Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Examen du rapport d’information relatif à la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes (MM. Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet, rapporteurs)              2

  Présence en réunion...........................25


Mercredi
14 mai 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 108

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission examine le rapport d’information relatif à la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes (MM. Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet, rapporteurs)

M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, avant d’en venir à notre ordre du jour, j’attire votre attention sur le printemps de l’évaluation. Le calendrier prévu sera finalement respecté. Cependant, je constate avec regret que la participation est encore plus faible que les années précédentes. Aussi je vous invite à une mobilisation accrue, en veillant au minimum à ce que tous les groupes soient représentés, ce qui n’est pas le cas actuellement.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Monsieur le président, puisque nous en sommes aux sujets d’actualité, pourriez-vous évoquer le le courrier que vous avez reçu concernant l’audition d’Alexis Kohler ?

M. le président Éric Coquerel. J’ai transmis ce courrier de Mme la procureure de la République aux membres de la commission. Mme la procureure de la République a décidé de ne pas donner suite à ma demande. Elle n’a même pas choisi de porter l’affaire devant un juge, ce qui aurait été logique étant donné l’absence de jurisprudence sur cette question.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président, envisagez-vous un recours ?

M. le président Éric Coquerel. Je ne prendrai pas de décision unilatérale sur ce sujet. J’examine actuellement les options qui s’offrent à nous, afin que les mesures que nous pourrions prendre ne se limitent pas à une simple action de communication. Si des perspectives se dégagent, j’en référerai au bureau de la commission. Cela vous convient-il ?

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Oui, je vous remercie. Je considère que l’argumentation d’Alexis Kohler sur la séparation des pouvoirs était pertinente. Je me réjouis que le procureur l’ait validée.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je ne suis pas du tout d’accord avec la décision du procureur, mais je propose que nous en reparlions dans le cadre du bureau.

Venons-en à l’ordre du jour, qui appelle l’examen du rapport d’information relatif à la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes. Cette mission d’information, commencée sous la précédente législature, avait été interrompue le 9 juin 2024. Conformément à la décision de notre bureau, nous avons reconduit les deux rapporteurs, MM. Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet, pour finaliser ce travail. Le projet de rapport a été transmis à tous les commissaires vendredi dernier, et je cède la parole aux rapporteurs pour leur présentation.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. C’est avec une grande satisfaction que nous présentons enfin ce rapport. Je tiens à préciser que le retard dans sa présentation n’est pas imputable à la dissolution, puisque j’en porte la plus grande part de responsabilité. Je tiens d’ailleurs à présenter mes excuses à M. Jolivet, et à le remercier pour la patience dont il a fait preuve tandis que je traitais nos auditions et nos travaux. Je remercie également les administrateurs qui ont collaboré avec nous sous cette mandature et la précédente, et j’adresse une pensée reconnaissante à nos anciens collègues députés qui ont participé aux auditions et ne sont plus en fonction aujourd’hui.

Ce rapport soulève une question fondamentale formulée par M. Jolivet : qui défend véritablement les épargnants ? Cette interrogation a motivé notre groupe à proposer ces travaux. À l’issue de nos auditions et analyses, force est de constater que cette question reste d’actualité. Nous sommes au regret de conclure qu’aucune entité, que ce soit dans l’administration, le secteur bancaire, le domaine des assurances, ou parfois même au sein de la représentation nationale, ne semble réellement se préoccuper du sort des épargnants, en particulier ceux issus des classes populaires et moyennes.

Cette indifférence envers les intérêts des épargnants engendre des pertes de pouvoir d’achat considérables. Selon des études, environ 300 milliards d’euros de pouvoir d’achat ont été perdus entre 2020 et 2023 en raison de l’érosion monétaire et du manque de protection des épargnants français. Ces pertes affectent principalement les classes moyennes et populaires, les catégories plus aisées bénéficiant généralement d’un meilleur accès à l’information et au conseil financier.

Nos travaux ont permis de mettre à jour l’extraordinaire fainéantise intellectuelle du secteur bancaire et assurantiel. Lors de nos auditions, nous avons été frappés par l’absence de propositions concrètes ou d’initiatives innovantes de la part des banques afin de mieux protéger et rémunérer l’épargne. Lorsque nous leur avons demandé comment la représentation nationale pourrait les aider à protéger et améliorer la rémunération de l’épargne, nous avons entendu les mouches voler. Leur discours s’est pauvrement contenté de renvoyer à la question des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne et aux réglementations Bâle III et Solvency II, à propos desquelles elles n’avaient d’ailleurs rien à proposer. Or garantir une rémunération satisfaisante de l’épargne et permettre à tous les Français d’en bénéficier, requiert d’investir dans des activités sûres et rentables. Ces opportunités existent, et c’est un point que nous abordons en détail dans notre rapport.

M. François Jolivet, rapporteur. Notre étude s’est concentrée sur les produits d’épargne privilégiés par les Français, particulièrement ceux issus des classes modestes et moyennes. Deux grandes catégories de placement dominent et fonctionnent en silos : l’épargne réglementée et l’assurance-vie.

L’épargne réglementée comprend une multitude de livrets : le livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDDS), le livret d’épargne populaire (LEP), le livret jeune, le compte d’épargne logement (CEL) et le plan d’épargne logement (PEL), ainsi que le livret d’épargne d’entreprise. L’assurance-vie, quant à elle, constitue un placement patrimonial refuge, largement adopté par l’ensemble des Français. Nous avons délibérément exclu de notre analyse le plan d’épargne retraite (PER), bien que celui-ci se généralise dans de nombreuses entreprises et représente une part croissante de l’épargne des Français.

Nous estimons que l’épargne réglementée est utile mais doit faire l’objet d’une réforme afin de gagner en clarté, en efficacité et en rendement. En 2023, elle représentait près de 950 milliards d’euros, soit environ 15 % du patrimoine des Français. Ces produits offrent sécurité, simplicité, liquidité et avantages fiscaux. Cependant, leur multiplicité et leur opacité, couplées à une diffusion insuffisante des informations sur leurs conditions d’accès, soulève un certain nombre de difficultés.

Le livret A reste le placement refuge par excellence, avec 414 milliards d’euros d’encours et 56 millions de détenteurs en France. Son rôle d’outil d’intérêt général justifie la recherche de stabilité et de prévisibilité. Il est à noter que les établissements bancaires du secteur marchand, à la suite de la crise de 2008, ont obtenu le droit de collecter cette épargne réglementée, assumant ainsi une mission d’intérêt général.

Nous avons constaté avec étonnement que cette mission d’intérêt général n’est pas toujours pleinement comprise ou assumée. Le livret d’épargne populaire, mieux rémunéré, est sous-utilisé : 40 % des Français éligibles n’en possèdent pas. Cela implique que les banques remplissent mal leur rôle de conseil, puisqu’elles ne dirigent pas systématiquement l’épargne des plus modestes vers les meilleurs placements réglementés. L’argument avancé par les banques concernant l’accès au revenu fiscal de référence nous semble peu convaincant, car cette information est souvent demandée lors de l’ouverture de nouveaux comptes.

Nous proposons la suppression du livret jeune, qui ne semble plus répondre à ses objectifs initiaux. En remplacement, nous suggérons la création d’un véritable outil d’éducation à l’épargne, accessible dès le plus jeune âge, dont le titulaire conserverait la pleine propriété, y compris pour les mineurs. Cela permettrait de constituer une épargne durable, protégée de tout risque d’appropriation par des tiers, y compris les membres du cercle familial.

Nous recommandons également la suppression progressive des PEL et des CEL. Ces produits sont devenus de simples placements financiers et ne remplissent plus leur fonction initiale d’aide à l’accession à la propriété ou au financement de travaux, comme en témoigne l’âge moyen élevé de leurs détenteurs.

L’assurance-vie représentait fin 2024 un encours de 2 000 milliards d’euros. Son succès s’explique par sa souplesse, son caractère intergénérationnel et ses avantages en termes de transmission patrimoniale. Cependant, ses taux de rendement actuels sont modestes, en partie en raison de la fiscalité, mais aussi à cause des interventions législatives qui ont accru sa liquidité au détriment de sa performance à long terme. Nous invitons d’ailleurs le législateur à reconsidérer les dérogations accordées sur les assurances-vie. Bien que ces mesures puissent servir certaines politiques publiques, comme la relance de la construction, elles pénalisent in fine l’épargnant.

Notre objectif est de redonner du sens à l’épargne populaire. Depuis les années 1980, le patrimoine financier des Français a considérablement augmenté, mais sa structure s’est modifiée. La part de l’épargne liquide, majoritaire en 1978 à 68 %, est devenue minoritaire en 2023, à 34 %. En parallèle, les placements diversifiés comme l’assurance-vie, l’épargne salariale et l’épargne retraite se sont développés, reflétant une montée de compétences des épargnants qui n’est pas aujourd’hui forcément au rendez-vous.

Cependant, la complexité croissante des produits financiers pose un défi majeur. La compréhension des arbitrages possibles sur les contrats d’assurance-vie ou les plans d’épargne retraite reste difficile pour la majorité des épargnants. Le turnover des conseillers financiers, la digitalisation des services, et potentiellement l’arrivée de l’intelligence artificielle, accentuent la distance entre la banque et ses usagers. L’éducation financière des Français demeure insuffisante, laissant la majorité des épargnants démunis face à des décisions déterminantes pour leur patrimoine.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Le cœur de la problématique réside dans la protection contre l’inflation et l’érosion monétaire. Nos travaux ont permis de dresser un bilan de la situation sur une période de vingt ans et à l’issue d’une crise d’hyperinflation. Il apparaît clairement qu’il existe un problème de contrat moral entre les épargnants français, particulièrement les plus vulnérables, et les institutions censées les protéger.

Lorsqu’un épargnant ouvre un livret A, on lui assure une protection totale, notamment grâce à la garantie de l’État, garantie d’ailleurs toute théorique puisqu’elle n’est pas consolidée et n’a heureusement jamais dû s’exercer. En réalité, l’inflation constitue le véritable risque. Paradoxalement, on laisse croire aux épargnants français qu’ils sont protégés, alors que l’érosion monétaire est inévitable. À partir du moment où les banques commerciales ont obtenu l’accès à l’épargne réglementée, la formule de calcul de l’intérêt a cessé de protéger contre l’inflation. Ainsi, les épargnants, souvent mal informés sur l’érosion monétaire, pensent à tort que leur épargne est protégée, alors qu’elle ne l’est qu’en valeur nominale.

Cette rupture du contrat moral s’étend également à l’assurance-vie. Sur une période de vingt ans, certains placements ont connu une rentabilité réelle de – 8 %, ce qui soulève un problème éthique majeur. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’érosion monétaire est moins perceptible pour les petites épargnes, ce qui peut s’apparenter à un abus de faiblesse envers les classes populaires et moyennes.

La question de l’emploi de cette épargne insuffisamment rémunérée est déterminante. Bien que le financement du logement social et l’octroi de prêts bonifiés aux collectivités territoriales soient des causes d’intérêt général, il est légitime de se demander s’il est juste qu’elles soient financées par les classes populaires et moyennes, tandis que les plus privilégiés s’enrichissent avec d’autres placements. Il ne s’agit pas de remettre en question la nécessité de financer ces causes, mais plutôt de s’interroger sur l’équité de ce système.

Nous estimons que les Français pourraient financer l’économie réelle sans risque, avec des rendements plus attractifs. Il est possible de protéger contre l’érosion monétaire tout en proposant des placements plus intéressants et en soutenant l’économie réelle.

Il faut reconnaître que derrière ce problème d’érosion monétaire et de manque de confiance se cachent des intérêts bien compris. L’épargne réglementée constitue un matelas confortable pour les banques, leur permettant d’honorer leurs obligations réglementaires tout en pratiquant d’autres politiques sans lien avec l’intérêt des épargnants. De même, les services de l’État bénéficient de ce système pour financer la dette à bas coût, sans se préoccuper des conséquences pour les épargnants.

Notre objectif n’est pas de polémiquer, mais de défendre l’intérêt de l’épargnant en toute transparence. Il est impératif que la représentation nationale suive de près la situation de l’épargne et son emploi. Compte tenu de l’ampleur des montants en jeu, environ 6 000 milliards d’euros pour l’ensemble de l’épargne, le Parlement devrait chaque année examiner l’utilisation de cette épargne, tant pour l’économie réelle que pour les causes d’intérêt général, et veiller à sa meilleure rémunération.

M. François Jolivet, rapporteur. Les Français, à l’évidence, ne savent pas gérer leur épargne, et c’est pourquoi nous estimons nécessaire de promouvoir une éducation dans ce domaine. À titre de comparaison, au Royaume-Uni, même les ouvriers retraités des classes modestes consultent quotidiennement la presse financière pour suivre l’évolution de leur retraite, qui comporte une part de capitalisation. Cette éducation aux placements et à l’économie réelle est également répandue en Australie, aux États-Unis et en Allemagne, où les PER existent depuis plus longtemps. Dans ces pays, cette éducation est souvent dispensée par les organisations syndicales. En France, nous accusons un retard significatif en matière d’éducation financière.

La première et sans doute la plus importante de nos recommandations pour nous, parlementaires, consiste à instaurer un débat annuel. Celui-ci permettrait au gouvernement de saisir les parlementaires sur la doctrine d’emploi de l’épargne en France, qu’il s’agisse de l’épargne réglementée, de l’épargne assurantielle, ou des plans d’épargne retraite.

Nous préconisons également de simplifier les critères d’ouverture des livrets d’épargne populaire afin que toutes les personnes éligibles puissent en bénéficier. Concrètement, nous suggérons d’inviter les banques à demander le revenu fiscal de référence de leurs clients et à les encourager à transférer leur épargne du livret A vers le livret d’épargne populaire. Cette mesure vise à mieux protéger les classes modestes et populaires en leur offrant une rémunération plus avantageuse.

Nous souhaitons par ailleurs garantir un niveau de rémunération de l’épargne qui protège efficacement contre l’érosion monétaire. Bien que nous n’ayons pas de solution définitive, nous reconnaissons la nécessité de maintenir une certaine liquidité de cette épargne. Cependant, nous constatons que de nombreux livrets restent stables sur de longues périodes, devenant de facto des placements à long terme. Or il est légitime de s’interroger sur la pertinence de maintenir un placement à long terme au maximum du livret A sans jamais le modifier, et s’exposer ainsi à l’érosion monétaire.

Nous proposons également d’orienter l’épargne populaire et celle des classes modestes vers le financement d’actifs plus rentables. Actuellement, la direction générale du Trésor définit la doctrine d’emploi des livrets réglementés. Il conviendrait d’élargir cette doctrine auprès des gestionnaires, notamment pour le plus important collecteur, la Caisse des dépôts et des consignations.

Par ailleurs, il est impératif de lutter contre les abus en matière de frais et de commissions imposés dans les contrats d’assurance-vie. Bien que la rémunération des gestionnaires de fonds, de patrimoine et des établissements de placement d’assurance-vie soit rendue publique, il reste difficile de comprendre précisément qui gagne quoi. Nous savons que 260 000 salariés sont rémunérés par les secteurs bancaires et assurantiels, nécessairement au détriment de ceux qui ont apporté leur argent dans ces établissements.

Enfin, nous préconisons de renforcer l’obligation de conseil des banques, y compris sur les placements en cours. Il est crucial de simplifier et de rendre compréhensibles les textes adoptés par le Parlement, les banques et les établissements financiers. Bien que ces derniers respectent les réglementations et soient soumis à des contrôles, l’épargnant, qu’il soit modeste ou non, et sans éducation financière, peine à comprendre les documents qui lui sont transmis.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour cette présentation. Je partage certaines de vos analyses, notamment le constat que l’épargne réglementée, telle que le livret A, ne protège pas efficacement l’épargne des classes moyennes et populaire. C’est pourquoi je considère qu’une réindexation des instruments d’épargne réglementée sur l’inflation est nécessaire. Lorsque la rémunération de l’épargne est inférieure à l’inflation, non seulement le capital perd de sa valeur, mais le rendement est également inférieur aux attentes. Par exemple, avec une inflation à 2 % et une rémunération de 1 %, la perte annuelle sur un capital de 1 000 euros n’est pas de 20 euros, mais de 40 euros. Ce phénomène est rarement mentionné, révélant un réel manque d’information, lequel s’atténue d’ailleurs à mesure que le niveau de patrimoine augmente, les plus aisés bénéficiant du double avantage d’un accès à des produits d’épargne plus rentables et de meilleurs conseils financiers.

Cependant, je suis plus réservé concernant vos recommandations visant à faciliter les investissements en valeurs mobilières et à encourager des placements risqués, notamment votre proposition de démocratiser le capital-investissement. Ces recommandations semblent s’inscrire davantage dans une logique de financiarisation de l’épargne plutôt que dans une démarche de protection de l’épargne populaire. Au lieu de financer le logement et la transition écologique, vous proposez d’exposer les économies des classes populaires et moyennes à la voracité des marchés financiers.

Vous contestez le financement par l’épargne réglementée du logement social, de la politique de la ville, de la transition écologique et des collectivités territoriales, parce que vous semblez considérer que cela se fait au détriment des petits épargnants. Je pense au contraire que cette épargne devrait continuer à financer des projets s’inscrivant dans la bifurcation écologique et sociale, selon des pratiques différentes de celles des banques privées. Considérez-vous que la protection de l’épargne populaire soit incompatible avec son utilisation pour financer des projets d’intérêt général ?

Ma deuxième réflexion porte sur la structure de l’épargne qui, comme vous le mentionnez dans votre rapport, varie en fonction de l’ampleur du patrimoine financier. Les personnes disposant de peu de moyens se tournent vers les livrets d’épargne réglementée qui, malgré l’érosion due à l’inflation, ne présentent aucun risque. Seuls les plus riches peuvent diversifier leur épargne, car ils sont les seuls à pouvoir se permettre de perdre une partie de leur capital en investissant dans des produits risqués.

En soutenant l’idée de siphonner l’épargne populaire pour alimenter le capitalisme financiarisé, c’est-à-dire permettre, ainsi que vous le proposez, aux classes populaires et moyennes d’orienter leur épargne vers des investissements plus risqués comme le font les plus fortunés, ne craignez-vous pas de favoriser un transfert de cette épargne vers des cabinets de courtage et des sociétés de gestion qui pourraient en tirer profit ?

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Nous avions anticipé ces interrogations dans notre rapport, et je regrette que nous n’ayons pas réussi à vous convaincre. Vos préoccupations sont légitimes et reflètent celles des épargnants qui ne souhaitent pas prendre des risques inconsidérés avec leur argent.

Au cœur de notre travail se trouve la volonté de démontrer que le risque pèse aujourd’hui principalement sur les classes populaires et moyennes. Le système financier actuel repose sur ce matelas d’épargne populaire qui n’est ni correctement valorisé, ni judicieusement utilisé. On abuse de la confiance de l’épargnant moyen, tandis que les banques prospèrent sans que ces épargnants n’en voient les bénéfices.

Nous plaidons pour un véritable capitalisme populaire où les Français seraient propriétaires de leurs entreprises. On ne peut pas à la fois déplorer que les dividendes enrichissent les plus favorisés et refuser aux classes populaires et moyennes l’accès au capital, donc aux dividendes. Aussi je comprends vos réserves, mais je pense qu’il est possible de concilier ces objectifs apparemment contradictoires en considérant que le volume de l’épargne est tel qu’il est possible d’investir dans des activités plus rentables sans pour autant exposer cette épargne à des risques excessifs.

Nous déplorons les difficultés que nous avons rencontrées pour obtenir des informations précises de la part de Bercy, de la Banque de France et des différents lobbies bancaires, et c’est cette paresse et cette indifférence vis-à-vis de l’épargne populaire que j’ai voulu pointer au début de mon introduction. On nous affirme en effet que les 900 milliards d’euros d’épargne doivent impérativement être liquides, car tout pourrait être retiré du jour au lendemain. Or, le cumul historique des retraits s’élève, de mémoire, à 10 milliards d’euros en deux siècles. En réalité, la liquidité parfaite de l’épargne ne révèle que le désintérêt des banques pour son utilisation. Il ne s’agit que d’un prétexte pour priver les épargnants des classes populaires et moyennes d’une rémunération équitable.

À la vérité, c’est bien le système français qui craint l’épargne, et non les Français eux-mêmes. L’économie réelle n’est pas intrinsèquement risquée. On qualifie à tort certains éléments de risqués pour susciter la crainte, alors qu’une gestion durable est tout à fait possible, comme le démontrent de nombreux exemples. Il ne s’agit pas de spéculer, mais d’assurer la transparence, qui fait actuellement défaut. Les épargnants financent involontairement des activités spéculatives sans en tirer aucun bénéfice.

Je tiens à clarifier notre position : nous ne nous opposons pas au financement du logement social et des causes d’intérêt général. Cependant, il faut reconnaître que ce sont actuellement les classes moyennes, et non les plus privilégiés, qui supportent ce financement. Il est légitime de s’interroger sur la raison pour laquelle les plus aisés ne participeraient pas davantage à cet effort, plutôt que de faire systématiquement peser cette charge sur les mêmes catégories de la population.

M. François Jolivet, rapporteur. La doctrine d’emploi des fonds d’épargne est définie par la direction générale du Trésor, tandis que la Caisse des dépôts et des consignations, en tant que principal collecteur, en détermine ensuite les modalités d’utilisation. Mon corapporteur l’a dit, notre objectif n’est nullement de remettre en question le financement du logement social par l’épargne populaire ou toute autre forme d’épargne. Cependant, il convient de rappeler que les gestionnaires d’épargne, qu’il s’agisse de la Caisse des dépôts et des consignations ou d’autres établissements financiers, bénéficient actuellement d’une marge considérable entre la rémunération offerte aux épargnants et le rendement réel des placements. Lorsqu’ils rémunèrent un placement à 1 %, ils placent cet argent à des taux s’élevant jusqu’à 5 % et encaissent la différence.

Notre proposition vise simplement à offrir aux épargnants français une meilleure rémunération et un partage plus équitable des bénéfices. Nous envisageons la possibilité de créer des produits structurés qui pourraient combiner différents types d’épargne, incluant par exemple une part sur le livret d’épargne populaire, une autre sur le livret A, et une troisième sur un produit offrant une meilleure rémunération. Il ne s’agit pas de faire des promesses irréalistes aux épargnants, mais plutôt d’assurer une répartition plus juste des rendements entre les gestionnaires et les détenteurs de l’épargne.

Notre intention n’est pas non plus de déstabiliser le système financier français, mais d’explorer, avec humilité, la possibilité d’offrir des produits structurés similaires à ceux autorisés par le Parlement pour les PER, qui offrent une meilleure rémunération que le livret A. Nous proposons d’étendre cette approche à d’autres formes d’épargne, y compris le livret jeune que nous envisageons de transformer en un livret éducation jeune.

Plutôt que remettre en cause l’utilisation de l’épargne pour le financement des politiques publiques et de l’économie, notre démarche consiste à explorer des moyens d’améliorer la rémunération tout en maintenant ces fonctions essentielles. Il ne s’agit donc aucunement, monsieur le président, de financiariser à outrance ou d’exposer les épargnants à des risques inconsidérés. D’ailleurs, les gestionnaires de fonds, y compris la Caisse des dépôts et des consignations, utilisent déjà l’épargne du livret A pour investir dans le CAC 40. Notre objectif est simplement d’assurer une répartition plus équitable des bénéfices entre toutes les parties prenantes.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie. Nous en venons aux questions du rapporteur général.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La lecture de votre rapport m’a laissé quelque peu perplexe, et ce pour plusieurs raisons. Commençons par le livret A, qui bénéficie d’une exonération fiscale mais qui, comme vous le démontrez dans votre rapport, est en réalité un instrument de perte de pouvoir d’achat sur le long terme. On justifie son existence par son rôle dans le financement du logement social, mais force est de constater que le LDDS et le livret A n’y contribuent que de façon marginale. Certains utilisent le livret A comme un outil d’optimisation de leur trésorerie, notamment parce que le droit français ne prévoit généralement pas de rémunération des dépôts bancaires sur les comptes courants. Ce point, que vous n’avez pas abordé, mérite attention car il implique que des personnes aisées utilisent le livret A à des fins d’optimisation financière, celui-ci offrant une meilleure rémunération que les comptes bancaires classiques.

Ma deuxième interrogation porte sur le CEL et le PEL. Ne serait-il pas judicieux de simplifier ce système en réduisant le nombre de produits d’épargne ? Au lieu des sept produits actuels, un ou deux ne suffiraient-ils pas ? Faut-il envisager la suppression ou la mise en extinction du CEL et du PEL, sachant que leur utilisation effective pour l’acquisition d’un logement est très minoritaire, particulièrement pour le CEL ? Avez-vous des données précises sur le pourcentage de ces fonds effectivement utilisés pour l’achat d’un bien immobilier ?

Concernant l’assurance-vie, votre rapport met en lumière la perspicacité des épargnants français. Ils ont bien compris que la rémunération des fonds en euros était proche de zéro ces dernières années, alors que les unités de compte offraient de meilleures perspectives. Sur le long terme, les unités de compte ont affiché des rendements d’environ 3 %, tandis que les fonds en euros sont parfois tombés en dessous de 1 %.

Vous soulevez à juste titre la question de la transparence des frais de gestion. Je rappelle qu’un relevé détaillé des commissions perçues est désormais fourni chaque année, distinguant celles revenant à la banque de celles destinées aux organismes intermédiaires. Ces prélèvements absorbent parfois jusqu’aux deux tiers de la rentabilité de ces produits. Vous suggérez un plafonnement de ces rémunérations, mais je m’interroge sur la faisabilité technique d’une telle mesure et sur ses modalités d’application, d’autant plus que l’effort de transparence accrue n’a pas entraîné une baisse significative des placements en unités de compte. Avez-vous obtenu des informations sur la rentabilité de ces produits pour les banques ?

Il est intéressant de noter qu’en dépit des périodes où les prêts n’étaient pas rentables, voire généraient des marges négatives pour les banques, leurs résultats ne se sont pas effondrés. Cela s’explique en grande partie par l’explosion des commissions, un aspect que votre rapport n’a pas approfondi mais qui me semble crucial, notamment dans le contexte de vos propositions d’encadrement.

Enfin, je regrette que vous n’ayez pas évalué le coût en termes de dépenses fiscales de l’ensemble de ces produits d’épargne. Quel est le montant total de ces dépenses ? Lors d’un précédent travail mené au sein de cette commission, j’avais été surpris de constater que personne n’était en mesure de nous fournir une estimation précise, notamment du coût de l’exonération fiscale de l’assurance-vie.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. J’aimerais vous apporter des réponses précises, monsieur le rapporteur général, mais à nouveau j’insiste sur la frustration qui a été la nôtre face à l’indigence, pour employer un euphémisme, des réponses des banques aux questions, pourtant concrètes, que nous leur avons adressées à l’oral et par écrit. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai suggéré au président de la commission des finances de poursuivre nos travaux.

De même, le ministère de l’économie et des finances s’est montré avare d’informations, par exemple sur les données relatives à l’impact fiscal des dispositifs évoqués. Nous disposons certes d’une estimation du surcoût lié à la sur-rémunération de certains PEL, chiffré à environ 3 milliards d’euros. Cependant, nous ne pouvons que déplorer la grande opacité qui persiste sur les sujets que vous soulevez.

La prudence de certaines de nos recommandations s’explique par notre volonté de ne pas perturber la confiance des Français. Aborder des sujets tels que l’érosion monétaire ou évoquer la suppression de certains livrets pourrait, en effet, être source d’inquiétudes injustifiées si ces informations étaient mal interprétées ou exploitées de manière inappropriée par les médias. Notre objectif n’est pas de créer une panique ni de favoriser la promotion ou la dépréciation de certains placements, et si nous alertons avec vigueur sur le nombre excessif de produits d’épargne, nous n’ignorons pas l’économie repose sur la confiance et une information juste.

Les avantages fiscaux à l’évidence ne profitent pas aux catégories populaires. Quant aux grandes fortunes, on peut sans se tromper affirmer que les 22 950 euros du livret A ne représentent pas pour elles un levier d’optimisation significatif. Au fond, nous avons l’impression que les banques et les assurances n’ont rien d’autre à proposer que des avantages fiscaux offerts par l’État et des conditions de financement liées à la Banque centrale européenne, comme si elles ne jouaient qu’un rôle d’intermédiaire entre celles-ci et n’apportaient aucune réelle valeur ajoutée pour leurs clients. Déjà Colbert, au XVIIe siècle, dénonçait les financeurs de l’époque qui réclamaient des avantages à l’État, faute de pouvoir rémunérer correctement leurs épargnants.

M. François Jolivet, rapporteur. De nombreuses familles aisées détiennent plusieurs livrets A, et il est vrai que cette situation interroge. Cependant, les besoins de liquidité concernent essentiellement les catégories modestes et populaires.

Nous avons bien cherché à connaître le coût de la niche fiscale liée à la transmission des contrats d’assurance-vie. Malheureusement, nous n’avons pas pu, comme vous, obtenir de réponse.

M. le président Éric Coquerel.  Nous en venons à présent aux interventions des orateurs de groupe.

Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Cette mission d’information était nécessaire, car les divers rapports institutionnels sur ce sujet ne reflètent pas pleinement la réalité d’un système qui porte préjudice aux intérêts des épargnants français. La défense de ces derniers est au cœur des préoccupations du Rassemblement national et de Marine Le Pen depuis de nombreuses années.

Votre enquête, messieurs les rapporteurs, met en lumière des chiffres alarmants. Entre 2003 et 2023, 1 000 euros conservés sans placement ont perdu 32 % de leur valeur en raison de l’inflation. En comparaison, la même somme placée sur un livret A atteint nominalement 1 400 euros, mais seulement 936 euros en euros constants, autrement dit le taux d’intérêt ne compense pas l’inflation. Plus préoccupant encore, vous estimez à 300 milliards d’euros la perte de pouvoir d’achat en deux ans, de 2021 à 2023, pour les produits réglementés tels que le livret A, le LDDS, le LEP, et les assurances-vie en fonds euros. Cette érosion du pouvoir d’achat affecte principalement les épargnants modestes.

Cette situation est doublement dommageable : elle pénalise nos concitoyens qui voient leur pouvoir d’achat diminuer, mais aussi notre économie qui manque de capitaux, conséquence directe d’une mauvaise allocation de l’épargne. L’épargne populaire, estimée à 750 milliards d’euros en 2017, atteindrait aujourd’hui 900 milliards d’euros. Ce montant dépasse largement les besoins d’un fonds souverain dont la France a besoin pour soutenir ses secteurs stratégiques.

Dans ce contexte, comment envisagez-vous d’articuler vos propositions sur l’épargne avec les préconisations du Rassemblement national relatives à la création d’un fonds souverain ?

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je ne voudrais pas abuser de ma position de rapporteur et de député du groupe RN, et je pense que cette question mérite une discussion plus approfondie dans un autre cadre.

Néanmoins, le point que vous soulevez, et que nous n’avons peut-être pas suffisamment développé dans notre rapport, concerne le sous-financement chronique de l’économie française. Ce problème a d’ailleurs été récemment évoqué au Sénat par Arnaud Montebourg, dans des termes assez proches des nôtres.

La mauvaise rémunération de l’épargne engendre effectivement un sous-financement de notre économie, de nos infrastructures, de notre tissu industriel et des investissements d’avenir, y compris ceux liés à la transition écologique. Cette situation résulte en grande partie du fait que les banques et les assurances ne font pas leur métier. Et se défaussent, lorsque nous les poussons dans leurs retranchements, tantôt sur l’Europe, tantôt sur Bâle III ou Solvency II.

Cette situation place l’économie française dans un état de sous-investissement et de sous-financement chronique, ce qui est extrêmement problématique. Cela affecte non seulement la prospérité de notre nation, mais aussi la capacité à mieux rémunérer l’épargne en général, notamment via la croissance économique. L’épargne ne devrait pas être considérée comme un simple coffre-fort dans lequel on puiserait occasionnellement, mais comme un fonds dynamique, contribuant activement à la prospérité collective et générant des rendements.

En définitive, derrière la mauvaise utilisation de l’épargne des Français et le scandale que vous dénoncez à juste titre, se cache le problème fondamental du sous-financement de l’économie française.

M. Daniel Labaronne (EPR). Nous partageons certains de vos constats, notamment l’aversion au risque des gestionnaires de l’épargne des Français, le manque d’information concernant les pratiques tarifaires, et l’insuffisance d’uneéducation financière. Rappelons qu’actuellement 1 000 milliards d’euros sont placés sur des dépôts bancaires non rémunérés, une situation unique en Europe. Nous reconnaissons également la nécessité d’orienter l’épargne vers les actifs immobiliers pour financer les fonds propres des entreprises et leurs investissements.

Cependant, il convient de nuancer certaines de vos analyses. Selon les chiffres de la Banque centrale européenne relayés par la Banque de France, le taux d’intérêt moyen pour les dépôts d’épargne en France s’établit à 2,1 %, soit 0,6 point de plus que la moyenne de la zone euro. En outre, notre offre diversifiée de produits d’épargne réglementée permet aux épargnants de disposer d’un choix plus large. Il convient également de rappeler que la rémunération de l’épargne permet de proposer des crédits à taux fixes, notamment pour l’habitat, ce qui constitue une spécificité française. C’est pourquoi il me semble essentiel de maintenir un équilibre entre la rémunération de l’épargne et le coût de financement de l’économie

J’aimerais vous adresser trois questions. Premièrement, vous n’évoquez pas dans votre rapport le projet européen de l’Union pour l’épargne et l’investissement (UEI). Ne pensez-vous pas que la création de cette union permettrait d’instituer un marché financier plus profond, offrant des perspectives d’investissement plus larges et donc plus favorables à la rentabilité de l’épargne des Français ?

Deuxièmement, que pensez-vous de la mise en place d’un fonds de capitalisation pour financer la retraite individuelle en complément du système de répartition ? Un tel fonds, axé sur le long terme, n’offrirait-il pas des perspectives de rentabilité plus élevée ?

Enfin, quelles informations spécifiques souhaiteriez-vous que les conseillers bancaires ou assurantiels fournissent à leurs clients afin de leur permettre de mieux allouer leur épargne ?

M. François Jolivet, rapporteur. Je vous accorde que le fonds de capitalisation est une idée à considérer sérieusement.

Sur le défaut d’informations livrées aux épargnants, il me semble que la relation entre les clients et leurs conseillers bancaires s’est considérablement détériorée. Beaucoup de Français ne connaissent plus leur conseiller, et quand ils le connaissent, celui-ci change fréquemment. Les banques reconnaissent d’ailleurs cette faiblesse de la relation avec leurs clients, et disent chercher à y remédier. Mais l’avènement de l’intelligence artificielle dans ce domaine soulève des inquiétudes, car elle risque de réduire encore le contact humain et les explications personnalisées. L’éducation financière n’en revêt que davantage d’importance, et nous préconisons dans notre rapport de la renforcer.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Nous avons auditionné des représentants des agents bancaires, qui nous ont confié la grande souffrance qu’ils éprouvent dans l’exercice de leur métier, et le sentiment de ne plus pouvoir conseiller efficacement leurs clients. Les règles de management mises en place par les banques depuis une décennie ont considérablement détérioré le lien entre les entreprises, les familles et les agents bancaires. Cette approche, basée sur l’idée qu’il ne faudrait pas connaître ses clients pour éviter les conflits d’intérêts, semble totalement inadaptée pour l’écrasante majorité des Français. Lorsque nous avons interrogé les directions des banques sur les manières d’améliorer le conseil bancaire, elles nous ont simplement répondu en menaçant de fermer des agences dans nos circonscriptions – cela pour vous donner une idée, encore une fois, du niveau de l’argumentation.

Envisager la question du marché unique des capitaux en Europe n’est pas séparable de la défense des intérêts français. Notre épargne constitue un avantage compétitif qu’il convient de préserver, et il serait imprudent de favoriser des pays qui n’ont peut-être pas eu le même souci de l’épargne populaire. Nous observons en effet des différences significatives dans les comportements d’épargne entre les pays de culture protestante et ceux de culture catholique, dans lesquels des restes d’idéologie bourgeoise cultivent l’idée que le bon peuple n’est pas capable de comprendre et doit s’en remettre aux notables éclairés.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je souhaite revenir sur la question soulevée par M. le président. Vous affirmez que vos propositions permettraient de diriger l’épargne populaire vers l’économie réelle, mais je peine à comprendre comment cela serait possible concrètement.

Vous reconnaissez que les banques et les instituts financiers utilisent l’épargne populaire pour générer une rentabilité supérieure, dont les petits épargnants ne bénéficient pas. Dans ce contexte, la solution la plus évidente serait simplement d’augmenter les taux de rémunération des produits d’épargne populaire existants. Or, ce n’est pas exactement ce que vous proposez.

Votre suggestion semble plutôt être d’encourager les petits épargnants à investir dans ce que l’on pourrait appeler des bulles spéculatives. Monsieur Tanguy, vous expliquez même que l’objectif est que tout le monde puisse toucher des dividendes, ce qui ne laisse pas de surprendre de la part d’un membre du Rassemblement national, qui prétend habituellement défendre la valeur du travail.

Toucher des dividendes ne contribue pas nécessairement au fonctionnement de l’économie réelle. Ces dernières années, nous avons battu tous les records de versement de dividendes, principalement au bénéfice des plus riches. Parallèlement, les valeurs boursières ont atteint des sommets historiques. Mais quel a été l’impact réel de cette pluie de dividendes sur l’investissement productif dans notre pays ? Quelle a été l’utilité concrète de cet argent dans l’économie réelle ?

Ce que vous proposez revient à utiliser l’épargne populaire pour alimenter des bulles financières et spéculatives qui n’auront aucun impact positif sur l’économie réelle. Au contraire, cela risque de continuer à vider les entreprises de leurs ressources au profit de ceux qui touchent des dividendes.

Il convient d’adopter une approche radicalement différente : assurer une rémunération sûre et en hausse de l’épargne populaire, garantir de bons salaires, et favoriser des investissements directs dans les entreprises. C’est ainsi que nous pourrons véritablement soutenir l’économie réelle et améliorer la situation financière des Français.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je tiens d’emblée à souligner que notre approche n’a rien d’autoritaire ni de coercitif envers les épargnants français. Je crois fermement au capitalisme populaire et je rejette cette opposition systématique entre travail et capital. Il est paradoxal de constater que vous refusez aux Français la possibilité d’avoir voix au chapitre dans leurs entreprises, tout en critiquant le pouvoir des fonds d’investissement sur ces mêmes sociétés.

Notre proposition s’inscrit dans le cadre des institutions existantes, gérées dans l’intérêt général. Bien entendu, l’objectif est d’offrir des rendements supérieurs à l’inflation, voire plus attractifs sur le moyen et le long terme. Cependant, cela nécessite des activités économiques sous-jacentes performantes. Il ne s’agit pas de transformer les HLM en entités rentables ou d’imposer des taux usuraires aux collectivités, ce qui serait contraire à la mission de service public.

Les dividendes sont le fruit du travail des Français, ce n’est pas un terme péjoratif. En donnant plus de pouvoir aux salariés dans les entreprises, ceux-ci pourraient potentiellement réduire ces dividendes au profit d’autres investissements. Il est intéressant de noter que les classes populaires et moyennes ont tendance à réinvestir leurs dividendes dans le capital, contrairement à certains actionnaires qui les utilisent à d’autres fins. Plus le capitalisme populaire est ancré dans les classes moyennes, plus il devient raisonnable. Je suis convaincu que la fin du privilège financier conduira à un capitalisme plus responsable et potentiellement plus écologique.

Mme Sophie Pantel (SOC). Je tiens à souligner quelques points d’accord avec votre rapport, notamment sur la nécessité de formation à la culture financière et sur le besoin de conseil pour les épargnants.

Cependant, vous semblez affirmer que l’épargne réglementée ne finance pas l’économie réelle. Je me permets de rappeler que le financement du logement et du secteur du bâtiment, ainsi que celui de la transition écologique et des collectivités, constituent bel et bien un soutien à l’économie réelle. Et que l’on ne peut pas toujours en dire autant des marchés financiers.

Pour les épargnants modestes, l’essentiel est de protéger le fruit de leur travail et de pouvoir faire face aux imprévus. Il serait populiste de laisser croire à l’existence d’un placement à la fois liquide, très rémunérateur et sans risque. Je vous renvoie aux récents propos de la présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui a clairement établi le lien entre rendement élevé et risque.

Vous évoquez un modèle en mesure d’améliorer la rentabilité de l’épargne populaire, mais vous n’en précisez pas la nature. De même, vous mentionnez que les banques devraient proposer de meilleurs produits, mais sans en détailler le modèle financier. Enfin, vous soulignez que l’assurance-vie repose essentiellement sur des avantages fiscaux, mais encore une fois sans formuler de recommandations concrètes.

M. François Jolivet, rapporteur. Notre première proposition concrète concernant l’épargne réglementée est d’exiger des établissements bancaires qu’ils proposent systématiquement le livret d’épargne populaire à tous ceux qui y ont droit. Actuellement, 40 % des personnes éligibles n’en bénéficient pas et placent leur argent sur le livret A.

Nous reconnaissons évidemment que le financement du logement et de la transition écologique s’inscrit dans l’économie réelle. Mais la question porte plutôt sur la pertinence de proposer aux personnes modestes un placement à 0,5 % pour ces investissements, malgré la liquidité, puisque les assurances-vie offrent un rendement à 1,1 % et sont devenues liquides à 70 %.

Nous n’avons pas souhaité porter de jugement définitif sur les assurances-vie par souci d’éviter toute polémique inutile. En revanche, les gestionnaires de patrimoine nous ont confirmé que l’argument de la défiscalisation est souvent déterminant dans le choix de ce placement, parfois au détriment d’une réflexion sur le taux de rendement. Cela concerne particulièrement les personnes de 60 ans qui, déjà à la retraite, cherchent à placer l’argent de leur héritage en bénéficiant d’une forme d’optimisation fiscale. C’est en ce sens que j’ai parlé de niche fiscale.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Nous avons clairement indiqué dans notre présentation que nous ne cherchions pas à dégrader le financement du logement social ou des collectivités, ni prétendu qu’il soit possible d’obtenir une rémunération plus élevée sans contrepartie. Nous considérons que générer du rendement requiert des activités rentables. Il ne s’agit pas d’exposer l’épargne des Français à des rentabilités extravagantes de 15 % comme peuvent le faire les plus privilégiés. Mais cette opposition entre 1 % et 15 % est fallacieuse. Ce n’est pas une alternative, il existe un entre-deux. Si par exemple les Français possédaient leurs autoroutes, cela aurait constitué une activité sûre et rentable.

En outre, c’est bien la masse de l’épargne réglementée qui permet de maintenir sa liquidité. Dans le plus catastrophique des scénarios, seuls 10 des 900 milliards d’euros de l’épargne populaire seraient nécessaires pour assurer cette liquidité. Autrement dit, 890 milliards d’euros pourraient être alloués de manière plus dynamique. Il est regrettable de raisonner en termes binaires et d’opposer liquidité et rentabilité. Il existe une voie médiane qui allie les deux, bénéfique pour tous, comme le démontrent certains pays nordiques, notamment la Norvège.

M. Corentin Le Fur (DR). Je vous remercie, messieurs les rapporteurs de vous être emparés de ce sujet d’une importance capitale, et je partage entièrement vos constats. Il est en effet choquant de constater la faible valorisation et la faible rémunération de l’épargne populaire. Les rendements insuffisants et les sous-financements chroniques appauvrissent en réalité les petits épargnants, ce qui est inacceptable. Je suis également interloqué par l’injustice flagrante que représente la progression des cours de bourse depuis des décennies, bénéficiant essentiellement aux banques et aux plus favorisés, au détriment des petits épargnants qui, eux, s’appauvrissent.

Je crois fermement, comme vous, à l’idée d’un capitalisme populaire, une idée très gaullienne. Il est temps de renverser la situation en s’inspirant du modèle anglo-saxon, où les classes populaires et les ouvriers bénéficient d’une éducation financière plus poussée et s’intéressent davantage aux marchés, ne laissant pas ces avantages aux seules catégories fortunées.

J’aimerais savoir comment, selon vous, nous pouvons concrètement améliorer l’éducation financière et intéresser le plus grand nombre, notamment les classes moyennes et populaires, à l’économie réelle. Comment les inciter à financer cette économie réelle, leur permettant ainsi d’avoir un pouvoir de décision dans les entreprises où ils investissent, voire d’influencer les positions de ces entreprises ? Cette approche serait non seulement rémunératrice mais aussi vertueuse.

Par ailleurs, avez-vous examiné la possibilité de permettre aux épargnants de choisir plus librement les entreprises ou les projets dans lesquels ils souhaitent placer leur épargne ? Nous constatons en effet que les petits épargnants, en particulier, disposent souvent de peu d’informations et sont même susceptibles d’être induits en erreur par les banques quant à la destination réelle de leur épargne. Ils n’ont que peu ou pas d’influence sur l’utilisation de leurs fonds, alors qu’ils pourraient choisir des projets écologiquement vertueux, par exemple, ou des entreprises et des secteurs qu’ils jugent prioritaires. Outre l’amélioration de la rémunération de l’épargne populaire, que proposez-vous pour favoriser davantage de choix et de libre arbitre dans la destination de cette épargne ?

M. François Jolivet, rapporteur. L’éducation financière des Français constitue effectivement un enjeu majeur. Les ministres de l’économie qui se sont succédé ont tous souligné la difficulté de communiquer efficacement sur les questions économiques avec les Français, notamment en ce qui concerne leurs propres placements.

Nous constatons néanmoins quelques progrès. Les Français bénéficiant de PER ouverts avec leur entreprise reçoivent désormais des supports d’information. Les directions des ressources humaines imposent souvent aux gestionnaires de PER d’intervenir dans l’entreprise pour expliquer le fonctionnement de ces dispositifs, offrant ainsi un contact humain qui fait désormais défaut dans les établissements bancaires et assurantiels.

Une de nos recommandations vise à permettre aux Français d’utiliser leur compte personnel de formation (CPF) pour accéder à cette éducation financière. Il est crucial de sensibiliser toutes les classes sociales, y compris les plus aisées qui, paradoxalement, laissent souvent leurs avoirs sur des comptes bancaires non rémunérés par manque de connaissances financières.

Je pense qu’un débat parlementaire annuel consacré aux modalités de gestion de l’épargne des Français, couvrant les produits réglementés, l’assurance-vie et les PER, serait à même de sensibiliser le public et pourrait inciter les établissements bancaires à proposer de meilleures rémunérations par le biais de la concurrence.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. À cet égard, il convient de remarquer la flagrante absence de concurrence entre les banques en matière de gestion de l’épargne, ce qui trahit une absence de stratégie et un désintérêt. Parfois quelques banques étrangères lancent des campagnes promotionnelles de courte durée pour attirer la clientèle. Les grandes banques commerciales françaises quant à elle ne font même pas l’effort de proposer des rémunérations plus attractives aux épargnants français.

Vous avez évoqué, monsieur Le Fur, le libre choix par les Français de l’allocation de leur épargne. Sur ce point, nous sommes confrontés à un problème majeur de réglementation européenne, également lié à la Banque centrale européenne. Il faut comprendre que l’aversion au risque excessive ne provient pas du peuple, mais de réglementations qui, en cherchant à éviter tout risque, limitent considérablement les choix. Tout ce qui excède des rendements minimes est considéré comme risqué, à l’exception des bons du Trésor. La doctrine réglementaire post-crise se trouve prisonnière de cette approche, de cette peur excessive du risque qui, paradoxalement, engendre elle-même un risque majeur : le sous-financement de l’économie.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Cette mission d’information permet d’ouvrir un débat essentiel sur l’utilité sociale de l’épargne, sa rémunération et son allocation judicieuse. Notre groupe partage pleinement le constat concernant la sous-rémunération des produits d’épargne populaire face à l’inflation, entraînant une érosion du pouvoir d’achat des ménages modestes et des classes moyennes, même lorsqu’ils épargnent de manière prudente et responsable.

Cependant, nous jugeons ce rapport relativement partiel. L’épargne ne doit pas être considérée uniquement comme un produit à optimiser, mais comme un levier stratégique. Elle doit certes être mieux rémunérée, mais surtout mieux orientée au service de l’intérêt général, de la justice sociale et de la transition écologique. C’est là que réside l’enjeu d’une véritable politique publique de l’épargne.

Or nous constatons une omission majeure dans le modèle de capitalisme populaire que vous proposez : l’écologie. Le rapport reste en effet étonnamment silencieux sur les critères environnementaux et sociaux des placements proposés. Pourtant, la question de l’épargne ne peut plus être abordée sans prendre en compte les impératifs liés à la transition écologique. La financiarisation de l’épargne populaire doit être orientée vers des projets et une économie durables.

Nous plaidons pour une mobilisation de l’épargne populaire en faveur d’une économie bas carbone, solidaire et locale. Cela implique d’orienter l’épargne vers des investissements verts, des coopératives d’énergie et le logement social durable, au-delà des seuls actifs performants pour les classes moyennes supérieures.

De plus, le rapport néglige la question des inégalités d’accès à l’épargne. Bien que l’amélioration de la rémunération de l’épargne des classes moyennes soit importante, il ne faut pas oublier que 20 à 30 % des ménages ne possèdent aucun patrimoine financier. Ces citoyens ont besoin d’un soutien direct au pouvoir d’achat, de services publics solides et d’une véritable politique du logement. À ce titre, ne devrions-nous pas prioritairement réduire le non-recours aux LEP et créer un produit d’épargne populaire sans frais, garanti et vert, géré par la Caisse des dépôts et des consignations ?

Enfin, ce rapport reste enfermé dans une logique très technicienne. Il critique à juste titre l’inefficacité de certains dispositifs, mais ne remet pas en question la place centrale des banques privées dans la gestion de l’épargne réglementée, ni le niveau élevé de leurs marges d’intermédiation, obtenues sans contrepartie suffisante. La réflexion sur un service public de l’épargne à long terme fait défaut.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je trouve vos remarques quelque peu sévères. Sur le rôle central des banques privées dans la gestion de l’épargne réglementée, notre position est ferme, puisque nous recommandons non seulement de ne pas céder à leur demande d’augmentation de la commission pour la gestion de l’épargne réglementée, mais d’envisager sa suppression.

De même, nous soulignons dans notre rapport l’absence de critères sociaux et environnementaux, ainsi que la confusion entre les différents livrets. Ainsi le LDDS, initialement conçu comme un instrument d’épargne à vocation environnementale et sociale, a fini par se confondre avec le livret A. En réalité, l’ensemble des livrets a perdu sa spécificité pour devenir une masse indifférenciée d’épargne réglementée, utilisée de manière uniforme.

Nous ne nous opposons pas à l’idée d’un livret aux objectifs clairement définis, avec un rendement adapté. Nous reconnaissons que certaines activités, notamment dans l’économie sociale et solidaire, sont naturellement moins rentables que d’autres formes d’économie, ce qui n’est pas une critique en soi. Chacun devrait pouvoir choisir d’allouer son épargne à des causes nobles, même si elles sont moins lucratives. Notre priorité est d’assurer une transparence relative à l’utilisation de l’épargne, en veillant à ce que chaque livret, s’il en subsiste, dispose d’une finalité spécifique et clairement affichée.

M. François Jolivet, rapporteur. Le LDDS, cet acronyme dans lequel a été ajouté postérieurement le S de solidaire, représente actuellement un encours de 150 milliards d’euros et fonctionne essentiellement comme un doublon du livret A. Les banques sont tenues de rendre compte auprès des autorités concernant l’utilisation de ces fonds, puisque le LDDS est soumis à une doctrine d’emploi spécifique. Cependant, je dois admettre que les modalités précises de cette justification me sont inconnues. Cette question, d’ailleurs, mériterait certainement un examen approfondi de la part du Parlement.

Notre rapport, madame Arrighi, se veut modeste : il s’appuie sur plusieurs constats  l’érosion monétaire qui affecte particulièrement les plus modestes, le manque d’éducation économique des Français, et les insuffisances du conseil financier  qu’il vise à surmonter tout en maintenant un équilibre entre liquidité et performance à long terme.

Mme Perrine Goulet (Dem). Je souhaite aborder un aspect qui préoccupe grandement les Français : l’accession au logement et à la propriété.

Plusieurs livrets d’épargne sont liés au secteur du logement. Outre le PEL et le CEL, le livret A permet de financer le logement social et la rénovation urbaine, et le LDDS contribue à la rénovation énergétique. Cependant, comme vous le soulignez dans votre rapport et comme l’a déjà relevé la Cour des comptes, le PEL est détourné de son objectif initial d’aide à l’accession à la propriété pour devenir un simple produit d’épargne à long terme.

Il importe de rappeler que l’usage de 30 % des fonds du livret A est à la discrétion des banques, tout comme l’intégralité du LEP. En outre, les taux proposés pour d’éventuels prêts assortis aux CEL et aux PEL, lorsqu’ils sont proposés, ne sont souvent pas compétitifs par rapport aux offres bancaires classiques. Cette situation remet en question l’utilité de maintenir ces produits sous leur forme actuelle. Continuer à orienter les Français vers des produits qui ne remplissent pas leurs promesses en termes de prêts avantageux revient à tromper les épargnants, particulièrement les plus modestes.

J’aimerais connaître votre opinion sur les réformes à envisager pour créer un véritable support d’accès à la propriété. Comment pourrions-nous garantir que des produits comme le LEP ou la part de 30 % du livret A soient effectivement utilisés pour le logement, notamment le logement social ? Il me semble indispensable de développer deux axes distincts : l’un dédié au logement social et l’autre à l’accession à la propriété.

M. François Jolivet, rapporteur. Concernant l’accès des opérateurs HLM au financement de la Caisse des dépôts et des consignations, je tiens à préciser que les règles d’utilisation du livret A restent inchangées. La Caisse des dépôts ne peut refuser un prêt, sauf en cas de difficultés financières avérées d’un organisme HLM. Notre objectif est de garantir que les opérateurs puissent continuer à accéder à ces crédits dans des conditions similaires à celles d’aujourd’hui. Notre rapport met simplement en avant que les personnes très fortunées ne contribuent pas à ce système.

Pour favoriser l’accession à la propriété, le Parlement a adopté en début d’année une loi de finances qui fait du prêt à taux zéro la principale aide à l’accession à la propriété dans l’ensemble du territoire français, aussi bien dans le neuf que dans l’ancien. C’est donc le budget général de l’État qui supporte cet effort à travers le prêt à taux zéro.

Le CEL et le PEL sont effectivement devenus des produits de placement ordinaires. Ils sont principalement détenus par des personnes d’un certain âge qui n’accéderont probablement jamais à la propriété, les taux les plus avantageux étant réservés aux plans ouverts il y a plus de quinze ans. De plus, la prime d’État associée à ces produits a considérablement diminué, réduisant leur intérêt. Je ne vois donc pas de raison de maintenir leur défiscalisation, et nous recommandons de les supprimer progressivement.

Mme Félicie Gérard (HOR). Votre rapport, messieurs, dresse le constat d’une illisibilité des produits d’épargne, due à la complexité des dispositifs, à l’opacité des frais indirects de gestion et au manque de transparence sur l’utilisation des fonds placés. Ce constat rejoint celui que nous avions fait avec M. de Courson dans notre rapport sur l’épargne retraite.

Vous soulignez que les classes moyennes et populaires, en quête de sécurité pour leurs placements, sont souvent orientées vers des produits à faible rendement, parfois même inférieur à l’inflation. Les dix-neuf recommandations que vous formulez visent à apporter plus de clarté dans le paysage de l’épargne, et notre groupe espère que notre commission adoptera largement ce rapport et que le gouvernement s’en saisira pour les débats budgétaires à venir.

Je souhaite revenir sur votre recommandation visant à garantir à l’épargne réglementée un niveau de rémunération la protégeant de l’érosion monétaire. Vous rappelez que les Français ne sont pas conscients que l’épargne réglementée ne les protège pas face à l’inflation. Comment pouvons-nous concrètement améliorer cette prise de conscience collective ? Avez-vous pu mesurer l’impact en termes de pouvoir d’achat ou de rentabilité moyenne d’une meilleure culture financière des épargnants sur leur capacité à faire des choix plus rémunérateurs ?

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. De nombreux travaux économétriques restent à mener, notamment sur le point que vous soulevez, et c’est la raison pour laquelle nous appelons notre commission à poursuivre ses investigations.

Nos moyens ne nous ont pas permis d’approfondir autant que nous l’aurions souhaité la mesure de l’impact d’une meilleure culture financière des épargnants. Nos premières estimations personnelles révélaient des montants très importants, ce qui nous a conduits à privilégier des chiffres calculés par des institutions indépendantes, plus modérés, afin de ne pas alarmer inutilement les épargnants et les médias. Mais, de toute évidence, les pertes de pouvoir d’achat et d’opportunité sont considérables.

M. François Jolivet, rapporteur. À cet égard, il convient d’encourager les détenteurs d’un livret A à transférer au moins une partie de leur épargne sur un LEP, pour ceux qui ont le droit d’en ouvrir un. Cette préconisation relève du conseil financier. Si l’on considère l’impact cumulé sur vingt ans de ce défaut d’information, cela représente des sommes considérables pour l’épargne modeste.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je tiens à ajouter, sans esprit de polémique, que nous avons dû composer avec la mauvaise foi de certains de nos interlocuteurs. Lorsque des représentants de banques affirment aux élus de la Nation que nous sommes que le LEP n’est pas développé parce qu’il s’agit d’un nouveau produit, ils nous mentent, puisque le LEP existe depuis le début des années 1980. Je ne voudrais pas donner l’impression d’accabler sans cesse les banques, mais la qualité de leurs informations et leur bonne foi, notamment concernant le LEP, sont manifestement déficientes. Tout semble fait pour ne pas proposer ce livret garanti aux Français. Et je n’insiste pas sur le manque de respect envers le Parlement que constituent ces mensonges.

M. François Jolivet, rapporteur. J’ajoute que c’est l’État, et non les banques, qui depuis quatre ans a pris l’initiative de promouvoir le LEP. Cette démarche proactive s’est traduite par l’envoi d’un courriel à chaque Français éligible, via l’espace personnel de la direction générale des finances publiques (DGFIP), les informant de la possibilité d’ouvrir ce type de compte auprès de leur établissement bancaire.

M. Michel Castellani (LIOT). Vous avez analysé les différents livrets d’épargne ainsi que l’assurance-vie, mais j’aimerais aborder la question de l’épargne liquide, ce qu’on l’on appelle communément le « bas de laine » au sens étroit du terme. Cette épargne, qui s’élève probablement à plusieurs centaines de milliards d’euros, non seulement n’est pas rémunérée, par définition, mais subit également l’érosion due à l’inflation. Comment pourrait-on mieux mobiliser cette épargne dormante ? Je ne parle pas d’imposer des contraintes, mais plutôt d’inciter à sa mobilisation tout en préservant le libre choix des épargnants.

Serait-il envisageable, selon vous, de faire en sorte que cette épargne inactive irrigue davantage l’économie réelle, tant en termes de consommation que d’investissement ? Une telle approche servirait l’intérêt général tout en bénéficiant aux particuliers et aux détenteurs de ces fonds.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Cette question est précisément traitée dans notre rapport. L’encours actuel est considérable, puisqu’il s’élève à 665 milliards d’euros. Il est préoccupant de voir que 56 % de cet encours stagne sur ces comptes depuis deux décennies. Cette somme colossale reste inactive sur des comptes courants, sans aucune forme de conseil ou d’utilisation judicieuse. Ce phénomène concerne principalement des personnes âgées, à qui l’on permet de laisser plus de 10 000 euros sur des comptes dormants improductifs. Le minimum serait de recommander un placement sur l’épargne réglementée, ce qui n’est manifestement pas le cas, peut-être en raison de patrimoines dépassant les plafonds autorisés.

Cette situation révèle une fois encore l’absence totale de conseil financier, bien qu’il s’agisse de montants colossaux, ainsi qu’un potentiel conflit d’intérêts des banques. En effet, il convient de rappeler qu’en vertu du droit de seigneuriage de la Banque de France, les banques sont rémunérées pour cette épargne dormante. Les questions que nous avons adressées au gouverneur de la Banque de France sur ce sujet n’ont malheureusement pas reçu de réponses satisfaisantes.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Je partage une partie des constats et des préconisations formulés dans ce rapport, notamment à propos de la complexité des produits d’épargne. Il importe en effet de mettre en lumière les pertes financières subies par les classes populaires et moyennes en raison de l’érosion monétaire, insuffisamment compensée par le faible rendement de leurs placements préférés.

Je reste toutefois prudent quant à la proposition de favoriser la culture financière des ménages modestes et moyens. L’histoire nous a montré les dangers d’inciter les classes populaires et moyennes à souscrire à des produits risqués, comme en témoignent les crises financières de 1929 et de 2001. Elle nous a montré également que pour certains acteurs financiers, développer la culture financière équivaut à induire en erreur, comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes.

En dépit de ses imperfections, l’épargne réglementée a le mérite de protéger les petits épargnants de la ruine. Notre priorité devrait être d’améliorer ce système et de garantir un rendement minimal au moins égal à l’inflation.

Les frais excessifs, les commissions opaques et les comportements peu transparents des banques et institutions financières constituent un problème majeur. Il est impératif de s’y attaquer en priorité.

Enfin, je souhaite évoquer une proposition du rapport Sansu-Mattéi de 2023 relatif à la fiscalité du patrimoine, concernant la distribution des transmissions par assurance-vie, particulièrement concentrée chez les hauts patrimoines et représentant une niche fiscale de 4 à 5 milliards d’euros. Les rapporteurs suggéraient d’aligner la tranche marginale du prélèvement sur ces transmissions, actuellement à 31,25 %, sur celle des successions en ligne directe, nettement plus élevée. Cette préconisation mériterait d’être examinée et potentiellement reprise.

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je partage vos observations, monsieur Maurel, en particulier sur la problématique de la désinformation financière. Nous avons connu des traumatismes majeurs avec les affaires France Télécom, la privatisation d’EDF, et bien sûr Eurotunnel. Vous avez raison de porter le souvenir des mensonges circulant alors. À cet égard, il est légitime de s’interroger sur la responsabilité de l’État et de certaines banques dans l’organisation d’opérations de communication visant à inciter les Français à acquérir telle ou telle action, à l’encontre du bon sens et de tous les principes économiques de base. Ces expériences malheureuses ont profondément marqué plusieurs générations d’épargnants, et soulignent l’importance d’une information fiable et transparente, au-delà de la simple promotion d’une culture financière.

Nos conclusions, bien que prudentes en raison de la nature bipartisane de notre rapport, tendent vers la proposition de deux types de produits : l’un garantissant une protection contre l’inflation, et un second, en toute transparence, offrant potentiellement plus de rendement mais avec un risque maîtrisé sur le long terme. L’essentiel est d’assurer vérité, transparence et confiance, domaines dans lesquels l’État a un rôle prépondérant à jouer.

M. François Jolivet, rapporteur. Je rappelle que lors de la création des PER, des règles prudentielles adaptées à la situation et à l’âge des épargnants ont été définies. Encore une fois, il ne s’agit pas d’inciter les petits épargnants à investir dans des produits risqués comme Eurotunnel, mais de proposer des produits correspondant à leurs besoins, avec des risques limités et dilués par la diversification des supports.

L’objectif est d’offrir des alternatives au livret A, dont le rendement est actuellement faible, sans pour autant remettre en question son existence. Nous suggérons d’encourager les épargnants à diversifier leurs placements vers des supports encadrés offrant un meilleur rendement, sans viser des performances irréalistes.

M. le président Éric Coquerel. Confier la gestion des produits d’épargne à des fonds souverains ou à des pôles publics bancaires serait susceptible de représenter une solution.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je ne partage pas l’idée d’une rupture de contrat moral évoquée dans le rapport. Sur les quatre dernières décennies, le taux du livret A a été trente-trois fois supérieur à l’inflation. Il est donc inexact d’affirmer que ce produit subit une érosion systématique, et je ne connais, pour ma part, aucun autre produit de placement offrant une garantie de rendement supérieur à l’inflation, assorti d’avantages fiscaux et d’une liquidité totale, sans supposer une prise de risque.

Par ailleurs, une indexation systématique sur l’inflation, au-delà de ses avantages annexes, encouragerait excessivement l’épargne. Or, notre problème actuel réside davantage dans une insuffisance de la consommation que dans un manque d’épargne de nos concitoyens.

Concernant l’utilisation du fonds d’épargne, rappelons que la Caisse des dépôts et des consignations gère environ 400 milliards d’euros, soit la moitié du livret A, et qu’un contrôle parlementaire s’exerce à la fois sur cette utilisation et sur la Caisse des dépôts elle-même. La moitié de ces fonds est allouée au logement social. Une augmentation de la rémunération de cette part substantielle aurait un impact direct sur le financement du logement social. C’est précisément ce qui s’est produit ces dernières années avec une inflation élevée.

Je m’inscris en faux contre la description de Français incompétents, manipulés ou naïfs. Nos concitoyens sont parfaitement conscients de leurs choix lorsqu’ils optent pour un livret A ou une assurance-vie. Ils connaissent les rendements et les avantages associés. Certes, la promotion de ces produits par les banques pourrait être plus active, mais l’ouverture de deux millions de LEP cette année témoigne d’un certain succès.

Enfin, j’aimerais connaître davantage de détails sur la recommandation 15 de votre rapport, qui concerne directement la Caisse des dépôts, et m’associer aux remarques de mes collègues relatives à l’absence de recommandation concernant ce qu’on pourrait qualifier d’abus de l’assurance-vie. À ce sujet, ne serait-il pas pertinent d’envisager des recommandations visant à limiter l’avantage fiscal au-delà d’un certain seuil ?

M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Vos remarques, monsieur Cazeneuve, mettent en lumière nos divergences doctrinales : vous affirmez que l’épargne est excessive, je considère au contraire qu’il s’agit d’un atout. Il est vrai qu’à Bercy certains estiment qu’il ne faut pas rémunérer l’épargne afin de la réorienter vers l’économie réelle. Vous pointez, peut-être intentionnellement, un potentiel conflit d’intérêts chez les gestionnaires de l’épargne, qui pourraient être réticents à sa rémunération afin de ne pas l’encourager. Ce n’est pas ma vision des choses et, en la matière, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, puisqu’il s’agit d’un véritable désaccord de fond.

Je ne souhaite pas que nous adoptions le modèle américain. Je considère l’épargne comme une forme de prudence. Si elle était judicieusement utilisée, elle pourrait contribuer à la protection de nos entreprises. C’est là que réside notre divergence fondamentale. Je respecte pleinement votre point de vue, et il y a effectivement un parti pris de ma part : je considère l’épargne non seulement comme un vecteur de prospérité pour les classes moyennes, mais aussi comme une protection pour l’État.

Concernant l’érosion monétaire, vous avez certes identifié des années où le rendement était supérieur à l’inflation, mais sur les deux dernières décennies, le bilan final montre une légère perte. Même en excluant les périodes d’hyperinflation, la protection reste très faible. En termes de pouvoir d’achat réel, de mémoire, le gain serait d’environ 40 euros pour 1 000 euros investis, ce qui reste très modeste.

C’est dans cette optique que nous avions envisagé, d’une part, un produit garanti sans risque sur l’inflation, et d’autre part, un autre produit géré par la Caisse des dépôts et des consignations, transparent, offrant de meilleures rémunérations avec un niveau de risque adapté à l’âge de l’épargnant, partant du principe que l’on peut prendre davantage de risques à 12 ans qu’à 80.

M. Jacques Oberti (SOC). Je rejoins en partie les propos de M. Cazeneuve, auxquels j’ajouterais toutefois une nuance importante. Nous constatons que depuis 2018, notamment, l’actualisation du taux du livret A ne garantit plus la préservation du capital face à l’inflation, particulièrement depuis la mise en place de la dernière formule de calcul. Il serait sans doute judicieux de revoir cette formule pour rétablir la confiance dans ce produit.

Cependant, nous sommes confrontés à un paradoxe : jamais l’épargne n’a été aussi importante en France. Dès lors, comment l’utiliser efficacement ? Et pourquoi les Français ont-ils une telle propension à épargner, en particulier depuis la crise du covid-19 ?

Il convient d’appréhender cette question fondamentale qu’est la finalité de l’épargne. Nous avons évoqué l’aspect social et le logement, ainsi que la dimension écologique. S’il convient de mieux informer les Français, ce serait peut-être sur le sens et l’impact de leur épargne. Nous l’avons constaté récemment, même sur les questions de défense : certains Français seraient prêts à consacrer une partie de leur épargne, avec un rendement modeste couvrant simplement l’inflation, pour servir l’intérêt général. Avez-vous des suggestions à ce sujet ?

Enfin, je souhaite souligner la différence fondamentale entre le PEL et le CEL. Le PEL est devenu un produit de placement attractif, comme évoqué précédemment, et les fonds qui y sont déposés sont peu mobilisés. En revanche, le CEL fonctionne différemment. L’ajustement continu de son taux pourrait être intéressant, précisément pour permettre une mobilisation des fonds, par exemple pour la construction privée.

M. François Jolivet, rapporteur. Depuis 2018, la méthode de calcul de l’inflation et du taux applicable a en effet connu plusieurs modifications. Ces changements sont justifiés, car si nous avions conservé la formule établie voici un quart de siècle, les taux auraient probablement été différents.

N’oublions pas que nous étions confrontés voici quelques années à des taux négatifs. À cette époque, le livret A offrait une rémunération de 0,5 %, alors que la Caisse des dépôts et des consignations faisait face à des taux négatifs, ce qui posait un réel problème.

Ce sujet me permet d’aborder la question de l’absence de taux variables en France. Certes, nous pouvons nous enorgueillir de nos taux fixes, mais nous sommes une exception. Dans les autres pays, qu’ils soient de culture latine, protestante ou catholique, les taux variables sont la norme. Cela permet à tous de bénéficier des baisses comme des hausses, et contribue à une meilleure compréhension de la situation économique du pays.

Je partage votre avis, monsieur Oberti, quant à la nécessaire révision du CEL. Cependant, nous manquions d’arguments et d’éléments techniques solides pour mener à bien cette analyse.

Permettez-moi de répondre à l’une de vos remarques, monsieur Cazeneuve. Nous ne considérons pas que les Français sont incompétents ou naïfs. Néanmoins, tous les rapports sur la culture économique des Français, notamment concernant les nouveaux produits d’épargne et d’épargne retraite, montrent qu’il existe un réel besoin d’éducation dans ce domaine. Il s’agit de notre part d’un constat, et non d’un jugement.

Notre rapport met en lumière un sujet crucial et contribuera, je l’espère, à l’inscrire à l’agenda du Parlement. Il serait en effet judicieux que le Parlement s’en saisisse plus fréquemment, et qu’un débat plus large, dépassant le cercle des experts de la commission des finances ou des spécialistes du domaine, soit organisé au sein de l’institution parlementaire. Bien que je sois généralement réticent aux demandes de rapports supplémentaires, il me semblerait pertinent que le gouvernement nous fournisse une étude approfondie sur la question. La Caisse des dépôts et des consignations nous communique déjà certains documents, mais nous manquons d’informations sur les pratiques en vigueur ailleurs. Notre discussion s’est principalement concentrée sur l’épargne réglementée et l’assurance-vie, mais il est impératif d’inclure également les PER dans notre champ d’analyse. Cette approche nous permettrait d’obtenir une vision d’ensemble de toutes les formes d’épargne des Français.

La commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 9 heures 30

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. Christian Girard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Emmanuel Maurel, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Paul Midy, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, M. Charles Sitzenstuhl