-être me suis-je mal exprimée. Selon moi, les comités locaux doivent être copilotés par les présidents de département et les directeurs départementaux de l’emploi, du travail et des solidarités, afin que, comme vous le souhaitez vous-même, le dispositif s’intègre pleinement dans la loi pour le plein emploi. Ce texte dispose en effet que les comités régionaux pour l’emploi sont présidés conjointement par les préfets de région et les présidents de conseil régional et que les comités départementaux le sont par les préfets de département et les présidents de conseil départemental. Les comités locaux pourraient donc reprendre ce même fonctionnement.

D’ailleurs, si nous voulons les intégrer dans le code du travail, il faut accepter de modifier certains points afin de les mettre en cohérence avec nos autres politiques publiques. Vous souhaitez éviter un fonctionnement vertical et laisser la main aux territoires : c’est précisément ce que je propose, tout en conservant la philosophie de la loi pour le plein emploi. Il faut que l’ensemble de nos dispositifs s’intègrent dans un même cadre. C’est ainsi que le projet TZCLD constituera un outil d’insertion par l’activité économique.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Le dispositif TZCLD est le seul à être financé par l’État, dans le cadre d’une convention tripartite avec le département et les EBE concernés, mais sans qu’il dispose d’aucun pouvoir de validation. Celui-ci appartient au département et au conseil d’administration du fonds d’expérimentation, ce qui pose un réel problème d’égalité de traitement des différents dispositifs d’insertion.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Il ne faut pas voter cet amendement, qui remettrait fortement en cause le fonctionnement de l’outil, fondé sur les remontées de terrain. Vous évoquez les départements, mais l’esprit de la présente proposition de loi est d’ouvrir le financement à d’autres collectivités. Pour reprendre votre argumentation, que ferions-nous en cas de désengagement du département ?

Suivons donc l’avis du rapporteur. Il importe de ne pas déstabiliser la cogestion locale, qui est conforme au principe de libre administration des collectivités, lesquelles animent bien souvent les politiques des territoires zéro chômeur de longue durée.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis convaincu du bien-fondé du projet mené près de chez moi, mais justement parce qu’il s’agit d’une expérimentation et qu’elle concerne un nombre limité de territoires. Peu importe que l’initiative soit à la main des élus locaux : le problème est que nous généralisons un dispositif grâce au carnet de chèques de l’État, sans que ce dernier ait sa place dans l’animation. Les choses ne sont pas équilibrées. Au fond, la généralisation est l’ennemi numéro 1 de ce dispositif formidable et fondamental.

M. le rapporteur. Monsieur Turquois, cette proposition de loi ne vise aucunement à généraliser l’expérimentation. Relisez le texte et le rapport établi en amont de nos discussions.

Madame Goulet, soyons clairs, votre amendement ne vise pas à établir une coprésidence, mais bien à confier le pilotage des comités locaux aux seuls directeurs départementaux de l’emploi, du travail et des solidarités, en effaçant les présidents de conseil départemental. Votre dernière argumentation est donc contredite par la rédaction même de votre amendement, raison pour laquelle je confirme mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La réunion s’achève à vingt et trois heures cinquante.


Présences en réunion

Présents.  M. Gabriel Amard, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Bérenger Cernon, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, M. Pierre Cordier, Mme Josiane Corneloup, M. Pierrick Courbon, M. Hendrik Davi, M. Fabien Di Filippo, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Perrine Goulet, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Joséphine Missoffe, Mme Marie Pochon, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Ersilia Soudais, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, M. Stéphane Viry

Excusés.  Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Elie Califer, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie

Assistaient également à la réunion.  M. Damien Maudet, M. Nicolas Ray