Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n°324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) 2
– présences en réunion...........................33
Mercredi
16 octobre 2024
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 016
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel, Président
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La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
Après l’article 3
Amendement I-CF821 de M. Éric Coquerel
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement reprend la troisième proposition du rapport de la mission d’information relative à l’impôt universel que M. Mattei et moi-même avions présenté en 2019.
La création d’un impôt universel comparable à celui en vigueur aux États-Unis, c’est-à-dire fondé sur la nationalité plutôt que sur la résidence, s’étant révélée impossible, il s’agirait d’appliquer, à l’instar de pays comme l’Allemagne, la Suède l’Italie ou la Finlande, un impôt universel ciblé, ou impôt différencié. Les contribuables percevant un revenu élevé qui s’installent dans un pays pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France seraient ainsi imposés, pendant un certain nombre d’années, sur la différence entre le montant acquitté dans leur nouveau pays de résidence et celui qu’ils auraient payé en France.
Un tel système présenterait l’avantage de ne pas remettre en question les accords bilatéraux conclus par la France, de ne concerner que certains systèmes fiscaux étrangers et d’être concentré sur les hauts revenus.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à votre amendement. D’abord, notre système fiscal repose sur la notion de domiciliation et non sur celle de nationalité. Or vous proposez ici d’instaurer, pendant une durée limitée, une imposition fondée sur la nationalité.
Ensuite, le système de l’impôt universel américain est injuste. Certains de nos compatriotes doivent ainsi de l’argent au fisc américain simplement parce qu’ils sont nés aux États-Unis et ont ainsi accidentellement acquis la nationalité américaine, même lorsqu’ils n’y ont jamais travaillé.
Par ailleurs, cet impôt concernerait tous nos concitoyens vivant à l’étranger, alors que la majorité d’entre eux ne s’expatrient pas pour des raisons fiscales, mais pour faire des études ou travailler.
Enfin, les initiatives internationales comme celle en faveur de l’imposition minimale des personnes très aisées me semblent plus pertinentes et efficaces.
M. le président Éric Coquerel. Le mécanisme que vous décrivez n’est pas celui que nous proposons : il ne s’agit pas de créer un impôt qui s’appliquerait indifféremment à tous les Français, mais un dispositif ciblé qui existe déjà sous différentes variantes dans plusieurs pays de l’Union européenne : au-delà d’un certain seuil de revenu, ceux qui partent s’installer dans un pays à fiscalité privilégiée doivent s’acquitter du différentiel pendant quelques années.
Notre amendement concernerait les personnes ayant résidé en France – et ainsi bénéficié des infrastructures et du système éducatif – trois ans pendant les dix années écoulées. Il permettrait de lutter contre les effets de l’exil fiscal, sans toucher trop durement les personnes souhaitant simplement s’installer dans un pays étranger pour d’autres motifs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif que vous proposez ne me semble pas du tout opérationnel, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté à calculer précisément ce qui constituera « une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ». Je maintiens en outre qu’il conduirait à déroger en partie au critère de résidence, qui fonde le système actuel.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Instaurer un impôt universel semble en effet impossible, en raison des multiples conventions internationales engageant la France, qui reposent sur deux principes : la primauté du critère de résidence fiscale et l’absence de double imposition. En l’occurrence, l’impôt s’appliquerait bien seulement aux personnes résidant fiscalement en France, même si, pour des raisons pratiques, nous avons dû le limiter aux personnes ayant également la nationalité française – il aurait été trop difficile de l’étendre aux étrangers ayant résidé en France.
Peut-être faut-il retravailler l’amendement, mais le principe est parfaitement accepté dans d’autres pays : une personne qui s’installe dans un paradis fiscal doit continuer à payer des impôts à son pays d’origine, après déduction de ceux dont elle s’acquitte dans le pays hôte. Plusieurs grands groupes appliquent d’ailleurs ce genre de dispositif à leurs salariés. Il ne s’agit nullement d’instaurer un impôt universel, pour toutes les raisons déjà exposées.
M. Philippe Brun (SOC). Le groupe Socialistes est favorable à cet amendement. La différence avec l’Allemagne réside peut-être dans le fait que la France a signé davantage de conventions bilatérales, ce qui pourrait rendre le dispositif moins opérant, puisque le principe de territorialité s’applique aux signataires des conventions fiscales. Quels pays non coopératifs seraient concernés si cet amendement était adopté ?
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le groupe Rassemblement national se félicite de la reconnaissance de la nationalité comme critère d’imposition : dès lors que nous défendons la priorité nationale, il nous paraît logique qu’y soient associés non seulement des droits, mais aussi des devoirs. Nous étions donc un peu malheureux lorsque MM. Coquerel et Mattei avaient indiqué que l’impôt universel appliqué aux États-Unis ne pourrait voir le jour en France – même si cette conclusion, émanant de partis politiques aussi différents que le Modem et LFI, était probablement fondée.
Je me réjouis que cette mesure soit proposée sous une nouvelle forme. Nous nous abstiendrons ce soir dans l’attente de l’arbitrage du groupe, mais j’espère pouvoir voter cette disposition en séance.
M. Philippe Juvin (DR). À quoi la notion de « fiscalité inférieure de plus de 50 % » renverrait-elle : au taux, à la base imposable, au résultat fiscal ? J’ai du mal à comprendre quelle assiette un tel impôt couvrirait concrètement et quelle population il concernerait. Si l’exil fiscal est effectivement condamnable, de nombreux travailleurs se rendent aussi à l’étranger sur ordre de leur employeur, pour aider leur entreprise à se développer. Ils ne devraient pas être pénalisés pour cela.
M. le président Éric Coquerel. Le seuil de 50 % correspond à la définition internationale des pays dits à fiscalité privilégiée, en comptabilisant les impôts sur le patrimoine et la taxation des revenus du travail et du capital. C’est d’ailleurs le taux qui a été retenu par les pays européens qui se sont déjà dotés d’un impôt de ce type.
Nous pouvons tout à fait améliorer encore l’amendement d’ici la séance. En revanche, le principe est bien le suivant : faire contribuer les personnes dont on peut fortement soupçonner qu’elles quittent la France dans le seul but de payer moins d’impôts. Dans les pays qui l’appliquent, le système fonctionne et rapporte quelques millions d’euros. C’est le seul moyen que nous ayons trouvé pour dissuader les contribuables de s’exiler fiscalement, les études ayant montré que l’impôt universel envisagé un temps, notamment par Jean-Luc Mélenchon lors de sa campagne électorale, est infaisable en France.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le groupe Droite républicaine votera contre cet amendement, car il nous semble difficile d’adopter une telle disposition sans qu’elle soit assortie d’une étude d’impact.
La commission adopte l’amendement I-CF821.
Amendement I-CF462 de M. Jean-Claude Raux
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à instaurer l’individualisation fiscale des jeunes majeurs. Il s’agirait de la première étape d’un processus qui aboutirait à la création d’une véritable garantie d’autonomie accessible dès 18 ans, mettant ainsi fin à la précarisation de la jeunesse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En l’absence de cette garantie d’autonomie, l’amendement aurait pour conséquence d’augmenter les impôts pour tous les parents qui accompagnent leurs enfants après leur majorité, notamment pendant leurs études. Je ne suis pas convaincu qu’il soit souhaitable de favoriser la disparition de la solidarité intrafamiliale. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF274 de M. Charles de Courson et I-CF1812 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon amendement, que nous avions déjà adopté l’année dernière, vise à créer un statut de propriétaire bailleur, dans le contexte de suppression du dispositif Pinel d’aide à l’investissement locatif privé – dont je rappelle qu’il représente 30 % du parc, soit deux fois plus que les logements sociaux. Ce dernier pourrait choisir de se voir appliquer un taux forfaitaire de 12,8 % d’impôt sur le revenu sur les bénéfices nets perçus grâce à la location d’un logement neuf à usage d’habitation principale, en contrepartie d’un engagement à louer le bien pendant au moins neuf mois, d’un encadrement des loyers et d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) de catégorie D ou supérieure. Lorsque ces conditions sont respectées, les biens mis en location seraient exclus de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et les revenus locatifs après imputation des charges seraient donc soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %.
Si le niveau d’épargne est élevé, de nombreux épargnants ne veulent plus investir dans des logements neufs, pourtant indispensables pour sortir de la crise actuelle. Le coût du dispositif serait très faible pendant les premières années : le temps que les logements soient construits, ses premiers effets ne se feront pas sentir avant 2027. En outre, relancer le secteur du logement permettra de générer de nouvelles recettes fiscales.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je propose un amendement similaire, si ce n’est qu’il s’appliquerait également aux logements anciens rénovés.
Alors qu’une personne investissant dans une entreprise est imposée à 30 % au titre du PFU, les revenus fonciers sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu (IR), soit jusqu’à 49 %. Les mécanismes d’incitation à l’investissement, tous plus compliqués les uns que les autres, se succèdent depuis des décennies. Celui que nous proposons aurait le mérite de la simplicité et encouragerait de nombreux épargnants à s’orienter vers l’immobilier. Il permettrait également de dégager de nouvelles recettes et contribuerait à relancer le secteur du logement, qui en a bien besoin.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’insiste en outre sur le fait que les amendements ne concerneraient pas le stock de logements existants, mais uniquement les constructions ou les rénovations nouvelles : les propriétaires actuels resteraient soumis au système actuel.
M. Inaki Echaniz (SOC). Si je partage une partie des constats exprimés, notamment sur la nécessité d’investir dans le secteur du logement en vue de générer de nouvelles recettes, je suis dubitatif quant à ces amendements. Il me semble que, pour relancer la production de logements, il existe d’autres options que celle consistant à permettre à ceux qui sont déjà propriétaires de continuer à amasser du patrimoine en créant un PFU sur les revenus locatifs. Nous présenterons notamment un amendement visant à élargir le prêt à taux zéro (PTZ) à tous les primo-accédants, sans conditions de ressources. Une réflexion plus large devra être engagée sur le revenu locatif – je songe notamment au régime microfoncier.
Nous avons passé des mois à débattre de niches fiscales comme celle dont bénéficient les logements Airbnb ; ce n’est pas pour créer un statut du bailleur et accorder des réductions d’impôts à ceux qui n’en ont pas forcément besoin au détour d’un amendement. Un tel sujet mériterait un peu plus de travail et de concertation.
M. David Amiel (EPR). Pour comparer les nombreux amendements qui portent sur la question du logement, nous avons besoin d’éléments de chiffrage, même si, comme le dit le rapporteur général, les coûts des dispositifs proposés ne se feront sentir que dans plusieurs années.
Mme Véronique Louwagie (DR). Il est question ici de la différence de fiscalité entre les revenus mobiliers, soumis au PFU, et les revenus fonciers, dont le taux marginal d’imposition peut atteindre 49 %. Un tel écart suscite naturellement des interrogations.
Vous proposez que les revenus des personnes physiques soient soumis à un régime réel d’imposition. Un propriétaire louant plusieurs logements pourrait-il utiliser cette option seulement pour certains de ses logements, ou l’option concernerait-elle automatiquement tous les logements éligibles au dispositif ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon amendement ne concernerait que les nouveaux logements. Une personne possédant actuellement plusieurs logements restera donc soumise au système existant.
Je pourrais faire des simulations pour évaluer les retombées positives attendues si nous parvenions à réorienter l’épargne privée vers le logement. Je ne nie nullement l’intérêt du PTZ pour favoriser l’accession sociale à la propriété, dont l’élan a été brisé au cours des dernières années, mais il s’agit ici de relancer le marché locatif privé : il faut agir sur tous les fronts.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Pour répondre à Mme Louwagie, l’option serait globale, comme c’est le cas pour les revenus mobiliers.
Je suis tout à fait disposé à retravailler mon amendement, mais à force d’appeler de nos vœux un choc fiscal pour le logement, nous sommes restés complètement immobiles pendant des années. Il faut bien avancer et faire des propositions.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Sauf erreur, vous n’avez pas répondu sur le coût de votre amendement, monsieur le rapporteur général. Or, la situation des finances publiques étant très contrainte, nous devons savoir dans quoi nous nous engageons.
J’observe ensuite que vous semblez juger raisonnable le taux actuel du PFU, fixé à 30 %. Vous opposerez-vous aux amendements tendant à l’augmenter ?
Enfin, offrir une option aux propriétaires uniquement pour les nouveaux logements, en excluant des logements déjà existants pourtant identiques, créerait une inégalité de traitement manifeste.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe bien des régimes d’assurance vie différents selon la date de souscription, ce qui ne pose aucun problème ! L’objectif est de créer un dispositif susceptible d’attirer l’épargne vers le marché locatif privé, afin de relancer le secteur, sans quoi tous les problèmes que nous déplorons ne feront que s’accentuer.
Je m’efforcerai de vous répondre plus précisément en séance sur le coût du dispositif, étant entendu que je privilégie une approche économique plutôt que seulement fiscale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF751 de Mme Céline Thiébault-Martinez et I-CF599 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement de Mme Thiébault-Martinez vise à défiscaliser les pensions alimentaires reçues par le parent ayant la garde de l’enfant – le plus souvent la mère –, afin de réduire la charge fiscale pesant sur les familles monoparentales. Ces pensions sont en effet considérées comme des revenus imposables, ce qui aggrave la précarité des parents isolés.
Je le retire toutefois au profit de l’amendement suivant, qui est plus équilibré.
L’amendement I-CF751 est retiré.
M. Philippe Brun (SOC). Comme la commission des finances en avait décidé à l’initiative de notre ancienne collègue Aude Luquet, et comme nous l’avions à nouveau proposé dans notre proposition de loi transpartisane relative aux familles monoparentales, il faut redonner de la cohérence au système d’imposition existant. Les pensions alimentaires, perçues dans 92 % des cas par des femmes, sont soumises à l’impôt alors que leur montant est fixé par décision de justice et qu’elles constituent simplement une contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant. Il n’est pas normal que de nombreuses femmes soient soumises à l’impôt sur le revenu du fait de ces versements. Les mères doivent toucher les montants fixés par la justice et calculés pour répondre aux besoins des enfants concernés. Il y va de leur dignité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le parent qui a la garde de l’enfant bénéficie déjà d’un dispositif fiscal favorable, à savoir la demi-part supplémentaire de quotient familial. Le débiteur, quant à lui, peut déduire la pension alimentaire de son revenu global, ce qui l’incite d’ailleurs à verser les pensions. Parce qu’elle constitue un revenu supplémentaire, il est logique que la pension alimentaire soit déclarée et imposée – pour la minorité de ménages concernés qui sont imposables. La symétrie doit être respectée : si les sommes sont déductibles d’un côté, elles doivent être imposables de l’autre.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Pour les couples, les dépenses liées à l’entretien d’un enfant ne sont imposées que par la TVA. Pourquoi ces dépenses seraient-elles imposées davantage dans les couples séparés, à travers la pension alimentaire ?
Vous mentionnez la proposition de loi relative à la charge fiscale de la pension alimentaire d’Aude Luquet, examinée en 2022, lors de la niche du Modem. Celle-ci prévoyait initialement que les pensions alimentaires cesseraient d’être déductibles des impôts de celui qui les verse. Lors de l’examen du texte en commission, nous avions supprimé cette disposition, car l’argent dépensé pour les enfants ne doit être imposé pour aucun des deux parents.
Mme Véronique Louwagie (DR). Actuellement, une pension alimentaire est imposable pour la personne qui la perçoit, et déductible des impôts pour la personne qui la verse. Monsieur Brun, votre proposition consiste-t-elle bien à défiscaliser la pension pour le bénéficiaire et à mettre fin à sa déductibilité pour la personne qui la verse ?
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Notre système d’imposition est extrêmement progressif. Le plus souvent, les familles monoparentales ne paient pas d’impôt sur le revenu, car elles sont surreprésentées dans les foyers les plus pauvres. Votre amendement concernerait donc surtout des femmes qui bénéficient à la fois de revenus très importants et d’une pension alimentaire. Or il n’y a pas de raison que celles-ci échappent à l’impôt sur ce revenu.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je comprends la symétrie actuelle entre la déductibilité fiscale pour la personne qui verse la pension et l’imposition pour son bénéficiaire. Toutefois, la plupart du temps, le montant des pensions alimentaires ne compense pas tout à fait la charge financière que représentent les enfants pour les bénéficiaires, souvent des femmes. Cela crée un déséquilibre.
Même si, reconnaissons-le, ces questions sont souvent déjà abordées dans les conventions de divorce, la mesure proposée, similaire à celle défendue par Aude Luquet, vise à rétablir l’équilibre dans les familles monoparentales, alors que les séparations sont parfois difficiles. C’est une mesure de justice, qui ne coûterait pas une fortune.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Le montant moyen des pensions alimentaires s’élève à 190 euros par mois par enfant, alors que le montant moyen des dépenses pour un enfant atteint 750 euros par mois. L’écart est énorme. Et encore, nous n’abordons pas ici la charge affective du parent disposant du droit de garde – ce sont très majoritairement des mères –, les soins qu’il prodigue, les rendez-vous qu’il prend…
Il faut que la pension cesse d’être déductible des impôts de la personne qui la verse, souvent le père. C’est une question de justice fiscale, mais aussi de symbole : ces dépenses sont normales et dues à l’enfant.
M. Philippe Brun (SOC). Oui, c’est bien cela, madame Louwagie. D’une part, nous proposons de défiscaliser la pension alimentaire pour le bénéficiaire – souvent la mère. En effet, il s’agit d’une contribution à l’éducation et l’entretien de l’enfant. Ce n’est pas un revenu et il n’est donc pas normal de l’imposer. D’autre part, nous proposons de mettre fin à la déductibilité de la pension alimentaire pour la personne qui la verse – souvent le père. C’est bien normal, puisque les couples ne déduisent pas de leurs impôts le coût des fournitures pour la rentrée scolaire de leur enfant ou des yaourts qu’il consomme.
Cette proposition, qui rendrait le système plus juste, rapporterait jusqu’à 400 millions d’euros au budget de l’État, selon les estimations produites dans le rapport d’Aude Luquet. En effet, les pères gagnent davantage que les mères ; le produit de la fiscalisation de leurs revenus est donc plus élevé.
Je rappelle que cette proposition a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale, dans une proposition de loi qui dort actuellement au Sénat. En l’adoptant dans ce projet de loi de finances (PLF), nous lui donnerions sa pleine force.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La pension alimentaire n’est déductible des impôts de celui qui la verse que jusqu’à un plafond de 6 674 euros, soit près de 550 euros par mois.
Mme Véronique Louwagie (DR). Ce n’est pas le cas quand la pension alimentaire est imposée par le tribunal.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Certes, dans ces cas-là, elle est intégralement déductible, mais le cas général est celui d’un versement volontaire, qui est donc soumis à un plafond. Une pension de 12 000 euros annuels n’est ainsi pas intégralement déductible, ce qui montre la modération du système actuel.
La commission rejette l’amendement I-CF599.
Amendement I-CF310 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme chaque année – mais cette année, cela apparaît plus nécessaire que les précédentes –, je propose de supprimer l’avantage fiscal très important dont bénéficient les journalistes. Il n’a plus lieu d’être.
Contrairement à ce que l’on peut croire, hors micro, de nombreux journalistes jugent que cette niche est une injustice. Le grand patronat de la presse a délégué à l’État le versement d’une partie du salaire des journalistes. Il est anormal que des magnats de la presse fassent peser une partie de cette rémunération sur nos concitoyens.
Je ne comprends pas l’opposition à la suppression de cette niche fiscale. Il ne s’agit pas de stigmatiser les journalistes, mais de conduire les patrons de presse, que la gauche vilipende volontiers, à les payer. La situation actuelle est surréaliste. Les journalistes pourront toujours bénéficier d’un abattement sur leurs frais professionnels, comme n’importe quel Français.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet avantage fiscal considérable pose un vrai problème : un journaliste payé moins de 6 000 euros par mois ne paye pas d’impôt sur le revenu.
Quand j’étais jeune parlementaire, j’avais défendu le même amendement que vous, monsieur Tanguy, suscitant une bronca. Le SNJ – le syndicat national des journalistes – puis les patrons de presse m’avaient expliqué que cet avantage avait été créé après-guerre, afin, vous n’avez pas tort sur ce point, d’alléger la masse salariale dans la presse. C’était une contrepartie, au sein d’un équilibre global. Je ne pourrai donc émettre un avis favorable à un tel amendement que dans le cadre d’une réforme d’ensemble des aides à la presse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF473 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je propose de supprimer la niche fiscale dont je bénéficie en tant que conseiller régional – et qui complique la déclaration de mes revenus auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) : il ne faut pas déclarer le montant que l’on touche, mais celui indiqué comme étant soumis à l’impôt sur la fiche de paie. Nous, conseillers régionaux, devons payer notre juste part d’impôt, d’autant que nous ne sommes pas si mal payés si l’on calcule le taux horaire.
Cette niche fiscale avait été créée non pour nous, mais pour apporter un complément de revenu aux élus des petites communes rurales et leur permettre de faire face aux faux frais.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La niche fiscale visée concerne tous les élus locaux et non les seuls élus régionaux. Son taux est de 17 %. Pour un traitement de 4 085 euros, elle permet ainsi une exonération d’impôt sur le revenu pour les premiers 695 euros ; le reste est intégralement fiscalisé. En cas de cumul de deux mandats, l’abattement atteint 1 042 euros par mois. Les élus des communes de moins de 3 500 habitants bénéficient d’un régime dérogatoire : l’exonération s’élève à 38,75 % de leur traitement. L’abattement peut ainsi atteindre 2 375 euros.
Selon moi, s’il faut mener une réforme, celle-ci devra concerner l’ensemble des élus locaux et non les seuls conseillers régionaux, qu’il ne faut pas discriminer.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Quand je me rends au conseil régional, à Lille, je peux me faire rembourser le train, l’hôtel, le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Le fait que les conseillers régionaux puissent cumuler des avantages aussi considérables avec le bénéfice d’une niche conçue pour les élus ruraux – qui ne se font pas rembourser de tels frais – est un abus total du droit.
Si nous ne sommes pas capables de faire le ménage dans ce genre de niches fiscales injustifiables, nous ne sommes pas près de mettre fin au déficit de l’État.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous ne pouvez viser les seuls conseillers régionaux : ce serait une rupture d’égalité. Vous pouvez en revanche retirer le présent amendement et en déposer un nouveau visant cette niche fiscale pour tous les élus locaux. Ce serait plus cohérent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF333 de M. François Jolivet
M. François Jolivet (HOR). Il s’agit d’un amendement d’appel visant à fiscaliser la prime d’activité. Celle-ci avait été conçue comme un complément salarial pour les travailleurs à temps partiel, notamment dans les grands magasins des zones périphériques, à une époque où le taux de chômage était très élevé. Lors de la crise des gilets jaunes, le champ de ses bénéficiaires avait été élargi ; c’était une bonne chose.
Toutefois, actuellement, alors que nous frôlons le plein emploi, ce système apparaît incohérent. Certains salariés dont le temps partiel est choisi perçoivent jusqu’à 685 euros de prime d’activité, en plus de leurs 1 100 euros de salaire, et seul leur salaire est fiscalisé. C’est très injuste pour les salariés rémunérés au Smic, qui n’ont pas droit à la prime d’activité et dont les 1 300 euros de salaire sont intégralement fiscalisés.
Il est donc urgent de refondre ce mécanisme, comme le constatent tous les hauts fonctionnaires qui l’étudient. La Cour des comptes a observé que la prime d’activité, qui coûte 11 milliards au budget général de l’État, est l’un des dispositifs qui fait l’objet du plus grand nombre de fraudes, la Cnaf – Caisse nationale des allocations familiales – ne parvenant pas à suivre les évolutions des revenus des allocataires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas seulement la prime d’activité, dont le coût dépasse 10 milliards d’euros, qui échappe à l’impôt sur le revenu, mais l’ensemble des prestations sociales. Pourquoi donc proposer la fiscalisation de cette seule prime ? Pourquoi pas celle du RSA – revenu de solidarité active –, ou de l’APA – allocation personnalisée d’autonomie ? La question de la fiscalisation, si elle doit être posée, doit donc l’être pour l’ensemble des prestations.
En outre, la prime d’activité est comptabilisée dans le revenu fiscal de référence, utilisé pour déterminer le montant des aides versées. Nous reprenons ainsi d’un côté ce que nous donnons de l’autre. Enfin, je m’interroge sur le produit procuré par la réforme que vous proposez, car, pour l’essentiel, les bénéficiaires de cette prime ne sont pas imposables.
M. François Jolivet (HOR). Il ne m’avait pas échappé que la prime d’activité est une prestation sociale. Le problème est que son fonctionnement est détourné. Tous les rapports de la Cour des comptes montrent que ce dispositif est à bout de souffle. De plus, il coûte 11 milliards d’euros, alors que nous cherchons des ressources.
Actuellement, la règle est qu’une personne qui touche 1 100 euros de salaire perçoit jusqu’à 685 euros de prime, qu’elle le veuille ou non. Comment le justifier auprès des salariés, rémunérés au Smic, qui ne perçoivent pas de prestation sociale ?
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il faut augmenter les salaires !
M. François Jolivet (HOR). Je suis bien d’accord, mais ne sanctuarisons pas des injustices. Je retire cet amendement, mais j’en déposerai un autre, visant à réduire cette prestation sociale d’un montant beaucoup plus élevé que celui proposé par le Gouvernement.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF699 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). J’espère que nous nous retrouverons autour de cet amendement qui me tient à cœur : il vise à exonérer fiscalement les primes versées par l’État aux athlètes olympiques et paralympiques. Récemment, les athlètes ont porté haut les couleurs de la France. Je pense notamment au paracycliste Alexandre Léauté, l’athlète paralympique le plus médaillé de la délégation française, qui réside à Saint-Caradec. Ces athlètes nous ont rendus fiers et nous ont fait rêver. Ils méritent la reconnaissance de la nation.
Or dans certains sports et dans les disciplines paralympiques, les revenus sont très faibles, alors que les athlètes doivent consentir à des sacrifices gigantesques pour obtenir une médaille. Il faut donc créer une exonération fiscale pérenne pour les primes versées par l’État aux athlètes olympiques et paralympiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le montant des primes accordées aux sportifs médaillés olympiques et paralympiques s’élève à 18 millions d’euros ; leur fiscalisation rapportera donc entre 2 et 4 millions – pour les dépenses de l’État, c’est l’épaisseur du trait.
Dans le passé, l’exonération de ces primes a fait consensus lors des différentes éditions des Jeux, à quelques exceptions près.
Toutefois, les sportifs disposent déjà de certains avantages. Leurs primes peuvent être lissées sur quatre ans, au titre de revenus exceptionnels, et l’ensemble de leurs revenus peut être lissé sur trois ans ou cinq ans, au titre de l’article 100 bis du code général des impôts (CGI).
Je m’en remets donc à la sagesse des commissaires.
M. David Amiel (EPR). Je m’oppose à cet amendement car nous devons éviter de créer de nouvelles niches fiscales ; il faut plutôt en réduire le nombre.
J’ai beaucoup d’admiration pour nos athlètes, comme j’en ai pour de grands écrivains ou artistes, mais je ne propose pas pour autant de faire bénéficier ceux-ci de crédits d’impôt.
En outre, la meilleure manière de soutenir les athlètes, c’est d’augmenter leur prime – ce qui a été fait, d’ailleurs. Enfin, un crédit d’impôt aurait pour effet paradoxal d’aider davantage les sportifs qui gagnent le mieux leur vie, alors qu’il faut aider en priorité les athlètes dont la discipline est moins médiatisée et les revenus moindres.
M. Corentin Le Fur (DR). Il serait mesquin de priver les athlètes olympiques et paralympiques de cette exonération, qui a été votée presque à chaque édition des Jeux.
La périodicité des Jeux – tous les quatre ans – n’a pas d’équivalent dans le monde culturel. Ces athlètes ont fait des sacrifices énormes pour défendre nos couleurs et les primes constituent une partie importante de leur rémunération, sachant que dans des disciplines telles que le cyclisme, l’escrime ou le vélo, ils ne peuvent pas vivre de leur sport et doivent travailler en parallèle. Enfin, le coût de l’amendement serait modique à l’échelle du budget de l’État.
M. Gérault Verny (UDR). Même si nous sommes admiratifs de nos athlètes, en créant une telle niche, nous ouvririons la boîte de Pandore, car ses bénéficiaires seraient trop nombreux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF440 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Nous proposons d’exonérer d’IR les revenus générés par l’activité des médecins et des infirmières dans le cadre du cumul emploi-retraite, afin de lutter contre la désertification médicale.
Dans son discours de politique générale, Michel Barnier a évoqué un assouplissement du cumul emploi-retraite pour les médecins. Cela prendra-t-il la forme d’une exonération d’IR, ou d’une prolongation des exonérations des cotisations de retraite pour les médecins dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), puisque le dispositif en vigueur arrivera à extinction à la fin de l’année 2024 ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les médecins peuvent déjà cumuler emploi et retraite sans condition de revenus, à la différence des cotisants aux autres régimes de retraite de base. En outre, ils bénéficient depuis 2023 d’une exonération de cotisations sociales, notamment des cotisations de retraite, lors du cumul emploi-retraite. En contrepartie, le montant de leur retraite n’est pas révisé après le début de leur retraite.
L’efficacité de la mesure proposée me paraît très incertaine, contrairement à l’effet d’aubaine qui, lui, est garanti.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il existe déjà des dispositifs visant à favoriser le cumul emploi-retraite des médecins, mais leur impact sur la lutte contre la désertification médicale est incertain, selon la Cour des comptes.
L’an dernier, la proposition de réguler l’installation des médecins, qui n’aurait rien coûté, a été rejetée par notre assemblée avec une majorité de quarante voix. Messieurs et mesdames les députés du Rassemblement national, ce sont vos voix qui nous ont manqué. Si vous souhaitiez agir contre les déserts médicaux, il fallait voter pour.
M. Philippe Juvin (DR). L’exonération de cotisations de retraite pendant un an votée dans le PLFSS pour 2023 que vous évoquez n’a pas été appliquée. Le décret d’application n’a pas été pris, à cause de la résistance de la caisse d’assurance retraite des médecins libéraux.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans de tels cas, il faut interpeller les ministres ! Ils doivent appliquer les votes du Parlement, sinon, ce n’est plus la démocratie. Ces cas sont rares, mais anormaux. Il faut saisir Mme la ministre de la santé et de la prévention de cette affaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF494 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il faut indexer sur l’inflation le plafond de défiscalisation des heures supplémentaires. À défaut, nous défavoriserions les Françaises et les Français qui choisissent de travailler davantage et d’augmenter ainsi leurs revenus. Nous le savons, il est difficile de vivre de son travail aujourd’hui. Il serait mesquin et injuste de rogner sur les revenus dégagés par nos concitoyens grâce à leurs efforts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La défiscalisation des heures supplémentaires est déjà très importante, avec un plafond annuel de 7 500 euros, soit 625 euros par mois. Les salariés rémunérés au Smic peuvent ainsi défiscaliser l’équivalent de la moitié de leur salaire s’ils effectuent 54 heures supplémentaires en un mois – cela leur est possible puisque, vous le savez, le contingent hebdomadaire des heures supplémentaires peut être dépassé, avec une compensation d’un mois sur l’autre.
La défiscalisation en vigueur réduit le produit de l’IR et des prélèvements sociaux d’environ 3,2 milliards d’euros. Si nous indexons son plafond à 2 % d’inflation, cela coûterait 60 millions supplémentaires.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les nombreux plafonds et seuils que nous prévoyons sont rarement réévalués – certains ne l’ont pas été depuis dix ou quinze ans, si bien qu’ils ne produisent pas les effets escomptés. C’est une vraie question.
M. Nicolas Sansu (GDR). Monsieur Tanguy, vous défendez la logique du « travailler plus pour gagner plus » de M. Sarkozy, qui prive la sécurité sociale de cotisations et le budget de l’État de recettes fiscales. Ce n’est pas possible ! Toute heure travaillée doit être fiscalisée et socialisée. Si l’on veut que nos compatriotes gagnent davantage, il faut augmenter les salaires, à commencer par le Smic, et revaloriser les échelles indiciaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF416 de M. Éric Ciotti
M. Vincent Trébuchet (UDR). Notre système fiscal compte plus de 450 niches, que le législateur a apparemment beaucoup de mal à supprimer.
Les intermittents du spectacle bénéficient d’un régime spécial d’indemnisation du chômage très favorable, dont le déficit, chronique, atteint environ 1 milliard par an. Ils bénéficient en plus d’avantages fiscaux. La moindre des choses serait de supprimer ceux-ci, alors qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Le précédent rapporteur général avait qualifié cette niche de « trou noir fiscal ». Elle est obsolète et crée de nombreux effets d’aubaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif visé, un système de lissage instauré en 1927, autorise les intermittents du spectacle à calculer le montant de l’IR à partir d’une moyenne formée par le total des revenus sur trois ou cinq ans. Nous ignorons le coût de la dépense et le nombre de ses bénéficiaires. L’Inspection générale des finances (IGF) avait jugé ce dispositif « peu efficient » en 2011. De plus, le dispositif n’est pas plafonné. Il y a donc un problème. Mais avant de supprimer ce « trou noir », il faudrait connaître son utilisation, son coût. Un rapport serait donc indiqué.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est vraiment Touchez pas au grisbi ! On dit parfois qu’il y a un chien de garde au fond de chaque niche. Ces chiens sont manifestement bien nourris et farouches.
Tout le monde sait que le système prévu pour le monde du spectacle ne fonctionne pas. C’est sans doute l’un des plus inégalitaires, avec celui prévu pour les journalistes. De pauvres diables payés très durement à la semaine, au jour ou à l’heure y côtoient des multimillionnaires et des héritiers au talent douteux, si l’on en juge par l’insuccès de leurs productions.
Comment considérer que l’État et les travailleurs français doivent financer un tel régime, quand on défend le travail et la justice sociale ? Il ne s’agit pas ici de remettre en question le financement du spectacle vivant et de la culture, mais de mettre fin à des rentes, toujours prélevées au détriment du prolétariat du spectacle, du cinéma et de la télévision.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Monsieur Tanguy, vous connaissez visiblement mal la réalité des intermittents du spectacle. Loin d’être des privilégiés qui gagnent très bien leur vie, ils connaissent le plus souvent de grandes difficultés. Ils sont l’honneur de notre pays en faisant vivre la culture française. Vous devriez les défendre plutôt que de les stigmatiser et les moquer. Je vous suggère en outre, puisque vous êtes très drôle, de vous inscrire à leur régime ; vous y auriez sans doute toute votre place.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF304 de M. Charles de Courson, I-CF795 de M. Aurélien Le Coq et I-CF219 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les travaux que j’ai menés avec Félicie Gérard dans le cadre de notre rapport sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation nous ont permis d’identifier un mécanisme d’optimisation fiscale reposant sur le sursis d’imposition des sommes versées sur un plan d’épargne retraite (PER).
Quand l’assuré décède avant la liquidation de son PER, les sommes déduites à l’entrée ne sont jamais soumises à l’impôt sur le revenu et nous pouvons parier que cette situation se rencontre principalement chez les contribuables dotés d’un patrimoine élevé – puisqu’ils n’ont pas eu besoin de liquider leur contrat au moment où ils prennent leur retraite.
Nous proposons donc d’interdire l’ouverture d’un PER après 67 ans, ce qui rejoint l’essentiel des pratiques observées par les distributeurs, et d’imposer les sommes non liquidées à l’impôt sur le revenu, cette imposition étant déduite des droits de succession éventuels afin de ne pas donner lieu à une double imposition. C’est une mesure de justice fiscale.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Une petite partie de la population se sert de tous les dispositifs possibles pour défiscaliser et nous en avons une preuve supplémentaire avec le PER par lequel certains soustraient à l’impôt sur les successions une partie de leur patrimoine. Ce mécanisme bénéficie bien évidemment toujours aux plus riches puisque la part des cadres détenant un produit d’épargne retraite s’élève à 34 % tandis que les employés et les ouvriers ne sont respectivement que 10 % et 11,8 % à en bénéficier. Il est temps d’apporter des correctifs car si rien n’est fait dans les prochaines années, ce seront 160 milliards qui échapperont à toute imposition.
J’ajoute que c’est plutôt à partir de 60 ans qu’il faudrait envisager de rendre impossible la souscription d’un PER puisque ce sera bientôt l’âge légal de départ à la retraite…
M. Emmanuel Maurel (GDR). Notre amendement I-CF219 vise les mêmes objectifs que les précédents. Nous proposons simplement d’appliquer au moment du décès du titulaire un taux unique d’imposition de 12,8 % sur les versements effectués sur un PER. Cette flat tax nous semble plus sûre, car soumettre ces sommes à l’IR suppose que les héritiers les déclarent et que l’administration fiscale puisse exercer un contrôle ; or nous savons que les données relatives aux successions sont mal centralisées, nous l’avons bien vu avec les transmissions dans le cadre du pacte Dutreil.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Maurel, je vous invite à retirer votre amendement au profit du I-CF304. Félicie Gérard et moi proposons que les sommes déduites lors de leur versement sur un PER fassent l’objet d’un rattrapage au titre de l’impôt sur le revenu. Le barème leur serait appliqué tout en tenant compte du caractère exceptionnel de ces versements, afin de prévoir un éventuel étalement de l’imposition. Par ailleurs, nous prévoyons de retirer ces sommes de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) pour éviter une double imposition. Notre amendement présente un bon équilibre et une meilleure articulation avec la fiscalité applicable aux actifs entrant dans les successions, dont le PER fait partie.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Le PER, créé par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) il y a moins de six ans, a été rendu plus attractif par le débat sur la réforme des retraites. Il ne faut pas caricaturer les titulaires de ce produit d’épargne, parmi lesquels, j’ai pu le constater, figurent de nombreuses personnes appartenant aux classes moyennes. Vous ne feriez qu’alourdir leur fardeau fiscal avec cette nouvelle imposition. Ne venons pas ébranler la stabilité dont nous avons besoin en matière fiscale.
M. Philippe Juvin (DR). Les trois amendements reviennent de facto à augmenter les droits de succession. Vous soumettez à la tonte une personne qui ne devait pas l’être simplement parce qu’elle a eu le malheur de mourir : voilà qu’on lui pique son argent pour éviter que ses héritiers touchent trop. Ce soir, on assiste vraiment au championnat du monde des impôts supplémentaires !
M. Nicolas Sansu (GDR). Je veux bien entendre les arguments du rapporteur général, mais je maintiens qu’un problème de calibrage se posera. Les services du fisc ne pourront en effet connaître le montant des sommes issues du PER que si les héritiers les déclarent.
Monsieur Juvin, on ne peut pas parler de tonte, puisqu’en matière de PER, une sorte de sursis s’applique pour l’imposition sur le revenu. Si son titulaire le débloque de son vivant, la rente qui lui est versée est imposable à l’IR. En revanche, si l’actif du bénéficiaire entre dans la succession, cette imposition n’est pas appliquée. Certes, les sommes sont soumises aux droits de succession mais si elles n’excèdent pas un certain seuil, les héritiers n’ont rien à payer, ce qui pose problème.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). N’oublions pas le mot « retraite » dans plan d’épargne retraite, au principe duquel, soit dit en passant, nous sommes opposés car c’est une forme de capitalisation. Si le titulaire s’abstient à dessein de liquider ce produit au moment où il prend sa retraite, nous pouvons considérer que c’est afin de défiscaliser les sommes versées et de les transmettre à moindre coût à ses héritiers. Ce n’est pas dans ce but de dissimulation que le PER a été conçu. Il ne s’agit donc pour l’État de tondre qui que ce soit, monsieur Juvin, mais de récupérer son dû.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les titulaires d’un PER bénéficient d’un avantage fiscal à l’entrée : les sommes qu’ils versent sont déductibles des revenus imposables, dans la limite de 10 % des revenus professionnels. En revanche, au moment où, à 60, 65 ou 70 ans, ils débloquent leur PER, la rente qu’ils touchent, autrement dit les revenus du capital placé, est soumise à l’IR, ce qui est tout à fait normal.
Si la personne a le bon goût de décéder, ces sommes entreront dans les actifs de la succession mais ses héritiers n’auront pas à payer l’impôt dont aurait dû s’acquitter leur de cujus de son vivant, ce qui pose problème. Nous demandons simplement qu’un même traitement fiscal soit appliqué aux sommes tirées d’un PER, monsieur Juvin.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF905 de Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Notre objectif est de lutter contre l’optimisation fiscale agressive en soumettant au barème de l’impôt sur le revenu les montants distribués à des holdings. Beaucoup de milliardaires utilisent cette forme de société pour organiser leur insolvabilité fiscale alors que les plus pauvres des Français paient la TVA chaque fois qu’ils consomment – et ils dépensent presque tout ce qu’ils gagnent.
Pour que tout le monde soit traité de façon égale face à l’impôt, pour que les gros paient gros et les petits petit, je vous propose de rétablir un peu de justice fiscale en empêchant ce mécanisme d’optimisation fondé sur les holdings, lesquelles, ne l’oublions pas, ne sont nullement nécessaires aux entreprises qui veulent investir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous retrouvons ces stratégies à l’œuvre dans de multiples domaines, en particulier s’agissant de l’IFI. Votre proposition se heurte à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle on ne saurait imposer des revenus qui n’ont pas été distribués. Il faut donc trouver une autre solution. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF547 de Mme Eva Sas, I-CF761 de M. Aurélien Le Coq, I-CF546 de Mme Eva Sas, I-CF763 de Mme Marianne Maximi, I-CF1806 de Jean-Paul Mattei, I-CF765 de M. Éric Coquerel et I-CF1160 de M. Michel Castellani (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). Nous souhaiterions supprimer la flat tax pour faire rentrer dans le barème de l’impôt sur le revenu les revenus du capital : ceux-ci ne doivent pas être moins taxés que les revenus du travail. En attendant, alors que nous avons besoin de recettes supplémentaires, nous proposons d’augmenter le taux du PFU : de 10 points, dans notre premier amendement, de 5 points dans l’autre. Il n’est pas acceptable de demander des efforts au plus grand nombre, à travers le report de l’indexation des retraites ou la hausse du ticket modérateur, sans augmenter la fiscalité sur les revenus du capital.
Rappelons que ceux-ci augmentent trois fois plus vite que les revenus du travail et que seule une minorité de Français les perçoivent – 96 % des dividendes sont versés à 1 % des foyers fiscaux. Il n’est pas normal que les plus riches, en raison du faible taux du PFU, soient soumis à une imposition proportionnellement moins élevée que l’ensemble de la population.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les revenus du capital ont explosé ces dernières années. En 2024, les entreprises du CAC40, qui ont engrangé plus de 150 milliards de bénéfices, ont versé 100 milliards de dividendes à leurs actionnaires. De l’argent, il y en a et ce n’est pas en le prenant que nous empêcherons les créations d’emplois ou les augmentations de salaires – bien au contraire, comme le prouvent les effets de la barémisation des revenus du capital mise en place en 2013. Je vous appelle donc à voter notre amendement, qui propose de relever de 10 points le PFU, en attendant de récolter le 1,4 milliard à 1,7 milliard que nous rapporterait sa suppression.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Vous refusez que l’on touche aux revenus des plus riches et vous avez du mal à voter pour aider les familles monoparentales, par exemple. Avec cet amendement de repli, nous vous offrons l’occasion d’ouvrir le débat sur la fiscalité du capital. Le problème, c’est que vos postures nuisent au consentement à l’impôt.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Dans le rapport sur la fiscalité du patrimoine que j’ai élaboré avec Nicolas Sansu, nous préconisions une « hausse modérée », de 3 points, du taux du PFU, proposition que je reprends dans mon amendement. Il s’agit d’une solution d’équilibre qui évite une fiscalité confiscatoire – il ne faut pas oublier qu’avant la distribution des dividendes, un taux de 25 % d’impôt sur les sociétés s’applique aux entreprises – tout en instaurant une juste contribution des revenus du capital au budget de l’État.
M. le président Éric Coquerel. Mon amendement, de repli, propose également une hausse de 3 points, mais j’espère que nous parviendrons à un accord sur une augmentation plus efficace, de 5 points, soit une recette d’1 milliard d’euros.
N’oublions pas que les effets du mécanisme visant à se rémunérer en revenus du capital pour bénéficier d’une moindre taxation se sont aggravés ces dernières années.
M. Michel Castellani (LIOT). Les dividendes sont perçus par une infime minorité de Français et si le niveau des prélèvements obligatoires est très élevé dans notre pays, la pression fiscale n’est pas répartie de manière équitable. Augmenter un peu la fiscalité du patrimoine serait une mesure de justice fiscale. Notre amendement propose donc de relever la part du PFU relevant de la contribution à l’impôt sur le revenu de 12,8 % à 14 %, soit un rendement d’environ 500 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avec le PFU, la France applique un modèle d’imposition des revenus financiers désormais général en Europe. Le taux de 30 % qu’elle a retenu comme la Belgique se situe toutefois parmi les plus élevés. L’imposition maximale est de 26,4 % en Allemagne, de 26 % en Italie, de 19 % et 21 % en Espagne. Les Anglais, qui sont toujours atypiques, ont eux alourdi leur fiscalité sur les dividendes selon un système progressif.
Je vous propose de retenir une hausse de 2 points, soit une recette de 1 milliard. Nous devons prendre une mesure de solidarité mais sans trop nous écarter de nos collègues européens. Une augmentation de 10 points – pour un rendement de 5 milliards – serait considérable.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Pour notre part, nous défendons une hausse de 10 points. Pourquoi serait-on moins taxé quand on fait de l’argent avec de l’argent que lorsqu’on utilise sa force de travail ? Même Christine Lagarde le dit : « Depuis des décennies, le capital a été mieux rémunéré que le travail. L’équilibre des forces penche manifestement d’un côté. » Son effroi devrait être partagé. C’est bien le péché originel du macronisme d’avoir créé un système d’évitement de l’impôt : en taxant moins les revenus du capital, il a encouragé les riches à se rémunérer sous forme de dividendes.
Soulignons que les entreprises qui versent le plus de dividendes ne sont pas forcément les plus vertueuses, comme le montre le cas de Sanofi avec la cession de sa filiale produisant le Doliprane. En augmentant le PFU, non seulement nous alimenterions les caisses de l’État mais nous découragerions les mauvaises pratiques.
M. Philippe Brun (SOC). Pourquoi est-il prévu de n’aborder que plus tard la discussion de certains amendements proposant eux aussi une augmentation du PFU ? Même s’ils portent sur d’autres bases, il aurait été intéressant de les examiner en même temps que les présents amendements.
Mme Véronique Louwagie (DR). Cette discussion renvoie à celle que nous avons eue sur la différence de taxation entre revenus mobiliers et revenus fonciers. Mieux vaudrait, selon nous, parvenir à une réduction de l’imposition d’autres revenus, l’idéal étant de conjuguer assiette très large et taux très bas, tout en se posant la question des exonérations.
Les dispositifs que nous examinons, qu’il s’agisse de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises ou de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, suscitent des inquiétudes dans le monde économique qui s’interroge sur leur pérennité. Ils laissent craindre une certaine instabilité et je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements.
M. Daniel Labaronne (EPR). La question de la fiscalité du capital ou du patrimoine est très documentée. Les rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital mis en place par France Stratégie établissent très clairement que de tous les pays d’Europe, c’est la France qui taxe le plus les revenus du capital. Vous avez rappelé vous-même, monsieur le rapporteur général, que le taux du PFU était parmi les plus élevés d’Europe.
Monsieur le président, contrairement à ce que vous dites, il n’y a pas eu de transformation des revenus sous forme de dividendes à des fins de défiscalisation. Je vous renvoie là encore aux travaux de France Stratégie.
Le rôle du capital est absolument décisif : c’est grâce à lui que nos investisseurs créent des entreprises, de l’emploi, de la richesse, de la croissance. In fine, il nous permet de financer notre modèle de protection sociale et nos services publics. S’attaquer au capital aurait des conséquences sur l’emploi. Une approche très mesurée s’impose, compte tenu des enjeux macroéconomiques. Nous sommes donc favorables à un maintien du taux du PFU.
M. Nicolas Sansu (GDR). En trente ans, la part de la rémunération du capital dans le PIB a gagné 10 points, celle de la rémunération du travail en a perdu 10. Voilà une réalité bien documentée, monsieur Labaronne.
Le moment n’est sans doute pas encore venu d’adopter une barémisation des revenus du capital mais, compte tenu du faible niveau du PFU, il serait de bonne politique d’adopter une augmentation de 3 points, comme nous le suggérions avec Jean-Paul Mattei. Elle ne s’appliquerait qu’aux personnes touchant beaucoup de dividendes, les autres pouvant choisir d’être imposées au barème.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il est assez facile d’évaluer les contributions respectives des revenus du travail et des revenus du capital au budget de l’État. Je ne dirai pas que le PFU a créé un effet d’aubaine en encourageant les rémunérations en capital, mais je considère qu’il serait bon d’augmenter son taux, ce que nous avions déjà proposé en 2017 à travers un amendement le fixant à 31,7 %. Quant au taux de l’impôt sur les sociétés, il n’est pas question d’y toucher.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en présentant mon amendement sur les superdividendes l’année dernière, je fais une différence entre un bénéfice utile, qui est réinvesti dans l’entreprise, et un bénéfice futile qui ne sert qu’à rémunérer les actionnaires au-delà de la normale.
Un autre enjeu de justice fiscale est le régime mère-fille évoqué par David Amiel, sur lequel il faudra continuer de travailler dans le cadre européen.
L’investissement en France ne sera pas freiné par une augmentation du PFU, bien au contraire. Dédramatisons le débat et adoptons le bon compromis que constitue une augmentation de 3 points.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cette augmentation constituerait un doublon avec l’impôt sur la fortune financière que le groupe RN entend créer. En séance, si notre proposition était rejetée, nous serions toutefois prêts à soutenir les amendements de M. Mattei ou de M. Castellani afin de répondre à la demande de justice fiscale que les Français ont massivement exprimée dans les urnes. Pour l’heure, nous nous abstiendrons.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Quand en 2013 François Hollande a soumis les plus-values mobilières au barème de l’impôt sur le revenu, il y a eu une absence totale de mouvement économique car les revenus du capital, contrairement aux revenus du travail, ne sont pas récurrents. Cette différence de nature impose une différence dans le traitement fiscal dont ils font l’objet, voie suivie par nos voisins européens qui, en moyenne, applique un taux d’imposition de l’ordre de 20 % à 25 %.
J’observe que le PFU est un si bon modèle que vous avez voulu vous-mêmes l’appliquer aux revenus fonciers. Pourquoi retenir pour ceux-ci un taux de 30 % et pour les revenus du capital 33 %, voire 40 % ? Par ailleurs, vous faites une erreur de raisonnement en évaluant le rendement à 500 millions le point d’augmentation car il y aura moins de versements et donc moins de recettes.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Brun, je vous précise que si les amendements relatifs au PFU n’ont pas été regroupés, c’est qu’ils sont formellement différents, même s’ils visent le même objectif.
Un même problème se pose à l’échelle européenne voire mondiale avec des déficits à réduire, d’un côté, et des besoins massifs d’investissement en matière écologique, de l’autre. Je ne reviendrai pas sur les propositions de Mario Draghi à ce sujet. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), les objectifs pour le climat exigent des investissements supplémentaires annuels de 50 milliards de la part de l’État et de 23 milliards des collectivités locales. Où aller les chercher alors qu’avec le développement du capital financiarisé, la part des revenus du capital dans la richesse a considérablement augmenté par rapport à celle des revenus du travail ?
Depuis 2017, les dividendes et les rachats d’actions d’entreprises du CAC40 ont été multipliés par deux ; autrement dit, les profits ont été de plus en plus utilisés pour nourrir la rente au lieu de financer les investissements et les créations d’emploi. La raison de cette évolution est simple : avec les avantages fiscaux, il est devenu plus intéressant de se payer en dividendes qu’en salaire. Et je citerai à mon tour France Stratégie, monsieur Labaronne, qui ne voit pas trace de la moindre création d’emploi engendrée par la politique de l’offre et de la compétitivité.
Monsieur Woerth, vous semblez trouver que je parle trop longtemps mais sachez que le président de la commission des finances peut prendre la parole tant qu’il le souhaite, possibilité dont je n’use du reste pas très souvent. Vous remarquerez aussi que deux orateurs du groupe EPR ont pu s’exprimer.
Il est faux de dire que la flat tax n’a pas eu d’influence sur l’économie. Compte tenu de la nécessité de réduire les déficits et de répondre aux besoins d’investissement, il ne serait pas excessif de prendre 5 milliards dans les richesses accumulées autour des dividendes depuis 2017. Je préfère que cette somme provienne de là plutôt que des poches des classes moyennes ou défavorisées ou d’une réduction des dépenses publiques.
La commission rejette successivement les amendements I-CF547, I-CF761, I-CF546 et I-CF763.
Puis elle adopte l’amendement I-CF1806.
En conséquence, les amendements I-CF765 et I-CF1160 tombent.
Amendements I-CF641 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF603 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement, inspiré par la volonté de rétablir la justice fiscale, vise à régler autant que faire se peut la question des surprofits. Nos principes fondamentaux nous empêchent de récupérer un certain nombre de surprofits réalisés au cours des deux dernières années. En revanche, on peut encore récupérer des surdividendes – on entend par là des dividendes supérieurs de 20 % à la moyenne des dix dernières années. Nous proposons de les fiscaliser bien plus durement, car ils illustrent le choix des entreprises de verser beaucoup plus d’argent que la normale à leurs actionnaires au lieu d’investir, de procéder à des acquisitions externes ou internes, de mieux rémunérer ou de mieux former leurs employés – toutes actions qui contribueraient à l’économie productive. L’amendement permettrait de faire entrer 750 millions dans les caisses de l’État.
M. Jacques Oberti (SOC). L’amendement I-CF603 reprend un amendement de M. Mattei adopté dans le PLF pour 2023 et écarté du fait du 49.3, qui visait à taxer les superdistributions de dividendes et les rachats d’actions pour inciter au réinvestissement dans le tissu productif. Il s’agirait de porter à 35 %, au moyen d’une majoration temporaire de 5 points, la taxation de la distribution de revenus par les grandes entreprises dépassant de 20 % la moyenne constatée sur la période 2017-2021.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faudrait articuler ces dispositions avec l’amendement qui vient d’être adopté, car l’augmentation proposée s’ajouterait à la hausse de 3 points du PFU. C’est à la Commission européenne que l’on doit l’idée de taxer les superprofits, définis comme des profits excédant de 20 % ceux constatés, en moyenne, sur une période quinquennale. La surtaxe que vous proposez vise les épargnants et non les entreprises, ce qui est pour le moins étrange. En outre, elle vise les revenus provenant de certaines entreprises et instituerait, ce faisant, une différence de traitement entre épargnants. Celle-ci ne serait pas sans soulever des questions constitutionnelles car elle n’a pas de lien direct avec les capacités contributives, le taux étant forfaitaire. Enfin, le principal atout du PFU est d’être un prélèvement forfaitaire. Il est donc contradictoire d’ajouter une tranche majorée ou d’exempter du PFU les contribuables au revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). À lire l’exposé sommaire de l’amendement du Rassemblement national, on a l’impression que le terme « dividende » est un gros mot et qu’il n’existe pas d’actionnariat salarié. Cela me semble une très mauvaise manière faite aux petits porteurs. En outre, rappelons que non seulement nous venons d’augmenter le PFU de 3 points, mais que nous avons accru la taxation des revenus du capital par l’institution de la contribution différenciée sur les hauts revenus. La contribution votée à l’article 3 a en effet pour assiette le revenu fiscal de référence, lequel comprend les dividendes et l’ensemble des plus-values.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les actionnaires ne sont pas des agents économiques passifs, des contribuables qui subissent les décisions prises. Ils assistent au conseil d’administration de leur entreprise et exercent leur droit de vote. Lorsqu’ils choisissent de se verser des dividendes excessifs au regard de la moyenne des dix années précédentes, ils participent à un choix économique qui n’est pas motivé par la poursuite de l’intérêt général. Ils privilégient l’enrichissement à court terme à l’investissement dans leur société. La seule raison pouvant expliquer de tels versements est la réalisation de surprofits, qui sont décorrélés de l’activité durable de l’entreprise. Des entreprises aussi importantes que Boeing paient très cher, aujourd’hui, ce genre de comportements. Cet amendement n’est pas dirigé contre les petits porteurs mais vise à favoriser l’investissement. Les gouvernements qui se sont succédé depuis trois ans ont laissé passer les surprofits. J’aimerais qu’on m’explique comment vous allez les récupérer.
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous soutiendrons l’amendement I-CF603, qui reprend l’amendement Mattei que nous avions adopté dans le PLF pour 2023. Monsieur Lefèvre, la contribution différentielle que nous avons votée prendra en compte l’impôt sur le revenu déjà payé – y compris, donc, la surtaxe sur les dividendes.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’amendement adopté il y a deux ans avait une vertu pédagogique : il visait à ce qu’on se pose les bonnes questions, dans les grandes entreprises, lors de l’approbation des comptes. À l’époque, le PFU s’élevait à 30 % mais, comme nous venons de le faire passer à 33 % – même si j’ai peu d’illusions quant au sort qui sera réservé à cette disposition –, il ne me paraît pas utile d’en rajouter.
Un bénéfice est utile à l’entreprise : il lui permet de rémunérer ses collaborateurs, d’investir, de se développer, d’engager la transition énergétique. C’est pourquoi je suis plus réservé sur la taxation des superprofits. En tout état de cause, un entrepreneur digne de ce nom ne pense pas jour et nuit au versement de dividendes ; il se concentre sur le développement de son entreprise.
La commission rejette l’amendement I-CF641.
Puis elle adopte l’amendement I-CF603.
Amendements I-CF512 de M. Franck Allisio, I-CF903 et I-CF904 de Mme Mathilde Feld, I-CF1669 et I-CF1670 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)
M. Franck Allisio (RN). Révélées au cours de l’enquête sur les CumEx Files, en 2018, les opérations dites d’arbitrage de dividendes dont se sont rendues coupables plusieurs grandes banques sont préoccupantes. Ces pratiques, qui ont représenté un coût de 30 milliards pour nos finances publiques, doivent être efficacement combattues. Pour ce faire, le présent amendement vise à réécrire l’article 119 bis A du code général des impôts afin de réintroduire les mesures votées par le Sénat lors du débat sur le PLF pour 2019, qui avaient ensuite été vidées de leur substance par notre assemblée. Afin d’éviter le recours à des montages abusifs d’évitement de l’impôt, nous proposons de soumettre à la procédure normale les dividendes versés à un résident d’un État lié à la France par une convention fiscale prévoyant une retenue à la source de 0 %. Par la suite, le bénéficiaire pourra demander le remboursement d’un éventuel trop-perçu sur présentation des justificatifs nécessaires.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous proposons, par l’amendement I-CF903, de reprendre les dispositions d’une proposition de loi déposée par Charlotte Leduc visant à lutter contre l’évasion fiscale. Elles ciblent deux escroqueries à grande échelle révélées par des journalistes du Monde en 2019 : les CumCum et les CumEx. Ces pratiques ont pour objet, dans un cas, de se soustraire au paiement de l’impôt et, dans l’autre cas, de demander un remboursement, qui n’a pas lieu d’être, d’une retenue d’impôt.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Par l’amendement I-CF904, nous entendons combattre avec force les stratégies d’évitement, qui sont une technique de fraude fiscale. Le coût des arbitrages de dividendes est considérable : à titre d’exemple, les CumEx ont représenté un montant de 33 milliards sur une période de 20 ans.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les CumCum internes ou externes, qui désignent des arbitrages de dividendes, ont été révélés en 2018 par un article du Monde qui a fait grand bruit. Cette fraude sévit dans de nombreux pays, qui ont plus ou moins réagi. La France n’a pas pris de mesures assez fortes, puisque ces opérations privent encore le budget de l’État de plusieurs milliards. Ces dernières sont réalisées grâce à la complicité d’intermédiaires, qui sont souvent des banques. En 2023, le parquet national financier (PNF) a d’ailleurs effectué des perquisitions au sein de cinq banques.
L’amendement I-CF1669 concerne les CumCum internes. Cette pratique consiste, pour un détenteur d’actions, à prêter ses titres à une banque française, le temps du paiement du dividende – la banque étant évidemment exonérée de l’impôt sur les dividendes. Juste après, le détenteur récupère les titres, ainsi que les dividendes, sans avoir jamais payé l’impôt. En 2019, le Sénat a tenté de contrecarrer cette pratique, mais l’ingénierie financière étant sans limites, de nouveaux artifices ont été mis au point. Cet amendement vise donc à élargir le dispositif de régulation.
L’amendement I-CF1670 porte, lui, sur les CumCum externes. Dans le cadre de ce mécanisme, le partenaire du contournement de l’impôt n’est pas une banque française mais un individu localisé dans un pays qui a conclu avec la France une convention fiscale ne prévoyant pas de retenue à la source. Ce procédé permet, de la même façon, d’éviter l’impôt. Ces détournements coûtent des milliards chaque année. Parmi les pays qui ont réussi à les réguler le plus efficacement figurent évidemment les États-Unis. Je propose que nous leur emboîtions le pas.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut se doter d’un dispositif à même d’empêcher la réalisation des CumCum, en contraignant le bénéficiaire effectif final – autrement dit, le véritable détenteur des actions – à payer le PFU. Il me semble que l’amendement I-CF1670, qui propose d’inscrire dans notre droit la notion de bénéficiaire effectif, est le mieux rédigé de tous ceux qui nous sont proposés. Cela constituerait une évolution pertinente pour renforcer les moyens de lutte contre les arbitrages de dividendes. Sur le principe, je suis favorable à tous ces amendements, mais les éléments repris du dispositif adopté par le Sénat présentaient plusieurs difficultés que l’amendement I-CF1670 pourrait résoudre. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit de ce dernier.
La commission rejette successivement les amendements I-CF512, I-CF903 et I-CF904.
Elle adopte successivement les amendements I-CF1669 et I-CF1670.
Amendement I-CF752 de Mme Marianne Maximi
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à instaurer une taxation annuelle sur l’enrichissement des droits sociaux, y compris ceux qui sont déposés sur un plan d’épargne en actions (PEA) ou une assurance vie. Mais, si l’on peut envisager de taxer les plus-values latentes, la méthode retenue n’est pas la bonne, le Conseil constitutionnel ayant déclaré contraire à la Constitution le fait d’intégrer dans le revenu imposable du contribuable des sommes « qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé » au cours de l’année. De plus, les PEA et les assurances vie sont assortis d’incitations fiscales destinées à encourager la conservation à moyen terme de l’épargne, à des fins de financement de l’économie ou de la dette. La mesure que vous proposez minorerait cette dimension. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1282 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à supprimer une niche fiscale indue, qui concerne les entrepreneurs réinvestissant, par le biais des holdings dites de l’article 150‑0 B ter du CGI, des plus-values réalisées, par exemple, en cas d’événement de liquidité touchant leur société. Ce mécanisme permet de reporter le paiement du PFU. L’amendement vise à exclure la possibilité de reporter le paiement lorsque le réinvestissement se fait dans la gestion immobilière, à moins que la plus-value ne provienne du secteur de l’immobilier. Autrement dit, un entrepreneur qui a gagné de l’argent en prenant des risques bénéficierait du report seulement s’il réinvestit dans des activités risquées. J’ai auditionné de nombreux bénéficiaires de ce dispositif qui le considèrent eux-mêmes indu. Cette mesure rapporterait environ 200 millions, ce qui permettrait de financer le maintien de dispositifs tels que le crédit d’impôt innovation ou les jeunes entreprises innovantes – lesquels font l’objet d’amendements que nous examinerons ultérieurement – sans compliquer l’équation budgétaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous souhaitez exclure du mécanisme de report d’imposition les activités de gestion de biens immobiliers ou hôteliers, au motif qu’il ne s’agit pas d’un réinvestissement dans l’économie réelle. Il ne me semble pourtant pas que l’investissement dans l’immobilier soit improductif : il produit des services, à commencer par la fourniture de logements à nos concitoyens. Nous devons aujourd’hui plus que jamais encourager les investissements dans ce secteur. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1282.
Amendement I-CF1378 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à faire évoluer la taxation des plus-values de cession des titres des foncières solidaires. Ces dernières, rappelons-le, sont des organismes à but non lucratif qui œuvrent dans l’immobilier social et très social et qui sont soumis à des contraintes que l’on rencontre fréquemment dans le monde de l’économie sociale : interdiction – en général – de la distribution de dividendes, peu ou pas de valorisation des parts sociales, etc. Celles qui disposent d’un agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu, qui est justifiée par la finalité sociale de leur activité. Toutefois, lors de la cession, la souscription taxée est relativement faible, et l’imposition diminue l’incitation fiscale initiale. Il est proposé d’introduire une exception dans le régime de taxation des plus-values de cession en faveur des structures solidaires, en particulier celles qui ont reçu l’agrément ESUS.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à exclure le montant de la réduction d’impôt accordée sur les investissements dans des ESUS et des foncières solidaires de la détermination de l’assiette d’imposition des plus-values : cela revient à minorer la plus-value réalisée sur un gain, et crée un avantage fiscal dans l’avantage fiscal, alors même que les ESUS et les foncières solidaires bénéficient d’un taux majoré de 25 % de réduction d’IR et, pour les foncières solidaires, d’un droit d’enregistrement réduit. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF604 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement constitue notre contribution au débat sur la taxation des plus-values latentes. Nous avions introduit, à l’article 19 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, une exception à la purge des plus-values latentes en cas de donation de valeurs mobilières suivie d’une revente dans les dix-huit mois, en prévoyant l’imposition de la plus-value lors de la revente. Le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition.
Nous vous proposons une approche qui nous semble valide du point de vue constitutionnel, qui consiste à assimiler, sur le plan fiscal, la cession à titre gratuit et la cession à titre onéreux. La première serait considérée comme le fait générateur de l’imposition, ce qui ouvrirait la possibilité de taxer la plus-value constatée. La taxation serait assortie d’un report d’imposition pour le donateur. Autrement dit, la plus-value serait constatée, calculée et déclarée, mais le paiement de l’impôt serait différé jusqu’à la cession des titres. La transmission à la suite d’un décès se traduirait par un transfert automatique de la charge fiscale et un report d’imposition jusqu’à la cession des actifs. De nombreux travaux ont été menés à ce sujet aux États-Unis. Il y a là une base fiscale considérable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous soulevez un débat important et intéressant. Votre amendement vise à instaurer un report d’imposition des plus-values latentes constatées au moment de la transmission. Le report implique que le montant de l’impôt soit calculé selon la valeur des titres au moment de la transmission. Or, ces titres peuvent ensuite perdre de leur valeur, et ce jusqu’au moment de leur vente effective, laquelle déclencherait l’imposition. Afin d’éviter que le contribuable ne soit taxé sur une plus-value latente qui ne deviendrait jamais effective, donc selon des modalités qui ne respecteraient pas ses facultés contributives, il conviendrait sans doute de privilégier un mécanisme de sursis d’imposition plutôt que de report d’imposition. Je vous invite à retirer votre amendement et à le modifier en ce sens ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le rapporteur général a raison : en cas de report, le montant de la plus-value est calculé selon la valeur des titres au moment de la transmission. Quand bien même le bien perdrait de la valeur, le contribuable devrait s’acquitter d’un impôt élevé. Ce problème se présente aussi, par exemple, en cas d’apport d’une entreprise individuelle à une société, tel que prévu à l’article 151 octies du CGI. Toutefois, dans le cas d’une transmission à titre gratuit, le bénéficiaire s’acquitte de droits de donation pouvant atteindre 45 % en ligne directe. Le fait de devoir payer un impôt sur la plus-value latente constituerait à mes yeux une double peine.
M. Philippe Brun (SOC). Je retire l’amendement pour le retravailler.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1813 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le pacte Dutreil prévoit qu’en cas de transmission d’une entreprise dans un cadre familial, la valeur prise en compte pour le calcul des droits de mutation fait l’objet d’un abattement de 75 % sous réserve de la conservation des titres pendant une certaine durée. Nous proposons qu’en cas de cession ultérieure des parts de l’entreprise, la plus-value soit calculée non pas à partir de la valeur brute de la société mais en prenant en compte la valeur abattue. En effet, dans le droit actuel, la taxation est largement minorée alors même que l’entreprise est cédée. Le pacte Dutreil est un outil très utile pour assurer la transmission des entreprises familiales ; il évite que celles-ci ne soient vendues à des groupes et empêche les déséquilibres territoriaux. Toutefois, on peut l’aménager pour éviter un effet d’aubaine fiscal.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement propose de taxer les plus-values latentes neutralisées dans le cadre d’une transmission de parts d’entreprise sous le régime du pacte Dutreil. On peut engager une réflexion sur l’effacement des plus-values latentes, sur les modalités du pacte Dutreil, mais circonscrire la fiscalisation de ces plus-values au seul pacte Dutreil créerait une rupture d’égalité vis-à-vis des autres modes de transmission de titres. Avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les membres du groupe Écologiste et social approuvent pleinement l’amendement. Les autres modes de transmission que vous évoquez, monsieur le rapporteur général, ne bénéficient pas d’une exonération aussi avantageuse ; le taux de 75 % nous paraît d’ailleurs très excessif. En outre, le pacte Dutreil a pour objet de maintenir l’entreprise au sein du patrimoine familial. Si la personne à qui elle a été transmise ne respecte pas l’esprit de la loi et la vend dans un délai plus court que celui qui était prévu par le législateur, il faut lui appliquer des règles moins favorables, comme le propose M. Mattei.
M. Nicolas Sansu (GDR). Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront également l’amendement. Cela étant, plusieurs questions demeurent sans réponse au sujet du pacte Dutreil. Nous ne connaissons pas exactement le coût du dispositif puisque – aussi surprenant que cela puisse paraître – nous votons chaque année le même montant forfaitaire, malgré la variation du nombre de bénéficiaires. Il faudra travailler sur la durée de détention, le plafonnement et, peut-être, le montant de l’abattement en fonction de la valeur de la cession.
Mme Véronique Louwagie (DR). La durée de l’engagement, dans le cadre du pacte Dutreil, est un sujet de réflexion récurrent. Nous proposerons, au nom du groupe de la Droite républicaine, un amendement visant à faire passer la durée de détention de quatre à huit ans et à porter le taux de l’exonération au-delà de 75 %, pour tenir compte de cette durée.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Tant que l’entreprise est transmise à titre gratuit dans le cadre de la famille, il n’y a pas de taxation des plus-values. Il ne s’agit pas du même cadre juridique que celui du sursis d’imposition. Pour calculer l’augmentation de la valeur de l’entreprise, on part de la valeur abattue et on prend en compte le temps écoulé depuis la transmission.
Monsieur le rapporteur général, le pacte Dutreil constitue un régime particulier, ce qui justifie des délais de détention spécifiques. Sinon, il y aurait une rupture d’égalité puisqu’on taxerait différemment le patrimoine classique et le patrimoine professionnel. On avait d’ailleurs fixé, initialement, une durée de détention de quinze ans. Le dispositif que je vous propose est tout à fait applicable compte tenu de la particularité du pacte Dutreil, qui est liée au type de biens transmis.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez raison, monsieur Mattei, mais, comme vous l’avez rappelé, la durée de détention était, à l’époque, de quinze ans ; elle a été ramenée depuis à six ans – ce qui m’a toujours paru déraisonnable, mais c’est un autre débat.
La commission adopte l’amendement I-CF1813.
Amendement I-CF754 de M. Aurélien Le Coq
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Malgré une large mobilisation lors de la crise agricole, les difficultés rencontrées par les agriculteurs perdurent : un agriculteur se suicide tous les deux jours, un quart vit sous le seuil de pauvreté, leur taux de mortalité est supérieur de 43 % à celui du reste de la population et la moitié ne peut pas prendre de congé faute de remplacement pendant leur absence, pourtant indispensable compte tenu de la nature de leur profession.
Afin de leur permettre de prendre des vacances, cet amendement vise à pérenniser le crédit d’impôt pour dépenses de remplacement, et à porter à 100 % le taux de prise en charge pour les quatorze premiers jours de congé.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je pense qu'il y a une erreur : l'exposé de votre amendement porte sur le crédit d'impôt au titre du remplacement pour congé des exploitants agricoles et votre dispositif sur la taxation à la source des plus-values.
Difficile de savoir quel sujet vous voulez aborder...
M. le président Éric Coquerel. L’exposé sommaire présenté ne correspondait pas au dispositif de l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF275 de M. Peio Dufau et I-CF1816 de M. Emmanuel Mandon (discussion commune)
M. Peio Dufau (SOC). En imposant un délai de cinq ans de détention d’un bien au titre de résidence principale pour pouvoir bénéficier de l’exonération sur les plus-values, l’amendement vise à lutter contre les culbutes spéculatives rapides dans les territoires très attractifs. Au Pays basque, par exemple, des maisons déclarées comme résidences principales sont remises en vente un mois après leur achat, à un prix deux fois plus élevé, sans que cette plus-value soit taxée. Les cas de force majeure ne seraient évidemment pas concernés.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Mon amendement vise à modifier le 1° du II de l’article 150 U du code général des impôts afin de conditionner l’exonération de taxe sur les plus-values immobilières à la déclaration en résidence principale, pendant au moins cinq ans, du bien vendu, sauf en cas d’événements de la vie. Contrairement à l’amendement précédent, cette durée serait précisée par décret.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’administration dispose déjà de moyens pour lutter contre les fraudes sur les plus-values immobilières, notamment pour vérifier l’occupation effective du bien.
Vous soulevez néanmoins un point important. Pour éviter les effets de bord, le dispositif ne doit viser que les situations de contournement réel du dispositif. Je vous invite donc à retravailler l’amendement en ce sens en vue de l’examen en séance.
M. Peio Dufau (SOC). Il n’y a aujourd’hui aucun contrôle, et pour cause : c’est quasiment incontrôlable, car la loi n’est pas suffisamment claire. La ville de Biarritz enregistre 1 000 demandes de passage en résidence principale chaque année : faute pour les élus de pouvoir tout contrôler, c’est une source de fraude fiscale majeure, qui emporte de lourdes conséquences.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Revenir au dispositif en vigueur il y a quelques années est une mesure de bon sens, qui permettrait d’assurer davantage de stabilité. Bien entendu, en cas de changement affectant la famille, comme une mutation, un décès ou l’arrivée d’un enfant, il ne sera pas nécessaire de justifier de cinq ans de détention au titre de la résidence principale.
Le Conseil d’État a confirmé dans une décision qu’un bien pouvait être considéré comme une résidence principale après seulement huit ou neuf mois de résidence : reconnaissez que si nous n’encadrons pas ce dispositif, les excès et les dérives perdureront.
M. Gérault Verny (UDR). Aujourd’hui, l’administration fiscale requalifie déjà systématiquement les dérives en abus de droit. C’est donc bel et bien contrôlé.
M. Inaki Echaniz (SOC). Un Basque peut en cacher un autre : je souscris aux propos de mon collègue Dufau. Le cadre actuel est insuffisant, puisqu’il suffit d’occuper six mois une résidence et de le prouver en présentant une simple facture d’électricité ou de téléphonie pour qu’elle soit considérée comme une résidence principale. Au Pays basque, certains ont revendu 1,2 million une maison achetée 250 000 euros six mois avant : un coup de peinture, et terminé ! J’ai pris l’exemple le plus flagrant, d’autres culbutes sont moins impressionnantes. Reste que nous n’avons aucun moyen de lutter contre ce phénomène : comme l’a dit M. Mattei, c’est donc une mesure de bon sens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il y a incontestablement un problème. Je connais moi-même des gens qui en vivent : ils achètent, réhabilitent, déclarent leur résidence principale puis revendent sans être taxés sur la plus-value. Ils ne paient jamais d’impôts – et certains vont même jusqu’à toucher aussi le RSA, puisqu’ils n’ont pas de revenu officiel !
Nous pouvons porter à cinq ans la durée pour bénéficier de l’exonération, mais cela ne résoudra pas le problème de l’effectivité des contrôles.
La commission adopte l’amendement I-CF275 ; en conséquence, l’amendement I-CF1816 tombe.
Amendement I-CF328 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Créé en 2005 et déjà prorogé à huit reprises – preuve de son efficacité –, le dispositif d’exonération d’impôt sur les plus-values constatées par les personnes physiques lors des cessions d’immeubles lorsque l’acquéreur s’engage à réaliser des logements sociaux doit s’éteindre en 2025. Par cet amendement qui nous a été soumis par l’Union sociale pour l’habitat (USH) – j’en profite pour féliciter Emmanuelle Cosse, qui vient d’être réélue à sa tête –, nous proposons de le proroger jusqu’en 2027 pour assurer la continuité de ce dispositif efficace et de bon sens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce dispositif est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025. L’amendement anticipe donc sa prorogation. Prenons le temps de l’évaluer, notamment en termes de coût : nous aviserons l’année prochaine. Je vous invite donc à retirer l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF48 de M. François Jolivet et I-CF1814 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). Alors que les régimes d’abattement sur les plus-values ont renforcé la rétention foncière et que les terrains à construire se feront encore plus rares avec l’application de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), nous avons eu l’idée, avec Jean-Paul Mattei, de renverser le système d’imposition : plus la vente est rapide, moins la plus-value est taxée.
Alerté sur le risque d’inconstitutionnalité du dispositif proposé, j’ai interrogé des constitutionnalistes, qui n’en ont pas vu.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Aujourd’hui, les plus-values à la cession d’un bien détenu depuis plus de vingt-deux ans – trente ans pour les prélèvements sociaux – ne sont pas soumises à l’imposition de 36,2 % – 19 % au titre de plus-value immobilière et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, sur les valeurs déjà abattues en fonction de la durée de détention. Ce système encourage la rétention foncière.
Dans le même esprit que la taxation du rachat d’actions ou de titres, je propose donc de soumettre ces cessions à une flat tax – 30 % ou 33 %, nous en reparlerons au cours des débats –, après réévaluation de la valeur du bien grâce à l’application d’un coefficient d’érosion monétaire. Évidemment, les résidences principales resteront exonérées.
Nous proposons que cette réforme, qui aura des effets importants, s’applique aux terrains à bâtir à compter du 1er janvier 2026, et au bâti à compter du 1er janvier 2027, ce qui incitera les propriétaires qui veulent bénéficier du régime actuel à libérer le foncier ; ceux qui préféreront attendre seront taxés sur les plus-values à la revente. Il s’agit, en quelque sorte, d’aligner le régime d’imposition des plus-values immobilières sur celui des plus-values mobilières, à la différence qu’il n’y a pas d’indexation du prix d’achat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En l’état du droit, la cession d’un bien immobilier autre que la résidence principale est partiellement exonérée d’impôt au titre de la plus-value immobilière et des prélèvements sociaux à compter de la cinquième année de détention. Le régime actuel prévoit en effet un taux forfaitaire d’imposition de 19 %, assorti d’abattements de 6 % par an de la cinquième à la vingt et unième année de détention, puis 4 % la vingt-deuxième année. L’abattement atteint donc 100 % au bout de vingt-deux ans de détention.
Telle une révolution copernicienne, l’amendement I-CF48 vise à renverser la logique actuelle en prévoyant un abattement de 90 % en cas de cession après seulement deux ans de détention, minoré ensuite de 10 % par an pour atteindre seulement 10 % la dixième année.
Si séduisante qu’elle soit sur le plan intellectuel, cette proposition pose plusieurs difficultés. Tout d’abord, son coût est difficilement chiffrable, mais il serait probablement important. En outre, le taux d’abattement proposé, qui peut atteindre 90 %, risque de créer une rupture d’égalité et d’engendrer un choc pour les propriétaires investisseurs, en générant une forte redistribution des avantages. Les marchands de biens et les acteurs du marché immobilier, qui achètent dans la perspective d’une revente rapide, seront les grands gagnants de cette réforme, qui risque d’inciter à la spéculation immobilière. Avis défavorable.
J’en viens à l’amendement I-CF1814.
La fiscalité des plus-values immobilières, qui rapporte actuellement plus de 3 milliards d’euros, doit combiner deux objectifs : la lutte contre la rétention foncière et la lutte contre la spéculation. Toute réforme doit donc être envisagée avec prudence. Si l’objectif est de créer un choc d’offre, je suis plus favorable, dans l’immédiat, à l’assujettissement des logements neufs au PFU et à l’IFI, qui permettent de répondre plus largement à la problématique et de ne pas la restreindre à la question des résidences secondaires.
En outre, vous proposez de prendre comme référence l’indice des prix à la consommation, qui n’intègre pas la valeur des logements. Au regard de la logique qui sous-tend votre amendement, ne vaudrait-il pas mieux proposer une référence portant spécifiquement sur le prix du logement ?
Face à cette révolution intellectuelle, je reste prudent. Je crains qu’il y ait des risques de spéculation, puis qu’on se trouve face à un nouveau blocage. Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). L’amendement de M. Jolivet propose exactement le contraire de l’amendement I-CF275, que nous venons d’adopter pour limiter les manœuvres spéculatives.
Il me semble par ailleurs qu’il existe d’autres possibilités que celle proposée par M. Mattei pour remettre des résidences secondaires sur le marché des résidences principales, et ainsi lutter contre la crise du logement. En séance, je vous proposerai de supprimer toute exonération sur les plus-values immobilières pour les résidences secondaires à compter de 2027.
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous avions déposé un amendement similaire au I-CF1814, malheureusement déclaré irrecevable, mais celui de M. Mattei propose même un taux de taxation supérieur. Nous le soutiendrons donc et veillerons à ce que cette avancée soit confirmée en séance.
M. Philippe Juvin (DR). Je suis très gêné par la tonalité politique de ce débat : vous accusez les propriétaires de rétention foncière. Admettez que c’est une vision particulière de la société !
Au fond, à vos yeux, le problème de fond est celui de la propriété privée. Votre amendement vise à pousser ceux qui auraient eu la chance d’hériter d’une résidence secondaire, par exemple, à s’en séparer. Au-delà de la recherche permanente de la recette fiscale, votre vision interroge l’organisation de la société. Il n’y a pas de rétention foncière : il y a de la propriété privée.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Permettez-moi de reformuler ma proposition. Admettons que vous possédez un bien depuis trente ans : si vous souhaitez le donner à vos enfants, les plus-values ne seront pas taxées ; elles ne le seront que si vous décidez de le vendre. Lorsque je revends, parfois dix ou cent fois sa valeur d’achat, un bien détenu depuis plus de trente ans, et que ma plus-value n’est pas imposée, où sont le talent et le mérite ? Cette plus-value est le seul effet de l’évolution du contexte, et c’est pourquoi je propose d’appliquer un coefficient de revalorisation et une imposition forfaitaire.
Monsieur Labaronne, mon amendement se veut incitatif : pour ne pas piéger les propriétaires, je propose de ne taxer les plus-values sur les biens détenus depuis plus de trente ans qu’à compter de 2027. S’ils ne souhaitent pas vendre, les propriétaires seront toujours libres de donner leur bien. Je précise que les plus-values seront calculées à partir du montant au moment de la donation, et non par rapport à la valeur originelle du bien. Cette proposition s’inscrit très logiquement dans notre débat sur l’imposition des plus-values latentes.
M. François Jolivet (HOR). Monsieur Juvin, je ne mets pas en cause le principe de propriété privée, je constate simplement que la rétention foncière est de plus en plus forte, surtout à l’approche de l’application du zéro artificialisation nette (ZAN). Comme l’a très bien dit Jean-Paul Mattei, si un terrain prend de la valeur uniquement parce qu’il devient constructible, ou si le prix d’une maison est doublé du seul fait de l’opération d’aménagement d’un promoteur qui a acheté les deux maisons à côté, c’est uniquement par effet d’aubaine.
En tant que rapporteur spécial des crédits relatifs au logement et à l’hébergement d’urgence, je ne peux que vous confirmer que les grandes difficultés d’accès au foncier s’ajoutent à la crise traversée par les promoteurs. Il faut vraiment réussir à inverser la tendance.
Je retire mon amendement au profit de celui de M. Mattei.
L’amendement I-CF48 est retiré.
La commission adopte l’amendement I-CF1814.
Amendement I-CF798 de M. François Piquemal
M. David Guiraud (LFI-NFP). Dans la droite ligne de nos discussions, cet amendement vise à décourager la rétention foncière des terrains à bâtir à des fins de spéculation immobilière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Au prétexte de lutter contre la rétention foncière, cet amendement alourdit considérablement la fiscalité sur les transactions de terrains à bâtir. En effet, en plus de supprimer l’abattement pour durée de détention, il prévoit une augmentation annuelle de l’imposition à partir de cinq ans de détention ; ce coefficient fiscal atteint 104 % au bout de dix-neuf ans, puis continue d’augmenter de 12 % par an, sans aucune limite dans le temps. Cela ne va pas encourager les transactions, bien au contraire : qui voudra investir dans des biens dont la fiscalité s’alourdit s’ils ne sont pas revendus très rapidement ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF812 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Dans leur rapport, Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu soulignaient à juste titre une déconnexion entre le prix de l’immobilier et le coût de la construction, en raison de la part croissante du foncier dans la valorisation immobilière, qui représente aujourd’hui 50 %, contre seulement 20 % à la fin des années 1990.
Inspiré des propositions du volet logement du Conseil national de la refondation (CNR), l’amendement vise donc à imposer davantage les plus-values – parfois très importantes – liées à la proximité d’équipements ou opérations financés par des investissements publics, comme la desserte par un métro ou un tramway, la création d’un parc ou le réaménagement d’un quartier, afin qu’une part revienne aux collectivités qui les ont financés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée de taxer la part de valorisation des terrains liée à des investissements publics n’est pas nouvelle, mais si l’intention est bonne, j’y vois plusieurs difficultés. Comment isoler l’effet d’un aménagement urbain des autres facteurs de valorisation d’un bien ? En outre, on ne peut pas sanctionner l’amélioration de la qualité de vie due aux aménagements publics.
L’amendement est sympathique mais, en l’état, il est inapplicable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Permettez-moi de contredire votre sympathique analyse sur deux points, monsieur le rapporteur général.
Tout d’abord, il ne s’agit pas de sanctionner les équipements publics qui ont contribué à l’amélioration de la qualité de vie des habitants. Seulement, il semble normal qu’une partie de la plus-value liée à ces équipements, qui ont été financés avec les impôts de tous, revienne aux collectivités locales. C’est une sorte de contribution au pot commun.
Ensuite, l’amendement propose de définir un périmètre. C’est un fait avéré : aujourd’hui, la localisation des terrains contribue fortement aux plus-values. Dès que l’arrivée prochaine du métro est annoncée, les terrains ou logements autour prennent immédiatement de la valeur.
M. Jean-Didier Berger (DR). Rien de tel que cet amendement si on veut inciter les particuliers à s’opposer aux projets d’intérêt général portés par les collectivités ! Il y aura des recours en pagaille et plus personne n’aura intérêt à réaliser des aménagements publics. Cet amendement serait particulièrement néfaste.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1645 de M. Mathieu Lefèvre
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à exonérer partiellement de la taxation sur les plus-values immobilières la vente de terrains situés dans un périmètre de 500 mètres autour des gares du Grand Paris, si elle se fait au profit des collectivités territoriales, des établissements de coopération intercommunale ou des établissements publics fonciers, et que la cession intervient avant le 31 décembre 2025.
Tout le monde sait pertinemment que la proximité d’une gare augmente la valeur d’un bien et engendre de la spéculation : je ne vois pas pourquoi on y ajouterait un avantage fiscal. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1805 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La vente des œuvres d’art bénéficie d’un avantage fiscal, puisqu’elle n’est taxée qu’à hauteur de 6 %, auxquels s’ajoute la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Les cédants peuvent également opter pour le régime d’imposition des biens meubles, qui prévoit une exonération totale de taxation au bout de vingt-deux ans de détention. Le marché de l’art doit être préservé, mais, dans le contexte actuel, il est normal qu’il participe au redressement fiscal du pays.
Toujours dans un souci de justice fiscale, le groupe Démocrate propose donc de relever de 6 % à 10 % la taxe sur la cession des œuvres d’art.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Actuellement, la vente des biens mobiliers de plus de 5 000 euros est soumise à une taxe forfaitaire de 6 %.
Si nous souhaitons réformer cette taxe, faisons-le plus finement, en prévoyant un barème avec plusieurs tranches, afin que l’imposition soit proportionnelle au montant du bien : on ne peut pas imposer de la même manière la vente d’un bijou de famille et celle d’un tableau de maître. Je vous invite à retravailler l’amendement en ce sens en vue de la séance ; en l’état, j’y suis plutôt défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1653 de Mme Christine Pirès-Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cet amendement ne coûte ni ne rapporte rien – pour l’instant, du moins ! Il tend simplement à créer un registre répertoriant les œuvres d’art. Prévoir une taxe, c’est bien, mais encore faut-il pouvoir contrôler sa bonne application : en l’absence d’un tel registre, les contrôleurs du fisc ont toutes les difficultés du monde à le faire.
Pour les plus curieux, je vous renvoie à l’héritage de Claude Berri, décédé il y a maintenant quinze ans, mais dont la succession n’est toujours pas soldée, en raison, notamment, des plus de 400 œuvres d’art qu’il possédait, et dont l’estimation donne bien du mal aux agents du fisc, qui sont demandeurs d’une telle solution.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat lors de la création de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et il avait été décidé qu’au moment de leur succession, les biens transmis seraient imposés au taux forfaitaire de 5 %.
La mesure proposée me semble à la fois inapplicable et inquisitoriale. Imaginez-vous vraiment les malheureux contrôleurs du fisc procéder à l’inventaire de toutes les œuvres d’art, en faisant appel à des experts faute d’être eux-mêmes compétents pour déterminer si la leur valeur est inférieure ou supérieure à 5 000 euros ? En outre, la pertinence fiscale de cet amendement reste limitée, puisque les objets ne sont taxés qu’au moment de leur vente. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 21 heures
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, Mme Christine Loir, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Thomas Portes, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Vincent Trébuchet, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - Mme Marina Ferrari, Mme Yaël Ménaché, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - Mme Cyrielle Chatelain, M. Peio Dufau, M. Inaki Echaniz, M. Moerani Frébault, M. Gérard Leseul, M. Paul Midy, Mme Béatrice Piron, M. Dominique Potier