Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Audition, ouverte à la presse, de M. Stéphane Bouillon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, sur l’actualisation de la revue nationale stratégique 2022. 2
Mercredi
19 février 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 45
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
Président
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La séance est ouverte à quinze heures.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir M. Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. Lors de ses vœux aux armées, le 20 janvier dernier à Cesson-Sévigné, le président de la République vous a demandé de lui proposer d’ici le mois de mai une réactualisation de la revue nationale stratégique (RNS).
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la commande a-t-elle été passée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ? Quels sont les objectifs poursuivis par cette actualisation et le calendrier dans lequel elle s’inscrira ?
Vous avez par ailleurs initié une démarche inclusive, associant étroitement à vos travaux les militaires, les industriels, les think tanks, les parlementaires sénateurs que vous avez déjà vus, et nous-mêmes.
Sollicité par vos soins, notre Bureau de la commission de la défense a pris l’engagement de vous remettre d’ici le 2 avril les contributions des groupes politiques. Y sera également jointe ma contribution, en tant que président de la commission de la défense.
Vous avez donc aujourd’hui tout le loisir de nous préciser vos attentes. Je précise que vous avez accepté, à ma demande et une fois ces contributions rendues, qu’un représentant du SGDSN revienne devant notre bureau élargi pour discuter des avancées des travaux et des réflexions.
J’ai prévu encore diverses auditions devant notre commission pour nous aider dans nos travaux d’actualisation et éclairer tel ou tel aspect de la revue nationale stratégique que nous souhaiterions voir développer.
Nous vous remercions très vivement pour votre présence, d’autant plus que vous allez être conduit prochainement à quitter vos fonctions prochainement. Il s’agit donc probablement de votre dernière audition devant notre commission en tant que SGDSN.
M. Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. C’est en effet la dernière fois que je m’exprime devant vous en tant que secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. J’apprécie d’autant plus votre invitation que pendant ces quatre ans et demi au SGDSN, j’ai toujours tenu à rendre compte aux assemblées parlementaires, et notamment à leurs commissions en charge de la défense, des activités de l’administration que je dirige. Les directions et services du SGDSN rencontrent des parlementaires au moins deux fois par mois. De tels rendez-vous sont utiles, et même nécessaires, dans le champ de la défense et de la sécurité nationale, soumis aux bouleversements du monde depuis ces dernières années.
Lors de ses vœux aux armées le 20 janvier dernier, le Président de la République nous a confié le soin d’actualiser la revue stratégique nationale. Pourquoi le SGDSN ? Le SGDSN rassemble de nombreux experts dans le domaine : des diplomates, des militaires, des ingénieurs de l’armement, des préfets, qui couvrent l’ensemble du secteur de la défense et de la sécurité nationale. Ensuite, le SGDSN est un service du Premier ministre chargé, par le code de la défense, de la coordination interministérielle. Sur l’ensemble de ces sujets, y compris les conseils de défense et de sécurité nationale, le SGDSN réunit l’ensemble des ministères concernés afin que ceux-ci reçoivent de notre part commande et puissent fournir les éléments demandés. Enfin, cette maison travaille vite et bien.
Pourquoi sommes-nous conduits à effectuer cette révision aussi rapidement et dans de tels délais ?
Les désordres du monde s’accroissent de façon spectaculaire et nous imposent d’ajuster notre vision stratégique nationale. En matière de désordres croissants, les exemples sont nombreux, à commencer par le retour d’une forme d’impérialisme que l’on croyait révolu. Des guerres sont déclenchées, en Europe et ailleurs dans le monde, au mépris des traités et du droit international qui fut pendant quatre-vingts ans l’outil de règlement des conflits sur la planète. Mais il ne l’est plus : l’ONU n’a en effet pratiquement plus aucun rôle, entravée par les vetos de certaines grandes puissances au Conseil de sécurité, comme nous le constatons au sujet de l’Ukraine, du Proche-Orient, de l’Afrique ou de l’Asie.
La Chine est devenue une superpuissance active sur tous les continents, étendant son influence bien au-delà de ses frontières, non seulement par son réarmement conventionnel et nucléaire, mais aussi sur le plan économique et financier.
La nouvelle gouvernance des États-Unis est marquée par des bouleversements spectaculaires, certes annoncés pendant la campagne électorale, mais déstabilisants pour l’ordre ancien et pour ce qui nous concerne, l’avenir de l’Otan et la sécurité européenne. De fait, le deal tend désormais à remplacer la diplomatie.
La question de la place de l’Europe dans le processus de bipolarisation entre grands blocs se pose. Le prochain test concernera les garanties de sécurité qu’elle pourra apporter à l’Ukraine pour sortir de la guerre d’agression menée par la Russie. De ce test dépendra la sécurité européenne, face à la pression accrue de la Russie. Pressée à l’Est et risquant d’être dépourvue d’un soutien transatlantique pour la première fois depuis 1945, l’Europe doit s’inventer un avenir autonome.
La relation de la France avec certains États africains qui étaient ses alliés constitue un autre sujet s’étant imposé ces dernières années. Sans doute avons-nous mis trop de temps à évoluer, mais nos adversaires, russes en particulier, ont accéléré et exploité cette évolution et miné cette relation. La mission confiée à Jean-Marie Bockel de proposer à nos partenaires africains de nouvelles lignes de coopération équilibrée, concourt à une redéfinition.
Enfin, le terrorisme islamique gagne du terrain en Afrique, détruisant plusieurs États, décimant leurs populations ; il réapparaît aussi en Syrie, en Asie centrale, et il peut toujours tuer dans nos démocraties.
La conflictualité, à travers l’hybridité, dépasse désormais le seul usage de la force. Les cyberattaques contre nos administrations, nos services publics, nos entreprises, nos médias, la désinformation visant le cœur de nos sociétés, notamment lors des élections, se développent intensément. Ce sont des moyens d’affaiblir nos institutions démocratiques, en Europe et sur tous les continents. Ces menées hostiles proviennent d’États totalitaires agressifs, la Russie au premier chef, mais aussi d’autres, plus lointains, parfois des proxies de cette dernière, qui aspirent à nous déstabiliser, par exemple dans nos outre-mer. Ces éléments remettent singulièrement en perspective la façon dont il faut envisager notre approche des nouvelles technologies, comme le sommet pour l’action pour l’intelligence artificielle (IA) l’a démontré, il y a 10 jours.
Cela doit aussi nous conforter dans notre entreprise de régulation de l’espace européen des communications : il n’a pas vocation à servir de terrain de manœuvre à ceux qui veulent tous les droits et aucune régulation qui pourrait réduire leurs profits ni à ceux qui veulent s’ingérer dans la vie politique interne des États. Il s’agit donc pour nous de garantir la sincérité de l’information et des scrutins, et de garantir la liberté d’expression et d’opinion.
La compétition économique commence à ressembler à une guerre économique et l’Europe sort de sa naïveté avec lenteur. La prédation de nos entreprises, l’utilisation du droit extraterritorial à leur encontre, la sécurité de nos approvisionnements, la sécurité de nos communications via les câbles cheminant sur les fonds marins ou à terre, la conquête et le contrôle de l’espace exo-atmosphérique et le cyberespace constituent désormais des champs d’âpres confrontations. Si nous n’y veillons pas – États, Union européenne, collectivités locales, entreprises, et service financiers –, nous serons submergés et donc vaincus. Nous pourrions ainsi devenir le nouveau Venise du XXIe siècle. Il est vrai que nous prêtons largement le flanc à ces attaques du fait de règles du jeu que nous sommes désormais parmi les derniers à respecter alors qu’elles ne protègent plus, voire entravent notre sécurité.
Enfin je ne saurais oublier le changement climatique, qui bouleverse la géostratégie et l’économie du monde entier. Là encore, l’accélération ces dernières années est considérable, et nous commençons à peine à en mesurer les conséquences, surtout si les accords de Paris sont négligés. Le temps qui passe joue contre nous et cela s’accélère.
C’est pourquoi il était nécessaire de remettre à jour la revue nationale stratégique, qui n’est pourtant pas si ancienne, et ce, rapidement, en ces temps où les conférences et rencontres internationales se multiplient (G7, G20, sommets européens). Il est donc vraiment indispensable de procéder maintenant à un point sur l’état de la menace, de revisiter nos orientations stratégiques, et d’en tirer des objectifs stratégiques. Nous avons besoin de pouvoir aller vite, raison pour laquelle il nous a été demandé de rendre notre copie au début du mois de mai, afin que celle-ci soit à la fois utile et utilisable.
Cette revue nationale stratégique à actualiser contiendra un panorama de l’état de la menace, que je viens de résumer.
Les défis à relever, nos ambitions pour les années à venir demeurent essentiellement les mêmes, mais ils doivent être adaptés.
D’abord, la protection de la France, métropolitaine et d’outre-mer, par la dissuasion nucléaire reste le cœur de notre sécurité, mais la guerre en Ukraine montre que nos armées doivent aussi se préparer à la défense sol-air, au développement des drones, à l’irruption de l’intelligence artificielle sur les champs de bataille.
Ensuite, notre contribution à la défense de l’Europe et à la stabilité aux abords de la Méditerranée a pris une tout autre ampleur du fait de la guerre en Ukraine, et des nouvelles relations que nous allons entretenir avec les États-Unis. Nos partenariats équilibrés allant de l’Afrique subsaharienne jusqu’au golfe arabo-persique sont eux en cours de profonde révision, dans tous les domaines et non plus seulement sous l’angle militaire. Il sera particulièrement intéressant de recueillir vos observations et vos propositions dans ce domaine.
La zone Indo-Pacifique est devenue, plus encore qu’en 2022, un échiquier. Nous devons veiller à sa stabilité, à son équilibre entre les rivalités des grandes puissances. Lorsque j’ai eu le plaisir de visiter les pays du Golfe – Bahrein, les Émirats arabes unis –, Singapour ou l’Inde, j’ai pu observer leurs attentes à l’égard d’États qui n’appartiennent ni au cercle américain ni au cercle chinois, des États capables de porter une forme de troisième voie ou, à tout le moins, avec lesquels ils puissent discuter, négocier et passer des accords sans avoir l’impression de devenir des féaux.
Enfin les espaces communs – cyberespace, espace, fonds marins et espace aéro-maritime – figurent de plus en plus au cœur des compétitions. L’ouverture de la route arctique au Grand Nord nous oblige à prendre en compte les conséquences induites en termes de communication, de protection de la nature, des échanges et de géostratégie
En conséquence, nous allons devoir modifier le contenu des dix objectifs stratégiques qui figurent dans l’actuelle RNS. Je pense notamment au deuxième objectif stratégique, qui traite de l’unité nationale – à l’instar du réarmement moral que le chef de l’État évoquait dans son discours à Rennes – et de la résilience de notre société. Votre commission a longuement travaillé avec nous sur cette résilience. Vous examinerez au printemps un projet de loi de transposition de trois directives européennes, dont une sur la résilience des entités critiques et celle sur la cybersécurité. Nous aurons besoin de vos idées.
L’objectif stratégique n° 3 concerne l’économie concourant à l’esprit de défense. Faut-il l’élargir à une économie en guerre ? J’ai tendance à le penser. Les objectifs stratégiques n° 4 et n° 9 traitent de la lutte dans les champs hybrides. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) ont considérablement élargi leur activité face à la montée de ces attaques, notamment à l’occasion les Jeux olympiques et paralympiques. Des leçons doivent être tirées dans ce domaine. Une stratégie de lutte contre les manipulations de l’information, en préparation, nourrira cet objectif. L’information du public, son éducation grâce au monde académique et aux médias, doivent être organisées. De fait, une crise ne peut se résoudre qu’en compagnie de la population. Durant la crise de la Covid, nous avons véritablement pu faire face quand le triptyque préfet-maire-président du conseil départemental a véritablement fonctionné.
S’agissant des objectifs stratégique n° 5 et n° 6, notre rôle d’allié exemplaire dans l’espace euro-atlantique et notre rôle en tant qu’un des moteurs de l’autonomie stratégique européenne sont, ces jours-ci, en cours de réécriture. Nous devons plus que jamais être un partenaire de souveraineté fiable et pourvoyeur de sécurité crédible.
Ces objectifs restent pertinents, mais des éléments doivent être remis à jour, revus, complétés, voire modifiés. Encore une fois, dans ce domaine, la représentation parlementaire sera essentielle pour mener à bien ce travail, grâce à sa réflexion, son travail législatif, sa connaissance et son ancrage territorial. En la matière, l’expérience des crises récentes le démontre : nous ne ferons rien sans la mobilisation et l’aide des élus.
Monsieur le Président, j’en viens maintenant au sujet de la méthode. Le Président de la République a annoncé qu’il souhaitait une révision de la stratégie nationale au mois de janvier, lors de ses vœux. Il nous a demandé de travailler vite, afin de pouvoir lui présenter un résultat au mois de mai. En 2022, l’exercice avait eu lieu avant la loi de programmation militaire (LPM) : la RNS constituait le document devant permettre aux uns et aux autres de cerner les enjeux qui sous-tendaient la préparation et la soumission à votre Assemblée de cette LPM.
En 2025, nous sommes plutôt dans un exercice « collimateur tête haute » comme l’ont écrit les aviateurs qui sont à mes côtés aujourd’hui. Nous regardons l’horizon sans regarder pour l’instant la commande de tir. La révision de la RNS n’est pas le prélude à une déclinaison physico financière du sujet par le ministère des armées. Nous mènerons un travail plus global et de plus longue vision.
L’idée consiste donc à ce que nous puissions réfléchir et avancer sur tous ces sujets, en récupérant les différentes contributions à partir de la mi-mars, où nous effectuerons la synthèse de toutes les productions. Cette phase de lissage durera un mois, durant lequel nous dialoguerons avec les contributeurs pour ajuster le document, afin de pouvoir soumettre le projet à nos plus hautes autorités à la fin du mois d’avril. Le SGDSN demeurera à votre disposition, afin que ce travail d’échange soit le plus constructif possible. Ce travail de réflexion, de co-construction et de cohésion nationale est absolument nécessaire, non seulement pour nous, agents de l’État, mais aussi face à nos partenaires et nos adversaires, afin de disposer d’une vision précise de ce que nous voulons et ne voulons pas, dans cette période de bouleversements et de risques qui s’ouvre devant nous.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède à présent la parole aux orateurs de groupe.
M. Laurent Jacobelli (RN). Au nom du groupe Rassemblement National, je vous remercie pour votre présence et pour les éléments très éclairants que vous nous avez fournis.
Depuis l’Antiquité, la guerre a toujours reposé sur deux piliers, l’arme et l’humain. Grâce au général de Gaulle, la France fait partie du cercle très restreint des puissances nucléaires. Elle possède une dissuasion nationale que nous avons toujours défendue pendant qu’Emmanuel Macron – qui voulait autrefois la supprimer en compagnie de M. Attali – rêve aujourd’hui de la partager avec l’Union européenne. Plutôt que de vouloir nous déposséder de notre atout le plus stratégique pour le mettre entre les mains de technocrates bruxellois, nos dirigeants feraient mieux de se tourner vers l’avenir et d’affronter les révolutions technologiques qui redéfinissent les contours de la guerre, et avec elles les rapports de force.
Parmi elles figure l’hypervélocité. Dans un monde où la vitesse d’exécution peut faire la différence entre victoire et défaite, l’hypervélocité apparaît plus que jamais comme une des clés de la supériorité stratégique. Ces armes, capables de franchir le mur du son échappent aux radars classiques et rendent toute interception quasiment impossible. Elles remettent en question notre modèle de dissuasion. La Chine, les États-Unis et peut-être la Russie en ont déjà la maîtrise. De notre côté, le test du planeur V-MAX représente une réussite que nous saluons, mais il interroge sur le fait de savoir si nous sommes bien en moyen de rivaliser avec les autres grandes puissances. Selon vous, comment l’actualisation de la revue nationale stratégique doit-elle prendre en compte cette avancée technologique ?
Mais une guerre ne se remporte pas seulement grâce à la technologie. Elle se gagne aussi avec les femmes et les hommes qui composent nos armées et la nation. Emmanuel Macron parle de mobiliser la jeunesse. Mais comment y parvenir ? Certainement pas avec un service national universel bien trop onéreux et qui ne sert à rien. Regardons la réalité en face, l’autorité de l’État recule partout, l’unité nationale se délite, notamment chez une partie de la jeunesse qui sombre parfois dans la délinquance ou le communautarisme, faute de repères, de valeurs et d’attachement à notre histoire. Quelles devraient être les mesures de cette RNS permettant de renforcer l’attractivité de l’armée et de recréer un véritable lien entre la jeunesse, la nation et l’esprit de défense ?
M. Stéphane Bouillon. Depuis le général de Gaulle, le discours des plus hautes autorités successives précise que la dissuasion nucléaire protège la France, et que les intérêts européens sont à prendre en compte dans ce but. Aucun chef d’État n’a jamais pris aucun engagement permettant de partager cette dissuasion nucléaire avec qui que ce soit. Et la doctrine nationale n’a pas changé depuis le général de Gaulle.
Nous veillons scrupuleusement à ce que cette dissuasion puisse être efficace aussi à travers ses équipements. Je ne peux pas vous en dire plus dans la mesure où ces questions relèvent de la classification « Très secret », mais nous y travaillons, notamment sur les sujets d’hypervélocité. Je laisserai le ministre des armées ou le directeur général de l’armement évoquer ces questions avec vous.
Ensuite, vous m’avez interrogé sur le renforcement de l’attractivité de l’armée et les liens armée-nation.
La LPM consacre un chapitre aux effectifs, leur prise en charge, la rémunération et le suivi.
Un second aspect est tout aussi important ; il concerne la formation et les actions mises en œuvre pour attirer des jeunes désireux de servir leur pays. Je sais que les responsables militaires sont très engagés et très mobilisés sur cet aspect.
Le troisième élément porte sur les réserves. Pendant la crise de la Covid, j’avais été frappé par le nombre de jeunes – ou de moins jeunes – qui s’étaient mis à disposition de leurs collectivités locales pour jouer un rôle de soutien aux maires ou aux présidents de conseil départemental. De même, lorsque j’étais préfet dans le Sud, lors des inondations ou des feux de forêt, j’ai pu observer le rôle des comités communaux, qui se plaçaient sous les ordres du maire pour préparer la commune, venir en aide aux personnes âgées, s’assurer que les lances à incendie étaient bien en place, que les bâtiments d’accueil étaient bien ouverts.
Il faudrait pouvoir étendre ce dispositif beaucoup plus largement à l’ensemble des crises que nous pouvons connaître. Je pense aux réservistes des armées, mais également aux entreprises privées, qui pourraient fournir un soutien logistique à travers des moyens de transport, à la grande distribution qui pourrait compléter l’approvisionnement des militaires, aux hôpitaux capables de prendre en charge les victimes de guerre. Plus largement chacun de nos concitoyens dispose de savoir-faire particuliers ; ils pourraient être sollicités, en tant que volontaires, pour apporter leur concours dans telle ou telle situation. Des réserves existent au sein des ministères, mais ceux-ci travaillent trop souvent en silos. Nous souhaitons travailler sur ces sujets relatifs au lien armée-nation et nous aurons évidemment besoin de votre appui dans ce domaine.
Général de corps aérien Cédric Gaudillière, secrétaire général adjoint de la défense et de la sécurité nationale. Permettez-moi d’ajouter un bref complément sur l’hypervélocité. Notre prochaine panoplie de dissuasion nucléaire comportera le missile ASN4G (air-Sol nucléaire de quatrième génération), un missile hypervéloce, d’ici dix ans. La France n’est pas déclassée, la direction générale de l’armement (DGA) et nos industriels y travaillent. Par ailleurs, nous disposons de missiles balistiques pour la composante océanique, des missiles hypersoniques dont la vitesse est bien supérieure à Mach 5. Nous devons également retravailler la manière dont l’hypervélocité vient irriguer le domaine conventionnel, probablement dans le cadre de l’actualisation de la RNS.
Ensuite, dans le cadre de l’objectif stratégique n° 2 de cette RNS, il faudra également nous pencher sur ces scénarios où les réserves civiles, militaires, de sécurité et défense travailleraient de manière intégrée au profit de l’engagement du ministère des armées. Dans d’autres scénarios de crise, le ministère des armées sera très contributeur, au service de la société civile.
M. Yannick Chenevard (EPR). Depuis 2022, les équilibres mondiaux continuent de se modifier, les empires sont de retour. La Chine et la Russie foulent littéralement le droit international et les États-Unis jouent en réalité une partition en solitaire, loin de l’orchestre traditionnel. En tirant les enseignements du Covid, un certain nombre d’actions ont déjà été menées, à l’image de la réactivation du dispositif de flotte stratégique, qui est en cours. Nous escortons d’ailleurs un certain nombre de navires de commerce en mer Rouge pour assurer nos approvisionnements. Sur le plan intérieur, je tiens à saluer l’ensemble des services qui ont réalisé un travail remarquable avant, pendant et après les Jeux olympiques.
Vous avez par ailleurs mentionné la notion de résilience. Vingt ans après la loi de modernisation de la sécurité civile, n’avons-nous pas intérêt à utiliser le deuxième pilier de la sécurité civile, qui concerne les bénévoles ? Il s’agit d’environ 250 000 personnes, organisées, hiérarchisées, entraînées et équipées.
Ensuite, nous avons tendance aujourd’hui à regarder l’Ukraine et à négliger le reste de la planète. Dans le cadre de l’actualisation de la RNS, il me semble intéressant de nous interroger sur la bascule économique de la planète en direction de l’Indo-Pacifique, qui concentrera à terme 60 % du commerce mondial, et à ce titre sur la place de la France, qui dispose d’une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de kilomètres carrés et celle de l’Europe, qui en totalise 22 millions.
M. Stéphane Bouillon. Nous devons effectivement utiliser les 250 000 bénévoles de sécurité civile, mais à certains égards, nous le faisons déjà. Les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires sont également très impliqués. Notre pays est réputé très individualiste, mais je constate avec satisfaction que 500 000 personnes se présentent aux élections municipales, désireux de prendre leurs responsabilités au sein de leurs communes ; sans compter les bénévoles du milieu associatif.
Ensuite, la France dispose effectivement d’une ZEE extrêmement vaste dans le Pacifique. Dans l’océan Indien, face à la piraterie, nous assumons des responsabilités de police de la mer et de protection du commerce maritime extrêmement importantes entre Djibouti, La Réunion et Mayotte. Nous disposons en outre d’une base à Abou Dhabi, qui nous permet de compléter l’ensemble du dispositif. Nous sommes entendus par nos interlocuteurs, qui nous considèrent comme une puissance présente sur l’océan Indien.
Cette présence est plus compliquée à mesure que l’on se rapproche de la partie asiatique, face à la politique de la « ligne des neuf traits » de la Chine. Lorsque le groupe aéronaval articulé autour du porte-avions Charles-de-Gaulle a navigué dans le détroit de Taïwan, entre Chine et Taïwan, la Chine n’a pas forcément apprécié, mais nous n’avons fait qu’appliquer et respecter le droit international.
Enfin, en termes d’activité économique, les ZEE sont naturellement concernées par la pêche, mais également les nodules polymétalliques. Notre souveraineté permet ainsi de protéger les fonds marins en nous assurant que ces nodules polymétalliques ne fassent pas l’objet d’une exploitation, qui entraînerait des bouleversements sur la nature que personne n’est aujourd’hui capable d’imaginer.
M. Christophe Bex (LFI-NFP). Monsieur le secrétaire général, vous intervenez aujourd’hui sur le thème de l’Europe de la défense, à un moment extrêmement crucial pour notre continent et la sécurité de notre pays. Ce matin, la commission a auditionné M. Arnaud Danjean, ancien député européen et ancien président du comité de rédaction de la revue stratégique en 2017. À cette occasion, il a fait part de son scepticisme sur l’actualisation de la RNS, qui ne permettra pas de réaliser les arbitrages nécessaires. Les délais de remise de cette actualisation sont très serrés, alors que nous vivons une période où les leçons tirées aujourd’hui seront peut-être caduques dans quelques semaines.
Rejoignez-vous la position de M. Danjean et celle que nous défendons depuis plusieurs années maintenant, qui consiste à prôner la réalisation d’un véritable Livre blanc permettant un débat public et associant pleinement la représentation nationale, afin de garantir toute légitimité nécessaire dans un contexte instable ? Par exemple, aucun bilan des interventions en Afrique n’a été réalisé. Comment ne pas remettre en cause la politique française au Sahel à la lumière de ses échecs patents lors des dernières années et de la fermeture de la majeure partie de nos bases ? Il faudrait rédiger un nouveau Livre blanc sur le modèle d’emploi de nos forces, au regard de l’inadaptation de notre loi de programmation militaire et de la trajectoire à la hausse du budget de la défense. Des ajustements apparaissent nécessaires dans le cadre de l’évolution des menaces et des engagements internationaux.
M. Stéphane Bouillon. Si nous devions produire un Livre blanc, celui-ci ne pourrait être rendu qu’à l’automne, soit un horizon trop lointain. De fait, un Livre blanc constitue un exercice intéressant, mais qui ne répond pas à l’urgence de la situation, donc de la commande. Dans l’actualisation, nous travaillons sur les objectifs qui avaient été fixés il y a deux ans pour évaluer s’ils demeurent valides ou non, compte tenu de la situation internationale et géopolitique, et imaginer la manière dont ils doivent être orientés.
Le renforcement militaire est d’actualité, et les positions évoluent, y compris au niveau européen. Mme von der Leyen envisage même désormais d’extraire les dépenses de défense du fameux seuil de 3 % des déficits publics. Cette évolution serait d’autant plus positive que la Banque européenne d’investissement (BEI) soutiendrait l’industrie de défense de manière volontariste.
Pour en revenir à votre question, un Livre blanc et une RNS poursuivent des objectifs différents. Un tel Livre blanc sera utile pour tirer les conséquences de la guerre en Ukraine ou au Proche-Orient lorsqu’elles seront terminées, en espérant que nous connaissions une période de stabilité dans les relations internationales, même si je redoute que cela ne soit pas le cas. L’actualisation de la RNS vise à évaluer si les orientations que nous avions prises demeurent valides et, le cas échéant, les amender rapidement. Il s’agit de pouvoir disposer d’une réflexion aboutie, avec des objectifs débattus avec vous – la représentation nationale est au cœur de l’exercice –, une partie des think tanks, de la presse. Pour les futures rencontres et conférences internationales qui s’ouvriront, nous devons pouvoir disposer d’un discours, d’une orientation, d’objectifs et de lignes rouges, que vous aurez fixés.
Général de corps aérien Cédric Gaudillière. Dans l’ancienne RNS figuraient également des éléments très pertinents, mais qui n’avaient pas été forcément été déployés. Notre travail consistera également à opérationnaliser certaines de ses recommandations, à concrétiser certaines intentions stratégiques. Il convient de le faire rapidement, tant il est vrai que le contexte sera certainement différent, dans trois mois.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour ces précisions, qui font écho aux débats internes de notre Bureau.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Dans le cadre de la révision de la RNS, je souhaite mentionner deux éléments qui me paraissent intimement imbriqués et intéressants pour nous projeter dans l’avenir, c’est-à-dire l’objet de cette RNS. Le premier concerne l’effort budgétaire auquel nous devons consentir. Il doit être possible techniquement de porter l’exclusion des dépenses militaires au-delà de 3 % du PIB du pacte de stabilité de croissance européenne. Il s’agit d’un enjeu crucial, qui semble aujourd’hui pouvoir faire l’objet d’un consensus au niveau européen.
Cet enjeu ne relève pas directement du SGDSN, mais il fait écho à un second enjeu, ne portant pas sur une acceptabilité technique budgétaire, mais sur une acceptabilité politique. Le lien nation-armée, qu’il est indispensable de renforcer, doit aujourd’hui être questionné. En Pologne, le consensus politique consolide ce lien ; dans les pays scandinaves, des manuels ont été adressés à la population. Ce matin, le secrétaire permanent finlandais à la défense nous expliquait que 78 % de la population de son pays étaient prêts à se défendre en cas d’agression russe.
Nous ne partageons pas la même histoire ni la même proximité géographique avec ces pays, mais le temps présent demande aussi de questionner – sans faire référence à l’article 35 de notre constitution – le domaine réservé dont dispose le président de la République, afin qu’il ne soit plus aussi réservé que préalablement. Tel est le vœu formé par le général Lecointre, ancien chef d’état-major des armées, et le sens de la demande que nous avons formulée dans une tribune signée par dix-huit parlementaires socialistes du Sénat et de l’Assemblée, demandant une association plus étroite du Parlement à la définition de la RNS. Que pensez-vous d’une association plus forte du Parlement à la définition de la RNS, au-delà de quelques auditions ?
M. Stéphane Bouillon. Je partage totalement votre point de vue sur le caractère indispensable des contributions du Parlement à cet exercice. Vous avez évoqué l’effort budgétaire et la nécessité de revoir les dispositifs de financement pour les questions d’armement. À ce titre, je suis preneur des idées et des orientations que vous pourriez introduire et qui pourraient ensuite être reprises lors de la révision de la LPM.
La question du domaine réservé est relativement hypothétique. Demain, le président de la République rencontrera dans le format « Saint-Denis » les différents groupes politiques du Parlement pour expliquer la situation. Je ne doute pas que le Gouvernement en fera de même dans les prochains temps. La force de la France réside certes dans la capacité que donne la Constitution au Chef de l’Etat de décider vite, mais aussi dans un discours qui est pesé, mûri, enrichi et amendé avec l’ensemble de sa représentation nationale.
Ensuite, je ne suis pas inquiet quant à la capacité des Français de se mobiliser face à une agression. J’ai adressé hier soir un projet de guide de préparation des citoyens à la crise aux directeurs de cabinet des différents ministres, en leur demandant de me fournir leurs observations. L’objectif consiste bien à pouvoir diffuser ce petit document largement inspiré des bonnes pratiques des Suédois, des Suisses, des Allemands et de quelques autres. Ce document vous sera également transmis, afin que vous puissiez de même nous faire part de vos observations.
En conclusion, soyez assurés que ce travail d’actualisation de la RNS est très ouvert et que nous sommes preneurs de tous éléments de votre part.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). À l’heure où vous vous apprêtez à quitter votre poste, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez accompli dans vos fonctions, et à travers vous, vos équipes. Dans un monde où la défense est globale, le SGDSN constitue un outil absolument essentiel.
Nous connaissons une situation particulièrement mouvante et incertaine sur le flanc Est de l’Europe. Les tensions au sein de l’Otan conduisent à envisager trois hypothèses : un retrait des États-Unis, une balance des forces qui réduit de manière importante la place des forces américaines ou un quasi-statu quo, avec les mêmes questions sur l’issue de la guerre en Ukraine.
Ensuite, prenons garde de nous focaliser uniquement sur l’Ukraine et d’oublier les autres menaces dans les autres aires géopolitiques ou par exemple celles qui pèsent sur la liberté du trafic maritime. À ce titre, dans l’Europe de la défense, la France ne doit-elle pas adopter une forme de spécialisation ? En effet, nous sommes une puissance maritime, ce qui nous différencie d’un certain nombre de pays européens.
Enfin, si la dissuasion nucléaire suscite l’unanimité ou une quasi-unanimité chez nous, il me semble aujourd’hui nécessaire d’ouvrir une réflexion sur les armes de niveau opératif conventionnel. Dans la zone 350-1 500 kilomètres, la situation est celle d’un épaulement d’un pays par l’autre.
M. Stéphane Bouillon. Je vous remercie pour votre hommage au SGDSN. C’est un honneur et un privilège de diriger une maison aussi diverse, travailleuse et imaginative. Notre pays dispose d’un superbe outil que j’ai été très fier de pouvoir diriger pendant ces quelques années.
Les tensions sur le flanc Est de l’Europe font partie des bouleversements du monde que je mentionnais dans mon propos liminaire. Il convient donc d’essayer d’anticiper les différents scénarios. Tel est l’objectif des rencontres que le président de la République a organisées cette semaine, pour consulter l’ensemble des Vingt-Sept sur leurs positions respectives. Les objectifs premiers portent sur les garanties de souveraineté de l’Ukraine, sa participation aux accords de paix, et plus largement, la participation des Européens aux accords portant sur la sécurité du continent.
S’agissant des moyens, il est exact que la situation peut changer de jour en jour, mais si nous établissons ce que nous voulons et ne voulons pas, nous aurons déjà contribué à poser le débat et à fixer pour certains, qui peuvent être plus hésitants, un pôle de stabilité ou, à tout le moins un cadre auquel ils pourront se rattacher s’ils le souhaitent. De plus, vis-à-vis de nos interlocuteurs américains et russes, il importe que la France, une des cinq puissances officiellement dotées de l’arme nucléaire, puisse poser ses principes et ses règles sur ce sujet.
Vous avez raison par ailleurs de souligner que l’Ukraine n’est malheureusement qu’un des multiples théâtres de conflits qui agitent le monde aujourd’hui et occasionnent des dizaines de milliers de victimes. Vous soulignez également à juste titre l’importance des enjeux maritimes, qu’il s’agisse de la liberté de navigation ou des câbles sous-marins. La plupart de ces derniers passent en effet par le canal de Suez et la mer Rouge et ils pourraient faire l’objet d’attaques qui contribueraient à isoler les États-Unis et l’Europe de l’Asie. Parmi les menaces hybrides qui pèsent sur nous, figure ainsi la possibilité d’interrompre internet, par les câbles sous-marins ou par satellite.
Ce sujet doit faire partie de notre travail, mais nous y œuvrons d’ores et déjà. En fin d’année dernière, l’Agence des participations de l’État a ainsi pris une participation de 80 % dans Alcatel Submarine Network, une entreprise installée en France, qui produit des câbles, les pose et les entretient. Seules trois autres entreprises dans le monde effectuent de telles prestations, ces trois autres étant chinoise, américaine et japonaise. Cette entreprise dégage peu de marges, mais demeure essentielle pour garantir notre souveraineté et nos intérêts nationaux.
Général de corps aérien Cédric Gaudillière. Il convient effectivement, dans le cadre de l’actualisation, de poursuivre la réflexion sur les armes opératives d’une portée de 500 kilomètres à 2 000 kilomètres, qui sont envisagées par de nombreux pays. La DGA et les armées travaillent activement sur ce sujet, en compagnie des industriels.
Mme Delphine Batho (EcoS). Alors que vous vous apprêtez à quitter vos fonctions, permettez-nous de saluer votre engagement au service d’une certaine idée de la France.
Ensuite, une révision de la revue nationale stratégique ne remplace pas un débat démocratique indispensable sur la gravité des événements en cours, qui s’orientent vers une sorte de Yalta sur le dos de l’Ukraine, mais aussi de l’Europe. Nous quittons une période historique pour entrer dans une autre, que nous avons vue se structurer de loin, avec une forme de pacte entre autocrates et, en toile de fond, la surchauffe écologique. Nous assistons à la montée paroxystique des logiques prédatrices, dans le cadre d’un « capitalisme de la finitude » diagnostiqué par l’économiste et l’historien Arnaud Orain. Nous avons demandé l’ouverture d’un débat dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution sur les événements en cours et les options de la France. Montrer notre unité me semble nécessaire, y compris en termes de signalement stratégique.
S’agissant de la RNS, en simplifiant, nous pouvons nous accorder sur l’idée que le réarmement n’est pas une stratégie, mais une nécessité. Mais au-delà de la dissuasion, nous manquons aujourd’hui d’une stratégie qui résiste à l’épreuve des événements. Vous avez souligné qu’il fallait réécrire les objectifs stratégiques n° 5 et n° 6, qui concernent l’autonomie stratégique de l’Union européenne et de l’Otan. De quelle manière l’exercice de révision de la RNS s’articulera-t-il avec le Livre blanc de l’Union européenne, qui doit être publié en mars ?
Un autre point majeur concerne l’objectif stratégique n° 2 de la RNS de 2022, « Une France unie et résiliente ». Ainsi, nous pensons qu’il faut réviser prioritairement la capacité du pays à se défendre en profondeur, durablement ; à être résilient quelle que soit la menace. La question porte ici sur notre capacité de défense totale, à laquelle le service national universel (SNU) ne peut répondre.
Enfin, il nous apparaît nécessaire d’intégrer les enjeux écologiques et énergétiques en tant que question de défense à part entière, en particulier sur l’énergie. Nous ne pouvons pas nous défendre si nous dépendons du gaz de Poutine ou du gaz de schiste de Donald Trump.
M. Stéphane Bouillon. N’étant pas membre du Gouvernement, il ne me revient pas de vous répondre sur la mise en œuvre de l’article 50-1 de la Constitution, mais je pense que des éléments vous seront rapidement fournis. Le Président de la République considère qu’il est essentiel d’associer le Parlement aux discussions qui peuvent avoir lieu aujourd’hui entre les diplomates, les chefs d’État et les responsables militaires. Face aux tentatives de désinformation exercées par nos adversaires pour déstabiliser notre population et semer les germes de la division, nous devons maintenir et renforcer notre cohésion, qu’elle soit nationale ou européenne.
Les objectifs n° 5 et n° 6 de la revue nationale stratégique sont régulièrement évoqués avec Mme von der Leyen. Je discutais encore la semaine dernière avec les commissaires européens concernés à Bruxelles et je sens que la Commission a conscience de la nécessité de revoir sa conception du marché. Nous ne pouvons pas être un marché totalement ouvert pour ceux qui procèdent par dumping, en exploitant leur main-d’œuvre pour réduire les coûts, sans aucune considération pour la protection de la nature.
Par ailleurs, la réflexion sur l’autonomie stratégique européenne mûrit, en dépit des divergences notables entre dirigeants européens. La France doit cerner ce qu’elle veut et souhaite proposer dans ce domaine. L’autonomie stratégique européenne, sans remettre en cause l’Otan, doit nous conférer une certaine force et permettre d’être pris au sérieux. Il nous faut bâtir ensemble, non seulement sur le plan militaire, mais aussi économique et financier. La force première de l’Europe réside dans son marché unique – dont il faut sans doute modifier certaines règles – qu’il nous faut utiliser pour faire de cette puissance économique une arme. À titre d’exemple, il est important d’harmoniser nos productions de matériel militaire. Il existe pléthore de modèles de char en Europe quand les Américains et les Russes n’en ont que quelques-uns.
Ensuite, s’agissant de l’objectif stratégique n° 2, la mobilisation des citoyens au profit du bien collectif et de la nation nous concerne tous, dès l’âge de 15 ans.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Monsieur le secrétaire général, je me joins à tous les remerciements de mes collègues pour le travail que vous avez effectué, en compagnie de vos équipes.
Cette RNS doit évoluer pour pouvoir s’adapter aux évolutions du monde. À ce titre, de quelle manière la révision prendra-t-elle en compte l’apport, positif ou négatif, de l’intelligence artificielle ? Nos sociétés européennes subissent ainsi de multiples attaques informationnelles répétées, voire permanentes, de la part des « ingénieurs du chaos ». Il ne suffit pas d’être résilients, nous devons également transmettre des messages. Face à la désinformation qui charrie des messages négatifs et agressifs, comment pouvons-nous faire passer des informations positives, de manière offensive ?
Enfin, vous avez évoqué la résilience de notre société française. Je suis personnellement très attachée aux réserves, à la protection et la participation de la société. Le SNU n’est certes pas l’alpha et l’oméga, mais il demeure un bon dispositif pour faire comprendre à la jeunesse le rôle de la nation et la place de l’engagement.
M. Stéphane Bouillon. Vous avez raison de souligner le rôle de l’IA, technologie qui était mentionnée à seulement deux reprises dans le document il y a deux ans et qui n’avait pas fait l’objet de longs développements. Désormais, l’IA est au cœur de nos vies et produit une accélération que nous devons être en mesure d’intégrer. Des dispositifs institutionnels ont à ce titre été mis en place, notamment l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle (Inesia), que nous animons avec la direction générale des entreprises (DGE). Il associe le pôle d’expertise de la régulation numérique (Peren) du ministère de l’économie et des finances, le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et l’Anssi, afin de réfléchir aux investissements et à la sécurisation nécessaires pour les usages de l’IA.
L’Anssi intègre dans ses travaux l’usage de l’IA et commence à s’en servir à la fois pour détecter les attaques et pour les contrer. Viginum en fait de même pour analyser justement la désinformation produite à partir de l’IA. Les armées ont lancé également de nombreux projets dans ce domaine, notamment à travers l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense (Amiad).
Je profite de votre question pour revenir sur les sujets enjeux énergétiques et écologiques mentionnés par Mme Batho, qui connaissent également une accélération considérable depuis quelques années. La dégradation écologique de notre monde constitue un sujet de préoccupation majeur, notamment en raison des conséquences pour l’équilibre géopolitique, la sérénité et la stabilité de nos sociétés et la vie des êtres humains.
Au niveau national, le secrétariat du conseil de politique nucléaire a été placé au SGDSN depuis le 1er janvier 2024, car notre structure interministérielle permet d’examiner l’ensemble des enjeux concernés pour réfléchir au futur. Le haut-commissaire à l’énergie atomique y travaille et a produit un rapport sur ce sujet, qu’il sera amené à vous présenter. Il a également travaillé sur un appel d’offres relatif aux start-up concernant le dispositif énergétique du futur.
La transmission de messages positifs et non uniquement défensifs représente par ailleurs un autre enjeu majeur. Viginum a d’ailleurs été créé pour lutter contre les tentatives de désinformation. Chaque citoyen doit être en mesure de pouvoir s’interroger sur ce qu’il lit, entend ou regarde et décider en toute connaissance de cause. Cette remise en question est malheureusement moins fréquente lors de la consultation des réseaux sociaux. Viginum contribue à cette « hygiène mentale » pour permettre à nos concitoyens d’adopter les bons réflexes face aux messages qu’ils reçoivent ou consultent.
Général de corps aérien Cédric Gaudillière. L’IA fera certainement l’objet d’une rapide réglementation de la part de la France et de l’Europe. Mais elle représente également de nombreuses possibilités nouvelles, sur lesquelles nous travaillons. L’Amiad est désormais opérationnelle et témoigne de la volonté du ministre des armées d’investir fortement dans l’IA, notamment au service des systèmes d’armes.
S’agissant de la lutte contre les manipulations de l’information, nous devons sortir d’une forme de naïveté propre aux démocraties : il est important de défendre nos valeurs, mais également nos intérêts, comme savent le faire les Américains, assez froidement. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, mais de mener des véritables débats et d’être assez réalistes. Si tel n’est pas le cas, nous risquons de perdre le fil de ces futurs systèmes d’armes augmentés par l’IA, qui présenteront des avantages majeurs. Aujourd’hui, les Russes utilisent ces armes dans le conflit ukrainien. Nous ne devrons pas les employer exactement de la même manière, mais nous ne devons pas passer à côté de cette révolution.
Mme Lise Magnier (HOR). Monsieur le secrétaire général, je vous adresse à mon tour mes chaleureux remerciements.
À la lumière de l’accumulation des menaces, de l’évolution de nos relations avec l’allié américain et de la nécessité de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, il est particulièrement pertinent d’actualiser notre RNS. Nous étions certes déjà conscients des enjeux de la défense européenne après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais nous étions à la veille d’une profonde transformation de notre dispositif militaire au Sahel. Aujourd’hui, nous connaissons désormais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et ses implications pour l’Alliance atlantique.
Surtout, la RNS de 2022 est intervenue avant la promulgation de la LPM et de son rapport annexé. En l’espace d’un an, le débat parlementaire sur ce rapport annexé a acté certains changements vis-à-vis de la RNS. Je prends pour exemple la notion de « puissance d’équilibres », centrale dans le document publié en 2022, mais qui n’a pas été retenue dans la LPM. Si ces documents poursuivent naturellement des objectifs différents, l’un répondant au contexte géostratégique de la France et l’autre portant sur le format de nos armées, notre crédibilité en matière de défense bénéficierait d’une mise en cohérence entre la loi et la stratégie. Comment pouvons-nous nous assurer d’une cohérence continue entre nos textes et nos outils ?
M. Stéphane Bouillon. Il est effectivement difficile d’articuler la LPM et la RNS. La révision de la LPM se nourrira, le moment venu de l’évolution de la RNS ; nous devons en permanence confronter objectifs et réalité.Je ne sais pas si je proposerai de reprendre la notion de « puissance d’équilibres », ne serait-ce que parce que ces équilibres sont bouleversés aujourd’hui. Je suis, ici aussi, preneur de vos réflexions sur le sujet. Des évolutions devront probablement introduites dans la prochaine LPM – même si cela dépasse mon champ de compétence – en prenant en compte le contexte budgétaire que vous connaissez tous. Il vous reviendra de procéder aux arbitrages nécessaires et nous espérons que cette RNS actualisée vous permettra d’affiner votre réflexion.
Général de corps aérien Cédric Gaudillière. À la différence de 2022, la revue actualisée ne sera pas suivie immédiatement par une LPM. Nous avons donc l’occasion de réfléchir à une véritable stratégie sans être happés par des débats capacitaires complexes et frictionnels. Il n’en demeure pas moins que l’actualisation de la LPM en 2026 ou en 2027 devra prendre en compte la RNS.
Au-delà, la RNS se penchera également sur des éléments opérationnalisables qui ne nécessitent pas forcément des financements importants, à l’image de l’objectif stratégique n° 2 sur les forces morales, l’esprit de défense et de sécurité.
M. Stéphane Bouillon. Encore une fois, les réflexions et propositions que vous nous transmettrez seront précieuses.
Mme Marie Récalde (SOC). Monsieur le secrétaire général, je me joins aux remerciements de mes collègues adressés à l’ensemble du SGDSN.
La Conférence de Munich sur la sécurité qui vient de se terminer restera dans les mémoires comme le moment où les États-Unis ont officialisé leur désengagement de la défense de l’Europe. Certes, l’histoire ne se répète jamais, mais l’actualité peut présenter certaines ressemblances avec les accords de Munich de 1938, jusqu’au pacte Ribbentrop-Molotov de 1939 et ses protocoles secrets. Contrairement à ce que l’on entend parfois, les accords de Munich n’étaient pas synonymes de lâcheté. Ils représentaient la conséquence de choix politiques antérieurs fondés sur le pacifisme de l’opinion publique pendant l’entre-deux-guerres et sur une crise économique qui n’avait pas permis aux États de se doter de moyens à la hauteur. La situation actuelle présente quelques similitudes.
Comment cette RNS intégrera-t-elle la fin du mythe de l’Europe protectrice et la place de la France ? Quelle sera sa portée à l’international, dans la mesure où elle peut également constituer un outil d’influence ?
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a accentué la tendance au désengagement américain et marque une forme de divorce avec l’Europe, que l’on espère temporaire. Le président de la République avait appelé dès 2017 ses partenaires européens à prendre en main leur destin et à renforcer le pilier européen de l’Alliance.
Il me semble que les bouleversements en cours nécessitent plus qu’une simple révision de la RNS. La question des partenariats doit être réévaluée, des arbitrages sur le couple défensif-offensif doivent être réalisés dans le cadre de la dronisation, de même que des réflexions sur la transformation de notre BITD avec l’arrivée de l’IA ou d’autres technologies duales. L’adaptation de notre modèle de défense peut être questionnée, à la lumière des moyens financiers qui peuvent y être accordés, mais également des priorités à établir.
La dialectique avec le court terme doit également être prise en compte. Nous ne pouvons pas nous affranchir du nouveau contexte et nous devons nous préparer aux exigences induites par les garanties de sécurité à donner à l’Ukraine. Il est crucial de ne pas spéculer sur l’hypothétique réussite des négociations entre Trump et Poutine. La Russie représente une menace persistante, une menace existentielle, dont tous les Européens sont convaincus.
Comment allons-nous travailler en cohérence avec les Européens, à l’heure où le Livre blanc sur la défense de l’UE est en cours de finalisation, où le format Otan doit être revu et où la nécessité de lever des moyens en commun se fait jour ?
M. Stéphane Bouillon. Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, tout le monde a été marqué par le discours du vice-président des États-Unis. Au-delà du trouble suscité, il me semble nécessaire de conserver un certain recul. Les armées membres de l’Otan effectuent tous les jours des exercices en toute confiance et en toute efficacité. Certes, les États-Unis estiment que nous leur vendons trop et que nous ne leur achetons pas suffisamment, même s’ils oublient allègrement le poids des services financiers, qui rééquilibrent largement la balance. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas rayer d’un trait de plume plusieurs centaines de milliards de dollars d’échanges entre l’Europe et les États-Unis. Des discussions compliquées peuvent intervenir, mais il n’en demeure pas moins que des intérêts nous rapprochent et interdiront à quiconque de « casser la vaisselle ». Ne serait-ce que dans une simple logique transactionnelle, les États-Unis et l’Europe ont intérêt à pouvoir avancer dans ce domaine.
S’agissant des partenariats et de la prise en compte du court terme, encore une fois, le travail d’actualisation n’a pas pour objet de procéder à une réécriture complète de notre doctrine, mais de tirer les enseignements des événements survenus depuis deux ans pour nous permettre de faire face à la situation telle qu’elle va se présenter dans les prochains temps. Et cette RNS actualisée sera ainsi prise en compte dans le Livre Blanc préparé par l’Union européenne. C’est à partir de ces éléments et principes que nous pourrons être en mesure, avec les autres pays européens, d’apporter lors des prochaines discussions, notre concours à l’Ukraine, dont l’avenir ne peut pas être décidé seulement par la Russie et les États-Unis.
M. Christophe Bex (LFI-NFP). Je m’interroge sur le potentiel envoi de troupes européennes en Ukraine. Le secrétaire général de l’OTAN a ainsi récemment exprimé sa volonté d’offrir des garanties de sécurité pour l’Ukraine. De quelle manière le SGDSN, en tant que conseil stratégique, s’assurera-t-il du bon encadrement des troupes si elles doivent se rendre sur le terrain en cas d’escalade ? Quelles sont les garanties permettant d’éviter de nous entraîner vainement dans un conflit à nos frontières ? Quels dispositifs spécifiques sont-ils prévus pour associer le Parlement à ces processus, afin que les élus de la nation disposent des informations nécessaires pour exercer pleinement leur mission de contrôle démocratique ?
Mme Delphine Batho (EcoS). J’ai compris de vos propos que l’actualisation de la RNS comportait également un objectif de signalement stratégique. Ensuite, les enjeux de défense totale nécessiteraient sans doute de conduire un exercice avec plus de temps, plus de recul et plus de profondeur ; l’un n’excluant pas l’autre. Enfin, de quelle manière cette actualisation traitera-t-elle des questions de protection de la démocratie et des scrutins, à la lumière de ce qui s’est passé dans d’autres pays de l’Union européenne ?
M. Stéphane Bouillon. Les démocraties et l’organisation des scrutins en Europe font l’objet d’attaques, comme en témoignent les exemples roumains, moldaves et plus récemment la campagne électorale en Allemagne. Clairement, la démocratie est menacée. Au Parlement européen, une commission spéciale sur la défense de la démocratie a été créée. Présidée par Mme Loiseau, elle fera porter ses travaux sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux. Une commissaire est par ailleurs en charge de ces sujets de protection et de rénovation de la démocratie. Une série de travaux ont ainsi été engagés, afin de proposer au niveau européen une réaction commune sur le sujet.
En France, Viginum s’efforce de détecter et de caractériser les attaques qui peuvent survenir. Lorsque ces attaques concernent le bon déroulement des élections, Viginum se place au service du Conseil constitutionnel, de la commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle, de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et du Conseil d’État. Viginum leur rend compte de ce qu’il observe et laisse à ces institutions le soin de réagir, puisqu’en période électorale, l’administration doit plus que jamais demeurer d’une parfaite neutralité. Par ailleurs, nous sommes en contact avec des médias de toutes tendances dans la mesure où ceux-ci font l’objet d’attaques, comme cela a pu être le cas lors de la campagne déployée par le dispositif Reliable Recent News (RRN) qui diffusait des contenus pro-russes.
Il n’appartient pas à l’État d’aller au-delà, mais de garantir le droit souverain du peuple à être informé et à pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, assurant la sincérité du scrutin. Lorsque nous avons créé Viginum, nous sommes passés devant le Conseil d’État réuni en assemblée générale. L’avis du Conseil d’État visait bien à démontrer que Viginum avait pour vocation de garantir la sincérité du débat et la liberté d’opinion. Ensuite, le travail incombe au juge. La justice dispose des moyens de réagir. En matière d’information, j’ai tendance à penser qu’il faut bien légiférer, à travers des textes de loi courts, mais pas trop souvent. Notre système actuel fonctionne bien, juridiquement ; je fais confiance aux juges et aux autorités indépendantes pour que notre liberté et notre démocratie soient mieux protégées. En tant que citoyen et électeur, je fais également confiance à vous, parlementaires, qui nous représentez ; car votre rôle, votre action et votre parole font vivre la démocratie dans ce pays.
Pour répondre à M. Bex, si des troupes devaient être envoyées en Ukraine, elles n’auraient que pour objet de garantir la sécurité et veiller qu’un éventuel cessez-le-feu, s’il devait intervenir, puisse être respecté. Il n’est pas question de devenir belligérant d’une manière ou d’une autre. Ces éléments feront l’objet de discussions dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Quelles que soient les décisions prises, des comptes rendus seront adressés au Parlement. La Constitution et les différentes lois sont extrêmement précises sur les conditions dans lesquelles les troupes françaises peuvent être engagées dans une forme de conflit. Ces textes seront appliqués et scrupuleusement respectés. Notre opinion publique ne tolérerait pas qu’il en soit autrement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je précise que l’influence fait actuellement l’objet d’une mission d’information de la commission.
M. Laurent Jacobelli (RN). Le pire danger contre la démocratie intervient quand des technocrates ou commissaires européens non élus veulent influer sur des élections, quitte à remettre en cause leurs résultats. Je pense notamment à la Roumanie. La démocratie est en danger quand dans un pays libre comme le nôtre, une chaîne de télévision est obligée de fermer sous les coups de boutoir de la gauche et de l’extrême gauche, relayés par leur bras armé, l’Arcom. Dans un pays libre, ce sont les élus qui doivent décider, in fine, et non des instances militantes.
M. Stéphane Bouillon. Je ne pas débattrai pas avec vous des enjeux politiques. Cependant, je tiens à préciser que les fonctionnaires obéissent ; il s’agit là de leur devoir et leur obligation. S’ils ne veulent pas obéir, ils démissionnent. Je suis fier d’appartenir à cette technocratie qui obéit aux dirigeants politiques élus et à des chefs qui ont été nommés par un Gouvernement lui-même investi par l’Assemblée nationale. Le système doit pouvoir fonctionner de cette manière. Au niveau européen, il existe un Parlement européen, où vous disposez d’élus en nombre, qui doit exercer son rôle et dire ce qu’il veut, mais aussi ce qu’il ne veut pas.
En résumé, j’estime que l’accusation adressée aux « technocrates » est injuste. D’une manière générale, les fonctionnaires sont au service de la nation et n’attendent que de se dévouer aux ordres de la nation.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie. À travers vous, nous rendons hommage au SGDSN, une structure indispensable à notre pays. Je tiens également à vous saluer personnellement, parce que vous avez toujours été attentif aux demandes de la commission, nous avez toujours écoutés et informés. Je vous remercie pour votre générosité dans le travail et le lien que vous avez établi avec notre commission.
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La séance est levée à seize heures cinquante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Frank Giletti, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, Mme Lise Magnier, M. Thibaut Monnier, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Marie Récalde, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Jean‑Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi
Excusés. – Mme Anne-Laure Blin, M. Frédéric Boccaletti, M. Bernard Chaix, Mme Cyrielle Chatelain, M. Alexandre Dufosset, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Catherine Hervieu, Mme Murielle Lepvraud, Mme Alexandra Martin, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Aurélien Rousseau, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud, Mme Corinne Vignon, Mme Caroline Yadan
Assistait également à la réunion. – Mme Delphine Batho