Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de Mme Florence Peybernès dont la nomination au poste de présidente de la Haute autorité de l’audit a été proposée par le Président de la République puis vote sur cette proposition de nomination (M. Matthias Renault, rapporteur)              2

  Information relative à la commission................13

  Présence en réunion...........................14


Mercredi
26 mars 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 093

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La Commission procède à l’audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de Mme Florence Peybernes dont la nomination au poste de présidente de la Haute autorité de l’audit a été proposée par le Président de la République puis vote sur cette proposition de nomination (M. Matthias Renault, rapporteur)

M. le président Éric Coquerel. La nomination à la présidence de la Haute Autorité de l’audit (H2A) est de celles auxquelles s’applique la procédure prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution : avant que la nomination intervienne, les commissions permanentes compétentes des deux assemblées doivent donner un avis. Notre règlement prévoit en son article 29-1 qu’un rapporteur appartenant à un groupe minoritaire ou d’opposition doit être nommé. Ce fut M. Mathias Renault qui, à ce titre, vous a adressé un questionnaire écrit. Vos réponses ont été transmises aux commissaires hier après-midi.

À l’issue de votre audition, nous procéderons à un vote par bulletin secret pour émettre l’avis de la commission sur cette proposition de nomination et nous dépouillerons le scrutin en même temps que le fera la commission des finances du Sénat, en fin de matinée.

Nous vous avons déjà entendue le 17 mars 2021, avant votre nomination en qualité de présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) pour achever le mandat de Mme Christine Guéguen appelée à de nouvelles fonctions, puis le 31 mars 2022, avant votre reconduction dans ces fonctions pour un mandat de six ans.

Lorsque, en vertu de l’ordonnance 2023-1142 du 6 décembre 2023, la Haute Autorité de l’audit a succédé au H3C, de nouveaux membres ont été nommés pour constituer le collège de la nouvelle entité. Mais, conformément aux dispositions du I de l’article 40 du même texte, vous assurez, ès qualités, la présidence de la H2A jusqu’à l’entrée en vigueur du décret présidentiel portant nomination du président de la Haute Autorité. Nous sommes donc officiellement saisis, depuis le 10 mars 2025, de la proposition du président de la République de vous nommer présidente de la H2A.

Mme Florence Peybernès, proposée à la présidence de la Haute Autorité de l’audit. Je suis magistrate de l’ordre judiciaire et conseillère à la Cour de cassation, mise à la disposition de la Haute Autorité pour exercer ces fonctions intérimaires depuis que la H2A a succédé au Haut Conseil. Comme je l’ai écrit dans mes réponses au questionnaire de votre rapporteur, j’ai trouvé, en prenant mes fonctions à la tête du H3C, une profession nettement déstabilisée par les dernières réformes et s’interrogeant sur le rôle que la République lui reconnaît. La profession se sait chargée d’une mission d’intérêt général : assurer la qualité des comptes des entités que 18 000 commissaires aux comptes, personnes morales ou personnes physiques, certifient dans le cadre de 250 000 mandats de certification. Il ne s’agit évidemment pas seulement des sociétés cotées, même si ce sont les mandats les plus difficiles.

Le marché de l’audit est moins concentré en France qu’il ne l’est chez nos voisins comparables, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. Cela résulte de la réglementation française et des particularités de l’audit français. L’audit est une profession internationalisée en raison de l’internationalisation des échanges ; il faut donc avoir la plus grande confiance possible dans les comptes des entités, quelles qu’elles soient, dans tous les États du monde. La France a pris des dispositions légales particulières qui, à mon sens, ont encore renforcé la qualité de l’audit français et permis que le marché ne soit pas aussi concentré qu’il l’est ailleurs.

La première de ces dispositions est l’obligation d’un co-commissariat aux comptes pour la certification des comptes des entités d’intérêt public (EIP). La deuxième est la durée du mandat, qui est de six années au minimum. La troisième est l’interdiction faite aux commissaires aux comptes de démissionner en cours de mandat. Ces règles cumulées permettent à des cabinets de taille moyenne de prendre progressivement de l’importance et de se porter candidats à des mandats qu’ils ne pourraient pas accepter s’ils étaient seuls à en prendre la responsabilité.

Lors de ma prise de fonction, je me suis donné pour mission de rétablir entre la Haute Autorité et la profession régulée le climat de confiance indispensable à la bonne qualité de l’audit français. Mon institution a pour raison d’être de faire progresser la qualité de l’audit en France et au cours des vingt années d’existence du H3C, la profession de commissaire aux comptes et l’intensité des travaux qui lui sont demandés ont considérablement progressé.

La H2A dispose de la plénitude des prérogatives dont elle a besoin pour exercer ses missions. Elle tient les listes nationales des commissaires aux comptes, tâche qui, dans le passé, revenait aux cours d’appel. Elle a aussi un rôle normatif qu’elle exerce de manière paritaire avec la profession. C’est bien la Haute Autorité qui propose à l’homologation du garde des Sceaux les normes d’exercice professionnel permettant aux commissaires aux comptes d’être guidés et sécurisés dans leurs travaux de certification des comptes.

La H2A a pour mission principale le contrôle. Environ 40 % de ses 70 collaborateurs sont des contrôleurs. Ils se rendent dans les cabinets d’audit, ouvrent les dossiers, analysent avec le commissaire aux comptes la manière dont il a accompli sa mission de certification, observent s’il a réalisé des travaux suffisants pour lui permettre d’étayer son opinion sur les comptes et de justifier que cette opinion n’est pas erronée.

La H2A peut aussi engager des poursuites disciplinaires. À cette fin, elle s’est dotée d’un service des enquêtes dirigé par un magistrat de l’ordre judiciaire et qui compte une dizaine d’enquêteurs, auditeurs et avocats. D’autre part, la Haute Autorité a depuis le 1er janvier 2024, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance dont vous avez parlé, une commission des sanctions, également présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire, conseiller ou conseillère à la Cour de cassation ; les sanctions peuvent aller d’un blâme à l’interdiction définitive d’exercer. Auparavant, cette prérogative était exercée par une émanation du collège.

Vous avez constaté, si vous avez consulté le site de la H2A, que nous publions nos décisions sous une forme non anonymisée pendant cinq ans, comme l’exigent les textes européens.

L’ensemble de ces prérogatives, qui n’ont pas été accordées à une même Autorité par tous nos voisins européens, donnent à la H2A toutes les possibilités nécessaires de faire progresser la qualité de l’audit en France. Nous partageons ces prérogatives avec la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) pour ce qui concerne le contrôle des cabinets d’audit n’exerçant pas de missions auprès d’EIP – ce sont les certifications les moins risquées. La convention de délégation conclue avec la Compagnie et homologuée par le garde des Sceaux nous permet de superviser ces contrôles, de valider la liste des contrôleurs que la Compagnie choisit, de participer à leur formation et, bien sûr, de recevoir les résultats des contrôles apparus insatisfaisants.

L’institution a changé de nom le 1er janvier 2024 quand de nouvelles attributions lui ont été confiées à la suite de la transposition de la directive CSRD qui impose aux plus importantes entreprises des pays de l’Union européenne d’établir des rapports fondés sur un référentiel de normes d’informations en matière de durabilité dit ESRS. La directive vise à rendre plus transparentes et plus facilement comparables les politiques menées par les entités sur les sujets environnementaux, sociétaux et de gouvernance.

Le Parlement et le gouvernement ont confié à mon institution la supervision de cette nouvelle obligation, la loi ayant chargé les commissaires aux comptes, et d’autres qu’eux, de certifier ces rapports. Vous savez, puisque vous l’avez voté, que la France a proposé aux entreprises de choisir les certificateurs des informations de durabilité en rendant cette mission accessible non seulement aux commissaires aux comptes mais aussi à des organismes tiers indépendants, les OTI. La Haute Autorité a commencé de proposer l’inscription sur la liste des « commissaires aux comptes verts » de ceux qui ont rempli les conditions légales, c’est-à-dire des conditions de diplôme et le suivi d’une formation de 90 heures pour « les grands-pères ». À ce jour, plus de 2 000 commissaires aux comptes sur 11 000 personnes physiques ayant suivi les 90 heures d’une formation que nous avons homologuée ont obtenu leur inscription. D’autre part, le Comité français d’accréditation nous a informés avoir accrédité une dizaine d’OTI et une douzaine de personnes physiques ayant suivi les 90 heures de formation obligatoires leur permettant de certifier les informations de durabilité. Ce faible nombre a pu décevoir les entreprises qui souhaitaient confier la mission de certification ESRS à un autre professionnel que leur commissaire aux comptes.

Nous n’avons pas commencé d’exercer nos contrôles sur cette nouvelle mission parce qu’elle est encore inachevée. En 2024, les commissaires aux comptes et les OTI choisis par les plus grandes entreprises, celles dont l’effectif dépasse 500 salariés, ont travaillé : les entreprises ont préparé le rapport de durabilité et les vérificateurs ont suivi l’avancée de ces travaux. À présent, ils rédigent leurs conclusions et nous ne nous rendrons dans leurs cabinets pour examiner la manière dont ils se sont acquittés de cette mission qu’au cours de l’année 2025, une fois leur dossier d’audit refermé.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie. Vous avez commencé d’exercer les fonctions de présidente du H3C le 1er avril 2021. En conséquence, même si, formellement, votre nomination en qualité de présidente de la H2A serait une première nomination, elle s’apparenterait à une reconduction, mais vous seriez nommée pour un mandat de six ans qui courra à partir de la publication du décret de nomination du président de la République, cependant que le mandat des autres membres du collège a commencé de courir en janvier 2024. Ce décalage de quinze mois entre le mandat de président de la H2A et celui des autres membres du collège est-il une bonne chose ou un ajustement serait-il souhaitable ?

Vous signalez dans vos réponses écrites que le seul scandale financier causé par la fausseté des comptes en France a été celui d’Agripole, la société mère de William Saurin, même s’il s’agissait d’une affaire particulière, Agripole étant détenu par une seule personne physique. Quelles conséquences en ont été tirées en termes de contrôle et de sanctions ?

Vous indiquez aussi que vous envisagez une candidature française à la présidente de l’International Forum of International Audit Regulators (IFIAR) ? Quels vous paraissent être les chances et les atouts de cette candidature ? Quel est l’enjeu pour la H2A ? En cas de succès, l’exercice de cette présidence demandera-t-il des moyens supplémentaires ?

Mme Florence Peybernès. Je ne dirai strictement rien du décalage de quinze mois. Magistrate de l’ordre judiciaire, je ne me prononce pas sur la manière dont les autres corps de la République exercent leurs prérogatives. Sauf modification législative, je ne terminerai pas mon mandat en même temps que les membres actuels du collège, dont le mandat a débuté il y a six mois.

M. le président Éric Coquerel. Vous pensez que ce ne doit pas être corrigé ?

Mme Florence Peybernès. Ce décalage ne m’empêche pas d’exercer ma mission comme je l’ai fait jusqu’à présent en vertu de l’article 40 de l’ordonnance que vous avez citée. Que les membres du collège changent ne fait que changer la manière dont il délibère. J’en suis au troisième collège et je constate que les sensibilités ne sont pas les mêmes, que les compétences et les sujets de préoccupation et d’intérêt des membres varient. C’est à moi de m’adapter, parce que le collège est souverain. Ce n’est gênant en rien.

L’affaire Agripole a donné lieu à la sanction la plus sévère jamais prononcée par l’Autorité. La séance de sanction a été publique et, étant donné le nombre de commissaires aux comptes concernés et l’importance des cabinets mis en cause, nous avons dû nous délocaliser au tribunal judiciaire de Paris. Au nombre des sanctions prononcées, il y a eu la radiation définitive de la liste des commissaires aux comptes des personnes physiques qui avaient manqué à leurs obligations professionnelles. Certains commissaires aux comptes condamnés, personnes physiques ou personnes morales, ont formé pourvoi devant le Conseil d’État, qui a confirmé la décision de sanction prise par la formation restreinte – l’entité qui, à l’époque, prononçait les sanctions –, sauf à alourdir considérablement les sanctions financières prononcées contre les personnes morales.

Cet épilogue a contribué à asseoir l’autorité de la H2A, parfois suspectée de ne s’intéresser qu’aux manquements à leurs obligations professionnelles ou déontologiques des petits commissaires aux comptes. C’est inexact et cette décision l’a montré, comme nos décisions ultérieures.

Cela n’a pas eu d’influence sur la profondeur de nos contrôles : ils ont toujours été à la hauteur de ce qu’on doit attendre du régulateur du commissariat aux comptes. Les sujets traités, qui relèvent du droit commercial et du droit de la comptabilité, sont d’une extrême technicité et plutôt confidentiels. La décision Agripole nous a aussi fait sortir de la confidentialité. Si vous vous intéressez à ces sujets, vous savez que depuis lors nous avons rendu d’autres décisions concernant des entités aussi importantes qu’Agripole. Mais, je l’ai écrit dans mes réponses, il n’y a jamais eu en France de scandales boursiers aussi graves que dans d’autres pays européens et c’est très important pour notre économie. La véracité avérée des comptes contribue à l’attractivité de la place de Paris et du monde économique français : en très grande majorité, les décideurs peuvent avoir confiance en la qualité des comptes des associations, des établissements publics certifiés et des entreprises, cotées ou non cotées, pour prendre leurs décisions d’investissements, de prêt ou d’échanges économiques.

L’IFIAR regroupe les autorités nationales de régulation des commissaires aux comptes. Cinquante-sept États seulement adhèrent à cette organisation parce que peu d’économies ont développé à ce point la qualité de la régulation et de la certification des comptes. L’Inde l’a rejointe très récemment. À chaque fois qu’un candidat à l’adhésion se présente, les membres examinent s’ils peuvent l’accueillir au sein de l’institution où, de plus, nous échangeons des secrets partagés sur les comptes d’entreprises de taille économique significative. La France souhaite présenter sa candidature à la présidence de l’IFIAR. La qualité de l’audit français est reconnue et nous participons à de nombreux groupes de travail aux niveaux européen et international. La qualité de notre possibilité de normalisation est également reconnue. En matière d’audit, la normalisation est entre les mains de l’International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB), un organisme émanant de la profession. La France a choisi depuis vingt ans d’avoir ses propres normes, qu’elle sait rédiger, ce qui n’est pas le cas des autres régulateurs, notre homologue américain excepté. Pour ces raisons, nous pensons pouvoir, dans l’intérêt de la qualité de l’audit mondial et donc de l’économie internationale, apporter notre voix particulière à la tête de cette institution, dont nous accueillerons au printemps 2026 la célébration du vingtième anniversaire.

M. le rapporteur Matthias Renault. Vous avez rappelé la nouvelle mission qui vous a été confiée à la suite de la transposition de la directive CSRD obligeant les entreprises à présenter des rapports de durabilité ; notre groupe politique ne pense pas que du bien de cette nouvelle obligation, mais vous êtes là pour appliquer la loi. Votre nomination éventuelle à la présidence de la Haute Autorité qui, le président de notre commission l’a rappelé, sera en fait une forme de reconduction, s’inscrira dans le cours d’une riche carrière de magistrate du siège. Votre profil juridique, vos responsabilités de cheffe de juridiction et l’expérience que vous avez acquise dans vos fonctions actuelles vous qualifient évidemment pour votre nomination à la tête de la H2A.

Vous évoquez dans vos réponses écrites la réforme des contrôles décidée par le collège quelque temps avant votre nomination ; pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quelles seront, selon vous, les conséquences de la directive CSRD sur l’activité des commissaires aux comptes ? Enfin, quel regard portez-vous sur le développement de la certification des comptes dans le domaine public ? Avez-vous des relations avec les juridictions financières ?

Mme Florence Peybernès. Nous avons l’obligation légale de contrôler tous les six ans au moins les commissaires aux comptes certifiant les comptes des associations et des sociétés non cotées, tous les trois ans ceux qui certifient les comptes des sociétés cotées, celles qui présentent le plus de risques économiques.

Avant la décision de réforme prise par le collège, ces contrôles étaient dits complets : nous examinions avec le commissaire aux comptes, dans son cabinet, ses procédures de qualité et une sélection de mandats qui nous paraissaient présenter les risques les plus élevés. Au fil de nos longues années de contrôle, nous avons ainsi accumulé de très nombreuses informations sur la manière de travailler de chaque structure d’exercice professionnel. Aussi le collège a-t-il pensé préférable de diversifier les modalités de contrôle et en a mis au point six : le contrôle complet, le contrôle limité à des mandats, le contrôle limité à des procédures internes, le contrôle par entretiens, le contrôle de suivi  lorsque nous revenons vérifier si ce qui ne nous avait pas paru convenir dans la manière de travailler des commissaires aux comptes a été corrigé  et le contrôle inopiné, dit « spot », quand il y a un sujet d’actualité ou que quelqu’un a appelé mon attention sur une situation délicate.

Parce que nous ne pouvons pas contrôler les 250 000 mandats de certification des commissaires aux comptes, nous fondons nos contrôles sur l’approche par les risques. Nous avons pour cela créé un outil de planification des contrôles en cartographiant la population sous notre regard et en la classant par niveaux de risques, qu’ils concernent les structures d’exercice professionnel ou les mandats détenus, une matrice bien connue des habitués des questions d’audit. Nous organisons nos contrôles en fonction de cette classification des risques et des informations obtenues lors de précédents contrôles.

S’agissant des conséquences sur l’activité des commissaires aux comptes de la transposition de la directive CSRD, j’ai indiqué que bien plus de commissaires aux comptes que d’autres professionnels ont demandé l’habilitation. Cela a relancé l’intérêt sur le caractère sociétal de la mission de commissaire aux comptes qui, sauf ponctuellement quand se posent des questions de qualité des comptes, était passée au second plan. La certification des comptes est une mission traditionnelle, les travaux sont menés conjointement avec les directions financières des entreprises, et une fois les comptes certifiés, on passe à autre chose. Avec cette nouvelle mission, parce qu’elle est sous le feu de l’actualité et parce que les rapports de certification des informations de durabilité seront lus par bien davantage d’acteurs économiques que ce n’est le cas pour les rapports de certification des comptes, les commissaires aux comptes ont trouvé l’opportunité de redynamiser leur profession et de la rendre plus attractive pour de nouveaux talents. Ils ont recruté des profils qui ne viennent pas seulement du monde du chiffre, experts-comptables ou spécialistes de la comptabilité, mais aussi des ingénieurs ayant des compétences techniques en ces matières. Les grands cabinets disposaient déjà de tels profils comme conseils mais les cabinets de taille plus restreinte ont dû eux aussi recruter de ces talents pour constituer des équipes pluridisciplinaires capables de certifier les informations très diverses exigées par la directive CRDS.

L’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales a été confiée à la Cour des comptes. Un rapport destiné au Parlement a été rédigé par le gouvernement à l’issue de cette expérimentation qui, prévue pour durer six ans, a été prolongé d’un an. Le H3C, à l’époque, a évidemment suivi ces travaux de près et il était convié aux réunions de synthèse par la Cour des comptes. L’objectif visé est de rendre plus facilement comparables, de meilleure qualité et plus transparents les comptes des collectivités territoriales.

Seules les collectivités qui le souhaitaient ont vu leurs comptes examinés par des commissaires aux comptes. Des communes, des départements et des régions se sont proposés. La première année a été extrêmement difficile : les commissaires aux comptes n’ont pu certifier les comptes des entités qui s’étaient proposées à la certification, faute d’avoir, comme le demande la loi « l’assurance raisonnable que les comptes pris dans leur ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives ». Il y avait trop d’écart entre la norme comptable régissant la manière de présenter les comptes d’une collectivité territoriale et la réalité des comptes qu’ils examinaient. Au fil des années de l’expérimentation, la conclusion d’impossibilité de certifier s’est atténuée, mais de très nombreuses réserves subsistent dans ces rapports de certification. Cela étant, les collectivités concernées estiment avoir renforcé leur audit interne  c’est la principale amélioration qu’elles ont tirée de cette expérimentation. L’Association pour la fondation internationale de finances publiques (Fondafip), avec laquelle je travaille, organisera dans quelques semaines, avec M. Arthuis, un colloque au Sénat pour revenir sur cette expérimentation, comprendre les progrès réalisés et réfléchir aux moyens de continuer de faire progresser la certification des comptes des collectivités territoriales.

N’étant pas le législateur, je n’ai pas d’autre opinion à exprimer sur ce point. Étant à la tête de l’Autorité qui régule la profession de commissaire aux comptes, je peux seulement dire que, à l’aune de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, la France n’est pas en avance à ce sujet, que des progrès sont possibles et qu’il est question de démocratie puisqu’il s’agit de la manière dont les collectivités territoriales utilisent les fonds publics.

M. le rapporteur Matthias Renault. Existe-t-il un plan annuel de contrôles ? Recevez-vous des signalements d’autres autorités publiques, de commissaires aux comptes, de sociétés, de particuliers ? Quelle place ont-ils dans votre programme de contrôles ?

Mme Florence Peybernès. Chaque année, le collège délibère et adopte un plan de contrôles pour l’année à venir puis ajuste ce programme en fonction de l’actualité. Ainsi nous sommes-nous intéressés une certaine année à la certification des comptes de toutes les sociétés détenant des établissements de soins et d’accueil de personnes âgées et une autre année à la certification des mutuelles.

Le code de commerce établit la liste des institutions chargées de nous adresser des signalements : la Cour des comptes, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et les procureurs généraux des cours d’appel. Des signalements nous arrivent aussi de Compagnie nationale des commissaires aux comptes – dans le cas d’Agripole, c’est le président de la Compagnie qui a alerté le H3C  et des présidents des compagnies régionales. J’ai moi-même la prérogative de saisir le rapporteur général d’une demande d’enquête quand je reçois des signalements de clients se plaignant des modalités de certification du commissaire aux comptes ou même de sa désignation ; dans une affaire assez récente et assez importante que nous avons publiée quand la décision a été rendue, c’est le client qui s’était plaint du commissaire aux comptes. Enfin, je lis la presse, et nous nous sommes dotés d’un dispositif nous permettant de recueillir et de traiter les signalements émis par les lanceurs d’alerte.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Quel bilan dressez-vous de votre rôle de contrôle ? Quels ont été la fréquence et le niveau des sanctions prononcées ces dernières années ?

Mme Florence Peybernès. Depuis que j’ai pris mes fonctions, j’ai institué une synthèse annuelle du programme de contrôles. Publiée tous les ans en septembre, elle a une visée pédagogique. Elle indique aux professionnels concernés et à toutes les parties intéressées ce que nous avons observé au cours de nos contrôles, quelles questions d’audits complexes ont été très souvent correctement traitées et méritent pour cette raison d’être diffusées, et aussi les manquements que nous avons remarqués. Nous voulons que les commissaires aux comptes prennent connaissance de cette publication pour savoir précisément ce que nous allons chercher chez eux et dans quelles normes d’exercice professionnel nous relevons la plus nette inadéquation entre ce que nous attendons et ce qu’ils réalisent.

Nos contrôles, je vous l’ai dit, ont lieu au minimum tous les six ans ou tous les trois ans selon la nature des entités certifiées, et plus fréquemment lorsque nous ne nous entendons pas parfaitement avec certaines structures professionnelles sur la qualité de leurs diligences. En de tels cas, nous revenons deux ans plus tard, un peu plus insistants, pour vérifier qu’elles se conforment aux recommandations que nous leur avons faites lors d’un contrôle précédent. Créée en 2024, la commission des sanctions n’a pu travailler immédiatement. En année pleine, une trentaine de décisions sont publiées. Je vous invite à en lire quelques-unes ; on comprend très bien quel manquement est reproché au commissaire aux comptes, comment il se défend pour essayer d’expliquer à la commission des sanctions qu’il s’est parfaitement acquitté de sa mission, et pourquoi une sanction a été prononcée.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Quelles sont les sanctions prononcées ? Combien y a-t-il de radiations, de sanctions financières ?

Mme Florence Peybernès. Une statistique ne serait pas très significative, l’ampleur des manquements et l’importance des cabinets poursuivis étant très variables. Cette audition ne se tient pas à huis clos et je ne vais pas jeter en pâture le nom d’une société, mais je puis indiquer que nous avons récemment prononcé une sanction de 1,7 million d’euros à l’encontre d’une structure d’exercice professionnel, qui n’a pas fait de recours contre cette décision. Nous avons radié des personnes physiques, qui sont donc interdites à vie d’exercer la profession, parce qu’elles avaient été poursuivies pénalement pour fraude et soustraction à l’impôt ou non paiement de la TVA, des pratiques fâcheuses pour un commissaire aux comptes. Nous avons aussi très sévèrement sanctionné un commissaire aux comptes chargé de contrôler ses pairs et qui ne l’a pas fait. A également été sanctionnée une société de taille très significative pour avoir, à l’insu de son client, envoyé un commissaire aux comptes signataire très lié à la directrice financière de l’entreprise en question ; cela nous a paru tout à fait contraire à la déontologie. Il est difficile de regrouper des cas aussi divers dans un format statistique, mais sachez que nous avons prononcé toutes les sanctions du spectre : sanctions financières, blâme, interdiction d’exercer avec sursis, ou mixte – une partie ferme, une partie avec sursis. Mon rapport annuel contient de beaux camemberts qui vous satisferont pleinement, monsieur le rapporteur général. Et nous allons commencer à prononcer des sanctions administratives contre les commissaires aux comptes qui ne suivent pas de formation continue.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Il ressort justement de votre rapport que, chaque année, près d’un millier de commissaires aux comptes, personnes physiques, ne se conforment pas à leur obligation légale de suivi d’une formation professionnelle, pourtant essentielle à la qualité de leurs travaux. Comment expliquez-vous cette situation et comment évolue-t-elle ? Quelles sanctions peuvent être prononcées et combien le sont effectivement ?

Mme Florence Peybernès. C’est un sujet de préoccupation pour moi depuis que j’ai pris mes fonctions et depuis quatre ans je rappelle cette obligation aux commissaires aux comptes que je croise, parce que la corrélation est fréquente entre des travaux insuffisants et l’absence de formation. L’ennui est que, la plupart du temps, je ne m’adresse pas aux commissaires aux comptes concernés : les professionnels qui se rendent aux assemblées générales où je les rencontre sont plutôt les meilleurs, et je ne vois pas ceux qui ne suivent pas les formations continues. Ce chiffre n’évolue donc pas comme je le voudrais, bien que la Compagnie nationale et les compagnies régionales organisant des formations de qualité en grand nombre et déconcentrées et que les présidents des compagnies régionales rappellent à l’ordre leurs confrères défaillants.

J’ai donc demandé au législateur de bien vouloir me donner une prérogative supplémentaire, celle de prononcer des sanctions administratives pour ce type de manquement récurrent, qui doit cesser. La loi prévoyant que l’obligation manquée doit être réitérée pour être sanctionnée, j’ai été obligée d’attendre d’avoir constaté les manquements en 2024 et en 2025 pour commencer de prononcer en 2025 des sanctions au bénéfice du Trésor public, dans la limite de 15 000 euros par professionnel concerné. Beaucoup de commissaires aux comptes inscrits sur la liste ne certifient pas des comptes ; ce ne sont pas ceux-là que je vise en premier mais  ils le savent tous car je le leur ai dit  ceux qui certifient et qui ne suivent pas de formation continue, ce qui est un facteur de risque de qualité assez élevé. Je suppose, puisque je ne les ai pas souvent en face de moi que s’ils ne se conforment pas à cette obligation c’est qu’ils considèrent que c’est perdre du temps et donc de l’argent, ou qu’ils exercent depuis très longtemps, connaissent parfaitement leur métier et n’ont donc pas besoin de se mettre à jour. L’absence de suivi de la formation continue, lorsqu’elle est avérée, fait toujours partie des griefs que nous reprochons à un commissaire aux comptes, en plus des manquements aux règles d’audit, au moment de le poursuivre.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Quelle est votre position sur la vieille idée de fusionner l’Ordre des comptables et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ?

Mme Florence Peybernès. C’est une autre spécificité française que cette distinction. Ailleurs, il y a une profession unique. Plus que cela même, le code international de déontologie publié par le Conseil des normes internationales de déontologie comptable (IESBA) s’adresse non seulement aux experts-comptables et commissaires aux comptes mais aussi aux comptables salariés. Ils ont, dans le reste du monde, des obligations déontologiques que n’ont pas nos comptables salariés et qui les contraignent à être parfaitement rigoureux dans la présentation des comptes, jusqu’à ne pas suivre les demandes de la direction de l’entreprise lorsqu’elles sont contraires au plan comptable. La France a fait depuis très longtemps un autre choix. Elle estime que pour préserver au mieux l’indépendance et la qualité du commissaire aux comptes, il ne doit pas être celui qui présente les comptes de l’entité. Il doit donc y avoir une Muraille de Chine entre le service « expertise comptable » et le service « commissariat aux comptes » d’une structure d’exercice professionnel. Nous y veillons et nous avons déjà sanctionné des professionnels qui avaient peu ou prou présenté les comptes qu’ils certifiaient ensuite par le biais d’une filiale, ou qui avaient démissionné d’un mandat de commissaire aux comptes pour prendre le mandat de présentation des comptes. Depuis toujours, pour le législateur, la qualité de l’audit de français résulte de cette scission, raison pour laquelle elle persistera.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Vous avez indiqué dans vos réponses au questionnaire de notre rapporteur avoir pris la tête du collège de la H2A « dans un contexte de forte tension entre la profession, son régulateur et le gouvernement, par suite de la promulgation de la loi Pacte qui avait rehaussé les seuils de certification des entreprises ». Nous parlons de réglementation française, mais certains groupes de sociétés étant internationaux, le secteur de l’audit intègre de nombreux éléments d’origine étrangère. Vous avez d’ailleurs rencontré certains de vos homologues et signé plusieurs accords bilatéraux et multilatéraux. Pour le grand public, le secteur de l’audit, indispensable au bon fonctionnement des grandes entreprises, a parfois été associé à de graves scandales financiers. Notre pays a jusqu’à présent été relativement épargné par ce type d’événements, mais aucun système juridique n’est infaillible. Quelles dispositions peuvent préserver efficacement notre pays de tels scandales ?

Mme Florence Peybernès. Je crois avoir répondu depuis une heure à votre question, madame et je pense ne pas devoir répéter ce que j’ai dit : les contrôles, la normalisation, la commission des sanctions, l’effectivité des sanctions, leur publication, le rapport annuel, le rapport sur les contrôles sont le quotidien et la raison d’être de mon institution.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Madame la présidente, je salue la qualité de votre parcours ainsi que l’engagement et le sérieux avec lesquels vous avez exercé vos responsabilités à la tête du Haut Conseil du commissariat aux comptes et en tant que première présidente de la H2A. Vous incarnez depuis la création de cette nouvelle Autorité une exigence d’indépendance, de compétence et de transparence dans la régulation de l’audit légal désormais élargie à la certification des informations de durabilité des entreprises. Comment envisagez-vous le rôle de la Haute Autorité en lien avec l’AMF, l’ACPR et la Cour des comptes, pour renforcer la confiance dans la régulation financière et extra-financière ?

Étant donné votre expérience et votre vision, le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de votre nomination.

Mme Florence Peybernès. L’AMF, l’ACPR et la Cour des comptes siègent au collège de la H2A. Les contrôles concernent souvent des commissaires aux comptes nommés auprès d’entités sur lesquels l’AMF ou l’ACPR ont droit de regard. Les enquêtes peuvent aussi être conjointement menées par les contrôleurs de l’AMF pour les infractions à la publication des informations, car elles impliquent souvent le commissaire aux comptes qui n’a pas conduit de travaux suffisamment précis à ce sujet. La Cour des comptes aussi dispense des informations sur les manquements qu’elle a relevés au fil de ses propres contrôles des commissaires aux comptes qui certifient les universités ou les hôpitaux, et elle préside le comité d’audit de la H2A, dont les comptes ne peuvent être certifiés par un commissaire aux comptes. Les liens entre ces institutions sont donc très forts, très efficaces et presque hebdomadaires

M. Thierry Liger (DR). En 2022, vous estimiez nécessaire de modifier la manière de travailler de ce qui était alors le H3C, en privilégiant des contrôles fondés sur les niveaux de risque ; qu’en a-t-il été ? Un des autres objectifs mentionnés alors était de rétablir la stabilité et l’équilibre du financement de l’institution, les années précédentes ayant été marquées par un important déficit ; est-ce le cas ?

Mme Florence Peybernès. J’ai déjà dit que nous nous sommes dotés d’un outil informatique très moderne, dont je suis assez fière, pour établir la cartographie de la population que nous contrôlons et des mandats. Les ressources de la H2A, qui s’établissent à quelque 17 millions d’euros, proviennent exclusivement des cotisations des commissaires aux comptes. Depuis quatre ans que je préside l’institution, le collège a toujours voté un budget déficitaire et j’ai toujours terminé l’année avec un résultat bénéficiaire. Ainsi, le résultat a été de 492 000 euros en 2023 pour un budget voté en déficit de 1,6 million d’euros et de 918 000 euros en 2024 pour un budget voté en déficit de 1,9 million. Mais je ne suis chargée ni de faire des économies ni d’augmenter les réserves de la H2A et je regrette de n’avoir pu utiliser toutes les ressources de l’année. Cela s’explique, comme je vous l’ai écrit, par des difficultés de recrutement. Les talents dont j’ai besoin ne sont pas très nombreux sur le marché du travail et je suis en concurrence avec les grands cabinets d’audit dont les moyens financiers ne sont sûrement pas les mêmes que les miens. Puisque chaque année désormais nous achevons l’exercice avec un résultat positif, l’augmentation de taux de cotisation des commissaires aux comptes ne nous est pas nécessaire et je ne l’ai pas demandée.

Mme Sophie Mette (Dem). L’application de la directive CSRD transforme en profondeur le reporting extra-financier des entreprises et attribue aux commissaires aux comptes et aux auditeurs tiers de nouvelles responsabilités de certification des informations en matière de durabilité. Comment la H2A accompagne-t-elle le secteur dans cette évolution majeure du cadre réglementaire ? Sur un autre plan, l’intelligence artificielle est une formidable opportunité pour le monde de l’audit. On pourrait envisager de l’utiliser pour l’automatisation des rapports financiers, le support à l’analyse et la conformité réglementaire. Avez-vous des données sur le développement de l’intelligence artificielle dans le secteur de l’audit en France ? Sommes-nous plutôt en avance ou en retard par rapport à d’autres pays ?

Mme Florence Peybernès. La mission et les responsabilités découlant de la directive CSRD sont inédites et c’est pourquoi le législateur a demandé aux commissaires aux comptes de suivre une formation de 90 heures pour pouvoir être inscrits sur la liste dite des « commissaires aux comptes verts ». La H2A a publié à l’intention des organismes de formation qui voulaient faire homologuer ces 90 heures la liste des sujets à traiter, des modalités d’enseignement et des modalités d’évaluation des acquis de la formation. Elle a constitué un comité scientifique qui a reçu les candidatures afin de préparer les travaux d’homologation du collège. Nous avons homologué une douzaine de formations, le plus vite possible pour permettre aux commissaires aux comptes de commencer à suivre ces formations et d’être en mesure de répondre aux appels d’offres au début de l’année 2024.

Nous avons aussi publié un avis technique puis des lignes directrices à la place d’une norme d’audit européenne, qui peut-être ne viendra jamais, pour guider les professionnels dans les travaux attendus d’eux. Ce document de 25 pages est charpenté, parce que cette mission extrêmement technique engage la responsabilité des commissaires aux comptes. En le publiant, nous voulions aussi mieux faire comprendre aux émetteurs du rapport les travaux qui allaient être accomplis et ainsi faciliter le dialogue au cours de la première année d’application de la loi. Mais ce ne fut facile ni pour les entreprises ni pour les commissaires aux comptes, tous étant confrontés à la masse de documents à produire sur la base d’un référentiel de reporting très dense qui n’avait été publié qu’au mois d’août précédant l’entrée en vigueur de la réforme. Le temps a peut-être manqué pour que chacun appréhende parfaitement cette réforme extrêmement ambitieuse. Néanmoins, la possibilité de publier des informations de qualité, comparables et donc utilisables par les investisseurs et les parties prenantes en matière de responsabilité sociale et environnementale est un progrès important, y compris pour les entreprises.

Je n’ai pas de chiffres relatifs à l’intelligence artificielle, mais je sais qu’il y a une scission dans la profession à ce propos, les grands cabinets ayant pris beaucoup d’avance. Le nouveau président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, M. Philippe Vincent, élu en novembre dernier, a axé son mandat sur cette question. Il entend que la Compagnie propose à l’ensemble de la profession, quelle que soit la taille de la structure d’exercice professionnel, des outils d’appréhension de l’intelligence artificielle, de manière qu’elle ne soit pas seulement entre les mains des plus grands cabinets.

Mme Félicie Gérard (HOR). Bien qu’il soit trop tôt pour s’appuyer sur des résultats d’enquêtes, quels premiers enseignements tirez-vous de la nouvelle mission de supervision des rapports de durabilité confiée aux commissaires aux comptes ? De manière générale, la qualité de l’audit de français contribue à tenir notre économie à l’écart des scandales financiers causés par la fausseté des comptes, mais de nombreuses améliorations restent possibles. Comment comptez-vous renforcer l’action de la H2A à ce sujet, en lien avec l’ACPR et l’AMF ? Vous avez dit que nous ne sommes pas en avance par rapport à nos voisins ; la H2A peut-elle rattraper ce retard et comment ? Enfin, sachant le positionnement économique récent des États-Unis, quelles sont vos relations avec le régulateur américain et comment envisagez-vous leur évolution ?

Mme Florence Peybernès. Nous avons depuis très longtemps une coopération extrêmement fructueuse avec notre homologue américain, le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), qui est rattaché à la Securities Exchange Commission. L’accord bilatéral qui permet des contrôles conjoints associant les contrôleurs du PCAOB et les nôtres pour les sociétés cotées des deux côtés de l’Atlantique a été renouvelé très récemment. À ce jour, nos relations n’ont pas changé et la présidente du PCAOB, avec laquelle j’entretiens des relations cordiales depuis sa nomination, est toujours en poste. Nous avons la même vision, la même exigence sur la qualité de nos comptes, et nos relations bilatérales sont efficaces et confiantes.

Vous m’avez interrogée sur ma vision de la CSRD ; j’ai déjà répondu plusieurs fois à ce sujet. J’ai bien vu arriver le texte européen omnibus, et je vois la France essayer de préparer sa position pour parvenir à un accord de modification, d’amélioration ou de simplification comme le demandent les entreprises. Je pense qu’il ne faut pas, en dépit de sa complexité, complètement renoncer à cette réforme, dont j’ai dit qu’elle a été appliquée trop rapidement compte tenu de sa vaste ambition mais qui constitue un progrès notable pour aider les entreprises dans un effort de transition indispensable.

Loin d’être en retard sur nos voisins pour ce qui concerne l’application de la directive CSRD, nous sommes très en avance. J’ai parlé de retard pour le sujet très particulier de la certification des comptes des collectivités territoriales qui, en France, ne sont pas certifiés mais contrôlés par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes – et encore, ponctuellement et peut-être pas aussi régulièrement qu’il le faudrait mais en fonction des moyens de la Cour. C’est dire l’utilité de l’expérimentation organisée par la loi, et l’intérêt, me semble-t-il, que la représentation nationale s’intéresse à nouveau à cette question.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Comment se dérouleront les enquêtes sur les certifications de durabilité ? Vous avez indiqué qu’une partie des commissaires aux comptes ne se soumettent pas à l’obligation légale de formation continue. Que fait-on, en pratique, quand on est confronté à un tel problème ?

Mme Florence Peybernès. Les enquêtes débuteront après que nous aurons commencé les contrôles qui nous permettront d’apprécier si le commissaire aux comptes a complètement accompli sa mission légale. Lorsqu’un contrôle montre des diligences insuffisantes, avant d’ouvrir une enquête nous faisons des recommandations au commissaire aux comptes et retournons le voir pour vérifier qu’elles ont été mises en œuvre, sauf si les manquements sont insupportables et que le dossier est vide, mais je ne l’imagine pas. Le même processus vaudra pour le contrôle de la juste application de la CSRD, et nous n’ouvrirons d’enquête que si nos recommandations n’ont pas été suivies d’effet. C’est pourquoi j’ai indiqué dans mes réponses écrites que nos enquêtes sur les questions relevant de la CSRD ne débuteront pas avant plusieurs années. Je vous ai aussi signalé que nous commencerons les contrôles de cette mission de certification cette année, une fois le dossier d’audit fermé par le cabinet.

J’ai déjà dit qu’en cas d’absence de formation professionnelle continue, nous relevons ce manquement et le portons au nombre des griefs invoqués lorsque les contrôles sont défaillants, car il y a souvent une corrélation avec un défaut de formation continue. J’ai aussi indiqué avoir obtenu dans l’ordonnance de décembre 2023 la possibilité d’utiliser la procédure simplifiée pour infliger des amendes, au bénéfice du Trésor public, aux commissaires aux comptes dont nous remarquerons que, de façon réitérée, ils ne se sont pas conformés à leur obligation de formation continue.

M. le président Éric Coquerel. Madame, je vous remercie.

 

 

 

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Denis Masseglia, rapporteur pour avis sur la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118)


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 26 mars 2025 à 9 heures 30

 

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Anne Genetet, Mme Félicie Gérard, M. Christian Girard, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Christophe Marion, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, M. Jimmy Pahun, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Alexandre Sabatou, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Bertrand Sorre

 

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Mickaël Bouloux, Mme Christine Pirès Beaune, M. Emmanuel Tjibaou, M. Gérault Verny

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Perrine Goulet, Mme Sophie Pantel, M. Antoine Vermorel-Marques