Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Audition de M. Michel Neugnot, premier vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, représentant de Régions de France, dans le cadre des travaux menés pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958)              2

  Information relative à la commission................14

  Présence en réunion...........................15


Mardi
18 mars 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 091

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La Commission procède à l’audition de M. Michel Neugnot, premier vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, représentant de Régions de France, dans le cadre des travaux menés pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 (article 5 ter de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958)

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Neugnot, vous remplacez Carole Delga, qui ne pouvait se rendre disponible dans les délais qui nous sont impartis. Les deux rapporteurs de l’enquête, MM. Eric Ciotti et Mathieu Lefèvre, ont élaboré un questionnaire écrit qui a été communiqué à la personne auditionnée. Cette audition obéit au régime de celles d’une commission d’enquête, tel que prévu par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Cet article impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

 (M. Michel Neugnot prête serment.)

M. Michel Neugnot, premier vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, représentant de Régions de France. L’existence même des régions est souvent remise en cause. Créées bien plus tard que les autres, ces collectivités se sont vues confier, depuis 1986, de plus en plus de compétences, avec un rôle important en matière d’organisation de l’ensemble du territoire.

Votre première question visait à savoir si nous avions été consultés en amont de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et participé à l’élaboration du projet. Au même titre que les autres associations d’élus, l’association Régions de France n’a pas été consultée, mais seulement informée, donc placée devant le fait accompli. Il en a été de même lors de la préparation des programmes de stabilité transmis chaque année, au printemps, à Bruxelles et actualisant régulièrement la trajectoire des finances publiques, dont celle des administrations publiques locales (Apul).

Vous avez également souhaité connaître notre bilan des deux années d’application – 2018 et 2019 – des contrats de Cahors. Ce système permet-il de maîtriser la dépense locale ? D’autres systèmes de régulation des finances locales sont-ils privilégiés ? Pour mémoire, en 2019, les dépenses de fonctionnement des régions – pour les régions fusionnées comme pour les autres régions, hors transports transférés et gestion des fonds européens – étaient au même niveau qu’en 2015. L’épargne brute des régions a également enregistré une évolution moyenne de 5,7 % entre 2015 et 2019 ; la capacité de désendettement a connu une baisse continue depuis 2016, passant de 5,5 ans à 4,3 ans en 2019, soit une diminution de près de 22 %.

En dehors des périodes de crise, les régions, qui sont des collectivités responsables, n’ont pas attendu que l’État leur donne instruction de réduire leur endettement. Elles ont su démontrer leur capacité à piloter en responsabilité leurs finances et à prendre les dispositions nécessaires au rétablissement des grands équilibres. Par ailleurs, divers mécanismes, comme la règle d’or relative à l’équilibre budgétaire, permettent déjà de limiter l’endettement et d’assurer une bonne capacité de désendettement des collectivités.

Régions de France, attachée au principe de la libre administration des collectivités territoriales, était clairement opposée à la démarche de contractualisation imposée. Elle considérait toutefois cette dernière comme un moindre mal au regard de la réduction aveugle des dotations opérées entre 2014 et 2017. En 2018 et 2019, toutes les régions – qu’elles aient signé ou non un contrat – ont respecté l’objectif qui leur avait été assigné au sein de ces contrats. Régions de France estimait que, pour que cette contractualisation fasse sens, il fallait qu’elle se traduise par des engagements respectifs des deux parties et par leur respect, et non par des obligations pesant sur les seules collectivités territoriales.

En outre, si certains retraitements concernant les régions étaient opérés – concernant notamment les fonds européens –, toutes les décisions de l’État ne l’étaient pas, alors qu’elles orientaient mécaniquement à la hausse les dépenses des collectivités, sans possibilité pour ces dernières de les moduler.

Enfin, l’objectif de réduction annuelle du besoin de financement des collectivités associées à la contractualisation supposait une baisse du niveau des emprunts, donc du niveau des investissements. Compte tenu des compétences des régions, comprenant le développement économique et les transports, dans un contexte de relance et de transition écologique, il n’était ni souhaitable, ni réaliste que les régions réduisent le niveau de leurs investissements.

Votre troisième question était la suivante : en l’absence d’un mécanisme contraignant de contractualisation, le maintien, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, d’un objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement de moins 0,5 % par an en volume vous paraît-il réaliste ? Régions de France avait fait part de son opposition aux orientations fixées par la LPFP, adoptée par recours à l’article 49, alinéa 3 : l’évolution annuelle en volume des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités de moins 0,5 point ; l’objectif de dégager un excédent de 0,2 point de PIB en 2026 et 0,4 point en 2027.

Il convient avant tout de s’interroger sur la faisabilité d’un tel objectif et de ses conséquences sur les politiques publiques mises en œuvre par les collectivités territoriales, notamment les régions. En effet, la LPFP 2023-2027 ne prévoyait aucun retraitement – à l’exception des dépenses sociales des départements – dans le calcul de l’objectif de baisse annuelle des dépenses de fonctionnement.

Les dépenses de fonctionnement des régions sont toutefois orientées mécaniquement à la hausse, principalement sous l’effet de facteurs exogènes : des décisions imposées par l’État en matière de revalorisation salariale, représentant plus de 120 millions d’euros en année pleine, sans compter les 150 millions d’euros liés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ; la trajectoire financière liée aux péages ferroviaires, qui progresse plus rapidement que l’inflation – à hauteur de 8 % par an, soit 1,7 milliard d’euros en 2023, 1,9 milliard en 2024 et 2,07 milliards en 2025 ; la montée en charge progressive du protocole Ségur de la santé – 191 millions d’euros en 2023 et 232 millions en 2024 ; l’augmentation des charges financières liées à la forte hausse des taux – plus 53 % entre 2022 et 2023, soit une hausse de 300 millions d’euros pour l’ensemble des régions ; la revalorisation annuelle, depuis 2022, pour suivre l’inflation, de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ; les transferts du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Les collectivités territoriales sont confrontées à des injonctions contradictoires de la part de l’État s’agissant de l’objectif de réduction du besoin de financement : il les appelle en même temps à investir fortement en faveur de la transition écologique. Je précise que l’objectif fixé en termes de solde n’est pas décomposé au sein du champ des Apul, qui comprend les collectivités territoriales et les organismes divers d’administration locale (Odal) – Île-de-France Mobilités (IDFM), la société du Grand Paris, qui s’est transformée en société des grands projets (SGP), la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) –, qui représentent un besoin de financement et d’investissement en forte progression au cours des dernières et des prochaines années.

Comme la Cour des comptes l’a relevé dans le fascicule 2 de son rapport annuel sur les finances publiques locales 2024, l’objectif de réduction du besoin de financement se traduit, à terme, par une baisse des investissements portés par les collectivités territoriales. Le gouvernement n’avait pas communiqué cette trajectoire aux représentants des associations d’élus.

Ainsi, les objectifs fixés prévoient une diminution des dépenses d’investissement des Apul hors SGP de 5 milliards d’euros entre 2025 et 2027, soit une baisse en volume de respectivement moins 7 % et moins 4 %, s’inscrivant non seulement en contradiction avec l’objectif de soutien à la croissance, mais également avec la stratégie nationale bas-carbone.

En effet, selon une étude réalisée en septembre 2024 par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et La Banque Postale, pour tenir la trajectoire prévisionnelle de la planification écologique, « les besoins d’investissement des collectivités en faveur du climat dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie sont estimés à 11 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an et en moyenne d’ici à 2030 par rapport à 2022 », comprenant « le développement des infrastructures de report modal – plus 4 milliards d’euros par an ». Dans ce cadre, les besoins d’investissement des régions s’élèvent à près de 2 milliards d’euros supplémentaires par an en moyenne sur la période 2024-2030, « soit un quasi-doublement par rapport à leur niveau de 2022 – plus 80 % ».

La quatrième question concernait les leviers dont disposent les régions pour maîtriser leurs dépenses, en l’absence de mécanismes contraignants : les régions se sentent-elles engagées par cet objectif de la LPFP ? En tant qu’acteurs responsables de la dépense publique, conscientes qu’elles partagent une trajectoire financière commune avec l’État, les régions ont toujours su maintenir leurs équilibres budgétaires : aucune dérive financière concernant leur gestion n’a été constatée au cours des dernières années. Cependant, en raison de fortes contraintes exogènes pesant sur leurs dépenses de fonctionnement, toute contrainte sur leurs recettes se traduira par une baisse, soit des dépenses publiques, soit de l’investissement, voire les deux.

Vous m’avez aussi interrogé sur le dynamisme de la dépense des régions en fin d’année 2023. Les dépenses de fonctionnement des régions ont augmenté de 4,7 % en 2023, en retraitant l’effet comptable de la reprise en propriété des recettes perçues par la SNCF opérée par une région en 2023, soit une baisse en volume de 0,2 % – le taux d’inflation étant de 4,9 %. Ces chiffres tiennent compte du rescrit fiscal permettant de récupérer la propriété des recettes liées au TER : il a été obtenu par la région Occitanie en 2023, par les régions Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur et Grand-Est en 2024, tandis que les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté devraient en bénéficier en 2025.

Une part significative de la hausse des dépenses de fonctionnement des régions en 2023 découle des conséquences de l’envolée des prix de l’énergie – leur hausse était supérieure au taux d’inflation global – et des mesures salariales décidées par l’État. Les régions étant la seule strate de collectivité à n’avoir bénéficié d’aucune compensation, il ne saurait nous être fait grief d’une mauvaise gestion.

Dans le fascicule 1 de son rapport sur les finances publiques locales 2024, la Cour des comptes a également précisé qu’« à l’instar de 2022, la hausse des achats a principalement concerné les contrats de prestation de service de transport – plus 0,6 milliard d’euros, soit plus 27,7 % en 2023 et plus 0,9 milliard d’euros, soit plus 48,5 % depuis 2019 ».

Deuxième point soulevé par la Cour des comptes : les dépenses d’eau, d’énergie et de chauffage, directement prises en charge par les budgets des régions, ont fortement augmenté, de 0,1 milliard d’euros, soit une hausse de 69 %, sous l’effet de la hausse de ces dépenses pour les lycées, dont de surcroît les dotations de fonctionnement ont crû en 2023 pour la seconde année consécutive. Par ailleurs, les mesures salariales décidées par l’État ont eu sur la masse salariale des régions un impact de 120 millions d’euros en 2023.

Dans le même temps, les recettes des régions ont augmenté de 2,4 % en 2023, soit une baisse en volume de 2,5 % compte tenu de l’inflation. La faible progression des recettes régionales en 2023, inférieure à l’inflation, découle de la dynamique de la TVA, qui représente désormais 55 % des recettes de fonctionnement des régions, et d’une orientation structurelle à la baisse des recettes liées à l’économie carbonée que sont la part régionale de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et la carte grise. Dans ce domaine, l’arrivée des véhicules électriques est un élément perturbateur. Nous ne pourrons pas compter indéfiniment sur des recettes assises sur une économie carbonée qu’il s’agit de décarboner.

L’épargne brute des régions est mécaniquement en recul de 400 millions d’euros, soit 5,8 %. La hausse des investissements régionaux, principalement dans le secteur des mobilités, les a portés en 2023 au niveau historique de 14,2 milliards d’euros, soit une hausse de 6,3 % avec une incidence en volume de 1,4 %. Financée par l’emprunt, elle a dégradé le ratio de désendettement des régions, qui est désormais de 6,1 ans, contre moins de 6 ans avant la crise sanitaire. L’exercice de la compétence transports exige du temps. Le transport ferroviaire, en particulier, suppose des investissements à honorer sur plusieurs années, ce qui contraint la trajectoire budgétaire. Les régions n’ont eu d’autre choix que de recourir massivement à l’emprunt.

Si les régions ont constitué la seule catégorie de collectivités à ne pas retrouver en 2021 et en 2022 les niveaux d’épargne brute et la capacité de désendettement constatés en 2019 avant la crise sanitaire, il faut rappeler qu’elles sont aussi la seule catégorie de collectivités à ne pas bénéficier de mesures de soutien du gouvernement lors de la crise inflationniste. Elles ont même contribué à financer des aides à des acteurs économiques très affectés par la hausse des tarifs de l’énergie, dans le cadre de l’exercice de leurs compétences.

La crise sanitaire a-t-elle eu un effet sur le calendrier (décalage dans le cycle électoral de la dépense locale) et les montants (trésorerie de sortie de crise) des dépenses d’investissement engagées ?

À la demande de l’État et afin d’accompagner les plans de relance, les dépenses d’investissement des régions ont connu une hausse historique en 2020 de 14 %, soit 1,7 milliard, présentant une forte concentration sur les entreprises. C’était le « quoi qu’il en coûte ». Les dépenses de soutien aux entreprises ont notamment augmenté de 67 %, soit 1,1 milliard d’euros. Les régions ont accompagné les efforts de l’État et de l’Europe pour y faire face.

La Cour des comptes, dans le fascicule 1 du rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et leurs établissements publics en 2020, constate : « Dans l’ensemble, la section de fonctionnement des régions apparaît ainsi la plus affectée par la crise sanitaire alors que cette catégorie de collectivités n’a pas fait l’objet de mesures de soutien spécifique en 2020, contrairement aux communes, aux groupements et aux départements. » Faute de soutien financier de l’État, qui par ailleurs appelait les régions à investir dans le cadre de la relance, la hausse des investissements régionaux a été financée par un recours à l’emprunt dégradant significativement leur capacité de désendettement.

Quelle part de cette hausse des dépenses attribuez-vous à des contraintes extérieures (hausse du smic, hausse du point d’indice de la fonction publique, revalorisation de prestations sociales) ? Quelle part est due à des choix discrétionnaires des collectivités (masse salariale) ?

Les mesures de revalorisation salariale des agents régionaux par augmentation du point d’indice ont coûté 98,6 millions d’euros en 2024, première année pleine d’application, après avoir eu un impact de 30 millions d’euros en 2023. Dans le détail, la revalorisation du point d’indice a coûté 50 millions d’euros, l’ajout de points pour les catégories C et B 11 millions d’euros et l’ajout de points pour toutes les catégories d’agents 36 millions d’euros. La prime de pouvoir d’achat ciblée sur les moyens et bas salaires a coûté 41 millions d’euros en 2023 – il s’agit d’une estimation réalisée sur une prime moyenne, cette prime n’étant pas obligatoire et soumise à une délibération pour les collectivités.

Quant aux mesures d’accompagnement – réduction de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa), revalorisation des frais de mission, augmentation de la prise en charge des transports collectifs de 50 % à 75 %, revalorisation de 10 % des indemnités forfaitaire des jours du compte épargne-temps (CET) –, leur coût est estimé à 5,3 millions d’euros en 2024. Ces mesures s’ajoutent à celles prises en 2022, notamment la revalorisation de 3,5 % du point d’indice, dont le cumul représente pour les régions une augmentation de 300 millions d’euros de 2022 à 2024 – près de 60 millions d’euros en 2022, 120 millions d’euros en 2023 et 120 millions d’euros en 2024.

Par ailleurs, le gouvernement a publié en février dernier un décret visant à augmenter de douze points, à compter de 2025 et en quatre ans, le taux de cotisation des employeurs territoriaux au titre de la résorption du déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Cette augmentation, couplée à la fin des compensations de la hausse du point décidée en 2024, induit un coût budgétaire de 150 millions d’euros en 2025 induisant une hausse totale de plus de 330 millions d’euros de 2019 à 2028.

Régions de France tient également à rappeler que les dépenses de personnel des régions représentent 6 % des dépenses de personnel des collectivités en 2023 pour 20 % des investissements publics – j’ai détaillé les raisons du passage de cette proportion de 13 % à 20 %. Nous estimons que les régions ont une maîtrise rigoureuse de leurs dépenses de personnel, comme l’atteste leur diminution au sein de leurs dépenses globales de 0,02 % de 2022 à 2023 et plus généralement depuis 2016, alors même que les compétences des transports scolaires et interurbains et du développement économique leur ont été transférées. Ces charges nouvelles n’ont pas affecté les éléments de maîtrise budgétaire.

Comment expliquez-vous l’accélération du dynamisme des dépenses d’investissement 2024 ?

En 2024, sans préjudice des données définitives, qui seront présentés dans les comptes administratifs (CA) et dans les comptes financiers uniques (CFU), les dépenses d’investissement des régions progresseraient de près de 7,5 %. Cette hausse s’inscrit dans la tendance observée depuis 2019.

Dans le cadre des plans de relance et de la décarbonation de notre économie, notamment des modes de déplacement, les régions ont été la catégorie de collectivités dont les dépenses d’investissement ont le plus progressé de 2019 à 2023, à hauteur de 26 %, soit une hausse de 2,9 milliards d’euros. Si les régions représentaient 14 % de la dépense publique locale en 2023, elles portent désormais 20 % de l’investissement public local contre 17 % en 2019, soit 15 % de l’investissement public total contre 13 % en 2019.

Les transports sont le premier poste d’investissement des régions, à hauteur de 3,6 milliards d’euros. Leurs dépenses d’investissements consacrées au transport public de voyageurs ont doublé depuis 2017 et augmenté d’un tiers depuis 2019. Par ailleurs, les dépenses d’investissement dans l’enseignement du second degré dépassent d’un cinquième celles de 2020, finançant principalement la rénovation énergétique des lycées.

En raison de la chute de leur épargne brute, liée à une atonie de leurs recettes qui ont progressé seulement de 4,5 % de 2019 à 2023, avec une inflation cumulée de 12,7 % et sans soutien financier de la part de l’État contrairement aux autres catégories de collectivités, les régions ont dû recourir à l’emprunt pour accompagner les plans de relance, à la demande de l’État, ce qui a dégradé leur capacité de désendettement. Cette tendance haussière des investissements régionaux concourt à la transition écologique, dans le cadre des grands programmes européens et nationaux auxquels nous souscrivons pleinement. Les budgets primitifs 2025 adoptés par les régions prévoient une baisse de leurs dépenses d’investissement d’environ 6 %.

Par rapport aux remontées comptables de la fin de l’été 2024, comment expliquez-vous le ralentissement rapide des dépenses de fonctionnement des collectivités à la fin de l’année 2024 ?

La direction générale des finances publiques (DGFIP), en introduction de chacune de ses notes mensuelles consacrées à la situation comptable des collectivités territoriales, indique : « Cette évolution infra-annuelle doit être appréhendée avec précaution car elle est impactée, d’une part, par le rythme d’encaissement par les collectivités de leurs recettes – y compris les versements de l’État, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF) – et, d’autre part, par le rythme d’inscription en comptabilité de ces versements. Ces pratiques des collectivités peuvent varier d’une année sur l’autre, de même que la date de certains versements importants. »

Il convient d’être extrêmement prudent s’agissant de l’utilisation des données comptables en cours d’année, voire de s’abstenir de les extrapoler, comme l’ont fait les ministres de Bercy en septembre 2024, estimant à partir de données provisoires que les collectivités « pourraient à elles seules dégrader les comptes de 2024 de 16 milliards d’euros » sans rappeler les précautions d’usage en la matière ni préciser sur quelle base ils affirmaient cela, s’agissant de données en cours d’année et non consolidées.

Je pense que nous souffrons énormément, dans notre République, de ne jamais dire clairement sur quoi on se fonde. Mène-t-on des raisonnements construits sur du sable ou sur des fondations sûres et avérées ? De nombreux récits commettent cette erreur, qui, à mes yeux, fait grandement obstacle à la tenue d’un débat républicain sain et serein sur les problèmes que nous avons à affronter.

Les résultats en fin de gestion, qui indiquent plutôt un besoin de financement des Apul de 10 milliards d’euros en 2024, démontrent bien que les estimations communiquées étaient prématurées et un peu audacieuses. Il est également à préciser que la communication des ministres portait sur les Apul – qui comprennent les collectivités territoriales et les organismes divers d’administration locale (Odal) –, lesquels ne dépendent pas de nous. Il serait intéressant d’en dresser des budgets distincts.

À l’avenir – telle est la perspective d’une commission d’enquête –, il serait souhaitable de rétablir la sérénité en la matière, et de ne pas utiliser des chiffres faux et non avérés pour justifier telle ou telle politique.

Quoi qu’il en soit, il ne peut être apporté de réponse précise à la question du ralentissement constaté des dépenses de fonctionnement des collectivités à la fin 2024 par rapport aux données comptables de l’État.

La réunion du Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL) d’avril 2024 a-t-elle permis de dégager des pistes de régulation de la dépense locale ? Le gouvernement vous a-t-il présenté des mécanismes de maîtrise de la dépense locale ? Le cas échéant, pourquoi ceux-ci n’ont pas été mis en place ?

Lors de la réunion du HCFPL d’avril 2024, le gouvernement a rappelé l’objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 d’une évolution annuelle en volume des dépenses de fonctionnement des collectivités « à un rythme […] inférieur de 0,5 point au taux d’inflation ». Il n’a ni proposé ni présenté aux représentants des associations d’élus des mécanismes de maîtrise de la dépense locale..

Lors de cette réunion, après une présentation par les ministres de Bercy des revues de dépenses en cours et à venir, les représentants des associations d’élus ont rappelé leur souhait d’une revue de recettes des collectivités. Parler des unes sans parler des autres, c’est marcher sur une jambe et boiter lourdement.

Nous demandons un bilan de l’évolution des recettes ces dernières années et de leur adéquation aux compétences exercées et aux charges transférées, d’autant que les périmètres varient chaque année. Régions de France a demandé la mise en œuvre d’un groupe de travail spécifique portant sur le financement du transport ferroviaire, dont j’ai démontré l’importance et l’impact. À ce jour, aucune suite n’a été donnée à ces demandes.

M. le président Éric Coquerel. En septembre dernier, les ministres de Bercy nous ont présenté ce qu’ils appelaient un dérapage des dépenses locales de 16 milliards d’euros. En fin de compte, ce dérapage n’a pas été constaté. Par ailleurs, nos auditions ont montré que l’hypothèse d’une diminution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales de 0,5 % en volume, sur laquelle se fondait le gouvernement, n’était pas réaliste en raison des nouvelles dépenses locales qu’il avait décidées.

Je vous sais gré d’avoir rappelé que cette hypothèse était notamment incompatible avec des enjeux ignorés, au premier rang desquels la nécessité d’investir pour la bifurcation écologique. L’étude réalisée par l’I4CE et La Banque Postale que vous avez citée est passionnante. Si tout cela était prévisible, peut-on en conclure que la prévision de baisse des dépenses locales était un moyen de présenter une trajectoire des finances publiques optimiste par rapport à ce qui pouvait se produire ?

M. Michel Neugnot. On nous avait annoncé une augmentation d’un peu moins de 5 %. En réalité, la première année, elle a été de 2,3 %, donc inférieure à l’inflation, et, en 2024, de 1,1 %. Beaucoup de régions n’avaient pas vraiment cru à ces annonces, si bien qu’elles avaient fixé des trajectoires de recettes, notamment de TVA, inférieures à celles prévues. Le discours politique était optimiste car l’histoire a montré que ces trajectoires n’étaient pas réalistes. En France, on essaie de trouver des chiffres pour justifier des discours ; malheureusement, les gouvernements passent et l’on finit par se retrouver sans solution, d’autant qu’il est beaucoup plus difficile de réagir après avoir été baladés pendant un an ou deux.

M. le président Éric Coquerel. Pensez-vous qu’une baisse des dépenses était possible ?

M. Michel Neugnot. Honnêtement, je ne le pense pas. Les régions, qui développent des politiques publiques, aident également à régler certains problèmes des territoires. Les investissements sont nécessaires, et les besoins sont grands. Je le dis avec une certaine solennité : si nous ne réfléchissons pas dès maintenant à des modes de financement qui ne s’appuient plus sur une économie carbonée, le réveil sera difficile. Prenons l’exemple du réseau ferroviaire. Depuis le rapport du COI – Conseil d’orientation des infrastructures –, qui préconisait un investissement de 100 milliards d’euros, on sait qu’il manque environ 1,5 milliard d’euros de financement par an. Thierry Guimbaud, le président de l’Autorité de régulation des transports (ART), que j’ai rencontré récemment, a l’intention de montrer la photographie du réseau utilisable dans cinq ans, celle du réseau utilisable dans dix ans, à trajectoire budgétaire constante. Cela me semble une bonne manière de sensibiliser sur le sujet. L’État, qui est le propriétaire du réseau, doit s’interroger sur la façon dont il le financera ou ne le financera pas. Les régions peuvent faire rouler des trains mais, pour qu’ils roulent, encore faut-il que le réseau soit en bon état et qu’il évolue technologiquement. Nous avons l’obligation de développer les investissements et les services rendus à nos concitoyens, notamment dans le domaine des mobilités, qui représente un tiers du budget des régions.

M. le président Éric Coquerel. Lors d’une réunion du Haut Conseil des finances publiques locales vous avez rappelé, à la suite de Carole Delga, la nécessité d’une revue des recettes. Pensez-vous que la situation ait été aggravée par les suppressions d’impôts locaux et l’affectation d’une part d’impôts nationaux, qui a augmenté l’exposition des collectivités aux aléas macroéconomiques – la TVA représente 63 % des ressources fiscales des régions ? À force de supprimer les impôts locaux, les gouvernements successifs depuis 2017 n’ont-ils pas fait augmenter le besoin de financement des collectivités ?

M. Michel Neugnot. La CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – n’était pas une recette facile à suivre. Dans une région où l’industrie automobile est très présente, nous avions des à-coups et les recettes étaient difficiles à prévoir. Pour nous, le passage à la TVA était une forme d’assurance, sauf que quand cette taxe produit trop, on nous la limite.

Cela pose aussi un problème ancien : le lien entre le paiement de l’impôt et ses effets sur le territoire. Nos concitoyens nous disent tous qu’ils veulent plein de TER, parce qu’ils paient des impôts. Ce n’est pas simple de leur expliquer que l’impôt qu’ils paient ne sert pas directement à les financer. Nous devons évoluer sur ce point.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Le Trésor présente un décalage de 4,3 milliards d’euros en 2023 par rapport à la loi de finances de fin de gestion – 2,6 milliards en fonctionnement et 1,7 milliard en investissement – et de 13,4 milliards en 2024 – 8 milliards en fonctionnement et 5,4 milliards en investissement –, à un niveau inférieur à celui évoqué par le gouvernement. Partagez-vous ces chiffres ? Selon vous, quels sont les déterminants d’une telle évolution ? Les mesures imposées aux régions, comme l’augmentation du point d’indice, expliquent-elles une partie ou la totalité de ce décalage ?

M. Michel Neugnot. Une partie seulement. Nous avons des dépenses nécessaires, d’autres qui ont été contraintes et des compétences nouvelles. Nous souhaitons assumer pleinement nos compétences qui sont au cœur de ce qu’une société doit faire. Il ne faut pas avoir la dépense publique honteuse. Ce qui est important, c’est ce que l’on en fait. Or, pour l’instant, autant nous savons à peu près les politiques que nous devons mener et le volume que nous devons réaliser, autant nous manquons de réponses pour les financer. La fiscalité est impopulaire – c’est visible pour le versement mobilité. Or développer de nouvelles mobilités, faire circuler les trains à vitesse nominale ne peut se faire sans financement.

Le législateur avait fait en sorte que le versement mobilité soit consacré à une augmentation des réponses de mobilité, en investissement et en fonctionnement. Ce n’est qu’à ce prix que l’on peut la développer. Il est indispensable de savoir quelles politiques l’État veut mener et surtout d’éviter le yo-yo. Nous devons disposer d’une visibilité sur ces trajectoires longues, qui passe par une loi de programmation pluriannuelle, comme l’avait demandé Élisabeth Borne, au moment du pacte ferroviaire. Cela permet d’éviter un retour des débats et de faire du budget une variable d’ajustement, comme dans le cas des 100 milliards d’euros.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Il y a une incompréhension entre l’État et les collectivités. Force est de constater que l’on doit améliorer les prévisions et que cet écart par rapport à la prévision interroge – il représente environ un tiers des 50 milliards d’euros. Comment améliorer le dialogue avec le gouvernement ? Nous avons le sentiment que celui-ci considérait que, malgré l’absence d’un mécanisme contraignant, les collectivités allaient d’elles-mêmes faire les efforts pour atteindre les objectifs qu’il avait fixés arbitrairement.

M. Michel Neugnot. Carole Delga l’avait dit : un contrat doit engager la responsabilité des uns et des autres. Les régions n’ont jamais dit qu’elles ne voulaient pas prendre leur juste part de la situation nationale. Il faut que l’État échange avec elles ; c’est à cette condition que la confiance reviendra. Nous courons le risque d’un décrochage total avec nos concitoyens. Chacun ne peut avoir son propre récit et sa propre interprétation. Il y a besoin de fondamentaux communs, d’une appréciation commune de la réalité objective. Chaque nouveau ministre pense à l’empreinte qu’il va laisser, alors qu’il devrait s’inscrire dans le long terme. C’est le nœud du problème, et il est ancien. La période de crise, notamment climatique, que nous vivons devrait inciter le gouvernement à entretenir un véritable dialogue avec les collectivités.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. En prévoyant de part et d’autre des engagements pluriannuels en matière de non-transfert de compétences ou de non-ingérence dans la politique salariale, par exemple ?

M. Michel Neugnot. Un transfert de compétences coûte plus cher, notamment parce que les règles ne sont pas très favorables. Mais en étant plus près, on est mieux identifié par ceux qui profitent de cette compétence, ce qui change totalement les choses. Conseiller régional depuis 1986, j’ai assisté au transfert des lycées. Le président avait augmenté de 98 % les impôts de la région pour faire face à ce choc. Cela coûte plus cher, parce que cela rend un meilleur service. C’est important de faire le lien entre le service rendu et le coût.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Quelle est la part des régions dans l’écart, en fonctionnement et en investissement ? Nous n’avons que les chiffres agrégés, alors que les situations doivent varier en fonction des strates de collectivités. La TVA étant une ressource particulièrement dynamique, ne pourrait-on imaginer, dans les collectivités, un mécanisme de mise en réserve des bénéfices pour les années moins fastes ?

M. Michel Neugnot. C’est déjà ce que font les régions. Elles décalent des investissements si les recettes ne sont pas là. Un mécanisme de régulation et de contrôle pourrait être une solution d’étalement, même si le mouvement de la TVA est beaucoup moins erratique que celui de la CVAE. Ce qui pose problème dans l’attribution de la fraction de TVA, c’est qu’elle peut être gelée indéfiniment au même niveau.

M. Jacques Oberti (SOC). Il y a en effet une forme d’incohérence entre le plein exercice de la région et le fait qu’elle n’ait plus le pouvoir entier de l’impôt. En tant que membre du Conseil national d’évaluation des normes, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de me prononcer sur la nécessité d’évaluer l’impact financier de l’attribution de nouvelles prérogatives aux collectivités territoriales. Avez-vous évalué l’impact du SRDEII – schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – ou du Sraddet – schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ? Le dialogue avec l’ensemble des territoires pour les mettre en œuvre nécessite des moyens conséquents. L’attribution de nouvelles prérogatives a-t-elle restreint vos marges ?

M. Michel Neugnot. Les régions développent de plus en plus une culture de l’évaluation, d’autant plus nécessaire que l’argent public est rare. L’évolution est très nette dans ce domaine : il s’agit d’analyser systématiquement le service rendu pour chaque euro dépensé.

Le Sraddet est un schéma prescriptif – certains souhaiteraient qu’il le soit moins. Le débat sur l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) nous a étonnés, mais peut-être s’explique-t-il par le calendrier électoral… Quoi qu’il en soit, nous établissons ce schéma, et nous en vérifions l’application. Il en va autrement pour le SRDEII. Je pense que chaque région procède à des évaluations.

La crise liée au covid-19 a perturbé les choses car, auparavant, toutes ces dépenses étaient stabilisées. À ce propos, on peut regretter le « quoi qu’il en coûte » aujourd’hui, mais il a permis de préserver peu ou prou notre tissu industriel. L’Allemagne, par exemple, qui n’a pas opté pour cette politique, a davantage accusé le coup. Il faut toujours comparer – et on ne le fait pas suffisamment dans le débat public français – le coût de l’action et celui de l’inaction. L’absence de décision peut coûter plus cher qu’une décision de moindre qualité.

La culture de l’évaluation est d’autant plus nécessaire que nous disposons désormais d’outils – je pense notamment à l’intelligence artificielle – qui nous permettent de faire beaucoup plus de simulations. Par définition, la crise nous fait passer d’un état à un autre ; les collectivités, notamment les régions, sont prises dans le flot de l’évolution de la gestion. Si une étude globale du SRDEII a été réalisée, nous vous en communiquerons les chiffres.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Moi qui suis également élu local depuis plusieurs années, j’ai du mal à distinguer le contour des compétences des régions. Je note tout de même que vous avez été meilleurs que l’État – du moins est-ce ce que j’ai compris – puisque vous avez anticipé une baisse des recettes de TVA lors de l’élaboration de vos budgets.

Le transfert de compétences vers les régions, notamment en matière de transport scolaire, a-t-il généré un surcoût ou une économie ? Comment évaluez-vous l’amortissement de cette dépense supplémentaire ? Il s’agit, selon moi, de surcoûts qui ne sont pas forcément très efficaces, mais ils sont liés à des choix politiques sur lesquels je ne reviendrai pas.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, adopté récemment – certes par 49.3 –, nous avons décidé, à la demande de la présidente de Régions de France, d’autoriser les régions à prélever un versement mobilité équivalent à 0,15 % de la masse salariale des entreprises de plus de onze salariés. Certaines régions ont décidé de ne pas utiliser cette possibilité. La demande pouvait paraître légitime, mais ce versement correspond à un impôt de production supplémentaire puisque les entreprises doivent l’acquitter même si elles ne dégagent pas de bénéfices. Régions de France a-t-elle d’autres idées de recettes qui permettraient à ces collectivités de financer sur le très long terme le développement des transports à des fins d’aménagement du territoire ?

Enfin, quelle est la part des frais de personnel dans les dépenses de fonctionnement des régions ? Comment évaluez-vous la qualité de la dépense et des politiques publiques au regard des économies qui pourraient être réalisées ? J’ajoute que si la hausse des rémunérations, décidée par l’État, pèse sur les collectivités, elle leur profite également dans la mesure où leur personnel est plus motivé et plus productif s’il est mieux payé.

M. Michel Neugnot. Pourquoi les compétences en matière de transports scolaire et interurbain devaient-elles être transférées aux régions ? En l’absence de liaison ferroviaire, le transport se fait par des cars interurbains. Si l’on veut répondre aux exigences du développement durable, il faut bien que la communauté de communes qui a la chance de disposer d’une gare où des trains s’arrêtent développe un moyen de transport – car, auto-partage… – qui rabatte les voyageurs vers cette gare. Ce qui va compter, à l’avenir, c’est bien la complétude de la chaîne de mobilité, laquelle suppose l’existence d’un système d’information en temps réel à même de sécuriser les temps de transport.

Or, en Bourgogne, avant le transfert de compétences, il a fallu, pour aboutir à un accord sur ce système d’information multimodal, que la région négocie avec quatre départements et plusieurs autorités organisatrices de transport urbain. Je vous prie de croire qu’il a été très difficile d’embarquer tout ce monde dans le même bateau. En confiant à la région l’ensemble des compétences liées à la mobilité, on lui permet d’apporter des réponses plus complètes et, surtout, on facilite l’utilisation, à cette échelle, des outils qui permettent de communiquer sur les mobilités.

Quant au transport scolaire, les équipes départementales ont été transférées aux régions. Le transfert de compétences a permis de diminuer le coût des outils de gestion des transports, qui aurait été beaucoup plus élevé si chaque département avait dû s’en équiper. La modernisation est toujours un investissement coûteux, mais il faut tenir compte du temps long. Un élu a fait l’erreur de dire, à l’époque, que le transfert rapporterait tant. On ne peut pas compter de cette manière, car il y a le temps qui passe, le progrès technologique... En tout état de cause, le transfert permet d’être plus efficace à un moindre coût.

Par ailleurs, je ne suis pas d’accord avec vous : le versement mobilité n’est pas un impôt de production. D’abord, je le rappelle, ce versement était déjà prélevé par les différentes autorités organisatrices de mobilité urbaine et par la seule région Île-de-France. Le législateur a offert cette possibilité aux autres régions, en limitant le montant du versement à 0,15 % de la masse salariale, soit 1 500 euros pour 1 million d’euros de salaires bruts versés.

Ensuite, la loi impose aux régions de développer l’offre. Dans les zones très peuplées, où il n’est pas possible de créer de nouvelles lignes ferroviaires, cela consiste à acquérir du matériel capacitaire pour passer d’unités simples à des unités doubles ou triples. C’est un impératif lorsque, sur certaines liaisons, le nombre de voyageurs augmente de 30 % en trois ans. Dans les territoires ruraux qui sont de véritables zones blanches ferroviaires, le versement mobilité doit permettre d’augmenter le nombre des dessertes par car. Pour certains trajets, ils sont pleins !

Le versement mobilité n’est pas un impôt de production, car il permet de redéployer une activité, que ce soit dans le secteur industriel ou dans celui des services.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). C’est le rôle des collectivités !

M. Michel Neugnot. Vous m’accorderez que la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ne prévoit aucun moyen de financement, notamment redistributif – je pense aux dispositions relatives aux bassins de mobilité et aux compétences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Or le législateur a imposé aux régions de redistribuer 10 % du produit du versement mobilité aux autorités organisatrices de mobilité locales, qui pourront ainsi compléter l’offre régionale à l’échelle d’une communauté de communes.

Certes, toutes les régions n’exercent pas cette nouvelle prérogative, notamment parce que le calendrier n’a pas permis à certaines d’entre elles de reconstituer le comité des partenaires, qui doit désormais compter au moins 50 % de représentants des employeurs publics et privés. Mais je crois qu’elles y viendront. À terme, les présidents de région prendront leurs responsabilités dans ce domaine.

La part des dépenses de personnel dans les dépenses de fonctionnement est d’environ 18 %. Mais j’appelle votre attention sur le fait que, si l’instruction des dossiers est de plus en dématérialisée et automatisée, il est nécessaire d’accompagner les collectivités dans la mise en œuvre des politiques publiques. Dans les régions, c’est un élément essentiel, car l’ingénierie de projet est parfois peu développée dans les plus petites collectivités locales. Nombre de nos missions concernent l’accompagnement, le renseignement et le pilotage. Ainsi, pour la mise en œuvre des contrats opérationnels de mobilité, la région Bourgogne-Franche-Comté a embauché huit personnes qui accompagnent et conseillent sur le terrain. Ces frais de personnel sont liés à l’exercice de nos compétences. Grâce à l’intelligence artificielle et au développement de l’ingénierie automatisée, les collectivités locales vont gagner en productivité et pourront se consacrer davantage à cette activité. J’ajoute que la remise en cause par l’Union européenne de certains de ses fonds pour consacrer les crédits communautaires à d’autres politiques peut avoir des effets importants.

M. le président Éric Coquerel. Merci pour vos réponses très complètes.

 

 

 

 

 

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Matthias Renault rapporteur sur la proposition de nomination, en application de l’article 13 de la Constitution, de Mme Florence Peybernès au poste de présidente de la Haute autorité de l'audit

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mardi 18 mars 2025 à 16 heures 30

 

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Philippe Brun, M. Éric Ciotti, M. Éric Coquerel, M. Emmanuel Fouquart, M. Mathieu Lefèvre, M. Jean-Paul Mattei, M. Jacques Oberti

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Thomas Cazenave, M. Charles de Courson, M. Emmanuel Maurel, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou