Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) 2
– présences en réunion...........................54
Jeudi
17 octobre 2024
Séance de 14 heures 30
Compte rendu n° 018
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel, Président
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La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
Après l’article 3 (suite)
Amendement I-CF1600 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il existe une fiscalité spécifique pour les contrats d’assurance vie : un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire est appliqué sur les capitaux décès issus des primes versées avant les 70 ans de l’assuré. Nous proposons de permettre une transmission par anticipation aux bénéficiaires des contrats, par un rachat des primes versées avant le 1er octobre 2024, afin d’éviter un effet d’aubaine, pour tous les titulaires qui auront atteint 70 ans au 31 décembre 2025, dans la limite de 152 500 euros par bénéficiaire. Cet amendement n’aura pas de coût, puisqu’il ne créera pas de nouvel abattement ; il permettra simplement de profiter de l’abattement actuel de manière anticipée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est intéressant. Certains pensent qu’il suffirait de faire une donation d’assurance vie, mais ce n’est pas possible. Même si c’est un peu bizarre, juridiquement l’assurance vie n’appartient pas à celui qui l’a contractée et abondée. Si on veut aller dans le sens proposé par Mme Louwagie, il faut sortir du contrat et faire une donation.
Je ne suis pas défavorable à l’amendement pourvu qu’on respecte deux conditions. La première, qui semble remplie, est que l’abattement ne puisse être utilisé qu’une fois – il ne sera plus applicable pour une donation ou lors du décès. La seconde condition est qu’il faut bien préciser le statut de l’opération au regard de l’impôt sur le revenu (IR) – les sommes extraites de l’assurance vie y sont soumises. Il faudrait donc compléter l’amendement en vue de la séance publique.
Mme Véronique Louwagie (DR). Mon amendement précise que l’abattement appliqué en 2025 dans le cadre du dispositif de rachat « sera décompté de ceux de même nature applicable au moment du décès ». S’agissant de l’impôt sur le revenu, je pourrai effectivement compléter la rédaction. L’objectif de cette proposition est de remettre de l’argent en circulation dans l’intérêt de notre économie et de personnes plus jeunes.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne comprends pas bien la question qui se pose en matière d’IR.
Mme Véronique Louwagie (DR). Elle concerne la plus-value réalisée.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’amendement est effectivement très intéressant. Les sommes placées dans un contrat d’assurance vie font l’objet d’un abattement de 152 500 euros au décès du titulaire du contrat : on ne sait pas quand cela interviendra, mais on peut penser que les bénéficiaires seront alors relativement âgés et auront moins tendance à consommer que des personnes plus jeunes. Cette proposition d’anticipation de l’exonération permettra de débloquer des ressources complémentaires, de la consommation et peut-être de la TVA, ce qui me semble très pertinent pour relancer un peu la machine économique.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1352 de M. Laurent Baumel, I-CF788 de M. Éric Coquerel, I‑CF213 de M. Éric Ciotti, I-CF692 de M. Corentin Le Fur et I-CF428 de M. Christophe Plassard (discussion commune)
M. Laurent Baumel (SOC). Mon amendement reprend une idée dont nous avons déjà débattu ce matin : la prise en compte de toutes les donations antérieures au moment de l’imposition de l’héritage. Le désir bien légitime de beaucoup de Français de ne pas attendre leur décès pour que leurs enfants puissent bénéficier du fruit de leurs efforts ne saurait remettre en cause le principe redistributif qui est au fondement de notre fiscalité dans ce domaine.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous entendons depuis ce matin des propos assez terrifiants : c’est à se demander si tout le monde est ici pour défendre l’intérêt général et non certains intérêts privés.
Je vous propose de comptabiliser la totalité de l’héritage reçu tout au long d’une vie lors du calcul des droits de succession. Nous reviendrons ainsi sur l’abattement de 100 000 euros qui s’applique tous les quinze ans.
La France devient peu à peu une société d’héritiers : en 2023, 60 % des patrimoines étaient issus d’un héritage, contre seulement 35 % au début des années 1970. Nous voulons rétablir un peu de justice fiscale, pour éviter que seules les personnes bien nées puissent profiter de leur vie.
M. Gérault Verny (UDR). L’amendement I-CF213 vise à redonner du pouvoir d’achat aux Français en réduisant de quinze à cinq ans le délai dans lequel un nouvel abattement, de 100 000 euros en ligne directe et de 31 865 euros pour les petits-enfants, est applicable en cas de donation. Le montant de l’épargne de la population s’élève à 935 milliards d’euros et l’âge moyen à l’héritage croît régulièrement – il est actuellement de 52 ans. Grâce à notre amendement, les parents et les grands-parents auront la possibilité de donner plus régulièrement aux jeunes générations, qui sont les plus à même d’investir, ce qui dopera de manière significative notre économie.
M. Nicolas Ray (DR). Alors que l’on hérite de plus en plus tard, l’amendement I‑CF692 permettra de faciliter les donations entre les générations en réduisant de quinze à dix ans le délai entre deux abattements.
M. Christophe Plassard (HOR). Mon amendement vise également à passer à une durée de dix ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1352 tend à revoir considérablement la modulation de la fiscalité en fonction du lien de parenté, en ne reproduisant pas sur le plan fiscal les différences qui structurent le droit civil : tous les abattements déterminés en fonction des liens de parenté seraient supprimés et on instaurerait un rappel fiscal à vie. Une telle évolution alourdirait considérablement les droits à payer et défavoriserait les enfants et le conjoint survivant. Par ailleurs, comme M. Mattei l’a souligné ce matin, on ne peut pas réformer ces dispositions fiscales indépendamment d’une éventuelle réforme plus générale du droit des successions.
C’est une chose de moderniser notre fiscalité pour tenir compte des évolutions sociétales, c’en est une autre de renverser totalement la perspective. L’imposition serait désormais fondée sur ce que le contribuable a reçu tout au long de sa vie, sans prise en compte du lien avec la personne qui transmet ni du moment où intervient la transmission – cet amendement s’inspire donc un peu du droit américain. Les Français sont attachés au fait de transmettre eux-mêmes à leurs héritiers ou donataires ; le système que vous proposez l’ignore totalement, puisqu’il se place du seul point de vue de celui qui reçoit, et fragiliserait le consentement à l’impôt sur les successions. Le rappel fiscal permanent que vous proposez pour toutes les donations et successions aurait en outre pour effet d’accroître très rapidement l’impôt sur les patrimoines moyens, et non pas simplement sur les patrimoines élevés.
S’agissant des autres amendements, nous avons déjà examiné des dispositions assez proches : avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. J’ajoute qu’un délai de cinq ans serait excessif : si on commence à faire des donations alors qu’on est encore jeune, tout un héritage pourrait être transmis de cette façon.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF791 de M. Damien Maudet
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Il s’agit de mettre un terme au pacte Dutreil, conformément à notre objectif de suppression des niches fiscales inutiles et injustes. Ce dispositif permet de défiscaliser les donations en ligne directe de 75 % des parts d’une entreprise à la condition que l’héritier exerce une fonction de direction, ce qui favorise la construction de dynasties familiales au sein des directions d’entreprise, suivant une stratégie d’évitement de l’impôt qui méprise les critères de crédibilité et de compétence. Le budget de l’État est ainsi grevé de 3 milliards d’euros chaque année, et le nombre de pactes Dutreil continue d’augmenter. Si rien n’est fait, vingt-cinq milliardaires français transmettront dans les trente prochaines années à leurs héritiers plus de 460 milliards d’euros de super-héritages, sur lesquels l’État risque de perdre 160 milliards en raison des niches fiscales en vigueur. Pour financer la solidarité nationale et mettre à contribution les grands héritiers, dont le seul mérite est d’être bien nés, nous proposons l’abolition du pacte Dutreil.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Quel est l’objectif du pacte Dutreil ? Il s’agit de favoriser la transmission intrafamiliale pour éviter que des entreprises soient rachetées par de grands groupes et qu’on aboutisse à une concentration et une déterritorialisation des sièges sociaux. Cela conduit parfois à des transferts massifs de patrimoine, c’est vrai, mais que préférez-vous ? Que les héritiers vendent tout à de grands groupes et qu’une concentration se produise ? Ce serait très mauvais du point de vue du droit de la concurrence. Je suis ouvert à l’idée d’un plafonnement du dispositif, peut-être à hauteur de plusieurs millions d’euros, mais pas à son abrogation.
Le coût est passé de 500 à 800 millions d’euros dans l’annexe Voies et moyens, mais on dit que l’ordre de grandeur serait plutôt d’1 ou 2 milliards. C’est fait pour le bien de notre économie, notamment son enracinement.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Certains propos sont très blessants pour de nombreux chefs d’entreprise. Moi qui suis élu en Alsace, je vois ce qui se fait de l’autre côté du Rhin et en Suisse depuis des décennies : si ces économies bénéficient d’un tissu industriel intermédiaire extrêmement fort, c’est en partie parce qu’il existe de grands groupes familiaux très bien implantés et très puissants, qui tiennent beaucoup mieux face aux crises économiques et qu’on peut transmettre de génération en génération d’une façon simple. Nous avons essayé d’aller dans ce sens en France avec le pacte Dutreil, et on pourrait faire encore mieux. Ce type de dispositif permet aussi la réindustrialisation et protège des centaines de milliers d’emplois dans notre pays.
Mme Sophie Pantel (SOC). Le pacte Dutreil permet de garder des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) dans nos territoires et d’assurer une transmission familiale, mais il existe un effet d’aubaine. Il suffit que la valeur vénale des actifs affectés à l’activité soit supérieure à 50 % de la valeur de l’actif total pour qu’on puisse bénéficier de l’abattement de 75 %. Nous devrions cantonner l’exonération à la fraction de la valeur vénale des titres représentatifs des biens affectés à l’activité éligible. Cela permettrait d’éviter les effets d’aubaine et de ne pas inclure, pour caricaturer un peu, les maisons sur la Côte d’Azur.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le pacte Dutreil est vraiment un outil indispensable pour la conservation des entreprises familiales. C’est une question, je l’ai dit précédemment, de souveraineté nationale : sinon, les entreprises seront vendues, par exemple à des fonds de pension. Un plafonnement serait une erreur. L’important est que les entreprises restent familiales.
Je suis tout à fait d’accord avec l’idée qu’il doit vraiment s’agir d’actifs professionnels et que nous devons éviter des dérives, mais la plupart des transmissions effectuées dans le cadre du pacte Dutreil respectent cette condition.
Selon l’exposé des motifs, il n’y a pas de sanction si les engagements pris par les héritiers ne sont pas respectés, mais l’exonération est dans ce cas remise en cause. Je m’inscris donc en faux contre l’affirmation de nos collègues.
Ne touchons surtout pas à ce dispositif. Une entreprise familiale développe un réseau local extrêmement important. En cas de vente à un groupe, c’est différent et vous pouvez être sûr qu’une délocalisation aura lieu dans les trois ou quatre ans.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF793 de M. Aurélien Le Coq, I-CF301 de M. Charles de Courson, I-CF827 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF792 de Mme Marianne Maximi, I-CF3, I-CF4 et I‑CF6 de M. Nicolas Sansu et I-CF1680 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque vous êtes très attachés à la transmission des entreprises familiales, vous pourrez voter notre amendement de repli qui permettra de s’assurer que la partie des titres correspondant à l’activité opérationnelle continue à bénéficier du pacte Dutreil. Le reste, en revanche, ne sera plus exonéré. Nous limiterons ainsi un avantage fiscal qui permet d’éviter les droits de succession. Compte tenu de l’ultraconcentration des richesses résultant du manque d’imposition dans ce domaine, il est urgent de s’en occuper, et les collègues qui voient en l’Allemagne un modèle pourront aussi voter l’amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à une telle évolution. Mon amendement prévoit que l’exonération est réservée à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à la détention de biens professionnels nécessaires à l’exercice de l’activité de la société, afin d’éviter que des biens personnels ne bénéficient d’une exonération en étant inscrits à son actif. Il ne s’agit pas de remettre en cause les grands équilibres du pacte Dutreil, mais de le recentrer sur son objectif principal.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je redis notre attachement intéressé, si je puis dire, au dispositif Dutreil : c’est le gage de la continuité, de la stabilité de l’activité professionnelle et industrielle dans notre pays. Je suis surpris que ceux qui se sont mobilisés à juste titre au sujet de la fabrication du Doliprane souhaitent modifier de façon substantielle le dispositif Dutreil, car cela conduirait à un risque important de délocalisation de nos entreprises.
L’objectif de mon amendement est de centrer exclusivement l’avantage fiscal sur l’activité professionnelle – je ne sais pas ce que recouvre « activité opérationnelle » dans les amendements précédents – afin d’exclure de l’avantage fiscal les biens personnels. C’est déjà le cas, mais des remontées, en particulier de Bercy, tendent à montrer qu’il existerait une certaine tolérance dans l’interprétation du dispositif.
M. le président Éric Coquerel. La Cour des comptes a proposé, non pas de remettre en question l’intégralité du dispositif Dutreil, mais d’apporter plusieurs améliorations pour qu’il ne soit pas dévoyé par rapport à son objectif, qui est de s’assurer qu’une entreprise reste dans le giron familial. En plus des éléments qui ont déjà été présentés, les héritiers peuvent revendre assez vite l’entreprise – il n’existe pas vraiment d’assurance en la matière. S’agissant des sommes en jeu, l’amendement I-CF792 vise à limiter l’abattement à 2 millions d’euros, afin de rester dans des proportions raisonnables.
M. Nicolas Sansu (GDR). La Cour des comptes estime que le fonctionnement actuel du dispositif Dutreil, bien que très peu documenté, pose un problème. Un premier biais est le niveau de l’abattement. Un second biais est la possibilité d’un cumul avec une autre niche fiscale, celle du démembrement de propriété, qui permet d’arriver à plus de 90 % d’abattement sur les droits de mutation. Un troisième biais est la faible durée de détention. Tous ces éléments font que le dispositif rate parfois sa cible.
L’amendement I-CF3 a pour objet de fixer un plafond de 10 millions d’euros ; l’amendement de repli I-CF4, de réduire l’exonération à 50 % au-delà de 50 millions, et le I-CF6, d’empêcher un cumul avec la niche fiscale du démembrement de propriété. Nous répondrons ainsi aux observations de la Cour des comptes.
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement déposé par Christine Pirès Beaune vise à recentrer le pacte Dutreil sur son objectif initial, qui est de faciliter la transmission des entreprises familiales réellement productives, sans encourager un contournement fiscal. Le dispositif est parfois détourné pour protéger de l’impôt des actifs immobiliers ou des portefeuilles financiers, ce qui éloigne cette mesure de sa vocation de soutien à l’économie réelle.
L’amendement s’inspire de réformes menées ailleurs, par exemple en Allemagne, qui a significativement resserré ses propres dispositifs d’exonération en 2016. Nous proposons d’aligner le droit français sur des pratiques internationales plus strictes et responsables en limitant le pacte Dutreil aux actifs directement utiles à l’activité professionnelle. Cela garantira que les ressources fiscales sont utilisées efficacement et que l’avantage reste concentré sur les entreprises participant au tissu économique. Une telle réforme assurera un équilibre entre le soutien à la transmission d’entreprises familiales, auxquelles nous sommes attachées, et la lutte contre l’optimisation fiscale abusive.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les trois premiers amendements ont le même objet, mais le mien me paraît mieux rédigé. Par conséquent, avis défavorable aux deux autres.
S’agissant des amendements suivants, je ne suis pas hostile à un plafonnement, mais il reste à déterminer quel serait le bon niveau – 2, 10 ou 50 millions ? Je rappelle qu’on nous a promis des éléments pour l’année prochaine ou, au plus tard, la suivante, parce qu’on ne s’y prend pas encore de façon dématérialisée dans ce domaine. Outre la question du calibrage, il faudrait préciser que le plafond s’applique par part et non globalement, à l’ensemble des héritiers, ce qui serait très différent.
Enfin, nous avons déjà mis en garde à plusieurs reprises, au sein de cette commission, contre une interdiction du démembrement de propriété. Si vous cédez votre entreprise en pleine propriété à vos enfants à l’âge de 50 ans, comment faites-vous pour vivre ? On peut, au contraire, céder la nue-propriété pour garder l’usufruit. Avis défavorable aussi à l’amendement I-CF6.
L’amendement I-CF1680 tend à réduire l’assiette du dispositif Dutreil en excluant la gestion des activités civiles. Or la gestion de participations n’a pas à être exclue en soi : le problème est que l’exonération puisse s’appliquer à des actifs n’ayant rien à voir avec l’activité opérationnelle. Même avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il ne faut vraiment pas toucher aux principes fondateurs du dispositif Dutreil : cela enverrait un signal extrêmement préjudiciable aux entrepreneurs qui viennent dans notre pays.
Un plafonnement me paraît un contresens absolu. On accepterait ainsi la nécessité de vendre les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à des acteurs étrangers ou à d’autres entreprises de très grande taille pour que l’activité se poursuive.
Monsieur le rapporteur général, si vous m’assurez que votre amendement permet également un recentrage exclusif sur les biens professionnels et qu’il est mieux rédigé, je veux bien retirer le mien.
M. Éric Woerth (EPR). J’ai plutôt tendance à m’opposer à de tels amendements. Le dispositif Dutreil fait partie des sujets qui reviennent tous les ans : on veut toujours bricoler le moteur pour « améliorer » les choses. Or quand on dit qu’on va améliorer un dispositif fiscal, c’est qu’on lui veut vraiment du mal – je me méfie.
Le dispositif actuel n’est peut-être parfait, mais il marche. On a réussi à faire en sorte que des transmissions d’entreprise aient lieu, que des entreprises restent ainsi en France et que des groupes progressent en restant dans le même giron, sans actionnariat financier, ce qui est une bonne chose. Pourquoi toujours essayer de modifier ou de tuer ce qui fonctionne ? Si des abus sont commis, le contrôle fiscal doit jouer son rôle. L’exonération est prévue pour les biens professionnels, et non pour la maison de famille. Il suffit que le ministre du budget demande qu’on resserre les contrôles dans ce domaine : ce serait la meilleure solution.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Aux termes de l’article 787 B du code général des impôts, le dispositif s’applique aux entreprises ayant une activité industrielle, commerciale ou artisanale.
Je vais dans le même sens qu’Éric Woerth. L’administration n’a qu’à publier un commentaire dans le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) pour préciser l’interprétation. Ce n’est pas la peine d’ajouter une disposition législative pour dire que le texte s’applique à l’outil de travail, et non à un appartement, par exemple.
La question du démembrement de propriété a été traitée. Si vous y avez recours pour faire une donation, vous n’avez plus de droit de vote en dehors des assemblées décidant de l’affectation du bénéfice. Le texte a été plusieurs fois modifié. Je pense qu’on peut encore l’améliorer un peu, mais pas dans ce domaine.
M. le président Éric Coquerel. Méfiez-vous, Éric Woerth pourrait vous dire que vous voulez, en réalité, sa fin…
Mme Sophie Pantel (SOC). On ne peut pas attendre des contrôles fiscaux une limitation de l’effet d’aubaine. Il est rendu possible par les dispositions en vigueur : les exonérations s’appliquent sur la valeur totale des titres de sociétés exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale à titre prépondérant. Dès lors que le seuil de 50 % est franchi, le reste est également éligible.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 787 B du code général des impôts est rédigé de la manière suivante : « Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société dont l’activité principale est industrielle, commerciale », etc. Cette disposition est interprétée par le Bofip comme signifiant un seuil de 51 %, et les 49 % restants bénéficient quand même du dispositif Dutreil. C’est cela qu’il faut modifier : le Bofip ne peut pas dire l’inverse de la loi, c’est elle qui est en cause.
M. Éric Woerth (EPR). Demandons à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, de regarder plus précisément ce qui se passe.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF793 et adopte l’amendement I-CF301.
En conséquence, l’amendement I-CF827 tombe.
Elle rejette successivement les amendements, I-CF792, I-CF3, I-CF4 et I-CF6, l’amendement I-CF1680 ayant été retiré.
Amendement I-CF1815 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il vise à réserver le pacte Dutreil à des donations consenties à des donataires majeurs, dont l’un au minimum a moins de 60 ans, afin de contrer le phénomène de vieillissement dans la transmission d’entreprises.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée est sympathique mais inadaptée. Un patron qui a trois enfants mineurs ne pourrait pas leur transmettre son entreprise. Vous présupposez que le donataire concerné par votre bornage est le successeur, sauf que ce n’est pas forcément le cas. Avis défavorable.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Pourquoi transmettre une entreprise à des enfants mineurs qui ne peuvent pas la diriger ? L’obligation de direction est l’une des conditions d’application du pacte Dutreil. Il ne s’agit pas d’une succession mais d’une transmission anticipée. C’est l’histoire du père qui annonce à son fils qu’il va lui transmettre son entreprise : « Papa, tu oublies que je serai à la retraite l’an prochain ! »
La commission adopte l’amendement I-CF1815.
Amendements I-CF552 de Mme Eva Sas et I-CF5 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). Nous souhaitons renforcer les conditions pour bénéficier du pacte Dutreil. Très avantageux, ce dispositif, qui permet de bénéficier d’une exonération de 75 % des droits de transmission, doit avoir des contreparties notamment en matière de stabilité de l’actionnariat familial. Nous proposons ainsi d’allonger la durée minimale obligatoire de détention des parts, de sorte que les héritiers les conservent au moins huit ans au lieu de quatre. Nous précisons aussi que l’emploi doit être maintenu pendant deux ans, à l’image de ce qui se fait en Allemagne.
M. Nicolas Sansu (GDR). Mon amendement vise également à faire passer de quatre à huit ans la durée de détention des parts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai toujours considéré que les délais de conservation que nous avions fixés étaient trop courts. Ce sont en réalité quatre ans pour l’engagement individuel auxquels s’ajoutent les deux ans de l’engagement collectif, soit six ans. Vos amendements porteraient la durée totale minimale à dix ans. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je me réjouis que nous nous retrouvions autour de ce dispositif, même à gauche, puisque, chers collègues, vous n’y renoncez pas mais souhaitez l’amender. Nous savons tous que les transmissions familiales sont celles qui réussissent le mieux. Mon amendement I-CF1591 visera également à augmenter de quatre ans l’engagement individuel. En contrepartie, le dispositif d’exonération passerait de 75 % à 90 %.
M. le président Éric Coquerel. Ces amendements soulèvent deux questions : l’une relative à la préservation de l’emploi et l’autre à la durée de détention. Peut-être pouvons-nous espérer que les transmissions familiales protègent de la financiarisation, peut-être… Ce qui est sûr, c’est que la possibilité de tout revendre rapidement, sans considération pour la préservation du patrimoine, s’inscrit à rebours de ce que le législateur a souhaité avec le pacte Dutreil, qui se réduit alors à un moyen de défiscalisation. Je suis favorable à ces amendements.
M. Gérault Verny (UDR). Beaucoup ici ne comprennent pas à quel point une entreprise est fragile. Les greffes des tribunaux de commerce sont pleins de patrons qui viennent déposer le bilan. Tout ce qui peut être fait pour protéger l’entreprise doit l’être. Mais n’oublions pas qu’elle n’est pas un bien stable et que toutes ces questions autour de sa durée de conservation sont complexes.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF513 de M. Franck Allisio
M. Franck Allisio (RN). La faiblesse relative du réseau d’ETI dont dispose notre pays comparativement à nos voisins italiens et allemands et qui constitue un handicap pour notre économie, s’explique principalement par des raisons fiscales, notamment par la lourdeur de la taxation relative à la transmission du capital. Selon le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), le coût de la transmission d’une ETI s’établit entre 7 % et 11 % de sa valeur en ligne directe et entre 15 % et 24 % en ligne indirecte, contre 5 % en moyenne en Europe.
Ainsi, pour une entreprise industrielle valorisée à 300 millions d’euros, 2,5 à 8,5 années sont nécessaires pour lui permettre de s’acquitter du coût global de la transmission, l’obligeant à faire passer durant cette période le paiement des droits de mutation avant ses investissements. Afin de réduire réellement la taxation sur les transmissions d’entreprises, l’amendement propose de compléter le dispositif Dutreil en permettant une exonération totale des droits de mutation à titre gratuit, pour une entreprise non cotée en bourse, à condition que les héritiers, donataires ou légataires, s’engagent à la conserver dix ans.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les Allemands étaient montés à 100 % mais sont rapidement redescendus à 85 %. Votre amendement fait courir, en droit français, un vrai risque de rupture d’égalité. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1591 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il est important de soutenir encore plus nos entreprises familiales. C’est pourquoi, pour 2025 et 2026, nous proposons de porter à 90 % le taux d’exonération pour les donataires qui conserveraient au moins quatre années de plus leurs parts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le taux de 75 % est tout à fait raisonnable. Avis défavorable.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je voterai contre cet amendement, bien qu’il propose un allongement de la durée de détention. Un pacte Dutreil pour une entreprise de 2,5 millions d’euros, ce sont 40 700 euros de droits à payer en quinze ans ; pour une entreprise de 10 millions d’euros transmise en ligne directe, 312 000 euros. Dans le cas d’un démembrement, ce sont 200 000 euros de droits payables en quinze ans. Le dispositif est déjà extrêmement favorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Le pacte Dutreil a été créé dans les années 1990 au moment où l’entreprise Upsa a été vendue à l’étranger parce qu’une fiscalité trop lourde pesait sur la transmission familiale. L’actualité semble nous rappeler qu’il serait vraiment malvenu de remettre ce dispositif en cause. Restons prudents !
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1597 de Mme Véronique Louwagie
M. Nicolas Ray (DR). Il a pour objectif de créer un véritable « Dutreil du logement » afin de fluidifier la transmission de logements par donation. L’exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) des donations serait accordée sous certaines conditions. Dans le cas d’une donation de la pleine propriété d’un bien immobilier classé F ou G, le donataire s’engagerait à réaliser des travaux permettant d’atteindre un classement entre A et D. Il s’engagerait également à occuper le bien à titre de résidence principale ou à le louer selon certaines conditions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La résurrection de ce dispositif de 1993 présente plusieurs limites. C’est une mesure conjoncturelle, qui peut avoir un effet sur le court terme mais qui ne résoudra pas les problèmes structurels de la crise du logement. Nous devons plutôt envoyer des signaux fermes aux investisseurs privés. Pour rappel, le dispositif temporaire d’exonération des DMTG, voté dans la loi de finances rectificative de juillet 2020, n’a pas rencontré le succès attendu, alors même que son champ était plus large que celui que vous proposez – acquisition d’une résidence principale ou souscription au capital d’une entreprise de moins de cinq salariés. Enfin, ce dispositif aurait un coût potentiellement très élevé, tout particulièrement s’il est mis en œuvre sans plafond. Avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). Combien coûte cet amendement ?
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit d’immeubles à rénover, nécessitant des travaux importants, qui peuvent coûter plus cher que le bien légué. Cet amendement permettrait de revitaliser des logements vacants. Son coût ne peut donc pas être important.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF433 et I-CF435 de M. Christophe Plassard
M. Christophe Plassard (HOR). Actuellement, 31 865 euros seulement peuvent être transmis tous les quinze ans par des grands-parents de moins de 80 ans à leurs petits-enfants. Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, il faut fluidifier la transmission d’une épargne immobilisée et favoriser l’installation des petits-enfants. C’est pourquoi nous proposons plusieurs possibilités dans ces amendements, selon qu’il s’agit d’une donation ou d’une succession, avec des périodes et des plafonds variables.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF433 exploserait l’abattement dans les successions des grands-parents aux petits-enfants, en le faisant passer de 1 574 euros à 150 000 euros ! Quant au I-CF435, j’entends que vous souhaitiez réfléchir à une mise en adéquation des droits de succession et de donation avec les évolutions sociétales, mais ce que vous proposez permettrait de léguer tous les quinze ans 150 000 euros en franchise de droits aussi bien à votre voisin qu’à vos beaux-enfants. Cet amendement californien aurait, qui plus est, un coût substantiel – en Californie, on peut donner ses biens à qui l’on veut !
M. Christophe Plassard (HOR). Je parlais bien de la transmission des grands-parents aux petits-enfants et non d’une transmission débridée. Cela permet de sauter une génération : souvent, les petits-enfants ont plus que leurs parents besoin d’argent pour s’installer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1595 et I-CF1596 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Ces amendements ont pour objectif d’étendre aux legs consentis aux petits-enfants l’abattement prévu pour les donations en ligne directe. L’amendement I-CF1595 fixe un abattement de 150 000 euros, sachant que nous proposons dans un autre amendement de porter parallèlement à 150 000 euros l’abattement de 31 865 euros sur les donations. L’amendement I-CF1596 est un amendement de repli, qui vous propose de retenir pour les legs consentis l’abattement de 31 865 euros prévu pour les donations aux petits-enfants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas cohérent. L’écart entre l’abattement en ligne directe de parents à enfants de 100 000 euros et celui de 150 000 euros est disproportionné, tout comme l’écart entre cet abattement et celui prévu pour les dons, de 31 865 euros. Vous faites l’hypothèse que les grands-parents donnent de l’argent à leurs petits‑enfants à un âge pas trop avancé. Or tous les cas de figure existent. Des grands-parents de 95 ans qui donneraient à leurs petits-enfants par-dessus la tête de leurs enfants, cela peut poser un problème. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous avons prévu cet abattement de 150 000 euros en cohérence avec notre amendement relatif aux donations des parents aux enfants. Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, l’âge moyen d’héritage est désormais de 58 ans. Aussi est-il utile que les petits-enfants puissent profiter d’une donation à un âge où leurs besoins sont plus importants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les grands-parents peuvent déjà donner 31 865 euros tous les quinze ans.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1011 de Mme Véronique Louwagie, I-CF232 et I-CF1364 de M. François Jolivet (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie (DR). La mesure, relative aux donations pour achat d’un logement neuf, est un dispositif temporaire ayant pour objectif de relancer rapidement la commercialisation des logements neufs ou réhabilités à neuf, y compris en réduisant le stock des logements neufs invendus détenus par les promoteurs immobiliers. Elle permet de soutenir, pour l’année 2025, le marché du logement, en mobilisant l’épargne privée. Elle serait cumulable avec l’exonération de droit commun de 100 000 euros tous les quinze ans. Cette exonération exceptionnelle ne pourrait être accordée qu’une seule fois au cours de l’année 2025 et serait plafonnée à 150 000 euros par part reçue pour chaque donataire.
M. François Jolivet (HOR). En politique, on peut faire de la morale, mais il faut surtout regarder les objectifs. L’outil fiscal est au service des politiques publiques. Le secteur de la production de logements neufs est complètement bloqué : entre 200 000 et 250 000 logements ne seraient pas construits, ce qui représenterait 8 milliards d’euros de TVA en moins. L’Insee considère qu’un logement neuf représente 2 équivalents temps plein, soit 400 000 emplois. On s’aperçoit que les ventes en l’état futur d’achèvement (Vefa) représentent 54 % de la production de logements HLM et que les sociétés de promotion sont en train de se défaire de leur réserve foncière.
Depuis vingt-cinq ans, les politiques publiques se concentrent sur la mixité sociale dans les opérations de construction HLM, dont le déficit est financé par l’accédant à la propriété ou par l’investisseur. En cas de relèvement des taux d’intérêt, l’opération ne se fait pas, ce qui gèle la construction de logement intermédiaire et de logement social.
C’est pourquoi mon groupe propose d’exonérer des droits de mutation à titre gratuit les dons consentis dans le cadre familial, dans la limite de 100 000 euros, à condition que ces sommes soient affectées par le donataire à la construction d’un logement neuf. La première sécurité des Français, c’est le logement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Méfions-nous de ces coups de starter, qui ne sont pas adaptés à la réalité du marché. Qu’en restera-t-il après deux ans ? Les montants d’exonération sont également trop élevés et le coût des amendements est par ailleurs très difficile à chiffrer.
M. Philippe Lottiaux (RN). Cela fait des mois que le logement est en crise sans qu’il ne se passe rien. Cette mesure pourrait contribuer à la relance du secteur, essentielle en matière d’emplois notamment. Elle ne coûterait rien, étant donné qu’il s’agit de transmettre un montant qui, quoi qu’il en soit, ne serait pas taxé. Quand bien même il y aurait un coût à moyen terme, la construction de logements apporte des recettes de TVA et de droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Cela aurait donc un effet productif et bénéfique pour notre économie.
M. Inaki Echaniz (SOC). Si nous partageons un certain nombre de constats et d’idées avec M. Jolivet, cette fois, nous sommes assez sceptiques. Premièrement, le procédé va concentrer la propriété chez ceux qui sont déjà propriétaires – 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % de propriétaires. Deuxièmement, nous nous interrogeons sur la possibilité de contrôler la résidence principale pendant douze ans. C’est pourquoi nous proposerons, pour un coût similaire, un amendement visant également à relancer la production de logements neufs par le biais d’un prêt à taux zéro (PTZ) élargi sans zonage ni limitation de ressources, réservé aux primo-accédants.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ces amendements sont intéressants. Les personnes ont cet argent, qu’elles doivent bien transmettre d’une manière ou d’une autre. La mesure coûterait environ 30 000 euros à l’État, mais elle aurait, à l’inverse, un effet booster sur la TVA et la création d’emplois. In fine elle rapporterait. En revanche, j’ai un doute sur le délai proposé : cela peut marcher pour le stock mais c’est beaucoup trop court pour les nouveaux programmes, puisqu’il faut trois ou quatre ans pour les mettre en œuvre. Cette mesure n’a rien d’un effet d’aubaine : mieux vaut faire circuler l’argent.
M. Nicolas Sansu (GDR). C’est le Paris Country Club ! Une exonération de 150 000 euros qui vient s’ajouter aux 100 000 euros sur la donation, soit 250 000 euros d’exonération, trop c’est trop ! Les gens qui ont du patrimoine et qui veulent donner 100 000 euros à leur enfant pour faire une acquisition peuvent déjà les transmettre au titre des donations. Il n’y a pas besoin de passer par un régime spécifique. Cet amendement vise à favoriser, une fois de plus, les plus aisés.
Mme Véronique Louwagie (DR). J’entends l’argument sur la durée du dispositif, que nous ne voulions pas permanent. Monsieur Sansu, les 100 000 euros ne s’ajoutent pas systématiquement aux 150 000 euros, étant donné que la mesure est également prévue à destination des petits-enfants et arrière-petits-enfants. Si M. le rapporteur général est favorable à mon amendement, je veux bien proroger sa durée jusqu’au 31 décembre 2027.
M. François Jolivet (HOR). Le secteur de la production de logements neufs s’effondre. Notre rapporteur général commet des erreurs manifestes d’appréciation. En 1993, alors qu’il y avait 25 000 logements construits, l’amendement Balladur ne valait que pour un an, avec des règles de prudence pour les promoteurs qui n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Tous les programmes ont été achetés, ce qui a sauvé la filière et offert des logements. L’exonération de 100 000 euros est évidemment un montant maximal.
La commission adopte l’amendement I-CF1011.
En conséquence, les amendements I-CF232 et I-CF1364 tombent.
Amendements I-CF228 de M. Éric Ciotti, I-CF429, I-CF431 et I-CF434 de M. Christophe Plassard (discussion commune)
M. Gérault Verny (UDR). Détenteurs du plus faible pouvoir d’achat, les jeunes sont aussi les plus susceptibles d’investir, de créer de la richesse et de chercher à accéder à la propriété immobilière. Or, si les dons en ligne directe sont aujourd’hui exonérés jusqu’à 100 000 euros, ce plafond est seulement de 31 865 euros pour une donation en ligne indirecte. Pour inciter les grands-parents à donner davantage à leurs petits-enfants, l’amendement tend à le relever à 200 000 euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne vais pas répéter indéfiniment les mêmes arguments : on ne peut pas avoir des écarts du simple au double entre les plafonds ; si on veut changer des choses, il faut en passer par une réforme globale. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. À force d’accorder des exonérations sur les transmissions, il ne va plus rester grand-chose.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Ce débat est absolument lunaire : il ne concerne quasiment personne ! Est-il vraiment nécessaire de prévoir un abattement pour les dons jusqu’à 200 000 euros, alors que l’héritage moyen en fin de vie est de seulement 75 000 euros ?
Votre amendement n’est bénéfique ni pour les jeunes, ni pour le budget. Il ne vise qu’à aider une infime minorité de personnes qui ont beaucoup d’argent à échapper à l’impôt sur les successions.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF432 de M. Christophe Plassard.
Amendement I-CF430 de M. Christophe Plassard
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le plafond d’exonération des dons d’argent dans le cadre familial, de l’enfant jusqu’au degré du petit-neveu, s’élève à 31 865 euros, renouvelables tous les quinze ans, lorsque le donateur est âgé de moins de 80 ans. Supprimer cette limite d’âge, qui est toujours en adéquation avec l’espérance de vie moyenne – 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes – et plus élevée que celle de 70 ans retenue dans le cadre des abattements sur les assurances vie, ne me semble pas prioritaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF753 de Mme Chantal Jourdan
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement vise à moderniser et adapter le régime dit Sérot-Monichon, en accordant une exonération de 75 % des DMTG applicables en cas de succession ou de donation d’une propriété forestière aux propriétaires s’engageant à une gestion durable, favorable à la biodiversité et préservant les puits bas-carbone, contre seulement 50 % pour les ceux se contentant de respecter des normes minimales de gestion durable. L’évaluation de l’atteinte des objectifs pourra s’appuyer sur les méthodologies existantes, comme la méthode bas-carbone.
Il s’agit, par cette incitation des propriétaires forestiers à aligner leur gestion sur les objectifs climatiques nationaux, sans leur imposer de changement brusque, de remplir les engagements de la France en matière de climat, tout en stimulant une gestion forestière plus proche des cycles naturels, et donc bénéfique pour l’environnement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Sur le principe, je suis tout à fait favorable à cet amendement, mais celui-ci est inutile puisque déjà satisfait : le code général des impôts renvoie au code forestier, qui prévoit déjà la prise en compte de critères de gestion durable, à travers le plan simple de gestion (PSG) ou le règlement type de gestion (RTG), selon la taille de la propriété.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1262, I-CF238 et I-CF1266 de M. François Jolivet, I-CF1019 de Mme Véronique Louwagie et I-CF413 de Mme Béatrice Piron (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). Je retire l’amendement I-CF1262.
L’amendement I-CF238 vise à permettre l’application, du 1er janvier au 31 décembre 2025, du dispositif Balladur, qui avait eu un énorme succès et avait permis de sauver les opérations des promoteurs.
Actuellement, 58 % des logements HLM se font en Vefa mais ne sortent pas de terre, faute d’être vendus. Exonérer de droits de mutation tous les biens achetés en 2025, quel que soit le profil de l’acquéreur – cela concernerait aussi les primo-accédants ayant recours à un PTZ – permettrait de relancer la vente des opérations déjà construites, et de faciliter la réalisation de celles ayant obtenu leur permis de construire mais qui ne sortent pas de terre, faute d’achat.
L’amendement I-CF1266, de repli, vise à abaisser le plafond d’exonération à 200 000 euros, contre 300 000 dans l’amendement précédent.
Mme Béatrice Piron (HOR). Pour relancer rapidement le secteur du bâtiment et la vente de logements neufs ou en état futur d’achèvement – y compris le stock existant –, cet amendement propose d’exonérer temporairement de DMTG la première transmission d’un bien neuf ou en état futur d’achèvement acquis en 2025. Plafonné à 150 000 euros par part reçue par chaque donataire, ce dispositif autorise la location du bien acquis, à condition qu’il respecte les plafonds de loyer et de ressources du locataire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à toutes ces mesures conjoncturelles, qui ne résoudront pas la crise du logement. Pour relancer le secteur privé locatif, des propositions comme celle de M. Mattei, qui n’a malheureusement pas été adoptée, me sembleraient plus efficace.
Pour rappel, le dispositif temporaire d’exonération des DMTG créé par la loi de finances rectificative (LFR) de juillet 2020, alors même que son assiette était plus large puisqu’elle concernait l’acquisition d’une résidence principale ou la souscription au capital d’une entreprise de moins de cinq salariés, n’avait pas rencontré le succès escompté. En outre, le coût de l’exonération que vous proposez serait très élevé, puisque vous en fixez le plafond à 300 000 euros.
L’amendement I-CF1266, qui propose la résurrection du dispositif Balladur, prévoit un plafond certes moins déraisonnable, à 200 000 euros, mais il s’agit, là encore, d’une mesure conjoncturelle, donc inadaptée. Alors que la promotion privée a chuté de près de 50 % – c’est énorme –, c’est de réformes structurelles que nous avons besoin.
L’amendement de Mme Piron, de surcroît, ne prévoit pas de plafond, ce qui rend le coût de la mesure proposée très élevé.
Mme Béatrice Piron (HOR). J’ai pourtant bien précisé que le dispositif est plafonné à 150 000 euros par donataire. La mesure que je propose ne génère aucun coût, puisque les coûts d’enregistrement à l’achat du bien ont déjà été acquittés, et que, par définition, les droits de transmission feraient l’objet d’une exonération, que celle-ci intervienne dans cinq, dix ou vingt ans. Il y a même un gain de TVA !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je retire cette critique, mais mes autres arguments restent néanmoins valables.
M. François Jolivet (HOR). Je ne comprends pas. Certes, la crise du logement appelle des réformes structurelles – vous prêchez un convaincu. Il n’en reste pas moins que des mesures conjoncturelles permettraient de sauver des opérations de construction en train de s’enliser, comme ça a été le cas en 1993.
Cela ne me fait pas rire de savoir que, si ces opérations ne voient pas le jour, des gens vont perdre leur emploi. Cela ne me fait pas rire que 2,6 millions de personnes attendent un logement ; que les chargés d’opération des promoteurs forcés de quitter le métier n’y reviendront jamais et grossiront les rangs des serveurs du samedi et du dimanche, à Paris ou dans les grandes villes.
Nous verrons en 2025, si la République et les électeurs nous prêtent vie jusque-là. Mais c’est aujourd’hui que le secteur a besoin d’être sauvé, et je ne vois pas pourquoi ce qui a fonctionné en 1993 ne marcherait pas en 2025. En plus, le dispositif Balladur pourrait tout à fait se cumuler avec celui que nous venons d’adopter.
M. le président Éric Coquerel. La situation ne fait rire personne, simplement les uns et les autres ont peut-être des méthodes différentes. Nous verrons, lors de l’examen de la partie consacrée aux dépenses, comment nous mobiliser pour renforcer la construction de logements sociaux, car il est vrai qu’il n’y en a jamais eu aussi peu que l’an dernier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne ris pas non plus ; je sais que la situation du secteur du logement est extrêmement grave. L’amendement de Jean-Paul Mattei proposait un dispositif structurel qui aurait été plus efficace, plus pérenne, plus juste et moins coûteux pour les finances publiques. Il avait finalement été rejeté à quelques voix près : nous en reparlerons en séance publique.
Les amendements I-CF1262 et I-CF1019 sont retirés.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement I-CF1598 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Dans le même esprit que l’amendement I-CF1011, il s’agit d’exonérer jusqu’à 150 000 euros les droits de mutation sur les dons effectués à charge d’acquérir un logement, qu’il s’agisse d’un logement neuf ou d’un bien occupé à titre de résidence principale depuis moins de cinq ans. Ce dispositif, au périmètre plus large que le précédent, serait limité aux biens acquis en 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mêmes arguments que précédemment : les dispositifs très ponctuels ne seront pas efficaces.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF572 et I-CF571 de M. Mickaël Bouloux, amendements identiques I-CF897 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1384 de M. Éric Coquerel, I-CF1766 de Mme Sophie Pantel et I-CF1843 de Mme Eva Sas, amendements I-CF803 de Mme Marianne Maximi, I‑CF1227 de M. Matthias Tavel, I-CF815 de M. Aurélien Le Coq, I-CF818 de Mme Marianne Maximi, I-CF596 de M. Philippe Brun, I-CF1810 de M. Jean-Paul Mattei, I-CF465 de M. Jean‑Philippe Tanguy, I-CF545 et I-CF900 de Mme Eva Sas (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). Le rapport de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry, les travaux de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), le rapport de Mario Draghi : tout indique qu’il va falloir investir massivement dans la bifurcation écologique. N’est-il pas juste que ceux qui disposent des plus gros patrimoines financiers soient mis à contribution ?
Dans un objectif d’action climatique, mes amendements visent donc à imposer pour les trente prochaines années, au taux très modeste de 0,17 %, le patrimoine des 10 % de Français les plus riches – 5 % dans la version de repli, afin que ceux qui ne seraient pas totalement défavorables au principe de cette contribution mais trouvent l’assiette trop large puissent le voter.
Il est aussi dans l’intérêt des premiers concernés que ce dispositif soit adopté. Ils ne vivent pas dans une bulle, et leur patrimoine financier est lui aussi menacé par le changement climatique. À travers leur contribution, ils feront du bien à la planète et, par ricochet, à leur patrimoine. Je précise que seul l’actif financier supérieur à 600 000 euros sera concerné par cette imposition, d’ailleurs temporaire : compte tenu de la dynamique d’accroissement du patrimoine financier, cette contribution est juste, nécessaire et quasi indolore.
L’amendement I-CF572 a évidemment ma préférence, puisqu’il permettrait d’agir plus fort et plus vite. N’oublions pas que le coût de l’inaction est supérieur au coût de l’action. Il est urgent de se donner les moyens d’agir, alors adoptons l’un des amendements de cette discussion commune.
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF897 vise un double objectif : la justice fiscale, en revenant sur l’angle mort qu’est la fiscalité du patrimoine depuis 2018, et la consolidation de nos finances publiques.
Nous proposons de nous procurer des recettes supplémentaires par le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en l’assortissant d’une incitation aux bonnes pratiques écologiques. Il sera divisé en trois fractions : la première imposera à hauteur de 0,5 % le patrimoine non professionnel supérieur à 1 million d’euros ; la seconde imposera le patrimoine non professionnel supérieur à 10 millions d’euros, selon un barème progressif allant de 1 % à 3 % ; la dernière concernera le patrimoine supérieur à 50 millions, patrimoine professionnel compris, afin de combler les lacunes qui existaient dans l’ISF avant sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI).
L’amendement prévoit qu’à compter de 2026, l’ISF sera assorti d’une composante climatique. Je précise qu’il est largement soutenu par l’opinion.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour limiter les effets d’aubaine et s’assurer que ceux qui possèdent le plus contribuent un minimum au redressement de nos finances publiques – puisque c’est bien là l’objectif que nous visons depuis le début de la journée, non sans difficulté –, l’amendement prévoit une imposition plancher : dès lors que leur patrimoine dépasse 50 millions d’euros, l’ensemble des contributions dont ils devront s’acquitter au titre de l’impôt sur le revenu, de l’ISF et de la contribution sociale généralisée (CSG) devra s’élever au minimum à 2 % du patrimoine. Il est plus intéressant d’asseoir l’imposition sur le patrimoine que sur les revenus, facilement dissimulables.
Mme Sophie Pantel (SOC). La composante climatique que comporterait cet impôt sur le patrimoine déterminerait la contribution des plus aisés en fonction de l’empreinte carbone et des conséquences sociales de leurs actifs immobiliers et placements financiers. Un score carbone, calculé par l’administration fiscale, inciterait les contribuables à réorienter leurs capitaux vers des projets plus durables et responsables.
Députée d’un département régulièrement en alerte rouge à la pollution, je sais combien il y a urgence à se donner les moyens d’agir pour garantir la transition écologique.
Mme Eva Sas (EcoS). Il est nécessaire de faire contribuer les plus aisés au redressement des finances publiques. Mais, alors que les ultrariches organisent leur illiquidité et réduisent leurs revenus taxables au minimum, je doute fort que le rendement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) soit suffisant – c’était aussi l’avis du rapporteur général. Il est donc nécessaire d’imposer également leur patrimoine.
Le dispositif que nous proposons est robuste. Sa composante « socle » prévoit un taux plancher de 0,5 % qui ne nécessite pas de plafonner l’imposition – cela a été confirmé par le Conseil constitutionnel. Grâce à sa composante « chapeau », nous espérons un rendement d’environ 15 milliards d’euros, une somme nécessaire pour redresser nos comptes publics et continuer à investir dans nos services publics.
Enfin, cet impôt inclut un mécanisme de bonus-malus climatique en fonction de l’empreinte carbone du patrimoine immobilier et financier des plus riches. Il faut savoir que le patrimoine de trois milliardaires français émet autant que celui de 20 % des Français.
C’est donc une mesure juste, qui vise à faire contribuer ceux qui en ont les moyens, et populaire, puisque 76 % des Français sont favorables au rétablissement de l’ISF.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La taxation du patrimoine est la grande absente de ce budget : tout le monde est appelé à contribuer, sauf celles et ceux qui sont le plus en mesure de le faire. La suppression de l’ISF par Emmanuel Macron n’a eu qu’un seul effet : permettre aux plus riches de continuer à s’enrichir. Depuis 2017, le patrimoine des 500 familles les plus riches a doublé, et les 100 premiers assujettis à l’ISF ont récupéré 1 million d’euros supplémentaire par an. Au regard de la situation des finances publiques, n’y aurait-il pas un peu d’argent à aller y chercher ? Rétablir l’ISF en lui associant une composante climatique, comme le propose cet amendement, permettrait de récupérer 5 milliards d’euros.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Dès son premier mandat, Emmanuel Macron a décidé de supprimer l’ISF, ce qui n’a permis que d’enrichir encore les plus grandes fortunes ; dans le même temps, il a pris 5 millions dans les poches des plus pauvres, notamment en décidant de la baisse des aides personnelles au logement (APL).
Tous ces amendements visent donc à réparer cette erreur fondatrice et à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État, qui en a besoin. Version la plus ambitieuse de notre proposition, l’amendement I-CF1227 tend à créer un ISF renforcé et climatique qui rapporterait 15 milliards, mais nous proposons aussi d’autres déclinaisons. J’espère que ce débat vous permettra de progresser sur ce sujet par rapport à ces sept dernières années.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Par l’amendement de repli I-CF815, nous proposons de rétablir un impôt de solidarité sur la fortune renforcé, le temps de réfléchir aux modalités d’application de sa future composante climatique.
La suppression de l’ISF, en 2018, a fait perdre 4,5 milliards d’euros de recettes par an à l’État et contribué à l’accroissement des inégalités. Depuis 2017, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes a doublé, pour dépasser 1 228 milliards d’euros, soit 52 % du PIB.
Le rétablissement d’un ISF renforcé générerait 10 milliards d’euros de recettes soit, peu ou prou, le montant des crédits annulés autoritairement en février, et qui manquent aujourd’hui cruellement aux services publics et collectivités territoriales, qui sont en grande difficulté.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). On entend souvent que la suppression de l’ISF a permis de renforcer les investissements en faveur de l’économie et des entreprises. Je tiens à préciser aux adeptes du rapport de France Stratégie, si souvent cité, que celui-ci souligne pourtant que la suppression de l’ISF n’a eu aucun effet positif sur la création d’emploi ou l’investissement.
Selon une idée un peu lunaire, l’ISF ferait fuir certains de nos compatriotes à l’étranger. C’est, là encore, une erreur, puisque lorsque l’ISF était en vigueur, seuls 0,2 % des contribuables qui y étaient assujettis partaient à l’étranger, sans que l’on puisse établir un lien avec la fiscalité.
Alors, augmentons l’ISF : non seulement nous n’aurons plus de problèmes pour investir, mais peut-être qu’à terme, certains seront dissuadés de verser encore plus de dividendes.
M. Philippe Brun (SOC). À l’heure où nous devons redresser nos comptes publics, l’amendement I-CF596 vise tout simplement à rétablir le bon vieil ISF, celui qui était en vigueur en France entre 1997 et 2017. Durant cette période, les cigales n’ont pas envahi les champs et l’économie française a été relativement prospère : entre 1997 et 2002, le taux de croissance dépassait 2,5 %, et la taxation du patrimoine était plus juste. D’ailleurs, ni Nicolas Sarkozy, ni Jacques Chirac, n’avaient remis en cause l’ISF.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le groupe Démocrate s’étonne depuis longtemps du paramétrage de l’impôt sur la fortune qui, contrairement à ce qui a été dit, n’a pas disparu : il perdure sous la forme d’un impôt sur la fortune immobilière.
Or il n’est pas exempt de certaines incohérences économiques : l’investissement dans un logement qui sera loué au titre de résidence principale, avec un loyer encadré, est plus intéressant pour la société que celui dans une œuvre d’art, un bateau ou un placement monétaire. Nous devons vraiment réfléchir à l’instauration d’un impôt sur la fortune non productive.
Mon amendement peut être amélioré ; je le retire pour le retravailler en vue de la séance.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le même esprit, mon amendement vise à remplacer l’IFI par un impôt sur la fortune financière visant les actifs improductifs. L’objectif est de valoriser l’enracinement et l’investissement, et de stimuler la production de richesse, tout en décourageant les investissements spéculatifs, qui sont stériles pour la richesse de notre pays à court ou moyen terme, voire contribuent à l’envoyer dans des pays concurrents ou adversaires.
Les seuils et taux seraient identiques à l’ancien ISF ; seul son périmètre évolue.
Mme Eva Sas (EcoS). L’amendement de repli I-CF545 vise à élargir l’assiette de l’IFI aux placements financiers, biens de luxe et objets d’art d’une valeur de plus de 250 000 euros. Il prévoit également l’obligation de déclarer l’empreinte carbone du patrimoine, afin de commencer à responsabiliser un peu les ultrariches. Au regard de la forte demande populaire d’imposer le patrimoine des ultrariches en France, élargir l’assiette de l’IFI aux placements financiers me semble vraiment le minimum.
Quant à l’amendement I-CF900, il vise à instaurer un complément d’imposition, afin que la contribution totale des ultrariches atteigne au minimum 2 % de la valeur nette de leur patrimoine – c’est ce que l’on pourrait appeler l’impôt « Zucman ». Alors que nous avons besoin de redresser nos comptes publics, on ne peut pas réduire le ticket modérateur pour les plus faibles et faire l’économie d’une imposition plancher sur le patrimoine des ultrariches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements, qui proposent le rétablissement de l’ISF avec différents taux de taxation, posent tout d’abord un problème de constitutionnalité, déjà rencontré avec l’IFI et, avant lui, l’ancien ISF. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que l’imposition sur le capital, majorée de l’impôt sur le revenu (IR) et des taxes foncières, ne devait pas dépasser 70 %.
À ce plafonnement s’ajoutent les mécanismes d’optimisation : déjà, du temps de l’ISF, dix des cinquante plus grandes fortunes ne payaient aucun impôt, car elles ne versaient aucun dividende et n’avaient donc officiellement que peu de revenus – tout revenait à la holding familiale ; grâce à cette optimisation fiscale, les quarante autres plus grandes fortunes ne payaient, en moyenne, que 10 % du barème. Il est donc très difficile de faire contribuer les plus grosses fortunes.
Par ailleurs, moduler le taux d’imposition en fonction de l’impact environnemental du patrimoine ne fera que majorer les effets du plafonnement.
Enfin, depuis vingt-cinq ans que j’entends parler de la taxation des œuvres d’art, celle‑ci ne s’est encore jamais concrétisée, et pour cause : cela suppose de disposer d’un registre des objets mobiliers et de leur valeur, une démarche inquisitoriale qui, je l’ai dit hier, nécessite un travail titanesque pour les inspecteurs du fisc et la mobilisation d’experts. C’est bien pour cette raison que lors d’une succession, par exemple, les biens mobiliers sont taxés au taux forfaitaire de 5 % – sauf les rares cas de très grande collection.
Nous pouvons en débattre, mais en raison de cette difficulté d’ordre constitutionnel, j’émets un avis défavorable à tous les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je ne souscris pas à l’argument constitutionnel, qui me semble être surtout un prétexte pour ne pas taxer les revenus des ultrariches à un niveau normal. D’ailleurs, nous avons bien étudié la chose, et l’ISF climatique progressif que nous proposons permet de respecter le plafond de 70 %.
Il y a deux catégories d’amendements : ceux qui visent à créer un ISF climatique, qui devrait rapporter entre 10 et 15 milliards d’euros, et ceux qui visent à rétablir l’ancien ISF. J’espère évidemment que les premiers seront adoptés ; en tout cas, il me semble impossible de n’en adopter aucun. Depuis la suppression de l’ISF au profit d’une flat tax, en 2017, le patrimoine des plus riches a explosé. Alors que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut faire un effort, celui que le Gouvernement entend demander aux plus hauts revenus ne rapporterait que 2 milliards : au regard de ce qui est demandé à l’ensemble des Français, de la baisse des dépenses publiques et sociales, du reste de la fiscalité – en particulier sur l’électricité – et de l’effort global à fournir, c’est très peu.
Au-delà des efforts pour réduire le déficit, la dette écologique est gravissime : jamais, depuis 1953, il n’avait fait si chaud un 17 octobre ! Alors que des dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires sont nécessaires pour garantir la transition écologique, ce n’est pas le moment de supprimer ou diminuer le budget de certains dispositifs, comme le fonds Vert.
Je ne vois pas comment ne pas faire contribuer ceux qui en ont le plus les moyens à cet effort, et il n’est pas possible de se contenter de 2 milliards. Il faut se donner les moyens d’aller chercher quelques dizaines de milliards d’euros : c’est l’objectif de ces amendements.
M. Éric Woerth (EPR). C’est un vieux débat, plus politique que technique. Certains considèrent qu’il faut distinguer les ultrariches, les super-riches, les moyens riches, les moyens pauvres sans qu’on sache vraiment qui entre dans telle ou telle catégorie. La France ne manque pas de créativité en matière fiscale et tous les revenus sont taxés. Quelles que soient sa richesse et la disponibilité de celle-ci, on est soumis à une forme d’imposition, progressive ou pas. L’ISF est un mauvais impôt, sur le plan financier comme sur le plan économique, les études objectives concordent sur ce point. C’est un peu le dernier impôt qui s’applique après l’impôt sur le revenu et l’impôt sur le capital. Je suis opposé à l’imposition du patrimoine, néfaste pour tous les Français et non pas seulement ceux qui doivent s’en acquitter, car elle affaiblirait l’économie française.
Mme Eva Sas (EcoS). Monsieur le rapporteur général, vous ne semblez pas être allé au bout de l’analyse de notre amendement. Il comporte une composante socle prévoyant une imposition à 0,5 % de l’ensemble du patrimoine net, parfaitement conforme à la Constitution. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2011 selon laquelle une taxation à 0,5 % n’appelle pas de plafonnement. Je ne partage donc pas votre défaitisme : nous pouvons taxer les plus riches en nous tenant dans les limites de la constitutionnalité.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme il y a deux ans, je constate qu’une majorité de députés élus par les Françaises et les Français recherchent une solution de justice sociale pour faire contribuer fiscalement les plus grandes fortunes et les plus grands patrimoines – certains ayant tendance à considérer leurs amendements comme les meilleurs, d’autres se plaisant à croire qu’il est impossible d’établir cette justice. Les députés du Rassemblement national, de bonne volonté, estiment qu’il faut travailler à trouver un compromis recueillant un large consensus avant la séance. Nous décevrons, sinon, les électeurs, de quelque bord qu’ils soient.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je vous sais, monsieur le président, préoccupé par la trajectoire de nos finances publiques et animé de la volonté de trouver une solution. Seulement, la gauche veut taxer toujours plus, oubliant qu’en France, le taux de prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés d’Europe et qu’il n’a jamais été aussi facile de s’installer dans un autre pays. La réponse au déficit et à la spirale de la dette se trouve, non pas dans une taxation renforcée, mais dans la diminution des dépenses publiques. Nous nous opposerons à ces amendements.
M. Nicolas Sansu (GDR). Il ne faut pas s’en tenir à la moyenne du taux des prélèvements obligatoires, qui est certes parmi les plus forts d’Europe, et se livrer à une analyse par déciles. Le taux moyen de prélèvements obligatoires se situe entre 42 % et 51 % pour 99,9 % des ménages les plus pauvres de cette catégorie, mais il tombe à 27 % pour les 0,1 % les plus riches parce que leur richesse est constituée en majorité de revenus qui ne sont pas imposables à l’IR. Si vous n’imposez pas le patrimoine, vous ne pourrez pas faire contribuer à la hauteur de l’effort qu’on doit attendre d’elles les plus hautes fortunes, dont la valeur du patrimoine a explosé en quelques années.
L’impôt Zucman est en cela très intéressant. Il faudrait peut-être prévoir un taux plus bas la première année pour qu’il échappe aux fourches caudines du Conseil constitutionnel.
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). En France, les 500 plus grosses fortunes cumulent 1 228 milliards de patrimoine tandis que 17 % de la population, soit 11 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté. Peut-être même nous approcherons-nous de la situation de la Grèce où cette proportion atteint un quart. La France est le pays d’Europe où le taux de pauvreté a le plus augmenté ces dernières années.
Cette simple mise en regard devrait nous amener à revenir sur les dispositifs qui ont conduit à cette situation. L’argent qui manque, nous savons où il a été pris. Cela a eu des conséquences sociales inacceptables mais aussi des conséquences démocratiques auxquelles nous, membres de la représentation nationale, ne pouvons être indifférents.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Instaurer un impôt sur la fortune non productive me paraît une bonne piste, mais élargir son assiette jusqu’à englober le patrimoine professionnel risque d’être contre-productif. Jamais celui-ci n’a été taxé et lorsqu’il a été question de revenir sur la fiscalité de l’outil professionnel à titre principal, certains ont craint que les difficultés de gestion en résultant conduisent au départ de certains entrepreneurs de notre territoire.
Au moment de la réforme qui a conduit en 2017 à la mise en place de l’IFI, j’avais été très étonné par certains choix. Un souci de justice fiscale doit nous pousser à améliorer, en toute sérénité, la fiscalité mais évitons les effets pervers déjà identifiés en 1981 et les années suivantes.
M. David Amiel (EPR). L’impôt que vous proposez est-il une bonne manière de répondre à la question de la justice fiscale ? Non, puisque, nous le savons, les plus fortunés échappaient à l’ISF. Des dispositifs comme la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) me semblent beaucoup plus efficaces. Ce n’est pas non plus une bonne manière de répondre à la question du financement de la transition écologique. Le rapport de Jean Pisani‑Ferry et Selma Mahfouz montre bien qu’il doit reposer pour moitié sur des investissements publics et pour moitié sur des investissements privés, que vous allez affecter à force d’alourdir la fiscalité. Mario Draghi, dans son récent rapport, a analysé le décrochage massif de l’Europe face à la Chine et aux États-Unis ; il pourra bientôt en publier un deuxième pour décrire toutes les catastrophes engendrées par vos propositions.
M. le président Éric Coquerel. Les amendements ne prévoient pas de taxation de revenus professionnels en tant que telle. Ils proposent de rétablir un ISF progressif en s’inscrivant dans la logique d’un impôt minimum de 2 %, un temps évoqué par Bruno Le Maire. Je vous renvoie à l’étude de l’Institut des politiques publiques (IPP). Seraient ciblés les contribuables qui font transiter une partie de leur patrimoine sur leurs revenus professionnels. L’ensemble des revenus professionnels ne serait pas pris en compte.
Les amendements I-CF572 et I-CF571 sont retirés.
La commission rejette successivement les autres amendements, l’amendement I‑CF1810 ayant été retiré.
Amendement I-CF776 de Mme Mathilde Feld
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Les milliardaires sont très peu taxés, l’Observatoire européen de la fiscalité et l’IPP ont montré que le taux d’imposition des plus riches n’était que de 2 %. Il importe de corriger cette injustice, en instaurant, une taxe annuelle de 2 % sur les très grandes fortunes, dans la lignée des propositions de l’économiste Gabriel Zucman. Les recettes qui en seraient issues nous permettraient de répondre à la fois à l’urgence sociale et à l’urgence climatique car, et les amendements du NFP l’ont mis en évidence, la fiscalité doit aussi nous permettre d’avancer en matière de transition écologique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si vous souhaitez taxer les grandes fortunes, je vous invite plutôt à vous tourner vers les mécanismes de défiscalisation – dépenses fiscales, holdings tirelires – qui leur permettent d’échapper à l’impôt. Il faut aussi se pencher sur la portée du plafonnement de l’impôt, en veillant à ne pas le rendre confiscatoire. Je vous rappelle que le mécanisme de l’ISF profitait essentiellement aux très grandes fortunes, si bien qu’il était davantage un impôt de millionnaires que de milliardaires.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Sans remettre en cause les calculs de M. Zucman, rappelons qu’à ces 2 % s’ajouteraient les 25 % de l’impôt sur les sociétés qui s’appliquent au patrimoine professionnel.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF777 de M. Éric Coquerel
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons ici de nous inspirer de l’Espagne qui a mis en place, en 2022, une taxation sur les très hauts patrimoines, à partir de 3 millions d’euros, comportant diverses tranches allant de 1,7 % à 3,5 %. Cela ne l’a pas empêchée d’améliorer la santé de ses finances publiques et même d’augmenter le revenu minimum, mais c’est un autre débat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis la création de l’ISF, on se heurte toujours au même problème. Prenons une personne dont la fortune est essentiellement immobilière : si on lui applique, en plus des 1,5 % du plafond de l’IFI, ces 3,5 %, on parvient à un taux confiscatoire. Comme il n’y a pas de péréquation dans les taux de rendement des différents actifs – certains rapportent beaucoup, d’autres peu –, des contribuables pourraient être obligés de vendre une partie de leur patrimoine pour s’acquitter de leurs impôts. Avis défavorable.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Pourquoi ne pas prévoir ce dispositif de façon pérenne si vous y croyez vraiment ? Le problème du financement de la transition écologique cessera‑t‑il de se poser au-delà du 31 décembre 2027 ?
Avant de créer de nouveaux impôts sur le stock de capital, vous devriez prendre en compte le niveau de fiscalisation du capital des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec lesquels nous nous situons dans un rapport d’un à quatre. Ne découragez pas les investisseurs privés alors que nous allons être confrontés à des impasses de financement. Rappelons que les dépenses publiques dépassent déjà 100 % du PIB.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF773 de M. Éric Coquerel.
M. le président Éric Coquerel. Depuis 2017, les revenus du capital ont été avantagés à outrance et si les dividendes ont été multipliés par deux, les investissements n’ont pas augmenté. Je suis prêt à vérifier les chiffres avec vous, monsieur Lefèvre.
En matière écologique, nous avons besoin d’investissements publics massifs, comme le confirme le rapport Draghi. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz les estimait à 34 milliards d’euros pour 2030, I4CE les évalue à 50 milliards. Plus nous prenons du retard, plus le seuil sera difficile à franchir. Ces sommes considérables, où les trouver ? Dans leur rapport, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz préconisent une contribution exceptionnelle sur le patrimoine calculée en appliquant un taux de 0,17 % sur la fraction excédant 633 200 euros, assise sur la valeur nette de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables. Elle rapporterait 150 milliards d’euros, soit 5 milliards par an pendant trente ans. Nous reprenons cette proposition dans cet amendement qui sera, je l’espère, adopté. Les 2 milliards de CEHR et les 8 milliards de contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises ne suffiront ni à réduire les déficits ni à répondre au défi des investissements écologiques alors que la planète brûle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous nous heurtons toujours au même problème. En quoi cette contribution serait-elle exceptionnelle alors qu’elle est maintenue jusqu’en 2054 ? Cela fait trente ans, six législatures !
Une imposition sur le patrimoine financier risque de contraindre certains redevables à vendre leurs actions pour pouvoir s’acquitter de l’impôt, les taux de rendement étant très variables. Cette voie est sans issue. Les vraies solutions résident dans le verdissement de la fiscalité, la contribution des entreprises et des banques ou la création d’un plan d’épargne avenir climat.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous sommes tous conscients de l’importance qu’il y a à financer la transition écologique. En lisant l’amendement, je me dis : pourquoi pas ? Le problème est que ce budget comporte déjà 20 à 30 milliards d’impositions supplémentaires, auxquels s’ajoutent une bonne dizaine de milliards déjà votés par notre commission et d’autres sans doute à venir. Je crains que cette accumulation ne soit contre-productive.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La question du financement de la transition écologique se pose en effet, et celui de la réindustrialisation avec elle, en tout cas dans l’esprit du Rassemblement national. Toutefois, nous estimons que l’outil fiscal ne sera pas suffisant. Le souverainiste que je suis croit en l’efficacité de la mobilisation de l’outil monétaire, solution à laquelle je m’étonne que les membres du NFP ne soient pas plus sensibles puisque des économistes proches de leurs idées, comme Jézabel Couppey-Soubeyran, la mettent en avant. Les banques centrales, avec leurs politiques innovantes, ont ouvert de nouvelles perspectives en ce domaine. Il faut nous en saisir si nous voulons avoir un peu d’ambition à l’échelle séculaire.
M. François Jolivet (HOR). Pourquoi cet amendement ne vise-t-il que les personnes domiciliées fiscalement en France ? Pourquoi exclure d’autres contribuables établis hors de France, dont le patrimoine peut être très important ? J’ai le souvenir d’avoir eu votre renfort, monsieur le président, au sujet d’une convention fiscale passée entre la France et le Qatar portant sur des exonérations de plus-values.
M. le président Éric Coquerel. Nous pourrons y revenir. J’ai simplement repris la formulation du rapport Pisani-Ferry - Mahfouz.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement pourrait faire consensus. Les sommes dont devraient s’acquitter les contribuables situés au bas de la tranche ne représenteraient que quelques centimes par jour : on est loin d’une spoliation. Le financement de la transition écologique leur serait aussi bénéfique, car leur patrimoine ne se portera que mieux si la planète va bien.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je m’interroge sur l’application de cette contribution aux enfants mineurs. Cela constituerait un précédent dans l’histoire de la fiscalité française, me semble-t-il.
M. le président Éric Coquerel. Je prends note de votre remarque.
Les 34 milliards mis en avant par M. Pisani-Ferry renvoient à l’investissement public. Il faudrait un montant équivalent en investissements issus du secteur privé, ce qui implique des incitations.
Monsieur Tanguy, si je comprends bien, vous voudriez, comme M. Draghi, recourir à un grand emprunt en dehors des marchés financiers. Cela ne me paraît pas incompatible avec nos propositions. Mon amendement n’est peut-être pas parfait mais au moins propose-t-il une solution qui permet à la fois de ne pas accroître les déficits et de financer la transition écologique, vitale pour l’espèce humaine, alors qu’avec ce budget, le Gouvernement diminue de 16 % les crédits en faveur de la transition écologique, en particulier ceux du fonds Vert et du dispositif MaPrimeRénov’.
La commission rejette l’amendement.
Les amendements I-CF57 de M. François Jolivet et I-CF14 de Mme Véronique Louwagie sont retirés.
Amendement I-CF1533 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à intégrer dans l’assiette de l’IFI les liquidités et les contrats d’assurance vie investis en unités de compte, c’est-à-dire en actions d’entreprise. Cela nous permettrait d’augmenter le rendement de cet impôt tout en taxant la fortune improductive, dans l’esprit des propositions de M. Mattei. L’État engrangerait ainsi de nouvelles recettes sans que l’économie en pâtisse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous nous heurtons à un problème juridique, peu connu : un contrat d’assurance vie n’étant pas considéré comme un bien dont son détenteur a la propriété, il paraît difficile de l’intégrer dans l’assiette de l’IFI.
L’IFI est un impôt sur le patrimoine immobilier ; les actifs portés par les assurances vie n’ont rien à faire dans son assiette, à part une minuscule partie d’entre eux. Vous pourriez soit revoir l’imposition des assurances vie, soit celle du patrimoine mobilier, mais sur des bases différentes de celles de l’IFI. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF769 de M. David Guiraud et I-CF772 de M. Éric Coquerel (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous ne sommes pas parvenus à faire adopter nos amendements sur l’ISF car le RN, en dépit de ses grandes déclarations sur la justice fiscale, a voté contre. Cet amendement de repli vise à instaurer au sein de l’IFI un plafond, de 600 000 euros, sur l’abattement de 30 % appliqué aux résidences principales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous pourrions réfléchir à la portée de cet abattement mais en tenant compte des divers paramètres fiscaux et constitutionnels, sinon nous prendrions le risque de rendre l’impôt confiscatoire. J’ajoute que l’immobilier est déjà lourdement taxé dans notre pays alors que nous sommes en pleine crise du logement.
M. François Jolivet (HOR). Je trouve cet amendement intéressant mais peut-être faudrait-il le sous-amender pour exclure les patrimoines immobiliers sous plafond de ressources et de loyers, qui participent à une mission d’intérêt général. Je pense, par exemple, aux propriétaires de HLM ayant signé une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour neuf ans.
M. Matthias Renault (RN). Je vais répondre au tacle au sujet de l’ISF, car ces reproches sont récurrents depuis des années et sont même repris sur les réseaux sociaux. Si nous avons voté contre ces amendements, c’est pour une raison simple : nous défendons la création d’un impôt sur la fortune financière (IFF), mesure à laquelle le NFP s’oppose.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas adapté car 400 000 euros, en région parisienne, cela correspond à un 40 mètres carrés. L’amendement retiré par M. Jolivet portait sur le stock de logements, et non sur les seuls logements neufs. Cela aurait eu un caractère peu incitatif ou, plus exactement, désincitatif à la vente. Ce n’est pas ainsi que l’on va augmenter l’offre.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF757 de Mme Marianne Maximi, I-CF1624 et I-CF1629 de M. Jérémie Iordanoff (discussion commune)
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). L’exonération d’IFI de 75 % sur les propriétés forestières n’est pas conditionnée au respect de la biodiversité et du climat. Cela encourage la spéculation et la monoculture intensive, délétère pour la santé des forêts, et ne favorise pas la transmission des parcelles aux opérateurs locaux. Il est proposé d’abaisser l’exonération à 50 % et de la conditionner au respect de normes agroforestières.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’octroi de l’exonération de 75 % nécessite le dépôt d’un plan simple de gestion (PSG) ou d’un règlement type de gestion (RTG). Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il paraît prudent d’anticiper un changement du code forestier en adaptant dès maintenant le système fiscal à la réalité et en conditionnant l’exonération au respect de normes.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Quelle est la cohérence de cet amendement avec celui qui a été défendu hier par l’un des groupes du NFP concernant le crédit d’impôt pour les diagnostics de performance des forêts ?
M. le président Éric Coquerel. Il n’a pas été voté hier.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1194 de Mme Perrine Goulet
Mme Perrine Goulet (Dem). Il y a une distorsion entre les dons des particuliers selon qu’ils sont assujettis ou non à l’IFI. En effet, la réduction est de 66 % pour l’IR et de 75 % pour l’IFI. Je vous propose donc de ramener à 66 % l’avantage fiscal de l’IFI.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est un peu plus compliqué que cela. L’IR propose deux taux, l’un à 66 % et l’autre, qui correspond à l’amendement Coluche, à 75 %. En revanche, l’IFI ne prévoit que le taux de 75 %. Ce n’est pas très cohérent mais l’objectif était d’encourager les plus riches à se montrer généreux.
Mme Perrine Goulet (Dem). Avec un taux à 66 %, ils devront se montrer encore plus généreux pour conserver la même réduction !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avec votre amendement, le taux resterait à 75 % pour le dispositif Coluche, à l’IFI comme à l’IR, et passerait à 66 % pour tout le reste. Ce serait relativement cohérent.
La commission adopte l’amendement I-CF1194.
Amendements I-CF794 de Mme Marianne Maximi, I-CF1807 de M. Jean-Paul Mattei et I-CF598 de M. Philippe Brun (discussion commune)
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je vous propose de récupérer 3,5 milliards d’euros en incluant les produits d’assurance vie dans le barème de droit commun des droits de succession. Il s’agit de réduire une niche fiscale particulièrement injuste car elle est uniquement au bénéfice des plus fortunés. L’abattement de 30 500 euros serait toutefois maintenu afin de protéger les petits épargnants.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La tranche marginale de taxation en matière d’assurance vie est de 31,25 %, alors qu’elle est de 45 % pour les transmissions en ligne directe. Il n’est pas question de remettre en cause le régime de l’assurance vie mais simplement d’aligner sa taxation sur celle des successions en ligne directe.
M. Philippe Brun (SOC). La fiscalité de l’assurance vie est dérogatoire et complexe. De plus, l’héritage joue un rôle prépondérant dans la reproduction des inégalités. Il paraît donc juste de soumettre les actifs d’assurance vie au régime général des droits de mutation à titre gratuit (DMTG).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le stock des contrats d’assurance vie représente 1 900 milliards, que les épargnants peuvent retirer à tout moment car il s’agit d’une épargne liquide. Je vous mets donc en garde : si vous touchez au régime fiscal avantageux de l’assurance vie, il y a un danger de retrait. Or le quart de cette épargne, soit quelque 500 milliards, finance le déficit public. Je ne peux donc pas être favorable à ces amendements, même à celui, plus modéré, de Jean-Paul Mattei. En tout cas, il ne faut pas déstabiliser le régime fiscal des contrats existants : si l’on doit le modifier un jour, cela ne pourra concerner que les futurs contrats.
M. Philippe Brun (SOC). Il faut se rendre compte des sommes en jeu : 44 milliards d’actifs sont transmis par des contrats d’assurance vie en bénéficiant d’une détaxation quasi totale. Il convient de corriger cette niche fiscale considérable.
De plus, cela entraîne un dévoiement de cette épargne, qui vise à investir dans le tissu productif. Si l’on en fait un outil de transmission de patrimoine, on l’oriente vers des actifs plus sûrs, beaucoup moins risqués et contribuant moins au développement de l’économie. La transmission d’une maison ou d’un terrain est soumise aux DMTG : il est logique que les contrats d’assurance vie le soient aussi.
Mme Véronique Louwagie (DR). Modifier les règles pour les contrats en cours risque de saper la confiance des citoyens. Vos amendements s’appliqueraient à toutes les futures successions, sans distinguer entre les stocks et les nouveaux contrats : cela ne me paraît pas possible.
M. Philippe Brun (SOC). La disposition que je vous propose d’adopter s’applique aux contrats d’assurance vie souscrits à partir du 1er janvier 2025, et non aux contrats existants.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe deux grandes catégories de contrats d’assurance vie, l’une en euros et l’autre en unités de compte, cette dernière étant investie pour une bonne part dans les entreprises. Il est vrai que l’amendement de M. Brun ne vise que les contrats à venir, mais réfléchissons bien avant de voter un tel amendement.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux de 31,25 % a évolué dans le temps : il est donc possible de modifier la règle pour les contrats en cours. Il en va de même pour les droits de succession, qui s’appliquent à des successions non encore ouvertes, et dont les taux évoluent. Pour une transmission en ligne directe, l’écart de taux est quasiment de 15 points entre l’assurance vie et les droits de succession. Cela soulève la question de l’équité de ces deux types de placements.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF794 et adopte l’amendement I-CF1807.
En conséquence, l’amendement I-CF598 tombe.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF795 de M. Aurélien Le Coq.
Amendement I-CF797 de Mme Marianne Maximi
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer une contribution solidaire sur les ventes immobilières d’un montant supérieur à 1 million d’euros afin de dégager de nouvelles recettes pour renforcer la lutte contre l’habitat insalubre. Seuls les 5 % de Français les plus aisés seront concernés par cette taxe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La France a déjà les droits de mutation les plus élevés en Europe, ce qui freine la mobilité. Votre amendement ne ferait que provoquer un gel. Ce n’est pas une bonne idée d’augmenter encore la pression fiscale sur les transactions immobilières. Avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je suis stupéfait de voir l’énergie que dépense la droite pour protéger le gâteau, alors qu’il s’agit seulement de consentir un petit effort. En revanche, ils sont prêts à imposer des efforts à ceux qui n’ont rien. Le dispositif que nous proposons est sain parce qu’il ne concerne que les personnes possédant un patrimoine immobilier conséquent. Si nous ne prenons pas l’argent là où il se trouve, nous aurons un vrai problème pour équilibrer le budget.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF277 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Il est proposé de majorer le taux de la taxe sur les plus-values immobilières (PVI) élevées afin de dissuader les opérations spéculatives, particulièrement délétères dans les secteurs en tension. La taxe ne s’appliquerait pas aux résidences principales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les PVI de plus de 50 000 euros sont taxées selon un barème progressif allant de 2 % à 6 %. Le présent amendement vise à étaler le barème de 3 % à 13 %. Ce n’est pas en surtaxant les PVI que nous susciterons des investissements et encouragerons le développement de l’offre de logement. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Hier soir, l’évocation d’exemples de spéculation immobilière a suscité des moqueries de la part du Rassemblement national. Or, dans un article datant du 16 mai 2024, le journal Sud-Ouest a relaté deux ventes immobilières, l’une pour 1,27 million d’euros à Saint-Esteben, petite commune de l’intérieur du Pays basque, et l’autre pour 1,37 million à Ayherre. Ces deux biens avaient été achetés entre 250 000 et 300 000 euros quelques années auparavant. La spéculation immobilière est une réalité, qu’il convient d’encadrer.
M. Peio Dufau (SOC). Il faut savoir ce que l’on veut : puisque nous avons besoin d’argent, nous proposons que certains en gagnent un peu moins. Il faut arrêter de dire que l’on ne peut pas changer les règles : s’il y a bien un jour où on doit le faire, pour soutenir l’économie, l’écologie et le logement, c’est maintenant !
M. Éric Woerth (EPR). Je suis toujours très étonné par la créativité fiscale qui anime la gauche, alors que notre pays est probablement le plus redistributeur au monde. La France réduit de manière considérable les écarts entre les 10 % les plus modestes et les 10 % les plus aisés par le biais de ses politiques publiques : nous pouvons en être fiers. Chaque fois que vous ajoutez une nouvelle taxe, vous appauvrissez le pays.
M. le président Éric Coquerel. En matière de créativité, il serait intéressant de faire le bilan des niches fiscales sur les vingt dernières années – elles coûtent plus de 100 milliards – et d’en étudier la paternité.
M. Gérault Verny (UDR). Je suis un peu abasourdi par ce que j’entends. Alors que nous sommes le pays le plus fiscalisé de l’OCDE, nos finances publiques sont sinistrées. Ceux qui font preuve de créativité pour inventer des recettes devraient penser à se reconvertir dans l’entrepreneuriat : ce serait plus vertueux en matière fiscale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La situation varie beaucoup d’une région à l’autre. À Paris, le mètre carré est à 10 000 euros, voire 15 000 en centre-ville. À l’inverse, il n’est que de 800 ou 900 euros dans la Creuse, la Haute-Marne ou la Meuse : on n’y fait pas de plus-values. Si vous accentuez la pression sur les propriétaires qui louent leurs biens, ils risquent de renoncer à vendre, ce qui n’est pas bon pour le marché.
M. le président Éric Coquerel. Dans certaines zones touristiques, les résidents ne peuvent plus vivre tant les prix immobiliers ont monté, pour des raisons spéculatives. Cela ne peut pas être considéré comme un fonctionnement normal du marché. Il faut donc réagir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas avec une telle taxe que vous résoudrez ce problème.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1308 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Il est proposé d’inclure la location de véhicules propres dans le forfait mobilités durables (FMD).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le FMD couvre déjà les frais de recharge électriques des véhicules des employés. Votre amendement vise à encourager le recours à la location d’une voiture plutôt que son achat. Cela créerait une différence de traitement entre ceux de nos concitoyens qui louent et ceux qui achètent. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1376 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). L’IR-PME ESUS (réduction d’impôt pour souscription au capital d’une entreprise solidaire d’utilité sociale), qui accorde une réduction d’impôt (RI) de 25 % aux particuliers prenant des parts de capital d’entreprises disposant de l’agrément ESUS, a généré un effet de levier important pour le financement des entreprises solidaires, pour un coût fiscal très mesuré. Or, ce dispositif a récemment été étendu aux entreprises contribuant à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés, ce qui n’a rien à voir avec l’économie sociale et risque d’occasionner des dépenses fiscales supplémentaires. Nous proposons de rétablir l’exigence du dispositif en restaurant sa rédaction précédente.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances de 2024 a prorogé jusqu’à fin 2025 la réduction d’IR de 25 % pour les investissements dans les ESUS et les foncières solidaires, et mis fin au taux majoré pour la RI applicable aux investissements dans les PME. Cela a créé un avantage comparatif pour les ESUS.
D’autre part, si les entreprises solidaires agréées par le ministère de la culture ayant pour mission de contribuer à la préservation, à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés sont concernées par ce taux de 25 %, les foncières solidaires bénéficient de leur côté d’un droit d’enregistrement réduit. Nous n’allons pas exclure les autres entreprises ESUS immobilières visées par le dispositif. Avis défavorable.
M. Gérard Leseul (SOC). M. le rapporteur n’a pas répondu à mon propos. L’ajout opéré en 2024 ne correspond pas à l’esprit de la loi ESS. Je vous propose donc de le supprimer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous reverrons cela l’année prochaine, dans la loi de finances pour 2026, puisque nous avons prolongé ce dispositif jusqu’à fin 2025.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1359 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). L’amendement a pour objet de proroger l’exonération fiscale et sociale sur les pourboires pour l’année 2025. Par ailleurs, il a été convenu que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er octobre 2024, un rapport évaluant les effets de la prorogation au regard de l’évolution de l’utilisation des moyens de paiement et du risque de substitution avec les salaires. Une communication en ce sens permettrait d’éclairer le Parlement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer en séance publique afin d’interroger le Gouvernement sur ce point. Il semblerait, selon des serveurs que j’ai interrogés, que les pourboires soient en chute libre à cause du développement du paiement électronique.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes favorables à l’augmentation des salaires et non à celle des revenus désocialisés. La Cour des comptes a publié un rapport assez éclairant sur les primes ; c’est le même principe.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1361 de Mme Félicie Gérard et I-CF1422 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)
Mme Félicie Gérard (HOR). Il est proposé de proroger jusqu’au 31 décembre 2025 les dispositifs de soutien au transport des salariés introduits par la loi de finances rectificative pour 2022.
M. Tristan Lahais (EcoS). Déposé à l’initiative de Christine Arrighi, notre amendement propose de prolonger les dispositions de la loi de finances rectificative de juillet 2022 sur la prise en charge des frais de transport public de leurs salariés par les employeurs privés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Rappelons que cette mesure temporaire, qui expire le 31 décembre 2024, avait été prise avec d’autres dispositions visant à protéger le pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation. L’exonération à l’IR de la prise en charge des titres de transport par les employeurs avait été portée de 50 % à 75 %, et celle de la prise en charge des frais de carburant et de recharge des véhicules électriques de 500 à 700 euros. Cher collègue, il est bon que les mesures temporaires prennent fin lorsque le contexte change – ce qui est le cas – et que nous en revenions aux exonérations antérieures.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il est amusant d’avoir cette discussion au lendemain d’une réunion où nous avons débattu de l’opportunité de créer une commission d’enquête sur les finances publiques. Dans le cadre des travaux de cette commission d’enquête, nous reviendrons sans doute sur l’été 2022 durant lequel de multiples chèques avaient été signés, montrant la difficulté à sortir du « quoi qu’il en coûte ». Pour ma part, je me range à l’avis de notre rapporteur général : il est bon que les mesures temporaires coûteuses prennent fin. Cela restera peut-être un vœu pieux, mais j’aimerais que nous tirions la leçon de cette période, les deux ou trois dernières années, où nous n’avons pas su arrêter à temps les multiples dispositifs adoptés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1360 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Cet amendement vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2026 le dispositif de monétisation des RTT, introduit par la loi de finances rectificative 2022, afin de donner de la visibilité aux salariés et employeurs concernés. Cette mesure permet aux salariés de convertir leur RTT en rémunération, sachant que ces heures rachetées font l’objet d’un régime social et fiscal favorable. Ils peuvent ainsi augmenter leur salaire et améliorer leur pouvoir d’achat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure, qui expire à la fin de 2025, visait aussi à soutenir le pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation. Alors que l’Insee indique que l’inflation est tombée à 1,1 %, il n’y a pas lieu de la prolonger. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). A-t-on une idée de ce qu’a coûté cette mesure et de ce coûterait de sa prolongation éventuelle ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Non, on ne sait pas.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Cette mesure a un effet pervers : comme l’évolution des salaires est loin d’avoir suivi le rythme de l’inflation, les plus modestes sont contraints d’échanger du temps de vie libre contre une rémunération. (Exclamations.) Au Rassemblement national, vous vous en fichez car vous n’êtes pas concernés, mais il n’empêche que les gens ont le droit à une vie qui n’est pas faite que de travail. En les maintenant dans une situation où leurs moyens sont très réduits, on les oblige à aller travailler plus pour des salaires plus bas. C’est un appauvrissement de toute la classe populaire.
M. Gérault Verny (UDR). Cette mesure n’a que des effets bénéfiques. Premièrement, c’est une possibilité et non une obligation pour le salarié. Deuxièmement, elle engendre tout de même des rentrées fiscales et sociales supplémentaires, même si elle bénéficie d’un régime favorable. Tout le monde est donc gagnant : le salarié, l’entreprise et l’État. Il n’y a pas de coût.
La commission rejette l’amendement.
Article 4 : Mise en place d’un partage avec les consommateurs des revenus du nucléaire historique
M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, il nous reste 1 213 amendements à examiner. Nous sommes allés beaucoup plus vite aujourd’hui, mais nous devons encore accélérer. C’est pourquoi je vous invite notamment à éviter les redondances dans les présentations.
Amendements de suppression I-CF56 de M. Matthias Renault, I-CF570 de Mme Marie-Noëlle Battistel et I-CF1449 de Mme Julie Laernoes
M. Matthias Renault (RN). De notre point de vue, cet article n’a rien à faire dans le PLF pour 2025. Il instaure une taxe sur EDF en remplacement de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) à partir du 1er janvier 2026. Rappelons que l’Arenh est un mécanisme de spoliation d’EDF, fondé sur un marché administré. Dans un système presque pur et parfait de capitalisme de connivence, il donne accès au nucléaire historique à des opérateurs qui n’ont pas besoin de réaliser la moindre production. Nous demandons donc la suppression de ce cavalier législatif.
Mme Eva Sas (EcoS). Ma collègue Julie Laernoes propose cet amendement qui vise à supprimer un article instaurant un nouveau dispositif de redistribution des revenus du nucléaire en remplacement de l’Arenh. Selon nous, il n’est pas concevable d’étudier des mesures aussi complexes et importantes pour la politique énergétique, proposées à la surprise générale dans ce PLF présenté tardivement et aux délais d’examen extrêmement contraints.
En outre, cette réforme post-Arenh comporte des zones d’ombre, notamment concernant les seuils de taxation des revenus du parc nucléaire. Pourquoi le Gouvernement renvoie-t-il la fixation de ces seuils à un acte réglementaire, alors que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé le coût complet du nucléaire à 60,70 euros du mégawattheure et que l’accord conclu avec EDF définit un prix de vente de référence pour le nucléaire autour de 70 euros du mégawattheure. Mon groupe demande donc que cette réforme soit discutée dans un texte spécifique à la politique énergétique et non dans un PLF.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faudrait supprimer cet article au motif qu’il n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2026, ce qui nous laisserait le temps de discuter de cette réforme très importante. Il est vrai que nous légiférons dans des délais invraisemblables, sans réelles études d’impact. Il y a deux solutions : soit nous supprimons l’article, soit nous l’adoptons en ayant la possibilité de le modifier dans le PLF pour 2026. Pour ma part, je serais plutôt enclin à opter pour la deuxième hypothèse, en expliquant que nous avons adopté l’article sous toute réserve faute de temps pour un examen au fond, mais en demandant de plus amples explications. Comme les collègues qui se sont exprimés, je trouve désagréable que l’on nous demande de renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des seuils de prix et autres. Malgré tout, je penche pour la deuxième hypothèse.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Une fois n’est pas coutume, monsieur le rapporteur général, je ne partage pas du tout votre analyse. Pour moi, cet article est évidemment un cavalier législatif. On ne peut pas traiter, au détour d’un PLF examiné dans un contexte politique et budgétaire difficile, de l’avenir à dix, vingt ou trente ans de la production électronucléaire française. Cette production, qui représente des dizaines de milliards d’euros de valeur économique par an, est le socle de notre économie et aussi, je le regrette, le pilier de l’équilibre du système électrique européen. Nous ne pouvons en discuter que dans le cadre d’un texte à part entière comme l’était la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi Nome), en ayant du temps pour débattre sur la base d’études d’impact. Tous les gens que j’ai interrogés, y compris des journalistes, n’ont pas compris mieux que moi ce que cet article venait faire dans le PLF. Et j’ai l’impression que le Rassemblement national n’est pas seul à avoir découvert sa présence le jeudi soir à vingt-deux heures.
Mme Eva Sas (EcoS). Moi non plus je ne partage pas l’avis du rapporteur général. Adopter cet article reviendrait à signer un chèque en blanc au Gouvernement qui pourrait agir par voie réglementaire et décider sans concertation ni transparence. À ce jour, nous n’avons aucun engagement du Gouvernement à débattre de ces éléments très importants pour la politique énergétique de la France. Nous maintenons notre amendement de suppression.
M. Philippe Brun (SOC). Il y a plusieurs raisons de s’opposer à l’article 4. Sur la forme, comme l’ont très bien expliqué les collègues, il est tout à fait cavalier d’introduire dans le PLF des dispositions qui devaient figurer dans un texte sur la souveraineté énergétique. Sur le fond, il est question ici de remplacer un mauvais système – l’Arenh et la loi Nome – par un très mauvais système d’une extraordinaire complexité. Le manque de prévisibilité du dispositif nuira à la compétitivité des entreprises françaises qui resteront largement exposées aux prix du gaz et du carbone sur lesquels sont indexés les prix de l’électricité. Le compte n’y est pas s’agissant de la stabilité et de la prévisibilité dont les producteurs et les consommateurs ont besoin. Nous souhaitons donc que ces dispositions soient discutées dans un texte ad hoc.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). N’oublions pas les délais dans lesquels ce texte nous a été transmis, qui ne nous permettent pas de faire un travail sérieux et satisfaisant. Il est important que la commission puisse prendre position, même si j’espère que nous en débattrons aussi dans l’hémicycle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis ouvert aux deux hypothèses. J’ajouterai un élément : le Sénat a adopté hier, avec le soutien du Gouvernement, une proposition de loi sur la programmation de l’énergie. Nous pourrions aussi rejeter cet article et demander au Gouvernement de le présenter sous forme d’amendement lorsque le texte du Sénat viendra en discussion à l’Assemblée. Est-ce que cela ne pourrait pas être une solution de synthèse ?
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et l’amendement I-CF1255 de Mme Mereana Reid Arbelot tombe.
Article 5 : Ajustements de la fiscalité applicable aux installations nucléaires de base
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet article vise notamment à tirer les conséquences de la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui nous a valu des débats passionnés sous l’ancienne législature. Je tenais à alerter la commission sur un point : les deux entités ne sont absolument pas prêtes pour cette fusion qui doit être opérationnelle au 1er janvier 2025. J’avais déposé un amendement visant à repousser l’échéance à la fin de 2025, afin de laisser plus de temps aux discussions salariales, à l’harmonisation, au règlement des problèmes informatiques, et j’en passe. Mon amendement a hélas été déclaré irrecevable alors qu’il crée une économie puisque le surcoût de la fusion est estimé à environ 20 millions d’euros en 2025. Je pourrai, si vous en êtes d’accord, soulever cette question lors du débat en séance sur l’article 5, pour avoir la réaction du ministre. Sous cette réserve, je suis favorable à l’article 5.
La commission rejette l’article 5.
Article 6 : Répartition des coûts du mécanisme de capacité entre les utilisateurs du système électrique
Amendement de suppression I-CF1585 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet article présente les mêmes défauts que l’article 4, à commencer par son caractère de cavalier. Il tend à réformer un dispositif autorisé par la Commission européenne jusqu’en 2026 : il n’y a donc aucune raison ni urgence à le faire maintenant. Il s’agit de répartir les coûts du fameux mécanisme de capacité entre les utilisateurs du système électrique, qui atteignent jusqu’à 2 euros par mégawattheure, c’est-à-dire 5 % du prix de base du nucléaire, ce qui n’est pas du tout négligeable. Ce dispositif devrait lui aussi être intégré dans une loi de programmation énergétique ou dans une réforme de l’Arenh. En tout cas, il n’a absolument rien à faire dans le PLF.
En outre, nous restons dans cette logique de marché européen libéralisé de l’électricité qui n’incite pas le système électrique français et européen à avoir des capacités de production suffisantes pour assurer toujours un tarif de l’électricité bas, mais qui l’encourage au contraire à jouer avec la marge, quitte à frôler des prix surréalistes ou à effacer la consommation de nos industries, voire un jour celle de nos ménages. Nous sommes totalement défavorables à ce mécanisme dit de capacité qui, derrière un terme technique, consiste à faciliter la spéculation sur le marché de l’énergie. La seule façon d’avoir un système énergétique à coûts raisonnables est d’avoir suffisamment de centrales électriques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mes chers collègues, pour votre bonne information, je vais essayer de vous résumer ce qui est proposé dans cet article très complexe. Le mécanisme de capacité tend à garantir la sécurité d’approvisionnement du système électrique en période de pointe. Il rémunère les capacités de production, de stockage et d’effacement qui permettent d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité. L’existence d’un mécanisme de capacité est jugée utile et efficace. Le système actuel fonctionne selon un principe décentralisé où le fournisseur est tenu d’acheter des garanties de capacité auprès des producteurs, sous peine de pénalités.
L’article 6 propose un nouveau système, centralisé autour de Réseau de transport d’électricité (RTE). Une taxe est payée par les fournisseurs en fonction de leur consommation en période de pointe. Le produit de cette taxe est affecté à RTE, afin de payer les producteurs qui s’engagent à avoir des capacités disponibles en période de pointe. Voilà l’esprit de cette réforme : on passe d’un système de marché à un système totalement centralisé.
Pour ma part, j’émettrai des réserves importantes sur cet article pour des raisons un peu différentes de celles qui viennent d’être énoncées. Premièrement, je ne suis pas convaincu de la nécessité de recentraliser le mécanisme : il me semble que la nouvelle architecture est complexe et moins lisible pour le consommateur. Deuxièmement, le Gouvernement invoque l’urgence puisque ce mécanisme doit être considéré comme compatible avec le droit européen des aides d’État par la Commission européenne avant novembre 2026. L’urgence me paraît donc toute relative, alors que nous devons prendre le temps de discuter de ce mécanisme. En outre, ces dispositions pourraient aussi être intégrées par le biais d’amendements dans le nouveau texte qui vient d’être adopté au Sénat avec l’accord du Gouvernement, afin que nous puissions avoir une vision d’ensemble des problèmes énergétiques.
J’émettrai donc un avis favorable à l’amendement de suppression, en attendant que le Gouvernement nous donne plus d’explications sur le sujet, voire accepte d’en discuter dans le cadre des débats à venir sur la proposition de loi sénatoriale. À ce stade, je me demande d’ailleurs quelle note nous obtiendrions si nous devions, les uns et les autres, répondre à un questionnaire testant notre compréhension de cet article.
M. David Amiel (EPR). Que sommes-nous en train de faire ? Nous avons supprimé l’article 4, qui permettait une régulation du prix de l’électricité. À partir de 2026, nous n’aurons donc plus aucune régulation sur le marché de l’électricité. C’est quand même assez cocasse d’en arriver là à l’initiative de partis qui, généralement, ne défendent pas le libéralisme le plus total. Pour notre part, nous défendons une régulation du prix de l'électricité.
À présent, nous nous apprêtons à supprimer le mécanisme de capacité, c’est-à-dire ce qui permet de rémunérer nos installations pour pouvoir faire face aux pointes de charge sur le réseau. Nous mettons ainsi en cause la sécurité d’approvisionnement. À vous entendre, ce n’est pas grave de supprimer cet article puisque l’échéance est en 2026. Nous n’allons pourtant pas décider de l’organisation du système électrique français dans le PLF pour 2026, à trois semaines de son entrée en vigueur. C’est maintenant que l’ensemble du marché est en train de se structurer. Afin de ne pas être confrontés à un très grave problème de sécurité d’approvisionnement en 2026, nous devons faire preuve de responsabilité. Proposez des amendements de correction mais pas des amendements de suppression.
M. Philippe Brun (SOC). Monsieur Amiel, il y a il y a quand même d’autres solutions que de voter pour ces dispositions qui n’ont rien de budgétaire ou fiscal dans le PLF ou de n’avoir aucune régulation d’ici à 2026. Rappelons que le projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui devait être déposé en janvier, ne l’a jamais été car le Gouvernement a beaucoup procrastiné. Comme l’indique le rapporteur général, nous pouvons utiliser le véhicule législatif qu’est cette proposition de loi du Sénat. Nous ne refusons pas toute forme de nouvelle régulation post-Arenh en rejetant ces dispositions pour avoir un débat serein, intelligent et tenant compte du chaos actuel sur le marché européen de l’électricité et de ses effets : la baisse de compétitivité de notre pays ; les difficultés de nos industries dues à l’explosion des prix de l’électricité. En supprimant ces dispositions, nous prenons date pour un débat apaisé, serein et technique sur ces sujets en janvier.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il ne s’agit pas de supprimer tout le mécanisme et de susciter le chaos. Premièrement, le système de marché existant perdure jusqu’à la fin de l’année prochaine. Deuxièmement, nous pouvons intégrer ce sujet aux débats à venir sur la proposition de loi sur la programmation de l’énergie, adoptée au Sénat avec l’accord du Gouvernement. À force d’adopter des articles épars, auxquels on ne comprend d’ailleurs pas grand-chose, nous perdons la vision d’ensemble. Sans compter que cela soulève une grande question sous-jacente : faut-il abandonner le système de marché pour adopter un système centralisé ? La Cour des comptes nous a expliqué que le système actuel marche, malgré certains dysfonctionnements. Le système centralisé fonctionnera-t-il mieux ? Cela mérite un vrai débat. Il vaut mieux ne pas prendre des mesures par petits morceaux, au détour d’un article du PLF. Il est possible d’inscrire rapidement à l’ordre du jour la proposition de loi sénatoriale adoptée le 16 octobre. Nous pourrions ainsi travailler sur ce sujet très important.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1792 de M. David Amiel
M. David Amiel (EPR). Cet amendement technique vise à s’assurer que la nouvelle manière de financer le mécanisme de capacité ne se traduira pas par un surcoût pour le consommateur, en corrigeant une imprécision du texte sur la TVA qui transite par RTE.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable. Il s’agit de neutraliser la hausse de TVA supportée par RTE au titre de la réforme éventuelle du mécanisme de capacité par une baisse de l’accise sur l’électricité. La taxe supportée par les fournisseurs sera égale à la charge financière actuellement supportée dans le cadre du mécanisme de capacité, majorée de 20 % au titre de la TVA que RTE n’aura pas pu déduire et qui est assise sur ses achats de capacité. Au regard du coût estimé du mécanisme, la TVA non déductible supportée par RTE serait de l’ordre de 500 millions d’euros par an. Sans mesure correctrice, cette charge fiscale supplémentaire pèsera sur les fournisseurs qui pourront la répercuter sur les consommateurs. Selon les informations transmises par l’administration, cette hausse liée à la TVA non déductible pour RTE, à la fois sur le plan budgétaire et sur les prix, doit être « neutralisée intégralement », une baisse concomitante de l’accise sur l’électricité « étant privilégiée à ce stade » – ce qui veut dire que ce n’est pas encore décidé. Voilà pourquoi je suis favorable à cet amendement. Il n’en reste pas moins que le montant de la TVA va augmenter de 500 millions d’euros, abondant les recettes fiscales de l’État.
M. Matthias Renault (RN). Dans ce cas, allons au bout de la logique et refusons l’article 6. L’article 4 instaure une taxe sur EDF – il est d’ailleurs un peu curieux que l’État cherche à ponctionner des recettes sur une société dont les capitaux sont à 100 % publics. L’article 6, dans la même logique, augmente une taxe sur RTE. Vous vous opposez au contenu de l’article mais pas à l’article lui-même, ce que je ne comprends pas très bien.
La commission adopte l’amendement.
Elle rejette l’article 6.
Article 7 : Adaptation des tarifs d’accise sur l’électricité et diverses simplifications et sécurisations
Amendements de suppression I-CF65 de M. Matthias Renault et I-CF1589 de Mme Véronique Louwagie
M. Matthias Renault (RN). Nous sommes contre cette augmentation de la taxe sur l’électricité, position qui semble assez transpartisane puisque partagée par plusieurs groupes et certains macronistes.
M. Nicolas Ray (DR). Il faut revenir partiellement sur les mécanismes d’amortisseurs puisque les prix de l’électricité ont baissé, mais nous émettons des réserves sur cet article qui suscite de l’inquiétude et de l’incertitude étant donné la forte volatilité des tarifs de l’électricité. Même avec la baisse de 9 %, les tarifs restent supérieurs à ceux qui étaient pratiqués avant la crise ukrainienne, alors que les consommateurs et les entreprises ont déjà consacré beaucoup de leurs moyens à régler leur facture énergétique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons débattu de cette affaire avec les ministres. Tel que rédigé, l’article 7 nous fait déléguer une partie de notre pouvoir à l’exécutif : les droits d’accise pourraient être fixés par arrêté, et à un niveau qui pourrait même être supérieur à celui d’avant-crise. Interrogé sur le sujet, le ministre chargé du budget et des comptes publics m’avait pourtant indiqué clairement qu’il n’envisageait pas d’augmenter de droit d’accise au-delà de son niveau de 2019. Dans mon amendement I-CF1864, je propose donc de plafonner le droit d’accise à 35 euros.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je voterai pour les amendements de suppression, pour deux raisons. Premièrement, on s’aperçoit que la plupart des Français acquitteront une part plus importante que les ultrariches de l’imposition supplémentaire. Deuxièmement, cet article ne porte pas sur un montant de 3 milliards d’euros comme annoncé, mais d’au moins 6 milliards.
Il s’agit de supprimer la majoration du tarif normal de l’accise sur l’électricité visant à compenser la débudgétisation de la péréquation tarifaire pour les zones non interconnectées (ZNI) – Corse, outre-mer. Jusqu’en 2025, cette péréquation était supportée par le budget de l’État. Pour 2025, le Gouvernement propose de la reporter sur tous les consommateurs. Si la mesure du Gouvernement était adoptée, les factures d’énergie des consommateurs n’augmenteraient pas de 3 milliards d’euros comme annoncé, mais au moins de 6 milliards, comme relevé dans plusieurs articles de presse.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président, le Gouvernement a pris un engagement : le droit d’accise ne remontera pas au-delà de son niveau de 2019 ; le tarif TTC baissera de l’ordre de 9 %. C’est écrit dans le PLF. Pour ma part, je vous propose de retirer ces amendements de suppression, d’adopter le mien, et de demander au Gouvernement de réitérer son engagement de manière solennelle en séance publique.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes favorables à la suppression de l’article : cette hausse de taxe sur l’électricité est insupportable et insoutenable pour les Français. Même si la baisse relative du tarif de l’électricité advenait comme promis, ce qui n’est pas certain, nos compatriotes seraient en difficulté : 12 millions d’entre eux vivent en état de précarité énergétique ; la moitié a du mal à payer ses factures ; 86 % des gens, notamment les jeunes, sont obligés de baisser leur consommation d’électricité en hiver parce qu’ils n’ont pas les moyens de se chauffer. Une petite évolution à la baisse ne réglerait pas le problème. Il faut donc que cette taxe disparaisse.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je me réjouirais de voir qu’une majorité se dégage pour supprimer ces taxes injustes au possible : elles s’appliquent à l’énergie, un bien indispensable ; elles sont déjà très lourdes et frappent plus durement les classes populaires et moyennes que les personnes les plus favorisées ; nos concitoyens ne se sont toujours pas remis du choc de l’hyperinflation. Sur France Inter, le patron de Carrefour expliquait ce matin que la déconsommation alimentaire n’avait pas baissé, que les gens avaient sacrifié des biens essentiels de qualité – fruits, légumes, poisson, viande – pour se tourner vers des produits de moindre qualité et réussir à se chauffer. Les Français ne peuvent pas se permettre ces hausses de taxes. Si la facture d’électricité baisse de 15 %, ils ne l’auront pas volé.
Monsieur le rapporteur, vous pourrez peut-être m’éclairer sur un point sur lequel je n’ai pas réussi à avoir une réponse de Bercy. Avant les accises sur l’électricité, il y a un tableau où figurent les droits sur d’autres énergies. La hausse de 1 milliard d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), que je ne m’explique pas du tout, serait-elle due à une variation de ces autres droits ?
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous sommes nombreux à considérer qu’il s’agit d’un sujet extrêmement important pour nos concitoyens, le coût de l’énergie ayant des conséquences directes sur leur pouvoir d’achat.
Ces dispositions, très complexes, ont été largement commentées dans la presse. Or supprimer cet article nous empêcherait d’en discuter et d’éclairer le débat. C’est choquant. Je demande donc à nos collègues de retirer ces amendements de suppression afin de pouvoir débattre.
Sur le fond, soyons raisonnables. On peut discuter de la pertinence du niveau des tarifs d’accise. Selon moi, revenir aux tarifs en vigueur avant que le Gouvernement ne mette en place un mécanisme protecteur pour nos concitoyens est la moindre des choses – je ne suis pas favorable à ce que l’on aille au-delà. Tous ceux qui s’alarment désormais du montant de la dette et qui nous reprochent de ne pas avoir su sortir du « quoi qu’il en coûte » souhaitent pourtant la prolongation des dispositifs quatre ans après le début de la crise.
M. Nicolas Ray (DR). Nous allons retirer notre amendement d’appel, qui avait pour objet de pointer la vive inquiétude de la population s’agissant des conséquences éventuelles de cet article sur les prix de l’électricité.
Nous attendons davantage de précisions d’ici à la séance. Nous voterons peut-être en faveur de l’amendement du rapporteur général et de celui de notre collègue Jean-Didier Berger qui prévoient un plafonnement, donc des garanties.
M. le président Éric Coquerel. Je reprends l’amendement I-CF1589.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les recettes de la TICPE sont globalisées dans le budget général. Elles passeraient de 10,380 milliards à 17,583 milliards. Quand on baisse le prix d’un bien, sa consommation augmente. Le Gouvernement envisage une baisse de 9 % du prix de l’électricité, ce qui pourrait conduire à une augmentation de la consommation comprise entre 3 et 4 %.
Que cet article soit supprimé ou non, nous aurons un débat en séance publique – ce que tout le monde souhaite – puisque la discussion porte sur le texte du Gouvernement. Mais d’ores et déjà, je vous invite plutôt à adopter mon amendement I-CF1864.
Mme Eva Sas (EcoS). La suppression de cet article, implique-t-elle celle de l’augmentation des tarifs d’accise sur le fioul et le pétrole ?
Notre groupe ne souhaite pas, en effet, une hausse de la tarification de l’électricité car nous sommes favorables à une plus grande utilisation de cette énergie. Plus globalement, nous nous opposons à une augmentation de la fiscalité de l’énergie car, dans le même temps, le Gouvernement coupe dans les crédits destinés à MaPrimeRénov’, privant ainsi les Français des moyens de faire des économies d’énergie.
M. David Amiel (EPR). Avec les amendements I-CF1087 et I-CF1785 qui seront discutés ensuite, nous proposons une approche très similaire à celle du rapporteur général. L’idée est de sortir du bouclier tarifaire, dispositif de crise qui se comprenait dans un contexte de prix de marché exceptionnellement élevés et qui coûte 6 milliards. Désormais, les prix diminuent et il est logique d’en tenir compte pour nos finances publiques. L’inverse serait irresponsable.
En revanche, contrairement à ce que propose le Gouvernement, nous ne sommes pas favorables à une augmentation supplémentaire de la fiscalité. Cela irait à l’encontre de la transition énergétique et des efforts que nous devons faire pour préserver les classes populaires et moyennes des augmentations d’impôts.
C’est la raison pour laquelle mon amendement prévoit que le tarif normal n’excède pas 32 euros par mégawattheure – soit un tarif très légèrement inférieur à celui retenu par le rapporteur général, qui tient compte de l’inflation. Cette voie moyenne consiste tout simplement à revenir à la situation qui prévalait avant la crise.
M. Michel Castellani (LIOT). Nous comprenons tous que l’effort de maîtrise budgétaire est nécessairement douloureux. Doit-il pour autant passer par le prix de l’électricité ? Je n’en suis pas convaincu.
Cette énergie est au cœur de la vie économique et sociale. L’augmentation proposée touchera tous les ménages de manière indiscriminée, mais aussi l’ensemble des entreprises. C’est pour le moins contestable s’agissant du pouvoir d’achat des ménages, sans même parler des conséquences sur la compétitivité des entreprises – avec des répercussions en cascade sur la production, le commerce extérieur et les rentrées fiscales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Madame Sas, les tarifs apparents baissent car, avec la mutualisation, on en revient aux tarifs précédents.
Mon amendement prévoit un tarif de presque 35 euros par mégawattheure, et non de 32 euros, parce que j’y intègre le montant de la contribution des gestionnaires de réseaux au financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.
La commission adopte les amendements I-CF65 et I-CF1589.
En conséquence, l’article 7 est supprimé et les autres amendements portant sur l’article tombent.
Après l’article 7
Amendement I-CF1701 de M. David Amiel
M. David Amiel (EPR). Cet amendement vise à encourager l’autoconsommation en matière d’énergie solaire, car nous sommes très en retard par rapport aux préconisations de Réseau de transport d’électricité (RTE). Nous proposons donc d’instaurer un taux réduit de la TVA sur l’installation et la pose des installations concernées jusqu’à 9 kilowatts-crête. Le coût pour le budget serait extrêmement limité puisque la mesure réduirait les obligations d’achat pesant sur EDF et les opérateurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’acquisition et l’installation de panneaux photovoltaïques ne bénéficient pas du taux de 5,5 % de la TVA applicable aux travaux de rénovation énergétique – à la différence des équipements fonctionnant à l’énergie solaire et directement dotés de capteurs solaires.
Un taux de 10 % s’applique sur les installations photovoltaïques d’une puissance inférieure à 3 kilowatts-crête – qui permettent d’alimenter une maison de 100 mètres carrés fonctionnant entièrement à l’électricité.
De plus, la transmission aux prix d’une baisse de la TVA est toujours incomplète, et il existe déjà un grand nombre de dispositifs de soutien au photovoltaïque : une prime à l’autoconsommation photovoltaïque pour les résidences principales comme secondaires, accordée sans condition de revenus ; l’éco-PTZ, qui a été prorogé jusqu’à la fin de 2027 ; des aides des collectivités ; des aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), couvrant jusqu’à 50 % des travaux ; l’aide « Habiter mieux », cumulable avec celles de l’Anah, pour 10 % du montant de l’investissement ; une exonération d’impôt sur le revenu sur la vente du surplus d’électricité pour les installations d’une puissance inférieure à 3 kilowatts-crête ; enfin, les équipements fonctionnant à l’énergie solaire et les panneaux d’une puissance de moins de 3 kilowatts-crête bénéficient d’une TVA à 10 %.
En outre, la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a prévu plusieurs mesures pour favoriser le développement de la filière photovoltaïque, avec l’objectif de multiplier par huit notre capacité de production d’énergie solaire en 2050. Il s’agit de simplifier la procédure pour les projets au sol de petite taille et de faciliter l’installation de panneaux aux abords des autoroutes et routes à grande circulation. La loi impose également d’équiper les parkings extérieurs de plus de 1 500 mètres carrés en ombrières photovoltaïques sur au moins la moitié de leur surface.
Est-il utile d’ajouter une mesure supplémentaire ?
Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Il s’agit aussi d’une mesure de simplification, dans la mesure où il existe un effet de seuil autour de 3 kilowatts-crête, ce qui conduit à sous-dimensionner beaucoup de projets et à des coûts supplémentaires de transport d’énergie sur le réseau.
La commission adopte l’amendement I-CF1701.
Amendement I-CF1439 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à instaurer une taxe sur les opérations spéculatives d’achat et de revente d’électricité, sur le modèle de la taxe sur les transactions financières (TTF) – que nous proposons aussi d’augmenter.
Ces activités de trading d’énergie sont extrêmement lucratives, comme on a pu le constater lors de la crise des prix de l’électricité en 2022 et 2023. Les bénéfices réalisés à ce titre par le groupe Engie ont augmenté de 67 %, et il en est de même pour TotalEnergies et d’autres grandes sociétés.
La fameuse contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim) avait pour défaut de frapper les producteurs. Avec notre dispositif, nous rétablissons la justice en nous en prenant aux spéculateurs, ceux qui échangent des quotas d’énergie sur le marché européen de l’électricité. Cette taxe, dont le rendement serait d’environ 333 millions d’euros, serait sans conséquences pour les producteurs d’énergie et pour l’investissement dans la transition énergétique.
M. Charles de Courson (LIOT). Il est douteux que le taux de 0,3 % que vous proposez suffise à décourager des pratiques spéculatives, qui peuvent être extrêmement lucratives.
Le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) a favorisé des comportements opportunistes, voire des pratiques spéculatives, de la part de certains fournisseurs alternatifs lors des phases de hausse des prix, notamment en 2017-2018 et en 2022. Mais la disparition de l’Arenh le 1er janvier 2026 devrait mettre fin à ces comportements.
Cette taxe arrive trop tard.
La commission adopte l’amendement I-CF1439.
Amendement I-CF1759 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous proposons de taxer une autre rente, liée à l’utilisation des réseaux numériques payés par les factures des Français et par le contribuable.
Seulement cinq entreprises multinationales, notamment américaines, utilisent plus de 50 % de la bande passante. Nous voulons qu’elles contribuent au financement des infrastructures. Il n’y a aucune raison que des multinationales privées les utilisent sans aucunement contribuer. Imagine-t-on les poids lourds emprunter les autoroutes ou les fournisseurs d’électricité utiliser RTE sans payer ?
De nombreuses forces politiques ont discuté de cette question depuis des années, mais l’on ne met jamais les pieds dans le plat. Il est temps que les Gafam et Netflix paient enfin leur juste part pour utiliser les réseaux numériques français. Cette contribution rapporterait 750 millions, presque exclusivement en devises étrangères.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est une idée intéressante, qui est évoquée depuis plusieurs années. Mais la contribution telle qu’elle est proposée imposerait une charge administrative tentaculaire pour assurer le suivi de la quantité d’informations transmise par chaque fournisseur de contenus sur internet.
Il faut sans doute innover dans ce domaine, comme nous l’avons fait avec la taxe sur les services numériques, dite « taxe Gafa ». La rédaction de l’amendement mérite d’être revue d’ici à la séance.
Demande de retrait.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Ce débat est légitime et, comme vient de le suggérer le rapporteur général, ces grandes entreprises devraient contribuer davantage au budget de l’État. Elles payent déjà un certain nombre d’impôts et il faut souligner que, depuis 2019, elles sont redevables de la taxe sur les services numériques. La France est d’ailleurs pionnière en la matière. Très peu d’États ont adopté une telle taxe.
Cette « taxe Gafa » est également perfectible. Il faudra peut-être se poser la question de son taux. Mais, en tout cas, la France n’est pas en retard dans la juste contribution des grandes entreprises du numérique.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai soutenu la « taxe Gafa », mais en l’occurrence je propose autre chose. Il s’agit de faire contribuer ceux qui utilisent des infrastructures financées par l’État. Le déploiement de la fibre dans la Somme est par exemple essentiellement payé par les contribuables.
Le dispositif proposé peut bien entendu être amélioré, mais l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) publie chaque année un rapport qui s’appuie sur les données fournies par les quatre principaux fournisseurs d’accès à internet (FAI), lesquels savent très bien d’où viennent les données qui empruntent la bande passante. Cet amendement repose sur le travail réalisé par l’Arcep et les FAI, qui sont capables de transmettre les informations nécessaires au ministère des finances.
Je serais curieux de savoir ce que la gauche pense de cette utilisation des biens publics.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Contrairement au rapporteur général, je ne pense pas qu’il soit impossible de collecter un tel impôt. Dans le numérique, toutes les données sont disponibles et il suffit de mettre en place un algorithme pour pouvoir facturer ensuite l’utilisation des réseaux.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). J’abonde dans le sens du rapporteur général : si l’idée d’une contribution est bonne, il sera en pratique très difficile de mesurer les volumes de données, même avec un algorithme. Ce n’est pas facile et j’en parle en connaissance de cause.
On pourrait asseoir cette contribution directement sur le chiffre d’affaires réalisé, qui est plus représentatif du bénéfice tiré de l’utilisation des réseaux.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF1200 de M. Nicolas Ray et I-CF1647 de M. Mathieu Lefèvre
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à revenir sur l’extension aux carburants d’aviation de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (Tiruert). Cette taxation avait du sens quand elle a été conçue en 2022. Il s’agissait de stimuler l’utilisation de carburants d’aviation plus durables.
Un règlement européen a depuis lors été adopté et il entrera en vigueur le 1er janvier 2025. L’extension de la Tiruert fait doublon avec ce règlement, qui va plus loin pour inciter à incorporer davantage les carburants de nouvelle génération. Les compagnies aériennes font déjà des efforts pour renouveler leur flotte avec des avions qui consomment moins. Elles vont en outre subir la nouvelle taxe sur les billets.
Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui ne serait pas très coûteux puisque le rendement de la Tiruert était relativement faible.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Le contexte a changé par rapport à 2022 en raison de l’augmentation prévue de la taxe sur les billets d’avion. Cela va faire peser un risque sur la compétitivité de nos compagnies aériennes.
Par ailleurs, en maintenant la Tiruert nous allons à rebours des grands pays développés, qui mettent en place des crédits d’impôt pour développer des carburants aériens durables.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est exact que cette taxe n’est pas l’outil le plus efficace. Prévoir un taux obligatoire d’incorporation de biocarburants l’est bien davantage. Afin d’éviter les distorsions de concurrence intraeuropéenne, l’Union européenne a commencé à le faire. Le taux d’incorporation est désormais de 2 %, relativement modeste mais qui doit augmenter. Cependant, je ne suis pas favorable à une exonération complète de la Tiruert pour les carburéacteurs.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF870 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer la niche fiscale sur les biocarburants de première génération, tels que le biogazole et le bioéthanol. Il s’agit de mettre fin au soutien de la puissance publique à ces biocarburants.
D’une part, ces derniers sont issus de produits agricoles qui pourraient être utilisés pour l’alimentation, sachant que la moitié de notre population se prive. D’autre part, ces biocarburants n’ont aucun effet sur les émissions de gaz à effet de serre, puisque leur production implique une déforestation. On perd donc d’un côté ce que l’on gagne de l’autre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement propose d’exclure les quantités d’énergie issues de matières premières alimentaires du calcul de la Tiruert. Ces quantités sont prises en compte dans le calcul des objectifs de la taxe, dans la limite de 7 % pour les essences et les gazoles.
Premièrement, il faudrait savoir ce que l’on entend par matières premières alimentaires. Incluez-vous les betteraves ? Ou les graisses alimentaires usagées ? La rédaction mérite d’être améliorée.
Deuxièmement, votre proposition est trop brutale. Elle mettrait en difficulté les filières agricoles concernées, en plus d’augmenter le coût des carburants.
Troisièmement, des plafonds par type de cultures existent déjà. Par exemple, aucune quantité d’énergie issue de la palme ou du soja ne peut être prise en compte dans le calcul de la Tiruert. Pour ce qu’il est convenu d’appeler les égouts pauvres issus des plantes sucrières, les quantités d’énergie prises en compte sont limitées à 1,1 %.
J’ajoute enfin que ceux qui ont longtemps cru que le développement des biocarburants se ferait au détriment de l’alimentation et organiserait la famine dans le monde se sont complètement trompés. Près de 25 % de la production française de betteraves à sucre est transformée en bioéthanol et ce taux se situe entre 10 et 15 % pour les céréales. Or il n’y a pas de pénurie alimentaire en Europe, laquelle exporte beaucoup.
Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement pourrait emporter l’adhésion s’il était plus précis s’agissant de l’interdiction d’importations. Un récent scandale a ainsi montré que l’on importait d’Asie de fausses huiles usagées qui sont en réalité de l’huile de palme issue de la déforestation.
Mais en interdisant de recourir à des betteraves produites nationalement, vous choisissez la politique du pire. Il est en effet préférable d’incorporer des biocarburants pour faire fonctionner les moteurs thermiques. En outre, cela revient moins cher aux classes populaires que les carburants fossiles purs.
Un consensus pourrait se dégager en séance si votre dispositif était plus ciblé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1871 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans son rapport sur les certificats d’économie d’énergie (CEE) présenté en septembre dernier devant notre commission, la Cour des comptes dresse un constat particulièrement critique de ce dispositif qui vise à répondre aux obligations de la France en matière d’efficacité énergétique.
Le dispositif des CEE consiste, par un mécanisme de marché, à obliger les fournisseurs d’énergie et les vendeurs de carburants automobiles, les « obligés », à soutenir des actions d’économies d’énergie afin d’atteindre un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises tertiaires, sous peine de sanction.
Le mécanisme des CEE semble en première analyse contraindre les fournisseurs d’énergie à financer des économies d’énergie. Mais en pratique, ceux-ci répercutent les coûts nécessaires à l’obtention des certificats dans leurs prix de vente. Il en résulte que le coût associé aux CEE, qui se serait élevé en moyenne annuelle à 6 milliards d’euros en 2022 et 2023 selon la Cour des comptes, est supporté en définitive par les ménages et les entreprises du secteur tertiaire. La Cour des comptes a estimé que le coût annuel moyen pour un ménage s’est élevé à 120 euros en 2022 et à 164 euros en 2023. Les CEE représentaient ainsi 3,3 % de la facture énergétique des ménages en 2022 et 4,3 % en 2023.
En outre, leur efficacité est incertaine : les résultats affichés sont issus de calculs théoriques, qui ne sont jamais vérifiés. Ainsi, la Cour des comptes considère que les économies d’énergie présentées par le Gouvernement sont surévaluées d’au moins 30 % pour 2022 et 2023.
Alors que l’article L. 100-1 A du code de l’énergie prévoit que le Parlement fixe à partir du 1er juillet 2023 pour une période quinquennale les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie, aucun texte n’a été adopté en ce sens. C’est donc l’administration qui les fixe, alors qu’il s’agit d’un pouvoir du Parlement.
Pour atteindre les objectifs de la France en matière d’économies d’énergie fixés à l’horizon 2030, un doublement de l’obligation actuelle serait envisagé par le Gouvernement lors de la prochaine période de 2026 à 2030. Le surcoût annuel d’une telle hausse pour un ménage est estimé par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) entre 150 et 200 euros selon le mode de chauffage.
Au regard du poids financier du dispositif pour les ménages et les entreprises, le I du présent amendement prévoit que, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi relative à la politique énergétique prévue par la loi dite « énergie-climat » du 8 novembre 2019, le Parlement détermine chaque année les niveaux minimal et maximal des obligations d’économie d’énergie au titre des CEE.
Afin d’assurer la recevabilité de cet amendement au regard de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, le II prévoit une augmentation mineure du versement libératoire prévu à l’article L. 221-4 du code de l’énergie, qui constitue bien une imposition de toute nature – on pourra se référer par analogie à la décision n° 2010-84 QPC du 13 janvier 2011.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je me souviens de l’audition et du rapport édifiants de la Cour des comptes sur les CEE.
Votre amendement est-il issu d’une recommandation de la Cour ?
A-t-il un effet sur les finances publiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. La Cour des comptes a constaté que la loi n’avait pas été respectée, puisque le Parlement n’avait jamais fixé les plafonds. Il est tout de même extraordinaire que ce soit le ministre chargé de l’énergie qui le fasse. Les CEE représentent environ 6 milliards d’euros. C’est énorme et il semblerait que l’on veuille les porter progressivement à 12 milliards, sans que le Parlement l’autorise.
Pour tout vous dire, je me suis même demandé si les CEE ne relevaient pas des impositions de toute nature. Quoi qu’il en soit, la loi dispose qu’il revient au Parlement d’en fixer les niveaux minimal et maximal, ce qui n’a jamais été fait.
M. David Amiel (EPR). Si l’amendement était adopté, quelle serait l’articulation avec les programmes de CEE en cours ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi prévoyait que le Parlement détermine le niveau des CEE de manière pluriannuelle afin de les moduler, ce qui paraît de bon sens.
L’amendement dispose pour l’avenir, pas pour le passé.
Il faut tout de même rappeler quelle est la loi aux administrations et au ministre chargé de l’énergie. Le mécanisme des CEE est prévu par le droit communautaire.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre groupe votera pour cet amendement. Le rapport de la Cour des comptes avait d’ailleurs été demandé par le groupe Rassemblement national car nous sentions qu’il y avait un loup.
Cela étant, nous estimons qu’il faudrait s’orienter vers la suppression du dispositif des CEE, qui ne fonctionne pas. L’argent pourrait être mieux employé, plus directement et sans recourir à des dispositifs qui ont de toute évidence failli, comme l’a montré le rapport de la Cour des comptes.
M. le président Éric Coquerel. L’audition de la Cour des comptes était très éclairante et je voterai également pour l’amendement. Il permet au Parlement, en matière d’économies d’énergie, de déterminer des niveaux minimal et maximal. C’est une sorte de planification et cela me convient bien.
La commission adopte l’amendement I-CF1871.
Amendement I-CF896 de M. Aurélien Le Coq
M. Charles de Courson, rapporteur général. Supprimer dès 2025 le tarif réduit d’accise pour le gazole non routier (GNR) non agricole serait une mesure extrêmement brutale pour le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), alors qu’il traverse une crise sans précédent. Environ 60 000 emplois y ont déjà été perdus depuis le début de l’année.
Une trajectoire de hausse de l’accise sur le GNR jusqu’en 2030 a été décidée l’an dernier. Il convient de la préserver pour donner de la visibilité à ses bénéficiaires.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF864 de M. David Guiraud
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). La France suffoque, au point qu’on compte chaque année environ 50 000 décès prématurés liés à la pollution de l’air par des particules fines et par les plastifiants rejetés par les moteurs diesel.
Et pourtant, nous faisons un cadeau fiscal aux transporteurs routiers qui s’est élevé à quasiment 1 milliard d’euros en 2019 du fait des allégements et dégrèvements de TICPE. C’est un non-sens politique, financier et environnemental.
C’est aussi une injustice envers les ménages, qui payent plein pot le carburant pour leur véhicule.
Enfin, c’est une injustice par rapport à d’autres secteurs – comme les travaux publics – qui, eux, ne peuvent pas être remplacés par le fret ferroviaire et dont les entreprises ont absolument besoin d’engins à moteur thermique. Cela dissuade les affréteurs d’utiliser le rail, tandis que le fret ferroviaire est abandonné en France, sur injonction de l’Union européenne.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est une affaire difficile.
L’amendement propose de relever le tarif réduit d’accise sur le gazole pour le transport routier de marchandises, lequel bénéficie d’une accise de 45,19 euros par mégawattheure, alors que le taux normal est de 59,40 euros. Ce relèvement serait progressif, avec 2 euros en 2025 et 2 euros en 2026.
Quelques remarques.
Le transport routier français est en difficulté. Il a perdu 30 % de parts de marché en trente ans, et n’en détient plus que 35 %.
Il fait également face à une hausse de ses charges, en raison de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, instaurée l’an dernier, et de la possibilité pour les régions de mettre en place une tarification de l’usage des routes par les poids lourds, comme c’est déjà le cas en Alsace et sera également le cas dans deux ans dans la région Grand Est.
La hausse que vous proposez se répercutera sur les prix à la consommation et se traduira par une perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes.
La décarbonation du secteur des transports est déjà favorisée par la taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (Tiruert), qui permet une hausse progressive de la quantité de biocarburants incorporés dans les carburants mis à la consommation.
Cette augmentation ne serait pas raisonnable en l’état actuel du marché. Demande de retrait.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je le maintiens. Le report sur le coût des marchandises, donc des produits finaux, aurait pour vertu de relocaliser la consommation et la production, au lieu d’inciter des camions à parcourir des milliers de kilomètres – si l’on tient compte de tous les composants, y compris ceux du contenant, un yaourt franchit 2 000 kilomètres pour arriver sur notre table.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le report se fera non vers le rail, mais vers les transporteurs routiers étrangers. Nous pourrions parler du problème du transport de marchandises par la SNCF, hélas non compétitif dans bien des secteurs, ce qui explique l’effondrement de la part du rail dans le fret de marchandises.
M. le président Éric Coquerel. En matière de compétitivité, je doute que la dislocation de Fret SNCF arrange la situation. J’espère qu’elle sera évitée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1225 de M. Fabrice Roussel
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il vise à supprimer le tarif réduit sur l’électricité pour les aérodromes, qui comprennent les aéroports.
Alors que la politique française en matière de mobilité vise à favoriser le train par rapport à l’avion, le maintien de telles exonérations constitue une subvention supplémentaire au secteur de l’aviation et empêche une concurrence équitable entre moyens de transport. De plus, les aéroports sont très souvent gérés par des entités privées.
Certes, cette mesure n’est pas le Grand Soir : elle ne rapporterait que 4 millions d’euros. Mais cette somme pourrait être affectée aux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires (FCNA).
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement peut séduire, mais le tarif réduit introduit en loi de finances pour 2022 avait pour but d’inciter les compagnies aériennes à s’approvisionner en électricité au sol plutôt qu’en vol. En effet, en vol, l’électricité est produite à partir des moteurs, qui fonctionnent au kérosène. Votre amendement est donc antienvironnemental. C’est une fausse bonne idée.
Mme Eva Sas (EcoS). On entend souvent cet argument de l’électrification des usages dans les aéroports. Mais pourquoi faire bénéficier ces derniers d’un tarif spécial alors que l’électrification est censée être promue dans tous les secteurs ? Dans ce cas, il faudrait les exonérer tous.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez raison. Nous avons le même problème avec les navires de croisière : ils empestaient les ports d’escale parce qu’ils avaient davantage intérêt à produire l’électricité avec leur fioul lourd ; maintenant que c’est interdit, ils s’approvisionnent en électricité dans les ports où ils se trouvent. Cela leur coûte un peu plus cher, mais l’électricité est beaucoup plus verte.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF874 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1850 de M. Mickaël Bouloux, amendement I-CF579 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). En cette Journée mondiale du refus de la misère où nous laissons filer les milliards, récupérons-en quelques-uns en supprimant la niche fiscale sur le kérosène aérien, injuste socialement et profondément antiécologique.
La SNCF s’acquitte de taxes sur l’électricité, mais les compagnies aériennes profitent d’une véritable aubaine fiscale. Le kérosène est le seul carburant à ne pas être taxé.
En juillet 2023, l’ONG Transport & Environment a calculé le manque à gagner des États du fait des différentes exonérations dont bénéficie l’industrie de l’aviation, sur le kérosène mais aussi sur la TVA ou la taxe sur les billets. L’État français s’est ainsi privé de 4,7 milliards d’euros en 2022, dont 1,94 milliard du seul fait de la taxe sur le kérosène.
L’avion est pourtant le moyen de transport le plus polluant. Son impact sur le climat a doublé en vingt ans et pourrait tripler d’ici à 2050. Il représente 7 % des émissions totales du pays et 16 % des émissions du secteur du transport.
M. Mickaël Bouloux (SOC). La non-taxation du kérosène n’encourage pas les solutions alternatives. Monsieur le rapporteur général, si les avions s’approvisionnent en électricité en vol à partir du kérosène, c’est parce que celui-ci est détaxé. Dans ces conditions, on ne voit pas comment il serait possible d’encourager le développement des biocarburants de troisième génération, qui ont l’avantage de ne pas être en concurrence avec l’alimentation, mais qui ne sont pas encore rentables. Le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) et l’Ifpen (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles) sont à la pointe de la recherche dans ce domaine.
L’amendement I-CF579 est de repli : supprimons au moins la détaxation pour les jets privés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements, déposés tous les ans depuis quinze ou vingt ans, sont contraires, s’agissant des vols internationaux, à la convention de Chicago de 1944, qu’il ne serait pas simple de renégocier. Le droit national, lui, ne fait pas obstacle à l’adoption de la mesure à l’intérieur du pays, mais n’oubliez pas la Corse ni les territoires d’outre-mer – nos collègues qui y sont élus ne vous féliciteront pas de faire exploser le prix des billets d’avion. Il serait également possible d’agir dans le cadre d’un accord communautaire, mais nous n’en sommes pas là.
En attendant, je ne peux que donner un avis défavorable.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Vous nous opposez toujours ce qui risque de se passer si nous votons tel ou tel amendement. Votons, commençons quelque chose ; il sera plus facile de négocier sur une base concrète.
Mme Eva Sas (EcoS). J’ai retiré l’amendement identique que j’avais déposé parce que l’exonération de l’ensemble des vols internationaux est rendue en effet impossible par la convention de Chicago. En revanche, elle est tout à fait possible sur les vols intérieurs. J’invite donc la commission à voter l’amendement I-CF579. Cette niche insupportable offre un véritable petit paradis fiscal au secteur aérien, qui bénéficie déjà de la TVA à taux réduit sur les vols intérieurs et de l’exonération de TVA sur les vols internationaux.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF18 de Mme Nicole Le Peih
Mme Nicole Le Peih (EPR). Il s’agit d’étendre aux fabricants de chips installés en France le tarif réduit de l’accise sur les gaz naturels.
C’est une question de justice fiscale : ils sont les seuls producteurs de légumes déshydratés à ne pas en bénéficier. Leurs concurrents en Europe, comme le groupe américain PepsiCo, propriétaire de la marque Lays et implanté en Belgique, ont déjà droit à un taux équivalent au tarif réduit français, ce qui crée une distorsion de concurrence. Dans le secteur de l’agroalimentaire, où les marges sont traditionnellement serrées, cet écart devient crucial pour la compétitivité de nos entreprises. Le haut-commissaire au plan avait d’ailleurs déjà souligné cette incohérence.
Derrière chaque paquet de chips fabriqué en France, il y a des centaines de producteurs de pommes de terre des Hauts-de-France, de Bretagne, de Normandie, d’Île-de-France et de bien d’autres régions, des emplois, de l’innovation et un savoir-faire unique. D’un coût maximal de 4 millions d’euros, cette mesure serait bénéfique pour notre agriculture, car elle permet de soutenir nos producteurs, et pour notre économie, en renforçant la compétitivité de nos industries locales.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis 2019, la déshydratation de légumes et plantes aromatiques bénéficie d’une accise réduite sur le gaz, égale à 1,60 euro par mégawattheure, pour autant que l’intensité énergétique appréciée sur ces seules consommations dépasse un certain seuil. Vous proposez d’étendre ce dispositif aux pommes de terre pour favoriser les fabricants de chips français.
Il est effectivement bizarre qu’ils n’aient pas été intégrés dans le dispositif. Selon la fédération des producteurs de pommes de terre, l’industrie des chips en France a longtemps été faible, ce qui expliquerait qu’elle n’ait pas demandé auparavant à bénéficier de la mesure. Ce n’est plus le cas : la production et les usines de transformation se développent beaucoup dans notre pays, surtout dans le Nord-Pas-de-Calais ou le Grand Est, et de nouvelles usines se sont implantées récemment.
Pour la réindustrialisation de la France, cet amendement va dans le bon sens. Avis favorable.
Mme Nicole Le Peih (EPR). Il s’agit bien d’un investissement !
La commission adopte l’amendement I-CF18.
Amendement I-CF1224 de M. Fabrice Barusseau
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à supprimer le tarif réduit de l’accise sur l’électricité consommée par les centres de stockage physique, de traitement, de transport et de diffusion de données numériques.
Compte tenu de la croissance de la pollution associée aux data centers, il n’est plus possible d’accorder à ce secteur une réduction d’impôt relative à l’énergie qu’il consomme.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
La mesure n’aurait pas d’incidence avant 2026 : le PLF reconduit le bouclier fiscal sur l’électricité pour les électro-intensifs, au tarif de 0,50 euro par mégawattheure.
En outre, le bénéfice de ce tarif réduit est subordonné depuis 2022 à une démarche environnementale de l’exploitant – système certifié de management de l’énergie, adhésion à un programme reconnu de mutualisation des bonnes pratiques de gestion énergétique, valorisation de la chaleur fatale dans un réseau de chaleur ou de froid.
Enfin, le tarif réduit permet à la France d’être compétitive dans le secteur des data centers.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je comprends l’idée de l’amendement, mais il est contre-productif : les data centers n’auront qu’à aller de l’autre côté de la frontière ; ici, au moins, ils consomment de l’énergie nucléaire de base, non de l’énergie carbonée comme ce serait le cas ailleurs en Europe. Vous auriez mieux fait de voter la taxe que je proposais pour leur faire payer l’utilisation du réseau.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1412 de Mme Christine Arrighi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il vise à supprimer la fiscalité réduite pour les biocarburants de première génération, une niche fiscale antiécologique. Ces biocarburants produits à partir de cultures habituellement destinées à l’alimentation sont une aberration. Selon l’Inspection générale des finances, dans sa revue de dépenses sur les aides aux entreprises, et la Cour des comptes, dans ses observations définitives sur la place de la fiscalité de l’énergie dans la politique énergétique et climatique française, cette fiscalité, au-delà du non-respect de la neutralité technologique, pose un problème de conformité au droit européen, car elle ne s’appuie pas sur des critères environnementaux.
Cet amendement représente un gain annuel de l’ordre de 700 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement aurait deux conséquences fâcheuses. Il augmenterait le coût des carburants, ce qui toucherait au premier chef le pouvoir d’achat des plus modestes et des habitants des zones rurales ; il remettrait brutalement en cause le modèle économique d’une filière entière, qui comprend de nombreux emplois dans le monde rural.
Par ailleurs, les biocarburants visés ont des atouts. Le gazole B100, principalement utilisé par des poids lourds, contribue ainsi à la décarbonation du transport de marchandises, qu’il faut encourager. Le gazole ED95, qui concerne lui aussi essentiellement les poids lourds, émet 50 % de gaz à effet de serre et 70 % de particules fines de moins que les carburants classiques.
Enfin, je répète que la réduction des émissions du transport routier est également favorisée par la Tiruert, qui permet d’augmenter chaque année la part des biocarburants incorporés aux essences et gazoles mis à la consommation.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF127 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit d’instaurer une exonération d’accise sur le gaz naturel pour les gaz renouvelables et bas carbone, dans un objectif de taxation différenciée des énergies renouvelables et des énergies fossiles.
Alors qu’une augmentation de l’accise sur le gaz naturel a été annoncée, une hausse identique de l’accise sur le biométhane injecté serait un très mauvais signal envoyé aux producteurs et aux consommateurs de cette énergie renouvelable et irait à l’encontre de tous les principes de fiscalité écologique.
À défaut d’une différenciation nette en matière fiscale des offres de gaz fossile et de gaz vert, on peut craindre que le développement de ces dernières suscite peu d’intérêt et qu’elles manquent de visibilité auprès des consommateurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La part du biogaz dans la consommation de gaz combustible n’est que de 1,6 %.
Vous le savez, la forfaitisation de l’exonération à la hauteur de la quantité de gaz renouvelable injectée dans les réseaux a été préférée au système des garanties d’origine en raison des problèmes de fraude liés à ce dernier – on ne sait pas distinguer le gaz vert du gaz non vert du point de vue de son origine. Le biogaz injecté dans le réseau n’est pas traçable en l’absence de garanties d’origine.
Votre idée est intéressante, mais inapplicable en l’état actuel de nos connaissances.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF868 de M. Aurélien Le Coq
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Il vise à mettre fin aux exonérations d’accise sur les carburants dont bénéficient les navires de croisière.
Tous les citoyens paient la taxe intérieure sur les carburants lorsqu’ils utilisent leur voiture pour des déplacements essentiels du quotidien. Les compagnies de croisière, elles, sont exonérées, alors que le croisiérisme est incompatible avec l’indispensable bifurcation écologique, que les navires polluent les océans, parasitent la vie des habitants et provoquent des maladies respiratoires, des cancers, des allergies – à Marseille, six mois de croisière représentent un coût pour la santé publique de 30 millions d’euros. L’exonération est injuste et inacceptable.
Les recettes permises par cet amendement s’élèveraient à 22 millions par an.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
Cette exonération d’accise est imposée par la directive de 2003 sur la taxation de l’énergie.
De plus, nous avons adopté en loi de finances pour 2022 un dispositif de déduction exceptionnelle incitant à l’acquisition d’équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises et de passagers d’utiliser des énergies propres.
Enfin, des investissements sont en cours dans le cadre du plan France mer 2030 pour aboutir à des modèles de navires zéro émission ; 300 millions d’euros sont fléchés vers la décarbonation du transport maritime.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF863 de M. David Guiraud
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisqu’il est question d’électricité, parlons des énergéticiens. Plutôt que d’aller chercher 3 milliards dans la poche des Français en augmentant les taxes et en les faisant payer toujours plus cher, si nous remettions au goût du jour la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim) ? Tentée il y a deux ans, puis abandonnée, elle devait rapporter 12 milliards – ce furent finalement 200 petits millions, mais sans doute parce qu’elle était mal calibrée ; ce n’est pas une raison pour renoncer à la renforcer.
Nous proposons donc de la reconduire en abaissant à 50 euros le mégawattheure le plafond des revenus de la production d’électricité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous rejoins sur un point : cet impôt a été mal calibré ; parce qu’on l’a fait reposer sur l’évolution des prix de l’électricité, son rendement est devenu totalement imprévisible. Notons tout de même que, pour l’année 2023, il s’est en réalité élevé à 1,6 milliard, car 1 milliard supplémentaire a été versé en 2024 au titre de 2023.
La contribution que vous proposez posera les mêmes problèmes. De plus, les prix ont baissé et avoisinent désormais 50 euros le mégawattheure ; votre amendement ne rapportera donc rien.
C’est la même chose pour tous les amendements qui proposent de capter des superprofits : il est trop tard ; les profits ont été réalisés et la situation est redevenue normale, si bien qu’il n’y a plus d’assiette à taxer.
La commission adopte l’amendement I-CF863.
Amendement I-CF1201 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Il tend à créer un crédit d’impôt pour l’achat de biocarburants durables d’aviation (SAF).
Leur introduction fait partie, avec le renouvellement de la flotte d’aéronefs, de la feuille de route pour la décarbonation de l’aviation. Certains pays ont des politiques incitatives pour en réduire le prix. Il s’agit de soutenir le secteur aérien pour qu’il puisse se décarboner.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement me paraît redondant par rapport à la Tiruert, applicable au kérosène depuis le 1er janvier 2022 et dont les tarifs ont été relevés par la loi de finances initiale pour 2023.
En outre, des crédits publics sont investis pour la construction de l’avion décarboné.
Enfin, la loi « climat et résilience » impose aux compagnies aériennes de compenser l’intégralité de leurs émissions de gaz à effet de serre depuis 2024, ce qui leur coûte d’ailleurs extrêmement cher.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement. TotalEnergies vient d’annoncer un programme de rachat d’actions portant sur 5 % de son capital, soit 8 milliards : ils ont trop d’argent et ne jugent pas utile de l’investir. Mais c’est à eux d’investir dans des carburants propres ! Il faut responsabiliser les acteurs du privé. Ils sont en position quasi oligopolistique sur ce genre de marchés ; à eux de faire de la recherche. Il n’appartient pas à des crédits d’impôt de financer ce que le secteur pétrolier peut payer lui-même.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement I-CF1769 de M. Thomas Cazenave est retiré.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 14 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Jean‑René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Jean-François Coulomme, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Benjamin Dirx, M. Inaki Echaniz, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. José Gonzalez, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Jérôme Legavre, Mme Murielle Lepvraud, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - Mme Marina Ferrari, M. Moerani Frébault, Mme Yaël Ménaché, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - Mme Gabrielle Cathala, M. Peio Dufau, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Gérard Leseul, Mme Béatrice Piron