Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Printemps social de l’évaluation : évaluation « La lutte contre la fraude aux prestations sociales » (Mme Farida Amrani et M. Cyrille Isaac‑Sibille, rapporteurs) ; table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale ainsi qu’aux branches vieillesse et famille 2
– Examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 (n° 1456) (M. Thibault Bazin, rapporteur général). 21
– Présences en réunion.................................41
Mercredi
4 juin 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 92
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures trente-cinq.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission entend Mme Farida Amrani et M. Cyrille Isaac‑Sibille, rapporteurs de l’évaluation « La lutte contre la fraude aux prestations sociales », et organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale ainsi qu’aux branches vieillesse et famille réunissant :
– pour la direction de la sécurité sociale, Mme Delphine Champetier, cheffe de service, adjointe au directeur ;
– pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – Urssaf Caisse nationale, M. Damien Ientile, directeur, et M. Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle ;
– pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, M. Renaud Villard, directeur général ;
– pour la Caisse nationale des allocations familiales, M. Nicolas Grivel, directeur général.
M. le président Frédéric Valletoux. La réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, portée en 2022 par Thomas Mesnier, a conduit à la création de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, que nous examinerons dans la seconde partie de la matinée. Cette réforme a également consacré, dès 2019, la pratique de consacrer chaque printemps plusieurs séances à l’évaluation des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).
C’est donc ce matin la première des trois séances du Printemps social de l’évaluation. Comme à l’accoutumée, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) a joué un rôle central dans cette démarche.
M. Cyrille Isaac-Sibille, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, rapporteur. Ce matin, nous remplissons l’autre grande mission de l’Assemblée nationale, celle du contrôle de l’action gouvernementale. À mes yeux, ce rôle de contrôle est aussi essentiel que celui qui consiste à voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), car il ne suffit pas d’adopter un texte, il faut également observer comment le Gouvernement et les administrations le mettent en œuvre, ce qui peut parfois entraîner certaines difficultés.
Je rappelle tout d’abord que la Mess a entrepris une évaluation structurante sur les relations entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et l’assurance maladie complémentaire (AMC). Ce travail de fond aboutira à un rapport qui sera rendu dans quelques mois et permettra de mieux cerner le rôle respectif de chacune. Par ailleurs, la Mecss a récemment mené un travail sur la politique du médicament.
S’agissant du rapport sur les procédures de sanctions administratives en cas de fraude aux prestations familiales et sociales, nous allons vous en présenter les principales conclusions, issues de l’évaluation de l’article 98 de la LFSS 2023.
Cet article visait à harmoniser les procédures de sanctions applicables aux prestations familiales et de retraite, en les alignant sur celles de l’assurance maladie. L’objectif était à la fois de renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude et de garantir une équité de traitement entre les différentes branches de la sécurité sociale. Notre évaluation s’est concentrée sur la mise en œuvre concrète de ces dispositions et sur leurs premiers effets.
Avant la réforme, le processus de sanction se déroulait en deux temps. Une première notification informait l’allocataire des griefs retenus et du montant envisagé de la sanction. Il pouvait alors formuler des observations ou demander une audition. Le directeur de la caisse prenait ensuite une première décision, susceptible de recours gracieux. Cette étape entraînait la saisine d’une commission de pénalité, qui rendait un avis pouvant recommander l’abandon de la sanction ou en ajuster le montant. Le directeur rendait alors une seconde décision, cette fois définitive. Cette procédure était jugée lourde par les caisses et peu lisible pour les allocataires. En pratique, de nombreux assurés saisissaient le tribunal dès la première décision, ce qui engendrait un contentieux prématuré, parfois devenu sans objet au moment du jugement.
La réforme de 2022 poursuivait trois objectifs : raccourcir les délais en cas de contestation pour améliorer l’efficience administrative, simplifier le parcours des assurés en unifiant les voies de recours et désengorger les tribunaux en évitant qu’ils soient saisis avant que les décisions ne deviennent définitives.
Mme Farida Amrani, rapporteure. Les auditions que nous avons menées nous ont permis de dégager trois constats principaux, qu’il convient toutefois de considérer avec prudence, puisque la réforme n’a été véritablement mise en œuvre qu’à partir de la fin 2023.
La mise en œuvre de la nouvelle procédure a été insuffisamment anticipée, puisque le décret d’application, publié tardivement, a entraîné une surcharge de travail pour les caisses et une mauvaise compréhension de la réforme par les allocataires. L’adaptation des outils informatiques et des courriers types a nécessité du temps, ce qui a alourdi la charge des agents et allongé les délais de traitement.
Les données actuellement disponibles ne permettent pas d’évaluer clairement l’efficacité de la réforme. Si certaines caisses constatent une légère augmentation des pénalités prononcées entre 2023 et 2024, le lien avec la nouvelle procédure reste incertain.
Concernant le désengorgement des juridictions, il n’est pas possible de se prononcer à ce stade, les caisses ne disposant pas de données suffisamment précises pour mesurer l’évolution des recours contentieux.
M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur. La lutte contre la fraude sociale prend une dimension particulière au regard des montants en jeu. Le préjudice récupéré sur les allocations familiales est passé de 374 à 449 millions d’euros entre 2023 et 2024, tandis que les indus constatés dans l’assurance retraite sont passés de 149 à 156 millions. Ces montants, loin d’être marginaux, sont déterminants pour la soutenabilité de notre système de protection sociale.
Même si la réforme reste en phase de montée en charge, plusieurs ajustements sont déjà préconisés. Il est notamment proposé de relever le seuil de saisine de la commission des pénalités, actuellement fixé à environ 15 700 euros, afin de recentrer les efforts sur les cas les plus significatifs et d’alléger la charge des caisses. Il est en effet nécessaire de distinguer clairement les fraudes délibérées des erreurs involontaires, toutes les irrégularités ne relevant pas d’intentions frauduleuses.
Le délai laissé à la commission pour rendre son avis pourrait être prolongé, car il est jugé trop court pour garantir à la fois un traitement rigoureux par les caisses et des conditions de réponse satisfaisantes pour les assurés. Par ailleurs, la mise en place d’un suivi statistique des recours contentieux formés contre les sanctions administratives permettrait de combler un angle mort important de l’évaluation, aujourd’hui dénoncé par plusieurs acteurs, dont les représentants des allocataires et les avocats spécialisés.
Cette réforme s’inscrit plus largement dans une dynamique continue de renforcement des outils de lutte contre la fraude. Plusieurs mesures ont déjà été engagées, qu’il s’agisse d’améliorer les échanges d’informations entre administrations ou de durcir les sanctions. Les caisses ont également pris l’initiative de structurer davantage leurs dispositifs, notamment par la création d’un service national antifraude dans la branche famille, le renforcement des contrôles sur l’existence des bénéficiaires à l’étranger pour la branche vieillesse et le recours accru à des technologies comme les algorithmes et le data mining.
Ces efforts portent leurs fruits, puisque les montants de fraude détectée ou évitée sont passés de 1,5 milliard en 2019 à 3 milliards d’euros en 2024. Pour les seules branches famille et vieillesse, les gains atteignent respectivement 450 millions et 220 millions d’euros.
Dans cette perspective, j’aimerais interroger les directeurs généraux présents : jugez‑vous nécessaire de renforcer l’arsenal législatif en matière de lutte contre la fraude, et avez‑vous des propositions concrètes à formuler pour le prochain PLFSS ? Par ailleurs, en écho aux recommandations du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), avez-vous identifié des dispositifs où la distinction entre erreur et fraude demeure encore insuffisamment claire ?
Mme Farida Amrani, rapporteure. Je rappelle que 66 % des fraudes détectées concernent les professionnels de santé et les employeurs, ce qui relativise la part imputable aux allocataires. Bien que légitime, la lutte contre la fraude ne peut se faire au détriment des droits. La Défenseure des droits et plusieurs associations ont alerté sur les risques de stigmatisation liés à l’usage des algorithmes, particulièrement pour les publics précaires. Nous préconisons donc d’encadrer strictement ces outils et d’harmoniser les pratiques entre caisses.
La fraude aux prestations restant inférieure à celle sur les cotisations ou chez les professionnels de santé, les contrôles doivent cibler les fraudes les plus graves tout en garantissant l’équité.
Quelles garanties pouvez-vous apporter sur le respect des droits dans l’usage de ces outils ? Le logiciel a-t-il été modifié ? Quelles recommandations proposez-vous pour renforcer cet encadrement ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Ma première question s’adresse au directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). La Cour des comptes souligne que les pensions versées à l’étranger représentaient 5,9 milliards d’euros en 2022, alors que seule la moitié des retraités concernés résident dans un pays ayant signé un accord d’échange d’informations. Quelles actions concrètes envisagez-vous pour sécuriser le versement ces pensions et élargir le réseau d’accords internationaux ?
Ma deuxième question va au directeur général de l’Urssaf Caisse nationale. Votre rapport 2024 mentionne une hausse de 16 % des actions liées à la solidarité financière du donneur d’ordre, mais également des incertitudes juridiques. Quelles sont les limites actuelles du dispositif actuel ? Quelles clarifications ou évolutions législatives recommandez-vous, et quel élargissement vous semblerait pertinent ?
Ma dernière question s’adresse au directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et à la directrice adjointe de la sécurité sociale. La Cour a de nouveau refusé de certifier les comptes de la branche famille en raison de failles persistantes dans les processus de contrôle. Quelle est votre analyse ? Quels premiers enseignements tirez‑vous du pré-remplissage des déclarations trimestrielles pour le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité, en matière d’écarts détectés, d’indus ou de fraude ?
M. Thierry Frappé (RN). Le déficit de la sécurité sociale atteint 15,3 milliards d’euros en 2024. La Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la branche famille et les fraudes atteignent des niveaux alarmants, avec 4,25 milliards pour les caisses d’allocations familiales (CAF), 1,65 milliard pour l’assurance maladie et 25,8 milliards de créances Urssaf non recouvrées.
Face à cette situation, le Rassemblement national propose la création d’un grand ministère dédié à la lutte contre la fraude, la suppression du travail détaché et la mise en place d’une carte Vitale biométrique. Il appelle à renforcer les contrôles, notamment par le croisement des fichiers, la vérification de la résidence et des droits, ainsi qu’à instaurer des sanctions fermes dès la première fraude et des peines de prison effectives pour les récidivistes.
La fraude sociale progresse depuis des décennies. Notre groupe le dénonce depuis 2017 et appelle à mettre fin au laxisme et à l’impunité.
Mme Stéphanie Rist (EPR). La lutte contre la fraude sociale constitue un enjeu essentiel, à la fois budgétaire et éthique. Le déficit des régimes obligatoires de la sécurité sociale, estimé à 15,3 milliards d’euros en 2024, est à rapprocher du niveau de fraude évalué à 13 milliards par le HCFiPS.
Le plan ministériel lancé en mai 2023 par Gabriel Attal a permis des résultats notables, avec 400 millions d’euros de préjudices détectés par les CAF, 200 millions par l’assurance vieillesse et 450 millions par l’assurance maladie. Toutefois, la Cour des comptes continue de pointer des failles importantes, notamment dans la maîtrise des risques et la fiabilité des données.
Face à des pratiques frauduleuses de plus en plus élaborées, les administrations doivent sans cesse adapter leurs outils. Les trois dernières LFSS ont déjà introduit plusieurs mesures en ce sens. Faut-il aujourd’hui envisager de nouvelles dispositions, en particulier pour renforcer les échanges d’informations entre administrations et mieux contrôler les retraites versées à l’étranger ?
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). La fraude des allocataires est souvent présentée comme un fléau, alors que les chiffres racontent une tout autre histoire, avec 450 millions d’euros détectés dans la branche famille, 250 millions dans la branche vieillesse, soit à peine 0,15 % des pensions versées. En parallèle, le non-recours au RSA représente près de 3 milliards d’euros tandis que la fraude patronale aux cotisations sociales est estimée à environ 7 milliards.
Malgré cela, l’attention continue de se porter sur les plus précaires. Des algorithmes opaques, parfois discriminants, ciblent en priorité les jeunes, les familles monoparentales et les foyers à faibles revenus. La définition même de la fraude reste floue, permettant d’assimiler de simples erreurs à des délits. Les remises de dette sont refusées, la pression s’intensifie et le contrôle glisse d’un impératif de justice à une logique de punition sociale.
Il est temps d’inverser cette dynamique et de chercher les recettes là où elles manquent vraiment. Aussi, quand mettra-t-on en place un algorithme de détection ciblant les déclarations Urssaf ? Quand appliquera-t-on aux employeurs les mêmes indices de suspicion qu’aux allocataires ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Puisque tous les directeurs sont présents, je souhaite recueillir votre appréciation sur l’application des LFSS. Partagez-vous l’analyse du premier président de la Cour des comptes qui, évoquant une crise de liquidité pour la sécurité sociale, estime qu’elle découle d’un mauvais pilotage des dépenses, ou estimez-vous qu’elle relève avant tout d’un déficit structurel de recettes, compromettant la pérennité de notre modèle ?
Les exonérations de cotisations ont été multipliées par quatre entre 2014 et 2024, atteignant près de 80 milliards d’euros, sans compter les exemptions d’assiette. La sécurité sociale devient une variable d’ajustement des politiques économiques, ce qui n’est ni sa vocation, ni soutenable.
Aussi, considérez-vous que les dépenses soient mal pilotées, comme le suggère la Cour ? Dans quelle mesure l’insuffisance des recettes constitue-t-elle un facteur de fragilité pour vos branches respectives ?
Mme Sylvie Bonnet (DR). Je souhaite interroger M. Grivel au sujet de la non‑certification des comptes de la Cnaf. La Cour souligne que les indus de 6,3 milliards d’euros concernent principalement le RSA et la prime d’activité, pour laquelle une expérimentation de pré-remplissage des ressources a été lancée en octobre 2024. Avez‑vous constaté un effet positif de cette mesure sur la détection des fraudes ? Quelles consignes avez‑vous données à vos services à la suite de la non-certification de la branche famille ?
Je m’adresse ensuite à M. Villard au sujet des indus et des fraudes liés aux pensions versées à l’étranger. La Cour recommande un suivi spécifique, qui n’existe pas à ce jour. La Cnav estime que le coût d’adaptation des systèmes d’information serait trop élevé, alors que la Cour chiffre la fraude à 40 à 80 millions d’euros pour l’Algérie et à 12 millions pour le Maroc. Estimez-vous que les coûts de mise en œuvre dépasseraient ces montants ?
Enfin, la Cour indique que les régimes de retraite prévoient un recours accru aux contrôles physiques d’exercice dès 2025. Pouvez-vous préciser quels seront les partenaires locaux impliqués et selon quelles modalités leur mission sera encadrée ?
M. Hendrik Davi (EcoS). L’examen simultané des comptes de la sécurité sociale et du rapport sur la fraude aux prestations sociales laisse penser que la principale difficulté viendrait des dépenses, en particulier de la fraude, alors que le problème se situe d’abord du côté des recettes.
S’agissant de la fraude, il est essentiel de distinguer les actes délibérés des erreurs liées à une mauvaise compréhension des règles. Or la réduction de l’accueil et la dégradation du conseil accentuent ces risques. Il serait d’ailleurs pertinent de quantifier également les erreurs qui, à l’inverse, pénalisent les bénéficiaires tout en avantageant la sécurité sociale. Ma première question porte donc sur les leviers à mobiliser pour renforcer l’information des assurés et des employeurs et limiter ainsi les erreurs.
Le manque à gagner pèse lourdement sur le financement de la protection sociale. Quels moyens envisagez-vous pour résorber ce déficit ?
M. Nicolas Turquois (Dem). Les trois principales caisses de sécurité sociale estiment le préjudice global à près de 6 milliards d’euros pour 2023. Les fraudes liées aux arrêts de travail connaissent une progression rapide : le préjudice détecté par l’assurance maladie est passé de 8 millions à plus de 30 millions d’euros entre 2023 et 2024 et celui lié aux indemnités journalières, de 17 millions à 42 millions. Ces fraudes sont désormais largement portées par des réseaux structurés, avec des faux arrêts de travail diffusés sur les réseaux sociaux et des plateformes commerciales.
Nous saluons les mesures déjà engagées, comme l’introduction d’un formulaire d’arrêt de travail sécurisé obligatoire à compter de juillet 2025. Dans le prolongement de cette réforme, comment la direction de la sécurité sociale envisage-t-elle de recourir à des outils d’intelligence artificielle pour détecter ces fraudes complexes et massives ? Existe‑t‑il aujourd’hui des freins à la mise en œuvre de ces dispositifs ?
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La fraude sociale, loin de se résumer à des chiffres, fragilise la confiance dans notre modèle. Pour 2023, la Cour estime le montant total des indus à 19 milliards d’euros, dont seule une part limitée est effectivement recouvrée. Il est donc impératif de renforcer nos dispositifs, tant en matière de sanctions administratives que de recouvrement.
Plusieurs articles de la LFSS 2025, pourtant centrés sur la lutte contre la fraude, ont été censurés par le Conseil constitutionnel car ils ne relevaient pas du champ d’une loi de financement. Cela concerne notamment l’article 49, qui visait à renforcer les échanges entre assurance maladie et complémentaires, et l’article 51, relatif à la réforme du contrôle médical.
Il me semble ainsi essentiel de trouver un véhicule législatif adapté pour avancer sur ces sujets et donner suite aux recommandations qui nous seront présentées aujourd’hui. Quel est votre avis sur ce point ?
M. Stéphane Viry (LIOT). L’objectif posé par la précédente LFSS était de simplifier les sanctions administratives en réduisant les délais et en renforçant les capacités de contrôle pour plus d’efficacité. Pourtant, si l’intention du législateur était bien posée, elle ne semble pas avoir été traduite de manière satisfaisante. Ainsi, quelles mesures, législatives ou réglementaires, devons-nous adopter pour atteindre pleinement les objectifs fixés ?
J’aimerais également vous interroger sur l’usage de l’intelligence artificielle dans la lutte contre la fraude sociale ainsi que sur la méthodologie de recouvrement des indus, car il est indispensable de récupérer l’argent qui a été versé à tort.
Enfin, sur la fusion entre la carte Vitale et la carte d’identité, existe-t-il aujourd’hui des solutions technologiquement fiables pour lutter contre la fraude à la carte Vitale, dont le préjudice est estimé à près de 628 millions d’euros ?
Mme Farida Amrani, rapporteure. Les ajustements que nous proposons visent à optimiser l’efficacité du dispositif de lutte contre la fraude, en concentrant les efforts sur les cas les plus significatifs et en garantissant une analyse plus approfondie des dossiers.
M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur. Notre rapport met en lumière une certaine inertie dans l’application de la nouvelle procédure. Si celle-ci visait à fluidifier et accélérer le traitement des fraudes tout en limitant les recours contentieux, les données disponibles restent encore insuffisantes pour en évaluer pleinement l’impact. Une réévaluation de la réforme d’ici deux à trois ans par la commission nous semble nécessaire. L’augmentation des indus récupérés constitue néanmoins un premier signe encourageant.
En réponse à la question sur les retraites versées à l’étranger, je souhaite interroger le directeur de la Cnav sur la faisabilité d’un versement des pensions, hors Union européenne, sur des comptes bancaires européens. Cette mesure, qui pourrait être intégrée au prochain PLFSS, permettrait de renforcer les contrôles liés à l’existence réelle des bénéficiaires.
Enfin, concernant le croisement des données entre l’AMO et l’AMC, qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, j’ai déposé une proposition de loi visant à réintroduire cette mesure. J’espère qu’elle pourra être examinée avant l’automne afin d’éviter une nouvelle censure lors du prochain PLFSS.
Mme Delphine Champetier, cheffe de service, adjointe au directeur de la sécurité sociale. Je rappelle que le déficit des régimes obligatoires de base devrait atteindre 22 milliards d’euros d’ici la fin de l’année. Ce niveau de déficit, en période de sortie de crise, est sans précédent. Il constitue une source de préoccupation majeure pour le Gouvernement dans la perspective de redressement des finances publiques.
Ce déficit repose principalement sur les branches maladie et vieillesse, qui concentrent à elles seules près de 85 % du déficit. Dans ce contexte, je tiens à redire que la lutte contre la fraude sociale est un impératif moral, car elle touche à la confiance dans notre modèle social, mais également un impératif économique, car elle produit des effets concrets. Bien que les efforts engagés ces dernières années aient permis des progrès réels en matière d’efficacité, la lutte contre la fraude sociale ne saurait, à elle seule, combler un déficit d’une telle ampleur. L’estimation de la fraude sociale s’élève à 13 milliards d’euros, dont la moitié porte sur les cotisations, le reste se répartissant entre prestations familiales et assurance maladie. La transformation de ces montants estimés en sommes réellement recouvrées reste un défi majeur.
La situation actuelle exige des mesures concrètes sur les recettes comme sur les dépenses. La lutte contre la fraude sociale en fait partie, mais elle ne constitue qu’un levier parmi d’autres.
S’agissant des évolutions législatives, le Conseil constitutionnel a effectivement considéré que la mesure améliorant les échanges de données entre assurances maladie obligatoire et complémentaires était un cavalier législatif. Nous cherchons un véhicule législatif pour faire avancer ce chantier. Une autre mesure censurée, visant les transporteurs sanitaires, pourrait également être reprise. Le ministère s’intéresse par ailleurs à la question de la taxation des revenus issus du trafic de stupéfiants et, bien que cette disposition n’ait pu être intégrée au projet de loi de simplification de la vie économique, nous continuons à y travailler.
La réforme du contrôle médical est un autre axe de travail actif. À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, nous procédons au déclassement réglementaire pour permettre sa mise en œuvre. L’assurance maladie reste mobilisée sur la lutte contre les arrêts de travail frauduleux et la généralisation d’un certificat fiabilisé est prévue dès juillet. Ce nouvel outil vise à mieux détecter les arrêts frauduleux, notamment ceux obtenus sur certaines plateformes en ligne.
Concernant la non-certification des comptes de la branche famille, un plan de contrôle spécifique a été demandé par la ministre du travail. Il s’appuie sur les recommandations de la Cour et vise à améliorer la fiabilité comptable, même si sa mise en œuvre prendra du temps.
La généralisation de la solidarité à la source devrait, à terme, réduire les erreurs et les indus. Le montant net social, désormais mieux identifié, facilite les démarches et réduit le risque de déclaration erronée. Bien que l’expérimentation ait été concluante, il est encore trop tôt pour tirer des enseignements chiffrés de la phase de généralisation.
Le recours au data mining et à l’intelligence artificielle est une dimension incontournable de la lutte contre la fraude. Nous entendons les inquiétudes exprimées par la Défenseure des droits et plusieurs associations et souhaitons garantir une utilisation conforme au règlement général de protection des données (RGPD), rigoureuse et transparente.
S’agissant enfin de la carte Vitale, un important travail de fiabilisation a été entrepris. Les cartes inactives ont été désactivées et le parc assaini. La carte Vitale reste avant tout un outil de liquidation fiable et les fraudes proviennent davantage de modes de facturation dégradés. La carte dématérialisée, en cours d’expérimentation auprès d’un million de Français, constitue une réponse technologique complémentaire.
Quant à l’idée d’un rapprochement entre carte Vitale et carte d’identité, les conclusions de la mission interministérielle qui a évalué cette perspective sont réservées en raison des obstacles techniques qui demeurent à ce jour et de la lourdeur des travaux à engager.
M. Damien Ientile, directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – Urssaf Caisse nationale. Je souhaite rappeler que la lutte contre la fraude ne peut être perçue comme une réponse unique au déficit de la sécurité sociale. Elle est avant tout un levier d’équité et de préservation du consentement à la contribution. Concernant la fraude aux cotisations, nous l’estimons entre 6 et 7 milliards d’euros par an dans le secteur privé, un chiffre issu de l’Observatoire du travail dissimulé, loin des 12 milliards parfois avancés.
En matière de recettes, je réfute le terme de crise car les cotisations progressent, le taux de reste à recouvrer est inférieur à 2 % et notre système de financement demeure robuste. Les tensions actuelles tiennent davantage à l’écart entre recettes et dépenses qu’à un défaut de pilotage.
À propos des alertes sur une prétendue crise de liquidité, je rappelle que l’Urssaf Caisse nationale gère une dette de court terme liée aux écarts de calendrier entre encaissements et versements. Ce mécanisme existerait même en l’absence de déficit. Notre dette s’élève toutefois actuellement à 40 milliards d’euros et, sans reprise de dette, nous pourrions atteindre le plafond autorisé de 65 milliards fin 2025 d’ici 2027. Si notre capacité d’emprunt reste intacte à ce jour, ce sujet devra être anticipé.
Concernant la fraude aux cotisations, l’Urssaf distingue clairement erreur et fraude. Nos contrôles portent sur l’écart entre cotisations dues et versées. La complexité du droit justifie cette vigilance. En 2024, 170 millions d’euros ont été restitués à des entreprises ayant trop cotisé, preuve de notre objectivité. Nous misons ainsi sur le conseil et la prévention, avec des dispositifs d’accompagnement gratuits. La déclaration sociale nominative (DSN) constitue un outil-clef, avec plus de 150 contrôles automatisés intégrés, garantissant un haut niveau de sécurisation.
S’agissant du travail dissimulé, nous avons opéré 1,6 milliard d’euros de redressements en 2024, contre 1,2 milliard en 2023. Dans la mesure où cette fraude nuit au financement de la protection sociale, à la concurrence loyale et aux droits des salariés, notre action en ce domaine s’intensifie. Nous estimons ainsi que plusieurs évolutions législatives pourraient améliorer notre capacité à lutter contre cette fraude. Si la solidarité financière du donneur d’ordre constitue un axe fort, ses limites apparaissent dans les chaînes de sous‑traitance complexes. Nous travaillons également sur l’amélioration des procédures de recouvrement, notamment pour accélérer et sécuriser les saisies d’actifs. L’objectif est de contrer les manœuvres dilatoires visant à faire disparaître les biens saisissables. Nous étudions des procédures existant en matière fiscale pour renforcer notre efficacité.
Nous réfléchissons également à renforcer les prérogatives de nos inspecteurs du recouvrement, notamment à travers un accès élargi aux informations bancaires et la possibilité d’interventions anonymisées dans certains cas sensibles. Ces évolutions concernent plusieurs corpus juridiques, soulignant le caractère transversal de la lutte contre le travail illégal.
M. Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Concernant la solidarité financière, nous distinguons le cadre pénal et le cadre civil. Au niveau pénal, la solidarité financière s’applique lorsqu’il est établi qu’un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage, public ou privé, a sciemment fait appel aux services d’une ou plusieurs entreprises pratiquant le travail dissimulé. Cette application nécessite la preuve d’un élément intentionnel. Au niveau civil, il s’agit de la responsabilité du donneur d’ordre de s’assurer que ses cocontractants respectent leurs obligations sociales en matière de déclaration et de paiement.
La limite actuelle du dispositif réside dans le fait que cette responsabilité ne s’exerce que dans une relation directe entre donneur d’ordre et sous-traitant. Or, particulièrement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, nous sommes souvent confrontés à des chaînes de sous-traitance complexes. Cette situation favorise l’apparition de sociétés écrans destinées à entraver la mise en œuvre de la responsabilité des véritables donneurs d’ordre. Il nous paraît donc nécessaire de faire évoluer cette réglementation pour améliorer le recouvrement des redressements en matière de travail dissimulé.
Concernant l’utilisation d’algorithmes, si nous confirmons leur emploi dans la lutte contre la fraude aux cotisations, le but est uniquement d’améliorer le ciblage des situations à risque. En aucun cas ils ne conduisent directement à des redressements. Après ce ciblage algorithmique, des contrôles approfondis sont systématiquement effectués, impliquant une appréciation humaine des situations. Si ces outils technologiques sont donc essentiels pour optimiser notre efficacité, le processus de contrôle et de redressement reste entièrement sous supervision humaine.
M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales. Notre approche en matière de lutte contre la fraude, bien qu’offensive, repose sur la distinction fondamentale entre les erreurs de bonne foi des fraudes intentionnelles. Cette distinction est essentielle, car elle conditionne notre manière d’intervenir. La fraude suppose une volonté délibérée de détourner la solidarité nationale de son objet, ce qui doit être objectivé au fil des procédures. Les erreurs, quant à elles, sont bien plus nombreuses, mais souvent liées à la complexité des démarches ou à la variabilité des situations.
Nous luttons à la fois contre des fraudes individuelles classiques telles que la dissimulation de ressources ou de composition familiale et contre des formes de fraudes organisées, qui se développent. Ces dernières sont plus sophistiquées, parfois structurées en réseaux, et nécessitent une réponse spécifique. C’est pourquoi nous avons mis en place un service national de lutte contre la fraude à enjeux, dont les résultats sont très encourageants. Grâce à lui, et aux actions combinées des 700 contrôleurs répartis dans les CAF, nous avons pu détecter 450 millions d’euros de fraude en 2024, soit une progression de 20 % par rapport à l’année précédente.
Dans le cas des fraudes liées à des usurpations d’identité ou de relevé d’identité bancaire (RIB), nous parvenons désormais à bloquer 90 % des tentatives avant même le premier versement. Ce taux de détection en amont témoigne de l’efficacité de notre dispositif, tout en soulignant que, dans nombre de cas, les allocataires sont davantage victimes que responsables. Cela confirme la nécessité d’un contrôle rigoureux, mais également juste et proportionné.
Nos taux de recouvrement sont relativement élevés pour les indus non frauduleux – près de 80 % – comme pour les indus frauduleux– plus de 70 %. Toutefois, dans les cas de fraude organisée, le recouvrement reste difficile, car les auteurs disparaissent souvent ou dissimulent leurs traces avant que l’action ne puisse être engagée.
Nous soutenons plusieurs pistes d’amélioration du cadre juridique, en particulier la proposition visant à relever le seuil de saisine de la commission des pénalités. Cela permettrait de concentrer les moyens sur les fraudes les plus significatives tout en simplifiant la gestion des cas mineurs. Par ailleurs, la question de l’accès aux données des compagnies aériennes est essentielle pour vérifier la condition de résidence des allocataires.
Sur le plan des outils, notre capacité de croisement des informations s’est considérablement renforcée. Grâce à l’accès au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) et à des partenariats avec l’Urssaf, la Cnav, France Travail et les services fiscaux, nous avons amélioré notre ciblage et notre efficacité. Ces outils nous permettent d’identifier les situations à risque avec plus de précision et de mener des contrôles plus ciblés qui génèrent des gains financiers supérieurs.
Un autre volet de notre action repose sur l’identification des risques d’erreur déclarative, en particulier dans les situations instables où les ressources et statuts varient. C’est dans ces cas que les indus sont les plus importants et les plus préjudiciables pour les foyers concernés, car ils apparaissent souvent tardivement, après croisement des données fiscales, et s’étendent sur de longues périodes. Face à cela, nous avons développé une approche conjuguant contrôle et accompagnement. Nous cherchons à prévenir les erreurs en amont afin de limiter les indus, sources d’instabilité et d’incompréhension pour les allocataires.
Conscients des préoccupations sociétales que peuvent susciter nos méthodes, nous avons engagé un travail approfondi de transparence. Contrairement à certaines représentations, notre outil de data mining n’est pas une intelligence artificielle, mais un dispositif statistique développé dès 2011 qui fonctionne comme un miroir statistique de notre fichier allocataires. Pour mieux en comprendre les effets et les expliquer, nous avons entamé une démarche de rétro-ingénierie et mis en place un comité d’éthique composé d’administrateurs, de représentants associatifs et d’experts, consulté sur l’évolution de nos outils, notamment dans la perspective de l’intégration de technologies plus avancées.
Concernant la certification des comptes, il ne s’agit pas d’un problème de qualité comptable, puisque nos comptes sont justes, mais de qualité des données entrantes. Les prestations conditionnées aux ressources sont complexes à gérer car elles doivent s’ajuster en temps réel aux évolutions fréquentes des situations individuelles, et cette complexité entraîne un risque d’erreur important.
Pour mesurer ce risque, nous réalisons chaque année une enquête sur 6 000 dossiers, puis extrapolons les résultats à l’ensemble des 13 millions d’allocataires pour évaluer le risque résiduel. Les prestations simples, comme les allocations familiales, présentent un risque quasi nul, mais les prestations à déclaration trimestrielle, elles, sont beaucoup plus exposées.
Deux réformes récentes ont amplifié ce phénomène : le doublement de la prime d’activité en 2019, dont les déclarations sont souvent erronées, et la réforme des aides au logement, qui s’appuie désormais sur des ressources contemporaines et glissantes. Ces deux dispositifs, bien qu’efficaces sur le fond, ont accru la volatilité des prestations, augmentant mécaniquement notre niveau de risque. Malgré les nombreuses améliorations de qualité que nous avons mises en place, saluées par la Cour, nous sommes confrontés à un ordre de grandeur de risques structurellement différent. Je précise également que nos indicateurs mesurent des risques avec un décalage de deux ans. Ainsi, les améliorations récentes de notre plan ne sont pas encore reflétées dans ces indicateurs.
Nos efforts d’amélioration ne peuvent à eux seuls résoudre cette problématique structurelle sans une réforme fondamentale de notre approche. Nous atteignons les limites de notre système actuel, qui fait peser un risque déclaratif considérable sur les allocataires, entraînant des erreurs et des rectifications tardives qui génèrent de l’insécurité.
C’est précisément pour remédier à cette situation que nous avons conçu la réforme de la solidarité à la source, visant à éliminer ces problèmes en amont pour le RSA et la prime d’activité. Inspirée du modèle fiscal, elle vise à simplifier les démarches en préremplissant les déclarations trimestrielles à partir des données sociales disponibles. Le montant net social, issu de la DSN, devient la référence. Après une phase d’expérimentation réussie dans cinq CAF, la réforme a été généralisée le 1er mars. Les premiers résultats sont très prometteurs, puisque 95 % des allocataires valident leur déclaration sans modification. Cela réduit drastiquement le besoin de contrôles a posteriori et sécurise le versement des prestations dès l’amont.
La Cour salue cette réforme, qu’elle identifie comme un levier décisif. Bien que ses effets ne soient pas encore visibles sur les indicateurs classiques de certification, elle marque un tournant dans notre gestion du risque et constitue une réponse structurelle aux fragilités du modèle déclaratif actuel.
M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. La lutte contre la fraude constitue un enjeu central pour la branche vieillesse, bien que son impact budgétaire demeure limité. Les montants concernés sont estimés à 50 millions d’euros par an, à rapporter aux 180 milliards de dépenses annuelles et aux 6 milliards de déficit prévus en 2025. Si elle ne suffira donc pas à rétablir l’équilibre financier, elle joue toutefois un rôle essentiel pour préserver le consensus républicain et garantir l’équité du système.
La solidarité à la source, déjà mise en œuvre pour le RSA et la prime d’activité, sera étendue fin 2025 ou début 2026 aux prestations de la branche retraite, comme le minimum vieillesse ou la pension de réversion. L’objectif est de fiabiliser les données sociales en temps réel, ce qui permettra de réduire les indus et les cas de fraude, en fluidifiant les échanges d’informations en amont.
Je réaffirme la nécessité d’adapter la réponse publique à l’évolution constante des pratiques de fraude. À ce titre, l’idée de conditionner le versement des retraites à l’utilisation d’un compte bancaire domicilié dans l’Union européenne mérite notre attention. Les banques européennes disposent déjà de mécanismes robustes de vérification d’identité et de traçabilité des fonds, ce qui permet de limiter les risques sans pour autant porter préjudice aux retraités vivant à l’étranger. Le paiement idéal demeure celui effectué sur un compte français, qui permet un accès en temps réel à Ficoba.
Notre branche, comme les autres, s’attache à lutter contre la fraude tout en respectant scrupuleusement les droits des assurés. À titre d’illustration, nous leur remettons systématiquement une charte de contrôle qui détaille leurs droits et devoirs. Cette démarche vise à rééquilibrer la relation entre l’administration et l’assuré lors des contrôles.
Des méthodes de sécurisation sont déjà en place, comme la vérification d’identité lors de la réception d’un RIB, afin de prévenir les usurpations. De même, l’accès aux fichiers des compagnies aériennes, s’il était autorisé, permettrait d’identifier plus efficacement les cas de double nationalité ou l’usage de passeports multiples, facilitant ainsi les vérifications pour les pensionnés vivant à l’étranger.
Un autre levier d’action concerne la commission des pénalités financières, dont le seuil de saisine reste effectivement trop bas au regard du montant moyen des fraudes détectées. Nous estimons qu’il devrait être doublé pour atteindre huit plafonds, afin de réserver cette procédure aux fraudes les plus graves, tout en allégeant la charge administrative et en cohérence avec l’obligation de dépôt de plainte, fixée au même niveau.
Concernant les échanges d’état civil avec les pays étrangers, nous partageons les réserves exprimées quant à leur couverture encore trop limitée, car ils sont essentiels pour confirmer l’existence des retraités vivant hors de France. Essentiels pour fiabiliser l’existence des retraités à l’étranger, ils nécessitent des accords bilatéraux et des systèmes d’état civil fiables et dématérialisés dans les pays partenaires. Nous travaillons activement à étendre ces accords, particulièrement au sein de l’Union européenne. Pour compléter ce dispositif, nous déployons désormais des contrôles biométriques pour les retraités résidant à l’étranger, renforçant ainsi considérablement notre capacité de vérification.
Je tiens à affirmer que les équipes dédiées à la lutte contre la fraude ont vu leurs effectifs, compétences et prérogatives renforcés, les rapprochant des capacités d’action de la police judiciaire. L’augmentation de la fraude détectée traduit avant tout une amélioration des outils de repérage, ce qui constitue un signal positif. De nouveaux dispositifs, comme le référentiel de ressources mensuelles, facilitent le croisement des données sociales et fiscales dans le respect du RGPD, et améliorent la détection du non-recours, du risque d’erreur ou des fraudes.
Concernant les contrôles physiques à l’étranger, la Cnav s’appuie sur plusieurs méthodes. Des agents sont présents dans certains consulats, comme à Alger, et des partenaires locaux, comme les réseaux bancaires ou d’autres régimes de retraite, jouent également un rôle, sous réserve d’audits stricts pour garantir la fiabilité des procédures.
Je défends la qualité du service rendu, précisant que les erreurs de versement restent marginales, en dessous de 1 % des montants. Deux tiers de ces erreurs concernent des éléments de carrière, que seul l’assuré peut rectifier. Cela souligne l’importance du dialogue pour reconstituer avec précision la trajectoire professionnelle des bénéficiaires.
Mme Annie Vidal (EPR). Ma préoccupation porte sur le déficit apparemment inexorable de la sécurité sociale, avec peu de perspectives d’équilibre à court terme. Bien que vous ayez tempéré les inquiétudes concernant un risque imminent de manque de liquidité, le niveau d’endettement semble atteindre son maximum.
Avez-vous, tout d’abord, identifié des postes majeurs dont l’optimisation pourrait significativement impacter les dépenses ou les recettes ? Ensuite, comment anticipez-vous l’augmentation inévitable de certaines dépenses, notamment celles liées au vieillissement démographique ? Enfin, même si un problème de liquidité n’est pas imminent, les capacités d’emprunt à court terme de la caisse sont-elles affaiblies, voire menacées, en termes de crédibilité sur les marchés d’emprunts et de taux d’intérêts ?
Mme Joëlle Mélin (RN). Monsieur Grivel, comment expliquez-vous que votre caisse ait enregistré des pertes de 5,8 milliards d’euros en 2022 et 3,8 milliards en 2023, et prévoie 6,3 milliards de pertes en 2024 ?
M. Stéphane Vojetta (EPR). L’enchevêtrement des comptes publics et des transferts entre vos caisses et les services de l’État semble avoir pour effet de dissimuler le déficit réel du système des retraites. Cette opacité permet de maintenir l’illusion d’un équilibre des retraites tout en reportant le problème sur la sécurité sociale. La dette présente des limites structurelles que nous approchons rapidement, surtout si nous n’appliquons aucune correction.
Aussi, devons-nous continuer à adhérer à cette représentation trompeuse de la réalité ou commencer à affronter la situation telle qu’elle est réellement ? Ne devrions-nous pas demander à la Cour un travail approfondi de clarification et envisager une réforme de notre mode de comptabilité publique ?
M. Fabien Di Filippo (DR). Concernant les retraites versées à l’étranger, qui représentent 6 milliards d’euros, l’acceptabilité sociale des efforts demandés à la population française dépend de notre capacité à éliminer toute fraude dans ce domaine. Les contrôles effectués révèlent un taux de fraude de 2 à 5 %, atteignant parfois plus de 30 % pour les personnes de plus de quatre-vingt-dix-huit ans dans certains pays du Maghreb. Les partenariats avec des acteurs étrangers seront-ils suffisants pour contrôler l’intégralité des bénéficiaires concernés ?
Concernant les arrêts maladie frauduleux, l’échantillon de contrôle de 240 000 arrêts a révélé qu’un tiers était injustifié. Quelles mesures envisagez-vous pour fermer les sites en ligne permettant d’obtenir facilement des arrêts maladie ? De quels moyens de contrôle disposez-vous pour surveiller les pratiques de certains médecins ?
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Bien qu’il existe des fraudes aux cotisations et aux prestations dans les outre-mer, il ne faut pas en faire porter la responsabilité aux familles précaires, aux retraités modestes ou aux travailleurs non déclarés. Ce qui fragilise notre système, ce sont les inégalités structurelles, l’absence de l’État et des défaillances administratives.
En Martinique, les services publics sont à bout, les agents des CAF et de l’Urssaf débordés, mal équipés, parfois maltraitants malgré eux. L’économie repose en grande partie sur le travail informel, faute d’alternative dans un contexte de chômage massif.
Il faut bien sûr lutter contre la fraude, mais sans accabler les plus pauvres. L’enjeu, celui de l’équité, passe par des contrôles ciblés sur les vrais fraudeurs, notamment les employeurs, et non par une suspicion généralisée. La lutte contre la fraude ne doit pas servir de prétexte pour remettre en cause l’universalité de la protection sociale.
M. Jérôme Guedj, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Le rapport « Charges et produits » que la Caisse nationale de l’assurance maladie présentera sous peu présentera des réformes et des pistes d’économies plus conséquentes. Je m’interroge sur ce qui vous empêche, dans vos domaines respectifs, de mener un exercice similaire dans la période actuelle, notamment dans le secteur du recouvrement.
Nous travaillons actuellement sur les suites du rapport Bozio-Wasmer, qui met en lumière un problème de multiplication des assiettes et un manque de cohérence, suggérant d’aligner l’assiette des cotisations sur celle de la contribution sociale généralisée.
À l’heure où se posent de grandes questions sur l’avenir de la sécurité sociale, quelles propositions systémiques et structurelles formulez-vous, chacun dans votre domaine, concernant les économies potentielles, la maîtrise des dépenses, la question cruciale des recettes et des exemptions de cotisations sociales ?
La Cour a souligné que certaines exemptions d’assiettes ne sont plus justifiées aujourd’hui. Quel est votre point de vue sur ce sujet ? Êtes-vous en mesure d’adopter une approche novatrice et de proposer des pistes pour augmenter les recettes ?
Mme Delphine Champetier, cheffe de service, adjointe au directeur de la sécurité sociale. Concernant les pistes de redressement, nous menons une réflexion approfondie en lien avec les caisses nationales, d’autres directions du ministère et plusieurs partenaires. La réduction des niches sociales fait partie des leviers envisagés, tout comme le financement des indemnités journalières. Le financement des soins pour les personnes atteintes d’affections longue durée est un autre enjeu central, compte tenu de son poids dans la hausse des dépenses de l’assurance maladie.
Nous envisageons également des mesures déjà utilisées dans le passé, telles que des ajustements des tickets modérateurs, des participations forfaitaires ou des franchises. Ces réflexions portent essentiellement sur l’assurance maladie, qui concentre la majorité des difficultés de financement. Le Gouvernement ne s’est pas encore prononcé sur les mesures retenues, mais celles-ci seront dévoilées dans les semaines à venir.
Le vieillissement de la population française alimente mécaniquement la progression des dépenses de santé et rend complexe l’identification d’économies substantielles dans la branche autonomie. Bien qu’un effort soit possible, les besoins excèdent les capacités de financement à moyen terme.
Enfin, nous avons bien précisé que la lutte contre la fraude n’est qu’un levier parmi d’autres qui ne peut en aucun cas être considéré comme une réponse unique aux déséquilibres actuels. Le projet de loi de financement à venir est particulièrement complexe.
M. Damien Ientile, directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – Urssaf Caisse nationale. J’affirme que nos capacités d’emprunt demeurent solides. Notre signature nous permet d’emprunter actuellement à un taux d’environ 2,1 %, très proche de celui de l’État pour des maturités similaires. Cependant, les difficultés à venir que nous anticipons nous contraignent à agir dès maintenant pour y faire face.
J’affirme également que nous entretenons des échanges techniques et méthodologiques réguliers avec notre tutelle, la direction de la sécurité sociale, ainsi qu’avec le gouvernement. Quant aux propositions potentiellement disruptives, notre conseil d’administration paritaire constitue l’une de nos forces majeures. Je ne formulerai aucune proposition, notamment sur le sujet sensible et clivant des retraites, sans avoir obtenu un consensus issu d’une réflexion collective des partenaires sociaux.
M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales. Le risque d’erreur est inhérent à tout système, particulièrement lorsqu’il s’agit de gérer plus de 100 milliards d’euros de prestations. Les chiffres que j’ai mentionnés sont des estimations basées sur l’extrapolation, avec une marge d’erreur inhérente à toute méthode de sondage. Notre risque brut estimé au moment des déclarations des allocataires s’élève à environ 19 milliards d’euros. Sans notre intervention, ce montant resterait inchangé. Cependant, grâce à nos actions de contrôle, incluant plus de 30 millions de vérifications annuelles, de croisements d’informations, de contrôles sur place et sur pièce, nous parvenons à réduire considérablement ce risque.
Ces écarts jouent par ailleurs dans les deux sens, certains allocataires recevant trop et d’autres pas assez. Notre objectif principal étant d’atteindre le juste droit, les réformes que nous mettons en place, notamment celle de la solidarité à la source, nous permettront de nous en rapprocher significativement en disposant des informations correctes dès le départ.
M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Concernant les retraités âgés résidant à l’étranger, nous comptons 26 000 retraités centenaires résidant en France et 2 400 à l’étranger, dont environ un millier en Algérie.
Même dans l’hypothèse improbable où tous ces retraités algériens seraient décédés, l’impact financier se limiterait à 15 à 20 millions d’euros. Nos vérifications régulières, notamment auprès des personnes approchant un âge avancé, ont toutefois révélé qu’environ 10 % étaient effectivement décédés. Ces chiffres contredisent les estimations fantaisistes évoquant 40 à 50 % de décès non signalés.
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La commission examine ensuite le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 (n° 1456) (M. Thibault Bazin, rapporteur général).
M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que le Placss de l’année 2024 sera à l’ordre du jour de la séance publique mardi 10 juin.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. C’est pour donner un « point d’aboutissement plus solennel » au contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) que notre ancien collègue Thomas Mesnier avait envisagé la création de la nouvelle catégorie de texte que constitue le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss).
Un commentaire de méthode, en réalité politique, s’impose, non que mes états d’âme importent, mais parce que ma situation est paradoxale, puisque non seulement je n’étais pas rapporteur général au moment de l’élaboration de la LFSS 2024, mais je n’étais pas non plus, tant s’en faut, un soutien inconditionnel des gouvernements ayant eu la responsabilité d’appliquer ce budget.
J’avancerai donc, sans pour autant refuser le débat de fond, des arguments d’ordre institutionnel, ne serait-ce que parce qu’il me semble important de respecter la loi organique qui encadre le format des dispositions qui nous sont soumises et que les chiffres qui y figurent sont le reflet de la réalité, que celle-ci nous plaise ou non.
Concernant tout d’abord le champ des administrations de sécurité sociale (Asso), plus large que celui des régimes sur lequel nous nous concentrerons ensuite, l’article liminaire fait apparaître un strict équilibre de 0,0 point de produit intérieur brut (PIB). Comme nombre d’entre vous, je ne suis pas grand amateur des expressions en volume et trouve plus utile de parler en milliards d’euros : cela n’est pas nécessairement plus facile à appréhender, mais présente au moins le mérite d’effacer certains arrondis. Ainsi, les Asso affichent, en valeur, un léger excédent, de 1,3 milliard d’euros sur la base des données disponibles lors du dépôt du Placss ou de 2,3 milliards d’euros si l’on tient compte de la révision effectuée deux jours plus tard par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). J’insiste sur le fait qu’il s’agit de l’Insee et non de tel ou tel ministre. Le rehaussement constaté tient à un ressaut des recettes, notamment au résultat positif des retraites complémentaires et à l’équilibre de l’Unedic, même si la situation de l’assurance chômage est moins favorable qu’espéré il y a encore quelques mois.
L’article 1er concerne les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui affichent un déficit de 16,5 milliards d’euros pour l’exercice clos, que l’on peut ramener à 15,3 milliards d’euros en y incluant l’excédent du Fonds de solidarité vieillesse. Cela traduit une dégradation, non seulement par rapport à 2023, année lors de laquelle le déficit a atteint 10,8 milliards d’euros, mais aussi en comparaison avec la prévision de la LFSS 2024, qui s’établissait à 10,5 milliards d’euros. Le déficit est dû aux branches maladie et vieillesse, pour respectivement 13,8 et 5,6 milliards d’euros, les autres repassant dans le vert.
Ces chiffres marquent définitivement la fin de la période de redressement de la situation financière de la sécurité sociale consécutive à la crise sanitaire, qui résultait d’effets mécaniques liés au rebond de l’activité économique et à l’extinction progressive des dépenses exceptionnelles effectuées pour faire face à la pandémie. L’aggravation du solde intervient durant une période qui, de l’avis général, ne peut être qualifiée de crise malgré les indéniables défis liés au retour de l’inflation et aux contingences du contexte économique international.
Les recettes ont été très largement surestimées : à chacun de dire dans quelle mesure il y voit des erreurs techniques ou l’expression d’un certain optimisme.
Sur le plan des dépenses, il apparaît, conformément aux éléments évoqués à la faveur des trois dernières auditions du premier président de la Cour des comptes, que la dynamique des composantes de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) s’accélère et que les efforts de modération sont trop timides. Les pensions de retraite ont légitimement progressé de 7 %, dont 5,3 % en raison de leur revalorisation indexée sur l’inflation, cet élément expliquant à lui seul plus de 13 des 18 milliards d’euros de dépenses supplémentaires de la branche.
L’Ondam est l’un des objets de l’article 2 du Placss. En 2024, il a été consommé à hauteur de 256,4 milliards d’euros, ce qui montre une hausse quel que soit le point de comparaison. Les annexes du Gouvernement évoqueront une présentation de 3,47 % à champ courant ou de 3,3 % à champ constant. Je préfère être plus clair et parler d’une progression de 8,6 milliards d’euros par rapport au Placss pour 2023, d’un dépassement de 1,5 milliard d’euros par rapport à la cible fixée par la LFSS 2024 et d’une augmentation de 71,3 milliards d’euros – soit plus d’un tiers – par rapport à 2017.
Toutes les conditions étaient pourtant réunies, comme l’a notamment souligné la Cour des comptes, pour que l’Ondam soit tenu pour la première fois depuis 2019 : une inflation plus faible qu’anticipé, des hypothèses qui n’étaient pas irréalistes, des marges qui existaient mais n’ont pas été utilisées. Outre la tendance bien connue d’évolution des indemnités journalières, des dépassements d’honoraires ou des frais de biologie, la difficulté est toutefois liée au fait que les mesures de maîtrise annoncées à 4,4 milliards d’euros n’auraient été réalisées qu’à hauteur de 0,7 à 1,1 milliard d’euros. Cela doit nous inquiéter pour les exercices à venir.
La Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) a amorti quelque 16 milliards d’euros de dette, soulageant d’autant la trésorerie des différents régimes et les contribuables des générations futures.
Enfin, l’article 3 du Placss complète les deux précédents par une présentation sous forme de bilan, qui permet d’appréhender les régimes comme détenteurs d’un actif et d’un passif. Puisse cette grille patrimoniale ne pas nous rebuter, mais nous inspirer.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Joëlle Mélin (RN). Si nous avons pu nous féliciter des effets positifs de la loi organique de 2022, caractérisés par la concomitance de parution des rapports de la Cour des comptes donnant une vision claire de chiffres alarmants, nous ne pouvons que déplorer sa forme, qui nous oblige à procéder en principe avant le 1er juin à l’approbation des comptes de l’année précédente. La rigidité du processus cache mal l’incertitude, voire l’insécurité entourant les chiffres qui nous sont présentés. Citons par exemple la non certification, pour la troisième fois, des comptes de la branche famille, qui a encore perdu plus de 6 milliards d’euros, portant le montant à 16 milliards d’euros en trois ans, soit un tiers des efforts demandés aux Français cette année.
Nous avons déjà longuement discuté pour savoir s’il fallait ouvrir le débat sur les articles classiques du Placss ou le rejeter. Or il nous apparaît qu’il n’y a cette année plus rien à discuter. Les erreurs comptables sont nombreuses, profondes, complexes et redondantes. Nous demandons par conséquent la suppression de tous les articles du projet.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Le déficit des régimes obligatoires de la sécurité sociale s’établit à – 15,3 milliards en 2024. En augmentation par rapport à 2023, il est toutefois moins important que celui attendu dans le cadre de la LFSS 2025. Cette situation fait suite à l’amélioration de nos comptes sociaux, fruit des politiques que notre majorité avait engagé en matière notamment d’emploi, de retraites et d’assurance chômage. Cela a permis à notre économie de tenir malgré l’inflation.
Ce déficit devrait toutefois continuer à se détériorer pour atteindre 22,1 milliards d’euros en 2025 et 24,1 milliards d’euros en 2028, selon les dernières prévisions. Ce déficit, qui concerne en particulier les branches maladie et vieillesse, devrait nous conduire à ne pas détourner le regard. Comme chaque année pourtant, les oppositions vont s’opposer : la gauche et le Rassemblement national déposent ainsi en commun des amendements visant à supprimer une simple photographie de nos comptes sociaux, alors même qu’ils refusent d’envisager toute réforme du financement de notre modèle de protection sociale, sauf à proposer des solutions de hausse de cotisations qui viendraient détruire des milliers d’emplois. Ce sont eux également qui voteront certainement demain une proposition de résolution de l’abrogation de la réforme des retraites, qui aurait pour effet d’aggraver durablement le déficit de notre système, donc de la sécurité sociale.
Lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notre groupe a rappelé l’impérieuse nécessité de repenser le financement de notre modèle de protection sociale. Les déficits structurels doivent nous pousser à effectuer des réformes structurelles. C’est à cette seule condition que nous pourrons préserver notre modèle social. Les faits sont là et doivent nous pousser à l’action.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Qui a dit : « Le budget de la sécurité sociale représente un effroyable boulet pour l’économie » ? Est-ce Amélie de Montchalin ? Eh bien non, c’est Le Figaro qui, en 1948 déjà, réagissait ainsi de manière quelque peu excessive, comme en atteste ce fac-similé que je tiens à votre disposition. Les mêmes débats se reproduisant sans cesse depuis la Libération, nous allons rappeler l’évidence : lorsqu’une caisse manque d’argent pour couvrir les engagements pris, on peut soit mettre fin à ces engagements, en arrêtant d’indemniser les malades, de les transporter à l’hôpital – ou en les entassant à plusieurs à l’arrière d’un taxi sanitaire –, soit ajouter de l’argent dans les caisses.
Nous voici au sketch annuel, lors duquel vous nous demandez d’approuver des comptes de la sécurité sociale alors même que la LFSS n’a pas été soumise au vote en raison d’un recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Collègues macronistes, tant que vous imposerez des lois de financement de la sécurité sociale dont personne ne veut, nous ne pourrons en approuver les comptes l’année suivante. C’est logique. Nous sommes des parlementaires, pas des poissons rouges.
D’autant que vous avez vidé les caisses. Les allégements de cotisations sociales ont ainsi augmenté de 29 milliards d’euros en 2017, année de l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir. À l’heure où la Macronie entre dans son crépuscule, cette augmentation est de 77 milliards d’euros, dont 8 milliards d’euros non compensés à la sécurité sociale, ajoutés à 3 milliards d’euros d’exonérations sur l’actionnariat, les stock-options, les actions gratuites et autres plans d’épargne d’entreprises. À titre d’exemple, un salarié percevant deux Smic versait 45 % de contributions et cotisations en 2010, contre 40 % aujourd’hui, soit un différentiel de 5 points de salaire brut.
Toutes ces raisons nous conduisent à repousser le projet d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 et, fidèles à l’esprit de 1945, à demander que ceux qui le peuvent contribuent, que ceux qui en ont besoin soient indemnisés et que soient enfin rétablies des élections à la sécurité sociale afin que ce ne soit plus des macronistes qui en pilotent les comptes mais les assurés eux-mêmes.
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous abordons cet examen du Placss avec une impression de déjà-vu. Depuis huit ans en effet, le Gouvernement vide les caisses, laissant filer en 2024 quelque 77 milliards d’euros dans des exonérations de cotisations sociales dont l’efficacité reste à prouver.
Un autre sentiment de déjà-vu tient au fait qu’une fois encore vous rejetez la faute sur les dépenses sociales, sur les hôpitaux, la médecine de ville, la prévention, les personnes âgées, c’est-à-dire sur les raisons qui ont conduit à la création de la sécurité sociale il y a quatre‑vingts ans.
Nous n’allons bien évidemment pas approuver votre banqueroute sociale. Nous n’allons pas être complices de cette trajectoire budgétaire complètement « hors de contrôle » selon l’expression de la Cour des comptes elle-même. Nous n’allons pas faire comme si le déficit de 15 milliards d’euros était inéluctable et surtout comme si vous n’y étiez pour rien : il est en effet la conséquence directe de votre politique d’austérité désastreuse.
Nous voterons donc, sans surprise, contre ce Placss.
Comme nous sommes de bonne volonté, nous avons toutefois préparé une sélection des recommandations de la Cour des comptes pour vous permettre d’améliorer votre copie. Il convient tout d’abord, pour augmenter les recettes, de réduire urgemment le plafond des allégements d’allocations familiales de 3 à 2,5 Smic et d’intégrer les compléments de salaire dans l’assiette de calcul des exonérations. Pour dépenser intelligemment, il faut travailler à la qualité des soins et lutter contre la désertification médicale et paramédicale afin de prévenir certains soins hospitaliers d’urgence. Il semble enfin crucial de ne plus avoir peur de la prévention, mais de la considérer comme un investissement social. Sortez donc de votre calendrier budgétaire et électoral et prévoyez de manière pluriannuelle pour que nos enfants bénéficient encore d’une sécurité sociale digne de ce nom.
Mme Justine Gruet (DR). Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 est certes un exercice comptable, mais aussi un acte politique. Il illustre une trajectoire budgétaire à laquelle nous refusons de nous associer. Pour la troisième année consécutive, le groupe de la Droite Républicaine votera contre ce texte, non pour nier la réalité des chiffres, mais pour marquer son désaccord profond avec la politique qui les a produits.
Le déficit s’élève à près de 18 milliards d’euros, dont 13,8 milliards d’euros pour la branche maladie. Si l’exécution est légèrement meilleure que prévu, les tendances lourdes restent préoccupantes. La branche vieillesse voit ainsi son déficit doubler, tandis que l’excédent des accidents du travail diminue de moitié. Seule la branche autonomie tire son épingle du jeu, grâce à des recettes exceptionnelles.
Pire encore : selon la Cour des comptes, la trajectoire 2025‑2028 nous mène à une impasse. Le déficit atteindrait ainsi 24 milliards d’euros en 2028, avec une dette sociale non maîtrisée portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, exposée dès 2027 à un risque de crise de liquidité.
Face à cette situation, nous refusons de valider la politique budgétaire conduite par les gouvernements successifs. Le budget 2024 n’a pas été préparé par le premier ministre de l’époque, Michel Barnier, qui n’a malheureusement pas pu faire adopter son propre PLFSS pour 2025, empêché par une alliance de circonstance entre le Rassemblement national et la gauche.
Nous nous opposerons à la suppression des articles du Placss, qui ne font qu’exposer les chiffres inquiétants de nos déficits, mais voterons contre ce texte, car nous estimons qu’il est temps de changer de cap. Nous appelons à une gestion rigoureuse et durable des comptes sociaux et à un effort renforcé contre la fraude.
Mentionnons à cet égard les 6,3 milliards d’euros d’indus et d’erreurs qui ont été constatés au sein de la Caisse nationale des allocations familiales. Interrogeons-nous sur le changement des règles. On note en effet une hausse de 1,5 milliard d’euros en quatre ans, alors que la natalité a baissé de 10 points dans le même temps.
Nous appelons à une plus grande responsabilisation et à une meilleure maîtrise des dépenses de santé, afin de ne pas faire peser sur nos enfants le choix que nous refusons d’assumer.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’examen des comptes est toujours un exercice instructif. Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2024 ne fait pas exception.
On observe tout d’abord l’existence d’un décalage entre le contenu du document et le discours catastrophiste sur l’état des finances de la sécurité sociale. Le premier ministre évoque en effet un « déficit considérable » et prépare une révolution avec la TVA sociale, tandis que la Cour des comptes sonne le tocsin sur le déficit de la sécurité sociale et parle de « finances hors de contrôle » et de « point de bascule ».
Qu’en est-il si l’on examine le document qui nous est soumis ? L’article liminaire, qui présente les dépenses et les soldes des administrations de sécurité sociale et correspond à un périmètre plus large que celui des régimes de sécurité sociale, met en lumière un excédent, bien qu’en baisse, de 1,3 milliard d’euros. Les régimes obligatoires de base, présentés dans l’article 1er, font certes apparaître un déficit de 15,3 milliards d’euros, mais il est inférieur aux 18,2 milliards d’euros attendus dans la loi de finances. J’ajoute que 15 milliards d’euros sur 628 milliards d’euros de recettes correspondent à un déficit de 2,4 %, inférieur donc au déficit du budget de l’État. Les déficits avaient par ailleurs atteint 30 milliards d’euros en 2010 et 40 milliards d’euros en 2020 et ont pu être résorbés. Enfin, les dépenses maladie présentées à l’article 3 s’élèvent à 256 milliards d’euros, soit 0,5 milliard d’euros de moins que prévu dans la LFSS.
Face à ce tableau, les conclusions de notre groupe restent les mêmes. Nous considérons tout d’abord qu’il faut revenir sur les exemptions de cotisations sociales, dont celles relatives à la participation au résultat de l’entreprise, dont l’assiette ne cesse de croître et qui représente un manque à gagner de 14,6 milliards d’euros. Il convient également de revenir sur les exonérations de cotisations non compensées, qui atteignent selon la Cour des comptes 5,5 milliards d’euros. S’y ajoutent les exonérations sur les primes et les heures supplémentaires, pour un montant de 3,3 milliards d’euros. Nous vous avions en outre proposé lors du dernier PLFSS d’augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital, ce qui aurait permis de dégager 5 milliards d’euros. On aurait ainsi atteint un total de 28,3 milliards d’euros, soit un montant suffisant pour éponger le déficit.
L’examen de ces comptes milite par ailleurs pour une intégration des complémentaires et des mutuelles santé et prévoyance dans le champ de la sécurité sociale et le retour à la caisse unique qui existait avant 1967.
Nous constatons enfin que tant que les salariés contrôlaient la sécurité sociale, ses comptes étaient à l’équilibre.
Voilà trois propositions de réformes structurelles, que vous pourriez mettre en œuvre.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’année dernière à cette même place, je vous indiquais que nous n’étions pas là pour ajuster les chiffres, mais pour refonder un système à bout de souffle. Un an plus tard, qu’avons-nous fait ? Certains ont censuré le Gouvernement, d’autres retardé l’examen du budget de la sécurité sociale, aggravant l’instabilité de notre pays et de notre économie, déjà mise à mal par des problèmes géopolitiques. Le résultat est sans appel : le déficit de la sécurité sociale s’élève pour 2024 à 15 milliards d’euros. Pour mémoire, la Cour des comptes considérait déjà le déficit de 10 milliards d’euros constaté en 2023 comme « un point de bascule » pour le financement de la sécurité sociale.
Selon cette même Cour des comptes, la trajectoire des comptes sociaux est « hors de contrôle ». Or la santé des Français est en jeu, tout comme le principe de l’universalité cher à un modèle social auquel nous sommes tous attachés. Il en va également de la survie de notre économie.
Notre groupe votera le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024, qui poursuit l’action engagée depuis la crise sanitaire pour redresser nos comptes sociaux.
Mais l’enjeu est ailleurs. Il faut préparer un budget sincère, structurant, rompant avec la logique du toujours plus, et repenser un système qui conduit à produire toujours plus de soins. Il faut revoir nos priorités et exiger une responsabilisation de l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des patients, des professionnels de santé, des directeurs d’établissements, des institutions ou de l’État. Agir en responsabilité suppose de se poser les bonnes questions. Il faut éviter d’ajouter à l’Ondam un sixième sous-objectif « fourre-tout », sans vision ni ambition, et privilégier un objectif dédié à la prévention, qui pour l’heure n’apparaît nulle part dans les comptes que nous votons. La survie de notre modèle social dépendra des réponses que nous apporterons à ces questions et de l’ambition dont nous saurons faire preuve pour redresser nos comptes sociaux.
M. François Gernigon (HOR). Notre assemblée examine pour la troisième année consécutive le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale créé par la loi organique du 14 mars 2022. Il s’agit, non pas d’un débat budgétaire classique, mais d’un exercice démocratique de transparence. Ce texte n’oriente pas l’avenir : il éclaire le passé et permet au Parlement de mieux comprendre les trajectoires réelles, d’en mesurer les écarts et, le cas échéant, d’en tirer les leçons.
Les chiffres que nous examinons sont sans ambiguïté. Le déficit du système s’élève à plus de 15 milliards d’euros en 2024 et devrait atteindre 22 milliards d’euros selon la trajectoire prévue pour 2025. Cette situation appelle une réponse claire : nous ne pouvons plus nous contenter de piloter à vue.
Branche après branche, le constat est le même. La branche maladie, avec un déficit de 13,8 milliards d’euros, continue de dériver sous l’effet d’une dynamique de dépenses structurelles. La branche retraite glisse peu à peu dans le rouge, malgré la réforme de 2023.
Au-delà des déficits, c’est la nature même du financement de la protection sociale qui se transforme. La part des cotisations sociales s’effrite, tandis que celle des impôts affectés dépasse durablement les 50 %. Ce glissement appelle un débat de fond sur l’assiette, la lisibilité et la confiance placée dans notre système.
Ce texte n’engage pas les orientations futures du Gouvernement, mais permet à la représentation nationale de constater l’état de nos comptes sociaux. Il s’agit d’une photographie des comptes de la sécurité sociale au 31 décembre 2024.
Vous pouvez, chers collègues, vous mentir à vous-mêmes et, cette année encore, rejeter ce texte par refus de voir la réalité en face. C’est nier la réalité des résultats. Le groupe Horizons & Indépendants refuse de jouer à ce jeu et votera en faveur de la transparence et de la réalité comptable.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Le projet de loi qui nous est soumis est essentiellement comptable. Il permet également de constater que si le déficit de 2024 est moins important qu’attendu, il demeure toutefois très élevé – à hauteur de 15,3 milliards d’euros. Le fort niveau d’endettement conjugué à l’extinction prochaine de la Cades conduit la Cour des comptes à nous alerter sur une potentielle crise de liquidité, ce qui est évidemment une source d’inquiétude compte tenu des déficits sociaux et financiers auxquels nous devons faire face.
Notre groupe déplore par ailleurs, pour la troisième année consécutive, l’impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille, avec des erreurs qui représentent tout de même 8 % du montant des prestations.
Nous regrettons surtout le manque d’ambition de réforme des allégements généraux de cotisations sociales au sein de la LFSS 2025. Ces exonérations coûtent 77 milliards d’euros et ne sont pas toujours efficaces en matière d’emploi. Nous continuerons à plaider en faveur de leur suppression au-delà de 2,5 Smic.
Nous constatons en outre des insuffisances dans le domaine de la santé et de la politique de soutien à l’autonomie. La Cour des comptes reconnaît la mise en place de mesures d’économies sans précédent pour l’assurance maladie, à hauteur de 5,2 milliards d’euros. Le déficit des hôpitaux publics s’aggrave pourtant. Or l’essentiel des mesures de régulation des dépenses de l’Ondam s’effectuent sur les établissements de santé, avec un montant d’annulations de 304 millions d’euros sur un total de 565 millions d’euros. Nous réitérons donc notre appel à donner davantage de visibilité aux établissements de santé pour une période de cinq ans.
Ce projet de loi est l’occasion de rappeler que les déficits des comptes sociaux dus en particulier à un manque de recettes ont un impact sur les dépenses, pourtant nécessaires pour soutenir notre modèle de protection sociale, à commencer par la santé et l’autonomie.
M. Yannick Monnet (GDR). Sans grande surprise, cette photographie des comptes de la sécurité sociale au 31 décembre 2024 met en évidence un déficit de l’ensemble des branches, en augmentation par rapport à celui de 2023, mais moins important que celui projeté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Sans plus de surprise, la branche maladie représente 90 % de ce déficit et la Cour des comptes considère que l’exécution de l’Ondam est « insuffisamment maîtrisée » et la trajectoire des comptes sociaux « hors de contrôle ».
Cette photographie est sans surprise car si le Gouvernement d’alors avait consenti à débattre des précédentes LFSS au lieu de couper court en recourant à l’article 49, alinéa 3, à entendre les avis motivés des différentes branches, il aurait su, pour reprendre les termes employés par le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie en 2023, que « le budget prévu pour 2024 n’apportait pas de réponses structurelles pour pérenniser le système de protection sociale ». De fait, année après année, les PLFSS se résument à considérer que le problème réside dans les déficits et la dette et que la seule solution est la maîtrise des dépenses. Or il conviendrait de penser différemment et d’envisager l’autre versant du déficit, c’est-à-dire le manque de recettes. Un déficit est en effet la résultante d’un déséquilibre entre dépenses et recettes. La Cour des comptes elle-même a appelé récemment à une meilleure maîtrise de la dynamique des allégements « généreux » de cotisations sociales, qui représentent quelque 80 milliards d’euros accordés aux entreprises sans aucune contrepartie, non régulés, non encadrés, face à un déficit de la sécurité sociale de 15 milliards d’euros en 2024.
Quant à l’Ondam, il s’agit, non pas d’un outil de programmation des dépenses, mais d’un instrument de sous-investissement qui crée mécaniquement de la dette et du déficit et plonge nos hôpitaux et nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans des situations critiques et infernales. L’Ondam est inadapté et devrait être remplacé par une loi de programmation partant des besoins et cherchant en conséquence les recettes pour y répondre.
Un changement de paradigme est urgent. Dans ce contexte, nous nous prononcerons bien évidemment contre ce projet de loi.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas sûr, madame Mélin, que l’on puisse parler d’insécurité des chiffres. Les chiffres des dépenses et des recettes sont réels et incontestables. La question centrale est plutôt celle des risques d’indus, des modalités de leur recouvrement et de leur maîtrise.
Je rejoins Stéphanie Rist sur le fait d’une part que certaines réformes ont indéniablement produit des résultats, d’autre part que d’autres réformes sont nécessaires.
Les propos de M. Clouet sont, comme souvent, assez justes, même si l’on ne partage pas toujours les solutions qu’il propose. Vous avez évoqué le chiffre de 8 milliards d’euros non compensés à la sécurité sociale. Or les données dont je dispose font état de 4 milliards d’euros et 5,5 milliards d’euros si l’on intègre les sous-compensations Unedic et Agirc-Arrco. Je serais donc intéressé de savoir d’où provient le chiffre que vous avancez.
J’aurai l’occasion de répondre à Mme Runel lors de la discussion des amendements qu’elle a proposés.
Je ne partage pas l’avis de M. Davi sur la Cades. Je pense en effet que si l’on n’avait pas remboursé cette dette, elle existerait tout de même. Votre appel à des réformes de structure doit par ailleurs être entendu – peut-être ne proposerons-nous pas les mêmes…
Je salue la constance de M. Isaac-Sibille sur le thème de la prévention, même si l’examen du Placss n’est peut-être pas le meilleur cadre pour l’aborder. Ce sujet a été évoqué hier dans le cadre de la Commission des comptes de la sécurité sociale, où il a été indiqué qu’il faudrait, à un moment donné, raisonner différemment d’un point de vue analytique. Il convient désormais d’écrire le cadre, ce qui est loin d’être évident.
Comme l’a fort justement rappelé M. Gernigon, le Placss ne sert qu’à éclairer le passé. C’est une photographie, qu’on est libre de trouver plus ou moins belle, mais il en faut bien une. Vous avez raison, une transformation du financement de la sécurité sociale est en cours ; c’est un sujet qu’il ne faut ni occulter, ni caricaturer, ni minimiser. Nous devons nous pencher sur cette question, pour relever les défis qui se posent entre moyens et besoins.
Certes, ce texte n’engage pas le futur, monsieur Colombani. D’ailleurs, que nous le votions ou non n’y changera rien.
Monsieur Monnet, vous déplorez, comme d’autres acteurs, l’absence de réponses structurelles, même si vous n’y apportez pas les mêmes solutions. Il y a un an et demi, je faisais partie de ceux qui alertaient déjà sur la dégradation de la situation – j’aurais préféré me tromper. La dette est là et si elle n’existait pas, nous aurions davantage de moyens pour agir. C’est donc plus compliqué et nous ne pouvons pas nier cette réalité.
Néanmoins, à la différence de l’État dont le volume de la dette a augmenté au cours des vingt dernières années, celui de la sécurité sociale a diminué, grâce à la Cades qui en a amorti les deux tiers : chaque année, 20 milliards d’euros sont consacrés au remboursement de la dette sociale. Faut-il continuer à rembourser ? C’est une question de responsabilisation de notre système de sécurité sociale, qui n’a pas été conçu pour être en déficit. Nous fêtons cette année les quatre ans de la sécurité sociale et certains ont même appelé à préparer les cent ans : restons humbles et modestes sur ce point, compte tenu de la configuration politique de notre assemblée.
Article liminaire : Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2024
Amendements de suppression AS1 de Mme Sandrine Runel, AS5 de M. Hadrien Clouet et AS9 de Mme Joëlle Mélin
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous avons déjà expliqué ce que nous pensions des comptes de la sécurité sociale. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article liminaire.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous ne sommes pas d’accord avec la stratégie qui a été choisie et nous avons des doutes quant aux chiffres affichés. Par ailleurs, nous nous opposons à la montée en puissance de la TVA pour financer la sécurité sociale. Nous préparons donc le terrain en faisant connaître dès à présent notre refus de toute TVA sociale.
M. le rapporteur général. Nous sommes tous soucieux de respecter le cadre républicain. Or la loi organique a rendu obligatoire les articles du projet de loi. Par conséquent, plutôt que de les supprimer, je vous invite à retirer vos amendements et à voter contre ces articles. Je le répète, nous avons besoin d’une photographie. Si vous étiez contre le PLFSS à l’époque, vous pouvez, par cohérence, la contester.
Vous déplorez, Madame Runel, que le Placss présente les recettes et les dépenses en points de PIB. Dans mon rapport, je me suis efforcé de les traduire en chiffres, ce qui permet d’y voir plus clair. Tel qu’il a été configuré sous la houlette de Thomas Mesnier, le Placss a renforcé l’information du Parlement, puisqu’il retient l’agrégat des administrations de la sécurité sociale et fournit une vision plus globale. Cela représente un gros travail : 1 500 pages au total, en comptant les annexes. Il convient d’y ajouter les 256 pages du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ainsi que les 651 pages des trois rapports de la Cour des comptes – que plusieurs d’entre vous ont cités. Par conséquent, on ne peut pas dire que l’information du Parlement est inintéressante. Et je ne suis pas sûr que nous améliorerons la vie des Français en supprimant l’article liminaire.
En revanche, une question reste pendante. C’est celle, soulevée par M. Clouet, de la fiscalisation de la sécurité sociale, par le biais de la TVA notamment. Même si les arguments sur le caractère régressif de ce prélèvement et sur le poids de la consommation sont cohérents, ces sujets relèvent néanmoins plus du PLFSS que du Placss.
J’en viens à l’amendement AS9 de Mme Mélin dont l’exposé sommaire indique que le strict équilibre, en points de PIB, ne repose que sur la notion abstraite d’excédent de la Cades.
Mme Joëlle Mélin (RN). Il s’agit d’une erreur.
M. le rapporteur général. D’accord. On ne peut pas faire abstraction de l’équilibre de l’assurance chômage ni de l’excédent de 8,6 milliards d’euros des régimes complémentaires. Le traitement des opérations de la Cades est très concret au contraire !
Par conséquent, je vous invite à retirer vos amendements de suppression ; à défaut, j’émets un avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Il faudra quand même se pencher sur le devenir de la sécurité sociale dans les cent prochaines années et sur son financement. Cessons de faire peur aux gens : le déficit représente à peine 2 % du budget de la sécurité sociale – bien des États, dont la France, aimerait avoir ce niveau de déficit ! Cependant, des changements ont été opérés, qui sont loin d’être anecdotiques : sur les 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, l’État en compense une bonne partie – 10 milliards, je crois, ne le sont pas. Nous assistons donc à une étatisation du financement de la sécurité sociale, puisque les compensations proviennent de l’impôt. Cela pose question et, personnellement, j’y suis défavorable car la sécurité sociale doit être financée par le travail et les cotisations.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Notre groupe ne votera pas ces amendements de suppression, qui sont irresponsables. Certains ont parlé d’un éclairage du passé, d’autres d’une photographie ; pour ma part, je parlerai de thermomètre. Or ce n’est pas en le cassant que nous soignerons la sécurité sociale !
Par ailleurs, si l’on suit votre raisonnement, monsieur Monnet, il ne reste plus à la représentation nationale qu’à se dessaisir du sujet ! Vous ne voulez plus assumer cette responsabilité.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne partage pas l’avis de M. Monnet et je ne souhaite pas que la représentation nationale se dessaisisse des sujets de financement de la sécurité sociale. C’est une question de principe : les prestations de la sécurité sociale ont en effet été universalisées pour une grande partie ; elles ne sont plus liées à l’exercice d’une activité professionnelle, contrairement à ce qui avait été prévu à la création de la sécurité sociale. C’était alors pour les travailleurs et leurs familles. Depuis 1978, les allocations familiales sont déconnectées des cotisations. Depuis 1999 et la création de la couverture maladie universelle, devenue la protection universelle maladie, on peut bénéficier de l’assurance maladie y compris en l’absence d’activité salariée ou professionnelle. D’une certaine manière, cette universalisation était d’ailleurs l’objectif initial des pères fondateurs de la sécurité sociale.
Ensuite, reste à savoir comment la financer. Certains sont opposés à la CSG, qui s’est substituée, en toute logique, à certaines cotisations, en raison de l’universalisation que je viens d’évoquer. Accessoirement, la CSG présente aussi l’avantage de mettre à contribution les revenus du capital et du patrimoine, ce qui correspond d’ailleurs à l’une de nos demandes. Nous avons donc une lecture différente de ces questions. Pour moi, ne faire contribuer que les seuls travailleurs pose problème. La difficulté, c’est que le financement par l’impôt est de plus en plus important : la TVA sociale existe déjà et elle est déjà injuste puisque 28 % du produit de cette taxe financent la sécurité sociale, avec les effets de bord que cela implique.
S’agissant du Placss, ce texte n’est ni fait ni à faire. Il conduit à une situation aberrante qui contraint le ministre, issu de la Droite républicaine et le rapporteur général du même groupe, à défendre un texte que leur propre groupe enverra valser.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Eu égard à l’évolution démographique, si vous voulez financer la sécurité sociale grâce aux cotisations liées au travail, monsieur Monnet, commencez par retirer la proposition de résolution qui vise à abroger la réforme des retraites et qui sera examinée demain en séance. Sinon, c’est incohérent !
M. Hendrik Davi (EcoS). Le rapporteur général s’est interrogé sur le chiffre de 8 milliards d’euros évoqué par Hadrien Clouet : 5,5 milliards d’exonérations de cotisations sociales, correspondant à des allégements généraux sur les bas salaires, ne sont pas compensés ; s’y ajoutent 2,2 milliards au titre des heures supplémentaires et 1,1 milliard correspondant aux pertes liées à la prime Macron de partage de la valeur. Nous avons donc bien au total 8,8 milliards d’euros qui sont récupérables.
Sans entrer dans le débat entre CSG ou cotisations, nous estimons que la sécurité sociale doit être financée par les cotisations liées au travail parce que nous pensons que 100 % de ceux qui peuvent travailler ont droit à l’emploi. C’est très cohérent !
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je précise que lorsque j’ai cité le chiffre de 8 milliards d’euros, je faisais allusion aux 5,5 milliards de règles défavorables de compensation et aux 2,7 milliards qui correspondent aux exonérations ciblées, qui sont initialement non compensées. Pour ne pas paraître trop maximaliste, je m’en étais tenu à cela ; grâce au collègue Davi, nous savons désormais que nous pourrions récupérer environ 10 milliards.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article liminaire est supprimé.
Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2024
Amendements de suppression AS2 de Mme Sandrine Runel, AS6 de M. Hadrien Clouet et AS10 de Mme Joëlle Mélin
M. le rapporteur général. Ne soyez pas dupe, monsieur Clouet : tout ne se résume pas à la TVA sociale et d’autres leviers sont sur la table – discutez-en avec Mme Leboucher, qui a participé hier à la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale. S’agissant des recettes liées aux cotisations, il faut commencer par améliorer le taux d’emploi. Enfin, je le répète, je ne suis pas favorable à supprimer un article qui relève d’une obligation organique.
La seule question qui doit nous préoccuper dans le suivi des textes concerne les écarts par rapport aux prévisions et le délai dans lequel ils nous ont été communiqués.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2 : Approbation, au titre de l’exercice 2024, de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et de la dette apurée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
Amendements de suppression AS3 de Mme Sandrine Runel, AS7 de M. Hadrien Clouet et AS11 de Mme Joëlle Mélin
Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous ne tenez pas compte, comme d’ailleurs le Gouvernement, des rapports qui nous alertent sur l’état du financement de la sécurité sociale et de l’hôpital public. Nous demandons non seulement de supprimer l’article 2 mais, surtout, de remplacer l’Ondam par des objectifs nationaux de santé publique, comme le recommande le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Écoutez au moins les préconisations d’instances qui tentent de réduire les dépenses publiques et d’améliorer notre système de protection sociale.
M. le rapporteur général. Je vous rejoins sur la crise de l’hôpital public et sur la détérioration de l’accès aux soins. Mais ce n’est pas le Gouvernement qui gère l’Ondam et cet indicateur est utile : il faut bien évaluer les décaissements de l’assurance maladie, sinon nous ne pourrions pas suivre les comptes publics. C’est une question de responsabilité.
Ensuite, je ne comprends pas pourquoi vous parlez d’une légère baisse de l’Ondam en 2024, alors qu’il a progressé de 8,6 milliards d’euros. Au risque de vous surprendre, j’ai même la quasi-certitude qu’il continuera de croître ces prochaines années, pour des raisons qui le justifient – le vieillissement, les rémunérations – et d’autres moins. Cependant, je ne suis pas le Gouvernement et il faut respecter le rôle de chacun.
Je vous rejoins sur la nécessité de disposer d’une vision pluriannuelle sur les dépenses de santé – reste à savoir comment on les définit. Ce n’est pas le Parlement qui fixe les objectifs de l’Ondam, mais le Gouvernement qui propose. Vous me reprochez de ne pas écouter vos préconisations, mais le Placss n’est pas d’initiative parlementaire ; ce n’est donc pas de la compétence du rapporteur général, qui ne fait que vous présenter le texte.
Mme Joëlle Mélin (RN). Les dépenses relevant de l’Ondam ont bénéficié d’une augmentation de près de 30 % en cinq ans, passant de 200 à 256 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! Or, malgré cet outil de régulation, il y a toujours des difficultés d’ajustement, en particulier s’agissant des dépenses hospitalières, puisque l’Ondam ne porte que sur l’offre de soins et non sur les recettes, dont 48 % reposent sur le travail et 52 % sur les impôts et taxes affectées.
L’an dernier, nous n’avions pas demandé la suppression de l’article, nous contentant de voter contre. Mais désormais, on ne peut plus parler d’une photographie, ni même d’une photo retouchée ! Nous avons l’impression d’un photomontage réalisé pour que l’ensemble tienne debout et que la représentation nationale puisse donner son aval. Ce n’est plus possible !
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement AS13 de M. Thibault Bazin tombe.
Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2024
Amendements de suppression AS4 de Mme Sandrine Runel, AS8 de M. Hadrien Clouet et AS12 de Mme Joëlle Mélin
M. le rapporteur général. Je suis défavorable à ces amendements.
Je vous informe que j’ai écrit à la ministre de la santé et à la ministre des comptes publics pour obtenir des informations actualisées sur le rendement attendu de la réforme des allégements généraux compte tenu des dernières prévisions de la masse salariale et la formule de calcul de la réduction générale dégressive – dès que j’aurai l’information, je ne manquerai pas de vous la communiquer. On ne peut pas dire que rien n’a été fait à la suite des rapports, puisqu’ils ont alimenté la réforme et qu’une baisse est intervenue, liée à la sortie des bandeaux famille et maladie.
Je confirme par ailleurs qu’il y a bien 2,2 milliards d’euros au titre des heures supplémentaires qui ne sont pas totalement compensés. Mais comme vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les allégements généraux, je n’ai mentionné que les 5,5 milliards.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 3 est supprimé.
La commission ayant supprimé tous les articles du projet de loi, l’ensemble de celui‑ci est rejeté.
La réunion s’achève à treize heures cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Élise Leboucher, M. Bartolomé Lenoir, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Angélique Ranc, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – M. Joël Aviragnet, Mme Anchya Bamana, M. Arthur Delaporte, M. Olivier Falorni, M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Philippe Vigier
Assistaient également à la réunion. – M. Olivier Fayssat, M. Yannick Monnet, M. Stéphane Vojetta