Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Jacques Purisi Sadiki, gouverneur de la province du Sud-Kivu de la République Démocratique du Congo, sur la situation dans la région des Grands Lacs              2

 Echange, à huis clos, sur certains propos tenus lors de l’audition.....22

 

 

 


Mercredi
2 avril 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 48

session ordinaire 2024-2025

Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Jacques Purisi Sadiki, gouverneur de la province du Sud-Kivu de la République Démocratique du Congo, sur la situation dans la région des Grands Lacs.

La séance est ouverte à 9 h 10.

Présidence de M. Bruno Fuchs, président.

M. le président Bruno Fuchs. Mes chers collègues, nous abordons ce matin une question cruciale, l’un des plus grands drames de l’humanité, qui dure depuis une trentaine d’années : la situation dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Initialement, nous devions entendre l’ambassadeur de la RDC à Paris mais celui-ci a été appelé à Kinshasa. Nous remercions donc le gouverneur de la province du Sud-Kivu, M. Jean-Jacques Purisi Sadiki de participer à cette audition en visioconférence.

Monsieur le gouverneur, nous attendons que vous nous expliquiez la situation actuelle dans la région des Grands Lacs. Je rappelle que le Sud-Kivu est la province la plus riche de la RDC, notamment grâce aux ressources minières de ses sous-sols. Le Mouvement du 23 mars (M23) y a récemment lancé une grande offensive. Notre commission est extrêmement attentive et très préoccupée. Nous avons évoqué la situation de votre province et de votre pays à plusieurs reprises. Ces derniers mois, le groupe rebelle congolais du M23 a conquis deux capitales régionales importantes au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, les villes de Goma et Bukavu, deux villes de plus d’un million d’habitants.

Depuis une trentaine d’années, plus de six millions de personnes ont été tuées, au moins une dizaine de millions de personnes ont été déplacées, sans compter les exactions subies par la population civile et les femmes, en particulier. La déstabilisation de la région des Grands Lacs, à la frontière avec le Soudan du Sud, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie, a débuté dans les années 1990, à la suite du génocide rwandais de 1994. Un grand nombre de réfugiés venant du Rwanda ont été accueillis dans l’Est de la RDC, région qui concentre aujourd’hui la déstabilisation, l’augmentation de l’insécurité et les tensions ethniques.

L’absence de désarmement effectif des groupes armés présents et l’existence d’actes de stigmatisation à l’endroit de la population en raison de son origine ethnique ont également constitué un facteur d’instabilité et de violence. La phase actuelle du conflit dans la région des Grands Lacs a débuté en 2021 par des exactions commises dans le Nord-Kivu et l’Ituri et la reprise des armes par le M23.

Deux initiatives diplomatiques importantes ont été lancées pour tenter d’apporter une réponse durable. La première, appelée processus de Luanda, est menée depuis le 23 novembre 2022 sous l’égide de l’Angola et se concentre sur le dialogue politique régional et les questions de sécurité transfrontalière. La seconde, le processus de Nairobi, conduit sous l’égide de la communauté d’Afrique de l’Est depuis novembre 2022, facilite le dialogue entre le gouvernement congolais et les groupes armés en vue de la cessation des violences. Le 4 août 2024, un accord de cessez-le-feu négocié par l’entremise de l’Angola est entré en vigueur dans ce cadre mais a volé en éclats à l’automne 2024, conduisant à la situation que nous connaissons à présent et à la prise de contrôle d’une partie du Nord-Kivu et du Sud-Kivu par le M23.

Fait suffisamment rare pour être souligné, le 21 février 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité la résolution 2773 appelant les rebelles du M23 à cesser immédiatement leur offensive dans l’Est de la RDC et demandant aux forces rwandaises d’interrompre leur soutien à ce groupe rebelle armé et de se retirer de la zone. Parallèlement, le Conseil de sécurité a également condamné sans équivoque l’appui apporté par les forces armées de la RDC aux forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et demandé que les engagements visant à neutraliser ce groupe soient réalisés.

J’observe avec intérêt que, sous l’égide de l’émir du Qatar, les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame se sont entretenus en face-à-face le 18 mars dernier. Cette initiative s’est inscrite en soutien aux processus de Luanda et de Nairobi, désormais fusionnés sous la coordination des blocs régionaux de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC).

Des sources diplomatiques ont indiqué que deux dialogues directs seraient en préparation : l’un entre Kinshasa et Kigali, l’autre entre Kinshasa et le M23. Monsieur le gouverneur, pouvez-vous nous confirmer ces informations ? Plus globalement, pouvez-vous nous donner des éléments sur la situation sur place, notamment sur les forces en présence et l’étendue des pertes territoriales et humaines ? Comment envisagez-vous le processus de résolution d’une situation aussi compliquée que dramatique ?

Il est souvent question de guerre économique pour expliquer la situation, notamment la volonté de capter une grande partie des richesses. Pourriez-vous également nous préciser les ressorts de ce conflit ? Enfin, puisqu’il s’agit de deux pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), quel rôle la France et la Francophonie pourraient jouer dans les mois ou années à venir afin de contribuer à l’apaisement et à la résolution de la situation ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki, gouverneur de la province du Sud-Kivu en République démocratique du Congo. Je remercie l’État et le peuple français pour tous les efforts développés jusqu’à présent afin d’essayer de ramener la paix, la stabilité et la sécurité dans la région des Grands Lacs, notamment dans la partie Est de la République démocratique du Congo, qui est affectée par des conflits depuis le génocide rwandais de 1994.

Je suis né et j’ai grandi dans les environs de Bukavu, au Sud-Kivu, à proximité des communautés rwandaises ; nous sommes donc des voisins. Je tiens à indiquer que la guerre est essentiellement économique. Avec environ vingt millions d’habitants sur un espace qui peut seulement en accueillir cinq à six millions, le Rwanda a urgemment besoin de terres, ce qui explique cette guerre de peuplement. Ensuite, le commerce joue également un rôle : plus de 70 % des activités commerciales du Rwanda s’effectuent avec le « Grand Kivu », qui regroupe le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Simultanément, plus de 60 % de l’économie du Sud-Kivu est en lien avec le Rwanda.

Le troisième élément concerne les minerais stratégiques. Le Rwanda joue en effet le rôle de commissionnaire vis-à-vis des grandes puissances et grandes multinationales qui ont besoin de ces minerais stratégiques. Elles passent ainsi par le Rwanda, qui dispose d’infrastructures, pour essayer d’accaparer les minerais.

Ne nous trompons pas : le Grand Kivu ne peut pas vivre sans le Rwanda, et inversement. Nous resterons des voisins éternels, raison pour laquelle il est nécessaire et urgent de trouver une solution à long terme à la tragédie qui sévit dans la région. La province du Sud-Kivu est la province la plus riche de la RDC, même si la province qui produit aujourd’hui le plus de revenus pour les caisses de l’État est celle du Lualaba, dans le grand Katanga, où habitent trois millions d’habitants. Les bénéfices y sont générés par deux produits miniers, le cuivre et le cobalt, pour un montant de 53 millions de dollars par mois.

En réalité, la province du Sud-Kivu est quatorze fois plus riche que celle-ci, grâce deux types de ressources minières. Il s’agit d’abord des ressources en cours d’exploitation, c’est-à-dire la cassitérite, l’or, le coltan et la tourmaline, qui sont exploitées seulement à 30 %. Il s’agit ensuite de minerais stratégiques non exploités mais certifiés : le cobalt, le diamant, les dix-sept minéraux composant les terres rares. Nous disposons également de la première réserve de l’Afrique australe en lithium mais il faut également parler du manganèse ou du mercure. Nous sommes en outre dotés d’autres produits comme le gaz, le méthane et le pétrole mais aussi d’importantes réserves forestières, notamment dans le parc national de Kahuzi-Biega, qui recèle des spécimens rares.

La province du Sud-Kivu dispose de multiples opportunités d’investissement. Vingt-neuf aéroports sont à construire ou à réhabiliter. La province possède le deuxième port de la RDC, à Kalundu sur le lac Tanganyika, qui permet de connecter l’Afrique du Sud et donc l’océan Atlantique et l’océan Indien. Il s’agit également du seul port en eaux profondes de la RDC. Au total plus de cent quarante-cinq ports doivent être réhabilités en République démocratique du Congo, de même que plus de 3 000 kilomètres des routes. À titre d’exemple, l’État congolais paye aux entreprises chinoises 3 millions de dollars par kilomètre construit.

Par ailleurs, la seule ville de Bukavu rassemble plus de trois millions d’habitants alors que l’ensemble de la province compte environ douze à treize millions d’habitants. Tout reste à construire dans cette zone, en termes d’énergie, d’infrastructures et d’industries. Il y a six mois, nous avons pris le pouvoir à la tête de la province du Sud-Kivu et avons initié une série d’audits sur les secteurs économiques de la province. Il est apparu que les minerais de la province du Sud sont exploités illégalement par des entreprises à capitaux chinois.

Ainsi, 1 600 entreprises ont été identifiées et aucune n’est en règle : toutes exploitent les ressources illégalement, dont 750 000 kilos d’or extraits tous les six mois et ensuite dirigés vers le Rwanda, qui possède des usines de raffinage au bord de la frontière. Les capitaux proviennent parfois du Rwanda, en liquide, traversent la frontières grâce à la corruption qui sévit malheureusement dans nos services, pour être ensuite acheminés au Nord-Kivu et au Sud-Kivu en échange des produits qui suivent le chemin inverse. Naturellement, nous ne recevons rien en contrepartie ; aucun dividende n’est versé.

Dans le cadre des réformes que j’ai menées à la tête de la province, j’ai d’abord suspendu toute activité minière en prenant un arrêté le 18 juillet dernier. À cette occasion, nous avons identifié les 1 600 entreprises dont je vous parlais. Certaines exploitent les ressources depuis dix ans mais ne sont enregistrées nulle part, n’ont jamais obtenu de permis d’exploitation ou de recherche, fonctionnent sans permis de travail et n’ont jamais payé aucun impôt.

Il est erroné de croire que 90 % de cette production est destinée à la Chine. Les enquêtes et les mémoires de fin de cycle des étudiants attestent que 67 % de cette production prend en réalité la direction du Moyen-Orient, vers Dubaï, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, le solde étant dirigé vers la Chine. Enfin, moins 2 % de cette production atteint l’Europe, contrairement à ce que l’on raconte ici ou là.

Mais, comme Patrice Lumumba le disait, « Si l’on nous exploite, c’est que nous sommes exploitables ». Les six mois que je viens de passer à la tête de la province m’ont permis de réaliser que cette province, qui pourrait dégager plusieurs millions de dollars chaque mois, ne générait en réalité mensuellement que 500 000 dollars américains, en raison d’une taxation confiscatoire, de lourdeurs administratives et d’une terrible corruption. Le Rwanda l’a compris et s’est efforcé de mettre de l’ordre chez lui : 90 % des hommes et des femmes d’affaires – donc des affaires – du Grand Kivu, se tournent vers lui.

C’est la raison pour laquelle nous avons initié une série de mesures. La première visait à réduire cette fiscalité confiscatoire, la faisant passer de 80 % à 26 %. Nous avons également supprimé plus de cent quarante-sept taxes, initié un processus de bancarisation et de numérisation, mis en place des guichets uniques pour toutes les transactions commerciales. Ces opérations ont commencé à produire des effets. Nous avons imposé une politique de bonne gouvernance et avons arrêté plus d’une quarantaine de hautes personnalités impliqués dans la corruption. Nous avons interrompu l’activité d’entreprises chinoises qui exploitaient illégalement et nous les avons forcées à commencer à payer.

L’ensemble de ces mesures ont commencé à générer de l’argent dès le premier mois : au lieu des 500 000 dollars mensuels, nous avons pu dégager 1 750 000 dollars pour les recettes de l’État. Si l’ensemble des mesures devaient être mises en place, nous avons estimé qu’elles permettraient de rapporter 25 millions de dollars mensuels au bout de sept mois.

En conséquence, cette région s’entretue pour rien. Il y a suffisamment d’argent pour permettre aux Rwandais, Burundais, Congolais et autres acteurs internationaux de s’y retrouver. Je ne veux pas rentrer dans la polémique consistant à savoir qui a raison et qui à tort. Nous savons que la tragédie qui sévit a déjà emporté des millions de citoyens congolais. Les Rwandais souffrent aussi de cette guerre, contrairement à ce que le régime essaye de dire. Aujourd’hui, plus de 3 500 citoyens congolais du Grand Kivu traversent tous les jours la frontière vers le Rwanda, soit pour y vivre, travailler et commercer, et plus de 4 000 Rwandais font de même, dans l’autre sens.

Comme je le disais précédemment, nous ne pouvons pas vivre les uns sans les autres, nos destins sont intimement liés. Dès que j’ai eu l’occasion de rencontrer le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, j’ai évoqué la nécessité et la pertinence de discuter avec son homologue rwandais. Je lui ai fait comprendre que ces gens se battent depuis trente ans pour trois motifs : les terres – les Rwandais veulent déverser leur trop-plein de population chez nous –, les minerais et l’économie, qui fonctionne grâce au Congo. J’ai également expliqué que nos populations du Grand Kivu ne peuvent pas non plus vivre sans ces transactions.

Selon nos informations, les États-Unis ont déjà injecté plus de 500 millions de dollars dans l’industrie minière au Rwanda, notamment dans les usines de raffinage de minerais extraits, comme l’or. Je propose un deal semblable à celui qui est en cours de négociation pour mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine : un accord « minerais pour la paix, la sécurité et le développement ». Concrètement, comme nous disposons d’un très grand nombre de ressources chez nous – minerais, terres, forêts –, nous pouvons les transformer en opportunités pour les affaires, en lien avec des entreprises crédibles et non plus seulement des entreprises à capitaux chinois qui ne respectent pas les dimensions éthiques et équitables, les droits de l’Homme et la protection de l’environnement.

Il s’agit d’intégrer des entreprises européennes, notamment françaises, des entreprises américaines, et de leur permettre d’exploiter les premières réserves mondiales de cassitérite, de coltan, de cobalt, de cuivre, de diamants, qui se trouvent au Sud-Kivu. Pour faciliter ce mécanisme, nous avons créé un cadre juridique permettant aux investisseurs de venir rapidement. Nous avons créé la société provinciale des minerais, la société provinciale des infrastructures et la société provinciale de l’agroforesterie communautaire, la société provinciale de l’eau et la société provinciale d’assainissement.

Grâce à ces actions, nous avons pu récupérer plus de deux cents concessions minières qui étaient détenues illégalement et que nous avons restitué à l’État congolais. Nous avons également sollicité le pouvoir central, afin qu’il nous transfère une partie de ces concessions minières au Sud-Kivu. Selon les lois du Congo, la province peut déjà signer des contrats internationaux, sous-régionaux ou nationaux avec différents partenaires.

Il faut que les présidents Tshisekedi et Kagame discutent entre eux, que les milices du M23 discutent avec les équipes de notre gouvernement, avec l’aide de certaines organisations qui connaissent l’histoire de la sous-région et dont nous sommes membres. Je pense particulièrement à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Je rappelle d’ailleurs que la RDC avait voté favorablement lors de l’élection à sa tête d’une secrétaire générale rwandaise, Mme Louise Mushikiwabo. Je rappelle aussi que la RDC est le premier pays francophone au monde.

La Francophonie pourrait prendre la main et organiser une conférence régionale réunissant les gouverneurs du Sud-Kivu et des provinces voisine au Rwanda, au Burundi et Tanzanie, mais aussi la société civile, afin de réfléchir ensemble. Simultanément, nous devons également mettre en place des solutions sous-régionales. Celles-ci peuvent intervenir dans le cadre de la Communauté économique des pays des Grands Lacs, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), la Conférence de coordination pour le développement de l’Afrique australe (SADC) ou la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

Ces actions doivent ainsi s’intégrer dans l’accord-cadre d’Addis-Abeba, le seul accord signé et ratifié par l’ensemble des chefs d’État de la région. Mais il est évident que les combats concernent l’appropriation des minerais, comme en témoigne la cartographie de la progression de l’armée rwandaise à l’intérieur du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, qui correspond au positionnement des sites miniers. Par exemple, la première réserve mondiale de coltan et de cassitérite est située à Walikale, dans le Nord-Kivu, et se trouve exploitée par la société américaine Alphamin. Cette mine suscite l’intérêt des Rwandais, qui progressent en sa direction, de même que vers Walungu, zone dans laquelle la société canadienne Banro exploitait jadis des minerais – or, cassitérite et coltan – dans les mines de Twangiza, Namoya, Lugushwa et Kamituga. Des entreprises chinoises ont également signé des accords illégaux avec le M23, qui a notamment reçu 500 000 dollars en liquide pour l’exploitation d’un seul site. Or cet axe comporte plus de quatre-vingt-sept sites miniers.

En conclusion, j’indique à nouveau que nous pouvons trouver une solution en associant, dans un deal, le Rwanda, les États-Unis, la France, l’Ouganda et, plus largement, tous les pays de la sous-région, afin de développer un partenariat gagnant-gagnant où tout le monde pourra s’y retrouver, au bénéfice des populations.

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie pour cette présentation au plus proche du terrain, qui met en lumière une possible résolution du conflit autour d’un axe économique, qui est selon vous la principale raison du conflit.

Je donner à présent la parole aux orateurs des groupes politiques.

M. Bertrand Bouyx (HOR). La région des Grands Lacs – et en particulier l’Est de la République démocratique du Congo et la province du Sud-Kivu – traverse une crise sécuritaire et humanitaire alarmante. Depuis plusieurs mois, nous assistons à une recrudescence des violences, avec la résurgence du M23, un groupe armé dont l’activité déstabilise toute la région et qui, selon de nombreux rapports internationaux, bénéficie de soutiens extérieurs.

Cette situation aggrave un conflit déjà marqué par une exploitation illégale et violente des ressources naturelles. Les civils paient un prix tragique, qui se traduit par des massacres, des violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre. L’Organisation des Nations unies (ONU) estime que depuis début janvier, plus d’un demi-million de personnes ont été déplacées par les combats. Aujourd’hui, les camps de déplacés débordent et les conditions de vie sont alarmantes, marquées par une insécurité persistante, une malnutrition grandissante et un accès insuffisant aux soins médicaux de base. Face à ces défis, la réponse humanitaire peine à suivre et les organisations sur le terrain alertent sur une catastrophe en cours.

Dans ce contexte, la communauté internationale s’interroge sur les actions concrètes entreprises par la RDC pour assurer la protection des populations civiles, lutter efficacement contre l’impunité des groupes armés et mettre un terme à l’exploitation illégale des ressources qui alimentent le conflit. Le groupe Horizon souhaite savoir comment votre gouvernement entend renforcer la coopération régionale et mobiliser ses partenaires internationaux pour restaurer une paix durable dans cette région, qui souffre depuis bien trop longtemps.

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Vous avez raison de souligner les innombrables violations des droits de l’Homme. Lors de ma prise de fonction, l’une de mes premières mesures a consisté à mettre en place des équipes pour collecter des informations sur le terrain. Il apparaît que plus de quarante-sept enfants de huit à seize ans ont été fusillés à bout portant par l’armée rwandaise, notamment dans le camp militaire de Saïo, principale base militaire située dans la ville de Bukavu, au Sud-Kivu. Des cas d’enlèvement, de disparition, de violence sexuelle et de viol, de passage à tabac et de torture perpétrés par le M23 ont également été rapportés.

Nous menons ces investigations afin que, un jour, justice soit rendue. Une demande a été adressée pour la mise en place d’une session spéciale du conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Hier, ce dialogue interactif s’est déroulé concernant la situation du Nord-Kivu et du Sud-Kivu depuis l’occupation du M23 allié au Rwanda ; je remercie d’ailleurs la France pour son intervention très pertinente.

Nous avons également demandé la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle aux niveaux national et provincial. Nous avons élaboré un plan provincial pour la justice transitionnelle et demandons l’établissement, le plus rapidement possible, d’une cour pénale spéciale pour le Congo. Nous remercions à ce titre le gouvernement français, qui constitue avec la Belgique le fer de lance de cette lutte. Le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), M. Khan, s’est d’ailleurs rendu au Nord-Kivu et à Kinshasa pour travailler. La représentante spéciale de l’ONU pour la RDC, Mme Bintou Keita était présente ici, il y a quelques jours. Enfin, nous travaillons également avec le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme.

Nous demandons que la communauté internationale puisse allouer suffisamment de moyens à la société civile, mais aussi à la communauté humanitaire, pour faire face à cette crise dans le Grand Kivu. Pour le moment, sur les 2,4 milliards de dollars demandés, seuls 7 % ont été alloués. S’agissant de la coopération régionale, des discussions se poursuivent à Dar es Salam, à Nairobi et à Luanda. Des accords sous-régionaux, appuyés par des partenaires comme l’OIF pourraient jouer un rôle déterminant pour résoudre cette situation.

M. Laurent Mazaury (LIOT). En mars dernier, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés indiquait que près de 900 viols ont été commis dans l’Est de la RDC en l’espace de deux semaines, soit une moyenne de soixante par jour. En 2023, 123 000 cas avaient déjà été recensés dans l’ensemble de la RDC, dont plus de 70 % à l’Est du pays. Le recours aux violences sexuelles et aux viols comme arme de guerre n’est pas nouveau dans cette région du monde. En s’attaquant aux femmes, mais aussi aux petites filles, toute la société est visée.

Le rapport Mapping, publié en 2010, faisait état des violations des droits de l’Homme les plus graves commises entre 1993 et 2003. Il indiquait que « L’impunité, l’indiscipline, la haine ethnique, la normalisation de la violence, les croyances mystiques, les phénomènes de coercition mentale exercés sur les enfants soldats, l’encouragement passif ou actif de la hiérarchie militaire institutionnelle et rebelle expliquent la généralisation des violences sexuelles qui ont touché les femmes de tout âge, y compris les fillettes, parfois de cinq ans seulement, et les femmes âgées ».

Le projet Mapping avait notamment comme objectif d’élaborer une série d’options destinées à aider le gouvernement de la RDC à identifier les mécanismes appropriés de justice transitionnelle en matière de vérité, de justice, de réparation et de réforme permettant de traiter les violations perpétrées. En 2021, dans son rapport, le secrétaire général sur la mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) a estimé encourageants l’attachement du gouvernement congolais à la progression de la justice transitionnelle et les progrès dans l’instauration de mesures de justice transitionnelle dans la région du Kasaï.

Pourriez-vous nous faire état du développement de cette justice transitionnelle dans votre région, à ce jour, et plus largement en RDC ? Par ailleurs, le bureau des droits de l’Homme de l’ONU accuse, en dehors des crimes du M23, l’armée congolaise de violences sexuelles. Qu’en est-il et quelles sanctions seront enfin prises ? Pouvez-vous vous engager au nom de votre gouvernement à ce que ces agissements et ces crimes insupportables cessent définitivement ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Il existe effectivement des violations des droits de l’Homme à l’encontre des femmes, notamment des violences sexuelles et des viols. J’y suis particulièrement sensible, ayant été conseiller régional pour la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale pour le fonds de développement des Nations unies pour la femme. Ces cas de violences sexuelles sont perpétrés par différents groupes armés, y compris par quelques éléments indisciplinés des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des forces Wazalendo. Mais ces violences sont essentiellement le fait des forces rebelles du M23 et de l’armée rwandaise opérant dans le Grand Kivu.

Le gouvernement congolais a mis en place un certain nombre de mécanismes, dont l’organisation des audiences foraines. Dans la province du Sud-Kivu, j’ai nommé un jeune activiste compétent issu de la société civile et spécialiste de ces questions en tant que ministre de la justice, des droits de l’Homme, de la promotion et de la protection du genre et des droits humains et de la femme. Nous mettons un accent particulier sur la nécessité de protéger les femmes et les enfants, mais aussi sur celle visant à mettre en application une série des résolutions que nous avons signées, dont la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Au Sud-Kivu, nous avons établi une commission provinciale pour la justice transitionnelle, qui travaille avec les différents mécanismes sous-régionaux et internationaux pour élaborer un plan spécial. Nous avons organisé vingt-quatre audiences foraines au Sud-Kivu, dont 80 % concernaient effectivement des violences sexuelles liées au conflit. Dans ce cadre, 60 % des personnes sanctionnées étaient des éléments des FARDC.

Des personnes ont été condamnées et emprisonnées pour ces faits très graves mais, lorsque le M23 est entré dans la ville de Bukavu début février, il a libéré l’ensemble des prisonniers. Cet acte est conforme à la tactique du Rwanda, qui consiste d’abord à créer le chaos, à affaiblir l’économie et à susciter de graves crises pour ensuite se présenter en libérateur. Plus de 3 000 criminels ont ainsi été libérés de la prison centrale de Bukavu par le M23. Par ailleurs, compte tenu des critiques internationales après la prise de Bukavu, il ne reste plus que 200 éléments du M23 dans la ville, à l’heure actuelle. Néanmoins, en l’absence des institutions de police et de justice localement, de graves violations des droits de l’Homme y sont commises.

Ensuite, j’ai fait partie des rédacteurs du rapport Mapping lorsque j’étais expert de l’ONU aux droits de l’Homme. Comme je l’ai indiqué, nous sommes en contact avec la CPI. Le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et sa première ministre Judith Suminwa Tuluka ont mis en place un mécanisme national et l’Assemblée nationale a déjà voté les lois en faveur des droits humains de la femme. J’ajoute que le pourcentage de femmes représentées dans les mécanismes de prise de décision est passé de 4 % à 27 % aujourd’hui.

M. le président Bruno Fuchs. Vous avez mentionné des « éléments indisciplinés » des forces armées congolaises. Confirmez-vous qu’il n’y a pas eu de stratégie délibérée émanant des hauts responsables militaires ? Selon vous, il ne s’agit que d’indiscipline.

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Les investigations que nous avons menées démontrent qu’il n’y a pas eu d’ordres donnés mais des problèmes d’indiscipline au sein de l’armée, qui n’a pas toujours été très bien encadrée. Depuis 1997 et la prise de pouvoir des Kabila père et fils, l’armée a été forcée d’accueillir des éléments « brassés », qui ne disposaient pas de formation militaire et ont été parfois promus colonels ou généraux du jour au lendemain. De même, de nombreux citoyens rwandais qui étaient des criminels dans leur pays ont occupé des postes d’officiers supérieurs dans notre armée. Nous nous efforçons de corriger cette situation ; la réforme du secteur de la sécurité constitue l’une des priorités du gouvernement actuel.

M. Davy Rimane (GDR). Depuis plus de trente ans, l’Est de la RDC est le théâtre d’une tragédie humanitaire sans précédent, qui a produit plus de dix millions de morts. Les raisons de ce conflit sont connues, qu’il s’agisse des ingérences régionales, de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC ou du contexte historique d’ethnicité et de colonisation. Les exactions commises par le M23 et l’escalade à laquelle nous assistons risquent d’embraser la région des Grands Lacs en l’entraînant dans une guerre aux conséquences humanitaires terribles.

Dans ce contexte, l’émir du Qatar a réussi à réunir mi-mars, à Doha, les chefs d’État congolais et rwandais, permettant d’entamer les discussions sur l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu. Les deux parties se sont engagées à poursuivre les discussions pour établir des bases solides à une paix durable et se sont prononcées en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel.

Pourtant, dans le prolongement de cette rencontre, le M23 s’est retiré des négociations directes qui devaient se tenir avec les autorités congolaises. Le M23 estime que lequel les sanctions prises par l’Union européenne (UE) constituaient un obstacle à ces pourparlers. Il semblerait que l’annonce de ces sanctions européennes à la veille des pourparlers puisse être qualifiée, a minima, de maladresse. Elles ont offert un prétexte idéal au M23 pour se retirer des négociations. Toutefois, notons que ces sanctions ne sont ni nouvelles, ni isolées.

Cependant, la tenue de cet échange nous aurait peut-être permis collectivement d’y voir plus clair sur les revendications du M23. En tant qu’acteur de terrain, pouvez-vous nous fournir des éléments nouveaux ou des éclaircissements sur les suites de l’échange de Doha. Par ailleurs, nous savons que plus de 100 000 personnes ont fui le conflit dans l’Est de la RDC et qu’elles ont trouvé refuge dans les pays voisins. Auriez-vous des précisions concernant ces données chiffrées dans le cas spécifique du Sud-Kivu, où la situation s’est particulièrement détériorée ces derniers mois ? Comment s’organisent les échanges et les relations avec les pays voisins d’accueil ? Quelles sont les perspectives de retour à moyen et long termes ? Enfin, quel regard portez-vous sur le potentiel retour de la Monusco dans la province du Sud-Kivu ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Le régime du Rwanda se comporte de la même manière que M. Netanyahou vis-à-vis de la communauté internationale et des résolutions de l’ONU concernant Gaza et la Cisjordanie. Tout le monde sait que le Rwanda occupe une partie du Congo depuis trente ans mais les efforts manquent pour parvenir à le faire sortir définitivement. Ainsi, le rapport Mapping n’a jamais été mis en œuvre, l’UE a prononcé des sanctions à l’égard du M23 mais elle n’est pas allée plus loin.

Il faut, à la fois, renouer le dialogue mais également prendre des sanctions immédiates contre ceux qui boycottent les négociations. En respect des résolutions et des décisions qui ont été prises par la communauté internationale et régionale, l’armée rwandaise et le M23 doivent se retirer du Kivu. Les autorités provinciales légalement élues doivent pouvoir retourner à leurs postes. Les discussions conduites à Doha ont permis de calmer la situation sur le terrain et de soulager la population. Dès lors, nous espérons que ces discussions pourront véritablement continuer.

Selon nos statistiques, 142 000 personnes ont été déplacées, essentiellement vers le Burundi. Ces gens vivent dans des conditions terribles, inhumaines, dans la mesure où le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ne reçoit pas suffisamment d’aide pour pouvoir les assister. Nous avons besoin de vivre en harmonie, malgré la guerre. A l’heure où je vous parle, au moins deux millions de Congolais vivent et travaillent au Rwanda, de la même manière que plus de quatre millions de Rwandais vivent et travaillent chez nous, dans le Grand Kivu, à Kinshasa ou ailleurs en RDC.

Le rôle de la Monusco a été indéniablement important. Plus généralement, je pense que tous les acteurs internationaux constitueront vraiment un maillon important dans la résolution pacifique de ce conflit. Dans ce cadre, il est nécessaire de clarifier le mandat mais, surtout, de donner des moyens et des opportunités à la RDC pour achever le processus de restructuration de son armée. Lorsque le Wazalendo et tous les groupes armés seront intégrés dans les processus de désarmement, de mobilisation et de réinsertion, il conviendra d’aider ceux qui veulent aller de l’avant.

Depuis 1994, l’armée rwandaise gère l’Est du Congo. Pourquoi n’a-t-elle pas éliminé les FDLR ? Le rapport du haut-commissaire de l’ONU a montré qu’il s’agit de forces résiduelles, qui ne constituent plus un danger.

M. Stéphane Rambaud (RN). Monsieur le gouverneur, votre province subit de plein fouet l’offensive du M23, soutenu par le Rwanda, qui s’empare de villes comme Bukavu et pilles vos ressources – coltan or, diamant – au nez et à la barbe d’une Union européenne complaisante. Ce pillage, orchestré par Kigali, finance une guerre responsable de huit à dix millions de victimes civiles congolaises en quelques décennies.

Il contraint aussi des centaines de milliers d’habitants à devenir des réfugiés intérieurs, ignorés par une communauté internationale trop souvent indifférente. L’aide humanitaire devient impossible à acheminer en raison du rôle actif joué par le Rwanda. Pendant ce temps, l’Union européenne, drapée dans ses prétendues valeurs éthiques, se contente d’acheter ses matières premières volées et de verser 20 millions d’euros au Rwanda pour ses interventions au Mozambique, sans aucun contrôle.

Le Rassemblement national, comme l’a martelé Marine Le Pen en janvier 2025, refuse cette hypocrisie. L’UE doit cesser d’être le receleur du pillage rwandais en RDC. Le 10 février, notre groupe au Parlement européen a déposé une motion exigeant la condamnation de l’agression rwandaise via le M23, la suspension immédiate des aides et accords avec Kigali, notamment le mémorandum sur les matières premières, et un soutien concret à l’armée congolaise face à ces violations de votre souveraineté. Nous déplorons par ailleurs l’inaction de la Monusco, incapable de protéger vos populations après vingt ans de présence. Monsieur le gouverneur, comment percevez-vous aujourd’hui l’action de l’Union européenne dans la région ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Une tragédie sévit depuis 1994 en raison de l’action du Rwanda. Ensuite, l’Union européenne a développé depuis longtemps un certain nombre de projets importants en RDC. Mais laissez-moi vous faire part de ma perplexité, dans la mesure où l’UE est aujourd’hui le principal bailleur de fonds du Rwanda, à hauteur de 67 %, et l’un des principaux acheteurs de minerais en provenance du Rwanda. Il existe là une contradiction entre une position affichée de promotion de la protection des droits de l’Homme et la poursuite de l’appui à un régime qui ne respecte pas les diligences en matière des droits de l’Homme.

Néanmoins, nous sommes conscients que la solution viendra d’abord de l’Union européenne et des citoyens européens, qui devraient faire pression pour changer la donne. Le rapport Mapping doit être mis en œuvre, le contrat sur les minerais doit plutôt être conclu avec la RDC qu’avec le Rwanda. Pour autant, il n’est pas question d’humilier quiconque ; le Rwanda devra faire partie du nouveau deal.

En revanche, il est impossible de se satisfaire du deal actuel où les Chinois exploitent les ressources du Kivu, qui transitent ensuite par le Rwanda avant d’être expédiées en Europe ou ailleurs. Nous avons créé des mécanismes permettant aux Rwandais et aux Congolais de s’y retrouver, dans des partenariats éthiques, équitables et gagnants-gagnants.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Monsieur le gouverneur, je me réjouis de m’adresser à vous aujourd’hui en tant que députée des Français qui vivent en Afrique subsaharienne pour faire le point au plus près du terrain sur la situation en République démocratique du Congo. Nous constatons hélas le triste bilan de cette crise connue par votre pays et en particulier votre région depuis la reprise des affrontements en 2023 et la prise de Goma et Bukavu au Sud-Kivu par les forces du M23.

La situation humanitaire est catastrophique. Je rappelle que ce conflit, sous différentes formes, dure depuis plus de trente ans et implique aujourd’hui des dizaines de groupes armés rebelles, étrangers ou congolais. Je souhaite ici saluer tous les humanitaires, et notamment les Français, qui restent sur le terrain pour soutenir les plus vulnérables. Je tiens également à rappeler le soutien de la France à toute mesure permettant de mettre un terme aux combats et de reprendre le dialogue, travail auquel notre pays s’attèle en bilatéral, en parlant aussi bien avec la RDC qu’avec le Rwanda ou d’autres États de la région.

La France agit également dans les enceintes internationales. Je rappelle ainsi que la France a fait adopter à l’unanimité devant le Conseil de sécurité une résolution condamnant les offensives du M23 et appelant au retrait des troupes rwandaises de RDC. Notre diplomatie a toujours plaidé en faveur du respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC et s’indigne du prix que doivent payer, comme toujours, les populations civiles. Je veux croire au message d’espoir qu’a fait naître la rencontre au Qatar, le 18 mars dernier, entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi, sous l’égide de l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, dont je salue les efforts en faveur de la paix.

Monsieur le gouverneur, le chef-lieu de la province du Sud-Kivu a dû être relocalisé à Uvira, avec toutes les instances légales, et une administration parallèle a été mise en place à Bukavu. Pouvez-vous nous dire comment les administrations et les services publics peuvent fonctionner dans de telles conditions ? Voyez-vous sur le terrain des améliorations depuis la rencontre des deux chefs d’État au Qatar ? Comment les députés que nous sommes pouvons-nous vous aider et vous accompagner ? Je pense notamment à l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF).

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Encore une fois, je tiens à rappeler le rôle capital que joue la France ici, sur le terrain. À l’heure où je vous parle, des citoyens français ont refusé de quitter Bukavu car ils ne veulent pas abandonner la population. Je pense notamment au consul honoraire de France à Bukavu, Guillaume de Candolle, et à ses équipes, à Médecins sans frontières France ou à l’Agence française de développement (AFD). L’OIF joue également un rôle déterminant sur le terrain depuis très longtemps. De même, l’ambassadeur de France et son équipe ont compris ce qui s’y déroule et ils nous aident à sensibiliser la communauté internationale.

La tragédie humanitaire est évidente. Les deux grands aéroports de la zone à Bukavu et Goma sont aujourd’hui occupés par le M23, qui les utilise pour faire transiter les minerais pillés dans les dépôts par avion, vers le Rwanda et d’autres territoires. Les Rwandais mènent une politique de « fight and talk » : d’un côté, ils participent aux négociations mais, de l’autre, les offensives vers les zones minières continuent et la population souffre sérieusement.

Les accords de Doha ont effectivement apporté un espoir. L’Assemblée nationale doit continuer à s’impliquer afin que les dirigeants congolais et rwandais comprennent que la population veut la paix. Il est terrible pour elle de vivre dans les zones occupées par des rebelles, des zones sans armée, sans police, sans services de renseignement, où des massacres interviennent tous les jours.

Nous avons déplacé la capitale de la province de Bukavu à Uvira, où j’ai installé l’ensemble de l’administration, c’est-à-dire l’armée, la police, les services de renseignement, les services de douane. Malheureusement, nous ne disposons plus des recettes, qui sont captées par le M23 pour financer sa guerre ; en effet, les ressources minières représentent 78 % de ces recettes de la province.

Nous vous demandons d’être intransigeants, afin que les discussions continuent, mais surtout que les mouvements rebelles se retirent et permettent à l’administration de revenir à Bukavu et à Goma.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Monsieur le gouverneur, permettez-moi d’abord d’avoir un mot pour les plus de six millions de morts causés par ce conflit terrible en République démocratique du Congo depuis les années 1990. Je voudrais également avoir une pensée pour les millions de déplacés internes, qui ont tout perdu, et pour toutes celles et ceux qui ont subi des crimes infâmes sur leur personne.

La France Insoumise se montre entièrement solidaire de ce que vit le peuple congolais et apporte tout son soutien à la République démocratique du Congo dans le cauchemar sans fin qu’elle traverse depuis maintenant trente ans. Les milices du Mouvement du 23 mars, que l’on avait cru défaites en 2013, ont été ressuscités en 2021 par le Rwanda, son principal soutien financier, et sèment depuis la terreur. Elles se sont emparées de Goma en janvier 2023 et le M23 a ensuite envahi votre région, en s’emparant de Bukavu.

L’assemblée provinciale de la région a été obligée de se déplacer de Bukavu à Uvira et n’a pas pu ouvrir sa session avant-hier. Je veux saluer l’engagement de mes collègues parlementaires qui ont eu le courage d’aller au bout de leur mandat malgré la prise de leur ville, et qui sont obligés de siéger maintenant à Uvira. Tous les policiers et militaires de la RDC encore présents après la chute de Bukavu, ont d’ailleurs été transférés à Goma pour poursuivre une formation. L’État congolais n’existe plus dans ces endroits.

Je vous ai entendu nous dire qu’une partie de la solution passerait certainement par la dimension économique et qu’un certain nombre d’entreprises de différents pays pourraient intervenir dans la région sur la question des minerais, qui est évidemment au cœur de ce conflit extrêmement meurtrier. Il me semble quand même qu’une dimension politique doit aussi être trouvée et je voudrais vous entendre à ce propos.

Des sanctions ont été prises par certains pays occidentaux : je pense aux Américains, qui ont sanctionné des dignitaires rwandais, aux Allemands, qui ont convoqué l’ambassadeur du Rwanda dans leur pays. La France ne l’a toujours pas fait et nous recevons d’ailleurs juste après vous l’ambassadeur du Rwanda en France. Pensez-vous que les Français devraient agir comme les Américains et les Allemands ? Qu’attendez-vous d’autre de la communauté internationale ?

Je crois savoir que le M23 et le président Tshisekedi se rencontreront le 9 avril prochain. Ne craignez-vous pas que cette rencontre avec le M23 plutôt qu’avec le Rwanda contribue à davantage privatiser les solutions à ce conflit, que la dimension politique ne soit un peu écartée et que le président rwandais Paul Kagame n’assume pas ses responsabilités en déléguant cette négociation à des milices armées qui, encore une fois, sèment la terreur dans votre pays ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Je partage vos préoccupations Nous devons renforcer la bonne gouvernance dans la gestion de la chose publique et continuer à intégrer des jeunes et des femmes issus de la société civile dans les mécanismes de prise de décision. Nous luttons afin qu’au moins 45 % des femmes occupent des postes clés.

Je suis également très attaché à la justice transitionnelle ; les personnes corrompues, celles qui violent et pillent, doivent être punies par la justice. Sur le plan politique, l’ensemble des acteurs congolais doivent se réunir pour essayer de trouver une solution à leurs problèmes et s’assurer que les présidents Kagame et Tshisekedi continuent à se parler. Des techniciens de la RDC doivent discuter avec leurs homologues de l’AFC/M23 et des jeunes Rwandais pour trouver une solution.

Vous pouvez nous aider en maintenant la pression, afin que la situation actuelle cesse. Les gens souffrent terriblement. Chaque jour, au moins vingt-deux cadavres sont recensés dans la seule ville de Bukavu. Lorsque nous avons été aux affaires, nous avons mis en place des réformes et, chaque mois, aucun mort n’était à déplorer. Nous avons établi un fonds spécial – la dotation provinciale aux forces de défense et de sécurité – pour mieux rémunérer les personnels. Ces actions attestent qu’il est possible de réformer ; nous disposons de suffisamment de moyens.

En conséquence, il faut nous aider à attirer des investisseurs solides dans les secteurs du pétrole et des minerais, pour ne pas laisser la place aux seuls Chinois. Les investisseurs français et européens doivent comprendre qu’un deal important peut être établi : des millions de dollars peuvent être générés dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant impliquant le Congo, le Rwanda, l’Europe et les États-Unis. Cette dynamique économique créera la différence, stoppera ces guerres et permettra d’exiger que les groupes armés se retirent et que les élus récupèrent leurs fauteuils. Il sera alors possible de repartir sur de nouvelles bases, dans le cadre d’une économie éthique et équitable.

M. Pierre Pribetich (SOC). Monsieur le gouverneur, je tiens d’abord à exprimer la solidarité du groupe Socialistes et apparentés avec le peuple congolais qui continue à vivre ce drame, cette catastrophe humanitaire, avec plus de six millions de morts, sept millions de déplacés en interne qui s’assemblent et 500 000 déplacés depuis le début de la dernière offensive. Celle-ci s’accompagne de viols généralisés comme arme de guerre, doublés d’un pillage méthodique et consciencieux des ressources minières, à la fois par les grandes compagnies chinoises, américaines, mais aussi par le M23. Je rappelle que le territoire compte près de la moitié des réserves mondiales de coltan et 70 % des ressources mondiales de cobalt, qui alimentent les achats d’armes, sans compter les pollutions des mines. Je veux solennellement appeler l’UE à arrêter ses achats de minerais de sang, le sang des Congolais.

Après plus de deux ans de tentatives de médiation, l’Angola a annoncé, le 24 mars dernier, la fin de son rôle de médiateur. Cette annonce fait suite à deux échecs : d’une part, la rencontre manquée en décembre dernier à Luanda, entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, qui exigeait que Kinshasa accepte un dialogue direct avec l’Alliance du fleuve Congo (AFC) qui comprend le M23 et, d’autre part, la tentative avortée de dialogue du 18 mars entre Kinshasa et l’AFC/M23, en raison du boycott du M23 en signe de protestation contre les sanctions européennes.

Parallèlement, le Qatar se hisse actuellement au rang de médiateur. Une première rencontre soi-disant secrète entre les présidents congolais et rwandais a eu lieu. Cette situation met l’accent sur le « processus fusionné » que l’Organisation des pays d’Afrique de l’Est et l’Organisation des pays de l’Afrique australe ont mis en place le mois dernier à Dar el Salam.

Quels sont, selon vous, les éléments essentiels pour permettre à ce processus fusionné d’aboutir, en sachant que la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 21 février 2025 a clairement souligné qu’il n’y aurait pas de solution militaire à ce conflit, a appelé à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel et à la fin des soutiens aux groupes armés, sans oublier la condamnation des offensives du M23 et des atteintes aux droits de l’Homme. Nous soutenons naturellement cette démarche mais quels éléments essentiels faut-il intégrer dans ce processus dit fusionné ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Il ne faut pas être dupes, cette guerre est strictement d’ordre économique. En conséquence, si nous n’intégrons pas la dimension business, rien ne pourra aboutir. Depuis trente ans, cela n’est pas arrivé, parce que les gens n’ont pas eu le courage de regarder la vérité en face. Cette vérité est la suivante : la communauté internationale et les multinationales ne peuvent pas vivre sans ces produits miniers.

Le Rwanda veut des terres, à la fois pour cultiver mais aussi pour pouvoir installer son excédent de population. À l’heure où nous parlons, au moins 140 000 familles ont été déversées en un mois au Sud-Kivu pour aller occuper des terres. Mais nous pouvons y arriver ; nous avons vécu avec des communautés rwandaises pendant des générations. À cet égard, nous avons déjà mis en place une société provinciale pour une agriculture éthique et équitable, qui est notamment chargée de gérer les terres. La politique migratoire consistera tout simplement à mettre en application les accords sous-régionaux déjà existants, qui promeuvent la libre circulation des personnes et des biens. Des populations peuvent venir s’installer librement, à condition de respecter les lois de la RDC.

La deuxième dimension concerne les minerais. Il faut indiquer aux Rwandais que les Américains, qui ont déjà construit des usines sur leur sol, pour environ 1 milliard de dollars, ne chômeront pas lorsqu’un deal aura été établi. Celui-ci consistera à impliquer les Américains, les Français et les autres à nous aider à imposer la paix et la sécurité par le retrait des troupes, à réformer l’armée. Les mines du Grand Kivu, les usines du Rwanda et les différentes expertises seront utilisées. Le Rwanda, le Congo, les investisseurs auront leur part des bénéfices générés par l’exploitation des minerais.

De son côté, l’UE doit se retirer des accords illégaux qui la conduisent à traiter avec le recéleur, le sous-traitant, plutôt qu’avec le propriétaire.

Mme Dominique Voynet (EcoS). La République démocratique du Congo connaît l’une des crises les plus sérieuses de son histoire, l’une des plus graves dans le monde actuel. Vous avez parfaitement décrit les attaques et conquêtes dans le Nord-Kivu et dans le Sud-Kivu par des groupes armés – en particulier par les milices du M23, accompagnées par des troupes rwandaises –, le nombre de déplacés, les cas de violence sexuelle, la souffrance de millions de Congolais qui manquent d’aliments et d’eau potable, ce qui entraîne des épidémies dans le contexte d’un manque total d’accès aux soins.

Dans cette situation, notre première réaction a consisté à nous associer, à l’image de l’Union européenne, du Royaume-Uni, des États-Unis ou encore de l’Allemagne, à une politique de sanctions à l’égard de Kigali. Mon groupe politique pensait que la France se devait de mettre toute la pression possible sur le Rwanda pour que les massacres s’arrêtent. Mais je dois dire que votre intervention nous surprend un peu. Elle nous bouscule, dans la mesure où vous plaidez pour une réponse pragmatique. Vous dites qu’elle est d’abord économique et qu’elle appelle une forme de régularisation, de deal impliquant toutes les parties prenantes.

De ce que je comprends, 1 600 compagnies travaillent dans des conditions totalement illégales. Vous avez déployé beaucoup d’énergie pour les mettre au pas mais vous nous dites aujourd’hui qu’il faut suivre l’exemple de l’initiative de paix en Ukraine de « minerais pour la paix ». Dans une situation internationale où l’aide américaine voit sa fin programmée, où les crédits de l’aide publique au développement en France et en Europe marquent le pas, vous plaidez pour des solutions pragmatiques.

Avons-nous tort de plaider pour des sanctions envers Kigali ? Faut-il effectivement privilégier une sorte de paix des braves qui permettrait à tous ceux qui veulent exploiter les richesses considérables de votre pays de le faire dans des conditions normalisées ? J’avoue ne pas avoir très bien compris où vous souhaitez nous emmener. J’ai également cru comprendre que vous étiez vous-même confronté à une forme de remise en cause brutale, puisqu’un gouverneur parallèle – un businessman et non un diplomate ou un élu démocratiquement choisi par la population – est supposé vous remplacer. Qu’attendez-vous de nous exactement ? Comment pouvons-nous vous aider sans que, pour autant, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu soient bradés aux ambitions des hommes d’affaires européens ou américains ?

M. le président Bruno Fuchs. J’ajoute que les parlementaires sont extrêmement concernés et prêts à s’investir pour vous accompagner.

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. La pression doit être maintenue sur le Rwanda, afin qu’il retire ses troupes le plus rapidement possible, avec effet immédiat, que nos gouvernements provinciaux puissent retourner respectivement à Bukavu et à Goma et que les assemblées provinciales puissent à nouveau se réunir sur place. Mais, aujourd’hui, si des sanctions ont été prises, elles ne sont pas encore appliquées.

Ensuite, il est nécessaire d’imposer l’ouverture de couloirs humanitaires. Aujourd’hui, l’aide humanitaire ne peut être acheminée puisque le M23 bloque l’aéroport de Kavumu à Bukavu et celui de Goma, qu’il utilise pour convoyer ses trafics et transporter les minerais vers le Rwanda. Il ne faut pas tomber dans le piège tendu par le Rwanda, qui propose que RwandAir, la compagnie nationale rwandaise, commence à connecter le monde avec Goma et Bukavu. L’accepter reviendrait à consacrer la partition du pays. J’ai également alerté le gouvernement afin qu’Ethiopian Airlines, qui connectait Goma, Bukavu et Kinshasa, n’entame pas des transactions avec un gouvernement illégitime d’occupation.

Il faut nous aider, afin que l’aide humanitaire nous parvienne le plus rapidement possible, mais aussi financer les mécanismes internationaux et sous-régionaux mis en place pour collecter des données. Il importe également de libérer des moyens pour faire en sorte que la commission d’experts indépendante de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme dans le Grand Kivu, qui opère depuis Genève, puisse retourner sur le terrain.

Encore une fois, nous ne voulons pas brader l’économie du pays. Simplement, les ressources sont nombreuses et disponibles. Il suffit de pouvoir les exploiter judicieusement, afin qu’elles profitent au Rwanda, au Burundi, au Congo, à la sous-région, mais aussi aux acteurs internationaux. Il importe de convaincre les entreprises françaises et européennes, afin qu’elles accompagnent les efforts de paix en venant investir dans les routes, dans les minerais, dans les forêts. Ce faisant, elles permettront de créer de l’emploi et de la valeur ajoutée, au lieu de laisser le marché aux seules entreprises chinoises, qui sont en train de détruire l’environnement et les écosystèmes.

Madame Voynet, la tonne de CO2 valait 10 dollars en 2016, contre près de 100 dollars aujourd’hui. Nous aurions besoin d’aide pour mettre en place des mécanismes afin de calculer correctement nos quotas carbone et pouvoir vendre le crédit carbone sur le marché international. Des discussions ont d’ailleurs déjà été entamées à ce sujet avec l’AFD.

Mais au préalable, il est essentiel que les forces négatives se retirent et que nous puissions soulager la misère des gens.

Mme Maud Petit (Dem). Monsieur le gouverneur, je vous remercie, dans le contexte actuel, d’avoir pu vous rendre disponible pour cette audition et de répondre à nos interrogations.

Si au début de cette guerre, les affrontements s’étaient majoritairement concentrés sur le Nord-Kivu, depuis le début de l’année, votre région est fortement impactée par les combats entre les forces armées de la République du Congo, le mouvement rebelle M23 et des milices locales. D’après des rapports internationaux, il apparaît que depuis le mois de janvier 2023, le M23 – qui serait donc soutenu en hommes et en équipements militaires par le Rwanda – a fortement progressé dans votre territoire et pris le contrôle de plusieurs localités clefs du Sud-Kivu. Pourriez-vous nous faire un point exact de la situation militaire dans votre région ?

Ensuite, ces affrontements et avancées de troupes rebelles ne sont pas sans conséquences sur la population. Comme en témoignent des vidéos que l’on m’a envoyées à plusieurs reprises, de nombreuses personnes sont victimes d’exactions, de meurtres, de viols, de violences, de pillages. Certaines organisations non gouvernementales (ONG) présentes sur place font état du déplacement de plus d’un million de personnes depuis le début de l’année. Nombre d’entre elles vivraient, aujourd’hui, dans des conditions extrêmement précaires, dans des logements de fortune, en ayant un accès limité à l’eau, aux soins et à l’éducation pour les milliers d’enfants qui ont été déplacés. Sur ce point précis, vous serait-il possible de nous donner un état des lieux de la situation humanitaire dans le Sud-Kivu ?

Enfin, face à cette situation, la seule lueur d’espoir vient d’une reprise du dialogue entre les deux belligérants. Le président de la RDC et son homologue rwandais, se sont rencontrés le 18 mars dernier et ont appelé à un cessez-le-feu. Des pourparlers directs entre la RDC et les rebelles du M23 sont annoncés pour le 9 avril prochain à Doha, sous l’égide du Qatar. Êtes-vous confiant concernant ces futures négociations et pensez-vous qu’elles puissent amener une paix durable dans votre région et au sein de la RDC ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Le gouverneur du Nord-Kivu a dû déplacer sa capitale de Goma vers Beni. Dans cette province, à Walikale, se trouve la première réserve mondiale de cassitérite, notamment dans une mine exploitée par la société américaine Alphamin, que le M23 convoite. Comme je l’indiquais précédemment, la progression de l’armée rwandaise et du M23 suit précisément la cartographie des sites miniers. Ils imposent la présence d’opérateurs dans ces sites miniers, qui produisent des lingots d’or, extraient la cassitérite, le coltan, le diamant et le cuivre, qui sont ensuite convoyés par avion vers le Rwanda. Aujourd’hui, au Sud-Kivu, le M23 progresse depuis Walungu, une zone très riche en minerais, où sont situées les mines d’or de Tubimbi, vers Kamituga et Mwenga où se trouvent les mines de Namoya, Lugushwa et Kamituga, qui étaient exploitées par la compagnie canadienne Banro et qui présentent des teneurs en minerais de 97 % selon nos dernières investigations.

Nous espérons vivement que le cessez-le-feu aura lieu et qu’il sera respecté. En tant qu’élus du peuple, vous pouvez vous battre et convaincre le gouvernement français et l’UE, qui jouent un rôle déterminant dans ce processus. Nous sommes le premier pays francophone du monde en nombre de locuteurs. Nous devons agir ensemble, la souffrance est si terrible que plus de 1,1 million de personnes ont été déplacées et se sont réfugiées, au Burundi essentiellement. Elles vivent dans des conditions exécrables. Le M23 cherche à dépeupler la zone pour intégrer des populations provenant essentiellement du Rwanda. Le Sud-Kivu est aujourd’hui un mouroir et une prison à ciel ouvert.

Nous espérons que les discussions de Doha seront fructueuses, afin que les forces se retirent. Aujourd’hui, 87 % des recettes de la province du Sud-Kivu sont accaparées par les rebelles du M23. Notre situation est extrêmement difficile.

M. le président Bruno Fuchs. La parole est à présent aux collègues qui souhaitent s’exprimer et vous interroger à titre individuel.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Monsieur le gouverneur, c’est avec une très grande humilité que je m’adresse à vous, en tant que députés d’un État qui ferme des chaînes de télévision et qui empêche la principale opposante au pouvoir en place de se présenter aux élections présidentielles, tout en s’autorisant l’audace de donner des leçons de démocratie et des cours de droits de l’Homme au monde entier.

J’aimerais vous interroger sur l’attitude du président Macron à l’occasion des récents rendez-vous diplomatiques. D’un côté, la déclaration finale du sommet de la Francophonie de Villers-Cotterêts condamne toute intervention militaire étrangère non autorisée sur le territoire de la République démocratique du Congo. D’un autre côté, nous avons été très surpris, pour ne pas dire choqués, par les déclarations personnelles du président Macron, légitimant quasiment le statut des rebelles du M23, tout en condamnant à demi-mot l’implication rwandaise. Quel est votre ressenti sur la position et l’action de la France envers le régime rwandais ?

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie pour votre question, même si je dois relever que la première partie de votre intervention se situe en dehors du sujet qui nous rassemble ce matin

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Il existe certaines contradictions dans les propos de certains dirigeants. Lorsque les Américains s’adressent à nous, ils vont droit au but. Ils nous font part de leur intérêt pour un deal « minerais pour la paix » et nous interrogent sur les modalités pratiques d’un tel accord.

Pour autant, la solution ne viendra pas nécessairement d’une telle démarche. Nous sommes de culture francophone, avons été éduqués en français dans des universités, particulièrement en France ou en Belgique. Le soutien – et donc la parole de la France – passe avant toute autre chose. Nous n’adoptons pas la position des pays du Sahel. La France demeure une très grande démocratie, nous a éduqués, nous a fait avancer.

Dans ce cadre, il serait important que le président Macron et l’ensemble du gouvernement passent de la parole aux actes, en sanctionnant toute partie qui ne respecte pas les engagements qu’elle a précédemment pris. Le Rwanda bénéfice d’une trop grande bienveillance, à ce titre.

M. le président Bruno Fuchs. Nous avons entendu votre message. Nous recevrons cet après-midi le ministre de l’Europe et des affaires étrangères en réunion plénière de cette commission et nous lui poserons la question.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). La RDC a été le théâtre d’un conflit que l’on a appelé « la guerre mondiale africaine ». L’ensemble des États frontaliers sont impliqués dans ce qui se passe aujourd’hui à l’Est de la RDC, y compris parfois de manière négative. Je souhaite vous interroger sur l’impact de la crise au Soudan du Sud sur l’Est de la RDC. Quelles relations entretenez-vous avec le Burundi, l’Ouganda, l’Angola et la Tanzanie, des partenaires diplomatiques mais aussi potentiellement militaires ? Existe-t-il selon vous une solution africaine à cette crise ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Je vous ai rappelé précédemment la citation de Lumumba, « Si l’on nous exploite, c’est que nous sommes exploitables ». Ce problème est d’abord le nôtre ; nous sommes attaqués, nous sommes pillés, mais nous devons fournir des efforts pour nous assurer de pratiques de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion de la chose publique, le respect des droits de l’Homme, l’intégration du genre et des jeunes dans les prises de décision.

S’agissant de l’ensemble sous-régional, nous disposons de bonnes relations avec le Burundi mais aussi l’Ouganda, bien que le fils du président ougandais et commandant de l’armée ougandaise, le général Muhoozi Kainerugaba, formule des propos contradictoires concernant les actions entreprises par son armée. Quoi qu’il en soit, l’armée ougandaise et les FARDC luttent ensemble pour neutraliser les rebelles, qui fragilisent aussi bien l’Ouganda que le Congo. Nous avons enfin de très bonnes relations avec la Tanzanie et l’Angola.

Mais encore une fois, il faut être conscient que ces relations sont également marquées par les intérêts économiques respectifs À nous de savoir comment nous positionner et à vous de nous aider, s’il vous plaît, à manœuvrer.

Mme Christine Engrand (NI). La situation du Sud-Kivu est plus que préoccupante et les incursions répétées des rebelles du M23, largement soutenus par le Rwanda, ont plongé la province dans une spirale de violence, provoquant des déplacements massifs de population et des exactions contre des civils.

Vous nous avez parlé d’un deal gagnant-gagnant avec le Rwanda mais le conflit dure depuis plus de trente ans. Êtes-vous confiant dans une résolution à court terme ? Vous nous dites que le peuple veut la paix. Cela est tout à fait compréhensible mais cette paix est-elle réaliste ? Vous me parlez de techniciens qui doivent se parler mais est-ce possible avec les gouvernements en place ? Enfin, vous avez parlé d’un deal économique. Est-ce un mirage ou une réalité possible ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Je précise que plus 95 % des citoyens congolais et rwandais veulent la paix et veulent vivre en paix. Nous ne pouvons pas vivre les uns sans les autres. Les sociétés civiles du sous-ensemble régional peuvent contribuer à l’avancée des discussions et faire une différence, pour bousculer l’agenda.

La résolution du conflit est effectivement possible. Il faut que les présidents Tshisekedi et Kagame ne quittent la salle des négociations qu’une fois s’être accordés sur un retrait des forces négatives et le retour de l’administration légitime. Il faut faire pression sur le Rwanda. Soyons sérieux, l’intégrité territoriale de notre pays a été bafouée. À une autre époque, le monde entier s’est ligué pour bouter Adolf Hitler hors de la France qu’il avait occupée pendant quatre ans. Nous sommes aussi humains que vous, la République démocratique du Congo est un pays comme les autres. Essayons de produire un effort : si les grandes puissances comme la France affichent leur volonté, il est possible d’imposer au président Kagame un départ de notre pays et de dire au président Tshisekedi de conclure les négociations, afin que la paix revienne.

Les gens se battent pour les minerais ; il est difficile de les convaincre mais nous pouvons trouver un accord pour parvenir à les gérer correctement tous ensemble et, in fine, parvenir à la paix et favoriser le développement.

M. Thomas Portes (LFI-NFP). Vous avez décrit une situation où les combats continuent d’occasionner des centaines de milliers de victimes militaires et civiles en RDC. La France Insoumise réaffirme que pour elle, la solution passe par le respect du droit international, le seul chemin pour assurer la paix dans la région. Un accord régional doit être trouvé sous l’égide de l’ONU pour sortir de ce conflit. Vous avez évoqué un certain nombre de causes, et notamment les groupes miliciens et le rôle joué par le Rwanda, qui arme et soutient ces milices. Vous avez aussi questionné l’action du gouvernement français, qui doit sortir des mots pour passer aux actes concrets. Avec mon collègue Carlos Martens Bilongo, nous avons déposé une proposition de résolution européenne qui sera discutée à l’Assemblée nationale : elle préconise un certain nombre de sanctions contre le Rwanda, et notamment des embargos sur l’exportation de minerais.

Êtes-vous favorable à la suspension par la France de son accord de coopération militaire avec le Rwanda, qui date de 1975 ? Êtes-vous favorable à un boycott ? Nous allons lancer une grande mobilisation, dans quelques jours, qui se tiendra devant le Parc des Princes pour demander au Paris Saint-Germain d’annuler son partenariat avec « Visit Rwanda », qui promeut un État complice de dizaines de milliers de morts et de massacres. S’agit-il selon vous de pistes qu’il faut suivre ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Je rappelle qu’à l’heure actuelle, l’UE est le principal bailleur de fonds du Rwanda et que l’aide au développement en direction de ce pays sert à payer les salaires des fonctionnaires de l’État, dont les militaires.

L’autre élément concerne la coopération militaire, à hauteur de 1 million de dollars, mais aussi l’aide aux forces qui sont engagées dans les opérations de maintien de la paix. Pour avoir passé une grande partie de ma vie dans ces opérations de maintien de la paix, je souligne que toutes les forces doivent respecter la politique de diligence voulue en matière de droits de l’Homme (PDVDH) des Nations unies pour faire partie d’une opération de maintien de la paix. Dans ce cas, pourquoi la force rwandaise, qui n’applique pas ces principes, peut-elle être encore soutenue ?

En conséquence, nous sommes favorables à l’exercice d’une pression maximale, qui peut passer par les éléments que vous venez de citer, au besoin la suspension de l’accord militaire par la France si les forces ne se retirent pas et si les autorités civiles légitimes ne réintègrent pas leur communauté.

M. Hervé Berville (EPR). Mon intervention brisera quelque peu le consensus sur ce sujet. Cela ne sera pas étonnant, dans la mesure où la France a souvent fait preuve d’aveuglement concernant le Rwanda et a largement contribué à l’inaction au moment du génocide des Tutsis. Je rappelle ainsi qu’un million de morts avaient été massacrés à la machette en l’espace d’un mois. Or un génocide se prépare, il ne s’agit pas d’une effusion de sang spontanée. À entendre ce qui se dit ici, le même aveuglement demeure.

Nous soutenons bien évidemment les populations civiles et j’appelle de toutes mes forces à la cessation des activités mettant en danger la population, à la cessation de tous les crimes de guerre. Je suis néanmoins dérangé par un certain nombre d’éléments. D’abord, vous reprenez une rhétorique anti-Tutsis, puisque vous comparez Paul Kagame à Adolf Hitler et à Benyamin Netanyahou, mais ces références sont incompréhensibles. Les Nations unies ont bien documenté qu’une haine anti-Tutsis est bien à nouveau à l’œuvre depuis 2022.

Combien y a-t-il de milices actives au Sud-Kivu ? Ensuite, l’armée congolaise a aussi été condamnée pour des exactions, qui ont été notamment évoquées par la commission des droits de l’Homme des Nations unies. Quels sont ces atrocités et ces crimes de guerre ? Enfin, quel est l’état des forces des FDLR, qui ont-elles aussi été condamnées par les Nations unies pour crimes de guerre, viols et recours aux enfants soldats ?

M. Jean-Jacques Purisi Sadiki. Je suis un acteur et un activiste des droits de l’Homme. J’ai d’ailleurs travaillé au Rwanda, avec le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme. Comme je l’ai indiqué au début de mon propos, les citoyens rwandais, burundais et congolais sont faits pour vivre ensemble. Nous condamnerons toujours tout discours de haine, y compris en justice.

Ensuite, il existe effectivement un grand nombre de milices opérationnelles, à l’image des FDLR, des Wazalendo, des patriotes qui ont pris les armes. Le rapport Mapping de l’ONU liste d’ailleurs toutes les forces opérationnelles qui interviennent dans la partie Est de la RDC, aux côtés des différentes forces de défense et de sécurité du Rwanda, du Burundi ou du Congo. Nous avons documenté les exactions commises par l’armée congolaise, dénoncé effectivement les groupes armés et organisé au Sud-Kivu des audiences foraines qui ont condamné des responsables militaires des FARDC et des civils ayant perpétré ces exactions contre des citoyens rwandais, congolais ou d’autres origines.

Nous croyons que Rwandais, Burundais, Congolais, Ougandais, Français, nous appartenons tous ensemble à un destin commun, que nous partageons la même condition humaine et que nous devons faire cesser tout ce qui est de nature à perpétuer ces conflits. Il faut vraiment que cela s’arrête. Le Rwanda ne peut pas vivre sans le Congo, ni le Congo sans le Rwanda.

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie sincèrement du temps que vous nous avez consacré, des propos que vous avez tenus, de l’espoir que vous exprimez ce matin à travers des solutions précises. Nous retenons également la nécessité absolue d’arrêter les massacres dont la population souffre depuis tellement longtemps, la nécessité de rétablir une aide humanitaire mais également de pouvoir appliquer des sanctions, lorsque celles-ci sont prononcées. Nous souhaitons que la communauté internationale parvienne à aboutir à une résolution rapide de la situation.

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Échange, à huis clos, sur certains propos tenus lors de l’audition

En clôture de sa réunion, la commission procède à un échange de vues, à huis clos, portant sur des appréciations portées par une députée au cours de l’audition qui vient de s’achever.

Mme Stella Dupont (NI). Monsieur le président, j’ai souhaité attendre l’issue de l’audition de M. Jean-Jacques Purisi Sadiki, sur la situation dans la région des Grands Lac pour m’exprimer devant la commission afin de ne pas interférer sur le fond des débats. Je souhaite néanmoins que mon intervention figure au compte-rendu qui sera établi de cette réunion.

Ce matin, nous avons auditionné le gouverneur de la province du Sud-Kivu qui a partagé avec nous la situation dramatique que connaît sa province, dans un contexte d’extrême urgence. En conséquence, j’ai été particulièrement choquée par les propos tenus par Mme Robert-Dehault, qui est revenue sur la situation interne de l’extrême droite en France à la suite d’une décision de justice. Dans ce contexte terrible, il m’a semblé indécent d’évoquer ces éléments.

Nous sommes ici commissaires aux affaires étrangères et je crois que nous devons être vigilants quant aux paroles que nous portons. Malgré nos diversités, nous représentons l’image de la France à l’international. Nous ne devons pas mélanger les genres.

M. Kévin Pfeffer (RN). Mais qui êtes-vous, madame, pour porter de tels jugements. On dit ce que l’on veut en commission, la parole y est libre.

Mme Stella Dupont (NI). Si tel était totalement le cas, j’aurais pu vous demander si vous n’aviez pas honte que de telles attaques soient adressées de manière permanente contre la justice de notre République et contre notre démocratie depuis lundi. Vous instrumentalisez cette commission de façon honteuse !

M. Jérôme Buisson (RN). Certains peuvent trouver cela déplacé. Cela n’est pas notre cas. Mme Robert-Dehault dispose d’une pleine liberté de parole et ses propos n’ont pas dépassé le temps qui lui était imparti lors de son intervention.

Mme Élisabeth de Maistre (DR). Je m’associe aux propos de notre collègue Stella Dupont sur l’indécence des propos tenus, compte tenu du drame que connaît cette région. Il était indécent de la part du RN de s’appesantir sur ces petits problèmes franco-français, alors qu’il est question de viols, d’exactions et de centaines de morts.

M. Pierre Pribetich (SOC). Ici, nous représentons la République et la France. Nos propos doivent en être à la hauteur. Mme Stella Dupont a parfaitement raison de souligner le caractère indécent des propos que nous avons entendus, à la lumière de la situation qui a été évoquée lors de l’audition.

M. le président Bruno Fuchs. Je prends acte de cet échange et vous propose que nous reprenions le cours normal de nos réunions de ce matin, en recevant dans quelques instants M. François Nkulikiyimfura, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Rwanda, pour nous livrer son analyse sur la situation dans la région des Grands Lacs.

 

La séance est levée à 11 h 15.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Hervé Berville, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Alain David, Mme Stella Dupont, Mme Christine Engrand, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Élisabeth de Maistre, M. Laurent Mazaury, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Davy Rimane, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert

 

Excusés. - M. Gabriel Attal, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, Mme Christelle D'Intorni, M. Olivier Faure, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, M. Michel Guiniot, Mme Marine Le Pen, Mme Mathilde Panot, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa

 

Assistait également à la réunion. - M. Thomas Portes