Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, sur l’avis n° 2025‑2 du 18 juin 2025 du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie et sur l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie              2

– Présences en réunion.................................30

 

 

 

 

 


Mercredi
25 juin 2025

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 99

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
 

 


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La réunion commence à dix heures trente.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission auditionne Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, sur l’avis n° 20252 du 18 juin 2025 du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie et sur l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

M. le président Frédéric Valletoux. Merci, mesdames les ministres, d’avoir répondu si rapidement à la demande d’audition que j’ai formulée après lecture de l’avis du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. Mercredi dernier, dans son deuxième avis de 2025 sur le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – le fameux Ondam –, ce dernier a en effet constaté un risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent de plus de 0,5 point, soit 1,3 milliard d’euros, l’Ondam fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025.

Pour mémoire, l’Ondam pour 2025 a été fixé à 265,9 milliards d’euros, soit une progression de 3,4 % en un an. Le dépassement de 1,3 milliard attendu en 2025 ferait suite à celui de 1,5 milliard déjà constaté en 2024.

Cette audition doit nous permettre de comprendre les mesures qui seront prises pour répondre à cette alerte, dès cette année, afin de maîtriser la dépense sans dégrader les conditions d’accompagnement et de prise en charge de nos concitoyens.

Il ne s’agit plus de se contenter d’un simple état des lieux : le constat est largement partagé et nous a d’ailleurs été présenté par le premier président de la Cour des comptes lors de son audition du 28 mai dernier. Dans un contexte de croissance atténuée et de vieillissement de la population, nous assistons à une dérive structurelle des comptes, principalement ceux des branches maladie et vieillesse, et faisons face à une triple alerte : celle de la pression démographique, celle de la dynamique de l’Ondam et celle du déséquilibre entre les recettes et les dépenses.

La protection sociale représente 780 milliards d’euros de dépenses annuelles en 2024, soit 25 % du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses au titre des régimes relevant de la LFSS s’élèvent quant à elles à 670 milliards, soit plus de 20 % du PIB. Ces masses financières sont devenues considérables : le budget de la sécurité sociale pèse désormais ainsi autant que ceux de l’État et des collectivités locales réunis.

Face à cette situation très préoccupante, j’ai souhaité que vous puissiez présenter la réponse envisagée par le Gouvernement pour enrayer la détérioration des comptes. Notre commission a également des propositions à faire pour renforcer l’efficience des dépenses et entend être associée aux évolutions structurelles qu’il est dorénavant urgent d’engager. Il serait bon que vous puissiez vous inspirer de ces préconisations au moment de bâtir le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.

Certaines proviennent des travaux de contrôle et d’évaluation menés à bien durant l’année écoulée. Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau ont ainsi remis un rapport d’information très complet sur la prise en charge des urgences psychiatriques. Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, Jean-François Rousset et Yannick Monnet ont évalué les dispositifs d’aide directe à l’installation des jeunes médecins. À l’initiative de Cyrille Isaac‑Sibille, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale s’est penchée sur les mécanismes de fixation du prix des médicaments et leurs enjeux et a confié à Jérôme Guedj, Thibault Bazin et Joëlle Mélin un rapport sur l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et l’assurance maladie complémentaire (AMC). Je vous encourage vivement à prendre en compte ces propositions porteuses d’économies, de justice sociale ou d’efficience renforcée du système de protection sociale.

Nos propositions ont aussi pris la forme de plusieurs dispositions ou textes qu’il s’agit maintenant d’appliquer. Or, trop souvent, il faut attendre des mois, voire des années, avant que des lois votées et porteuses d’une plus grande efficacité trouvent leur traduction réglementaire. Allons vite, par exemple, pour appliquer la loi sur la profession d’infirmier, née d’une initiative de Nicole Dubré-Chirat et qui marque un tournant dans l’évolution de la profession.

La LFSS 2025, malgré ses limites techniques et le contexte difficile qui a présidé à son adoption, a aussi repris plusieurs de nos initiatives, comme celles de Stéphanie Rist visant respectivement à étendre l’expérimentation relative à l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes participant à une communauté professionnelle territoriale de santé et à faire entrer les centres de santé sexuelle d’approche communautaire dans le droit commun. Je pense aussi à l’article 57 de la LFSS, auquel je ne suis pas étranger, qui demande au ministre chargé de la santé d’établir chaque année une liste de mesures prioritaires destinées à améliorer la pertinence des soins dispensés aux assurés. Ce document, à transmettre aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat au plus tard le 15 septembre, devrait comporter des objectifs chiffrés, assortis d’indicateurs, pour mettre fin au remboursement d’actes et de prestations réalisés en dehors des indications scientifiques ou des recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé (HAS).

Tous ces travaux – et je pourrais en mentionner de nombreux autres – présentent une caractéristique commune tout à fait précieuse : leur caractère transpartisan, qui prouve que nous sommes capables de trouver ensemble des solutions. La commission des affaires sociales continuera de prendre toute sa part dans les réformes de l’assurance maladie, de la santé et, plus largement, de l’évolution de notre système de protection sociale. Alors que se réunit demain le comité d’alerte sur les finances publiques, nous sommes sensibles au fait que vous preniez le temps de débattre avec nous de ces enjeux majeurs.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Merci de nous avoir conviées. Comme vous pouvez l’imaginer, je me sens, eu égard à mes fonctions, particulièrement garante de la soutenabilité de notre modèle social.

Je tiens d’abord à souligner à mon tour l’importance des travaux que vous avez conduits. Nous entendons non seulement répondre immédiatement à l’alerte lancée par le comité – j’y viendrai –, mais aussi, dans un second temps, travailler dès maintenant à l’élaboration du PLFSS 2026. Dans ce cadre, vos travaux consacrés aux urgences psychiatriques, la mission des députés Monnet et Rousset ou encore la réflexion portant sur le prix des médicaments et sur l’articulation entre AMO et AMC sont pour nous des éléments absolument majeurs.

De la même manière, les soixante mesures proposées dans le rapport « Charges et produits » publié hier par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) sont autant de réponses très concrètes qui nous permettront de proposer, dans le cadre du PLFSS, des pistes de travail en vue de faire face aux enjeux majeurs que sont l’allongement de la durée de la vie, la désertification médicale, la multiplication des maladies chroniques – alors que notre pays est organisé pour répondre aux maladies aiguës – et les inégalités territoriales.

L’alerte de la semaine dernière nous conduit à étudier les moyens de freiner les dépenses pour respecter l’Ondam voté pour l’exercice 2025 – rappelons que le Premier ministre avait indiqué dès le mois d’avril que la dépense devait être contenue. C’est le travail que je conduis avec la ministre chargée des comptes publics, de manière d’ailleurs particulièrement constructive – on pourrait penser qu’une telle collaboration entre une ministre dépensière et la garante des deniers de l’État est nécessairement compliquée, mais ce n’est pas le cas.

Le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a été créé en 2004. Il a pour mission d’alerter le Parlement, le Gouvernement et les caisses d’assurance maladie en cas de risque de dépassement de l’Ondam. En l’occurrence, il considère qu’il existe un risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent de plus de 0,5 % l’Ondam fixé dans la LFSS, soit 1,3 milliard d’euros. Le comité met en avant une dynamique forte de la dépense, en soins de ville comme à l’hôpital, et considère que toutes les économies prévues en 2025 ne sont pas encore identifiées ou clairement actées. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un dérapage incontrôlé, mais de dynamiques spécifiques parfaitement identifiées, auxquelles nous allons apporter des corrections.

La première de ces dynamiques – celle qui m’interpelle le plus – concerne la hausse marquée des dépenses liées aux arrêts maladie, qui progressent de 6 % par an depuis 2019. Entre janvier et avril 2025, les dépenses d’indemnités journalières (IJ) du régime général ont ainsi augmenté de 6,7 % par rapport à la même période en 2024. Ce chiffre ne reflète pas l’abaissement du plafond de revenus pris en compte dans le calcul du montant des indemnités versées, qui ne s’applique que depuis le 1er avril. L’augmentation s’explique notamment par une proportion plus élevée d’arrêts de longue durée.

Le deuxième élément a trait à la situation financière dégradée des établissements publics de santé, dont le déficit a atteint 3 milliards d’euros en 2024, contre 2 milliards en 2023.

La troisième dynamique renvoie aux économies à réaliser sur les médicaments, aucun accord n’ayant encore été signé avec Les Entreprises du médicament (Leem).

Une pression très concrète s’exerce donc sur notre système – même si je n’oublie pas que, derrière ces chiffres, il y a surtout des Françaises, des Français et des soignants.

La LFSS 2025 a posé les premiers jalons d’une trajectoire de responsabilisation. Nous avons mobilisé des leviers importants en prévoyant des économies ciblées sur les postes de dépenses les plus dynamiques, notamment les médicaments, ou encore en revoyant le périmètre de certains dispositifs, comme la prise en charge des IJ. Je pense aussi à la nécessaire maîtrise des dépenses de transport sanitaire, qui ont augmenté de 45 % depuis la période pré‑covid, c’est-à-dire depuis début 2020. La convention proposée aux taxis a, vous l’aurez noté, suscité des réactions. Elle doit entrer en vigueur au 1er novembre. La ministre chargée des comptes publics ainsi que le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder, ont de nouveau rencontré les représentants des fédérations hier. Nous avons écouté leurs préoccupations et analysé leurs propositions. D’ultimes échanges avec les syndicats auront lieu sur certains paramètres, mais, je le dis clairement, nous n’avons pas d’autre solution que de réformer le modèle de tarification. Cette convention s’appliquera donc. L’alerte du comité confirme que les orientations prises par le Gouvernement ces dernières semaines doivent être maintenues.

J’en viens maintenant aux mesures prises pour respecter l’Ondam. Comme la loi le prévoit, la Cnam nous a transmis ses recommandations. Sur cette base et après avoir, dans un délai très court, échangé avec les acteurs concernés – notamment les représentants des masseurs-kinésithérapeutes, des médecins et des pharmaciens –, le Gouvernement prend ses responsabilités et prévoit des mesures importantes qui permettront d’économiser 1,7 milliard d’euros.

Nous mobiliserons tout d’abord le champ des mesures conventionnelles. Le code de la sécurité sociale prévoit que, quand un tel risque est identifié, les revalorisations des tarifs et rémunérations régissant certaines professions peuvent être reportées. C’est le choix que nous faisons concernant les masseurs-kinésithérapeutes et les médecins, pour qui les revalorisations n’interviendront qu’au 1er janvier 2026, ce qui représente une économie de 150 millions d’euros. Sur ce point, le Gouvernement possède une compétence liée et se borne donc à appliquer strictement la loi. Le directeur général de la Cnam, Yannick Neuder et moi‑même avons échangé avec les représentants des professions concernées, dont certains auraient préféré que nous discutions d’un avenant, ce que la loi nous aurait aussi permis de faire. Nous avons parfaitement conscience des efforts demandés à chacun, mais c’est la pérennité du modèle social qui se joue.

Nous appliquerons également les mesures proposées par la Cnam qui visent à renforcer la maîtrise médicalisée des dépenses et la lutte contre les fraudes. Plusieurs actions seront notamment déployées dans le champ des indemnités journalières en vue de dégager 100 millions d’euros d’économies – renforcement des échanges confraternels avec les principaux prescripteurs d’arrêts de travail et meilleur suivi des prescriptions, sensibilisation et responsabilisation des assurés, mobilisation des employeurs. Nous devrons aller plus loin, car la croissance des IJ est incontrôlée. Sur ce sujet comme sur d’autres, le rapport « Charges et produits » fournit des pistes de réflexion très intéressantes. Parallèlement, l’effort de maîtrise médicalisée sera étendu à d’autres postes de dépenses, dans l’objectif d’atteindre un niveau d’économies équivalent.

Dans le secteur du médicament, notre souhait est clairement de faire aboutir la démarche de contractualisation. Nos très nombreux échanges avec le Leem ont permis de confirmer l’objectif de 500 millions d’euros d’économies, ce montant tenant compte d’un moindre dérapage de la dépense identifié par le comité d’alerte en 2024 – le chiffre de 600 millions avait été un temps évoqué. Contrairement à ce que nous espérions, nous ne sommes pas parvenus à conclure un accord avec le Leem. Néanmoins, nous mettrons bien en œuvre ces économies à hauteur de 500 millions d’euros : nous n’avons pas d’autre choix.

Quant au plan de baisse des prix des médicaments génériques, les concertations engagées le 20 juin seront finalisées dans les prochaines semaines. Elles doivent permettre de dégager 50 millions d’euros d’économies. Enfin, pour ce qui est des dispositifs médicaux, des mesures de sécurisation permettront de garantir 25 millions d’euros d’économies.

Nous comptons en outre mobiliser trois leviers complémentaires pour assurer le respect de l’Ondam sans remettre en cause l’ambition de transformation du système de santé.

Dès le début de l’année, le Gouvernement, dans un souci de soutenabilité et de responsabilité, avait anticipé les tensions à venir et constitué une réserve de 1,1 milliard d’euros. Cette réserve, d’un montant inédit, est désormais mobilisée à hauteur de 700 millions. Tous les secteurs sont concernés : les établissements de santé, les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) ou encore le fonds d’intervention régional opéré par les agences régionales de santé (ARS). À ce stade, la mise en réserve décidée au titre du coefficient prudentiel des établissements de santé n’est pas mobilisée. Elle ne le sera qu’en fin d’année, en fonction de l’activité effectivement constatée dans le secteur hospitalier. L’utilisation des réserves prudentielles est un signal important et nous permettra de tenir la trajectoire des dépenses sans affecter les tarifs hospitaliers ni le soutien aux ESMS.

Nous diminuerons aussi de 60 millions d’euros la dotation du fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (Fmis), afin de concentrer les efforts sur les projets prioritaires. Ce fonds, qui finance les projets d’investissement des établissements de santé, affiche une trésorerie de 1,5 milliard d’euros, qui lui permet de financer les projets déjà engagés. Cette réduction permettra de tenir compte de la révision des chroniques de paiement des projets en cours, voire de ceux qui seront repriorisés.

Un décalage de la revalorisation des gardes hospitalières effectuées par les médecins libéraux est également prévu : la majoration entrera en vigueur au 1er novembre et non au 1er juillet. Cette mesure ne concernera ni les services d’urgence ni les structures critiques. Elle s’appliquera aux permanences en établissement privé destinées à assurer la continuité des soins non programmés en dehors des heures d’ouverture de la médecine de ville.

Au total, l’effort atteindra 1,7 milliard d’euros, ce qui montre notre détermination à agir très rapidement et à actionner tous les leviers possibles pour respecter l’Ondam voté par le Parlement.

Au-delà de cette urgence, nous devons aussi engager un travail sur le temps long, afin de prévenir les dérapages, de renforcer l’efficience, mais aussi de protéger et de garantir la pérennité du système conçu par le Conseil national de la Résistance. La sécurité sociale ne peut rester un colosse aux pieds d’argile. C’est la raison pour laquelle je souhaite me pencher sur l’ensemble des propositions auxquelles vous avez fait référence pour préparer le prochain PLFSS.

Certaines mesures symboliques peuvent être prises dès maintenant. Afin de lutter contre le gaspillage des pansements, les premières délivrances seront par exemple limitées à sept jours et renouvelées selon les besoins des patients, ce qui évitera de prescrire d’énormes cartons non utilisés et qui ne peuvent pas être restitués. Dans une logique de responsabilisation, les assurés qui refusent un transport sanitaire partagé alors que leur état de santé permet de leur proposer cette option devront avancer les frais de transport, le remboursement n’intervenant qu’a posteriori. Pour lutter contre la fraude, le patient devra systématiquement présenter sa carte Vitale en pharmacie pour bénéficier du tiers payant.

Nous devrons bien sûr aller plus loin ; c’est le sens du travail que nous avons engagé. L’engagement du Gouvernement est total, parce que c’est tout notre édifice qu’il convient de consolider si nous voulons que nos enfants puissent, en 2045, célébrer le centenaire de la sécurité sociale et non faire le récit d’un objet abandonné pour des raisons financières.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics. Merci de m’accueillir pour la première fois dans votre commission, en des circonstances qui sont loin d’être anodines, puisque le déclenchement de la procédure d’alerte fait suite à l’identification d’un risque sérieux de dépassement de l’Ondam voté en février par le Parlement. Par la même occasion, c’est bien la sauvegarde de toute notre architecture financière qui requiert lucidité et action – action pour tenir nos engagements vis-à-vis des Français et dont vous êtes les premiers contrôleurs.

Le Premier ministre s’est engagé, dans sa déclaration de politique générale, à ramener le déficit à 5,4 % du PIB. Cet objectif étant le fruit d’un compromis parlementaire, il nous semble essentiel de le tenir. Par ailleurs, le contexte macroéconomique est incertain : alors que les prévisions de croissance, à notre arrivée le 23 décembre, étaient de 1,1 %, nous les avons depuis abaissées à 0,9 %, puis à 0,7 %. L’environnement macroéconomique est porteur d’incertitudes de plus en plus grandes – nous en parlerons demain dans le cadre du comité d’alerte sur les finances publiques.

Les règles de prudence et de bonne gestion ne sont pas spécifiques au champ de l’Ondam : nous les appliquons à l’ensemble des finances publiques. C’est bien pour cela que nous ferons le point demain sur les dépenses et les recettes de l’État, des collectivités et de la sécurité sociale, l’objectif étant de partager de façon exhaustive et transparente les éléments dont nous disposons sur le rythme de croissance, de dépenses et de recettes ainsi que de vous présenter les décisions que nous prenons face à ces changements, ces aléas et ces risques.

Les dépenses de santé, d’accompagnement, d’autonomie, ne sont évidemment pas tout à fait des dépenses comme les autres : elles relèvent de la gestion du vivant et les leviers à notre disposition pour les piloter sont par définition plus limités. Catherine Vautrin et moi‑même nous sommes néanmoins accordées sur certaines mesures. Je tiens d’ailleurs à saluer à mon tour le travail que nos administrations mènent ensemble, dans un souci de responsabilité et de partage.

Les mesures qui viennent d’être annoncées présentent quatre caractéristiques essentielles.

La première, c’est que nous utilisons tous les leviers prudentiels que nous avions, de façon assez inédite, constitués en début d’année. La réserve de 1,1 milliard d’euros nous est utile, ce qui montre l’intérêt d’approfondir ces outils dans les années à venir si nous voulons renouer avec l’équilibre du système. Je rappelle que le coefficient prudentiel de 420 millions d’euros appliqué aux établissements de santé, qui joue aussi ce rôle de stabilisateur automatique, ne sera annulé que si aucun dépassement d’activité n’est constaté en fin d’année. Globalement, notre anticipation paye et trouve sa légitimité.

Ensuite, l’effort est partagé et ne repose pas seulement sur les hôpitaux ou les établissements de santé : certains éléments concernent l’exercice en ville, par le biais de la procédure de report automatique de certaines revalorisations ; certaines mesures portent sur le champ du médicament et des dispositifs médicaux ou encore sur le transport sanitaire. Les indemnités journalières sont aussi concernées, puisque la baisse du plafond de prise en charge au 1er avril permettra une économie de 400 millions d’euros en 2025 puis de 900 millions en année pleine. Il nous faut toutefois réfléchir à des mesures complémentaires, applicables à compter de 2026, pour mieux responsabiliser et engager les prescripteurs, les entreprises et les assurés afin de maîtriser cette dépense, qui a augmenté de 40 % – tout comme, d’ailleurs, le nombre d’arrêts maladie lui-même. La moitié de cette hausse est attribuable aux moins de 30 ans, ce qui doit nous conduire à nous interroger non seulement sur les conditions de travail et le management, mais aussi sur la responsabilité des assurés. Catherine Vautrin et moi‑même venons par ailleurs de signer un décret visant à sécuriser les arrêts de travail et à lutter contre les fraudes, notamment en rendant obligatoire, dès le 1er juillet, l’utilisation d’un formulaire sécurisé et infalsifiable pour les certificats encore délivrés au format papier.

Troisième caractéristique : ces leviers ont des impacts à court terme, l’objectif étant de nous permettre de tenir nos comptes cette année. Nous assumons le fait que certaines décisions auront des effets très rapides, mais non pérennes, ce qui impose de réfléchir à des mesures cohérentes qui devront s’appliquer à compter de 2026.

Enfin, les mesures présentées sont crédibles. Certains annoncent parfois des économies insincères, mais je peux vous garantir que celles-ci sont sincères, chiffrées et permettront de faire face aux aléas, ce qui ne nous interdira nullement de prendre d’autres mesures si les risques se révélaient plus grands que prévu.

En un mot, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et nous contenter d’espérer que les risques annoncés par le comité d’alerte ne se confirment pas. S’ils ne se réalisent pas, nous aurons des leviers pour faire des dépenses en fin d’année ; s’ils se manifestent, cela aura montré à quel point cette procédure d’alerte est utile et combien il est rassurant pour les Français de voir que nous protégeons notre système plutôt que de laisser dériver les comptes.

Trois remarques pour conclure : d’abord, tenir l’Ondam est effectivement la première étape d’une stratégie de redressement et de consolidation de nos finances publiques. Mais je tiens à être claire : l’augmentation de 3,4 % votée cette année est presque deux fois supérieure à notre croissance économique totale – composée de 0,7 % de croissance du PIB et d’un peu plus de 1 % d’inflation –, ce qui signifie que nous continuons d’augmenter le poids de la santé dans le PIB. Ce poids a ainsi augmenté de près de 1 point depuis 2019, ce qui doit nous amener à nous interroger sur la manière de réconcilier la dynamique de nos recettes et celle de nos dépenses. La bonne nouvelle, c’est que tout ce qui pourra encourager le travail, la croissance, l’activité facilitera notre capacité à bien soigner les Français. Nous ne pouvons pas envisager les dépenses de santé en vase clos : elles sont liées à des recettes, donc à notre activité économique.

Ensuite, notre objectif pluriannuel doit bien être de ramener la sécurité sociale à l’équilibre, et ce avant 2029, pour pouvoir réaffirmer à nos concitoyens non seulement que notre système assure une solidarité entre les Français – les bien portants financent les malades, ceux qui n’ont pas d’enfants financent les familles, les plus jeunes financent les retraités –, mais aussi qu’il est équilibré et ne crée ni déficit ni dette. Le déficit de 22 milliards d’euros prévu pour 2025 se traduira par 700 millions de charges d’intérêts à payer pendant de nombreuses années. Ce sont autant de charges et d’impôts qui seront consacrés à payer nos créanciers plutôt qu’à financer des soins, des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou des personnels. Le déficit n’est pas qu’un chiffre : c’est aussi une rigidité, une perte de capacité à agir dans le futur.

Enfin, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un outil de pilotage aussi peu lisible pour les Français. L’Ondam est parfois perçu par les acteurs de la santé comme théorique et difficilement transposable dans leur vie quotidienne. Nous devons travailler – et nous le faisons – non seulement à renforcer le comité d’alerte, mais aussi à améliorer nos capacités de contrôle et de régulation des dépenses, aussi bien dans le champ des médicaments que dans celui de la coordination et de l’organisation du système.

En tant que ministre des comptes publics, je souhaite avant tout assurer une bonne santé aux Français. Pour cela, il faut que nos finances permettent au système de fonctionner dans la durée. C’est pour cela que nous sommes devant vous aujourd’hui.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Votre audition par notre commission est un exercice inhabituel, ce qui suffit à montrer que tout ne va pas comme sur des roulettes : l’alerte est là.

L’assurance maladie tient une place particulière dans le cœur des Français et il est bien naturel que sa trajectoire budgétaire recueille la plus vive attention des membres du Parlement. Chaque année, nous votons, à titre rectificatif, prévisionnel ou de constat, l’objectif des dépenses des branches maladie, maternité, invalidité et décès, qui s’élevait en 2025 à 261,8 milliards d’euros, soit 8,8 milliards de plus qu’en 2024. Nous fixons aussi, sur un périmètre un peu différent – intégrant certains postes des branches accidents du travail et maladies professionnelles et autonomie –, le fameux Ondam, avec ses six sous-objectifs.

Avant d’en venir au risque de dépassement, je tiens à rappeler combien la fixation de l’Ondam pour 2025 a été compliquée, que l’on songe à l’enveloppe allouée aux Ehpad en difficulté ou au souhait des établissements de santé de bénéficier d’une augmentation qui ne soit pas effacée par la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Car il est bien toujours question d’une progression de l’Ondam : les 265,9 milliards d’euros projetés pour 2025 marquaient déjà une croissance de 9,5 milliards d’euros par rapport à 2024, après une hausse de 8,6 milliards par rapport à 2023, et ainsi de suite. Depuis que je suis arrivé à l’Assemblée nationale, en 2017, l’Ondam a augmenté d’environ 80 milliards d’euros !

Habitué aux surconsommations, le législateur a institué il y a un peu plus de vingt ans un comité d’alerte chargé de notifier au Gouvernement, au Parlement et aux caisses concernées tout risque sérieux de dépassement de l’Ondam de plus de 0,5 % – c’est‑à‑dire 1,3 milliard d’euros cette année. La hausse des IJ et l’absence d’économies sur les médicaments constituent à elles seules un risque de cette ampleur. Le dépassement réel, auquel vous entendez répondre par des économies de 1,7 milliard, pourrait donc être bien supérieur à 1,3 milliard.

L’alerte a été lancée par le comité dans son avis du 18 juin. Il revient maintenant aux caisses et à l’État de proposer des mesures de redressement. Certaines s’appliquent automatiquement, en vertu de la loi, comme la suspension des revalorisations prévues par les conventions médicales, alors même que les professions concernées ne sont pas les principales responsables des dépassements ayant justifié l’alerte. Vous avez mentionné les masseurs-kinésithérapeutes et les médecins. Est-ce à dire qu’aucun impact n’est prévu pour les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens ? Quel sera le champ exact de ces suspensions ?

Bien sûr, le comité prend la précaution nécessaire de dire qu’un aléa n’est pas une certitude, mais l’inquiétude est très forte. D’abord, inutile de s’attarder sur le fait que les hypothèses générales sur lesquelles reposent les textes financiers pour 2025 sont, au choix, optimistes ou sujettes aux incertitudes de l’économie. C’est notamment vrai des recettes, qui reposent sur des prévisions de croissance très – trop – optimistes.

Ensuite, s’agissant de l’Ondam, le comité souligne « la fragilité de [sa] construction ». En effet, le montant des charges nouvelles atteint 6,2 milliards d’euros, dépassant de loin celui des économies, 4,3 milliards. De plus, les premières sont bien plus certaines que les secondes : on ne peut prévoir avec exactitude les gains d’efficience qui résulteront de l’optimisation des achats et du développement de la chirurgie ambulatoire. Par ailleurs, le comité souligne que le déficit croissant des établissements de santé constitue un « point de fuite ».

Enfin, les risques sur lesquels il nous alertait en avril semblent se concrétiser.

Premièrement, l’accélération des dépenses d’IJ se confirme : elles sont supérieures de 6,7 % à leur niveau de 2024 à la même période. Les arrêts de travail expliqueraient donc à eux seuls au moins 38 % du dépassement. Pouvez-vous préciser quelles sont les conséquences respectives du nombre des arrêts et de leur durée ?

Notons que, pour les personnes appartenant au secteur privé, le problème des indemnités journalières ne relève pas du PLFSS mais d’une autre loi ordinaire et du projet de loi de finances (PLF) pour les agents de l’État. Il est temps de suivre les propositions du groupe Droite républicaine visant à instaurer des délais de carence beaucoup plus fermes. Un changement de paradigme dans le domaine du travail peut, par ricochet, alléger les dépenses de la branche maladie. Par ailleurs, nous pourrions envisager d’autres mesures législatives avant le PLF et le PLFSS.

Deuxièmement, le protocole à même de permettre 600 millions d’euros d’économies que devaient conclure le Gouvernement et les entreprises du médicament n’a pas été signé et ne le sera pas. Dans le même champ, le comité fonde peu d’espoirs sur les économies liées à la substitution par des biosimilaires. Comment l’expliquez-vous ?

Troisièmement, l’annulation des sommes mises en réserve aurait une efficacité très relative, en particulier si la hausse des dépenses de médecine, de chirurgie et d’obstétrique dépassait les prévisions – elles pourraient représenter 77 % du dépassement.

Quatrièmement, la convention avec les taxis soulève des difficultés. Il faut mieux prendre en compte l’équation territoriale. Nécessaire, la réforme doit avant tout être juste.

Cinquièmement, le comité dénonce « le caractère très incertain et circulaire de l’estimation du montant des économies de maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville ». « Année après année », poursuit-il, « la réalisation des économies prévues au titre de la maîtrise médicalisée des dépenses n’est que partiellement documentée. Leur réalité n’est ainsi que partiellement avérée. À ce stade de l’année, il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment en 2025. » Ces mots sont terribles.

Mesdames les ministres, ne laissez pas cet avis rejoindre l’étagère sur laquelle ont déjà échoué de nombreux rapports. Comme je l’ai dit au premier président de la Cour des comptes lors de son audition le 14 mai, « les discussions parlementaires portant sur l’Ondam sont déphasées, frustrantes et quasiment sans effet ». C’est normal, puisque ce qui importe vraiment est réglementaire ou conventionnel – on connaît les limites imposées à la procédure législative par les règles de recevabilité. Aussi certains ici veulent-ils vous accompagner.

L’exécutif doit prendre ses responsabilités pour assurer la pérennité de notre modèle de santé. Les solutions pour modérer la hausse de l’Ondam sont autant de serpents de mer, certes, mais vous ne devez pas y renoncer pour autant. Nos discussions avec le premier président ont été l’occasion de souligner l’efficacité de la prévention concernant les affections de longue durée (ALD), les maladies respiratoires chroniques, l’insuffisance rénale et d’autres pathologies. Je l’avais dit : soigner mieux et plus tôt coûte moins cher que le faire mal et trop tard. Avez-vous renoncé à une approche pluriannuelle, pourtant favorable à la prévention ?

Nous devons faire preuve d’une solide détermination. Vous ne trouverez pas de majorité qui veuille tenir les comptes pour le plaisir. Mais vous trouverez du soutien pour éviter que l’assurance maladie ne s’effondre ou que les contribuables et les assurés ne soient plus en mesure de supporter les conditions de son financement.

Surtout, il faut agir avec respect et considération pour les acteurs du système de santé, en favorisant la concertation et en tenant les engagements pris.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nos précédents débats m’avaient laissé penser que vous aviez cerné les problèmes des comptes de la branche maladie, sa réalité et le contexte de déficit chronique. On aurait ainsi pu croire que vous aborderiez différemment les raisons pour lesquelles les comptes nous échappent et les moyens d’y remédier : moins de technocratie ; plus de simplicité, de réalisme et d’actions novatrices. Mais non.

Le comité d’alerte signale que, en 2024, les dépenses relevant de l’Ondam ont dépassé de 1,5 milliard d’euros l’objectif prévu. En chaîne, on active a priori tout un arsenal de rabots qui ont prouvé leur inefficacité, au détriment de tous les acteurs, à commencer par les établissements publics de santé, dont 66 % sont déjà en déficit. Les patients consomment trop d’arrêts maladie : on limite les IJ, même si la santé mentale constitue un problème majeur. Ils consomment trop de taxis médicalisés : on baisse les tarifs et on favorise Uber. On retarde les revalorisations conventionnelles. Trop de médicaments consommés : en sus de l’effort « habituel » – selon la formule extraordinaire de l’avis – de 1 milliard d’euros de baisse des prix, vous réduisez lourdement la seule bouffée d’oxygène des officines, la marge des remises sur les génériques, préparant un désert pharmaceutique. Et cetera, et cetera.

Pourtant, votre 1,5 milliard est dans le contrôle des prestataires de santé à domicile (Psad) : ces professionnels invisibilisés facturent directement à la sécurité sociale 3 milliards d’euros, avec des médicaments et des dispositifs médicaux parfois recyclés. Il est dans les créances non recouvrées – 3 milliards d’euros au moins – de pays comme l’Algérie, la Géorgie, Haïti et les Comores. Un rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) le montre : ils ont externalisé chez nous les cas les plus onéreux. Il est dans les 3,3 milliards d’euros d’erreurs résiduelles des prises en charge ; dans la faiblesse des contrôles exercés sur plus de 150 milliards de la branche maladie ; dans la fraude elle-même, dont le coût est estimé à 4,2 milliards.

Cessez d’utiliser l’Ondam et sa corne de brume – le comité d’alerte – pour vous exonérer du contrôle interne des flux financiers. La trajectoire des comptes sociaux est « hors de contrôle », dit la Cour des comptes. Quand irez-vous chercher les économies immédiates là où elles sont ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). L’assurance maladie est financée par les cotisations et les impôts de nos concitoyens ; chaque euro doit être dépensé de la façon la plus efficace et la plus juste possible. Nous devons donc lutter contre les fraudes, mais aussi contre toutes les rentes.

J’appelle votre attention sur la financiarisation et sur la rente que perçoivent plusieurs spécialités dotées d’un équipement matériel lourd. Par exemple, selon le rapport « Charges et produits » pour 2026 de la Cnam, le chiffre d’affaires de la radiothérapie a bondi de 50 % entre 2018 et 2022. Lors de l’examen des derniers PLFSS, nous avons voté des amendements déposés par des membres du groupe Ensemble pour la République qui visaient à limiter cette rente en rémunérant la dialyse et la radiothérapie au forfait plutôt qu’à l’acte. Où en sommes-nous ?

Les voies vers des économies justes et inoffensives pour les malades existent. Nous devons aller plus loin et sortir du tarif le financement du matériel de radiologie, de radiothérapie et d’imagerie nucléaire. La sécurité sociale, qui en serait propriétaire, le mettrait à disposition des professionnels. Cela rendrait plus équitables les rémunérations des médecins des secteurs public et privé et permettrait de lutter efficacement contre la financiarisation. En fait, je propose de payer le travail plutôt que le capital et d’offrir à la sécurité sociale la possibilité de faire des économies. Qu’en pensez-vous ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Qui aurait pu prévoir que si l’on vidait la caisse, il y manquerait de l’argent ? Lors des débats sur le PLFSS, vous avez refusé de faire contribuer les hauts salaires, les hauts patrimoines, les grands groupes financiers et pharmaceutiques, les actions, les obligations et les spéculateurs – la grande bourgeoisie en général. Maintenant, Mme Rist propose de taxer le capital – une première en Macronie. C’est une bonne idée, mais encore faudrait-il l’appliquer au moment opportun.

Les dépenses de l’assurance maladie dépasseraient l’Ondam de 0,5 %. C’est l’équivalent de 7 euros sur un Smic – je le précise pour que tout le monde comprenne l’inquiétude du chœur des pleureurs. Le comité d’alerte le dit clairement : c’est la « fragilité de la construction de l’Ondam 2025 » qui est en jeu. Il se trompe en précisant que ce dernier a été « adopté par le Parlement », alors que nous n’avons rien adopté du tout : il y a eu 49.3 et nous avons même refusé d’approuver les comptes issus du précédent 49.3. En 2025, M. Bayrou a présenté sa version du PLFSS, différente de celle de M. Barnier, qui venait de sauter. À l’époque, il prévoyait une hausse de 3,3 % de l’Ondam. Or, pour des raisons démographiques, il aurait fallu l’augmenter de 4,7 % pour se contenter de maintenir le niveau des dépenses et des soins. En valeur réelle, votre PLFSS constituait déjà une ponction de 3,6 milliards d’euros, comme l’ont montré les organisations syndicales et la Fédération hospitalière de France (FHF).

Les deux tiers du dépassement de 0,5 % qui nous intéresse, soit 800 millions d’euros, sont liés au prix des médicaments – personne n’en parle, contrairement aux arrêts maladie ou à la décision de faire les poches aux kinés. La baisse prévue des génériques n’a pas eu lieu : vous n’avez jamais publié l’arrêté révisant le plafond des remises et l’accord avec le Leem n’a pas été conclu.

Ce qui dérape, ce ne sont pas les comptes, c’est votre politique.

M. Jérôme Guedj (SOC). Merci pour cette audition, que nous avions sollicitée. Nous avons également demandé celle du directeur général de la Cnam : il serait utile de l’entendre avant l’audition prévue le 9 juillet sur le rapport « Charges et produits ».

Mesdames les ministres, l’avis du comité est assez cinglant sur la manière dont vous avez piloté l’exécution d’un budget accouché dans la douleur. Vous affirmez qu’ayant compétence liée, vous allez geler les revalorisations de professions dont certaines ne sont pas responsables du dérapage. À l’inverse, vous dites que vous aviez pour objectif de maîtriser la dépense liée au prix des médicaments, en économisant 700 millions d’euros de plus que ce que prévoit la trajectoire habituelle, sauf que, pas de bol, vous n’avez pas réussi à l’atteindre. Or vous aviez là aussi compétence liée, politiquement, pour conclure un protocole avec le Leem, afin de favoriser la substitution par les médicaments biosimilaires et d’améliorer la pertinence des prescriptions dans ce domaine.

À l’époque, ces mesures contraignantes avaient été prises après vous avoir empêchés de choisir la solution de facilité consistant à dérembourser les médicaments par un simple arrêté. Quand il s’agit de négocier avec les professionnels de santé, en particulier sur le prix des médicaments, qui représentent le plus important gisement de rentes, vous nous expliquez que c’est trop compliqué. Un peu facile !

Vous vous êtes félicitées d’avoir mis en réserve 1,1 milliard d’euros. Mais le comité lui‑même souligne que les trois quarts de cette somme sont constitués de financements destinés aux établissements de santé et aux établissements et services médico-sociaux, alors que l’essentiel du dérapage concerne les soins de ville. Pourrez-vous organiser la fongibilité ?

Enfin, quand allons-nous préparer le PLFSS 2026 ? Quand pourrons-nous travailler autrement que le pistolet sur la tempe ? Dans le contexte politique actuel, il n’est pas normal que notre commission ne soit associée à la préparation du budget qu’en cas d’alerte. En effet, vous n’aurez pas la majorité nécessaire pour le faire passer, surtout si vous ne vous attaquez pas à la grande absente : la question des recettes.

M. Fabien Di Filippo (DR). Avec un déficit de 16 milliards d’euros en 2024, qui dépassera sans doute 20 milliards cette année et 41 milliards dans cinq ans – soit au total le montant des économies recherchées dans le budget de l’État –, la trajectoire est bien « hors de contrôle ». La population vieillit : dans quelques années, le déficit sera structurel dans toutes les branches.

Beaucoup de choses se jouent déjà cette année. Si nous ne sommes pas capables de consentir des efforts sans même attendre le prochain budget, l’alternative sera d’emprunter, donc de faire payer à nos enfants et à nos petits-enfants les soins d’aujourd’hui, ou, comme certains le demandent, de taxer davantage le travail et de le rendre plus décourageant encore.

Vous avez évoqué le fléau des arrêts maladie, les indemnités journalières ayant dérapé de 30 % au cours des dernières années. Le contrôle des médecins les plus prescripteurs devait être accru. Quels sont les résultats ? Pour quelques euros et sans même voir un médecin, on peut obtenir un arrêt sur des sites frauduleux. Pourquoi certains sont-ils encore ouverts, alors que des décisions de justice ont permis d’en fermer d’autres ? L’administration doit agir beaucoup plus rapidement. Sous couvert de fatigue et de burn-out, les motifs psychologiques d’arrêt maladie se multiplient. Ils concernent surtout les plus jeunes, qui viennent d’entrer sur le marché du travail. Il est urgent de recaler certaines choses.

Le prix du médicament augmente de 4,2 % par an depuis cinq ans ; les traitements sont toujours plus chers. Où cela s’arrêtera-t-il ?

Enfin, Mme Rist a évoqué les marges de certains secteurs, par exemple la radiologie. C’est vrai aussi de la biologie, la pénurie des médecins entraînant une moindre concurrence.

Quelles actions immédiates allez-vous entreprendre ?

M. Hendrik Davi (EcoS). L’Ondam devrait être une projection utile au législateur pour anticiper les évolutions de recettes nécessaires à la satisfaction des besoins de santé de nos concitoyens. Hélas, il devient un objectif comptable visant à limiter a priori les dépenses, alors que ces dernières dépendent de la santé de nos concitoyens. Nous n’allons ni laisser mourir les patients nécessitant une immunothérapie, ni refuser un transport sanitaire à une personne en situation de handicap, ni demander à un travailleur gravement malade de renoncer à s’arrêter. Donc le petit jeu qui consiste à toujours sous-estimer les besoins de santé lors de l’examen d’un PLFSS avant de se rendre compte, quelques mois plus tard, qu’on a dépassé l’Ondam ne rime à rien.

Quel est l’objectif de l’avis du comité d’alerte ? Il vise d’abord à geler les revalorisations prévues, ce qui provoque la colère des professionnels, puis à légitimer une nouvelle cure d’austérité. Celle-ci n’a pas tardé : la Cnam a annoncé hier 3,9 milliards d’euros d’économies pour 2026, soit deux fois plus qu’en 2025, et 22,5 milliards au total à l’horizon 2030.

Pourtant, les dérapages cités dans l’avis sont limités. Le comité précise que la dépense est liée notamment à « une proportion plus élevée d’arrêts de longue durée ». Que voulez-vous faire ? Préféreriez-vous que ces malades soient morts ? Voulez-vous inventer l’hospitalisation au travail ?

L’économie sur les médicaments n’est pas au rendez-vous. Allez-vous enfin annoncer la création d’un vrai service public du médicament ?

On voit bien les limites de ce type de document et de votre approche.

La solution consiste à partir des besoins, puis à augmenter les recettes de la sécurité sociale pour y répondre, comme l’ont proposé les groupes du Nouveau Front populaire lors de l’examen du dernier PLFSS. Sur le long terme, il faut mener une vraie politique de santé publique et de santé environnementale. Surtout, il faut en finir avec la dégradation des conditions de travail pour que notre société soit moins malade.

M. Nicolas Turquois (Dem). Merci pour l’alerte mais nous aurions pu parier dès le début de l’année qu’elle serait donnée. Explosion des arrêts de travail, hausse des dépenses de transport sanitaire et de médicaments : depuis huit ans que je suis député, nous rencontrons les mêmes problèmes tous les ans et tous les ans nous appliquons la même méthode.

S’agissant des arrêts maladie, je pense que nous devons travailler sur le délai de carence, afin de responsabiliser les patients et les prescripteurs. Mais pour les transports et les médicaments, nous diminuons sans cesse les prix, alors que les volumes augmentent, ce qui crispe les professionnels concernés sans résoudre le problème de fond. Il faut payer au juste prix le transport sanitaire justement prescrit. Pour y parvenir, il faut développer des prescriptions infalsifiables et travailler avec la géolocalisation.

Quant aux médicaments, c’est toujours plus de volume pour un prix toujours plus bas. Les entreprises du secteur se détournent progressivement de la France. Selon des bruits sérieux, de grands acteurs vont quitter le pays. Or nous connaissons déjà des ruptures d’approvisionnement.

Si nous voulons endiguer le phénomène, nous devons travailler sur la prévention, un mot que seul le rapporteur général a prononcé. Comment transformer le système ? Il faut mieux soigner les malades, mais surtout éviter qu’il y en ait. La prévention doit intervenir à tous les niveaux : dépistage génétique précoce et dépistages aux âges clefs. La biopsie liquide, par exemple, permet d’anticiper de trois ou quatre ans la détection de certains cancers. Il faut également réfléchir aux moyens de changer les comportements : faire diminuer la consommation d’alcool et de tabac et augmenter l’activité physique. La prévention est l’enjeu majeur ; or nous n’y travaillons pas.

Il faut dès maintenant préparer le PLFSS 2026 afin de révolutionner l’approche de la santé en France.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). L’avis du comité d’alerte est alarmant. Pour que notre modèle social soit soutenable, donc pour protéger tous les Français, il est essentiel de maîtriser les dépenses d’assurance maladie.

Si le risque est fort de dépasser l’Ondam, les causes sont connues. La première est la dynamique des dépenses de soins de ville. La hausse des dépenses d’IJ en particulier, de 6,7 % au cours des premiers mois de l’année, est bien supérieure aux prévisions. Deuxièmement, les économies attendues sur les médicaments peinent à se concrétiser. Troisièmement, l’activité hospitalière est plus soutenue que prévu, alors que 66 % des établissements publics de santé étaient déjà en déficit en 2024.

Le Gouvernement a anticipé ces difficultés en mettant 1,1 milliard d’euros en réserve. Toutefois, le comité le souligne, ces crédits sont en majeure partie destinés au financement des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux, dont la dégradation financière est telle que le montant en réserve risque de se révéler insuffisant.

Quelles actions immédiates le Gouvernement envisage-t-il pour freiner la dynamique des IJ tout en tenant compte des situations de fragilité au travail ? L’assurance maladie vient de proposer de limiter à quinze jours les arrêts maladie hors hospitalisation. Qu’en pensez-vous ?

Quelles garanties pouvons-nous avoir que les économies prévues sur les médicaments seront effectivement réalisées ? Cette année encore, notre pays connaît d’importantes pénuries, notamment parce que la France impose des prix très bas par rapport à ceux que pratiquent ses voisins. Cela nous fragilise. Selon vous, y a-t-il une surconsommation de médicaments ?

Quelles solutions structurelles envisagez-vous pour résorber le déficit croissant des établissements publics de santé, qui menace la pérennité de l’offre hospitalière ?

Nous devons adopter une démarche de responsabilité budgétaire juste, qui ne pénalise pas ceux qui ne sont pas responsables des dérapages. Nous devons garantir aux Français un modèle social tant solidaire que pérenne. La mobilisation de tous les membres de la commission sera nécessaire pour relever ce défi majeur.

M. Yannick Monnet (GDR). Les deux avis consécutifs du comité d’alerte ne sont malheureusement pas une surprise. Lors de l’examen du PLFSS, nous avions une fois de plus dénoncé le caractère délétère de l’Ondam. En effet, nous fixons un objectif que les besoins croissants et les recettes spoliées ou détournées rendent intenable : il est fatalement dépassé, ce qui alimente le déficit et la dette. Ajoutons à cela le choix politique de financiariser la dette : la sécurité sociale se trouve prise au piège des lois du marché et l’accès aux soins dégradé.

Le rapport de la Cour des comptes de mai 2025 met en exergue de vrais problèmes de financement : des exonérations de cotisations excessives ou injustifiées ; des compensations partielles de l’État ; des éléments de rémunération, comme les primes ou l’actionnariat salarié, non mis à contribution. Il faut exploiter ces premiers gisements de ressources. Le Gouvernement y est-il enfin prêt ?

Plus fondamentalement, il est grand temps de nous interroger sur ce que la réforme de 1996 a instauré : la Caisse d’amortissement de la dette sociale, les LFSS et l’Ondam. À l’évidence, cette triade de l’absurde ne fonctionne pas. Nos débats depuis l’automne dernier semblaient converger vers une remise en cause unanime de l’Ondam et une réforme des LFSS.

Nous plaidons notamment pour une loi de programmation pluriannuelle et pour la sanctuarisation du budget de la sécurité sociale hors du budget de l’État. La FHF a récemment soumis au débat public le projet de fixer sur cinq ans les grands objectifs de santé publique et d’y allouer les moyens financiers, humains et matériels nécessaires. Il s’agit d’appréhender différemment les dépenses sociales et de santé. Qu’en pense le Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur le rapporteur général, s’agissant de la suspension des revalorisations, deux possibilités s’offraient à nous. La première consistait à les reporter au 1er janvier, en application de la loi ; la seconde à renégocier les avenants. Ce sont surtout les masseurs-kinésithérapeutes et les spécialistes qui sont concernés par cette suspension, avec 75 millions d’euros pour chaque profession. Par ailleurs, nous souhaitons bien conclure avec le Leem une convention pour économiser 550 millions sur les médicaments.

Beaucoup d’entre vous ont dit qu’il fallait aller plus loin dans le domaine des IJ. Je saisis au bond votre proposition d’y travailler ensemble, d’autant que des mesures législatives seront nécessaires. Le rapport « Charges et produits » propose des solutions intéressantes.

Vous nous avez reproché d’avoir mis de côté certains rapports. Nous avons la volonté d’apporter tout de suite des réponses au problème qui nous occupe, en trouvant 1,3 milliard d’euros pour l’exercice en cours. Ensuite, il faudra aller plus loin lors de l’élaboration de l’Ondam pour 2026, en adoptant des mesures plus structurelles. La dimension pluriannuelle est essentielle.

Monsieur le rapporteur général, madame Mélin, la hausse du taux des remises commerciales sur les biosimilaires permet d’aider les pharmaciens à augmenter leur part. Je suis très attachée au réseau des pharmaciens, dont je connais l’importance ; dans les zones rurales en particulier, ils concourent à la présence médicale. C’est pour cette raison notamment que mes prédécesseurs ont travaillé sur des éléments comme les tests rapides d’orientation diagnostique et la vaccination, qui permettent de renforcer l’activité des pharmaciens dans les territoires.

S’agissant des Psad, j’ai demandé à la HAS de travailler sur l’apnée du sommeil. Il faut pouvoir récupérer l’appareil que la personne n’a pas utilisé ; sinon, c’est du gaspillage. Cela se fait couramment dans d’autres pays, comme en Allemagne. La HAS rendra ses recommandations en juillet.

Madame Rist, le comité clinique radiothérapie du Haut Conseil des nomenclatures a créé une nomenclature commune des actes qui permettra un financement forfaitaire à partir du 1er octobre 2025. L’enjeu est majeur : nous serons ainsi capables de déterminer le nombre de séances par traitement et d’identifier les traitements les plus coûteux pour une même technique. Là encore, le rapport « Charges et produits » contient de nombreuses propositions. Une réflexion est à mener sur les activités dont les bénéfices dépassent 15 %. L’écart de rémunération entre l’imagerie médicale et les autres spécialités est marqué. L’article 41 de la LFSS 2025 confiait au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie la mission de négocier avec les radiologues un protocole visant à ralentir la dépense. La négociation est en cours. Entre 2025 et 2027, la baisse des actes pourrait atteindre au moins 300 millions d’euros.

Monsieur Guedj, je le répète, nous allons appliquer la réforme du transport sanitaire. J’ai également parlé des biosimilaires et de la baisse du prix des médicaments. Mais tout cela ne suffit pas ; nous devons aller plus loin. Concernant la mise en réserve, les campagnes tarifaires des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux sont intégralement préservées. Je suis évidemment à la disposition de l’Assemblée pour préparer le PLFSS 2026. Avec l’ensemble des éléments dont nous disposons, notamment les travaux que j’ai cités et le rapport « Charges et produits », nous avons matière à avancer.

Monsieur Di Filippo, une nouvelle campagne de mise sous objectif et de mise sous accord préalable vise les 1 000 prescripteurs les plus atypiques. Celle de 2023-2024 a fait baisser de 30 % les prescriptions d’arrêts de travail chez les médecins concernés. Les services de l’assurance maladie assurent 8 000 entretiens avec des prescripteurs importants et 15 000 avec d’autres prescripteurs. L’objectif est de diminuer les prescriptions dès cette année. Rien ne nous empêchera d’adopter dans le PLFSS 2026 les recommandations du rapport « Charges et produits », notamment, afin d’aller plus loin. Par ailleurs, le déploiement des documents Cerfa sécurisés obligatoires à partir du 1er juillet participera à lutter contre les fraudes.

Oui, monsieur Davi, l’Ondam est un objectif, comme son nom l’indique. Dans le contexte que nous connaissons, on peut considérer qu’une augmentation de 3,4 % est significative, d’autant qu’il avait été revu à la hausse au mois de janvier.

Nous pouvons nous retrouver sur la prévention. En la matière, monsieur Turquois, je peux vous citer des exemples précis. L’hypertension artérielle concerne 17 millions de nos concitoyens. Un patient dépisté peut être accompagné dans les domaines du sport, du soin et de l’alimentation, afin de lui éviter des problèmes cardio-vasculaires. En période grippale, 80 % des patients qui arrivent à l’hôpital à cause de complications n’ont pas été vaccinés. Chez les professionnels de santé, le taux de vaccination contre la grippe est le plus faible d’Europe. Encore un exemple : la ministre de l’agriculture, le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins et moi-même, notamment, avons signé l’arrêté relatif au nouveau nutri‑score. Ce fut compliqué mais le voilà en vigueur.

Pour ce qui est des transports sanitaires, personne n’imagine empêcher le transport d’une personne isolée en zone rurale ! En revanche, quand on habite en ville et que l’état de santé le permet, on peut se rendre à son rendez-vous médical autrement qu’en taxi. Travaillons sur ce sujet. Je suis prête à aller plus loin.

De la même manière, madame Colin-Oesterlé, je veux aller plus loin dans le domaine du médicament. Pour avoir rencontré les représentants de nombreux laboratoires, je pense que nous devons nous montrer attentifs à au moins quatre éléments : aux essais thérapeutiques réalisés en France ; à la fabrication de médicaments dans notre pays ; à notre souveraineté médicale, une notion absolument majeure dans le contexte actuel ; à la situation internationale, notamment à l’évolution des prix, y compris aux États-Unis. Nous devons travailler avec le Comité économique des produits de santé (Ceps) sur ces sujets très importants et je suis tout à fait prête à en discuter avec vous.

Bien sûr, monsieur Monnet, la pluriannualité est importante : j’ai d’ailleurs dit qu’il faudrait adopter une trajectoire prévoyant un retour à l’équilibre en 2029. La mission temporaire sur les dépassements d’honoraires, dont vous avez été chargé avec Jean-François Rousset, nous apportera un éclairage très important, dont nous aurons besoin pour construire la LFSS 2026.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le rapporteur général, la prévision de croissance du Gouvernement pour 2025 est de 0,7 %. La Banque de France a ramené son estimation à 0,6 %, mais la Cour des comptes a jugé que notre objectif était atteignable à condition que nous nous montrions exigeants. Or, vous le savez, nous n’avons pas la main qui tremble pour réviser les choses quand le contexte l’impose. C’est pourquoi nous présenterons demain, lors du comité d’alerte des finances publiques, l’ensemble des recettes attendues cette année – cela rejoint aussi votre question sur les risques. Je peux d’ores et déjà vous assurer qu’à ce jour, contrairement à ce qui s’est passé en 2023 et 2024, nous ne constatons pas en 2025 de phénomène de plongeon des recettes issues de la TVA, de l’impôt sur les sociétés et d’autres taxes ou cotisations ayant un impact direct ou indirect sur les comptes de la sécurité sociale. Notre prévision paraît donc tout à fait réaliste – je donnerai plus de détails demain. Du reste, un taux annuel de 0,7 % se traduit par une croissance du PIB de 0,2 % chaque trimestre : là encore, au vu des indicateurs et enquêtes de conjoncture, ce chiffre n’est pas du tout irréaliste. Pour ma part, je suis très attachée à la sincérité de notre prévision, que nous avons d’ailleurs révisée par deux fois.

Vous êtes nombreux à avoir abordé la question des taxis, un dossier auquel Yannick Neuder et moi avons consacré beaucoup de temps hier.

J’aimerais tout d’abord vous assurer que la nouvelle convention, telle qu’elle a été négociée par les caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), les préfets et les fédérations locales de taxis, fait évoluer certaines choses sans nuire à l’attractivité de l’activité de transport sanitaire, notamment dans les territoires ruraux. Il est très important de dissiper cette inquiétude. Comme vous l’a dit Catherine Vautrin, notre objectif n’est pas de ne plus recourir aux taxis ou d’arrêter le conventionnement, mais d’établir une tarification plus juste, plus prévisible et plus pilotable. Je rappelle d’ailleurs que nous visons une économie de 150 millions d’euros, d’ici à trois ans, par rapport à ce que nous aurions dépensé si le système était resté inchangé, sur une base de 3 milliards. Au fond, nous cherchons donc à modérer la hausse.

La convention actuelle prévoit le recours à un taximètre et l’application de tarifs différents selon la vitesse du véhicule ou l’attente. La nouvelle convention, en revanche, est fondée sur quatre règles : l’application d’un forfait de prise en charge de 13 euros à chaque fois qu’un taxi transporte un assuré ; la facturation de 15 euros supplémentaires dans les grandes villes où le trafic est ralenti, ce qui porte la rémunération du transporteur, en Île-de-France, à 28 euros avant même que le taxi ait commencé à rouler ; l’application d’un tarif kilométrique à compter du cinquième kilomètre parcouru ; la facturation kilométrique du retour à vide en cas d’hospitalisation, car cette situation implique des horaires particuliers, un temps long passé sur place et une moindre chance de pouvoir transporter un patient au retour. J’ajoute que cette nouvelle convention prévoit toute une série d’incitations à recourir à des transports partagés.

Nous discutons de nombreux paramètres techniques. L’un des éléments dont nous avons débattu hier et qui aura des conséquences sur votre travail est l’instauration d’une clause de revoyure très précise au bout de six mois : si les estimations de la Cnam sont erronées et que l’application de ces nouvelles règles met en difficulté tel ou tel territoire ou se heurte à quelque réalité que ce soit, nous pourrons ainsi reprendre nos travaux et prévoir des évolutions, le cas échéant, dans le cadre du PLFSS 2027. Appliquer une clause de revoyure en octobre serait insincère ; le faire en avril, c’est être sérieux et se donner des chances d’avancer.

On entend beaucoup de choses qui ne correspondent pas à ce que nous voulons faire réellement. Dans les grandes villes, je le répète, les transporteurs bénéficieront d’un forfait fixe de 28 euros avant même d’avoir parcouru 1 kilomètre : on est loin des rumeurs que propagent parfois ceux qui veulent instrumentaliser ce débat !

J’en viens à l’enjeu de la pluriannualité. Avec le Premier ministre, l’ensemble des ministres et évidemment Catherine Vautrin, notre but est de ramener le déficit à 3 % d’ici à 2029. Pour ce faire, nous n’avons pas d’autre solution que de remettre la sécurité sociale à l’équilibre avant cette échéance. Nous devons donc adopter une trajectoire pluriannuelle couvrant les exercices 2026, 2027, 2028 et 2029 et regarder comment les économies que nous réalisons et les mesures que nous prenons portent leurs fruits dans la durée.

On a souvent dit que Bercy était contre la prévention, parce que ces mesures n’étaient pas rentables tout de suite. Pour ma part, j’y suis résolument favorable : comme je le dis souvent, le moyen terme commence un jour ! Il faut bien commencer à mettre en œuvre des mesures qui porteront leurs fruits plus tard.

Nous travaillons donc de manière constructive et très coordonnée pour élaborer un certain nombre de mesures de court terme qui ne nous empêchent pas d’en concevoir d’autres dont nous verrons les résultats à moyen ou à plus long terme. En cela, le rapport « Charges et produits » pour 2026 me semble très intéressant : il présente de manière très équilibrée des actions que nous mènerons rapidement et qui auront des effets très rapides et des mesures que nous prendrons très vite mais dont les effets, en matière d’organisation et de dépenses, apparaîtront plus tard.

Monsieur le rapporteur général, il n’est pas dans nos caractères, à Catherine Vautrin et à moi-même, de ranger des rapports sur des étagères. Nous voulons toutes les deux agir pour redonner confiance aux Français, qui paient tous beaucoup d’impôts – tous les Français paient notamment la contribution sociale généralisée sur tous leurs revenus, y compris de remplacement – et doivent pouvoir bénéficier, en contrepartie, d’un service public qui fonctionne. Ce que je défends avec Catherine Vautrin dans le domaine de la santé, je le défends avec la même force et le même engagement pour toutes les dépenses publiques : soit cela fonctionne et on en a pour ses impôts et ses charges, soit cela ne fonctionne pas et on réforme afin d’éviter que la confiance démocratique ne se trouve entachée.

Madame Mélin, vous avez abordé la question des créances de patients étrangers. Deux systèmes coexistent en France : certains patients sont couverts par un accord bilatéral, d’État à d’État, auquel cas la sécurité sociale – ou l’équivalent – du pays étranger et la nôtre font les comptes en fin d’année et celle qui n’a pas payé assez rembourse à l’autre ce que cette dernière a payé en trop ; d’autres personnes se font soigner dans notre pays à titre privé et disparaissent effectivement parfois dans la nature en laissant des ardoises.

Vous avez évoqué l’Algérie, un pays dont l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP‑HP) détenait, il y a dix ans, 32 millions de créances. Ces créances s’élèvent désormais à 13 millions d’euros pour la seule AP-HP et à 20 millions pour l’ensemble des hôpitaux français. Cette forte baisse s’explique non seulement par la dénonciation, en 2022, de l’accord bilatéral, qui ne fonctionnait pas, mais aussi par le fait que nous exigeons dorénavant le prépaiement d’une grande partie des soins dispensés aux patients se rendant à l’hôpital en dehors du système public, notamment lorsqu’il s’agit d’actes chirurgicaux au coût élevé. Si ces chiffres sont connus, c’est parce que je traite ce dossier – comme les autres, d’ailleurs – avec beaucoup d’énergie : les créances doivent être payées, faute de quoi nous risquons une rupture de confiance.

Vous avez aussi parlé de la fraude. Avec Catherine Vautrin, nous avons annoncé un plan commun de mobilisation, qui prévoit que je mette tous les dispositifs antifraude de la sphère fiscale au service de la lutte contre la fraude sociale. Ainsi, l’Office national antifraude, placé sous la tutelle de la direction générale des finances publiques et des douanes, a mené une action à la suite d’un signalement effectué par la Cpam des Bouches-du-Rhône : après avoir identifié un kinésithérapeute ayant déclaré de fausses activités, à hauteur de 3,5 millions d’euros, les services ont pu saisir les biens immobiliers, les véhicules et les produits de luxe qu’il s’était achetés avec l’argent reçu pour des massages et des actes de rééducation qu’il n’avait manifestement pas faits. Nous avons donc pu récupérer ces 3,5 millions d’euros, grâce à une amélioration de la coordination entre services et à l’utilisation des outils de lutte contre la fraude fiscale, qui fonctionnent bien, au bénéfice de la lutte contre la fraude sociale.

Nous allons continuer dans cette voie et nous aurons d’ailleurs besoin de vecteurs législatifs pour ce faire. Il y a dix ans, nous détections bien la fraude fiscale mais récupérions peu les recettes qui auraient dû nous revenir ; dorénavant, nous la détectons de mieux en mieux et encaissons dans ce cadre beaucoup plus de recettes, puisque nous avons perçu à ce titre 11,6 milliards d’euros en 2024. Dans la sphère sociale, nous en sommes au même point : nous détectons de plus en plus la fraude, mais nous ne disposons pas encore de tous les outils pour saisir des biens ou récupérer les sommes indûment versées. Mais nous avons, là encore, des idées très précises pour faire respecter ce pacte à l’ensemble du pays.

J’en viens à la question sur les recettes qu’a posée M. Clouet. Je rappelle que la dernière LFSS a prévu une baisse de 1,6 milliard d’euros des allégements généraux – on se souvient du débat – ainsi qu’une hausse de 300 millions des recettes perçues au titre des avantages en nature, notamment de l’utilisation de véhicules de fonction, une hausse de 300 millions de la fiscalité comportementale et une hausse de 500 millions de la taxation des actions gratuites. On peut considérer que ce n’est pas assez, mais je ne veux pas entendre que la LFSS 2025 ne comportait pas de recettes nouvelles. Il faut dire la vérité. Vous étiez d’ailleurs plus là que moi pour débattre de ces sujets en septembre et octobre derniers.

Monsieur Guedj, on peut considérer qu’il y a un déséquilibre entre les établissements hospitaliers et médico-sociaux, pour lesquels il est possible de mettre des sommes en réserve, et la médecine de ville, où une telle pratique apparaît plus difficile. Je m’interroge sur deux points, à moyen terme, que j’aimerais soumettre au débat en amont de l’examen du prochain PLFSS.

Je relève tout d’abord que les médecins n’ont aucune visibilité sur le coût réel des médicaments qu’ils prescrivent. Ils n’en connaissent que le coût facial ; le coût effectif, pour la sécurité sociale, est caché. On a parlé du Ceps, qui doit jouer un rôle clef si l’on ne veut pas laisser les médecins dans le brouillard mais, au contraire, les aider à travailler de manière responsable.

De nombreux pays, en laissant visible le coût réel des médicaments, ont mis en place des budgets de prescription permettant de donner aux médecins des repères par rapport aux préconisations de leur haute autorité de santé, s’agissant par exemple du coût total des médicaments à prescrire chaque année pour telle ou telle maladie chronique. Je ne sais pas s’il s’agit d’un bon système ; toujours est-il que nous ne l’avons pas mis en place, au contraire de l’Allemagne, qui en a tiré quelques bénéfices. Je mets ce sujet sur la table.

Au demeurant, chacun convient que la clause de sauvegarde des médicaments, dont on a beaucoup parlé, doit être réformée. Elle ne procure pas la stabilité attendue – c’est la ministre chargée des comptes publics qui parle – et n’est pas totalement rentable pour la sécurité sociale.

Enfin, monsieur Di Filippo, vous avez évoqué le sujet des arrêts maladie. Vous savez que nous n’avons pas la main qui tremble lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude. Des plateformes comme celles que vous avez signalées, nous en fermons tout le temps, mais il est terrible de constater qu’elles sont ensuite recréées. C’est comme les champignons : à une certaine saison, vous avez beau en ramasser, vous en trouvez toujours ! Il y a un enjeu de force et de capacité. Certains vont jusqu’à se demander s’il faut continuer de permettre la délivrance d’arrêts maladie en téléconsultation : c’est effectivement une question que nous devons nous poser. Par ailleurs, après un arrêt de plus d’un mois, pourquoi faut-il systématiquement passer devant le médecin du travail pour reprendre son activité ? Nous essaierons de corriger cela assez vite, d’autant que la médecine du travail est totalement embolisée : ces médecins ne peuvent plus remplir leurs missions premières, tant ils sont occupés à recevoir des patients qui pourraient très bien consulter un généraliste ou retourner au travail sans avoir besoin de contre-visite. Voilà autant de pistes qui pourront être explorées si les parlementaires le souhaitent. En tout cas, Catherine Vautrin et moi ne sommes pas du tout opposées à agir.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Cette année, nous sommes au pied du mur et à un niveau d’alerte suffisant pour prendre des mesures rapides d’économies dans le but de préserver notre système de protection sociale, auquel nous tenons tous et que le monde nous envie.

Chaque année, nous imposons des mesures de rabot, mal comprises et finalement inefficaces, sans envisager le moyen ou le long terme ni réfléchir à la protection sociale que nous voudrions en 2030 – un système dans lequel on dépenserait moins, mais mieux.

À court terme, nous pourrions par exemple réviser les modalités de prise en charge des ALD et renforcer le contrôle des arrêts de travail et des déclarations d’inaptitude. On constate que les arrêts de travail sont plutôt délivrés à des jeunes : ils ne correspondent donc pas à de l’usure professionnelle, d’autant qu’ont été instaurés les 35 heures, les quatre jours de travail par semaine et le télétravail. Je ne crois pas qu’un formulaire Cerfa puisse vraiment nous aider à lutter contre la fraude ; en réalité, le contrôle médical n’est pas exercé aujourd’hui dans de bonnes conditions.

Nous pourrions aussi agir sur les prescriptions médicamenteuses. Pour ne prendre que l’exemple de la psychiatrie, les prescriptions d’hypnotiques aux mineurs ont augmenté de 224 % en 2021, celles d’antidépresseurs de 23 %, celles d’anxiolytiques de 16 %. Comment faire en sorte que les affections psychiatriques soient mieux soignées en France que dans les autres pays ? Je prendrai aussi l’exemple des cures thermales, qui me semblent prescrites de manière trop récurrente, même si je comprends bien la demande sur le plan touristique.

À long terme, on ne peut que renforcer la prévention, le dépistage – vous avez reconnu, madame Vautrin, que nous étions mauvais dans ce domaine et que la situation empirait encore –, la vaccination, la communication sur les bonnes habitudes alimentaires et la gradation des soins. On déplore l’existence de déserts médicaux, mais ne pourrait-on pas mieux orienter les patients vers le bon professionnel et faciliter l’accès direct à l’infirmière de premier recours, l’infirmière scolaire ou l’infirmière de santé au travail ? De même, ne vaudrait-il pas mieux favoriser la vérification des médicaments au domicile des patients au lieu de financer une consultation de déprescription ? J’insiste enfin sur la nécessité du dépistage précoce, partout.

M. Michel Lauzzana (EPR). Ne perdons pas de vue notre réflexion sur la territorialisation des établissements de santé. Pour être très concret, pourquoi le directeur de l’hôpital le plus important d’un groupement hospitalier de territoire (GHT) n’exercerait-il pas une autorité décisionnelle sur l’ensemble de ce dernier, pour améliorer la mutualisation des moyens et l’organisation territoriale ? Alors que l’on parle de désertification médicale, un tel système permettrait d’améliorer grandement l’allocation des moyens.

Vous avez évoqué les économies à réaliser sur les médicaments. Dans ce domaine, il faut toujours éviter certains écueils, alors que l’industrie pharmaceutique se détourne progressivement de notre pays et que nous subissons des pénuries de médicaments. Je comprends qu’il faille faire des économies, mais j’aimerais défendre l’accès précoce – un système que certains remettent aujourd’hui en cause mais que d’autres pays regardent avec intérêt et qui permet de mettre très tôt certaines innovations à la disposition des patients français. Cela rejoint une demande légitime de nos concitoyens, plus particulièrement – mais pas uniquement – en cancérologie, d’autant que le coût de ce mécanisme n’est pas si élevé et que des remises nous sont déjà accordées. Du reste, les médicaments faisant l’objet d’un accès précoce entrent dans le champ de la clause de sauvegarde, le trop-perçu par les fabricants pouvant donner lieu à un remboursement à l’assurance maladie.

En matière d’innovation, certaines questions me tiennent à cœur. Je pense par exemple aux essais thérapeutiques, régis par une procédure très complexe qu’il faudrait simplifier. J’ai réalisé un travail à ce sujet. Plus généralement, nous devons adopter une vision de moyen et long terme, que ce soit pour les nouveaux médicaments, qui coûtent très cher, ou pour les innovations dans le domaine de la radiothérapie, par exemple. Nos concitoyens exerceront, à juste titre, une pression forte pour avoir accès à ces nouveaux traitements. Or nous manquons de vision et nous nous trouvons face à un mur.

Mme Justine Gruet (DR). Le décalage de la revalorisation des professionnels de santé tels que les kinésithérapeutes est très injuste pour ces personnes engagées sur le terrain. Vous feriez mieux de vous attaquer au marasme administratif de notre système de santé, pointé par un rapport du Sénat. Il devient urgent de repenser notre système en profondeur, alors que le mécanisme des restes à charge fonctionne différemment dans les cinq branches. Redonner du sens, c’est aussi redonner de la valeur à notre système et permettre une visibilité sur plusieurs années, dans le cadre d’une programmation dont bénéficient de nombreux autres secteurs.

Prenons un exemple concret : une personne âgée hospitalisée coûte en moyenne 1 300 euros par jour. Pour elle, c’est gratuit, tandis que le reste à charge en Ehpad ou à domicile peut être très élevé. Résultat : on hospitalise parfois par défaut, parce qu’il n’y a pas d’autre solution. Cela engorge nos hôpitaux et n’est ni durable ni optimal pour le patient.

Il est urgent d’accélérer le virage domiciliaire, de renforcer l’hospitalisation à domicile et de cesser de traiter le médico-social comme le parent pauvre de notre modèle social. Vous prenez des décisions faciles à mettre en œuvre, mais qui alimentent un sentiment d’injustice entre celles et ceux qui contribuent ou non à notre système.

Voici quelques propositions qui me semblent intéressantes : créer une allocation sociale unique pour que celui qui travaille soit toujours celui qui a raison ; instaurer un reste à charge dans la branche maladie, comme il en existe dans la branche dépendance, qui serait modulé en fonction des revenus, comme dans la branche famille, afin de mieux financer la perte d’autonomie. J’imagine les réactions que ces propositions pourront susciter, mais cela ne vous gêne pas que la santé soit gratuite quand les personnes âgées ou en situation de handicap se battent en permanence pour changer de fauteuil ou obtenir l’accompagnement humain dont elles ont besoin !

Il convient aussi de repenser le système des allocations familiales, qui devraient être universelles pour les deux premiers enfants mais soumises à la condition qu’au moins l’un des parents perçoive un revenu à partir du troisième.

Enfin, s’il vous plaît, revenez sur les 35 heures !

Il est urgent de réagir. Les décisions à prendre sont certes difficiles, mais les générations à venir le méritent.

Mme Christine Loir (RN). Vous présentez l’Ondam 2025 comme un soutien inédit aux hôpitaux, en affirmant qu’il permettra de recruter 6 500 médecins ou 15 000 infirmiers. Pourtant, dans son dernier avis, le comité d’alerte ne trouve aucun fléchage budgétaire permettant de confirmer ces recrutements ; il alerte même quant à la fragilité des économies prévues et au manque de lisibilité concernant la répartition des moyens alloués aux établissements.

Sur le terrain, la réalité est très différente. La circulaire interministérielle du 23 avril dernier demande aux ARS de piloter l’exécution budgétaire en faisant preuve de réserve et de prêter une attention particulière aux dépenses de personnel et d’intérim. En somme, le Premier ministre serre la vis. On entend donc un discours d’investissement à Paris et des consignes de régime budgétaire dans les hôpitaux en circonscription.

Recruter des soignants, c’est bien, mais la promesse sera-t-elle tenue ou s’agit-il seulement d’un mirage budgétaire ? Comment pouvez-vous garantir que ces annonces ambitieuses ne resteront pas des mesures d’affichage, réfutées dès la première notification budgétaire aux ARS ?

M. Denis Fégné (SOC). L’une de nos collègues a évoqué le remboursement des cures thermales. Le thermalisme ne doit pas être perçu comme un coût, mais plutôt comme une source d’optimisation de la dépense de santé, voire d’économies. Le remboursement des cures ne représente que 0,15 % des dépenses nationales de santé, pour plus de 8,3 millions de journées de soins.

Le 11 juin dernier, lors de son audition par le groupe d’études de l’Assemblée nationale sur le thermalisme, le ministre chargé de la santé, M. Yannick Neuder, a affirmé qu’il n’était pas favorable à une remise en cause du remboursement des cures dans le prochain PLFSS, mais qu’il souhaitait engager un travail avec les acteurs du thermalisme.

Dans ce contexte, quelle est la position du Gouvernement concernant la proposition n° 15 du dernier rapport de la Cour des comptes, qui consiste notamment à « augmenter le ticket modérateur sur les remboursements des soins de cure » et à « supprimer la participation de l’assurance maladie aux frais de transport » ?

Par ailleurs, dans le cadre de l’élaboration du plan sur le grand âge qui devrait être annoncé cet automne, pourriez-vous envisager une rencontre avec les acteurs du thermalisme ?

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Mon questionnement tient en trois mots : honnêteté, courage et pragmatisme.

Aurez-vous l’honnêteté de reconnaître que la tarification à l’activité conduit à une catastrophe dans la gestion de certains établissements publics de santé, notamment dans les pays dits d’outre-mer, où des coefficients géographiques, notoirement sous-évalués, ne parviennent pas à inverser une logique entretenue d’endettement mortifère des hôpitaux ?

Aurez-vous le courage d’extraire les dépenses relatives aux actions de prévention du calcul des frais de gestion des établissements de santé ? Ce faisant, nous donnerions à la prévention une volonté politique forte et une place centrale dans la stratégie de santé publique, tout en répondant aux enjeux économiques et sociaux liés au vieillissement de la population et aux maladies chroniques.

Enfin, saurez-vous intégrer une dose même minime de pragmatisme dans la définition de vos objectifs ? En Martinique, à cause des politiques publiques qui ont toujours privilégié les bénéfices d’une minorité sur la santé de la grande majorité, le taux de diabète s’élève à 15 % – je dis bien 15 % – de la population. Or l’Heberprot-P, un médicament cubain traitant l’ulcère du pied diabétique, a été testé sur près d’un demi-million de personnes dans vingt-cinq pays. En Colombie, sur 469 patients ayant bénéficié de ce médicament, seuls trois ont dû être amputés. Dans le même temps, en Martinique, on continue à amputer à tour de bras. Alors que le coût d’une telle opération s’élève à plus de 60 000 euros, pourquoi le Gouvernement s’évertue-t-il à interdire l’accès à ce médicament, même sous la forme d’une expérimentation ? Il s’agirait pourtant d’une réponse pérenne et décisive à un problème de santé publique, qui contribuerait également à soulager de manière déterminante les finances publiques – deux objectifs qui peuvent être réconciliés.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Le comité d’alerte explique le déficit par une forte hausse des arrêts maladie, mais sans reconnaître ni même réfléchir à leurs causes. Ne pensez-vous pas que nous vivons dans une société où la souffrance au travail est en hausse ? Comment en sommes-nous arrivés à une telle situation ? Il faut reconnaître que les politiques menées n’y sont pas étrangères.

Une illustration saisissante est la mauvaise gestion de l’épidémie de chikungunya, à La Réunion, territoire où il y a eu un nombre extrêmement important d’arrêts maladie justifiés. La stratégie sanitaire a échoué, car l’ARS a tout misé sur la vaccination, en abandonnant la lutte mécanique. Pourtant, la lutte antivectorielle est la plus efficace. Cette approche repose sur les agents de l’ARS, mais aussi sur l’entretien des ravines et des espaces verts, grâce aux contrats aidés. L’investissement dans ces emplois présente un rapport coût-efficacité très favorable comparé aux dépenses curatives. Néanmoins, afin de réaliser des économies, vous avez fait le choix de supprimer un grand nombre de contrats aidés à l’approche de l’épidémie.

Dans la mesure où il n’y a pas de petites économies, quel regard portez-vous sur une augmentation à grande échelle de contrats parcours emploi compétences, spécifiquement consacrés à la prévention des maladies vectorielles, parmi lesquelles figurent également la dengue ou la leptospirose ? Associés aux agents de l’ARS, ces travailleurs pourraient générer des économies substantielles pour notre système de santé. Pour faire des économies, ne faut-il pas investir plutôt que réduire ?

Mme Josiane Corneloup (DR). Une nouvelle fois, je regrette que vous traitiez les conséquences et non les causes du déficit, en procédant à des coups de rabot qui dégradent davantage notre système de santé et qui précarisent, entre autres, les transporteurs sanitaires. S’il ne s’agissait que de trouver 150 millions d’euros d’économies, pourquoi ne pas être allées beaucoup plus loin dans la lutte contre les fraudes, notamment grâce à la géolocalisation, ou ne pas vous être davantage investies auprès des prescripteurs – il y aurait moins de trajets si les hôpitaux parvenaient à regrouper les rendez-vous ?

D’autres professions médicales risquent de subir une précarisation. Je pense aux kinésithérapeutes, qui vont voir leur revalorisation reportée, ou aux pharmaciens, qui vont subir la baisse du prix des médicaments et du plafond des remises commerciales sur les génériques. Madame la ministre de la santé, vous vous dites attachée à notre maillage officinal, mais une pharmacie ferme chaque jour dans notre pays. Je crains d’ailleurs qu’après les déserts médicaux nous ne connaissions les déserts officinaux.

Par ailleurs, dès 2017, la Cour des comptes estimait que les biosimilaires pourraient permettre à l’assurance maladie d’économiser plus de 680 millions d’euros. À cet égard, la LFSS 2024 autorise la substitution de tous les médicaments par des biosimilaires. Or le répertoire des médicaments biologiques substituables est limité à deux molécules sur une vingtaine de substances actives disponibles. Pourquoi ce gisement d’économies n’est-il pas exploité, sachant que la situation est la même pour les médicaments hybrides ?

Il est regrettable que vous pénalisiez ceux qui ne sont pas responsables de la situation. Pourquoi l’État ne mène-t-il pas des réformes structurelles à même de susciter de vraies économies, par exemple dans les domaines de la prévention, du dépistage, de l’alimentation, de la pertinence des soins ou du mésusage des médicaments ?

Mme Stella Dupont (NI). Vous avez fait part de votre inquiétude s’agissant des déficits des établissements publics de santé et médico-sociaux. J’ai compris qu’il n’y avait pas, à ce stade, d’action entreprise pour les réduire, mais que ce pourrait être bientôt le cas.

En tant que représentante de l’Assemblée nationale au sein de plusieurs conseils de surveillance, la situation du secteur psychiatrique m’inquiète, tout comme le financement des revalorisations salariales liées au Ségur de la santé et de la hausse des cotisations au titre de la CNRACL, qui concerne la fonction publique hospitalière, mais aussi territoriale s’agissant des établissements médico-sociaux gérés par les centres communaux d’action sociale.

Sauf erreur de ma part, l’État s’est engagé le 25 mars à financer ces revalorisations. Qu’en est-il ? J’insiste sur le fait que cette compensation est essentielle, car nombre d’établissements sont dans le rouge, malgré les efforts et les plans de restructuration engagés.

M. le rapporteur général. Mesdames les ministres, je reconnais que vous ne manquez pas de caractère, mais je suis dans mon rôle en me montrant exigeant à l’égard de l’exécutif.

Madame de Montchalin, je vous ai alertée sur les recettes car l’Institut national de la statistique et des études économiques, dans sa dernière note de conjoncture parue le 18 juin, soit le même jour que l’alerte formulée par le comité d’alerte, a indiqué tabler désormais sur une croissance de 0,6 % en 2025, alors que les hypothèses de la LFSS pour cette année sont bâties sur une prévision de 0,7 %.

Madame Vautrin, j’aimerais connaître le périmètre exact des suspensions de revalorisation. S’agissant des kinésithérapeutes, ne concernent-elles que la revalorisation des actes ou remettent-elles également en cause la simplification des indemnités de déplacement, ainsi que la méthode rating of perceived exertion (évaluation de l’effort perçu, RPE), c’est‑à‑dire le nouvel acte de rééducation de la déambulation destiné à maintenir l’autonomie des personnes âgées ? Concernant les médecins spécialistes, les seuls actes de référence sont‑ils visés ou les consultations pédiatriques ainsi que celles dites très complexes sont-elles aussi concernées ?

Par ailleurs, vous avez redit votre soutien au maillage officinal, élément important de l’accès aux soins dans nos territoires. Pourriez-vous nous rassurer en affirmant que le plafond des remises sur les médicaments génériques ne sera pas modifié ? Les pharmaciens sont en effet très inquiets : leur modèle économique repose en grande partie – le chiffre de 40 % circule – sur ces remises.

Enfin, à aucun moment vous n’avez évoqué les chirurgiens-dentistes. Sont-ils aussi concernés par les suspensions de revalorisation ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Madame Dubré-Chirat, vous avez raison, les ALD sont un enjeu de taille : elles sont responsables de 71 % de la croissance des dépenses de santé entre 2015 et 2023. Revoir leur prise en charge est délicat, car il y a des patients derrière, mais nous ne pouvons pas ne rien faire. Il faut à la fois éviter les entrées dans ce régime et faciliter les sorties. Dès lors qu’un médecin a établi qu’un patient est en rémission – ce qui n’exclut malheureusement pas la possibilité d’une rechute et d’une réintégration –, celui-ci doit sortir du dispositif. Souvenez-vous du débat que nous avions eu au sujet de la capacité de ces malades à emprunter.

Concernant la psychiatrie, je demeure convaincue que la question principale est celle de la formation. Yannick Neuder a annoncé il y a quelques jours notre objectif d’augmenter le nombre d’internes dans cette spécialité. Le nombre de patients, de tous les âges, est en très forte augmentation.

Monsieur Lauzzana, je partage en tout point votre réflexion sur les GHT. Je serai très claire : il faut que nous travaillions, pour 2026, à des mesures très concrètes de mutualisation obligatoire, particulièrement en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, car cela n’a pas de sens de ne pas le faire. Et pourquoi pas, comme vous le proposez, désigner des chefs de file au sein des groupements.

L’accès précoce aux médicaments innovants, qui existe depuis 2001, constitue un énorme progrès. Beaucoup de pays regardent ce que nous faisons dans ce domaine et il n’est pas question de le remettre en cause.

En revanche, il convient de réfléchir à l’évolution de la clause de sauvegarde, actuellement plafonnée à 1,6 milliard d’euros, comme nous y invite un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, que je n’ai pas laissé sur l’étagère, monsieur le rapporteur général.

Madame Gruet, je connais votre attachement à la profession de masseur-kinésithérapeute. Les revalorisations auront lieu le 1er janvier. En l’occurrence, nous appliquons le texte à la lettre : dès lors que la procédure d’alerte est déclenchée, les revalorisations sont reportées. Je reconnais que nous aurions pu négocier un avenant. Je reviendrai, monsieur le rapporteur général, sur la liste des professionnels concernés par les reports.

S’agissant ensuite de la médicalisation des Ehpad et du virage domiciliaire, je partage votre réflexion.

Nous travaillons sur l’allocation sociale unique, notamment sur la base des propositions de Nathalie Colin-Oesterlé.

Je profite de votre évocation de la politique familiale pour rappeler que nous avons publié l’arrêté sur le complément de libre choix du mode de garde il y a deux semaines. Il comporte des avancées importantes pour les mamans solos et pour les couples en garde alternée – les deux parents pourront désormais en bénéficier – et nous mettons un terme aux trois barèmes. La prestation sera adaptée à la composition familiale et au nombre d’heures dont les familles ont besoin.

Madame Loir, s’il faut effectivement soutenir les hôpitaux et faire attention à la campagne tarifaire, cela ne signifie pas qu’il ne faille pas travailler sur l’efficience. Le rapport « Charges et produits » le montre : les chiffres des centres hospitaliers universitaires relatifs à l’ambulatoire sont très faibles. Nous avons là une véritable réflexion à mener.

Monsieur Fégné, tout le monde connaît les débats liés au thermalisme et les enjeux économiques et touristiques qui y sont associés. Nous devons cependant examiner toutes les propositions sans tabou. Je suis prête à recevoir les parties prenantes.

Monsieur Nilor, je suis d’accord avec vous au sujet de la prévention. Je dois avouer que je ne connais pas le médicament que vous avez évoqué. Je vais saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la HAS pour savoir si elles le connaissent et, le cas échéant, pourquoi nous ne l’utilisons pas. Je suis avant tout guidée par le confort du patient, donc si nous pouvons éviter des amputations, ce sera évidemment une bonne chose. Si, en plus, nous pouvons faire des économies, nous serons doublement gagnants.

Monsieur Ratenon, je tiens à souligner le travail de mobilisation en faveur de la vaccination accompli par Yannick Neuder contre le chikungunya, sachant qu’il y a aussi eu un soutien fort à la lutte antivectorielle. Par ailleurs, j’ai moi-même échangé avec Ericka Bareigts au sujet des emplois aidés. Je rappelle que leur baisse a été moins élevée à La Réunion qu’elle ne l’a été ailleurs. Il en reste encore un grand nombre.

Madame Corneloup, je connais votre attachement au réseau des pharmacies. Vous n’êtes pas la seule à regretter les coups de rabot. Nous nous inscrivons dans une double temporalité. Le premier objectif est de donner un coup de frein immédiat. Que nous agissions en une semaine, comme nous le faisons, ou en un mois, comme les textes le prévoient, cela ne change rien : nous n’avons pas la possibilité de mener des réformes de structure. Pour autant, cela ne signifie pas que nous n’en souhaitons pas. Nous travaillons aussi sur des objectifs de long terme, notamment pour améliorer le taux de pénétration des biosimilaires, en incitant les médecins à en prescrire et les pharmaciens à en délivrer. Je suis à votre disposition pour aller plus loin dans le cadre du PLFSS 2026.

Amélie de Montchalin a répondu au sujet de la lutte contre la fraude.

Quant aux transports, nous devons faire des économies. Il ne s’agit pas de tout arrêter, mais je rappelle que cette dépense atteint au total 6,3 milliards d’euros, dont 3,1 milliards pour les taxis. Vous avez raison : il faudrait créer une plateforme pour que les établissements regroupent les rendez-vous afin de favoriser le transport partagé.

Madame Dupont, la campagne tarifaire me semble positive, dans la mesure où la hausse des cotisations au titre de la CNRACL est intégralement compensée pour les établissements publics de santé et médico-sociaux. Je suis prête à vérifier la situation des structures relevant des collectivités territoriales, mais je crois qu’elles sont bien concernées.

Enfin, monsieur le rapporteur général, voici la liste in extenso du report des revalorisations du 1er juillet au 1er janvier. Sont concernés : les examens obligatoires et les consultations de pédiatrie jusqu’à 2 ans, ainsi que le nouvel acte d’expertise pédiatrique de second recours ; les consultations coordonnées de gériatrie et de neurologie ; l’aide médico‑psychologique jusqu’à 25 ans et les majorations MAF et MPF de psychiatrie ; les actes d’endocrinologie, de gynécologie médicale, de médecine physique et de réadaptation, de dermatologie, de chirurgie obstétrique, d’anesthésie ; les majorations pour les consultations réalisées sur demande du Samu ; le facteur de conversion de la classification commune des actes médicaux ; et, s’agissant des masseurs-kinésithérapeutes, les actes AMS 7,5, les mesures de domicile, les actes AMK 6 appelés à être remplacés et les mesures de balnéothérapie.

Je précise en outre qu’une discussion est en cours avec les pharmaciens et que les mesures concernant l’avenant 1 à la convention des chirurgiens-dentistes libéraux représentent une somme inférieure à 1 million d’euros.

Le montant total des économies est de 80 millions d’euros.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’insiste sur le fait que personne ne perd : les revalorisations auront lieu plus tard. Je le précise, car, parfois, le mot « économies » est associé à celui de « baisses ». En l’espèce, aucun professionnel ne perd d’argent.

Dans la nouvelle convention avec les taxis, le forfait de prise en charge s’élève à 16 euros dans les territoires ultramarins, contre 13 euros ailleurs, afin de tenir compte des prix du carburant et du coût de la maintenance des véhicules.

De plus, madame Corneloup, sachez que Yannick Neuder et moi-même, après nous être longuement entretenus avec les représentants des chauffeurs de taxi, souhaitons que les hôpitaux prévoient des salles d’attente adaptées pour les patients bénéficiant d’un transport partagé, étant donné qu’ils ne recevront pas leur soin dans l’instant. Nous voulons aussi que les établissements organisent les prises en charge selon la géographie locale : les patients d’un certain secteur pourraient être reçus le matin en dialyse et ceux d’un autre secteur l’après-midi. Enfin, nous plaidons pour le recours à la géolocalisation, bien sûr avec les bons outils, car cela faciliterait la facturation effective et permettrait de lutter contre la fraude.

S’agissant des 35 heures évoquées par Mme Gruet, afin que tout le monde comprenne les termes du débat et pourquoi nous sommes prudents, je rappelle que le temps de travail effectif s’élève à 37 heures et que 40 % des salariés font des heures supplémentaires – en moyenne vingt par an –, ce qui leur procure davantage de pouvoir d’achat. Si demain, d’un trait de plume, nous portons le temps de travail à 37 heures, cela coûtera effectivement moins cher aux entreprises, mais nous supprimerons aussi de fait les 4 milliards d’euros d’exonérations fiscales et sociales que l’État accorde aux travailleurs pour leurs heures supplémentaires – un chiffre rarement évoqué. Passer sèchement de 35 à 37 heures, cela signifie moins d’heures supplémentaires et donc moins de pouvoir d’achat. C’est la forte bonification des heures supplémentaires de la part des employeurs et de la collectivité qui incite à travailler, madame la députée.

Enfin, monsieur le rapporteur général, nous aurons demain une discussion sur les prévisions de croissance. Ce qui est certain, c’est que, quoi qu’il arrive, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour tenir la dépense, car celle-ci, contrairement aux recettes, dépend entièrement de nous. L’objectif de 5,4 % de déficit est notre boussole. Nous vous donnerons plus de détails demain.

M. le président Frédéric Valletoux. Mesdames les ministres, je vous remercie.

La réunion s’achève à douze heures trente-cinq.


Présences en réunion

Présents.  M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Bartolomé Lenoir, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Jean-Philippe Nilor, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux

Excusés.  Mme Anchya Bamana, Mme Emilie Bonnivard, M. Olivier Falorni, M. François Gernigon, Mme Laure Lavalette, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Laurent Panifous

Assistaient également à la réunion.  Mme Stella Dupont, M. Olivier Fayssat, M. Denis Fégné