Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

 Audition, ouverte à la presse, du général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace sur « Bilan et perspectives d’adaptation du format de l’armée de l’Air et de l’Espace au regard de l’évolution de l’état de la menace »              2


Mercredi
9 juillet 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 82

session ordinaire de 2024‑2025

Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
 


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La séance est ouverte à neuf heures deux.

M. le président Jean-Michel Jacques. Pour clôturer notre cycle des grands subordonnés et des principaux responsables du ministère des armées, nous recevons ce matin le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (CEMAAE).

Après l’Ukraine, les événements au Proche-Orient et au Moyen-Orient ont illustré l’importance de la puissance aérospatiale qui est un enjeu stratégique majeur. Fort de ce constat, en mars dernier, le président de la République a d’ailleurs annoncé, lors de son déplacement sur la base aérienne de Luxeuil-Saint-Sauveur, l’augmentation du nombre de commandes de Rafale et le renforcement de la composante aéroportée de la dissuasion. Nous serions très intéressés de connaître l’état de vos réflexions concernant le meilleur format de nos forces aériennes conventionnelles et de nos forces aériennes stratégiques.

Le 17 juin dernier, une délégation de notre commission s’est rendue au Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) du Bourget où nous avons d’ailleurs eu le plaisir de vous y retrouver au milieu des stands que vous arpentiez d’un pas lancé et rythmé avec beaucoup d’enthousiasme. À cette occasion, on nous a présenté les évolutions technologiques majeures affectant votre domaine de responsabilité. Je pense notamment aux évolutions liées au spatial de défense avec les problématiques propres aux satellites et orbites stratégiques, aux évolutions touchant le domaine capacitaire avec le développement et l’intégration de technologies de rupture – chasseurs de cinquième génération, drones, connectivité étendue, intelligence artificielle (IA) –, permettant de garantir l’ascendant opérationnel, et enfin aux évolutions liées à la très haute altitude qui a des incidences en matière de renseignement et de surveillance mais également de supériorité aérienne. À cet égard, je vous remercie d’avoir répondu favorablement à ma demande d’audition concernant la montée en puissance dans le domaine de la très haute altitude. D’ici à la rentrée, nous recevrons le général de brigade aérienne Alexis Rougier qui pourra nous exposer votre stratégie en la matière.

Dans cette véritable compétition technologique, quels sont vos priorités et axes d’effort ? Je sais que vous avez également à cœur de valoriser nos aviateurs et de capitaliser sur trois qualités qui leur sont propres : l’esprit pionnier, l’agilité et l’ouverture. Sur cet aspect de ressources humaines, vos objectifs pour 2025 en termes de recrutements et de fidélisation sont-ils atteints ?

Votre venue est l’occasion de nous présenter, d’une part, vos objectifs et les déclinaisons concrètes de votre stratégie, et, d’autre part, de nous faire un bilan de la loi de programmation militaire (LPM) pour 2025.

M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Je suis très heureux de clôturer cette année avec vous après l’avoir commencée le 23 octobre dernier à l’occasion des auditions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Cette fois, je me présente devant vous pour vous exposer un bilan et les perspectives d’adaptation du format de l’armée de l’air et de l’espace au regard de l’évolution de l’état de la menace et pour répondre à vos questions. C’est l’occasion pour moi de vous exposer mon analyse du contexte stratégique et, au travers des enjeux et des défis qui attendent l’armée de l’air et de l’espace, de ce qui se joue en ce moment même dans la troisième dimension pour la puissance militaire aérospatiale.

Cinq tendances stratégiques se dessinent.

Première tendance : la brutalisation des relations internationales par le recours désinhibé à la force et la surenchère dans le niveau de violence. Nous avons dit pendant trente ans que l’option militaire ne résolvait rien, mais finalement nous en revenons, en voyant, par exemple, que le coup de force de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh a tranché en quelques jours un conflit gelé depuis des décennies. Quant à la surenchère dans le niveau de la violence, nous pouvons le mesurer aux quantités de munitions qui sont tirées chaque jour sur l’Ukraine, ou aux salves échangées entre Israël et l’Iran. Les ordres de grandeur sont vraiment spectaculaires. Tous théâtres d’opérations confondus, Israël en est à plus de 100 000 munitions tirées depuis un an et demi. On atteint des degrés difficilement imaginables il y a quelques années.

Deuxième tendance : la récusation du modèle occidental et l’érosion de notre cadre normatif. Il y a un vrai élan de contestation du leadership occidental, dont Vladimir Poutine se sert pour attiser les tensions et fédérer un prétendu Sud global dont le seul dénominateur commun est précisément cette contestation, sans autre convergence ni cohérence stratégique. La tendance est beaucoup plus grave qu’une simple question de leadership, elle tend à l’effondrement du cadre hérité de l’après-guerre pour normer les rapports entre États et réguler la violence. Cette fragilisation vient aussi de l’intérieur de l’Occident où se manifeste une propension globale au bashing de tout ce qui norme et régule.

Troisième tendance : une innovation dans l’armement complètement débridée aussi bien dans l’ultra-sophistiqué que dans l’ultra-rudimentaire. En haut du spectre, il s’agit d’armements de pointe tels que les satellites et les missiles hypersoniques. Dans le même temps, c’est l’effervescence dans le bas du spectre où des capacités autrefois réservées aux États sont désormais à la portée de groupes armés tels que les Houthis. Et cette innovation débridée s’inscrit dans un contexte de course à la masse et aux coûts. Les Russes sont capables de produire 170 drones Shahed par jour et de développer de nouveaux drones malgré les sanctions internationales. En dépeçant l’épave d’un nouveau drone russe, on a trouvé des batteries chinoises bien sûr, mais aussi des capteurs Sony japonais, jusqu’à une cinquantaine de composants provenant de différents pays étrangers. En face, l’industrie ukrainienne n’est pas en reste : on a recensé plus de 50 000 frappes de drones sur les forces ou le territoire russe pendant le seul mois de décembre 2024.

Quatrième tendance : la puissance de l’information. La numérisation des sociétés confère à l’information une réelle valeur stratégique. Dès le lendemain des affrontements entre l’Inde et le Pakistan, par exemple, la question du ou des Rafale abattus a pris une grande importance dans les débats à partir de contenus largement instrumentalisés – une manœuvre informationnelle orchestrée en soutien des intérêts de la base industrielle et technologique de défense (BITD) chinoise face au silence radio de la partie indienne, ce qui ne nous a pas forcément facilité la tâche. Pour ma part, je retiens trois points essentiels de cet événement. Premièrement, l’Inde a affiché son entière satisfaction quant aux performances du matériel français, notamment de l’armement de précision et des Rafale. Deuxièmement, l’engagement aérien dans la nuit du 6 au 7 mai a été d’une intensité incroyable et d’une complexité très rare : soixante à soixante-dix avions de chasse indiens ont affronté quarante à cinquante avions pakistanais de nuit. Il est assez logique qu’un combat d’une telle intensité se solde par de l’attrition. Troisièmement, l’Inde avait prévenu le Pakistan de l’imminence du raid. Lors d’une conversation téléphonique, mon homologue indien m’a expliqué qu’il ne s’exprimait pas pour ne pas donner dans l’escalade et parce qu’il avait souhaité prévenir le Pakistan, autre pays doté de l’arme nucléaire – dans une telle configuration, l’effet de surprise peut entraîner une réaction boomerang très difficile à résorber. Les Indiens n’ont pas voulu jouer sur l’effet de surprise, ce qui a compliqué leur opération.

L’information, érigée comme sixième fonction stratégique, est désormais considérée comme un champ de conflictualité à part entière. Nous pouvons, nous aussi, nous servir de ce champ de bataille à notre avantage. Voyez ce qu’ont fait les Américains lors de leur raid sur l’Iran. Ils ont contrôlé les pseudo-fuites puis alimenté et amplifié tous les contenus des sources en libre accès qui commentaient le déploiement de bombardiers B-2 mettant le cap à l’ouest, pour focaliser l’attention de tout le monde, alors que le vrai raid est parti vers l’est. Cela a totalement fonctionné.

Cinquième et dernière tendance : le changement climatique qui est un peu le catalyseur du chaos, avec des épisodes météorologiques extrêmes, des déplacements de population, des guerres d’accès aux ressources, etc. Nous devons tenir compte des conséquences de ce facteur sur la bonne réalisation de nos missions, en particulier sur celles de l’armée de l’air et de l’espace qui est un peu en première ligne. Regardez ce qui s’est passé à la suite des cyclones Chido et Garance à Mayotte et à La Réunion. Nos bases sont exposées au dérèglement climatique. En 2022, la base de Mont-de-Marsan étant en travaux, nous avions redéployé tous nos Rafale sur celle de Cazaux, mais il a fallu les redéplacer pour les mettre à l’abri quand cette dernière s’est retrouvée encerclée par un incendie. En 2018, la base américaine de Tyndall en Floride avait été complètement ravagée par l’ouragan Michael : les deux tiers des avions de chasse avaient été détruits et les dégâts sur les infrastructures avaient été estimés à 5 milliards de dollars. En septembre dernier, la même base a de nouveau été touchée par un cyclone. Nous devons donc réfléchir sur notre capacité à opérer dans un monde où les températures vont augmenter de 2, 3 ou 4 degrés. Nous devons aussi nous poser les bonnes questions pour prendre notre juste part des efforts de réduction des émissions.

Le cumul de ces tendances stratégiques se cristallise en quatre défis dans la troisième dimension. Je vais les citer avant de prendre un peu de recul et analyser ce qui se joue en termes de puissance militaire aérospatiale, ce qui est le cœur de notre réponse à tous ces défis.

Premier défi : le retour du fait nucléaire dans le dialogue stratégique entre les États. À cet égard, la situation en Iran confirme ce qui était déjà clair dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les forces aériennes stratégiques interviennent en complément et de manière non hiérarchisée avec les forces océaniques, avec des modes d’action en aérobie ou en balistique. Plus que jamais, nous avons un impératif de crédibilité opérationnelle, ce qui implique une crédibilité technologique et donc une indispensable modernisation de nos moyens – nous pourrons revenir sur le Rafale standard F5 et sur le nouveau missile air-sol nucléaire de la quatrième génération, ASN4G – et une crédibilité politique, domaine dans lequel nous sommes très forts. Lorsque j’étais patron des forces aériennes stratégiques, mon homologue me disait que j’avais beaucoup de chance d’avoir à chaque mandat un président qui s’exprime sur la dissuasion nucléaire.

Deuxième défi : la militarisation de l’espace et l’élargissement de cette dynamique vers la très haute altitude avec une véritable explosion des menaces dans cette tranche d’altitude. L’un des temps forts du SIAE du Bourget a été l’annonce de la stratégie des armées pour la très haute altitude par le ministre des armées. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, nous répondrons à votre invitation pour expliquer ce qui se joue dans cette tranche de très haute altitude, située entre 20 et 100 kilomètres. Le président de la République a aussi fait des annonces, sur lesquelles je reviendrai, dans le cadre du Paris Space Hub.

Troisième défi : le caractère non permissif des espaces aériens. Nous avons assisté au grand retour de ce sujet après des années d’opérations où la question ne se posait pas parce que nous avions une supériorité aérienne et que nous étions dans des milieux permissifs. Ce n’est plus le cas. Les capacités de suppression des défenses aériennes ennemies et de guerre électromagnétique doivent absolument être recouvrées.

Quatrième et dernier défi, qui est transversal : l’IA de combat. L’IA dans les drones, c’est la révolution dans la révolution. L’IA dans le commandement et le contrôle de nos opérations, c’est une accélération de l’analyse de la situation pour décider au plus vite. C’est être en mesure de faire fonctionner cette fameuse boucle observation-orientation-décision-action beaucoup plus vite que notre adversaire, ce qui est un gage de supériorité opérationnelle. Nous ne pouvons pas nous permettre de rater le virage actuel de l’IA ni la révolution quantique qui s’annonce.

La multitude et la complexité des défis impliquent de construire une réponse claire et bien ordonnée, en partant d’une compréhension partagée de tous les niveaux de la puissance militaire aérospatiale. Nous venons d’ailleurs de rédiger un document-cadre qui définit ce qu’est, selon nous, la puissance militaire aérospatiale. Présentée officiellement au Bourget, elle s’articule autour de quatre dynamiques.

Première dynamique : l’offensif, c’est-à-dire le défi de l’avant. Depuis ma prise de fonctions, je martèle l’idée essentielle que les dispositifs de défense aérienne ennemis ne sont pas infranchissables, à condition de se donner les moyens de les défaire. Une fois les défenses sol-air défaites, le roi est nu. C’est un axe fort de mon travail de pédagogie et de notre développement capacitaire qui inclut le Rafale – qui restera capable de percer n’importe quel dispositif de déni d’accès grâce à ses évolutions –, le drone de combat, l’Ucav, et enfin le système de combat aérien du futur (Scaf).

Il s’agit de supprimer les défenses aériennes ennemies avec de nouvelles armes en cours de développement à la fois pour cibler les systèmes sol-air et pour frapper dans la profondeur. Le futur missile antiradar RJ10 doit nous redonner cette capacité de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD). Plus largement, nous devons développer tout ce qui permet de combattre et de prendre l’avantage dans un environnement électromagnétique assez dense et hostile. Vous avez d’ailleurs parfaitement compris cet enjeu en déclenchant une mission d’information sur la guerre électronique, ce qui est une très bonne chose.

Concernant ce défi de l’avant, je voudrais aussi partager avec vous une analyse à froid, purement opérationnelle et certainement pas politique, sur la manière dont les Israéliens ont mené leur attaque sur l’Iran. En octobre 2024, ils ont lancé trois raids. Le premier a neutralisé la défense antiaérienne syrienne et les radars du régime de Téhéran déployés en Irak. Le deuxième a visé les moyens radars et sol-air en Iran. Le troisième a ciblé les infrastructures militaro-industrielles liées aux programmes balistiques et de drones. La capacité SEAD a donc été déterminante dans l’acquisition de cette supériorité aérienne par Israël. La contribution au sol reste à évaluer : ou sont positionnées les forces spéciales, les drones lancés depuis l’Iran et autres… Cela reste à déterminer.

L’attaque a essentiellement reposé sur l’emploi de l’armée de l’air israélienne avec des missiles antiradiations aéroportés, donc SEAD, et des missiles aérobalistiques Blue Sparrow et Silver Sparrow qui ont permis d’atteindre les différents objectifs à des distances énormes – 1 000 kilomètres pour le premier et 2 000 kilomètres pour le second. Ajoutez à cela le couple MRTT (avion multirôle de transport et de ravitaillement, Multi Role Tanker Transport)-Rafale, et vous obtenez une allonge et une frappe dans la profondeur de plusieurs milliers de kilomètres. D’un côté, les missiles antiradiations SEAD aident le raid en réactif avec des systèmes de défense sol-air qui sont mobiles parce qu’ils arrivent à les localiser dès qu’ils émettent sur une centaine de kilomètres. De l’autre, les missiles aérobalistiques qui frappent dans la profondeur à des distances de 1 000 à 2 000 kilomètres.

En juin dernier, l’opération Rising Lion a exploité sur le long terme les résultats des missions d’octobre 2024, c’est-à-dire l’ouverture d’une véritable autoroute vers Téhéran. Cette opération s’est doublée d’actions au sol par les forces spéciales, des modes d’action que l’on utilise et pour lesquels on s’entraîne aussi actuellement. Les Israéliens ont pu profiter de cette autoroute ainsi que de la destruction de la défense aérienne et de l’aviation de chasse iraniennes pour neutraliser les différents objectifs qu’ils s’étaient donnés.

Les Américains ont encore poussé le curseur lors de l’opération Midnight Hammer, en faisant une véritable démonstration de ce que l’on peut faire en multimilieux et multichamps : suprématie dans l’air dans le champ électromagnétique, appui spatial, cyber, champ informationnel, milieu sous-marin. Il faut aussi noter le niveau de coordination, sachant que 125 appareils étaient impliqués dans cette opération, ainsi que l’absence de tout décollage et de toute capacité de détection, sans parler de tirs sol-air iraniens. Des missiles antiradiations, des bombes GBU-57, des missiles de croisière et soixante-quinze munitions de précision ont été tirés en seulement vingt-cinq minutes, en pleine nuit, au-dessus de l’Iran.

Ces opérations permettent de confirmer des axes d’efforts déjà identifiés par l’armée de l’air et de l’espace. Elles réaffirment la capacité unique de la puissance aérospatiale à peser sur les options politiques. Elles démontrent que la doctrine occidentale – acquisition de la supériorité aérienne, frappe aérienne dans la profondeur – reste pertinente et efficace. Elles confirment la nécessité de pouvoir mobiliser sur la durée un maximum de ces moyens au profit de telles opérations, ce que nous appelons le maintien en condition opérationnelle (MCO) de combat. Pour mémoire, l’aviation israélienne possède environ 300 avions de combat. Elle a effectué des raids journaliers mobilisant jusqu’à 130 avions par raid, de manière soutenue et pendant douze jours de conflit. Un tel rythme n’est possible qu’avec un véritable MCO de combat. Enfin, ces opérations valident les besoins capacitaires de l’armée de l’air et de l’espace en matière de conciliation de son arsenal de munitions, d’acquisition de capacités SEAD, notamment dans le champ électromagnétique, d’industrialisation du ciblage et de protection multicouche face aux menaces aériennes. Voilà ce qu’est pour moi le défi de l’avant.

Deuxième dynamique : le défi de l’arrière. La victoire n’est possible que si l’on est capable d’assurer la protection des bases arrière, comme cela a été le cas en Israël avec le système de défense sol-air multicouche qui a intercepté pratiquement 90 % des missiles tirés en riposte par les Iraniens. C’est tout l’enjeu du maintien et du renforcement de nos capacités de défense sol-air et, de manière plus globale, de nos systèmes de défense. Il est essentiel de pouvoir répondre aux attaques saturantes de drones avec des moyens en nombre et à bas coût.

Nos dispositifs particuliers de défense sol-air intègrent l’ensemble des effets nécessaires à la protection d’une zone en partant du plus petit vers le plus gros : la lutte antidrone ; les systèmes de défense sol-air très courte, courte et moyenne portée, avec notamment le VL Mica (Vertical Launch Mica) ou le Samp(-T), le système sol-air de moyenne portée (- terrestre) ; la couche hélicoptère pour l’interception des menaces à basse vitesse, et les avions de chasse pour les menaces à haute vitesse ; et en allant un peu plus haut, une surveillance dans la très haute altitude et l’espace. Tout ceci doit être appuyé par une capacité de coordination et d’intégration, mise en œuvre par un système de commandement et de contrôle du commandement des opérations aériennes de l’armée de l’air et de l’espace. Au Bourget, quelques interceptions ont été réalisées grâce à cette bulle de protection mise en place par le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA). Pour le 14 juillet, les premiers éléments ont déjà été déployés un peu partout pour pouvoir assurer cette bulle de protection autour de Paris. Nous devons impérativement étoffer ces capacités si nous voulons être résilients face aux menaces saturantes que j’ai évoquées en première partie de mon propos.

Mais le plus important, s’agissant de défi de l’arrière, ce sont nos bases aériennes. Principalement situées sur le territoire national, elles sont de véritables outils de combat. Nous nous y entraînons au quotidien, mais, surtout, nous y exerçons nos deux missions permanentes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an : protection de l’espace aérien national ; dissuasion nucléaire. C’est de ces bases que nous serions amenés à intervenir comme nous avons pu le faire lors de la mission Hamilton en 2018. L’enjeu de la dernière grande réforme fut de passer de vingt et une à vingt-quatre bases pour 2024, et nous en mesurons les effets. Elles sont au cœur des efforts de remontée en puissance de nos capacités de défense sol-air. Elles doivent être à terme protégées avec les systèmes sol-air multicouche intégrés que j’évoquais précédemment. On voit aussi l’importance de détecter la menace et de l’attribuer, ce qui est tout l’enjeu de l’alerte avancée. Ce défi capacitaire d’ampleur suppose le déploiement de moyens dans l’air et à très haute altitude, mais aussi dans l’espace. Quand nous aurons cette architecture complète – alerte avancée, systèmes de défense sol-air –, nous pourrons protéger efficacement nos bases.

Celles-ci sont capables de projeter de la puissance aérienne partout dans le monde, vite et en masse. Depuis 2018, nous avons réalisé les missions Pégase. La dernière édition, Pégase Grand Nord, a démontré notre agilité. Nous avons décollé avec une dizaine de chasseurs et, quelques heures plus tard, nous avons réalisé un tir réel sur un champ de tir suédois. Nous nous sommes posés et nous avons fait quelques exercices avec les Suédois pendant deux ou trois jours. Nous sommes revenus en deux vagues entourant l’enclave de Kaliningrad, signal stratégique très fort à destination de la Russie. Certains Rafale sont rentrés directement en France tandis que d’autres sont allées en Pologne puis en Croatie pour de courtes missions avec les Polonais et les Croates. L’idée était de démontrer notre agilité à nous déployer à peu près partout avec une très faible empreinte logistique.

Nous avons aussi une capacité à nous redéployer dans l’urgence, ce qu’on appelle les décollages de survie. Il y a quelques semaines, nous avons mené l’exercice Jade, pour jaillissement d’escadre. Un matin, sur une base aérienne, le commandant d’escale a prévenu ses troupes qu’une attaque balistique allait survenir dans deux heures, qu’ils devaient prendre leurs avions et décoller en survie, et, qu’une fois en l’air, on leur dirait où ils devaient se poser, l’idée étant de mettre les appareils à l’abri d’une menace éventuelle. Pour projeter de la puissance, il faut une flotte de transport au bon niveau. C’est pourquoi la flotte A400M continue à monter en puissance en parallèle de nos capacités MRTT. Vos travaux actuels, notamment la mission d’information sur la mobilité stratégique, montrent que vous avez perçu à quel point ce domaine était important.

Le défi de l’arrière implique la résilience du système de combat dans son ensemble et une structure de soutien de nos bases fondée sur concept très simple : un chef, une mission et des moyens pour l’accomplir.

Enfin, le défi de l’arrière passe par le renforcement de notre cohésion nationale. Comme vous l’a dit le chef d’état-major des armées (CEMA), les armées sont pleinement engagées dans cet effort. L’armée de l’air et de l’espace en a fait un axe majeur de son action, notamment par le biais des escadrilles air jeunesse (EAJ). Nous avons actuellement 1 300 équipiers pour trente-sept escadrilles, et ils devraient être environ 2 000 pour quarante-sept escadrilles à la rentrée. À travers ce dispositif et plusieurs autres – stages, lycées militaires, classes de défense –, nous expliquons à notre jeunesse les raisons d’être de l’effort de défense. Et nous y gagnons sur tous les plans car les aviateurs et aviatrices sont notre force. Nous n’avons pas de problème de recrutement : tous grades confondus, nous avons atteint notre objectif de 2024 et nous le dépasserons probablement en 2025 en recrutant quelque 3 600 aviateurs. Même si la fidélisation demeure un défi, les mesures prises dans la LPM ont permis de stabiliser le schéma d’emploi depuis 2024, et la tendance reste positive en 2025.

Troisième dynamique : la verticale et le continuum dans la troisième dimension. Confrontés à une explosion de la menace dans l’espace et la très haute altitude, nous ne limitons plus notre action au niveau de vol 500, mais nous montons jusqu’au niveau de vol 3 300, à quelque 100 kilomètres, ce que l’on appelle la ligne de Karmán. Nous considérons de façon continue tout ce qui se joue jusqu’à cette ligne et même au-dessus dans l’espace, comme le président de la République l’a redit clairement au Bourget. C’est pourquoi je parle de puissance militaire aérospatiale. Que ce soit en termes d’organisation, d’opérations ou de résilience du système, nous devons considérer nos défis et notre action en termes de continuum de l’air jusqu’à l’espace.

Nous avons un programme très ambitieux en matière de très haute altitude, considérée comme une extension du milieu aérien, d’où le passage au niveau de vol 3 300. Outre le programme Nostradamus, nous organisons cette année des campagnes de tirs sur des ballons cibles en très haute altitude pour neutraliser les menaces qui s’y développent. D’autres expérimentations visent à tirer parti de la très haute altitude en termes d’allonge, de permanence et de survivabilité : vol du ballon manœuvrant BalMan de la société Hemeria avec l’appui du Cnes – Centre national d’études spatiales – à partir de la Guyane ; vol de l’avion Zephyr de la filiale Aalto d’Airbus.

Le spatial, c’est la jauge de la puissance, et le président de la République a fait des annonces très fortes dans ce domaine. La dépense spatiale par habitant n’est que de 46 euros en France contre 200 euros aux États-Unis. Il faut donc accélérer et changer d’approche en essayant de ne pas rater deux virages : la réduction du coût des lanceurs et la modularité, d’où l’intérêt du réutilisable comme le fameux avion Vortex – Véhicule orbital réutilisable de transport et d’exploration – de Dassault Aviation ; l’enjeu clef des orbites basses avec Eutelsat et la constellation Iris2 – nous avons pu constater que cela nous avait manqué à Mayotte comme cela avait manqué aux Ukrainiens pendant l’invasion de février 2022. Nous devons nous poser les bonnes questions sur ces réveils stratégiques. La semaine dernière à Toulouse, j’ai inauguré la base aérienne 101, à vocation spatiale, ce qui a été un grand moment. À l’automne prochain, toujours à Toulouse, j’aurai le plaisir d’inaugurer le commandement de l’espace (CDE) et, autour de lui, le Centre de commandement et de contrôle (C2) spatial.

Quatrième et dernière dynamique : le C2 et la transformation numérique. Ce C2 est vital car il est la colonne vertébrale du commandement et du contrôle de nos opérations. Il faut absolument le doper à l’IA et l’ouvrir pour qu’il puisse intégrer à la fois les opérations conventionnelles, les opérations nucléaires, les opérations de protection sur le territoire national et le spatial. Nous y travaillons énormément à partir des cas très concrets. Quant à la transformation numérique, elle se met en place à partir de cas d’usage et passe aussi par l’utilisation de l’IA en ressources humaines ainsi que dans le domaine capacitaire – le pod de reconnaissance du Mirage 2000 est dopé à l’IA et son système d’information permet d’aider au mieux l’équipage.

Ma vision stratégique est de décupler la puissance militaro-spatiale. Si j’ai beaucoup parlé d’Israël, je n’oublie pas l’Ukraine. En mai dernier, nous avons vécu un moment inédit, sinon historique : avec mon homologue britannique, j’ai réussi à réunir vingt-deux homologues européens et étrangers pour parler garanties de sécurité en Ukraine, sans les États-Unis, l’Otan ou l’Union européenne (UE). Pendant toute une journée, nous avons planifié et mis sur la table ce que nous pouvions apporter. Nous avons montré que nous étions capables de créer une coalition ad hoc pour éventuellement assurer ces garanties de sécurité en cas de cessez-le-feu en Ukraine. Nous avons poursuivi le mouvement pendant le SIAE du Bourget au cours d’une conférence sur ces garanties de sécurité à laquelle quarante de mes homologues – y compris représentant la Nouvelle-Zélande, le Japon ou le Canada, donc pas seulement des pays européens – ont participé. Nous allons récidiver dans dix jours lors du Royal International Air Tattoo (RIAT) de Fairford.

En conclusion, je ferai écho aux propos tenus par le CEMA lorsque vous l’avez auditionné. Les armées, notamment l’armée de l’air et de l’espace, sont prêtes à faire face aux défis qui se présentent. Elles sont conscientes de la situation économique du pays, de l’effort consenti par la nation. Comme je vous l’avais déjà dit en octobre, nous veillons et veillerons à ce que chaque euro dépensé pour l’effort de défense le soit à bon escient.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

M. Frank Giletti (RN). Ce que nous observons depuis trois ans en Ukraine comme les récents affrontements entre l’Iran et l’Israël mettent en lumière des dynamiques opérationnelles qui interpellent directement notre modèle capacitaire. L’Iran, malgré une flotte d’aviation vieillissante, a démontré une capacité surprenante à saturer l’espace aérien avec différentes gammes de drones, combinées à des missiles balistiques. Face à cela, la réponse israélienne en réseaux dits multicouche s’est appuyée sur sa supériorité technologique, sur une interopérabilité fine entre plateformes pilotées et systèmes autonomes et, surtout, sur une profondeur logistique impressionnante.

À l’heure où l’on parle de réarmement de la France et de l’Europe dans un contexte budgétaire très contraint, quel enseignement capacitaire tirez-vous de cet affrontement pour notre armée de l’air et de l’espace, notamment en matière de lutte antidrone, de résilience de nos bases aériennes, d’effectifs ou de stocks de munitions ?

Dans cette perspective, la question du format de notre flotte devient d’ailleurs d’autant plus centrale. Au regard de l’évolution de la menace, les restrictions et les renoncements budgétaires auxquels nous faisons déjà face nous obligent à réarticuler urgemment notre armée pour préserver sa cohérence. Notre aviation de combat doit pouvoir encaisser, durer et frapper. Cet objectif suppose beaucoup plus qu’un nombre d’aéronefs sur le papier. Cela exige une cohérence réelle, des personnels toujours plus qualifiés – donc des formations à plus court terme, comme l’imposent le combat collaboratif et le pilotage à distance –, mais aussi des munitions en quantité suffisante pour durer dans le temps et pendant les fameuses cinq minutes de plus.

Pourtant, devant cette même commission, lorsque je rappelais au ministre des armées les annonces faites par le président de la République le 18 mars dernier concernant la création de deux nouveaux escadrons de Rafale à l’horizon 2032-2033 pour renforcer notre dissuasion nucléaire, il m’a été répondu qu’il n’avait jamais été question d’une autre commande que celle qui avait déjà été votée dans la LPM. À nouveau, un coup de com’ dont notre armée est la première à souffrir et que le groupe Rassemblement national déplore. La nécessité de faire évoluer notre aviation de chasse avait fait, comme tout le monde le sait ici, l’objet de multiples alertes dans mes rapports budgétaires successifs. Dès lors, mon général, parmi cette multitude d’obstacles, comment envisagez-vous le meilleur format pour notre armée de l’air et de l’espace, afin qu’elle puisse faire face à un conflit de haute intensité sans rupture capacitaire ?

M. le général Jérôme Bellanger. Le contexte le montre, nous avons besoin d’augmenter notre format – c’est une évidence. Polyvalence ne rime pas avec ubiquité. Le ministre a annoncé vingt à trente Rafale supplémentaires ; je pense que c’est le nombre adéquat.

En attendant qu’ils arrivent, comment compenser le manque ? D’abord, nous renforçons le MCO à travers le vieillissement, c’est-à-dire que nous surutilisons les Rafale que nous avons à hauteur de 15 % environ, afin d’être au rendez-vous de nos contrats opérationnels.

Ensuite, nous travaillons à créer un environnement adapté à l’accueil des nouveaux appareils, en matière d’infrastructures, de ressources humaines et de formation des pilotes. C’est un tout.

À ce stade, on s’oriente vers un tout-Rafale en 2035. D’ailleurs, 2035 sera une année charnière : le Rafale aussi connaîtra une rupture technologique, avec le passage au standard F5. Il accueillera le missile ASN4G et le RJ-10 SEAD que j’ai déjà évoqués. D’ici là, nous espérons bien sûr une augmentation du format, conformément aux annonces.

Mme Corinne Vignon (EPR). Dans un environnement stratégique transformé, l’armée de l’air et de l’espace assume des missions essentielles, qui concernent la dissuasion nucléaire, la souveraineté aérienne, les opérations extérieures et la surveillance spatiale.

Pour éviter de se déclasser par rapport à ses compétiteurs, la France doit absolument maintenir ses capacités spatiales. Or plusieurs systèmes arriveront à échéance à la fin de la décennie : CSO, la composante spatiale optique ; Ceres, la capacité de renseignement électromagnétique spatiale ; les satellites franco-italiens Sicral 2 (système italien de communication confidentielle d’alarmes) et Athena-Fidus (accès des nations européennes alliées aux théâtres d’opérations). Il est donc impératif d’éviter tout retard dans le passage aux programmes Iris (infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite) et Celeste. Il est également indispensable de respecter l’engagement, pris dans la LPM, relatif au satellite patrimonial géostationnaire Syracuse 5 (système de radiocommunication utilisant un satellite) et au radar Aurore, qu’il faut certainement coupler avec des télescopes.

D’autre part, le tout-patrimonial n’étant pas réaliste, la résilience passe par la multiplication et la diversification des moyens spatiaux. Le secteur civil doit être complémentaire des infrastructures privées, qui peuvent apporter un concours utile aux forces françaises. Aller plus vite et être plus agile sont pour vous des impératifs.

Vous l’avez évoqué, ma circonscription a le plaisir d’accueillir le CDE, dont l’inauguration des nouveaux bâtiments, à Toulouse, est prochaine. Disposons-nous des outils suffisants dans le domaine de l’IA pour soutenir sa montée en puissance, alors que l’espace s’arsenalise et connaît des menaces toujours plus hostiles ?

Afin de rendre plus fluides et plus rapides les procédures d’élaboration des programmes que déploie la DGA, la direction générale de l’armement, ne conviendrait-il pas de conférer au commandement de l’espace un pouvoir acheteur ? Cela permettrait de donner davantage de rythme et de souplesse à l’équipement des armées françaises en moyens spatiaux.

M. le général Jérôme Bellanger. Il serait certainement bénéfique de donner un pouvoir d’achat au CDE, mais c’est peut-être compliqué à mettre en place.

C’est déjà une très belle réussite d’avoir inauguré cette base aérienne à vocation spatiale et d’avoir créé un commandement de l’espace. Nous en éprouvons une grande fierté. En effet, tous deux sont sur le trait, grâce aux infrastructures, qui accueilleront aussi le centre d’excellence de l’Otan, et à la montée en puissance en ressources humaines. Je parle ici de la formation et du nombre de postes qui seront à terme dévolus au CDE, à savoir presque 470 pax – à ce stade, nous sommes au rendez-vous.

La question du C2 est cruciale. En d’autres termes, il s’agit de savoir comment le CDE pourra mener ses opérations spatiales, alors que son C2 est encore en cours de développement. Bien sûr, il sera dopé à l’intelligence artificielle.

Il faut également considérer tous les moyens, en particulier les satellites, qu’il aura pour agir depuis, vers et dans l’espace : je veux parler du programme ARES (Action et résilience spatiale), avec Yoda (yeux en orbite pour un démonstrateur agile), Graves-NG (grand réseau adapté à la veille spatiale nouvelle génération) et le radar Aurore. Nous serons très vigilants parce que nous avons besoin de ces moyens de surveillance, notamment le radar spatial de nouvelle génération, qui nous permettra de mieux connaître la situation des satellites.

Au Bourget, nous avons créé un cercle de confiance avec les entreprises dites du new space, le nouveau spatial. En effet, il importe de savoir ce qu’elles ont à offrir, mais aussi de pouvoir les orienter. Elles sont complémentaires des entreprises historiques, objet de notre fierté, qui sont également très efficaces. Nous devons recourir aux deux. Ce cercle de confiance réunit une trentaine d’entreprises, comme Skynopy pour les stations au sol, Loft Orbital pour l’observation, Unseenlabs pour l’écoute et la géolocalisation, Greenerwave pour la communication par satellite (Satcom), etc. Ce travail est un succès, parce que nous collaborons directement : nous leur parlons de nos besoins opérationnels et ils nous expliquent ce qu’ils sont capables de réaliser en boucle très courte. Nous avançons ainsi assez rapidement. En parallèle, la DGA a élaboré un pacte de confiance peut-être plus institutionnalisé, pour prendre en charge les contrats selon ses prérogatives. Les deux se complètent très bien.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question concerne les récentes annonces et spéculations relatives à la stratégie spatiale de la France, que le gouvernement est censé présenter à l’automne, après un report pour le moins surprenant. Le président de la République a profité du salon du Bourget pour glisser quelques éléments d’esquisse de ce qu’elle serait et quelques annonces expéditives, sans approfondir, comme le projet d’avion spatial à 30 millions d’euros, sur lequel Dassault a pris position, avec Vortex (véhicule orbital réutilisable de transport et d’exploration).

Néanmoins, je l’ai constaté hier aux assises du new space, qui se déroulent en ce moment à Paris, ces orientations restent nébuleuses et fragmentaires pour la communauté spatiale, alors qu’elles sont censées répondre aux menaces sur lesquelles vous nous avez alertés.

Comment l’effort théorique exposé au Bourget, qui présente l’intérêt d’actualiser la doctrine militaire aérospatiale, pourra s’intégrer à la future stratégie spatiale, laquelle excède la seule dimension militaire ? La question se pose au moment où l’on envisage le pire au-delà de la ligne de Kármán, à savoir l’intensification de la guerre dans l’espace, à coups de destructions cyber, de missiles antisatellites, de manœuvres hostiles en orbite et de déploiement d’armes nucléaires spatiales.

 Comment le commandement de l’espace montera-t-il en puissance ? Le 1er juillet, au Sénat, le ministre des armées a évoqué un risque de décrochage. Cela est fâcheux car nous sommes pionniers dans le domaine du spatial militaire. Selon lui, « les choses ne vont plus comme nous le souhaitons ». Pourtant, l’installation du CDE est plus qu’engagée ; la base aérienne à vocation spatiale a été inaugurée à Toulouse le 2 juillet, ce qui est de bon augure, étant donné les attributions critiques du CDE. Dans les prochaines années, il devra mener à bien des programmes comme Yoda et Toutatis – Test en orbite d’utilisation des techniques d’action contre les tentatives d’ingérence spatiale –, dont la défense nationale a besoin et qui doivent dépasser le stade de l’expérimentation.

Pour conduire les opérations de routine dont il aura la charge, le CDE devra s’appuyer sur différents types de services et d’innovation. Plutôt que de signer des contrats avec des start-up qui valorisent des démonstrations sans lendemain ou de compter sur l’industrie privée, que prévoyez-vous de développer en interne, en dehors du cercle de confiance ? Il s’agit de faire la différence en maîtrisant entièrement le processus, grâce aux acteurs traditionnels que sont notamment le Cnes, Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales) et la DGA.

Quels moyens de planification seront mobilisés à long terme pour affronter les menaces multichamps et multiorbites identifiées lors de l’exercice AsterX, en internalisant au maximum nos capacités opérationnelles ?

M. le général Jérôme Bellanger. La montée en puissance du CDE est remarquable. C’est vrai de la formation comme des exercices. AsterX est unique au monde : même les Américains nous l’envient. Il associe différents partenaires et suit des scénarios d’opérations très crédibles. Certains jouent les méchants – en 2025, c’étaient les Américains – et les partenaires industriels adaptent leurs capacités en fonction de l’évolution du scénario.

Le CDE, c’est assez récent, réalise des opérations spatiales. Il travaille parfois avec le Cnes qui, à ce stade, possède le C2 pour piloter les satellites. Certaines opérations sont menées en partenariat avec les États-Unis, pour qui nous sommes le point d’entrée en Europe – ils considèrent que nous sommes très crédibles dans le domaine spatial militaire.

Vous l’avez dit, au-delà des partenariats et des services que l’on peut attendre des entreprises, le spatial ne relève pas du seul ministère des armées. Or l’intervention de plusieurs ministères pose peut-être un problème de gouvernance. En tout cas il faudrait se poser les bonnes questions en la matière pour maintenir le rythme, voire accélérer, et en tout cas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Pour moi, le ministère des armées et le CDE ont les moyens d’agir dans l’espace. Là aussi, nous sommes sur le trait : je pense notamment au futur programme Egide, ou Egide-Yoda, et à Toutatis. En LEO (orbite basse), le programme Iris2 est indispensable pour les futurs systèmes de combat, en particulier de combat collaboratif entre les différentes plateformes. On peut ajouter le programme Syracuse 5 et la suite du programme CSO. Nous sommes donc assez bien placés pour agir dans l’espace, mais aussi depuis le sol vers l’espace. Nous travaillons ainsi au brouillage et aux armes à énergie dirigée, afin de pouvoir neutraliser certains satellites, ce que la Russie fait très bien.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). L’intelligence artificielle de combat bouleverse les équilibres militaires. Elle modifie profondément le ciblage, la planification, le commandement et le contrôle des opérations, c’est-à-dire tout ce qui fait l’efficacité d’une puissance aérienne moderne. À mesure que l’IA s’intègre aux systèmes d’armes, elle accélère le rythme des opérations, jusqu’à rendre crucial le raccourcissement de la boucle observation, orientation, décision, action (OODA). Le facteur temps devient donc central, en contradiction avec d’autres impératifs, éthiques et juridiques notamment.

Comment l’armée de l’air et de l’espace articule-t-elle le recours croissant à l’IA et le maintien d’un contrôle humain significatif, en particulier dans les procédures de ciblage et d’engagement ? Quels garde-fous érigez-vous ? À quel horizon envisagez-vous de donner à l’IA une place opérationnelle significative dans la boucle décisionnelle ?

Certains États n’ont pas les mêmes contraintes juridiques que nous, ni les mêmes exigences déontologiques. Ils investissent dans des drones semi-autonomes ou en essaim, suivant une logique de saturation ou de délégation partielle de la décision létale. Dès lors, comment la France peut-elle rester crédible et garder son avance technologique tout en continuant à respecter ses principes ?

La grandeur de nos démocraties vient de ce que nous nous posons ces questions mais, sur le champ de bataille, cela peut constituer une faiblesse.

M. le général Jérôme Bellanger. Nous prenons en compte l’IA car, dans la boucle OODA, elle nous permet d’analyser beaucoup plus vite les situations, donc de prendre beaucoup plus rapidement les décisions. Cependant, elle ne fragilise pas nos règles d’engagement, définies en application du droit international. Lors d’un ciblage, l’homme est toujours dans la boucle pour évaluer le risque que la situation ne justifie pas les dommages collatéraux, par exemple. L’IA est une mécanique qui a pour fonction de nous aider dans l’analyse. On le voit notamment avec le développement de Talios, le système optronique d’identification et de ciblage à longue distance. Si vous voulez trouver un char situé au coin d’un bois, il vous faudra environ vingt minutes pour scanner l’emplacement. Demain, l’IA le fera en quelques secondes : charge à nous de décider si c’est le char que nous cherchons, et selon quelles règles d’engagement on peut le neutraliser. L’IA permet d’accélérer l’analyse mais la décision ne relève que de nous.

Vous avez raison de soulever la question de l’éthique. Il en va de même pour le C2 : l’IA permettra d’accélérer la boucle décisionnelle mais, in fine, l’homme restera chargé de la décision.

De la même manière, le drone est le bras armé déporté de l’humain. Il n’agit pas de lui-même ; il est piloté à distance. Et ce n’est pas l’IA qui le pilote, c’est un humain, éventuellement aidé de l’IA pour être plus efficace. L’homme doit toujours rester dans la boucle.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Le spatial est un marqueur de puissance croissant dans la course internationale à la supériorité opérationnelle, et ce dans tous les domaines : surveillance, observation, écoute et communication. L’ouverture de la première base aérienne à vocation spatiale le 2 juillet, à Toulouse, est un signe encourageant quant au positionnement de la France.

La très haute altitude (THA) est un nouveau front stratégique. Ballons, drones, missiles hypersoniques : l’armée de l’air et de l’espace est en première ligne pour détecter, caractériser, intercepter. Ce dernier volet engendre de la conflictualité. Des Rafale et des Mirage 2000 ont notamment réalisé les premiers tirs de missiles d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica) vers des ballons stratosphériques opérant en très haute altitude. La protection des intérêts de la défense nationale et la défense active pour conserver en toute circonstance une liberté d’action vers, dans et depuis l’espace dépendent de réglementations en vigueur mais aussi de réglementations à venir. L’un des objectifs de la stratégie des armées pour la THA est donc de négocier les futures réglementations nationales, européennes et internationales en ce domaine.

Comment bien prendre en compte la dimension militaire dans les futurs règlements civils, qu’ils soient relatifs à la circulation aérienne, à l’exploitation des aéronefs ou à leur navigabilité ?

Pour que la France devienne une vraie puissance militaire aérospatiale, il faut accélérer le déploiement de la stratégie spatiale de défense, pour accompagner la montée en puissance du CDE. Ce dernier avait notamment pour objectif de se doter rapidement de satellites patrouilleurs-guetteurs en orbite géostationnaire à même de défendre nos capacités spatiales stratégiques. Où en sont les projets Yoda et Toutatis ? Dans quelle mesure ces démonstrateurs ont-ils renforcé notre présence dans l’espace ? Plus largement, peut-on mettre en orbite des milliers de satellites tout en évitant les collisions et la prolifération des déchets et des débris spatiaux ?

M. le général Jérôme Bellanger. À mon sens la très haute altitude est l’extension de l’aérien ; c’est pourquoi j’ai parlé du rehaussement de notre champ d’action, du niveau de vol 500 jusqu’au niveau de vol 3 300. La menace est concrète, on en a vu un exemple avec le ballon chinois qu’un avion de chasse américain a abattu. Nous devons investir la très haute altitude car, si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place. Nous avons donc besoin de moyens d’action permettant d’y pratiquer l’observation, la télécommunication, la neutralisation, etc. Nous avons commencé par les tirs d’expérimentation que vous avez évoqués – des Mica envoyés sur des ballons du Cnes préalablement positionnés. Leur franc succès est rassurant : nous savons désormais que nos avions de chasse peuvent intercepter lesdits ballons.

Maintenant, il faut se poser la question des moyens que nous consacrerons à la très haute altitude. Prenez l’avion Zephyr, aile volante équipée de panneaux photovoltaïques : il peut voler des mois et des mois à la verticale d’une position. L’intérêt pour l’observation et la communication, par exemple, est évident.

Le ballon Stratobus permettra de placer une charge plus importante en très haute altitude – 150 à 250 kilogrammes environ. Hemeria supporte une plus faible charge mais il est beaucoup plus réactif. Si nous avions eu des ballons au moment de la crise de Mayotte, ils auraient pu nous fournir un relais Satcom qui aurait permis de communiquer sur le site.

Sur la très haute altitude, nous progressons rapidement. La stratégie existe ; des expérimentations sont menées cette année ; l’année prochaine, des achats seront certainement effectués afin d’exploiter pleinement ses avantages.

En ce qui concerne l’espace, nous avons réellement besoin des programmes d’action comme Toutatis et Yoda, qui recourent à des patrouilleurs-guetteurs : en face, les Russes développent des satellites gigognes en orbite géostationnaire, les Chinois envoient des navettes spatiales, et ce n’est pas tout. Nous sommes sur le trait. Toutatis, qui est une expérimentation, est bien parti. C’est aussi le cas de Yoda, avec plusieurs petits satellites que nous pourrons placer sur différentes orbites afin de disposer de moyens d’action dans l’espace.

M. Christophe Blanchet (Dem). Vous avez évoqué la puissance de l’information et de la désinformation et cité l’exemple de la campagne américaine qui a focalisé l’attention sur un déploiement cap à l’ouest. Ces techniques ont toujours été utilisées, comme l’illustre le recours à des leurres, notamment des chars gonflables et des poupées parachutées, en préparation du débarquement du 6 juin 1944. Sommes-nous capables de mener, seuls, de telles opérations ? Y a-t-il des réflexions en ce domaine ?

Vous avez souligné l’importance de la cohésion nationale pour relever le défi de l’arrière. Avec 2 000 jeunes, Escadrilles air jeunesse (EAJ) est une réussite. On peut se demander ce que représentent 2 000 jeunes sur la population d’une génération, soit 700 000 personnes, mais il faut bien commencer. Quelle est la capacité d’accueil de l’aviation dans le cadre du service militaire volontaire (SMV) ? Quelle est votre capacité maximale d’incorporation sur une année des jeunes qui en sont issus ?

Vous avez évoqué Israël, l’Ukraine, la Russie et les États-Unis. Qu’en est-il de nos compétiteurs chinois ? Décelez-vous des évolutions, de stratégie notamment ?

L’ascendant dont nous avons bénéficié dans l’air et l’espace est désormais contesté, vous l’avez dit ; les dispositifs de déni d’accès entravent notre capacité de manœuvrer dans la troisième dimension. Avez-vous des exemples concrets de dénis d’accès et de leurs conséquences pour nos opérations ?

M. le général Jérôme Bellanger. Vous avez raison, la désinformation n’est pas nouvelle, mais nous avions un peu perdu cette compétence parce que nous évoluions dans des milieux très permissifs. Ayant un boulevard devant nous pour mener nos raids ou nos actions aériennes, nous n’avions aucune raison de nous interroger sur le champ informationnel. Ce n’est plus le cas. Il faut donc assurer la sécurité opérationnelle (SecOps), en imposant un niveau de confidentialité extrêmement élevé. Les Israéliens l’ont très bien fait lors de leurs raids. Il faut également faire du spoofing, c’est-à-dire raconter une histoire différente de ce qui va se passer, pour doper l’effet de surprise. Cela, nous savons le faire. Vous avez évoqué les leurres. Nous devons aller plus loin, notamment en recouvrant des capacités d’agir dans le champ électromagnétique pour réaliser du brouillage offensif, de déception : quand vous voyez 120 avions sur un radar au lieu d’un seul, il est beaucoup plus difficile d’intercepter le vrai.

Le dispositif Escadrilles air jeunesse, auquel nous travaillons beaucoup, est un franc succès. Je veux doubler sa capacité pour arriver à 3 000 équipiers d’ici à 2027. Tous les ans, je dois refuser des candidats, faute de moyens et de capacités d’encadrement. Par ailleurs, dans le cadre du SMV, nous pouvons accueillir davantage de jeunes – entre 5 000 et 10 000 par an. Le cas échéant, il faudra les répartir entre les différentes armées. Toutes ces initiatives sont fructueuses : c’est vrai également dans la marine nationale et dans l’armée de terre. La journée défense et citoyenneté (JDC) nouvelle génération sera très intéressante – et digne de son nom ; elle pourra éventuellement ouvrir sur le service militaire volontaire.

Vous m’avez interrogé sur la Chine. Depuis 2018, avec les exercices de la mission Pégase, nous faisons du signalement stratégique dans l’Indo-Pacifique. Il s’agit à la fois d’affirmer notre souveraineté en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, de développer de nouveaux partenariats, par exemple avec le Japon et la Corée du Sud, et de renforcer ceux qui existent avec l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, etc.

Cela dit, s’agissant toujours de la Chine, quand on multiplie par trois ou quatre sa flotte d’avions de chasse en quelques années, ce n’est certainement pas pour rester chez soi ; l’augmentation du nombre de bâtiments de la marine nationale ou de silos de missiles balistiques n’est pas anodine non plus. Il y a donc un véritable danger, en même temps qu’une prise de conscience. Ce que font les Chinois est le principal point d’attention des Américains ; il faut continuer à l’observer car je suis persuadé qu’ils ne s’arrêteront pas là.

Votre dernière question concerne le déni d’accès. Typiquement, l’expression désigne des systèmes de défense sol-air critiques au-delà des frontières. Kaliningrad en offre un exemple : le radar des S-300 et S-400 déployés dans l’enclave vous accroche lorsque vous transitez au-delà, ce qui n’est pas très agréable. Le déni d’accès consiste donc à repousser l’ennemi au-delà des frontières, ou en tout cas à le prévenir que, s’il continue à se rapprocher, il pourra faire l’objet d’une interception.

Les défenses sol-air ne sont pas invulnérables ; c’est pourquoi j’ai parlé des missiles SEAD. Nous avons des modes d’action pour nous soustraire aux menaces de cette nature, et nous les exerçons notamment lors du raid nucléaire ; ils sont relativement efficaces.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Vous nous avez présenté l’exercice de coopération au cours duquel certains Rafale, partis de Suède, se sont posés en Pologne puis en Croatie. Pourriez-vous préciser le mode opératoire et l’objectif de la mission ? Quel est le retour d’expérience en matière d’interopérabilité ?

J’ai été rapporteure pour avis du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti. Pour m’être rendue là-bas, je vais vous parler, une fois n’est pas coutume, de moyens. Dans cette partie du monde où sont présents plusieurs compétiteurs, et non des moindres, l’influence de la France dépend aussi de l’image qu’elle donne à Djibouti. Or j’ai constaté que les bâtiments de la base aérienne pourraient être rafraîchis, voire modernisés : il n’y va pas seulement du confort de nos aviateurs.

M. le général Jérôme Bellanger. Pégase Grand Nord était d’abord un signalement stratégique à l’égard de la Russie. Nous avons montré que nous étions capables d’opérer un raid vers le Nord. Le deuxième objectif était de renforcer nos liens avec les Suédois. Puisqu’ils sont nouvellement membres de l’Otan, il nous faut dialoguer avec eux sur nos modes d’action, sur nos capacités et sur ce que nous pouvons faire. Ils sont très demandeurs. Nous avons donc pu effectuer des exercices sur place, non seulement avec les Suédois mais aussi avec les Finlandais et les Norvégiens, bref, avec les pays nordiques, notamment ceux qui sont récemment entrés dans l’Otan.

À l’issue de ces exercices, nous avons choisi de réaliser un déploiement agile et rapide (ACE), c’est-à-dire de tester notre capacité à déployer un petit nombre d’avions de chasse, avec une très faible empreinte logistique, pour accomplir une ou deux missions. Les Américains le font très bien, dans l’Indo-Pacifique notamment : ils se déploient dans plein de petites îles pour pouvoir se disperser ou se regrouper avec agilité, en fonction de la menace. C’est ce que nous avons fait avec trois Rafale. Nous sommes allés en Pologne parce que c’est le pays susceptible de nous accueillir si nous devons mener des missions de garantie de sécurité au-dessus de l’Ukraine. Cela nous permettait donc à la fois de renforcer les liens et le partenariat et de savoir ce qui sera possible si nous devons nous déployer là-bas. Quant à la Croatie, c’est un partenaire équipé du Rafale. Nous n’avons pas la Route de la soie, mais nous avons la route du Rafale : on peut voler de France quasiment jusqu’à Singapour en transitant par des pays qui en possèdent : Croatie, Grèce, Qatar, Émirats arabes unis bientôt, Inde, Indonésie bientôt également. Il faut entretenir ce club, pour les membres duquel nous sommes un peu un grand frère puisque c’est avec nous qu’ils discutent le plus. Cela comporte des avantages et des inconvénients, comme lorsqu’ils nous appellent tous pour demander s’ils ont bien fait de nous faire confiance, vu qu’un Rafale indien a été abattu – il faut alors leur expliquer les circonstances de l’événement.

S’agissant de Djibouti, je suis d’accord : nous avons un réel problème d’infrastructures, lié au poids de l’histoire. L’infra a toujours été le parent pauvre des LPM. Vous devriez aller voir Rochefort : c’est encore pire que Djibouti, alors que nous y accueillons les jeunes. La situation est critique ; il faut agir, en particulier dans les écoles. Bien sûr, le problème a été pris en considération et un plan d’action élaboré – c’est au moins le cas pour Rochefort, il faut que je vérifie ce qu’il en est pour Djibouti.

M. Édouard Bénard (GDR). Nous assistons à une nouvelle course à l’espace. Entre 2017 et 2021, Moscou a réussi l’exploit d’être accusé d’utiliser son satellite Luch/Olymp à des fins d’espionnage et celui de détruire un de ses anciens satellites. Les États-Unis et la Chine ne sont pas en reste : les premiers ont créé la Space Force en 2019 ; ils investissent massivement dans les satellites militaires, les systèmes de surveillance spatiale et les projets de défense active ; les seconds continuent de développer leur force spatiale intégrée à l’Armée populaire de libération (APL), et leurs essais antisatellites, leurs satellites de reconnaissance et leurs systèmes de brouillage montent en puissance.

Nous y prenons notre place, comme le montrent la récente inauguration du nouveau siège du CDE à Toulouse et l’annonce, en septembre 2024, du déploiement depuis Yoda d’une démonstration d’actions en orbite basse intitulée Toutatis. C’est une évolution de notre doctrine militaire.

Présentement, le rapport de forces entre grandes puissances limite la casse liée à la militarisation de l’espace, mais un déplacement dans l’espace d’une guerre d’un nouveau genre est plus que jamais possible. Ces nouvelles stratégies militaires de l’espace extra- atmosphérique mettent en cause l’équilibre entre droit et déploiement capacitaire. Le traité sur l’espace de 1967, qui fait de l’espace un lieu de coopération et d’exploration ressortissant à la catégorie des biens communs, est de fait rendu caduc. Un enjeu diplomatique spatial immense nous guette instamment.

Je laisse de côté ce sujet essentiel pour me concentrer sur la gouvernance du CDE. Quid de la planification de nos politiques spatiales ? Quelle sera la priorisation des programmes d’action dans l’espace ? Sachant que nous investissons seulement 46 euros par Français dans la défense spatiale, à quel montant notre armée évalue-t-elle les besoins d’ajustement budgétaires en la matière ?

M. le général Jérôme Bellanger. Notre réveil stratégique date de 2017, lorsque le satellite russe Luch/Olymp-2 a espionné les nôtres. En 2019, nous avons publié la stratégie spatiale de défense (SSD), reposant notamment sur le concept de défense active, auquel a été adjoint depuis lors celui d’action offensive dans l’espace.

Ce changement est à mettre en regard de la militarisation avérée de l’espace. En ce moment même, au-dessus de nos têtes, des satellites sont désorbités pour aller espionner d’autres satellites, des satellites sont brouillés, des satellites sont visés par des lasers cherchant à les neutraliser. La militarisation de l’espace est un fait accompli. Il faut en prendre conscience et être en mesure de défendre nos intérêts. Tel est l’objet des programmes Yoda et Toutatis.

S’agissant des 46 euros par Français et par an que nous consacrons à notre défense spatiale, ils sont certes insuffisants, mais ils correspondent à nos moyens et à la taille de notre pays. Il importe de réfléchir et d’agir en Européens dans tous les programmes que nous menons, sur le modèle du NewSpace, en développant nos partenariats historiques tels que celui unissant ArianeGroup et le Cnes pour être bien plus forts et créer de nouvelles capacités satellitaires, au premier rang desquelles le brouillage depuis le sol et les armes à énergie dirigée (AED). C’est toute la difficulté et tout l’enjeu si nous voulons éviter de passer à côté de la militarisation de l’espace.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions individuelles des autres orateurs.

Mme Sophie Errante (NI). Vous avez évoqué l’impact du dérèglement climatique sur les armées, qui est au cœur de la mission d’information sur les changements environnementaux et les enjeux de défense, commune à notre commission et à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, dans le cadre de laquelle Mme Lepvraud et moi-même aurons certainement l’occasion de vous auditionner. Vous avez dit en avoir conscience et en avez donné quelques exemples.

Avez-vous créé, au sein de votre état-major, un pôle chargé de classer les urgences en la matière ? Pensez-vous – pour ma part, j’en suis convaincue – qu’une réflexion avec le monde civil sur la protection, l’anticipation et la gestion des effets dévastateurs du dérèglement climatique s’impose ? Faut-il envisager, sur le modèle du plan de sauvegarde communal (PSC), un plan de sauvegarde général ?

M. Thibaut Monnier (RN). N’est-il pas opportun de restituer dans nos armées le principe « un chef, une mission, des moyens » ? Les régiments ne gagneraient-ils pas en résilience s’ils disposaient en permanence d’une part accrue de leurs moyens financiers et de leurs matériels pour offrir une capacité de réaction en toutes circonstances ?

Mme Catherine Rimbert (RN). Les récents conflits ont démontré le rôle essentiel des systèmes de défense sol-air, en raison de la prolifération des drones collaboratifs et des munitions à bas coût. Nos intercepteurs Mistral 3, à plusieurs dizaines de milliers d’euros pièce, sont mobilisés pour neutraliser des drones civils détournés dont la valeur, en comparaison, est dérisoire. Notre système sol-air de moyenne portée Samp(-T) Mamba s’avère inadapté face aux menaces de basse altitude. De plus, les retours d’expérience (Retex) de l’opération Barkhane ont montré la nécessité de disposer de systèmes mobiles d’accompagnement pour protéger nos forces déployées.

Malgré une enveloppe de 5 milliards prévue par la LPM 2024-2030 pour la défense sol-air, les délais de livraison des systèmes Serval DSA (défense sol-air) et Serval LAD (lutte antidrone) s’étendent jusqu’en 2031 et les volumes prévus restent limités. Dans ce contexte, quelles mesures sont envisagées par l’AAE pour améliorer la situation, s’agissant notamment des programmes de défense sol-air à courte portée ?

M. le général Jérôme Bellanger. L’impact du dérèglement climatique sur nos missions est fort. Au sein de l’état-major, un officier général est chargé de son suivi.

Il faut tenir compte de l’impact du dérèglement climatique sur notre manière d’opérer. Agrandir la flotte d’A400M, c’est améliorer notre capacité d’intervention dans les outre-mer pour secourir les populations en cas d’évènement tel que le cyclone Chido. La lutte contre l’incendie que nous avons vécue à Cazaux a illustré notre agilité. Les exercices tels que l’Agile Combat Employment entraînent les aviateurs à se disperser et à se redéployer rapidement en cas de feu de forêt.

Il n’existe aucune – c’est peut-être une lacune – coopération avec le monde civil en matière de dérèglement climatique. Demander aux commandants de base de prendre attache avec leur environnement local à ce sujet est sans doute une bonne idée. Lorsque les Landes ont souffert de feux de forêt, les pompiers de l’air de la base aérienne de Cazaux ont participé directement à leur maîtrise, aidant significativement les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis). En ce moment même, les marins-pompiers de Marseille font un travail remarquable.

Par ailleurs, nous devons participer à l’atténuation du dérèglement climatique sans mettre en cause nos missions opérationnelles. On pointe volontiers du doigt la consommation de kérosène de l’AAE ; je rappelle qu’elle représente 0,25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports. Nous devons nous poser les bonnes questions et nous inscrire dans une démarche gagnant-gagnant, par exemple en assurant l’autonomie énergétique de telle base aérienne grâce à des panneaux photovoltaïques. Nous travaillons énormément sur ces sujets.

S’agissant du soutien, la base aérienne est un outil de combat. Elle doit être autonome. Nous faisons tout pour que le commandant de base, qui est le chef local de toutes les missions qu’on lui donne, de la dissuasion à la protection de l’espace national en passant par les missions d’intervention, dispose des soutiens localement. Il est le dernier chaînon d’une subsidiarité spécifique à l’AAE. Nous faisons tout pour qu’il dispose de tous les leviers. C’est pourquoi il est souvent commandant de base de défense. Cette double casquette lui permet de superviser le soutien et l’opérationnel, ce qui facilite énormément les choses. Nous sommes très attachés au maintien du soutien à l’échelon local depuis l’échelon central.

S’agissant de la défense sol-air, nous sommes dans un moment critique. En Ukraine, des drones sont abattus par des missiles Mica coûtant chacun plusieurs milliers d’euros. C’est un peu dommage. Pour contrer cette menace, nous développons des capacités à bas coût, notamment en matière de défense sol-air multicouches – le Mistral 3 pour la très courte portée, le Crotale pour la courte portée, le Samp(-T) pour contrer les missiles balistiques supersoniques, voire hypersoniques, le tout complété par les hélicoptères et les chasseurs.

Nous travaillons plus particulièrement dans trois domaines : les lasers et les brouilleurs, qui permettront de brouiller les essaims de drones qui tenteraient de survoler nos sites militaires ; les canons de 30 et 40 millimètres, dont les projectiles sont moins chers qu’un missile Mistral ; les AED pour neutraliser les drones, qui sont une vraie menace. Le développement et l’acquisition de ces capacités sont en cours. Elles permettront de renforcer les défenses sol-air de nos bases aériennes, qui au demeurant sont bien loties.

Mme Nadine Lechon (RN). Le retrait prématuré des Transall C-160 « Gabriel » sans remplacement immédiat pour des motifs budgétaires a porté un coup très dur à nos capacités de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM). Ces appareils devaient être remplacés dans les plus brefs délais par des Falcon 8X Archange. Les livraisons, prévues en 2025, semblent être reportées à 2028 ou à 2030. Cette incertitude est inquiétante, d’autant que la guerre se déroule non loin de nous. Pour compenser ce retard, il a été décidé de louer un Saab 340 dans le cadre du contrat Solar.

La situation ne manque pas d’ironie : en raison d’un retrait prématuré décidé pour faire des économies, nous devons engager des dépenses et attendre, sans certitude, la livraison de nouveaux appareils. Si ce retrait était une décision politique dont vous n’êtes en aucun cas responsable, j’aimerais que vous éclairiez notre commission sur l’usage du Saab 340 et sur la livraison du Falcon 8X Archange.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Le choix de remplacer les Awacs E-3F par des Saab GlobalEye – le contrat en prévoit quatre, dont deux en option, assortis d’un engagement d’assurer leur MCO sur le territoire national en coopération avec Sabena Technics – répond à une urgence capacitaire mais soulève plusieurs questions de fond. La substitution progressive de certains capteurs d’origine étrangère, notamment le radar maritime, par des technologies françaises est-elle envisageable sans remettre en cause la cohérence du système ? Le format réduit de la commande laisse-t-il envisager un recours transitoire à la plateforme bombardier dans l’attente d’une solution souveraine fondée sur le Falcon X certifié ? Dassault Aviation a-t-il été associé à la décision ? Sur ces segments essentiels, a-t-on définitivement opté pour un partage européen des tâches au risque de compromettre notre autonomie stratégique à long terme ?

M. Guillaume Garot (SOC). Vous avez déclaré récemment que, dans la THA, l’AAE doit aller plus loin, plus vite, plus haut. Vous avez indiqué qu’il faut y investir et se préparer à y être opérationnel. Or la THA, juridiquement, est une zone grise mal couverte par les traités internationaux. Quel est l’engagement de la France pour en améliorer l’encadrement ?

M. le général Jérôme Bellanger. D’après les données dont je dispose, nous réceptionnerons trois Falcon 8X Archange, les deux premiers étant livrés en 2027 et le troisième en 2029. Ils offriront une capacité de ROEM indispensable en matière de renseignement stratégique, de surveillance, de préparation à l’engagement et d’appui à nos opérations dans la profondeur ainsi qu’à nos missions tactiques. Le système Archange sera très important pour la suite de nos opérations et en matière de renseignement. Le programme est relativement complexe mais nous sommes sur le trait.

Le contrat Solar est une solution d’attente permettant de conserver les compétences et l’expertise de nos ressources humaines spécialisées en ROEM aéroporté après le retrait du C-160 « Gabriel » et d’ici l’acquisition du système Archange. Même si le Saab 340 est un cran en dessous du C-160 « Gabriel », il permet de faire énormément de choses en matière de ROEM. Ses quelques centaines d’heures de vol par an prouvent que nous l’utilisons. Les problèmes posés par le radar SAR/MTI sont compensés par nos avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR).

S’agissant du choix du GlobalEye, j’aurais bien aimé qu’un Falcon 10X remplace l’E-3F Awacs – j’ai évoqué le sujet avec le président de Dassault. Le problème est que les premiers seront retirés du service au plus tard en 2030. Or il contribue directement aux raids nucléaires. Il fallait donc acheter sur étagère. La seule offre à prix raisonnable – l’E-7, produit outre-Atlantique, n’entre pas dans cette catégorie – est le GlobalEye, dont l’acquisition a donc été prévue par la LPM 2024-2030. Nous aurons la possibilité d’adapter à notre environnement et de mettre à jour les appareils au fil de l’eau – de le franciser à notre guise, en quelque sorte. Ce choix est bien engagé.

La THA, qui est une zone grise, doit faire l’objet d’un encadrement juridique à l’échelon européen. La façon de légiférer sur cette zone comprise entre vingt et cent kilomètres d’altitude, échappant au traité sur l’espace de 1967, est toujours en discussion. Pour ma part, je souhaite qu’elle soit considérée comme relevant de l’espace aérien souverain et encadrée comme telle.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Nous sommes confrontés à une asymétrie. Certains États autoritaires s’affranchissent des équilibres, notamment en matière d’autonomisation de la fonction létale des drones. Les évolutions, telles que le déplacement du réservoir du drone, le renforcement de son blindage inférieur et l’embarquement de sous-munitions, sont permanentes. Nous sommes dans une course sans fin entre la LAD et l’amélioration des drones.

La nouvelle frontière sera peut-être l’autonomisation des drones grâce à l’intelligence artificielle. Hier encore, plus de 700 drones ont été tirés sur l’Ukraine par les Russes. Ces régimes ne se poseront pas les questions que nous nous posons. L’éthique, qui au demeurant relève du politique, étant de peu de secours pour résoudre ce problème, j’aimerais savoir quelles sont les évolutions que vous observez sur le front ukrainien et s’il n’y a pas lieu de les redouter fortement ?

M. Julien Limongi (RN). Je souhaite vous interroger sur la capacité de projection stratégique vers les territoires ultramarins, qui constituent à la fois une richesse et une responsabilité stratégique pour la France. En tant que rapporteur d’une mission d’information sur la mobilité stratégique en Europe et dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), je m’interroge sur la réactivité de nos capacités de transport aérien, notamment en cas de crise majeure, qu’elle soit sécuritaire, humanitaire ou liée à une montée des tensions dans l’Indopacifique.

La LPM 2024-2030 prévoit une cible de trente-sept A400M, en baisse notable par rapport à la cible initiale de cinquante appareils, dans un contexte où la simultanéité des crises devient une hypothèse de plus en plus réaliste. Cette cible vous semble-t-elle suffisante pour garantir la capacité de projection rapide et durable de nos forces, en particulier vers nos bases et emprises outre-mer ? On nous en dit que les A400M sont déjà fortement sollicités. Cette tension sur le parc disponible ne risque-t-elle pas de créer un effet de seuil critique en cas de besoin massif ou prolongé ?

M. Alexandre Dufosset (RN). À Marseille, dans l’Aude et dans l’Hérault, notre pays fait encore face à des feux de forêt. Ceux-ci sont de plus en plus précoces, fréquents et violents. La question des capacités de lutte aérienne contre les incendies devient donc urgente. La flotte de la sécurité civile, vieillissante et sous-dimensionnée, ne permet plus à elle seule de lutter efficacement.

Dans ce contexte, nous suivons avec attention les essais menés par Airbus pour équiper l’A400M d’un kit anti-incendie amovible permettant le largage rapide de 20 000 litres d’eau ou de retardant, qui pourrait constituer à terme un outil d’appoint précieux en soutien de la sécurité civile, notamment lors des périodes de saturation. Que pensez-vous de cette possibilité ? Les A400M de l’AAE pourraient-ils être ponctuellement mobilisés dans la lutte contre de tels feux ? Si oui, à quelles conditions ?

M. le général Jérôme Bellanger. Le développement de certains moyens par des pays qui font fi du droit international est une vraie difficulté, mais nous ne tomberons jamais dans ce piège. La construction de nos règles d’engagement et le développement de nos capacités respectent scrupuleusement le droit international. Il faut faire avec, si difficile que cela puisse être. Le déséquilibre induit peut être compensé de plusieurs façons, comme l’a montré le conflit en Ukraine. La saturation de l’espace, qu’elle soit physique, cinétique ou électromagnétique, permet de mieux utiliser nos armes de décision, dont le ciblage respecte scrupuleusement le droit international – nous ne ciblons pas n’importe qui n’importe comment.

Les A400M sont une petite révolution en matière de mobilité, comme l’a montré la crise en Nouvelle-Calédonie. Ce que nous avons fait, nous aurions été incapables de le faire il y a trois ou quatre ans, faute de MRTT et d’A400M en nombre suffisant. Avec une flotte de quinze avions, soit douze en ligne compte tenu des exigences de maintenance, nous en avions à un moment donné neuf en l’air en même temps au-dessus du Pacifique. Certains A400M ont volé quarante heures, la Nouvelle-Calédonie étant à 19 000 kilomètres de la métropole. Lorsqu’il s’est agi de transporter des centaines de membres des forces de sécurité intérieure (FSI) et des centaines de tonnes de fret, les MRTT et les A400M se sont avérés former un couple parfait, offrant respectivement agilité et capacité d’emport.

Quant à savoir si trente-sept appareils me suffisent, ce n’est pas au CEMAAE, qui n’en a jamais assez, qu’il faut poser la question. Trente-cinq appareils augmentés de deux dans le cadre du Global Deal, ce n’est pas rien. L’histoire de l’A400M n’est pas terminée.

Je retire de ces premiers engagements deux enseignements. D’abord, l’A400M est réellement polyvalent. Sa soute accueille aussi bien du fret que des passagers, et pourquoi pas des drones. Son évolutivité est très intéressante. Ensuite, le transport et la mobilité stratégiques bénéficient de la pluralité des vecteurs. Outre le MRTT et l’A400M, le Casa présente l’intérêt de pouvoir se poser sur piste courte. Il faut penser ce segment de façon globale, en y incluant aussi les hélicoptères.

Airbus a présenté un A400M équipé d’un kit lui permettant de réaliser des performances égales, voire supérieures à celles des Canadair. Toutefois, contrairement à ces derniers, l’A400M doit se poser pour embarquer de l’eau, en cinq minutes paraît-il. L’AAE pourrait certes contribuer à la lutte anti-incendie mais sous réserve de former ses pilotes, s’agissant d’une mission très spécifique. Cela supposerait aussi des évolutions en matière d’infrastructures, de ressources humaines et de formation, ce que fait déjà très bien la sécurité civile. Les pilotes de la sécurité civile sont souvent des anciens de l’AAE, avec lesquels nous sommes souvent en contact. Les missions qu’ils mènent ne sont vraiment pas un sport de masse.

M. le président Jean-Michel Jacques. Mon général, les questions ont été nourries et vos propos très riches, ce dont je vous remercie au nom de la commission.

 

 

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La séance est levée à dix heures quarante-neuf.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Delphine Batho, M. Édouard Bénard, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, M. Yannick Chenevard, M. Alexandre Dufosset, Mme Sophie Errante, M. Guillaume Garot, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, Mme Florence Goulet, Mme Catherine Hervieu, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Abdelkader Lahmar, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, M. Julien Limongi, M. Thibaut Monnier, Mme Catherine Rimbert, M. Arnaud Saint-Martin, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Thierry Sother, Mme Corinne Vignon

Excusés. – Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Anne-Laure Blin, M. Matthieu Bloch, M. Manuel Bompard, M. Philippe Bonnecarrère, M. Bernard Chaix, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Alma Dufour, M. Emmanuel Fernandes, M. Moerani Frébault, Mme Stéphanie Galzy, Mme Clémence Guetté, Mme Alexandra Martin, Mme Anna Pic, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud