Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut conseil des finances publiques, sur le rapport sur le budget de l’État en 2024 et sur les avis du Haut conseil des finances publiques relatifs au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 et au rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2
– Présence en réunion...........................29
Mercredi
16 avril 2025
Séance de 11 heures
Compte rendu n° 102
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
M. le président Éric Coquerel. M. Pierre Moscovici, que nous auditionnons en sa double qualité de président du Haut conseil des finances publiques (HCFP) et de premier président de la Cour des comptes, est entendu à la fois sur :
– le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État pour 2024 ;
– la certification des comptes de l’État par la Cour des comptes ;
– l’avis du Haut conseil des finances publiques sur le rapport annuel d’avancement relatif au plan budgétaire et structurel national à moyen terme, que le Gouvernement va présenter aux institutions européennes ;
– l’avis du Haut conseil sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
Dans l’avis sur le projet de loi de règlement, le Haut conseil identifie un écart important entre le résultat de l’exécution et les orientations pluriannuelles de solde structurel. Il déclenche, en conséquence, le mécanisme de correction prévu à l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), ce qui devrait conduire le gouvernement à présenter soit les mesures permettant de retourner aux orientations de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), soit une nouvelle loi de programmation conforme à la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme.
Cette audition sera suivie de celle des deux ministres, Éric Lombard et Amélie de Montchalin. Ces travaux permettront de préparer le débat en séance publique relatif au plan budgétaire et structurel à moyen terme, qui aura lieu le mardi 29 avril.
M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, président du Haut conseil des finances publiques. Je m’apprête à vous présenter deux rapports de la Cour des comptes et de deux avis du Haut conseil. J’appelle votre attention sur un point : si le rapport sur le budget de l’État (RBDE) et la certification des comptes de l’État portent uniquement sur les finances de l’État, les deux avis du HCFP portent sur celles de toutes les administrations, donc sur un périmètre plus large. Cela peut donner, non pas des confusions dans les chiffres, mais l’impression que les conclusions sont légèrement différentes.
Nous tenons beaucoup à la publication de ces rapports et avis et à leur présentation devant vous, mesdames et messieurs les députés. C’est un moment important pour les débats publics.
Il y a quelques jours, le ministre de l’économie a annoncé une révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2025, de 0,9 à 0,7 point de PIB. En outre, les turbulences au niveau international pourraient connaître de nouvelles évolutions, comme l’a indiqué hier le premier ministre. Ces éléments s’ajoutent aux fragilités initiales de notre trajectoire de moyen terme, déjà soulignées par la Cour et par le HCFP, mais ne doivent pas nous en faire dévier.
Si je n’avais qu'un mot à dire, c’est qu’il est impératif de respecter le programme structurel à moyen terme, le PSMT, à commencer par l’objectif de déficit de 5,4 % en 2025. C’est une question de crédibilité, de souveraineté et de soutenabilité.
Je remercie toutes les personnes qui ont participé à la confection de ces avis et rapports, en particulier la présidente de la première chambre, Carine Camby, et Nicolas Carnot qui est le nouveau rapporteur général du Haut conseil des finances publiques.
Je commencerai mon propos par la présentation du RBDE, qui porte uniquement sur le budget de l’État. En février, je vous présentais notre rapport sur la situation d’ensemble des finances publiques. Il qualifiait l’année 2024 comme celle d’une dérive inédite des finances publiques, principalement en raison d’une forte dynamique des dépenses des collectivités locales et des dépenses sociales. Le constat était un peu plus nuancé s’agissant de l’État, et notre rapport publié ce jour le confirme.
Le RBDE revient sur le déficit budgétaire toujours très élevé de l’État, qui accroît le besoin de financement et la dette au terme d’un exercice 2024 chaotique. En l’occurrence, ce déficit a atteint 156 milliards. C’est un mauvais résultat. Il est supérieur de 9 milliards à l’objectif fixé en loi de finances initiale pour 2024. Certes, il s’améliore de 17,1 milliards par rapport à 2023. Mais c’est vraiment le minimum, car la quasi-extinction des mesures exceptionnelles prises pour faire face à la hausse des prix de l’énergie représente une moindre dépense de 17 milliards. Il reste très élevé et éloigné du niveau constaté avant la crise sanitaire, puisque je rappelle qu’en 2019, le déficit budgétaire était de 92 milliards. Il est aussi supérieur à celui de 2022, marqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine et la montée de l’inflation au lendemain de la crise du covid.
Ce niveau toujours très élevé de déficit a plusieurs causes. Il est principalement imputable à la conception même du projet de loi de finances pour 2024, lequel était établi sur des bases peu réalistes. Nous avions jugé que la prévision de croissance initiale de 1,4 % était élevée. C’était le moins que nous puissions dire, puisque le consensus des économistes était alors de 0,8 %.
La partie « recettes » reposait sur ces prévisions de croissance surestimées. Elle a été abaissée de 0,4 point dès février 2024. Elle reposait sur des prévisions, élaborées à l’été 2023, nettement trop optimistes quant à l’évolution spontanée des grands impôts – une sorte de double surestimation de la croissance et de son effet mécanique sur l’assiette des impôts, qui a entraîné un écart majeur entre prévisions et réalisation.
Dans sa partie « dépenses », la loi de finances initiale (LFI) manquait singulièrement d’ambition. À part la fin de quelques mesures exceptionnelles, aucune réforme structurelle n’était inscrite dans le projet de loi de finances en dépit des revues de dépenses qui avaient commencé dès le début 2023.
À ces deux faiblesses de la LFI, s’est ajoutée l’ombre portée des très mauvais résultats de l’exercice 2023. La dégradation n’a été pleinement mesurée qu’en fin d'année, ce qui explique que l’effet de base qu’elle a engendré ne pouvait être que partiellement anticipé. Cela a eu pour effet de rendre inatteignables les objectifs de la LFI pour 2024 avant même que commence l’exercice.
Dans ces conditions, une loi de finances rectificative, en février ou en mars 2024, eût été non seulement logique, mais nécessaire pour tirer les leçons des résultats de 2023 et sauver le solde de 2024 – et, avec lui, la crédibilité de notre trajectoire.
En faisant le choix de ne pas déposer de projet de loi de finances rectificative (PLFR) – choix que je n’ai pas à discuter et qui était peut-être contraint par une situation politique –, le gouvernement s’est privé du seul vecteur qui eût permis un réel ajustement des recettes. À la place, il a incontestablement engagé une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères. Il a même pris deux décisions contradictoires : d’un côté, en février, l’annulation de 10 milliards de crédits et de l’autre, en mars, le report entrant de 16 milliards de crédits. C’est ce qui nous fait caractériser la gestion d’erratique et souligner le pilotage à vue en matière de crédits budgétaires.
Par la suite, la succession de reports, de gels, de surgels et de « rabots » a donné, c’est vrai, des résultats visibles en matière de maîtrise des dépenses. Mais l’économie in fine n’est pas pérenne.
La conséquence de ce déficit très élevé est un besoin de financement et une dette de l’État qui continuent d’augmenter et atteignent des niveaux toujours plus préoccupants.
À 305 milliards en 2024, le besoin de financement de l’État est supérieur de 85 milliards au niveau d’avant la crise sanitaire. Dans ce contexte, l’encours de dette continue d’augmenter – c’est mécanique, avec un déficit permanent et croissant à financer –, pour atteindre 2 602 milliards en fin d’exercice. Il a ainsi progressé de 1 075 milliards en dix ans, et de près de 780 milliards depuis 2019. C’est colossal, et cela pose la question du coût de la dette dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés. Est intervenue, de surcroît, une dissolution de l’Assemblée qui a été sanctionnée par les marchés avec une augmentation des intérêts décaissés de près de 5 milliards, pour atteindre 46,5 milliards – je ne parle que de l’État.
Je rappelle, à cet égard, que la dernière mesure des taux français à dix ans était de 3,26 % et que le spread avec l’Allemagne est toujours à près de 80 points de base. Nous ne sommes plus dans une décennie miraculeuse, quand les taux baissaient tellement que la dette augmentait sans que son coût se ressente. C’est tout l’inverse, et cela va aller en s’accélérant. Je mets cela dans votre viseur, mesdames et messieurs les députés : on en parle moins que du déficit, qui correspond à la nouvelle dette, mais d’ici 2030, l’État devra avoir renouvelé 50 % de son encours, soit 1 300 milliards. Il le fera à un taux d’intérêt très supérieur à celui qui avait été émis il y a dix ans, ce qui aura sans aucun doute un impact sur le service de la dette.
Notre rapport analyse ensuite plus finement les composantes de ce solde.
Je débuterai par les recettes fiscales. Après une nette baisse de plus de 7 milliards en 2023, elles augmentent légèrement en 2024, ce qui les porte à 325,7 milliards. Cette progression est à relativiser. Elle est d’abord très modeste, puisqu’elle est inférieure à la croissance du PIB. Elle est ensuite uniquement tirée par des hausses d’impôts, et non par une dynamique d’ensemble.
Au-delà de cette relative progression par rapport à 2023, le plus frappant est que les recettes fiscales en 2024 sont, je ne vous apprends rien, très nettement inférieures aux prévisions de la loi de finances. Depuis cinq ans environ, des écarts importants sont constatés entre les prévisions et l’exécution des recettes fiscales, mais les mauvaises surprises en matière de recettes ont particulièrement marqué ces deux dernières années. L’écart considérable constaté en 2024 provient de multiples facteurs. Selon notre estimation, il s’explique aux deux cinquièmes par l’effet de base des mauvais résultats de 2023, les trois cinquièmes restants provenant de l’optimisme des prévisions en LFI pour 2024.
L’évolution spontanée, plus faible que prévu, a pesé sur les recettes fiscales nettes à hauteur de 19,2 milliards, dont 10,2 milliards sur le seul impôt sur les sociétés pour n’en citer qu’un. L’écart de prévision concernant cet impôt est considérable. Il représente 17,8 % de son produit final. En miroir, les mesures nouvelles de périmètre et de transfert de fiscalité ont permis d’augmenter les recettes fiscales nettes de 3,6 milliards, soit 5,6 milliards au-dessus de la prévision de la LFI pour 2024.
Comme je l’ai précisé devant votre commission d’enquête, dont les résultats ont été dévoilés hier, il est inconcevable de conserver de telles incertitudes dans les prévisions qui sous-tendent nos trajectoires de finances publiques. Il faut impérativement revoir notre façon d’élaborer nos prévisions. J’y reviendrai dans la présentation de l’avis du HCFP.
Une exigence de réalisme et une forme de prudence doivent guider les prévisions macroéconomiques. On sait toujours que faire d’une bonne surprise, tandis que les mauvaises surprises sont de plus en plus complexes à absorber. C’est une question de lucidité et de volonté politique. La volonté politique, c’est peut-être ce que l’on cherche pour réduire effectivement et durablement les dépenses de l’État en 2024. La normalisation du contexte économique, à l’automne 2023, aurait dû conduire à une action résolue pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires et intégrer les économies structurelles inspirées par les revues de dépenses déjà lancées par le gouvernement. Force est de constater que cela n’a pas eu lieu. Les dépenses de l’État ont certes diminué de 11,3 milliards, pour s’établir à 443,4 milliards. Mais cette baisse s’explique d’abord par la résorption des dispositifs exceptionnels de soutien face à la hausse des prix de l’énergie, pour 17,3 milliards, ensuite par de bonnes surprises, notamment la diminution de la charge de la dette grâce à l’inflation.
En parallèle, les autres dépenses ont augmenté de 10,6 milliards, presque autant qu’en 2023. Pour être clair, concernant le cœur de la dépense, ce n’est pas bon.
Au-delà de ces grandes masses, le pilotage que nous qualifions à vue du gouvernement et la gestion erratique des dépenses ont permis d’annuler un total de 17,8 milliards de crédits sur l’année. Mais ces annulations ont en partie servi à compenser le dépassement de certaines dépenses, à hauteur de 8 milliards. Seule la différence, soit près de 10 milliards, a permis de limiter l’ampleur du dérapage, sans toutefois l’empêcher.
Nos analyses convergent vers un impératif – toujours le même, que je ne cesserai de répéter et de marteler jusqu’à ce qu’il soit pris en compte : il est urgent que l’exercice des revues de dépenses engagé début 2023 prenne enfin l’ampleur et la portée nécessaires pour enclencher une véritable révolution, en tout cas une profonde évolution de la dépense publique, qu’il permette de renforcer la qualité de cette dépense, et qu’il étaye de manière crédible le projet de loi de finances pour 2026 dont la préparation, si j’ai bien compris, commence maintenant.
Nous faisons une recommandation en ce sens, dans notre rapport. Dans le contexte du plan d’action pour améliorer le pilotage des finances publiques annoncé par le gouvernement en mars, il serait utile d’inclure dans les documents budgétaires, pour chaque mission, un tableau qui récapitulerait l’évolution de la dépense entre la loi de finances initiale de l’exercice et le projet de loi de finances pour l’exercice suivant, avec trois facteurs : l’évolution tendancielle des dépenses, les dépenses nouvelles et les économies proposées. Cela semble simple, mais aurait le mérite de la lisibilité de la politique budgétaire, qui doit reposer sur des choix explicites et transparents. Ce serait très utile à la représentation nationale.
J’en viens à la certification des comptes de l’État.
La certification consiste à donner une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. C’est une prérogative de puissance publique déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l’État et de la sécurité sociale. La Cour dédie des moyens importants à cette mission consacrée par la LOLF. Elle donne l’assurance au Parlement, et plus largement aux citoyens, que les comptes de l’État sont réguliers, sincères et fidèles, comme exigé par l’article 47.2 de la Constitution. C’est une mission au service de la transparence des chiffres pour les citoyens.
Je suis désolé et, pour être honnête, franchement agacé que pour la dix-neuvième année consécutive, les comptes de l’État ne soient pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives. Notre rapport, intitulé « Acte de certification », mentionne cinq anomalies significatives, c’est-à-dire des points pour lesquels nous estimons que les comptes sont sous-évalués ou surévalués de plusieurs milliards. Il mentionne également onze insuffisances d’éléments probants ou des incertitudes – c’est-à-dire des points pour lesquels nous sommes incapables de réconcilier les chiffres qui figurent dans les comptes avec ce que nous savons, par ailleurs, des finances de l’État. Il y a, au total, plusieurs dizaines de milliards de différences. Deux incertitudes ont disparu par rapport à l’opinion de 2023, mais deux nouvelles sont apparues.
Les points qui fondent l’opinion avec réserves de la Cour peuvent se répartir en deux catégories : ceux pour lesquels la fiabilisation des chiffres requiert d’importants travaux de l’administration, et ceux qui correspondent à un refus persistant de l’administration d’appliquer les principes et les normes comptables communément acceptés. Il est compréhensible que l’administration ne puisse pas mener de front tous les travaux qui permettent d’améliorer la fiabilité des chiffres, mais il est anormal qu’elle se refuse à corriger des anomalies de comptabilisation.
J’aimerais vous faire part, mesdames et messieurs les députés, non pas de ma mauvaise humeur, mais de ma très mauvaise humeur s’agissant des suites, ou plutôt de l’absence systématique de suites données à la certification que nous publions annuellement. Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées. Elles devraient, au contraire, faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour les faire disparaître. Nous jouons le rôle de commissaire aux comptes de l’État de la sécurité sociale. Je n’ai pas eu une longue expérience dans le privé, mais j’ai fréquenté suffisamment d’entreprises pour imaginer une grosse entreprise – nous en sommes une – dont le commissaire aux comptes refuserait de certifier les comptes ou le ferait avec des réserves importantes, et dans laquelle les organes de gouvernance de la boîte diraient « on s’en fiche » – c’est bien ce qui se passe là. Ce n’est pas possible !
Dans ces conditions, la Cour s’interroge sur l’évolution de sa position à l’occasion des comptes de 2025. La logique d’accompagnement des efforts de l’administration, qui a été la sienne depuis la première publication des comptes de l’État en 2006, a peut-être – et même sans doute – atteint ses limites. En l’absence de progrès significatifs en 2025, notamment concernant la résolution des anomalies significatives, la Cour pourrait être amenée à tirer des conclusions, dans son opinion, en cohérence avec les normes internationales auxquelles elle se réfère. Autrement dit, elle pourrait refuser de certifier les comptes de l’État et de la sécurité sociale. J’ai écrit, hier, une lettre en ce sens aux deux ministres chargés de l’économie et des comptes publics. Franchement, pardonnez-moi ce « mauvais poil », cela suffit ! Ce n’est pas possible. Nous nous consacrons à cette mission, qui nous vient de la Constitution et de la loi, des moyens significatifs. Nous produisons des états sérieux. Cela doit être respecté.
Parallèlement à ces deux rapports, le Haut conseil des finances publiques a rendu aujourd’hui même deux avis.
Je débuterai par celui relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, le PLRG. Dans cet avis, je me permets de dégager trois messages.
D’abord, je reviens sur l’ampleur de la dégradation des comptes publics en 2024 qui constitue, je le redis, une année noire pour nos finances publiques. Le déficit public de toutes les administrations a continué de se creuser. Il a augmenté de 0,4 point de PIB, pour s'établir à 5,8 points, soit presque 170 milliards à la fin de l’année 2024. Pour mémoire, il était de 5,4 points de PIB en 2023 et de 2,4 points de PIB avant la crise sanitaire. Dans le détail, les dépenses publiques ont connu une hausse de 3,9 % en valeur. En volume, le cœur de la dépense, c’est-à-dire la dépense hors charges d’intérêts et hors mesures exceptionnelles de soutien de crise, a connu sa plus forte progression des dix dernières années. En parallèle, la croissance des prélèvements obligatoires de 2,4 % est moins forte et moins rapide que celle du PIB. In fine, la dette grimpe de 3 points et s’établit à 113 points de PIB – pendant une période où, au contraire, tous nos partenaires, y compris les plus proches comme l’Allemagne qui avait des comptes très sains et l’Italie qui est en train d’assainir les siens, ont consenti des efforts considérables. Nous avons continué comme si le « quoiqu’il en coûte » se poursuivait après les crises – la crise sanitaire, où il était entièrement justifié, puis la crise énergétique et inflationniste, où il était pour nous moins justifié. Bien que nous soyons hors crise, la dette continue à filer et elle file plus que jamais.
Notre alerte tient en quelques mots : le PLF pour 2024, qui avait vocation à amortir cette dégradation, est une occasion manquée.
Le Haut conseil a examiné les facteurs qui expliquent cet écart considérable hors période de crise. Il tient avant tout aux prélèvements obligatoires. L’écart avec les prévisions en matière fiscale est de 40 milliards, dont plus de 20 milliards pour les recettes fiscales nettes de l’État que j’évoquais tout à l’heure. Il s’explique pour moitié par le résultat dégradé en 2023, plus attendu qu’en PLF pour 2024, mais aussi, pour l’autre moitié, par des rendements plus faibles que prévu.
Ce phénomène est particulièrement marqué pour deux impôts : l’impôt sur les sociétés (IS), avec un écart de 15 milliards, et la TVA, avec une différence de 12 milliards. Le HCFP avait déjà donné l’alerte sur les hypothèses particulièrement optimistes du gouvernement concernant la TVA, tant en progression spontanée que pour les hypothèses de croissance. L’écart en matière d’IS n’était pas prévisible. Néanmoins, on peut constater – j’imagine que cela fait partie de vos travaux – que l’on a perdu contact avec le rendement de l’IS. Il faut absolument améliorer la prévision en la matière et trouver des signaux de la situation des entreprises qui permettent d’anticiper ce type de dégradation.
L’autre facteur tient aux dépenses, plus élevées qu’anticipées, avec un écart de plus de 13 milliards par rapport au PLF pour 2024. Sur ces 13 milliards, plus de 7 milliards résultent du dynamisme des dépenses locales, dont la quasi-totalité concerne les dépenses de fonctionnement – même si j’entends souvent le côté local affirmer, et c’est vrai, qu’il est le premier investisseur du pays. Le Haut conseil avait noté, dans son avis, que les prévisions d’une baisse de 0,5 % pour 2024 étaient optimistes et n’étaient pas fondées sur des mécanismes de concertation ou contraignants avec les collectivités locales. Si l’on veut que celles-ci soient vraiment incitées à réduire leurs dépenses, il faut trouver les voies et moyens pour que des mécanismes le garantissent. Sinon, il n’y a pas de garde-fou.
En résumé, l’aggravation très préoccupante de nos finances publiques nous retarde dans le redressement de nos trajectoires, malgré la gravité de la situation et l’entrée de la France en procédure pour déficit excessif au titre de 2023.
Le second message concerne le déclenchement du mécanisme de correction prévu par la loi organique sur les lois de finances. Lorsque le déficit structurel au cours de l’exercice est supérieur de plus de 0,5 point de PIB à la cible prévu par la LPFP, l’écart doit être considéré comme important au sens de la LOLF et le mécanisme de correction doit être activé. C’est manifestement le cas pour l’exercice 2024, puisque l’écart entre le déficit structurel réalisé de 5,2 points de PIB et le déficit structurel prévu par la LPFP de 3,7 points s’élève à 1,5 point.
Par ailleurs, en 2024, les circonstances exceptionnelles reconnues par le pacte de stabilité et de croissance et qui prévalaient après la crise ne s’appliquaient plus. C’est ce qui explique l’entrée de la France en procédure pour déficit excessif. L’activation de ce mécanisme de correction contraint théoriquement le gouvernement à présenter des mesures pour réduire de façon significative le déficit structurel et revenir aux objectifs de la LPFP. Or on est obligé de constater que sa trajectoire est devenue obsolète dès sa première année d’entrée en vigueur, compte tenu du dérapage majeur des finances publiques en 2023. Les effets de ce mécanisme risquent donc d’être virtuels, ce qui montre une faille dans notre gouvernance.
Ce n’est pas du côté du mécanisme de correction qu’il faut trouver des voies et moyens. Il serait utile que le gouvernement présente une nouvelle loi de programmation, conforme à la trajectoire du PSMT. Je ne méconnais pas les difficultés pour ce faire, mais je suis là pour remplir notre mission selon les termes de la loi organique.
J’en viens au troisième message important de notre avis sur ce PLRG. Le Haut conseil a examiné pour la première fois la présence de biais dans les prévisions macroéconomiques et de finances publiques, en application de la loi organique modifiée en 2021 et de la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut conseil des finances publiques que vous avez votées. Nous avons apprécié les écarts aux prévisions sur vingt ans.
Le premier constat est celui d’un biais positif dans les prévisions de croissance du gouvernement, notamment concernant la consommation des ménages. En moyenne, hors les années de crise 2009, 2020 et 2021, la prévision de croissance du gouvernement est supérieure de 0,4 point de PIB à la croissance réalisée. Je me félicite que ce biais soit légèrement réduit, depuis la création du HCFP, à 0,3 point de PIB. Cela incite le gouvernement à plus de réalisme dans ses prévisions. Mais ces prévisions restent malgré tout un peu optimistes en moyenne, ce qui montre qu’on ne peut pas en rester là et qu’il faut améliorer les conditions de prévision. C’est d’ailleurs l’objet de votre commission d’enquête.
S’agissant des seules années 2021-2024, sur lesquelles nous avons mis une focale plus précise, le Haut conseil observe que la prévision de croissance a eu tendance à excéder la réalisation. Il note, cependant, que le début de cette période a été marqué par les crises sanitaires puis énergétiques, ce qui justifiait le maintien de la clause de circonstances exceptionnelles. Dans ce contexte, le Haut conseil ne conclut pas à une distorsion importante des prévisions de croissance sur ces quatre années. Nous ne pouvions pas faire le même constat pour la prévision de croissance pour 2024, compte tenu du fait qu’elle était exagérément optimiste dès la base.
S’agissant des prévisions de finances publiques, les écarts entre prévisions et réalisation sont moins marqués sur la longue durée. Les prévisions de solde public du gouvernement se situent en moyenne, hors années de crise, à un niveau proche de leur réalisation. En incluant les années de crise, l’écart moyen entre prévisions et réalisation du solde public est de 0,6 point de PIB. Toutefois, en l’absence de crise majeure, l’écart a été très élevé ces deux dernières années, à 0,5 point de PIB en 2023 et 1,4 point de PIB en 2024, ce qui montre leur caractère extraordinaire, au sens propre du terme.
Face à ces constats, nous avons le devoir collectif d’être plus lucides, plus responsables et plus réalistes dans l’établissement des prévisions. C’est un exercice difficile, personne ne le nie. Nous devons « ouvrir le capot » des mécanismes que nous utilisons, pour nous interroger sur la performance et sur l’adaptation au contexte particulier des dernières années. A minima, il faudrait engager des études pour consolider les modèles de prévision, non seulement en matière d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de TVA, mais aussi pour les autres recettes fiscales de l’État. Le poids de ces dernières augmente, alors que l’État ne perçoit désormais qu’une part minoritaire des recettes de TVA, le reste étant transféré.
Mais cela n’explique pas tout. L’indépendance des prévisions doit aussi être mieux garantie de manière systémique. J’ai cru comprendre que telle n’est pas totalement la conclusion de la commission d’enquête et la vôtre, monsieur le président. Je me permets d’exprimer l’opinion du Haut conseil. Étant très informé de ce sujet, puisqu’au cours des douze dernières années, j’en ai passé deux à Bercy comme ministre des finances, cinq à la Commission européenne comme commissaire en charge et cinq à la Cour des comptes, je crois qu’il faut libérer cet exercice de tout volontarisme excessif du gouvernement – et de tout gouvernement, car c’est une tendance assez naturelle que de croire en ce qu’on fait et de vouloir le pousser en avant.
Cela rendra à l’administration sa capacité à travailler de façon sereine et objective. Dans l’Union européenne, c’est le rôle précis des institutions budgétaires indépendantes, donc du HCFP en France, de garantir la qualité des prévisions et de les tenir éloignées d’une forme d’hubris du politique, plus ou moins poussée, mais toujours un peu naturelle.
C’est la raison pour laquelle nous préconisons de renforcer le rôle du HCFP, pour le rendre plus contraignant. Un éventail de solutions existe. Je suis convaincu qu’un processus de validation des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du gouvernement par le HCFP devrait être instauré, a minima selon un mécanisme de comply or explain, c’est-à-dire appliquer ou expliquer. Ainsi, en cas de réserve du Haut conseil concernant une prévision, le gouvernement serait tenu de la rectifier ou d’expliquer pourquoi il ne la modifie pas, notamment devant vous et dans un délai compatible avec les délais parlementaires. On pourrait aller plus loin, mais c’est le minimum.
Il conviendrait également d’élargir et de renforcer le mandat du HCFP, ainsi que son accès à l’information. Il est nécessaire de lui laisser des délais réalistes pour rendre ses avis et de supprimer son interdiction d’autosaisine, qui restreint son accès aux informations les plus utiles. Je crois d’ailleurs que, sur ce point, votre commission d’enquête est arrivée aux mêmes conclusions en préconisant de renforcer l’information du Haut conseil et du Parlement et de supprimer l’interdiction d’autosaisine du HCFP.
Le Haut conseil est avant tout un allié du Parlement. S’appuyer sur lui permet d’avoir l’avis objectif d’un tiers de confiance. Je ne comprends pas pourquoi garder le monopole à Bercy serait, en la circonstance, la solution la plus appropriée. Je plaide, par ailleurs, depuis plusieurs années pour étendre le mandat du HCFP à une compétence d’analyse de la soutenabilité de la dette. Cela contribuerait à renforcer la crédibilité du cadre des finances publiques, et serait en ligne avec la nouvelle gouvernance européenne, laquelle repose précisément sur cette analyse de soutenabilité.
J’en termine par l’avis sur le rapport d’avancement annuel (RAA) du PSMT adopté en Conseil. Le Haut conseil a été saisi le 21 janvier de ce document qui remplace l’ancien programme de stabilité. Je salue le choix du gouvernement d’avoir saisi le Haut conseil pour avis sur ce rapport, alors que les règles européennes ne l’imposaient pas. Ce choix de transparence est salutaire. De la même manière, je m’étais félicité d’être saisi du PSMT initial en octobre. Toutefois, je regrette les conditions très dégradées dans lesquelles nous avons été sollicités pour rendre cet avis, dans le délai extrêmement réduit de six jours, inférieurs au délai minimal de sept jours pour d’autres avis, avec des changements de calendrier de dernière minute. Cela fragilise l’exercice de la mission du Haut conseil, qui a besoin de bonnes conditions de travail pour être pleinement utile.
Avant d’aborder le cœur des messages du Haut conseil dans cet avis, je souligne que le PSMT fixe la trajectoire de dépenses primaires nettes, dont le respect doit nous permettre de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB pour la période 2025-2029, tandis que les programmes de stabilité entérinaient, année après année, les déviations constatées – ce qui manquait de crédibilité. Cela signifie que le RAA est centré sur le suivi de l’exercice passé et que les quelques informations pour 2025 sont limitées.
Nous avons quatre messages.
D’abord, dans un environnement macroéconomique international incertain, la prévision de croissance abaissée de 0,9 % à 0,7 % n’est pas hors d’atteinte, même si nous soulignons l’accumulation du risque à la baisse. Le réalisme des prévisions macroéconomiques du gouvernement doit, en effet, être apprécié au regard d’un haut niveau d’incertitude, avec les annonces tarifaires, le contexte en Ukraine ou l’escalade entre les États-Unis et la Chine. Je ne formule donc pas la même observation que l’an dernier, quand cette prévision était de 1,4 %. Pour autant, le taux de 0,7 % dépasse les prévisions de certains organismes comme Rexecode et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous avons auditionnés, ainsi que celles du consensus des économistes.
Par ailleurs, la croissance française est exposée à une accumulation de risques à la baisse en 2025, ce qui pourrait la fragiliser. D’autres hypothèses qui composent ces prévisions macroéconomiques pour 2025 apparaissent, elles aussi, légèrement teintées d’optimisme, en particulier celles d’une inflation à 1,4 %, d’une croissance de la masse salariale de 2 % et d’une évolution du salaire moyen de 2,4 %. On a corrigé les biais massifs, mais ces prévisions restent un peu hautes. Or quand les prévisions sont un peu optimistes, le résultat risque d’être un peu dépassé. Il serait bon qu’à un moment donné, on soit vraiment réaliste, voire prudent.
Ensuite, notre deuxième message porte sur les prévisions de finances publiques.
L’objectif de déficit de 5,4 points de PIB peut être tenu, mais il est loin d’être acquis. Concernant les prélèvements obligatoires, le gouvernement prévoit une hausse de recettes de 2,1 %, qui repose pour près de la moitié sur des mesures nouvelles à instaurer cette année, à hauteur de 23 milliards, dont certaines sont réputées temporaires. L’autre moitié repose sur une prévision d’évolution spontanée des recettes un peu élevée et l’abandon d’hypothèses de prudence s’agissant du rendement de certains prélèvements. Nous estimons que les marges de prévision en recettes apparaissent limitées et que les rendements des prélèvements obligatoires seraient directement exposés en cas de concrétisation de risques macroéconomiques ou de mauvaises surprises. Elles ont été mieux évaluées que l’an dernier, mais elles restent un peu optimistes.
La prévision des dépenses table sur une progression de 1,3 % en volume. Bien que moins élevée qu’en 2024, elle ne permettrait pas de réduire le poids des dépenses publiques dans le PIB. On est obligé de constater que les dépenses ne seraient vraiment contenues que pour l’État, à 0,5 point en volume – ce qui sera renforcé avec la loi de finances et les mesures de gel annoncées. Cela laisse peu de marge de manœuvre pour le financement de dépenses imprévues, par exemple dans le secteur de la défense pour lequel le premier ministre a annoncé un effort de quelque 3 milliards supplémentaires pour l’an prochain.
En résumé, l’ajustement du déficit public de 5,8 à 5,4 % requiert une stricte maîtrise des dépenses directement pilotables par l’État et des dépenses sociales, mais aussi la poursuite du ralentissement récent des dépenses locales. Il est donc un peu optimiste. En tout cas, c’est tenable, même s’il y a des risques là aussi.
En conséquence, la dette publique progresserait encore de 3 points de PIB, pour atteindre le ratio de plus de 116 points de PIB, qui est économiquement et moralement insoutenable. Comme le disait le premier ministre hier, on ne peut pas faire supporter nos dépenses quotidiennes aux générations actuelles et futures.
J’en arrive au troisième message de notre avis. Il porte sur le respect, ou plutôt le non-respect, de la trajectoire de croissance de la dépense primaire nette – lequel est un engagement à l’égard de l’Europe. Le taux de croissance de la dépense primaire nette est prévu à 0,9 point en valeur, tandis que le Conseil plafonnait cette hausse à 0,8. C’est un peu plus. Or il nous semble que le gouvernement devrait respecter strictement la limite d’évolution annuelle.
Enfin, le Haut conseil s’est penché sur la trajectoire du PSMT pour les années 2026-2029, malgré les informations assez logiquement limitées dont nous disposons. Nous faisons un double constat. D’une part, la trajectoire de diminution des déficits sous le seuil des 3 % du PIB à l’horizon 2029 requiert des efforts qui devront être répartis entre les administrations publiques. D’autre part, le respect de ces trajectoires nécessite l’application de réformes et d’investissements nécessaires au soutien de la croissance et de l’emploi.
Compte tenu des nombreuses alertes que j’ai mentionnées, l’exercice de prévision économique appelle beaucoup de modestie, a fortiori à un horizon de moyen terme. Le scénario de PIB potentiel qui est présenté – 1,2 % jusqu’en 2028 puis 1 % en 2029 – nous apparaît raisonnable. En théorie, nous n’avons d’autre choix que de poursuivre les réformes, car elles sont la condition d’une certaine flexibilité dont la France bénéficie pour son PSMT actuel, notamment la période étendue à sept ans pour lisser les efforts.
S’agissant du scénario de finances publiques, le déficit continuerait de baisser jusqu’à moins de 3 % en 2029. En revanche, le ratio d’endettement continuerait de s’accroître en 2026 et 2027, et son infléchissement ne débuterait qu’à partir de 2028. Cela permettrait de garder à peu près le contrôle des finances publiques tout en finançant des investissements prioritaires, sans affecter notre potentiel de croissance. Mais, le Haut conseil réitère ses précédentes alertes : les mesures nécessaires à l’atteinte de ces objectifs particulièrement exigeants restent entièrement à préciser et crédibiliser. Compte tenu de l’ampleur des économies nécessaires, ne vous y trompez pas, mesdames et messieurs les députés, des efforts doivent être continus et renouvelés chaque année. Les ajustements structurels à effectuer sont considérables : 0,9 point en 2026 et 0,7 point par an jusqu’à la fin de la période. Pensez aux efforts qui sont faits pour passer de 5,8 à 5,4 % cette année. C’est un défi !
Mais, je ne cesserai de le marteler et de le répéter, nous n’avons pas le choix. Cette trajectoire, que je sais compliquée et que nous savons fragile à plusieurs égards, doit impérativement être respectée. Il faut en franchir chaque marche, année après année, bien que chacune d’entre elles soit très abrupte.
Je voudrais rappeler quelques principes qui peuvent guider notre action collective – étant entendu qu’en démocratie, ce n’est pas à une institution indépendante, mais à vous, mesdames et messieurs les parlementaires, de fixer les objectifs, les voies et les moyens pour respecter notre trajectoire budgétaire, en lien avec le gouvernement. Ces principes sont les suivants : la lucidité quant à notre situation, la nécessaire volonté politique de la traiter – qui semble réelle, enfin ! –, l’alliance du réalisme et de la prudence s’agissant des prévisions économiques de notre trajectoire, et l’indispensable révolution de la dépense publique, qui requiert des économies intelligentes et structurelles. Ni « tronçonneuse » ni « rabot » – les coups de rabot sont rarement efficaces et jamais constructifs.
M. le président Éric Coquerel. Vos commentaires concernant la certification des comptes de 2024 ne sont pas étonnants. Vous constatez, en partie, les écarts que nous avons analysés en commission d’enquête.
Je ne nie pas le rôle du politique dans les prévisions que je trouve optimistes. En revanche, je n’en tire pas les mêmes conclusions que vous. C’est surtout le fait que le politique se soit trompé quant aux effets de sa politique économique qui explique ces écarts. Certes, peut s’y ajouter le fait d’avoir voulu enjoliver la situation en fonction de telle échéance électorale, ou de tel examen du budget à l’Assemblée. Mais c’est principalement la politique économique menée qu’il faut interroger. En tout cas, c’est mon interprétation et j’en conclus que la politique économique doit être mise à l’épreuve. À partir du moment où les chiffres constatés ne correspondent pas à ceux avancés par le gouvernement, le HCFP et l’Assemblée devraient pouvoir interpeller ce dernier de manière presque réglementaire et obtenir des réponses. Cela me semble nécessaire.
Le fait que les chiffres soient fournis par une institution indépendante n’abrite pas de tout biais idéologique. Certes, le gouvernement interprète les chiffres en fonction de sa croyance dans sa politique. Mais personne n’en est exempté – pas même l’Assemblée ou le HCFP. Il n’existe pas d’objectivité, en la matière.
J’en viens à mes questions.
Pour l’exercice 2024, la Cour des comptes rappelle, dans son rapport sur le budget de l’État, que le dérapage du déficit s’explique par la politique de baisse des prélèvements obligatoires. Vous notez une chute des recettes de l’État, en précisant que « cette configuration est rendue possible par le poids des transferts de TVA, alors qu’elle constitue le principal impôt de rendement indexé sur la croissance économique : ces transferts fragilisent les recettes fiscales de l’État ». En effet, la dynamique des recettes de l’État (+ 0,9 %) est plus faible en euros courants que celle de l’activité économique (+ 3,5 %). Elle est même en deçà de l’inflation. Ce constat est préoccupant. La croissance ne permet plus d’augmenter le niveau des recettes. Pire, elle baisse après la prise en compte de l’inflation.
En parallèle, vous pointez le niveau alarmant des dépenses fiscales, à 90 milliards, et soulignez « l’urgence impérieuse de restaurer les mécanismes de frein » et « d’intégrer pleinement les mesures fiscales aux revues de dépenses ». Ne pouvons-nous pas considérer que les mesures fiscales de ces dernières années sont responsables de ce décrochage entre les recettes et la croissance ?
Depuis 2017, une succession de mesures ont été appliquées en faveur des plus riches, pour diminuer leur niveau de prélèvement. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) indique, par exemple, que 90 % du bénéfice du prélèvement forfaitaire unique (PFU) est concentré sur le 1 % des plus riches. Finalement, la dégradation du déficit ne s’explique-t-elle pas par l’absence des effets de ruissellement attendus ?
Par ailleurs, votre rapport est clair : en 2024, le gouvernement aurait dû déposer un PLFR. Je suis d’accord avec vous. En l’absence d’un tel texte, la Cour considère que « le gouvernement s’est privé du seul vecteur qui eût permis un ajustement des recettes et a déployé, à défaut, une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères ». Le contenu du rapport sur ce point est intéressant, puisque la semaine dernière, la ministre chargée des comptes publics a annoncé recourir en 2025 à ce même choix que vous regrettez. Ainsi, 3 milliards d’euros de crédits devraient être prochainement annulés et un surgel de 2 milliards sera appliqué en plus de la mise en réserve initiale de 8,7 milliards. Alors qu’une fois encore, nous avons un problème de recettes, estimez-vous que ce choix risque de conduire de nouveau à un pilotage erratique des crédits, sans analyse des marges de manœuvre disponibles et au prix de décisions parfois contradictoires ? Le gouvernement n’aurait-il pas intérêt à présenter un texte au Parlement, pour éviter un nouveau dérapage des finances publiques ? Je suis assez inquiet face à l’idée qui consiste à geler, geler, geler – ce ne sont pas des annulations en tant que telles –, puis à regarder dans le rétroviseur avec la loi de fin de gestion. La situation mériterait plutôt d’être éclairée par un PLFR.
Par ailleurs, dans son avis sur le RAA du PSMT, le HCFP a été moins sévère qu’en avril. Pour autant, vous continuez de noter un optimisme, alors même que les travaux de la commission d’enquête, présentés hier, ont montré le rôle de cet optimisme dans la dégradation des comptes. Si la croissance a été révisée à 0,7 %, vous indiquez qu’elle conserve, comme celle du PLF amendé, un caractère légèrement optimiste. « La cohérence de cette hypothèse avec le fort ajustement budgétaire envisagé (+ 0,7 point de PIB et même + 0,9 point de PIB en matière de solde structurel primaire) peut être questionnée. La prévision du gouvernement table en contrepartie sur une nette accélération de la demande intérieure privée, non détaillée dans les éléments présentés, et un effet multiplicateur de l’ajustement de l’ordre de deux tiers. Bien que concevables, ces hypothèses, qui ne sont pas élaborées dans les éléments fournis, sont loin d'être acquises. » Devons-nous comprendre que le gouvernement n’a pas complètement retenu les leçons des exercices 2023 et 2024 et que de nouveaux écarts risquent d’être constatés ?
Enfin, l’avis du HCFP sur le RAA relève que pour respecter le plan budgétaire et structurel national à moyen terme adopté pour la France, qui repose sur une période d’ajustement étendue à sept ans, la contrainte sur le taux de croissance maximale de la dépense primaire nette devra être resserrée en 2026 à seulement 0,7 % et qu’à l’inverse, l’évolution de la dépense primaire nette en 2025 sera légèrement supérieure à celle requise par la Commission, à + 0,9 % contre un plafond de + 0,8 %. Il s’inquiète, en conséquence, du fait que ce léger dépassement en 2025 réduise la marge de précaution de la France vis-à-vis de ces nouvelles règles. Au-delà de cette inquiétude, faut-il en déduire que la France pourrait être, à court terme, susceptible de méconnaître les exigences de la procédure pour déficit excessif dans laquelle elle est placée ?
Ma dernière question sort du champ de notre discussion, et concerne votre passage, hier, sur BFM TV. Vous avez appelé à lutter contre la fraude sociale en affirmant qu’il n’y a « pas grand-chose à gratter » du côté de la fraude fiscale. J’en suis étonné, compte tenu du prorata entre la fraude sociale et la fraude fiscale. Pouvez-vous m’éclairer sur cette affirmation qui me laisse dubitatif ?
M. Pierre Moscovici. Je serai bref concernant votre première question, car j’obéirai à votre propre injonction d’éviter tout biais idéologique, qui n’est pas dans la fonction du Haut conseil et de la Cour des comptes. On a assisté à un décrochage très fort en matière de recettes, pour la TVA comme pour l’impôt sur les sociétés. Dans le cas de la TVA, il n’était pas complètement imprévisible. Quant à l’impôt sur les sociétés, il faut rétablir le lien avec sa prévisibilité, ce qui n'est pas totalement impossible en prenant un certain nombre de mesures – ce que, je crois, le gouvernement s’apprête à faire. Pour le reste, les choix fiscaux appartiennent au gouvernement et sont validés, ou non, par la représentation nationale. Je n’ai pas de commentaire à faire au titre du HCFP ou de la Cour des comptes.
Pour ce qui est d’un PLFR, nous estimons que c’était le seul vecteur possible pour permettre un ajustement structurel, en particulier pour les recettes. C’est pour cela que nous nous permettons de l’écrire. Il eût vraiment fallu un PLFR en février ou en mars 2024. C’était indispensable, dès lors que l’on a connu le résultat de la gestion en 2023. Pour la suite, nous parlons de gestion erratique et de pilotage à vue. Il y a incontestablement eu un pilotage serré de la dépense publique. C’est l’argumentation du gouvernement, elle se défend. Ce pilotage a été fait à coup de gels, de surgels, d’annulations ou d’utilisation du « rabot », ce qui n’est jamais le plus intelligent, et surtout, ne permet pas de dégager des économies pérennes in fine.
Vous demandez aussi si le gouvernement a pris en compte les leçons des années passées. En très grande partie, oui. Notre avis n’a pas la même tonalité qu’il y a un an, quand nous soulignions l’absence de crédibilité et même l’incohérence des prévisions de l’époque. Elles ne tenaient pas la route. Cette fois, on peut considérer que le gouvernement se rapproche d’exigences plus importantes de réalisme et fait preuve de davantage de prudence. Mais, comme je l’ai indiqué, on n’y est pas encore tout à fait. Les prévisions restent à chaque fois « un tout petit peu » élevées, » un tout petit peu » optimistes, « un tout petit peu » ceci, « un tout petit peu » cela. Et l’addition de ces « tout petit peu » crée quelques risques, sur la croissance, sur les prévisions, sur les recettes et donc sur les déficits. À ce stade, quoi qu’il en soit, je ne peux pas préconiser un nouveau projet de loi de finances rectificative. Il n’y a plus, sur votre table, les éléments objectifs qui existaient il y a un an et qui auraient dû être suivis par le gouvernement, lequel aurait dû vous présenter un PLFR. Je ne lance pas le même message.
Concernant la procédure pour déficit excessif, un dialogue se tient systématiquement avec la Commission européenne, qui est en général « bonne fille » et assez compréhensive, contrairement à ce qu’on pense. J’observe que par rapport au PSMT qui a été adopté, on est un chouïa au-dessus, pour cette année comme pour l’année suivante. Ce sera à la Commission européenne d’estimer, dans sa discussion avec le gouvernement français, si c’est acceptable ou pas. Les dépassements ne sont pas massifs, me semble-t-il.
J’en viens à votre dernière question. Dans une émission de télévision, on est toujours un peu cursif. Voici ce que j’ai voulu dire, et que je dis devant vous. J’ai vu des chiffres circuler de la part de certains syndicats de Bercy et j’attends des sources plus officielles. La lutte contre la fraude fiscale est sérieuse, et je veux rendre hommage à la direction générale des finances publiques (DGFIP), une direction remarquable. Heureusement, nous avons une bonne administration fiscale. Les programmes successifs de lutte contre la fraude fiscale, lancés depuis une dizaine d’années, ont produit des effets certains. Mais on ne peut pas éviter toute fraude.
Une demande réitérée de la Cour consiste à chiffrer l’écart fiscal – nous ne confondons pas la fraude et l’optimisation. Le travail de la Cour relatif à la lutte contre la fraude fiscale engagé à la suite d’une consultation citoyenne sera publié à la fin 2025. D’importants progrès ont été enregistrés en matière de détection de la fraude fiscale, et c’est un fantasme d’imaginer que l’on pourra tout récupérer.
En revanche, la lutte contre la fraude sociale est balbutiante. Nous estimons cette fraude à 4,5 milliards pour la seule assurance maladie. On récupérait jusqu’à 423 millions par le passé, 600 millions cette année. Si l’on dédiait des moyens, à commencer par des contrôleurs – nous proposons d’ailleurs des embauches –, on pourrait renforcer le contrôle de la fraude sociale et, d’après nos estimations, assez facilement récupérer 1,5 milliard. On pourrait même monter à 2 milliards. Ce serait la moitié. Après, c’est un peu plus compliqué.
M. le président Éric Coquerel. Il est étonnant de penser qu’il n’y a plus de grain à moudre avec les 100 milliards de fraude fiscale et d’optimisation grise, montant avancé par Sud et peu contredit par les gens qui connaissent le dossier.
M. Pierre Moscovici. Il y a peu de grain à moudre. Je le dis et je l’assume.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes en désaccord sur ce point.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est la première fois que nous vous auditionnons depuis que la commission des finances dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête a publié son rapport sur les causes et les variations des écarts de prévisions des recettes dans les budgets pour 2023 et 2024. Un certain nombre de membres et de personnalités auditionnés ont émis le souhait d’un renforcement des pouvoirs du Haut conseil.
Avec de nombreux collègues de la commission des finances, j’ai proposé d’associer le Haut conseil à la prévision macroéconomique, soit en l’impliquant dans l’élaboration des hypothèses retenues par le gouvernement, par exemple par la production ou la validation de certaines, soit en instaurant un mécanisme de type comply or explain qui permettrait au gouvernement de rectifier les prévisions jugées trop optimistes ou pessimistes ou, à défaut, d’expliquer pourquoi il ne les modifie pas. Vous avez indiqué y être favorable, mais en avez-vous parlé au gouvernement ?
M. Pierre Moscovici. Oui. J’exprime cette proposition depuis l’automne, compte tenu des dérapages constatés. Je le fais, non par je ne sais quelle frénésie bureaucratique ou par une volonté de pouvoir du Haut conseil, mais parce qu’elle est nécessaire.
J’observe ce qui se passe dans d’autres pays et je pense sincèrement, pour l’avoir pratiquée comme haut fonctionnaire et ministre des finances et pour avoir porté un regard extérieur, que la dynamique parfois naturelle entre le politique et l’administratif peut être vicieuse, au sens d’un cercle vicieux.
D’un côté, un bon politique croit toujours en ce qu’il fait. Vous avez tous vos convictions. Vous y croyez. Tout politique pense que ce qu’il fait produira des effets positifs, un peu plus positifs que la réalité, voire parfois bien plus. C’est la différence qui sépare l’optimisme de l’insincérité. Il ne faut pas que ce soit trop positif.
De l’autre côté, l’administration est loyale. Aussi entre-t-elle souvent dans une interaction proactive avec le politique.
Je pense qu’il faut faire entrer un troisième élément. Ce peut être un cercle des prévisionnistes, comme le propose Bercy. Ce doit aussi être le Haut conseil, car c’est son rôle. En l’occurrence, nous serions à votre service, à votre aide. Imaginez une situation dans laquelle un gouvernement présenterait une prévision très élevée, par exemple à 1,4 % quand le consensus serait à 0,8 %. Le 1,4 % est une prévision « au doigt mouillé ». Mais je n’ai jamais entendu une explication rationnelle et objective sur la manière de l’atteindre. Nous en avons d’ailleurs été froissés.
Nous aurions pu dire que le consensus était à 0,8 % et que la prévision pouvait aller jusqu’à 1 % – je fais de la politique-fiction, en me fondant malgré tout sur une situation assez concrète. Je serais venu devant vous et j’aurais indiqué qu’une prévision à 1,4 % était irréaliste. Vous vous seriez alors tourné vers le gouvernement, dans le cadre du débat parlementaire, pour lui demander des explications. Il aurait été en peine de l’expliquer à des spécialistes aussi aigus que vous, en particulier vous monsieur le rapporteur général, parce que cette prévision ne se tient pas.
C’est ainsi que peut fonctionner ce mécanisme, qui est de bon sens.
J’en ai parlé au gouvernement, lequel ne semble pas en avoir totalement tenu compte à ce stade, puisqu’il privilégie plutôt, et c’est utile, l’amélioration des prévisions à Bercy. Nous en voyons d’ailleurs les premiers effets dans notre avis, je ne veux pas le nier. Mais je pense qu’une approche endogène n’est pas suffisante. Il faut une approche exogène. Or une institution budgétaire indépendante est précisément faite pour cela.
Voilà pourquoi j’appuie votre proposition, monsieur le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’analyse de l’exécution budgétaire de l’exercice 2023 a donné lieu à la formulation de 181 recommandations au sein des 66 notes d’exécution budgétaire, soit presque 3 recommandations par note. Parmi celles formulées en 2023, 25 ont fait l’objet d’une mise en œuvre totale, et 60 d’une mise en œuvre partielle. A contrario, 52 % des recommandations n’ont pas été appliquées. Les recommandations devenues sans objet représentent 1 % du total. La Cour des comptes livre ces chiffres dans le rapport sur le budget de l’État pour 2024, sans en faire le moindre commentaire. Le gouvernement envisage-t-il de retenir tout ou partie de la moitié de ces recommandations ?
Par ailleurs, vous révélez qu’environ 77 % des dépenses de l’État peuvent être qualifiées de rigides, en raison de l’absence de leviers efficaces pour freiner leur progression. Avez-vous des éléments concernant leur progression ?
Vous soulignez également que les restes à payer, c’est-à-dire les autorisations d’engagement n’ayant pas fait l’objet de décaissements, ont atteint 217 milliards fin 2024, auxquels il faut ajouter 37 milliards d’autorisations d’engagement affectées, mais non engagées, soit 254 milliards au total. Cette situation ne traduit-elle pas une fuite en avant devant la gestion des finances publiques ?
Ensuite, dans son avis sur le projet de loi relative aux résultats de gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, le Haut conseil annonce activer le mécanisme de correction prévu par la LOLF et invite le gouvernement à présenter des mesures permettant de réduire de façon significative le déficit structurel, ou à déposer une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Pensez-vous que ce mécanisme soit efficace et suffisamment incitatif pour contribuer au redressement des finances publiques ? En tant que président du Haut conseil, des évolutions vous semblent-elles souhaitables ? Connaissez-vous la position du gouvernement ?
J’en viens à ma question suivante. L’avis du Haut conseil sur le RAA souligne que le gouvernement ne propose qu’une « esquisse » de trajectoire de finances publiques au-delà de 2025 et indique que « l’insuffisance des mécanismes permettant de piloter l’ensemble de la dépense publique fragilise la prévision d’exécution ». Je regrette qu’une fois encore, les trajectoires d’économie ne soient pas documentées. Quel crédit le Haut conseil accorde-t-il à l’effort en matière de dépenses présenté par le gouvernement ?
Enfin, la Cour des comptes souligne que les dépenses fiscales sont globalement sous-évaluées, en particulier en matière de TVA. En effet, celles-ci ont été réduites de 9 milliards, passant de 20 milliards à 11 milliards, avec une proratisation en fonction de la part de la sécurité sociale et des collectivités locales dans le produit de la TVA – laquelle part est devenue majoritaire. D’après vos informations, le gouvernement envisage-t-il de modifier le projet de loi de finances pour 2026 afin de tenir compte de ces observations de la Cour ?
M. Pierre Moscovici. Concernant les non-exécutions budgétaires (NEB), il n’y a pas de retour global sur les recommandations émises par le gouvernement. En revanche, les NEB sont suivies par chaque ministère et la Cour en assure le suivi pour elle-même. Cette dialectique entre la Cour et le gouvernement est plutôt sérieuse, même si je suis obligé de constater que notre analyse des finances publiques n’a pas été suivie d’effet ces dernières années – nous ne sommes donc pas cocomptables de ce qui s’est produit.
Votre deuxième question porte sur rigidification des dépenses de l’État. Nous n’avons pas fait de suivi détaillé en la matière.
Quant à la fuite en avant devant la gestion des finances publiques, elle est incontestable. La réponse était contenue dans votre question.
Par ailleurs, il est clair que le mécanisme de correction n’est pas effectif. Nous remplissons notre rôle, puisque nous le déclenchons en constatant que l’écart est très supérieur à 0,5 point de PIB, puisqu’il est de 1,5 point en l’absence de circonstances exceptionnelles. En revanche, nous ne pouvons pas demander au gouvernement de s’y conformer, sans quoi ce serait un « coup de patin » monstrueux. La solution est à trouver ailleurs, du côté de la loi de programmation des finances publiques. Il faut arrêter de voter des lois de programmation des finances publiques dont on sait d’emblée qu’elles ne sont pas crédibles. Il faut les corriger dès que l’on constate qu’elles ne le sont pas. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec l’actuelle LPFP : elle a été « frappée en plein vol » quelques mois après son adoption. Nous vivons avec. Cela fait cinq ans que je viens devant vous, comme président du Haut conseil, et cinq ans que je constate que les lois de programmation de finances publiques ne sont pas opérationnelles. C’est de ce côté-là qu’il faut trouver le réalisme et la volonté. Tant que les LPFP ne seront pas réalistes, nous constaterons des écarts et nous agiterons le mécanisme de correction tout en sachant que, non seulement on ne peut pas l’utiliser, mais, d’une certaine façon, il ne le faut pas.
C’est la trajectoire qui est obsolète. Je constate d’ailleurs qu’elle a été ajustée dans le PSMT, mais pas dans la LPFP. Nous avons donc deux trajectoires contradictoires. Toutes deux sont difficiles, mais la seconde est malgré tout plus réaliste que la première. La LPFP n’est plus qu’un souvenir.
Quant aux dépenses fiscales, jusqu’en 2023 elles n’étaient pas proratisées en fonction en fonction de la part des bénéficiaires dans le produit de la TVA. Depuis deux ans, le souhait est de revenir à la situation initiale, mais Bercy oppose son refus. Par ailleurs, votre question conduit à parler de fiscalité – car parler des dépenses fiscales, c’est parler de la fiscalité. J’entends bien que c’est un tabou, mais il est contourné d’emblée.
Enfin, concernant le budget pour 2026, nous n’avons pas encore proposé d’ajustement, puisque la discussion commence juste.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.
M. Matthias Renault (RN). Vous avez constaté, à juste titre, qu’il aurait fallu un PLFR pour 2024 en février ou mars – raison pour laquelle nous avions déposé une motion de censure spontanée sur ce sujet. En faut-il un en 2025 et si oui, à quelle échéance ?
Par ailleurs, votre rapport montre que le montant des intérêts est passé de 41,5 milliards en 2023 à 46,5 milliards en 2024, avec une alerte particulière concernant les emprunts à court terme (BTF) qui sont passés de 500 millions en 2022 à 6,4 milliards en 2024, ce qui est considérable. Ne serait-il pas pertinent, pour la Cour des comptes, de faire une projection de l’évolution des charges d’intérêt en cours d’année ?
Ensuite, vous constatez que les prévisions de croissance sont systématiquement surévaluées depuis vingt ans. En 2026, si cela se poursuit, ne faudra-t-il pas employer le terme « insincérité », même s’il est banni ?
Enfin, le Haut conseil serait-il preneur d’une transmission obligatoire et systématique des prévisions de la direction générale du Trésor lors du budget économique d’été ? Cela participerait-il de sa meilleure prise en compte dans le travail de préparation budgétaire que vous avez évoqué ?
M. Pierre Moscovici. J’ai déjà répondu concernant le PLFR. Pour 2024, la nécessité d’un PLFR était évidente dès le mois de février ou mars. En proposer un, ou pas, relevait d’une décision politique. Un débat avait d’ailleurs eu lieu, avant que cette piste ne soit écartée. Pour 2025, à ce stade, l’évidence n’est pas la même. Nous ne sommes pas dans une situation objective de cette nature et j’ignore si nous y serons – je ne l’espère pas. Je ne préconise donc pas de PLFR.
Concernant les prévisions d’évolution des charges d’intérêt, je répète que je suis preneur d’une analyse de soutenabilité de la dette par le HCFP. Celle-ci permettrait d’établir une projection non seulement pour l’année en cours, mais aussi à moyen terme.
Avant d’en venir à votre question sur l’insincérité, je complèterai mes réponses à M. le rapporteur général en indiquant qu’il n’est pas illogique que les prévisions pour 2026 et les années suivantes soient moins détaillées dans le PSMT que dans le programme de stabilité. Pour autant, celles qui y figurent pour 2026 nous amènent à constater que la trajectoire est entièrement à crédibiliser et à préciser, et que la pente est très forte. Nous le notons dans notre avis : il faut faire 0,9 point d’ajustement structurel en 2026 si l’on tient les 4,6 et il faudra faire 0,7 par an jusqu’au bout. Il faut donc s’attendre à devoir accomplir des efforts. Savoir comment s’y prendre, c’est votre affaire, mesdames et messieurs les députés. C’est le jeu démocratique.
Depuis cinq ans, je vous affirme que je suis très prudent, voire réservé, concernant l’utilisation de la notion d’insincérité, qui suppose l’intention de tromper et entraîne quasiment ipso facto l’inconstitutionnalité du projet de loi de finances. Nous ne l’avons jamais évoquée, même si le débat est allé loin, et je pense que nous n’avons pas eu tort. Pour que l’insincérité soit caractérisée, il faudrait avoir constaté des choses scandaleuses.
Enfin, la communication des budgets économiques d’été à la Cour n’est pas systématique. La Cour a demandé à l’administration que tel soit le cas. Malgré la réticence de Bercy, le travail est en cours et je ne désespère pas que la transparence des informations soit améliorée, à l’égard tant de la Cour que du HCFP. Je note qu’il s’agit aussi d’une recommandation consensuelle dans le rapport de votre commission d’enquête. C’est indispensable : nous informer, c’est vous informer.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je commencerai par exprimer deux remarques. La première concerne la prudence et la modestie qu’il faut avoir compte tenu du contexte international, que je partage. Certes, il y a des aléas. Mais le gouvernement n’est pas complètement démuni, puisque des réserves sont prévues en début d’année. On peut toujours discuter de leur niveau, mais ce dispositif existe.
Ma deuxième remarque porte sur l’analyse de l’écart entre le prévisionnel et le constat pour 2024. Je lis toujours avec attention les rapports de la Cour des comptes, et je vous encourage à relire précisément le rapport de la commission d’enquête. Les deux rapporteurs, pourtant de bords différents, affirment qu’une défaillance technique lourde est à l’origine de ces écarts et que rien ne conduit à y voir une faute politique. D’ailleurs, le volontarisme politique ne fonctionne pas systématiquement. Ainsi, en 2021-2022, les prélèvements obligatoires et le rendement des impôts avaient été sous-estimés.
Votre avis témoigne de la gravité de la situation, avec un déficit de 5,8 % du PIB en 2024, une dette qui franchit le seuil de 113 % et une dynamique des dépenses qui reste soutenue malgré la fin des mesures exceptionnelles. Le diagnostic est clair. Nous le partageons. C’est le sens de la réunion d’hier tenue par le premier ministre. La France doit rétablir impérativement ses finances publiques, sous peine de compromettre sa capacité à agir sur les priorités collectives.
Le gouvernement a engagé un plan structurel à moyen terme ambitieux, validé au niveau européen en janvier, qui prévoit une réduction du déficit structurel primaire de 0,9 point du PIB dès 2026, puis de 0,7 point par an, en maîtrisant strictement les dépenses de l’État et en abaissant ses prévisions de croissance et de recettes pour renforcer la sincérité budgétaire. Ces efforts ont été reconnus et salués par le Haut conseil. Toutefois, ils ne pourront porter leurs fruits que si toutes les administrations publiques sont concernées.
Au cours des cinq dernières années, les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté de 25 %, celles de la sécurité sociale de 20 % et celles de l’État de 10 %. Avez-vous une idée du poids respectif des trois pans de l’administration publique dans l’effort demandé pour les prochaines années ?
M. Pierre Moscovici. Je n’ai jamais parlé de faute politique. Je connais trop l’exercice de gouverner, sa difficulté et l’engagement de ceux qui s’y consacrent pour utiliser ce type de mot. Et si je le faisais un jour, ce serait pour souligner une défaillance personnelle et volontaire – auquel cas, la notion de sincérité pourrait être brandie. Mon avis était plus systémique.
Je n’ai pas pu lire dans le détail le rapport de la commission d’enquête, qui est paru hier soir. Je le ferai, car ce sujet m’intéresse au premier chef. J’ai quand même cru noter que les rapporteurs portaient chacun un regard différent quant à la responsabilité respective de l’administration et du politique. Je considère, pour ma part, qu’il existe une dialectique entre les deux. C’est la raison pour laquelle je propose l’intervention d’un tiers.
Les tentations du politique et les contraintes de l’administration peuvent entraîner une logique procyclique ou proactive. Pour avoir occupé diverses fonctions, je peine à penser que l’on peut tout mettre sur le dos de l’administration ou sur celui du politique. Fatalement, la responsabilité est partagée par une entité, en l’occurrence le ministère de l’économie et des finances. C’est la raison pour laquelle ma réflexion est systémique. Je ne participe à aucun procès. Je n’en veux à personne. Je ne nourris aucune forme de règlement de comptes à l’égard de quiconque, a fortiori d’un successeur. On affirme trop souvent : « Mes successeurs sont des crétins et mes prédécesseurs sont des imbéciles ! » Je n’ai jamais cédé à cela, parce que je sais que c’est systématiquement faux.
Pour répondre à votre autre question, nous n’avons pas d’évaluation des contributions respectives de chaque administration publique. Ce sujet relève de la préparation du budget et du débat entre les parlementaires et l’exécutif – avec, si j’ai bien compris, une nouvelle méthode qui doit associer les partenaires sociaux et les collectivités locales, dont le comité d’alerte qui s’est tenu hier, auquel j’étais invité mais ne participe pas, tandis que le rapporteur général du Haut conseil et le président de la section concernée de la Cour des comptes étaient présents comme observateurs. C’est à vous de définir les parts respectives des administrations.
En revanche, mon message est clair : contrairement à ce qui s’est passé ces dernières années, l’effort ne peut ni ne doit porter uniquement sur l’État, en particulier sur ses dépenses de fonctionnement. Il doit être davantage partagé et toucher aussi les dépenses d’intervention. Nous ne parviendrons pas à la maîtrise de nos finances publiques sans que toutes les administrations publiques soient concernées – dans des proportions dont vous aurez l’occasion de débattre.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Vous avez fait part de votre « très mauvaise humeur ». Nous sommes deux ! Je suis, moi aussi, de mauvaise humeur lorsque je vous entends parler des comptes de l’État. Le bilan économique du macronisme est, certes, une catastrophe pour la nation. Mais, face au déficit des comptes publics, vous communiquez sur les économies et les sacrifices que doivent faire les Français – sauf en matière de fraude fiscale. Ainsi que l’a rappelé le président Coquerel, vous avez affirmé hier, sur BFM TV, qu’il n’y a « rien à gratter » de ce côté-là. C’est étonnant, d’autant qu’un rapport de la Cour des comptes, dont vous êtes le président, indiquait fin 2023 : « La France ne dispose d’aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale. » Sur quelle étude précise vous fondez-vous pour affirmer publiquement et avec autant de sérénité qu’il n’y a rien à gratter du côté de la fraude fiscale ? Bref, vous parlez de beaucoup de choses, sauf de « l’éléphant dans la pièce », à savoir les 100 milliards de TVA, premier impôt du pays, douloureux pour les Français des classes moyennes et populaires, qui ne vont plus dans le budget de l’État, mais dans ceux de la sécurité sociale et des collectivités pour compenser des suppressions d’impôts et des cotisations pour les plus riches et les grandes boîtes. Lorsque le président Coquerel vous a interrogé sur ce point, vous avez répondu que vous souhaitiez « éviter tout biais idéologique ». Hier, sur BFM TV, vous ne vous êtes pourtant pas gêné pour affirmer qu’il fallait réduire les coûts des transports médicaux ou passer aux médicaments génériques.
Ainsi, concernant le budget de l’État, vous pouvez dire qu’il faut mettre le paquet sur les 2 milliards de la fraude sociale, mais vous semblez n’avoir plus rien à dire concernant les 100 milliards de TVA détournés du budget de l’État. Vous n’avez rien à contrôler, rien à évaluer. Il n’y a pas un abus, pas une fraude. Il n’y a pas d’utilisation de l’argent public mauvaise ou pas très saine. Il n’y a rien !
Vous faites une recommandation dans ce domaine, dans votre rapport : « Réintégrer l’ensemble des dépenses fiscales relatives à la TVA, y compris pour les parts attribuées à d’autres administrations publiques que l’État, dans le montant total des dépenses fiscales figurant dans le projet de loi de finances. » Ce serait utile, parce que cela permettrait aux Français de se rendre compte des sommes en jeu, c’est-à-dire les plus de 100 milliards qui sont détournés.
Quand vous dites aux Français, notamment sur les chaînes publiques, qu’ils doivent se préparer à faire des efforts, il faut commencer par vos services.
M. Pierre Moscovici. J’allais dire que je suis de bonne humeur, parce que pour la première fois, je ne vous vois pas de dos. Cela me fait plaisir. Depuis des années, je considère que tourner systématiquement le dos pour poser des questions est d’une grossièreté sans nom.
M. le président Éric Coquerel. C’est sa place.
M. Pierre Moscovici. Certes, mais quand on veut poser une question, on se tourne. J’exprimais à M. Guiraud un motif de bonne humeur de ma part : je suis content de le voir de face, car quand on me contredit ou on m’interroge, je préfère avoir un interlocuteur plutôt que quelqu’un qui me tourne le dos.
M. le président Éric Coquerel. En général, David Guiraud ne se cache pas pour poser des questions.
M. Pierre Moscovici. Je vais être d’un peu moins mauvaise humeur en ne reprenant pas vos propos selon lesquels il faut mettre de l’ordre dans nos services. Mais il faut apprendre, quelle que soit sa sensibilité politique, à respecter les institutions indépendantes du pays.
Quand je parlais des dépenses d’assurance maladie, je m’appuyais précisément sur les rapports qui ont été rendus publics lundi. Il existe des rapports de la Cour des comptes sur tous ces sujets. J’ai indiqué que nous avions un rapport sur la lutte contre la fraude fiscale en cours de préparation, qui sortira fin 2025.
Je peux aussi corriger le propos que j’ai tenu sur BFM TV, qui était sûrement un peu rapide. Ce que je voulais dire, c’est qu’il est fantasmatique d’imaginer qu’on va réduire les déficits en combattant uniquement la fraude fiscale, car beaucoup ont été fait en la matière. Je voulais surtout souligner qu’en matière de fraude sociale, nous sommes loin d’avoir la même performance.
Je vous invite à lire les rapports de la Cour des comptes. Ils ne sont pas la vérité, je sais qu’un rapport est toujours réfutable. Mais ils présentent l’avantage d’être objectifs. C’est la raison pour laquelle ils devraient être respectés, au-delà de telle ou telle personne. Le premier président, en l’occurrence, n’est que le porte-parole de l’institution. Ces rapports reposent systématiquement sur des faits et des chiffres, et procèdent d’une collégialité faite d’hommes et de femmes dont je puis vous assurer qu’ils ont des sensibilités politiques et des regards sur le monde différent. C’est ce qui fait le sel de cette maison, et j’entends que cela soit respecté.
Concernant la TVA, nous sommes exprimés à plusieurs reprises. Il y a des rapports du CPO à ce sujet, dont celui de l’an dernier que je vous invite à lire. J’ai moi-même observé que nous avions, l’an dernier, fait état de l’optimisme des prévisions en la matière et critiqué à plusieurs reprises le fait que la TVA était de plus en plus déconnectée des ressources et des recettes de l’État. Là encore, je vous invite à lire le très intéressant rapport de la Cour.
M. le président Éric Coquerel. Je suis satisfait de cette réponse, qui montre que le sujet n’est pas idéologique et que l’on peut donc aussi parler des recettes.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les documents nous sont parvenus trop tard pour permettre à la commission de travailler dans des conditions optimales. Je n’ai pas eu le temps de les lire. Vous avez disposé de six jours, mais nous de seulement quelques heures.
L’un des défauts dans l’élaboration des prévisions tient au fait que les deux documents prospectifs que sont la loi de programmation et le PSMT ne distinguent pas les catégories d’acteurs, notamment celle des collectivités locales. À aucun moment de l’élaboration des trajectoires pluriannuelles, l’avis des collectivités n’est obligatoire. Ne faudrait-il pas qu’il le soit ?
Par ailleurs, vous avez évoqué avec force les efforts et les réformes structurelles à engager pour tenir la trajectoire. C’est, en effet, préférable à la « tronçonneuse » ou au « coup de rabot ». Mais, en parallèle, ne devrait-on pas faire des réformes structurelles en matière fiscale ? Ne pourrait-on pas, par exemple, à recettes égales, faire davantage peser les recettes sur l’héritage et les hauts patrimoines plutôt que sur le travail ? Selon moi, une reconfiguration structurelle de l’impôt serait plus efficace qu’une taxe exceptionnelle.
Enfin, plutôt que d’envisager l’augmentation de certains taux d’impôt, ne vaut-il pas mieux envisager la fin de certaines niches fiscales ? Plusieurs rapports, dont certains de la Cour des comptes, en pointent quelques-unes.
M. Pierre Moscovici. S’agissant des collectivités locales, je répète que ce n’est pas à nous de dire quelle est la proportion des efforts des unes et des autres. En revanche, nous avons souligné à plusieurs reprises, et nous le soulignons à nouveau, que les estimations de la baisse des dépenses des collectivités sont effectuées sans qu’il existe le moindre mécanisme de concertation ou de contrainte. L’évolution de la dépense locale doit donc être discutée avec les collectivités, pour les convaincre. Sinon, on est dans le domaine du normatif et cette évolution risque de rester fictive pour une large part.
Pour ce qui est du délai d’envoi des documents, je connais la difficulté du travail des parlementaires. Je vous informe de celle du travail du Haut conseil. L’information, sa qualité, sa transparence et sa circulation sont des éléments fondamentaux pour améliorer le débat public.
Quant au débat fiscal, il est par définition devant nous, puisque commence la préparation du projet de loi de finances pour 2026. C’est une option politique que de le clore. Vous parlerez nécessairement des dépenses fiscales. J’entendais, ce matin, que Mme de Montchalin envisageait de les réduire de façon significative. En pratique, les mesures sur les dépenses fiscales portent aussi sur les recettes.
Je ne le dis pas par concession idéologique. Dans son avis sur le RAA, le Haut conseil des finances publiques conclut que pour réduire les déficits, il faudra combiner de manière intelligente – cela dépend de vous – une action structurelle sur les dépenses et l’évolution des prélèvements obligatoires.
À cet égard, il faut arrêter de considérer que nous proposons de l’austérité. Refuser l’effort aujourd’hui, c’est avoir de l’austérité demain. C’est s’exposer à un incident de finances publiques. Nous sommes sur une ligne de crête. Il faut faire des efforts – ce n’est pas de l’austérité – qui devront être partagés. Le Haut conseil estime aussi qu’il est légitime de parler de l’évolution des prélèvements obligatoires. Nous avons ce débat entre nous, raison pour laquelle nous le mentionnons. Le débat fiscal n’est pas clos, il commence.
M. le président Éric Coquerel. Vous me permettrez de penser qu’interpréter 40 milliards d’économies comme un effort au lieu de l’austérité, c’est une optique idéologique.
M. Pierre Moscovici. Je ne le crois vraiment pas. Les dépenses publiques représentent 57 % du PIB. De surcroît, je préfère parler de stabilité de la croissance des dépenses en volume. Quand on parle de 40 milliards, je me demande toujours sur quoi cela se centre. C’est d’ailleurs ce qui conduit à des écarts d’appréciation entre le Haut conseil et le gouvernement, comme cela s’est passé lors de la discussion initiale sur le PLF pour 2025.
M. Nicolas Ray (DR). Monsieur le premier président de la Cour des comptes, vous présentez une photographie dégradée de nos finances publiques, mais une photographie réaliste, que nous partageons, avec un déficit record de 5,8 %, un dérapage de 1,4 point par rapport aux prévisions initiales, une dette en hausse de 3 points en un an, pour se situer à 113 % du PIB, et la plus forte hausse des dépenses publiques depuis dix ans en l’absence de période exceptionnelle comme celles que nous avons connues lors de la crise du covid ou de la lutte contre l’inflation. Comme vous, nous regrettons qu’il n’y ait pas eu de projet de loi de finances rectificative, que notre groupe avait réclamé. Un PLFR aurait pourtant été plus utile au pays que la dissolution.
Dans son avis sur le PLF pour 2024, le Haut conseil estimait que la prévision de croissance était élevée ; que, pour la totalité des postes de demande, le gouvernement était plus optimiste que ses organismes ; que la prévision de déficit public apparaissait plus optimiste. En langage de la Cour des comptes, ces propos étaient déjà assez courageux. Mais ne croyez-vous pas que ces formulations mériteraient d’être plus directes, moins balancées et qu’ainsi, elles auraient un impact plus fort pour alerter le grand public sur la situation des finances publiques ?
Par ailleurs, les perturbations internationales ne sont-elles pas sous-estimées en matière de croissance et d’impact pour nos finances publiques ?
Les mesures d’annulation de 4 milliards de crédits qui ont été annoncées cette semaine sont-elles suffisantes pour atteindre les 5,4 % de déficit ?
Enfin, pour résorber le déficit et améliorer la trajectoire, quelle devrait être la juste répartition de l’effort entre les trois sphères – État, collectivités territoriales et sphère sociale ? Pour les collectivités territoriales, comment l’État peut-il mieux piloter nos comptes locaux, de concert avec les élus ? Pensez-vous que la contractualisation soit le bon outil ?
M. Pierre Moscovici. Je suis conscient que nos formulations sont balancées. Il y a toute une sémantique – « atteignable », « plausible », « optimiste », « élevé » – qui mériterait d’être étudiée. Ce serait un joli sujet pour un étudiant. En tout état de cause, il est nécessaire que nous restions dans ce balancement, précisément parce que nous ne sommes pas au-dessus du politique et parce que nous ne prétendons pas avoir une vérité révélée. Parce que notre parole vous est livrée, elle doit être une parole experte et elle ne saurait être une parole d’autorité. Je ne crois pas au gouvernement du juge et des experts. Je respecte trop la politique et la démocratie pour savoir que c’est vous qui faites la loi et que c’est à vous d’exprimer des opinions plus fortes.
Néanmoins, ce que nous disons est lisible et je m’efforce de le communiquer de façon claire. Les messages sont là. Si l’on veut bien les lire en détail, on voit que le Haut conseil a joué son rôle d’alerte de manière pertinente depuis plusieurs années, dans la mesure de l’information dont il disposait. Il continuera à le faire, en essayant d’être plus anguleux. C’est un débat que nous avons entre nous, mais dans lequel je ne peux pas entrer en public.
Par ailleurs, il est trop tôt pour répondre à votre deuxième question. Pour procéder à nos avis, nous auditionnons systématiquement deux instituts de prévision, Rexecode et l’OFCE – de sensibilité différente, l’un plus patronal, l’autre plus keynésien –, la Banque de France, l’Insee et les administrations. Sans entrer dans les détails de nos délibérations, il nous a semblé que les administrations prenaient en compte la dégradation de la situation du commerce international à la date des auditions. C’est la raison pour laquelle nous estimons que les prévisions ne sont pas hors d’atteinte, et que la révision de la prévision à 0,7 n’a pas été faite « au doigt mouillé ». Elle n’est pas dans l’hubris, cette fois-ci, mais résulte d’une analyse objective. Néanmoins, notre avis le souligne aussi, nous sommes dans un contexte de fortes incertitudes. Nous avons auditionné les administrations le lendemain du jour où Donald Trump a décidé de différer ses décisions tarifaires de quatre-vingt-dix jours. C’était un bon jour. Personne ne sait de quoi demain sera fait. Les incertitudes économiques et géopolitiques peuvent entraîner une dégradation des chiffres. C’est pourquoi nous disons que les prévisions ne sont pas hors d’atteinte, mais que les risques à la baisse sont élevés.
C’est balancé, mais cela veut dire que la prévision de croissance pourrait être ajustée in fine. François Bayrou l’a d’ailleurs indiqué hier, lors des réunions qu’il a animées, précisant qu’il faudrait prendre des mesures en conséquence. Cela ne me permet pas de dire si les 5 milliards sont suffisants ou non. Ils sont sans doute proportionnés à la situation que nous sommes capables d’enregistrer, ni plus ni moins. Mais il faut être vigilant. La prévision de croissance est fragile. Nous sommes vulnérables. Nous sommes sur une ligne de crête et nous devons être extrêmement réalistes et prudents.
Concernant la répartition des efforts, j’ai répondu que ce n’est pas à nous d’en décider. En revanche, je redis qu’il faut que toutes les sphères de l’administration publique soient concernées et que l’effort ne repose pas exclusivement ou même quasiment exclusivement sur l’État et son fonctionnement, comme ce fut le cas jusqu’à présent.
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous partageons vos interrogations sur le besoin d’une meilleure prévisibilité de nos recettes fiscales, neutralisation faite des erreurs d’estimation – en particulier de croissance. Des questions se posent aussi sur l’élasticité entre celle-ci et les recettes fiscales.
Vos préconisations en matière d’association plus étroite du Haut conseil aux finances publiques avec le Parlement doivent être mises au service d’un renforcement de la démocratie parlementaire, qui a cruellement manqué avec l’absence d’un PLFR, et qui pourrait à nouveau manquer. Il est d’ailleurs curieux d’adopter un budget en sachant pertinemment qu'on annulera au maximum les crédits, comme la LOLF l’autorise. Ce problème de transparence démocratique se répète d’année en année et est déjà annoncé pour l’exercice en cours.
Vous évoquez le dérapage en dépenses publiques pour l’année 2024, qui serait de la responsabilité des collectivités territoriales. Avez-vous évalué la part de la dépense contrainte liée à des mesures prises par l’État ? Je pense à l’augmentation des allocations individuelles de solidarité (AIS), à celle du point d’indice ou au Ségur, qui pèsent mécaniquement sur les dépenses des collectivités et biaisent l’analyse. Ainsi, ce qui est interprété comme un dérapage incontrôlé serait en réalité le fait de décisions prises par l’État. Je rejoins les propos du président Coquerel : en dépit de considérations techniques, le dérapage budgétaire provient de l’échec des politiques de l’offre, qui n’ont pas provoqué l’élargissement de l’assiette attendu, en raison d’une croissance systémiquement plus faible que prévu ces dernières années et qui pourrait persister ainsi.
Concernant les perspectives pluriannuelles, je partage votre alerte sur l’ampleur des déficits et la charge de la dette. Je note avec préoccupation ce que vous dites quant à la nécessité de recontractualiser, en tout cas de renégocier nos encours de dette de 50 % à horizon 2030. Cela doit préoccuper l’ensemble des parlementaires, quels que soient les groupes politiques. En outre, on peut légitimement poser la question des recettes, outre celle des dépenses.
Enfin, on évoque avec pertinence le débat sur la fiscalité du patrimoine, qui est très inégalitaire. Mais on pourrait aussi interroger la fiscalité locale. Pour faire suite à l’intervention de M. Guirault, 50 milliards de TVA pour compenser les pertes de fiscalité locale générées par les décisions gouvernementales peuvent légitimement interroger la refondation d’une fiscalité locale à proprement parler.
M. Pierre Moscovici. Je ne peux pas faire de commentaire sur les questions d’essence politique, qui vous appartiennent. En revanche, je veux répondre à deux points.
D’abord, je ne dis pas que les collectivités locales sont responsables de l’évolution de la dépense pour 2024, mais leur part représente 7 milliards sur 13 milliards, qui proviennent pour la plupart de dépenses de fonctionnement.
Il faudrait évaluer la part de dépenses contraintes et la part choisie. Nous n’avons pas d’analyse de la rigidification de la dépense locale – question à laquelle j’ai insuffisamment répondu tout à l’heure, monsieur le rapporteur général –, mais le budget de l’État est rigide aux trois quarts, avec 35 % de masse salariale, 18 % de dépenses non pilotables, 17 % de dépenses d’intervention et de guichet et 7 % de concours aux opérateurs. Il peut donc se transférer, en partie, vers les collectivités locales. Ce n’est pas une question de responsabilité, mais il faut réfléchir collectivement à la manière dont on maîtrise la dépense locale. Il n’est pas juste de considérer que les collectivités locales n’y sont pour rien au motif qu’elles investissent – en l’occurrence, c’est du fonctionnement. Pour autant, cela ne signifie pas que la situation peut être résolue d’un coup de baguette magique. Il faut y travailler ensemble. Sinon, sans les moyens de les faire suivre d’effet, les chiffres que l’on nous donne sont purement normatifs.
Je ne peux pas faire de commentaire sur la politique de l’offre. Quoi qu’il en soit, on voit que la croissance potentielle s’est plutôt tassée au fil des ans. Si les prévisions étaient de 1,35 % il y a quelques années, nous estimons qu’elles sont plus réalistes, à 1,2 % aujourd’hui et à 1 % 2029. Cela signifie que, malheureusement, nous n’allons pas transformer la France en « tigre asiatique ».
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Merci pour votre sincérité. Ce discours de vérité nous fait prendre conscience de la situation de notre pays.
Vous avez évoqué les conséquences de la dissolution. Avez-vous également examiné les conséquences de la motion de censure, en particulier le fait que le PLF pour 2024 ait été adopté en 2025 et les effets rétroactifs de certaines mesures, comme celle sur la contribution différentielle ?
Vous avez également exprimé votre étonnement concernant certaines recettes en moins et les 14 milliards d’impôts sur les sociétés de décrochage par rapport aux prévisions. La commission d’enquête a analysé les moyens dont dispose Bercy pour évaluer les recettes de l’IS, notamment la technique de l’excédent brut d’exploitation (EBE). Cette méthode est assez décalée par rapport au monde de l’entreprise, puisque l’EBE n’est pas toujours une valeur fiable. D’autres éléments, comme les résultats financiers, méritent d’être étudiés quand on analyse un compte de résultat. Quelles seraient les pistes d’amélioration de la fiabilité des recettes fiscales ? Quels prélèvements complémentaires pourraient être envisagés comme des mesures de justice fiscale, sans briser la croissance de nos entreprises ? Quelles pistes pourrions-nous suivre dans le cadre de nos travaux parlementaires ?
Enfin, n’avez-vous pas constaté des formes d’évitement lorsqu’on limite dans le temps certaines mesures et recettes fiscales ? Je pense à la contribution différentielle d’un an, qu’il serait question de proroger, ou à la contribution des grandes entreprises. Leur limitation dans le temps ne produit-elle pas un effet pervers d’évitement, visant à attendre que le temps passe pour bénéficier de meilleures conditions fiscales ?
M. Pierre Moscovici. Je ne répondrai pas à toutes vos questions, dont certaines sont spéculatives et dépassent mon rôle.
Je me suis permis de faire une incursion ponctuelle dans le domaine politique en évoquant la dissolution, parce que nous avons immédiatement constaté que l’instabilité qui en résultait avait un fort impact sur les taux d’intérêt. Nos spreads ont été multipliés quasiment par deux, ce qui a eu une incidence sur notre dette. S’agissant de la motion de censure, l’impact de l’adoption tardive du PLF pour 2025 sera étudié dans nos prochains rapports. Une chose est sûre, le PLF adopté n’est pas le même que celui qui avait été initialement proposé. Le premier était à 5 %, le second est à 5,4 %. Or, c’est une lapalissade, est qu’il est plus compliqué de faire 4,6 % quand on part de 5,4 % que lorsqu’on part de 5 %. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un simple constat.
Pour ce qui est des impôts, il y a un travail à faire sur le cinquième acompte de l’IS. Il est envisagé d’interroger les entreprises pour connaître plus tôt le montant des rendements et l’ajuster. C’est une bonne chose, car l’an dernier, nous avons perdu le contact avec les entreprises – ce qui a eu un impact dramatique. Ce sera ensuite à vous, mesdames et messieurs les députés, d’examiner les différentes mesures fiscales. La seule chose que j’ai voulu dire tout à l’heure, c’est que je ne crois pas, en toute sincérité, que le débat fiscal soit prohibé ou derrière nous. Il est devant nous, avec une préoccupation que vous avez exprimée et que je partage, car elle est générale dans nos travaux : on ne peut pas se permettre de casser la croissance. Il ne faut pas casser la croissance. Si l’on perd de ce côté-là, ce qui est fragile, vulnérable et sur la ligne de crête verse dans le fossé.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres orateurs.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je reviens sur ce que vous avez dit sur BFM TV hier, concernant la fraude sociale et fiscale, car ce n’est pas un détail. Vous avez indiqué qu’il n’y avait « pas des masses à gratter » dans la lutte contre la fraude fiscale et que l’enjeu portait sur la lutte contre la fraude sociale.
Concernant la fraude fiscale, le président Coquerel a évoqué la question de l’optimisation grise, à savoir la délocalisation des profits. À combien évaluez-vous ce qu’elle pourrait représenter ? Que pensez-vous de l’instauration d’une taxe de type Zucman pour fiscaliser en France les profits enregistrés en France ?
Par ailleurs, comment estimez-vous la composition de la fraude sociale ? On laisse donner le sentiment médiatique qu’elle provient principalement des fraudes au revenu de solidarité active (RSA) ou commises par les plus pauvres, alors qu’il s’agit à 80 % de fraudes aux cotisations émanant des employeurs.
Enfin, vous estimez qu’il est possible de récupérer 2 milliards sur les 3 milliards estimés de la fraude sociale, c’est-à-dire 66 % du total. Si la proportion était la même pour les 100 milliards estimés de la fraude fiscale, on pourrait récupérer 66 milliards là où la ministre Amélie de Montchalin annonçait que l’on en avait récupéré 16,7 milliards l’année dernière. Ce sont donc 50 milliards supplémentaires qui pourraient être à aller chercher si l’on y mettait les moyens, en particulier en embauchant à la DGFIP. Quand on cherche 40 milliards pour le budget, j’ai du mal à comprendre qu’on puisse dire qu’il n’y a « pas grand-chose à gratter » du côté de la fraude fiscale alors qu’il y a 50 milliards à récupérer, contre 1,5 milliard du côté de la fraude sociale.
M. Pierre Moscovici. Je remercie le président, vous-même et M. Guiraud de m’avoir permis de rectifier ou corriger une expression trop rapide employée dans une émission de télévision. Je voulais simplement dire qu’il ne faut pas croire que la lutte contre la fraude fiscale est la recette magique, qui évite de se poser la question des économies en dépenses. Ce n’est pas vrai. Vous avez mentionné le montant de 16,6 milliards. Je peux vous assurer qu’il est déjà considérable.
Il ne faut pas non plus confondre la lutte contre la fraude fiscale et celle contre l’évasion fiscale. Vous parliez de délocalisations d’entreprises internationales, c’est un autre sujet.
Par ailleurs, nous n’en sommes qu’aux balbutiements en matière de fraude sociale. Ce ne sont pas 3 milliards, mais 4,5 milliards uniquement pour les fraudes à l’assurance maladie. Aussi faut-il déployer un plan qui permette assez vite d’augmenter ce rendement. Voilà ce que je voulais dire et je suis heureux que vous me fournissiez l’occasion de le préciser.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je voudrais revenir sur l’inquiétante progression du volume des dépenses au cours des dix dernières années. Vous indiquez, dans votre rapport, que la hausse des prestations sociales en explique 60 %. Comment se répartissent les 40 % restants ? Quelles seraient les deux mesures les plus urgentes pour maîtriser cette progression de la dépense, au-delà du remboursement des intérêts de la dette ?
M. Pierre Moscovici. Dans une approche large et rapide, on peut noter les augmentations salariales – ce n’est pas un jugement de valeur – et celle du nombre d’agents en équivalent temps plein (ETP), qui jouent beaucoup sur la hausse des dépenses de fonctionnement.
Pour le reste, je me garderai de citer deux mesures. Je pourrais vous renvoyer aux cent quatre-vingts rapports de la Cour des comptes déposés chaque année.
M. le président Éric Coquerel. Merci.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 16 avril 2025 à 11 heures
Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Mathilde Feld, M. David Guiraud, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, M. Aurélien Le Coq, M. Jérôme Legavre, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Jean-Paul Mattei, Mme Sophie Mette, Mme Christine Pirès Beaune, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Emeric Salmon, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - M. Mickaël Bouloux, M. Thomas Cazenave, M. François Jolivet, M. Thierry Liger, M. Charles Sitzenstuhl