Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

–  Examen de la proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises (n° 1337) (M. Paul Midy, rapporteur)              2

–  Examen de la proposition de loi visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil (n° 1341) (M. Nicolas Sansu, rapporteur)              15

–  Examen de la proposition de la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires (n° 1345) (M. Yannick Monnet, rapporteur)              30

–  Présence en réunion...........................43


Mercredi
28 mai 2025

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 118

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission examine la proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises (n° 1337) (M. Paul Midy, rapporteur)

M. Paul Midy, rapporteur. La proposition de loi est très simple : elle vise à annuler la mesure portant sur les seuils de franchise de TVA qui touchent toutes les très petites entreprises (TPE), en particulier les microentrepreneurs.

Cette très mauvaise mesure est d’abord un traquenard fiscal. En effet, elle touche 200 000 autoentrepreneurs et très petites structures, qui doivent payer l’équivalent de 4 000 euros de TVA supplémentaires en année pleine, à quoi s’ajoute l’impossibilité quasi totale de compenser cette taxe par une hausse de prix. Quatre mille euros, c’est à peu près le montant moyen de l’impôt sur le revenu en France, alors que les entrepreneurs concernés se versent généralement un salaire proche du smic. De plus, les seuils de TVA s’appliquant sur les revenus de l’année précédente, ces entrepreneurs ne peuvent plus piloter leur chiffre d’affaires. Il leur devient très difficile de rester dans le régime qu’ils avaient choisi.

Cette mesure est négative parce qu’elle touche 3,5 millions de Français qui sont autoentrepreneurs. L’activité d’autoentreprenariat constitue un emploi d’appoint pour la moitié d’entre eux et un emploi principal pour l’autre moitié. Ils ont créé leur propre emploi, souvent dans des territoires où il est difficile de trouver du travail. Ce statut permet de démocratiser la capacité de créer des entreprises, surtout pour les publics qui en étaient le plus privés, comme les femmes et les personnes issues de la diversité, des territoires ruraux ou des milieux les plus modestes. Ces gens se démènent et font de leur mieux pour créer de l’activité, mais cette mesure leur met la tête sous l’eau.

Dès le début, nous avons été nombreux à nous mobiliser contre cette réforme, notamment dans cette commission. Je salue à cet égard la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE) et l’Union des autoentrepreneurs (UAE). Je me félicite aussi de la suspension salutaire de cette mesure par le Gouvernement. Cependant, malgré cette annonce, l’insécurité juridique continue de stresser des centaines de milliers d’autoentrepreneurs – au point d’en empêcher certains de dormir – et beaucoup vous ont sans doute sollicités. Ce n’est pas au Gouvernement mais au Parlement de décider du budget (Murmures) – c’est la lettre de la Constitution. Il faut donc une loi pour modifier les mesures prises en loi de finances.

Nous devons soutenir, développer et sécuriser le régime du microentrepreneuriat. Au lieu d’augmenter les taxes, nous devrions nous demander comment aider les autoentrepreneurs à se développer. Il faut notamment les aider à créer les premiers emplois et à passer ainsi du régime de l’autoentrepreneuriat à celui de la TPE.

Enfin, il faut bien séparer deux sujets : celui du travail indépendant, auquel aspirent nombre de nos compatriotes et qu’il faut accompagner, et celui du travail contraint, de l’autoentrepreneuriat subi, qui touche les travailleurs des plateformes. Dans ce dernier cas, il s’agit d’abord d’appliquer le droit et de renforcer la protection des travailleurs.

J’en reviens à la simplicité de l’objectif : revenir aux seuils et au droit existants. Pour le reste, j’appelle à un travail commun afin de développer et de sécuriser le travail indépendant. J’appelle aussi le Gouvernement à concentrer son effort de maîtrise des finances publiques, non pas sur la création de nouvelles taxes, mais sur la baisse des dépenses.

M. le président Éric Coquerel. Depuis trois ans, ce n’est plus le Parlement qui débat et décide du budget. C’est bien le problème de cette mesure, qui a été adoptée en commission mixte paritaire (CMP). Si nous en avions débattu, nous n’aurions probablement pas laissé passer cet amendement. Il en va de même pour les économies qu’on cherche à droite ou à gauche, par exemple en révisant la convention régissant le transport de patients par taxi : si elle nous avait été soumise, elle n’aurait sans doute pas obtenu de majorité.

Je soutiendrai ce texte, identique à celui qu’a soumis Hadrien Clouet au nom du groupe LFI.

Nous avons facilité la création des microentreprises et l’adoption du statut d’autoentrepreneur, qui est particulier à plusieurs égards. Les autoentrepreneurs ne sont pas assujettis aux mêmes règles que les entreprises et leurs salariés, notamment en matière de cotisations. Ainsi, nous avons créé une catégorie de travailleurs pauvres, qui ne bénéficient pas des mêmes protections que les salariés et ont un statut peu enviable. En juillet 2017, l’un des premiers amendements déposés lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) l’a été par la majorité, à l’époque, de M. Macron, et visait à doubler le plafond de chiffre d’affaires pour les autoentrepreneurs. Alors que le statut permettait jusqu’alors de compléter les revenus de personnes ayant un autre emploi, il pouvait désormais permettre de vivre, mais de vivre mal – d’où le développement des plateformes.

Il faudra remettre tous ces éléments à plat, d’autant que le Parlement européen a voté une directive visant à requalifier en salariés les autoentrepreneurs travaillant pour les plateformes. Il serait tant que nous transposions ce texte.

Avec l’adoption de la mesure que nous voulons abroger, les autoentrepreneurs se sont retrouvés perdants sur tous les plans : ils sont à la fois détenteurs d’un statut les rendant précaires et confrontés à de nouvelles contraintes, notamment en matière de déclaration comptable, ce qui rend leur activité impossible et les menace de disparition. En attendant de mener un travail de fond sur la question, il semble sage de revenir à la situation antérieure à la réforme.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Notre rapporteur est révolutionnaire : il défend la thèse selon laquelle c’est le Parlement qui vote le budget. Eh bien, je suis révolutionnaire moi aussi ! C’est donc avec plaisir que je soutiendrai cette proposition de loi. J’ai essayé à deux reprises de faire annuler par amendement la mesure visée mais, à chaque fois, on m’a objecté l’article 45 de la Constitution.

Je proposerai toutefois l’amendement CF3 pour apporter une précision sur la date d’application des dispositions du texte ; au reste, le rapporteur a lui-même déposé un amendement analogue.

Un mot sur la procédure. Un amendement gouvernemental au projet de loi de finances a été déposé au Sénat après le vote en première lecture à l’Assemblée nationale. Aucune étude d’impact n’avait été menée et l’amendement est passé en même temps que des mesures dites de simplification et d’harmonisation par rapport au droit européen qui, pourtant, n’impose pas de niveau de seuil. Certes, les seuils français sont les plus hauts de l’Union européenne mais il s’agit d’un choix du Parlement.

De plus, on nous a dit que cet amendement rapporterait 400 millions d’euros en 2025 ; c’est tout à fait inexact, pour deux raisons. D’abord, certains autoentrepreneurs ont prévenu que si les seuils étaient maintenus tels qu’ils avaient été adoptés à coups de 49.3, ils mettraient un terme à leur activité, ce qui génèrerait des pertes. Ensuite, la mesure va faire exploser le travail au noir, que l’autoentrepreneuriat avait pourtant permis de réduire fortement.

J’espère que le Gouvernement déclenchera la procédure accélérée afin de régler cette affaire rapidement.

M. le président Éric Coquerel.  Si le Sénat le vote conforme, le texte sera adopté sans même revenir à l’Assemblée nationale.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Anthony Boulogne (RN). Je salue l’initiative de Paul Midy mais si nous en sommes là, c’est à cause de l’irresponsabilité des macronistes et des Républicains. Ceux qui prétendent défendre l’activité économique et l’entreprise sont ceux qui, dans les actes, s’en prennent aux chefs d’entreprises. Qui remet en cause l’existence d’un régime allégeant la charge administrative et fiscale de plus de 2 millions d’autoentrepreneurs ? C’est vous. C’est le gouvernement Barnier qui a introduit un amendement au Sénat pour abaisser les seuils de franchise sans aucune concertation avec les autoentrepreneurs, puis le gouvernement Bayrou a repris la mesure dans l’espoir de récupérer quelques centaines de millions d’euros sur le dos de ceux qui font tourner le pays. Certes, il est plus facile de faire les poches des travailleurs que de s’attaquer au cœur du problème budgétaire : le gaspillage de l’argent public, la fraude, le coût faramineux de l’immigration et ainsi de suite.

La mesure concerne 200 000 autoentrepreneurs et leur impose un surcoût fiscal moyen de 4 000 euros par an alors qu’ils ont déjà la tête sous l’eau. En plus d’aggraver le fardeau fiscal, elle crée de nouvelles contraintes administratives, ce qui est scandaleux.

Certes, le Gouvernement a fait semblant de reculer en annonçant la suspension de la réforme. Cependant, suspension ne vaut pas suppression et il faut lever le doute pour les dizaines de milliers de chefs d’entreprise toujours menacés par cette épée de Damoclès. Soucieux de les soutenir, notre groupe votera en faveur du texte, qui prévoit l’abandon pur et simple de cette mesure inacceptable. Nous avons aussi déposé une proposition de loi visant à abroger cette réforme inique ; j’espère, monsieur le rapporteur, que par cohérence, vous la soutiendrez.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je rappelle que le Rassemblement national proposait d’aller plus loin que la mesure que nous voulons abroger, en abaissant le seuil de franchise à 18 750 euros pour taxer plus encore les autoentrepreneurs. Quant aux députés de LFI-NFP, ils ont eu des mots très durs à l’égard du statut d’autoentrepreneur dont ils se font aujourd’hui les premiers défenseurs. Au milieu de cet océan d’hypocrisie, il y a des gens responsables, comme Paul Midy, qui veulent lutter contre les maux français  l’instabilité fiscale, l’instabilité réglementaire – à rebours de ceux qui prétendent répondre à tous les problèmes de la France en augmentant les impôts.

Enfin, si nous nous retrouvons dans cette situation, c’est aussi parce que le budget du gouvernement Barnier a été censuré, et que cette censure nous met dans l’incapacité d’examiner ces sujets avec sérénité. Les Français qui bossent – qu’il s’agisse de céramique, de toilettage pour chiens ou d’une activité accessoire – et qui ne demandent qu’à bosser dans le respect des règles se retrouvent pénalisés. Heureusement que notre rapporteur est là et que les Républicains soutiennent eux aussi cette proposition de loi avec courage, après avoir créé le statut d’autoentrepreneur. Votons vite ce texte !

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous pensions avoir touché le fond de l’hypocrisie et du bâillonnement démocratique avec l’utilisation récurrente du 49.3, mais voilà que les macronistes ont trouvé le moyen d’institutionnaliser le « en même temps ». Ils déposent des propositions de loi qu’ils rejettent eux-mêmes – sur les pesticides, par exemple – et d’autres visant à abroger des mesures imposées par le 49.3.

Le présent texte n’est qu’une récupération politique grossière puisqu’il est un copier-coller de la proposition de loi que nous avons déposée dès février à l’initiative d’Hadrien Clouet, ayant été les premiers à dénoncer cette mesure injuste. Ces revirements incessants ne font que confirmer que nous avons mieux travaillé que vous, ce qui est tout à la fois réjouissant et fatigant. Si vous n’aviez pas usurpé la place que vous occupez si mal, nous aurions pu gagner du temps et éviter de plonger dans l’angoisse et la panique des millions de travailleurs, à l’image de Claire, maman seule habitant Latresne, dans ma circonscription, et créatrice d’accessoires textiles en autoentreprise depuis treize ans. Cette mesure fera plonger sa rémunération sous le smic, la forçant à abandonner son activité.

Ce sont bien les macronistes, avec leurs béquilles de droite et d’extrême droite, qui ont poussé ces travailleurs à adopter ce statut et qui veulent maintenant leur voler de l’argent, refusant obstinément d’en prendre dans les poches des millionnaires et des milliardaires. Que dire de votre réactivité pour faire des cadeaux fiscaux aux plus fortunés ? Là, il y a urgence, alors qu’il vous faut six mois pour venir en aide aux TPE et aux PME !

Pour compléter la proposition de loi, nous soumettrons des demandes de rapports qui visant à analyser un statut qui reste discutable. En effet, ce régime permet surtout aux grands groupes de contourner le code du travail et de désocialiser l’activité professionnelle en ayant recours au salariat déguisé, comme le montre l’explosion des plateformes telles qu’Uber.

En attendant, nous voterons évidemment la suppression de cette réduction de franchise de TVA.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le dispositif du texte est identique à celui que nous avons soumis dès le 18 février, deux mois avant le dépôt du vôtre, monsieur le rapporteur, et trois jours avant celui de la proposition de loi d’Hadrien Clouet. En tout, cinq textes ont été déposés par cinq groupes, visant tous le même objectif.

Il faut rappeler l’origine du problème : c’est bien le Gouvernement qui a inclus cette mesure réduisant fortement le seuil de franchise de TVA pour tout type d’activités dans le texte qu’il a fait adopter en utilisant le 49.3, plongeant dans une anxiété permanente plusieurs millions de microentrepreneurs. De plus, le nombre de création de microentreprises a dû drastiquement baisser depuis le début de l’année.

Cette mesure injuste, présentée sans aucune discussion préalable, ayant rapidement fait la quasi-unanimité contre elle, un cycle de concertations – palliatif plutôt que préventif – a été organisé par Bercy. Nous serons favorables à ce texte, même si nous regrettons que la logique transpartisane qui a prévalu depuis le début de cette séquence n’ait pas duré. Ironie du sort : c’est une proposition de loi du bloc central qui a été retenue pour abroger une mesure conçue par ce même bloc voici quelques mois à peine.

Sur le fond, enfin, si nos combats se rejoignent, monsieur le rapporteur, nous ne partageons pas la même analyse. Les microentreprises sont parfois le dernier recours que des salariés modestes utilisent pour compléter leurs revenus, mais elles sont aussi un outil privilégié pour le salariat déguisé de milliers de travailleurs, qui se retrouvent à la merci de grandes plateformes internationales. Aides-soignantes, personnels d’entretien, livreurs, auxiliaires de vie à domicile, chauffeurs, coiffeuses ou enseignants : ils n’ont parfois pas d’autre choix que d’opter pour ce statut. C’est pour eux que nous nous sommes battus.

Notre groupe défend cette franchise en base afin de ne pas pénaliser davantage les autoentrepreneurs et non pour sanctuariser un modèle plein d’écueils pour la société. J’espère que nous aurons l’occasion d’en discuter, en lien avec la FNAE et l’UAE, qui ont des propositions à faire.

M. Corentin Le Fur (DR). Je salue à mon tour l’excellente initiative du rapporteur Paul Midy et j’espère que son texte sera adopté à l’unanimité.

En réponse à nos collègues du RN, je rappelle que Philippe Juvin a déposé une initiative pour revenir sur une mesure que nous avons dénoncée après qu’elle eût été passée en catimini du fait de la censure. Je rappelle aussi qu’Hervé Novelli a été à l’origine du statut d’autoentrepreneur, sous Nicolas Sarkozy, et que Véronique Louwagie, députée des Républicains puis ministre, a permis la suspension de cette mesure.

Je me réjouis que ce texte puisse être adopté et qu’on permette ainsi à des centaines de milliers d’autoentrepreneurs de sortir d’une phase de détresse et d’insécurité juridique. Nous avons tous été alertés par des gens qui veulent bosser, qui veulent de la liberté et qui, si nous n’abrogeons pas cette mesure, risquent de mettre la clef sous la porte.

Pour autant, nous n’ignorons ni les dérives liées à ce statut, comme le problème de l’autoentrepreneuriat subi, ni la concurrence déloyale qui sévit parfois dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Une simple mesure d’abaissement de seuil n’y suffira pas : il faudra mener une réflexion plus globale sur ces sujets. Notre priorité est que ce statut continue de permettre à de nombreuses personnes éloignées de l’emploi – en particulier des femmes – de monter leur activité. Très attachés à la liberté, nous défendons ce modèle qui, de surcroît, permet de lutter contre le travail au noir.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Enfin ! Nous allons enfin avoir l’occasion – pas si fréquente… – de pouvoir voter ! En l’occurrence, nous voterons pour abroger cette mesure introduite en catimini par un amendement gouvernemental au Sénat, sans aucune étude d’impact, qui a suscité la colère légitime des autoentrepreneurs. Je salue leur mobilisation digne – plus de 650 d’entre eux ont répondu à mon appel à témoins et nous avons tous reçu leurs courriels, par lesquels ils nous ont fait part de leur détresse et de leur crainte face au dilemme qui les menaçait : passer au RSA ou mettre la clef sous la porte. C’est cette mobilisation qui a contraint le gouvernement à revoir sa copie – mais nous n’en serions pas là s’il n’avait pas eu recours à un énième coup de force antidémocratique en imposant le seuil unique par 49.3.

Je salue l’initiative de Paul Midy, qui a assumé, avec ses collègues signataires de la tribune, de désavouer le choix du Gouvernement et de rallier la position du Nouveau Front populaire, dont tous les groupes ont défendu la mobilisation des autoentrepreneurs et la nécessité de l’abrogation. En réalité, le Gouvernement ne cesse d’improviser pour obtenir des recettes de fond de tiroir, en tapant sur les plus petits. Son refus de faire contribuer les plus riches, notamment les plateformes de l’ubérisation, démontre son dogmatisme fiscal.

L’examen de cette proposition de loi devrait précisément nous offrir l’occasion d’avoir un débat plus large sur ces plateformes qui ne paient ni la TVA ni leurs impôts en France, ce qui est illégal. Alors qu’ils ne peuvent choisir leurs tarifs, ce sont les autoentrepreneurs – VTC et livreurs notamment – subordonnés aux plateformes et précarisés qui s’acquittent injustement de cet impôt. Le Gouvernement doit faire le choix de la justice fiscale – il y a du boulot ! – en transférant l’obligation du paiement de la TVA des travailleurs aux plateformes, en mettant fin à l’évasion et à l’optimisation fiscales, et en transposant enfin la directive européenne qui doit instaurer la présomption de salariat, ce qui permettra de collecter un milliard d’euros de recettes pour la sécurité sociale.

Mme Sophie Mette (Dem). La réforme des seuils de franchise en base de TVA introduite dans le PLF pour 2025 avait plusieurs objectifs. Il s’agissait de sécuriser le rendement de la TVA et d’apporter une réponse efficace aux distorsions de concurrence externe – compte tenu du niveau élevé des seuils français et de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2025, de la directive 2020/285 – mais aussi interne, entre les entreprises françaises bénéficiaires et non bénéficiaires du régime, essentiellement dans le secteur du BTP. Si nous comprenons la démarche initiale, les conditions n’étaient pas réunies pour que cette réforme d’ampleur prenne effet au 1er mars 2025.

On peut aussi regretter que la réforme ait été proposée et adoptée sans concertation préalable ni évaluation d’impact, ce qui a conduit plusieurs acteurs économiques à exprimer des réserves quant aux implications financières et administratives de la mesure pour leur structure.

Le Gouvernement a donc pris à juste titre la décision de suspendre temporairement la réforme et de lancer une consultation avec les professionnels et les parlementaires dès le mois de février. Les positions sont contrastées : certains rejettent la réforme quand d’autres insistent sur l’équité fiscale qu’elle permet de rétablir dans certains secteurs.

La proposition de loi va plus loin : elle abroge définitivement la mesure. Il est en effet souhaitable de trouver une issue législative rapide pour sécuriser juridiquement le régime de franchise en base de TVA, car la suspension contra legem crée un risque de contentieux administratif.

Toutefois, la simple abrogation de la réforme laissera plusieurs questions en suspens. Le Gouvernement prévoyait de dégager 780 millions d’euros de recettes en année pleine, dont 400 millions devaient revenir à l’État. Dans le contexte actuel de redressement des comptes publics, cette perte devra être compensée.

Par ailleurs, les déséquilibres concurrentiels entre microentrepreneurs et artisans, notamment dans le secteur du bâtiment, ne peuvent pas être ignorés ; il nous faut mener une réflexion de fond sur ce statut et trouver un équilibre. Nous devons garantir aux microentrepreneurs un cadre juridique lisible et veiller à ne pas générer d’injustices fiscales.

En espérant que les débats permettront d’agir en ce sens, nous voterons pour ce texte.

Mme Félicie Gérard (HOR). Sans surprise, notre groupe soutient cette proposition de loi qui apporte une réponse claire et juste à des centaines de milliers d’autoentrepreneurs plongés dans l’incertitude.

Depuis l’annonce de la réforme, nous nous sommes mobilisés avec constance. Nous avons interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises et demandé au premier ministre de suspendre cette réforme jusqu’au prochain PLF, pour qu’une concertation ait lieu.

Nos entrepreneurs sont un trésor national. Chaque jour, ils créent de la valeur, relèvent des défis et prennent des risques, souvent seuls et sans filet. Ils assurent les prestations du quotidien, dans les centres-villes comme dans les zones rurales, et font vivre nos territoires. La réforme envisagée a suscité chez eux une inquiétude légitime et notre soutien à leur égard doit être total.

Il ne s’agit pas de renoncer à toute évolution et il nous faudra retravailler ce sujet. Toute réforme fiscale doit être accompagnée, lisible et anticipée. La fiscalité doit accompagner et non freiner l’activité des entreprises. La proposition de loi contribue à cet équilibre.

M. Joël Bruneau (LIOT). Je remercie Paul Midy, qui a réussi la prouesse de nous mettre tous d’accord. Je note non sans malice qu’il est plus facile de recueillir l’unanimité en ne touchant à rien qu’en entamant des réformes puissantes.

Notre groupe soutiendra ce texte pour deux raisons. D’abord, il ne s’agit pas ici du statut des autoentrepreneurs mais bien d’une modification du régime de franchise fiscale, qui envoie un mauvais signal à celles et ceux qui se sont pris en main, en cultivant l’esprit d’entreprise et la valeur travail. D’autre part, Bercy pensait pouvoir tirer 800 millions d’euros de cette mesure mais cette projection utopique s’affranchissait de certaines réalités : la réforme aurait notamment produit un effet d’éviction immédiat et encouragé le retour au travail dissimulé.

Il ne faut pas pour autant oublier deux sujets. D’abord, le statut d’autoentrepreneur sert parfois à déguiser des liens de sujétion qui sont normalement ceux du salariat. Par ailleurs, il faut veiller à ne pas encourager la concurrence déloyale entre autoentrepreneurs et artisans, qui effectuent les mêmes tâches sans être à armes égales. Ce dernier point fait l’objet d’un amendement que j’ai déposé.

M. Julien Brugerolles (GDR). La proposition de loi vise à revenir sur une mesure qui n’a jamais fait l’objet d’un débat ni d’un temps de concertation, que son importance exigeait pourtant. Pour comprendre la colère provoquée par son adoption, il faut s’intéresser à sa genèse. Proposée par le gouvernement Barnier au Sénat, elle a d’abord été rejetée avant d’être adoptée en seconde délibération. Lors de l’examen du projet de loi de finances en CMP, la disposition a été reprise, dissimulée au milieu de l’article 10. L’abaissement à 25 000 euros du seuil unique de franchise de TVA pour les microentrepreneurs est une réforme brutale et injuste qui aggrave la précarité d’une catégorie de travailleurs déjà souvent en difficulté.

Nous soutenons certes le texte en tant que tel, mais assurément pas son exposé des motifs. Le régime des microentrepreneurs n’est pas un fantastique outil d’émancipation des classes populaires. Il s’agit plus souvent d’un salariat déguisé, voire d’un retour du travail à la tâche, plutôt que d’un tremplin vers la création d’entreprise. De plus, la multiplication des formes de sous-traitance reposant sur le recours aux autoentrepreneurs représente une dérive de plus en plus inquiétante.

Nous voterons cette proposition de loi ainsi que l’amendement proposé par le rapporteur. Nous ne nous satisferons pas pour autant du statu quo concernant ce régime particulièrement précaire. Nous appelons à une refonte apaisée de la franchise de TVA, dans une logique d’égalité par rapport aux entreprises relevant du régime classique.

M. Paul Midy, rapporteur. Je vous remercie pour l’unanimité qui ressort de tous vos propos.

Article 1er : Rétablissement des plafonds de la franchise en base de TVA en vigueur avant le 1er mars 2025

La commission adopte l’amendement de coordination CF21 de M. Paul Midy, rapporteur.

Amendements identiques CF4 de Mme Béatrice Piron et CF6 de M. Joël Bruneau

Mme Béatrice Piron (HOR). Le régime de la franchise en base de TVA a été profondément réformé par les lois de finances pour 2024 et 2025, afin d’harmoniser les règles au sein de l’Union européenne. L’adoption de nouvelles règles s’est traduite par une ouverture de ce régime aux petites entreprises étrangères pour leurs opérations réalisées en France. Par ailleurs, ces entreprises n’ont aucune obligation d’identification en France.

Si cette harmonisation répond à un objectif communautaire, elle engendre une situation de concurrence déloyale accrue, notamment dans le secteur du BTP. Les microentreprises étrangères peuvent intervenir en France sans payer la TVA, quand les entreprises françaises y sont soumises, ce qui crée une distorsion majeure de concurrence, dénoncée par l’Urssaf en mars 2025 comme un facteur de fraude préoccupant.

L’amendement CF4 vise à instaurer un seuil spécifique à 25 000 euros pour le BTP. Ce seuil de bon sens, conforme aux marges du secteur, a déjà été proposé par le Gouvernement dans ses travaux préparatoires. C’est une dérogation ciblée et conforme aux règles européennes, qui vise à protéger nos artisans, à rétablir l’équité fiscale et à sécuriser un secteur stratégique pour notre économie, qui souffre durement de la crise immobilière.

M. Joël Bruneau (LIOT). L’amendement CF6 est identique : il vise à limiter les effets de la concurrence déloyale en instaurant un seul spécifique à 25 000 euros dans le secteur du BTP.

M. Paul Midy, rapporteur. En effet, ces amendements ont fait l’objet de débats et de sollicitations de la part de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la Fédération française du bâtiment (FFB).

D’abord, je soutiens tous les entrepreneurs et il ne s’agit pas d’en mettre certains en concurrence déloyale avec d’autres. Il faut de la concurrence, oui, mais pas déloyale.

Les rapports parus sur le sujet – dont celui publié par l’Inspection générales des fiances (IGF) en 2013 – ne mettent pas en avant de phénomène de concurrence déloyale. Dans le BTP, le chiffre d’affaires des autoentrepreneurs qui ne sont pas soumis à la TVA s’élève à 2,5 milliards d’euros, quand ce chiffre atteint 175 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur et 85 milliards d’euros pour les TPE de moins de 10 salariés. La capacité des autoentrepreneurs à générer une concurrence déloyale est donc très faible.

Mais explorons encore l’hypothèse selon laquelle la différence fiscale pourrait provoquer une concurrence déloyale. Dans la filière du BTP, les autoentrepreneurs sont présents dans le secteur de la rénovation, où la TVA s’élève à 10 % quand on facture, et à 20 % quand on procède à l’achat de biens. En net, l’avantage qu’ils tirent de la franchise représente donc seulement 3,5 % de leur chiffre d’affaires. Ainsi, le périmètre concerné comme la différence fiscale sont très limités.

D’autres arguments ont été mis en avant, qui sortent du champ de ce texte : certains autoentrepreneurs n’auraient pas les bonnes garanties, les assurances nécessaires ou le niveau de qualification requis. S’ils ne sont pas dans la légalité, il s’agit alors de concurrence déloyale caractérisée.

Si l’on baissait le seuil de TVA, certains autoentrepreneurs cesseraient très probablement leur activité. De plus, même si nous n’avons pas de chiffres, j’en suis convaincu : l’activité qui les placerait au-dessus des seuils ne serait pas déclarée, alors que l’impact principal de la création du statut a été de permettre à des millions de Français de passer de l’économie informelle à l’économie formelle, entre lesquelles il existe de fait une concurrence déloyale. Il me semble donc que cette réponse serait mauvaise et contre-productive.

Par ailleurs, il est compliqué, d’un point de vue constitutionnel, d’appliquer un seuil à un secteur particulier de l’économie ; on peut le faire pour un type d’activité.

Enfin, notre objectif est que ce texte soit voté le plus rapidement possible. Pour ce faire, nous devons viser un vote conforme au Sénat et donc en rester à un retour au droit existant.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les arguments de Paul Midy sont pertinents. Pourquoi abaisser le seuil dans tel secteur et pas dans tel autre ? En outre, on encouragerait le travail non déclaré.

Surtout, en tant que législateur, nous devons nous pencher sur la question de la concurrence déloyale. En effet, un nombre croissant d’entreprises externalisent et demandent à leurs salariés d’adopter le statut d’autoentrepreneur pour effectuer des tâches récurrentes. Le problème de la concurrence déloyale se pose surtout quand l’employeur devient donneur d’ordres et s’affranchit de ses obligations en matière de code du travail, notamment de ses obligations à l’égard de l’Urssaf. L’augmentation du nombre d’autoentrepreneurs est liée en grande partie à une fraude des employeurs, face à laquelle nous devons nous donner des outils et des moyens de contrôle. Or des postes d’inspection du travail ne cessent d’être supprimés – le nombre de places au concours de cette année n’est d’ailleurs pas encore annoncé.

Ces amendements proposent une mauvaise réponse à un problème qui dépasse le seul secteur du bâtiment ; nous voterons contre.

Mme Béatrice Piron (HOR). Mon amendement ne porte pas du tout sur la concurrence entre les autoentrepreneurs et les entreprises. J’évoque les entreprises européennes, qui interviennent sur le territoire français et entrent en concurrence, de manière déloyale, avec des entreprises françaises.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’amendement de coordination CF22 de M. Paul Midy, rapporteur.

Amendement CF13 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques CF2 de M. Paul Midy et CF3 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Paul Midy, rapporteur. L’amendement CF2 vise à ce que le retour au droit existant soit rétroactif et effectif à partir de l’entrée en vigueur de la loi de finances, c’est-à-dire le 1er mars 2025.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La proposition de loi ne fixe pas de date d’entrée en vigueur de ses dispositions, ce qui laisse planer une ambiguïté sur l’application ou non de la réduction des seuils de la franchise de TVA. La suspension de cette application jusqu’à la fin de l’année 2025 s’opère contra legem. L’amendement prévoit donc une application au 1er mars 2025, date fixée par la loi de finances pour l’entrée en vigueur de la réforme. Il s’agit de garantir une parfaite stabilité fiscale pour les bénéficiaires de la franchise.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je retire l’amendement CF13 au profit du suivant puisque l’objet est le même : garantir la rétroactivité de la mesure.

L’amendement CF13 ayant été retiré, la commission adopte les amendements CF2 et CF3.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CF16 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Une importante partie des autoentrepreneurs sont des travailleurs liés à des plateformes de mise en relation. Ils se retrouvent à payer la TVA alors que la plateforme devrait s’en charger, compte tenu de leur relation de subordination. Un chauffeur VTC, par exemple, paie la TVA non seulement sur la course mais aussi sur la commission qu’empoche Bolt ou Uber ; c’est inacceptable. Profitons de ce texte pour faire porter cette responsabilité aux plateformes. Nous devrons de toute façon procéder à cette modification puisque, dans moins d’un an, la France devra avoir transposé la directive européenne sur la présomption de salariat.

M. Paul Midy, rapporteur. Il s’agit davantage d’un amendement d’appel pour nous alerter sur ce sujet, auquel je suis sensible et qui fera l’objet de travaux futurs. Il nous faut bien différencier le microentreprenariat selon qu’il est volontaire – et permet de s’épanouir en créant de l’activité – ou subi, sous la forme de salariat déguisé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF19 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons besoin de données sur les microentreprises, les derniers rapports étant bien trop anciens. L’amendement vise donc à demander au Gouvernement un rapport, dont la publication serait idéalement assez rapide pour nous permettre d’intégrer des mesures dans le projet de loi de finances pour 2026.

M. Paul Midy, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord : nous avons besoin de mettre à jour les données et de creuser les sujets que nous avons identifiés. J’ai d’ailleurs demandé au Gouvernement de créer une mission sur la question ; ce n’est pas encore fait. Cependant, l’objectif est de s’en tenir à un retour au droit existant, qui facilitera un vote conforme et une adoption rapide de la proposition de loi. Je proposerai donc le retrait des amendements demandant des rapports, même s’ils sont pertinents.

L’amendement est retiré.

Amendement CF5 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le statut de microentreprise recouvre des situations variables. Ainsi, certains chômeurs l’adoptent pour avoir un statut social alors qu’ils n’ont pas d’activité. Puisqu’il est question de concurrence déloyale, nous n’avons pas évoqué le statut des coopérateurs, qui me semble plus adapté et protecteur. Nous avons besoin de données et ce texte est l’occasion d’en demander, pour que nous puissions légiférer sur ce statut de façon correcte.

M. Paul Midy, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, je suis en accord sur le fond mais demande le retrait, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF7 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous avons besoin d’un rapport sur la situation des artistes-auteurs, qui sont soumis au régime des microentrepreneurs et connaissent une grande précarité. Certains touchent des sommes qui leur permettent à peine de subsister, comme les artistes de la branche des arts graphiques et plastiques, dont le revenu médian est de 8 700 euros par an. Lorsqu’ils atteignent les plafonds qui les soumettent à la TVA, ils doivent le plus souvent retrancher la taxe de leurs prix, ce qui les met en grande difficulté, au point qu’ils doivent souvent vivre du RSA.

M. Paul Midy, rapporteur. Demande le retrait ; à défaut, avis défavorable, pour la même raison que pour les amendements précédents.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF8 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le rapport demandé porterait sur l’application du seuil de TVA aux avocats. Il s’agirait d’étudier de quelle manière elle peut rendre plus difficile l’accès au droit et à la défense pour les personnes ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle – c’est une question démocratique importante.

M. Paul Midy, rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Lors de la discussion en séance, un amendement consensuel pourrait être déposé, qui viserait à la publication d’un rapport englobant toutes ces problématiques fort pertinentes.

M. Paul Midy, rapporteur. C’était mon idée initiale. L’objectif prioritaire restant le vote conforme du Sénat, je propose que nous discutions avec nos collègues sénateurs pour voir si nous pouvons nous mettre d’accord sur cette question avant la séance.

L’amendement est retiré.

Article 2 : Gage

Amendement CF14 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Toute modification de la TVA affecte les recettes de l’État et celles de la sécurité sociale. Notre groupe est opposé à la fiscalisation progressive des recettes de la sécurité sociale. Cependant, la compensation doit être conforme et prévoir un double gage pour l’État et les régimes sociaux.

M. Paul Midy, rapporteur. La proposition de loi n’aura pas d’impact sur le financement de la protection sociale. En effet, ce n’est pas une proportion des recettes de TVA qui est affectée à ces organismes mais un montant forfaitaire, fixé en loi de finances. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Titre

Amendements CF10 et CF11 de M. Aurélien Le Coq, CF15 de Mme Danielle Simonnet, CF18 de Mme Christine Pirès Beaune et CF12 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’objectif de l’amendement CF10 est de démasquer les hypocrisies. On nous disait tout à l’heure que tout le monde est d’accord : d’accord pour dire que le Gouvernement a fait n’importe quoi, qu’il est en roue libre, affranchi de tout contrôle parlementaire ? Nous sommes confrontés à une mesure imposée, qui est passée en force et sans débat, à coups de 49.3. Tout le monde essaye ici de se racheter une bonne conscience : les macronistes, le gouvernement mais aussi le RN, qui proposait une mesure bien pire. Rétablissons donc la vérité en précisant que cette proposition de loi vise « à abroger une mesure injuste mise en place par le gouvernement Bayrou ». Cette mesure est injuste car l’objectif assumé du Gouvernement était de trouver 400 millions d’euros chez des gens qui galèrent pour survivre et dont le revenu mensuel moyen n’est que de 590 euros.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Baptiste, dont la femme est professeure de pilates, nous dit ceci : « Je viens de découvrir avec stupeur la baisse de la franchise de la TVA. Concrètement, ça va nous faire perdre 2 à 3 000 euros cette année – le prix des vacances, quoi. » Pendant sept ans, le président de la République a encouragé les gens à monter des microentreprises, dont 2 millions ont été créées depuis 2017, et, aujourd’hui, le Gouvernement leur fait les poches. Il ne s’agit pas d’une erreur technique puisque France Info révèle qu’à la demande de Matignon, l’administration fiscale ne va plus s’attaquer aux PME et aux grandes entreprises mais aux petits entrepreneurs. Le choix est donc fait de s’en prendre à la femme de Baptiste plutôt qu’aux grandes entreprises, qui ont versé 100 milliards de dividendes. Il en va de même de la TVA sociale : plutôt qu’augmenter les cotisations sociales de ceux qui peuvent les payer, vous vous apprêtez à faire payer tous les Français.

Nous proposons donc ce titre : « portant sauvetage des microentreprises », qui était celui de notre proposition de loi. Vous êtes, vous, en opération sauvetage de François Bayrou, mais c’est à ceux qui ont sauvé la microentreprise et les microentrepreneurs qu’il faut rendre ce texte.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le titre doit certes préciser de quoi il s’agit mais, si l’on veut que le texte soit adopté conforme au Sénat, évitons d’y faire apparaître toutes les raisons pour lesquelles l’adoption de la réforme a été un fiasco scandaleux.

J’ai proposé un titre technique comportant une référence juridique complète mais je préfère retirer mon amendement au profit de celui de Christine Pirès Beaune, qui est le plus clair et le plus factuel : « portant annulation de la réforme de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au 1er mars 2025 ».

En tout état de cause, bravo aux macronistes d’avoir eu le courage de revenir sur une décision du bloc central, mais il faudrait le faire sur bien d’autres textes scandaleux… Quant au Rassemblement national, n’oublions pas qu’il défendait un abaissement encore plus fort du seuil.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il s’agit de faire correspondre le titre de la proposition de loi et ce que contient le texte, c’est-à-dire la franchise en base, et non le statut de la microentreprise – une question sur laquelle il faut se pencher par ailleurs. Par exemple, il y a sans doute un problème dans le secteur du bâtiment dans les zones transfrontalières, madame Piron. Quoi qu’il en soit, il faut préciser le titre.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le titre proposé, « visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos microentrepreneurs et nos petites entreprises » est emblématique de la désinvolture du Gouvernement : quand légifère-t-on sans garantir un cadre fiscal stable et juste ? Nous proposons un titre simple, descriptif et factuel : « abrogeant la réforme du seuil de taxe sur la valeur ajoutée pour les autoentrepreneurs ».

M. Paul Midy, rapporteur. Je suis défavorable aux titres qui ne mentionnent que l’autoentrepreneuriat puisque la franchise en base de TVA s’applique à tous les types d’entreprises. Je conviens que le titre de Mme Pirès Beaune est plus précis et technique que le mien. Cependant, ce dernier semble plus facile à lire et à comprendre pour le grand public.

Je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements ; sinon, avis défavorable.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Vous avez dit qu’il fallait, pour obtenir le vote conforme du Sénat, se contenter de revenir au droit existant ; c’est ce qu’explicite de façon claire le titre que je propose.

L’amendement CF15 ayant été retiré, la commission rejette successivement les amendements CF10, CF11, CF18 et CF12.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


La commission examine la proposition de loi visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil (n° 1341) (M. Nicolas Sansu, rapporteur)

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire, le groupe GDR propose par ce texte visant à mieux encadrer le pacte Dutreil de placer dans le débat public non seulement la légitimité d’un dispositif d’exonération fiscale mais, à travers lui, la grande question du consentement à l’impôt.

Le premier ministre répète à l’envi depuis plusieurs semaines, d’un ton presque martial, que tout le monde devra faire des efforts pour redresser les comptes publics et permettre au pays de préserver sa pleine souveraineté face aux marchés financiers. Certes, je ne partage pas la tendance à agiter le catastrophisme comme étendard de la résignation devant tout changement mais, si partage des efforts il devait y avoir, il me semblerait inadmissible que les plus fortunés, qui ont constitué un patrimoine qui ne cesse de gonfler, en soient exonérés.

Il y a quelques semaines, un grand quotidien national annonçait en une que la France était redevenue une « société d’héritiers ». Il faut mesurer la gravité de ce constat : nous retrouvons une situation que nous n’avions plus connue depuis le début du XXe siècle. En dépit de notre système de redistribution, l’héritage redevient le facteur principal de la constitution du patrimoine. Le corollaire de ce phénomène est une société où les inégalités augmentent et où le statut social est de plus en plus déterminé par la naissance. Or une société de rentiers et d’héritiers est une société qui court au déclin.

Pour inverser cette tendance et limiter la concentration excessive du patrimoine entre les mains de quelques-uns, la fiscalité des donations et successions est un outil essentiel. Pourtant nous savons parfaitement que les droits réellement acquittés par les plus riches sont tout à fait dérisoires.

J’ai travaillé sur cette question avec Jean-Paul Mattei dans le cadre d’une mission d’information sur la fiscalité du patrimoine. Depuis, d’autres travaux venant appuyer nos constats ont été publiés. La situation est assez bien documentée : les plus fortunés parviennent habilement à mélanger leur patrimoine professionnel et leurs biens personnels pour repousser le moment de payer l’impôt. Ils parviennent à remonter leurs revenus dans des holdings qui accumulent les bénéfices non distribués et dont les parts ou actions peuvent ensuite être transmises à faible coût en raison d’un ensemble de niches fiscales. Nous l’avions montré avec les éléments qui étaient alors en notre possession. J’ai donc décidé de prendre au mot la ministre des comptes publics, qui nous a invités à rationaliser les dépenses fiscales pour trouver des gisements d’économie.

La proposition de loi que nous examinons a pour objectif d’encadrer le pacte Dutreil, non de le supprimer. Ce dispositif, créé en 2000, permet d’exonérer de droits de mutation, à concurrence de 75 % de leur valeur, les titres de société transmis par décès ou entre vifs, sous réserve de respecter certaines conditions liées à la conservation des titres et à l’exercice d’une activité professionnelle dans la société cédée. Le pacte Dutreil a été régulièrement assoupli, d’abord peu de temps après sa création, entre 2004 et 2007, puis plus récemment en 2019.

En dépit du fait que nous disposons désormais d’un certain recul sur le dispositif, celui-ci n’a jamais été évalué. Pire, nous peinons encore à savoir combien il coûte à l’État. Pendant de nombreuses années, les annexes du projet de loi de finances ont fait figurer un montant, que l’on peut qualifier de « conventionnel », de 500 millions d’euros, qui correspondait aux résultats d’une enquête conduite il y a plus de dix ans.

En 2021, le Conseil d’analyse économique (CAE) a proposé un chiffre compris entre 2 et 3 milliards d’euros, ce qui a conduit le gouvernement à réviser son évaluation à 800 millions d’euros en 2024. Au cours des auditions, l’administration fiscale a maintenu et justifié ce montant, mais a également souligné que le coût du pacte Dutreil était très variable d’une année à l’autre et qu’on ne connaissait pas le nombre de pactes noués et effectifs, sans parler de la faculté de fractionner les transmissions, au sein d’un même pacte, ou via plusieurs pactes. Les auditions que j’ai menées m’ont appris une chose : personne au sein de l’administration n’est en mesure de suivre et de contrôler le dispositif Dutreil. En clair, si une vente se fait avant la fin de la durée de détention, il n’y a aucune mesure de redressement car elle passe sous les radars. La belle niche que voilà ! C’est même un vrai chenil.

Cette opacité ne touche pas que le pacte Dutreil, mais l’ensemble de la fiscalité des successions et donations. Nous ne sommes même pas capables de reconstituer l’assiette des droits de mutation à titre gratuit. Tout cela pose non seulement la question de la qualité de l’information dont dispose le Parlement mais aussi celle, importante, du contrôle de l’administration fiscale.

Dans ce contexte, je ne propose pas de révolution fiscale, même si cela me démange, ni de remettre en cause le pacte Dutreil, parce que je sais qu’il est utile pour les PME. La proposition de loi ne touche ainsi ni le boulanger, fût-il à Megève, ni la PME familiale qui pèse 50 millions d’euros. Je propose, en revanche, d’encadrer le dispositif actuel par trois mesures.

La première concerne le taux de l’exonération. Je propose, pour les transmissions de plus de 50 millions d’euros, de ramener le taux à 50 % pour la part de la valeur des titres transmis qui excède ce seuil.

Certains me diront probablement qu’une telle réduction pourrait menacer notre tissu industriel. Je tiens à signaler que la grande majorité des transmissions couvertes par un pacte Dutreil concernent des montants bien plus faibles que 50 millions d’euros. Si l’on suit les chiffres de l’administration – 2 000 à 3 000 pactes, pour une dépense fiscale de 800 millions d’euros –, l’assiette globale des transmissions concernées serait annuellement de 2,5 à 3 milliards d’euros, soit une moyenne de 1 million d’euros par pacte. Un seuil de 50 millions d’euros ne touchera donc pas la transmission des petites entreprises. Certaines entreprises de taille intermédiaire (ETI), notamment celles ayant un actionnariat majoritairement familial, expliquent qu’elles pourraient être concernées mais leurs représentants au sein du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) sont incapables de donner des exemples fiables et vérifiés. Et là encore, pas de fantasme : il s’agit d’un abaissement de l’abattement au-delà de 50 millions d’euros, non d’une suppression.

Je propose également d’allonger la durée de conservation des titres. Actuellement, un pacte doit d’abord faire l’objet, de la part des associés, d’un engagement de deux ans. Les héritiers ou donataires prennent ensuite un engagement de conservation individuel de quatre ans. La proposition de loi étend cette durée à huit ans. Compte tenu de l’ampleur de l’avantage fiscal dont peuvent bénéficier les contribuables dans le cadre d’un pacte Dutreil, je considère que cette durée serait mieux proportionnée. J’ajoute que la durée de détention était de seize ans à l’origine et surtout qu’il faudrait pouvoir contrôler – ce qui n’est pas le cas – que la durée prévue est bien respectée.

Je propose enfin de supprimer la possibilité de bénéficier du pacte Dutreil pour les transmissions de droits démembrés. Là non plus, il ne s’agit pas de remettre en cause le démembrement de propriété, qui est un principe de droit civil ancien et largement utilisé, mais de limiter la possibilité de cumuler des avantages fiscaux qui, par leurs effets combinés, réduisent l’imposition des plus fortunés d’une manière disproportionnée. À titre d’exemple, lorsque vous bénéficiez d’une transmission de parts d’entreprise pour un montant de 100 millions d’euros, vous pouvez ramener votre taux d’imposition effectif à environ 5 %, au lieu de 44 % dans le droit commun, sans compter le fait qu’à l’issue de cette transmission vous avez également effacé les plus-values latentes.

Je vous propose, par ailleurs, plusieurs amendements qui permettront d’approfondir l’encadrement du dispositif.

Je me suis notamment inspiré des débats que nous avons eus lors de l’examen du dernier projet de loi de finances afin d’exclure totalement la possibilité d’intégrer des biens personnels dans le champ de l’exonération. Le rapporteur général a déposé le même amendement. Actuellement, de tels biens peuvent être inscrits à l’actif d’une société holding animatrice de groupe et peuvent donc, de manière légale mais politiquement injustifiée, être partiellement exonérés de droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

Je propose également de supprimer la possibilité de cumuler le pacte Dutreil avec la réduction de droits de 50 % pour les donations réalisées en pleine propriété avant 70 ans. Cette réduction de droits coûte environ 150 millions d’euros chaque année à l’État. Il me semble logique, comme pour le démembrement, d’encadrer le cumul des avantages fiscaux et de demander au contribuable de choisir celui qui sera le plus adapté à sa situation.

Enfin, je souhaite que l’on puisse appliquer une limite de transmission de trésorerie dans le cadre d’un pacte Dutreil.

Ce dispositif fait couler beaucoup d’encre. Il est érigé en totem alors qu’un meilleur encadrement permettrait, en réalité, de lui redonner sa pleine vocation : aider les TPE, les PME, mais aussi la très grande majorité des ETI à transmettre leurs titres et actifs dans un cadre familial, sans constituer une boîte noire qui mine le consentement à l’impôt. Je salue, à cet égard, l’information du jour : le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) propose, dans un rapport commandé par le gouvernement, de limiter le déficit de la sécurité sociale, notamment par des réformes de la fiscalité des successions. L’assiette du pacte Dutreil serait ainsi réduite grâce à une définition plus juste du patrimoine professionnel et à une limitation des abus potentiels au sujet du patrimoine immobilier et des trésoreries excédentaires.

Le premier ministre ayant récemment cité Lénine – « seule la vérité est révolutionnaire » –, je vais l’aider à compléter son propos : « la confiance n’exclut pas le contrôle ».

M. le président Éric Coquerel. Le pacte Dutreil fait partie de ces niches qui pourraient laisser penser, intuitivement, qu’elles avantagent un capitalisme patrimonial plutôt que spéculatif ou financier. On se dit, en effet, que favoriser le capitalisme familial permet de contrer l’appétit des groupes d’actionnaires. Or quand on regarde en détail, on s’aperçoit que c’est exactement l’inverse.

Je m’appuie en cela sur les travaux d’un think tank rattaché au premier ministre et qui est plutôt libéral, le Conseil d’analyse économique (CAE). Selon lui, le dispositif fiscal dont les effets sont les plus concentrés dans le haut de la distribution des héritages, du fait de l’extrême concentration des biens professionnels, est le pacte Dutreil. Laurent Bach, de l’Institut des politiques publiques, a montré que les biens professionnels représentaient moins de 10 % du patrimoine total en dessous du seuil des 0,1 % les plus fortunés, 30 % au niveau du seuil des 0,01 % les plus fortunés et plus de 60 % pour les 0,001 % les plus fortunés, soit 380 foyers fiscaux. En réalité, le pacte Dutreil avantage surtout les hauts patrimoines, qui sont très liés à la spéculation financière et à l’optimisation fiscale.

Par ailleurs, on peut largement s’interroger sur l’efficacité du dispositif. S’agissant de l’idée que la taxation des transmissions d’entreprises familiales pourrait avoir des effets négatifs sur l’investissement, l’emploi, la gouvernance et la survie des entreprises, des travaux empiriques suggèrent, d’après le CAE, que les effets négatifs sont très limités, voire nuls en pratique. Cela peut donc contredire une vision selon laquelle s’assurer que les entreprises restent dans le giron familial permettrait de renforcer leur développement. Plusieurs travaux, notamment menés par Thomas Philippon en 2007, ont porté sur cette question.

Enfin, toujours selon le CAE, le traitement privilégié dont bénéficient les biens professionnels en matière de DMTG contribue fortement à la transmission des inégalités de patrimoine, sans apporter de gains économiques significatifs. Je rappelle d’ailleurs que le CAE va plus loin que notre rapporteur, puisqu’il propose carrément de supprimer le dispositif ou, au minimum, de renforcer le contrôle fiscal pour lutter contre les abus, de revenir sur les dispositifs d’exception et de plafonner l’utilisation du dispositif pour les très grandes entreprises, comme le propose, cette fois, notre rapporteur.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable au présent texte, qui arrive à point nommé.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le pacte Dutreil a été créé pour faciliter les successions et donations des entreprises familiales par un dispositif d’exonération très attractif, à hauteur de 75 % et sans plafond. À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, j’avais soutenu l’exclusion des biens non professionnels afin d’éviter que les biens personnels des entrepreneurs bénéficient d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit en étant inscrits à l’actif d’une entreprise. Il s’agissait ainsi de recentrer le pacte Dutreil sur la transmission d’outils professionnels et non de patrimoines privés, ambition rappelée par le rapporteur mais ne figurant pas dans cette proposition de loi.

Lors de l’examen du projet de loi de finances en première lecture, l’amendement que j’avais déposé à cet effet a été adopté successivement en commission et en séance. Toutefois, en raison du rejet de la première partie du budget par l’Assemblée, puis du recours, par le gouvernement, à l’article 49.3 de la Constitution, cette disposition n’a pas été intégrée dans la version définitive du texte. J’ai donc redéposé mon amendement dans le cadre de cette proposition de loi.

Il me semble que la bonne approche de la question est de sortir de l’assiette les biens personnels : ce serait beaucoup plus efficace et juste que les dispositions de ce texte. Comment fixer un seuil ? Pourquoi 50 % ? Par ailleurs, la suppression du démembrement de propriété me paraît une erreur : une bonne tactique pour associer des membres de la famille peut être de leur céder la nue-propriété et, quand on décède – nul ne connaissant l’heure de sa fin de vie, malgré ce que nous venons de voter –, cela permet de faciliter les transmissions.

S’agissant de la durée de détention, j’ai toujours pensé que les six années actuelles – quatre plus deux – étaient un critère un peu étroit. Nous pourrions donc envisager d’augmenter la durée d’un ou deux ans. Nous avons ainsi adopté en loi de finances un dispositif concernant les baux ruraux à long terme au sein duquel nous avons prévu une durée de conservation de treize ans additionnelle à la durée de cinq ans.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Il n’y a ni emplois ni salariés sans entreprises et pas d’entreprises sans entrepreneurs ; sans entreprises non plus, aucune prospérité, ni pour la France ni pour les Français. C’est ce principe de réalité que défend le Rassemblement national. Par ailleurs, quand une entreprise française peut être reprise par un Français qui la connaît déjà parce qu’il y travaille, alors nous devons aider à sa transmission. Il faut garder en tête cet autre principe de réalité lorsque nous débattons du pacte Dutreil.

Le présent texte a pour but de taxer davantage nos concitoyens qui veulent conserver une entreprise française, en rendant les transmissions d’entreprises plus coûteuses, donc plus difficiles et plus rares. Pourtant, le défi qui nous attend est immense. Selon les chambres de commerce et d’industrie (CCI), un quart des dirigeants de PME et d’ETI a plus de 60 ans, et 11 % plus de 66 ans. D’ici à 2032, 700 000 entreprises devront ainsi être cédées. Les CCI estiment que 50 000 transmissions en une seule année représentent 770 000 emplois maintenus. À l’inverse, une entreprise non transmise, c’est souvent une entreprise qui disparaît ou qui passe sous pavillon étranger, bien souvent pour être pillée avant d’être liquidée.

Or le pacte Dutreil permet de transmettre une entreprise à quelqu’un qui y travaille déjà et n’aura pas à s’endetter pour la reprendre. En France, seulement 12 % des transmissions d’entreprises se font dans le cadre familial, contre 65 % en Allemagne et 76 % en Italie. Cette faiblesse structurelle, qui affaiblit la continuité économique et la résilience de notre tissu productif, s’explique en grande partie par la lourdeur de la fiscalité sur la transmission des entreprises. Cette situation explique aussi pourquoi notre pays dispose d’un réseau d’entreprises de taille intermédiaire beaucoup plus restreint que celui de nos voisins, alors que c’est ce tissu d’ETI qui assure la stabilité de l’emploi, la capacité d’exporter et l’ancrage territorial.

Le Rassemblement national veut donc renforcer le pacte Dutreil. Nous proposons une exonération totale en contrepartie d’un engagement de conservation à long terme, de dix ans.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Il était question, avec la proposition de loi que nous avons examinée plus tôt ce matin, d’offrir un cadre fiscal clair et stable à nos compatriotes. Quelques instants plus tard, on nous propose de remettre en cause un outil qui fonctionne, alors que le nombre de transmissions d’entreprises familiales dans notre pays est singulièrement inférieur à celui de nos voisins européens – il est de 14 % en France, de 50 % en Allemagne et de 70 % en Italie.

Si nous voulons délocaliser, perdre en souveraineté, céder nos capitaux à des fonds de pension, empêcher la transmission d’entreprises, alors il faut voter cette proposition de loi, c’est-à-dire refuser de faire confiance à nos entrepreneurs pour leur permettre de se développer, de passer du statut de petite ou moyenne entreprise à celui d’entreprise de taille intermédiaire. Là aussi, je rappelle les chiffres : nous avons trois fois moins d’entreprises de taille intermédiaire qu’en Allemagne.

Je crois au contraire qu’il faudrait sanctuariser cette dépense fiscale, qui fonctionne bien et qui a été créée, comme M. le rapporteur le sait très bien, pour éviter que des entreprises ne passent sous pavillon étranger ; c’est une dépense fiscale antidélocalisation. Plutôt que de la mettre à mal, de casser ce qui fonctionne, il faudrait la sanctuariser et peut-être même, je le crois, augmenter le taux actuel, sous réserve d’un engagement de conservation supplémentaire. Laissons nos entrepreneurs tranquilles, laissons-les travailler et grandir ; favorisons la transmission familiale plutôt que la punition fiscale permanente.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La France est une société où la naissance fait la fortune. Dans la France de Macron, il suffit de bien naître pour être riche, tandis que tous les autres sont condamnés à la pauvreté, de génération en génération. Nous sommes, oui, une société d’héritiers. En dépit des discours incessants des libéraux sur la valeur travail, nous vivons en réalité dans un régime où une classe a fait sécession – ceux qui traquent le séparatisme à l’heure actuelle feraient bien de s’y intéresser.

En 2024, neuf personnes sont devenues milliardaires en France. Sur ces neuf personnes, sept sont des super-héritiers. Comment est-ce donc possible ? Moi qui croyais que l’État taxait jusqu’à plus soif ! Il taxe, oui, mais pas les plus riches. Les 0,1 % les plus riches touchent en moyenne un héritage de 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian, et ils paient en moyenne 10 % d’impôts sur cet héritage, alors que le taux moyen d’imposition est de 42 %.

Comment ces gens font-ils pour échapper ainsi à l’impôt ? Parmi les niches fiscales, cage dorée pour enfants ou parents fortunés, le pacte Dutreil permet une exonération de 75 % des biens professionnels. Or, vous le savez, les biens professionnels, c’est-à-dire les parts d’entreprises, occupent souvent une place prédominante dans les héritages très importants. Le pacte Dutreil, combiné à d’autres niches fiscales, comme le démembrement, permet d’aller jusqu’à une exonération de 90 % des impôts sur la succession.

La France, de fait, ressemble davantage à un paradis fiscal qu’à l’enfer décrit par certains. Non seulement une petite poignée de Français accaparent une richesse qu’ils n’ont pas produite, mais en plus ils privent l’État de recettes indispensables. Pendant qu’on demande aux Français de faire des efforts, à grand renfort de TVA sur les produits de consommation du quotidien, le pacte Dutreil coûte au moins 3 milliards d’euros par an à l’État. Selon les dernières estimations, le nombre d’utilisations du dispositif a explosé : on compte 50 % de pactes Dutreil supplémentaires depuis que Macron est là.

Vous me direz qu’il s’agit de protéger le patrimoine industriel français au moment de la succession. Si seulement c’était vrai… Force est de constater que cela n’empêche en rien la désindustrialisation. Selon l’Inspection générale des finances (IGF), le Medef a été incapable de fournir des arguments tangibles pour montrer les effets positifs du pacte Dutreil.

Cette proposition de loi est bienvenue. Même si nous défendons la suppression du pacte Dutreil à terme, son encadrement et sa restriction sont de bons premiers pas.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Merci à Nicolas Sansu d’avoir déposé cette proposition de loi. Le pacte Dutreil a pour qualité d’être probablement l’un des seuls dispositifs fiscaux dérogatoires dont les fondements économiques font presque l’unanimité parmi nous. J’imagine donc que ce texte, qui permet d’aligner le dispositif fiscal sur son objectif initial, rassemblera largement.

Le pacte Dutreil est un dispositif qu’il convient de maintenir, dans la mesure où il joue un rôle clef pour permettre la transmission d’entreprises familiales d’une génération à une autre. L’abattement prévu s’applique légitimement si certains critères sont respectés, notamment l’engagement de conservation des titres, par les légataires, pendant au moins quatre ans, avec l’implication d’au moins un d’entre eux comme dirigeant de l’entreprise durant la même période. Les critères ont malheureusement été relâchés à plusieurs reprises au cours des vingt dernières années, ce qui a contribué à faire de ce dispositif un outil majeur de contournement de l’impôt, dont le coût pour les finances publiques est estimé à plus de 2 milliards d’euros par an.

Nous nous réjouissons que ce texte permette de faire en sorte que le dispositif Dutreil se rapproche de son objectif initial : assurer la pérennité des groupes familiaux, de notre tissu de TPE et de PME. Qui pourrait dès lors s’opposer à ce que la durée de conservation des titres soit portée à huit ans, contre seulement quatre à l’heure actuelle ? De même, la réduction de l’abattement, à 50 %, pour la tranche supérieure à 50 millions d’euros ne concernera qu’un nombre infime d’entreprises et ne semble donc pas poser de problème majeur.

M. Tristan Lahais (EcoS). En France, alors que la moitié de la population n’a pas d’héritage ou très peu – le premier décile perçoit même un héritage dit négatif –, 0,1 % des héritiers, les plus riches, reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, ce qui représente 180 fois l’héritage médian selon les chiffres, déjà cités, du Conseil d’analyse économique. Grâce à de nombreuses niches fiscales, ces super-héritiers ne paient en moyenne que 10 % de droits de succession. Par ailleurs, je rappelle que sept des neuf Français devenus milliardaires en 2024 étaient de super-héritiers.

Toutes celles et ceux qui, gouvernement et RN inclus, plaident pour la stabilité fiscale, voire pour une réduction supplémentaire de la pression fiscale ou même une exonération totale s’agissant du pacte Dutreil, protègent en réalité la rente, l’héritage, contre la valeur travail qu’ils prétendent défendre du matin au soir. C’est d’autant plus embêtant que le gouvernement actuel nous invite à faire des efforts, de l’ordre de 40 milliards d’euros cette année, pour combler un déficit public qu’il a lui-même creusé. À situation économique exceptionnelle, nous serions bien inspirés de demander une contribution exceptionnelle à celles et ceux qui ont le plus de moyens.

Selon un rapport d’Oxfam datant de l’automne 2024, plus de 160 milliards d’euros pourraient s’envoler du fait de diverses exonérations fiscales strictement liées à l’héritage – aux successions et donations – dans les trente prochaines années. Le pacte Dutreil est une de ces niches les plus emblématiques. Permettant d’exonérer jusqu’à 75 % des actifs en cas de transmission d’une entreprise familiale, afin de préserver le tissu économique, il est en réalité devenu un paradis fiscal légal pour les grandes fortunes : 40 % des transmissions effectuées dans ce cadre portent sur des montants supérieurs à 60 millions d’euros.

Le pacte Dutreil est aussi le symbole d’un système opaque et injuste de niches fiscales liées à l’héritage. Si le coût du dispositif a été estimé à 500 millions d’euros, ce montant est resté inchangé depuis dix ans. Il est donc remis en cause par de nombreux experts, à commencer par ceux de la Cour des comptes, qui considèrent que le calcul est fondé sur des hypothèses obsolètes.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons évidemment la proposition de loi.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous avions longuement débattu de ce sujet dans le cadre du rapport sur la fiscalité du patrimoine. J’ai connu une époque où le pacte Dutreil n’existait pas. On avait alors deux solutions : soit on se domiciliait à l’étranger pour bénéficier d’un autre régime fiscal, soit on était obligé de vendre l’entreprise, l’exemple le plus emblématique étant celui d’Upsa, entreprise vendue à la suite du décès subit de son dirigeant.

Si on ne peut pas transmettre une entreprise à titre gratuit – je rappelle que les droits en ligne directe vont jusqu’à 45 % –, on est obligé de vendre. Quand on regarde l’évolution dans le temps des entreprises vendues à des groupes, on voit que des établissements locaux, donc assurant le maillage du territoire, sont souvent supprimés, ce qui est dramatique pour l’activité.

La question mérite d’être posée, c’est vrai, mais pas dans le cadre d’une proposition de loi. Il faut une vision globale de la fiscalité de la transmission d’entreprise ; le pacte Dutreil est extrêmement utile.

La première modification de l’article 787 B du code général des impôts qui nous est proposée dans ce texte concerne la durée de détention, qui n’est pas de quatre ans, mais de deux ans plus quatre, soit six ans. Les quatre ans concernent ce qu’on appelle les pactes Dutreil réputés acquis. On peut envisager une évolution, mais si on passe à huit ans, cela fera au total dix ans. Lorsque la durée était de quinze ans, cela ne marchait pas parce que c’était trop long. Le régime des plus-values à la revente est une vraie question, mais la proposition de loi ne l’aborde pas.

Si le seuil passe à 50 millions d’euros, une entreprise qui en vaut 100 devra être vendue, à l’étranger : on n’aura pas les liquidités pour faire face aux droits de succession. Où pourrait-on les trouver ? Dans l’entreprise, en appauvrissant la trésorerie.

Et que se passe-t-il quand le conjoint survivant veut conserver l’usufruit en cas de démembrement de propriété ? Le dispositif a déjà évolué pour limiter l’avantage donné à l’usufruitier, lequel ne peut désormais voter que sur les décisions d’affectation du bénéfice.

Enfin, l’oubli de l’article 790 du code général des impôts, malgré sa réintégration dans un amendement, prouve que le texte mérite d’être retravaillé selon une vision plus globale.

M. Christophe Plassard (HOR). Sous couvert de lutte contre l’optimisation fiscale, ce texte remet en cause un dispositif structurant pour nos PME familiales, le pacte Dutreil.

Soyons clairs : ce pacte n’est pas une niche injustifiée, mais un outil essentiel à la transmission d’entreprise. Il permet à des artisans, des commerçants, des chefs d’entreprise, mais aussi à des agriculteurs et des viticulteurs, souvent au cœur de nos territoires, de transmettre leur activité à leurs enfants sans que l’impôt ne les contraigne à vendre ou à démembrer l’entreprise. Allonger la durée d’engagement de quatre à huit ans, c’est ignorer les incertitudes économiques que vivent ces familles. Introduire un seuil de 50 millions d’euros, c’est pénaliser les ETI capitalistiques et pas toujours rentables – je pense aux vignes –, que ce soit dans l’industrie ou dans l’agroalimentaire. Enfin, interdire le démembrement, c’est priver les familles d’un outil civil reconnu qui permet une transmission progressive, souvent gage de stabilité.

Nous le savons tous, ce ne sont pas les grands groupes qui recourent au pacte Dutreil, mais des entreprises ancrées localement dans lesquelles les dirigeants mettent toute leur énergie et tout leur patrimoine. Ce texte les fragiliserait injustement et nierait l’investissement et le travail des patrons de PME, qui mettent corps et âme dans une entreprise, source d’emploi local. La transmission d’entreprise ne doit pas devenir un parcours du combattant. Elle est au contraire une promesse, celle de la continuité de l’emploi et du tissu économique local : la pérennité et la stabilité des entreprises familiales sont reconnues, à la différence des entreprises reprises en LBO – rachat par endettement – avec, souvent, une pression sur la rentabilité.

Certes, l’efficacité du dispositif mérite d’être évaluée. Mais réformer à l’aveugle, sans concertation, sans étude d’impact sérieuse, c’est prendre le risque de casser un outil qui fonctionne, même s’il est perfectible. Pour ces raisons, le groupe Horizons votera contre la proposition de loi.

M. Corentin Le Fur (DR). Nous sommes très attachés au pacte Dutreil. C’est un outil précieux sans lequel les chefs d’entreprise seraient obligés de vendre tout ou partie de l’entreprise familiale au moment de la succession, souvent à des fonds ou à des acteurs étrangers, avec une perte de contrôle partielle ou totale. Il protège un modèle d’entreprise qui maille le territoire et maintient l’emploi, les savoir-faire et les centres de décision en France. Remettre en cause le pacte Dutreil pénaliserait les entreprises familiales qui veulent grossir – je rappelle que notre pays est en retard par rapport à l’Allemagne en matière de transformation des PME en ETI. Cela ne veut pas dire que nous pouvons nous exonérer d’une réflexion sur le coût des niches fiscales, notamment dans le projet de loi de finances. Néanmoins, nous voterons contre la proposition de loi.

M. Michel Castellani (LIOT). Le groupe LIOT accueille favorablement cette proposition de loi visant à recentrer le pacte Dutreil sur son objectif initial, qui est de faciliter la transmission des entreprises familiales tout en préservant l’équité fiscale. Il est clair que certaines dérives ont été constatées : utilisation du dispositif à des fins patrimoniales éloignées de toute logique économique, démembrement de propriété exploitant les failles du cadre actuel ou encore transmission de biens sans lien direct avec l’activité de l’entreprise. Ces pratiques détournent l’esprit du dispositif au détriment de la justice fiscale.

Cependant, nous avons des réserves sur la méthode. Fixer un simple seuil de valeur pour moduler l’exonération peut engendrer des effets de seuil contre-productifs, en particulier pour les entreprises non cotées dont la valorisation est complexe et sujette à contentieux.

En ce sens, notre groupe défendra plusieurs amendements, notamment un amendement qui vise à mieux cibler l’exonération sur les biens réellement affectés à l’activité opérationnelle de l’entreprise en excluant les actifs personnels ou les actifs improductifs qui sont logés artificiellement dans les structures bénéficiaires. À travers cet amendement, nous défendons une approche équilibrée : renforcer le contrôle et recentrer le dispositif sur l’économie réelle, tout en préservant la transmission des PME et des ETI dans les territoires.

Le groupe LIOT réserve son vote final à l’issue des débats, en espérant que ceux-ci permettront d’aboutir à un texte pleinement opérationnel.

M. Julien Brugerolles (GDR). Dans la panoplie des niches fiscales qui grèvent chaque année les finances publiques, le pacte Dutreil symbolise à bien des égards les dérives en matière d’optimisation d’impôt des plus hauts patrimoines. Initialement instauré en 2000 pour faciliter la transmission des entreprises familiales et en assurer la pérennité, ce dispositif a vu ses conditions s’assouplir et ses avantages fiscaux s’accroître au fil du temps, bien au-delà de sa vocation première.

La proposition de loi de notre excellent rapporteur ne remet pas en cause l’existence même du pacte Dutreil. Elle vise simplement à le recentrer sur ses objectifs initiaux en mettant fin à ces dérives manifestes. Prenons un exemple concret : l’engagement de conservation des titres, fixé à l’origine à seize ans, a été réduit à seulement quatre ans. Notre proposition de retour à une durée de huit ans ne constitue ni une rupture, ni une innovation radicale. Elle s’inscrit au contraire dans la logique fondatrice du dispositif : garantir la stabilité de la transmission des entreprises familiales et leur durabilité.

Par ailleurs, nous ne pouvons ignorer les détournements auxquels donne lieu le dispositif actuel. Il est désormais possible d’y intégrer des holdings mixtes détenant, à côté d’éléments véritablement professionnels, des actifs non productifs : biens immobiliers de luxe, œuvres d’art, jusqu’au chalet à Megève. Le résultat ? Une fiscalité réduite de 40 à 5 % sur des biens sans lien réel avec l’activité économique. Ce n’est pas seulement un manque à gagner considérable pour l’État – il a été estimé entre 2 et 3 milliards d’euros par le Conseil d’analyse économique –, c’est une trahison même de l’esprit du pacte Dutreil. C’est pourquoi les ajustements proposés par le rapporteur, loin d’être excessifs, apparaissent indispensables.

Dans le contexte budgétaire actuel, où les politiques publiques sont soumises à des coupes sévères, il est de notre responsabilité de nous interroger sur chaque dépense fiscale. Mieux encadrer le pacte Dutreil, c’est faire œuvre de justice fiscale et recentrer un dispositif utile sur sa finalité première en l’empêchant d’être utilisé comme un outil d’optimisation patrimoniale, sans lien réel avec l’économie. Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à voter pour le texte.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je suis très heureux que cette question entre dans le débat public. En effet, malgré l’appel de M. Mattei à discuter dans un cadre plus global, le projet de loi de finances ne permet pas de discuter à fond du sujet – sans oublier que, ces derniers temps, nous ne le votons pas.

Hier encore, le HCFiPS a fait des propositions sur un éventuel aménagement du pacte Dutreil dans le cadre de la limitation des déficits de la sécurité sociale. Nous ne sommes donc pas les seuls à nous pencher sur la réalité de ce pacte, y compris sur la question, chère à Charles de Courson, de la distinction entre les biens professionnels et les biens personnels, laquelle avait déjà été abordée dans la proposition de loi de Christine Pirès Beaune sur la fiscalité des droits de succession et de donation.

Ne faisons pas croire que la proposition de loi vise à supprimer le pacte Dutreil : ce n’est pas du tout le cas. Elle vise simplement à l’encadrer. L’abattement est ramené à 50 % au-dessus de 50 millions d'euros, pas à zéro ! Arrêtons de fantasmer : la proposition de loi ne touchera pas les TPE et PME, seulement quelques ETI. Il n’est pas vrai de dire que le garagiste et le boulanger seront concernés. Nous avons demandé aux services de Bercy et au Mouvement des entreprises de taille intermédiaires combien de pactes Dutreil excèdent 50 millions d'euros chaque année : ils ne le savent pas, ce qui est un monde, mais cela se compte a priori sur les doigts des deux mains.

Le sujet mérite d’être posé dans ces termes. Je reconnais toutefois que le texte peut encore faire l’objet d’aménagements et d’améliorations, comme celles qu’a proposées Charles de Courson et comme celles que pourrait proposer Jean-Paul Mattei s’il acceptait de discuter du fond de la proposition de loi.

Article unique

Amendements de suppression CF14 de M. Mathieu Lefèvre et CF26 de M. Jean-Paul Mattei

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Le rapporteur ne m’a pas répondu au sujet de l’impact du texte sur la transmission familiale, sur la capacité des entreprises à rester dans le giron français et sur la transformation des PME en ETI. C’est se tromper lourdement sur le sens de notre mission que de croire que l’on va répondre à tous les maux de la société par une augmentation de la fiscalité, dans un pays qui est déjà champion de l’OCDE des prélèvements obligatoires. Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer cet article qui relève d’une forme d’amateurisme fiscal et témoigne d’une méconnaissance profonde du tissu économique et industriel français.

Plus tôt ce matin, nous avons essayé de réparer une disposition injuste vis-à-vis des entrepreneurs et de préserver un cadre fiscal et réglementaire stable pour notre économie. Dans la minute d’après, on rompt le peu de confiance qui subsiste. Laissons-les travailler et transmettre leurs entreprises plutôt que délocaliser ou livrer notre économie aux fonds de pension.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je n’ai pas l’habitude de demander la suppression d’un article, mais le débat est mal posé. Le point essentiel tient à la notion de patrimoine professionnel et au surplus de trésorerie de certaines holdings. La proposition de loi n’en parle pas. Elle ne traite pas non plus la question des plus-values réalisées après quatre ans de détention, qui sont calculées sur la valeur nette des titres, et non sur la valeur abattue ; or c’est là que se nichent les optimisations. Le pacte Dutreil est un outil utile. Il faut vérifier qu’il correspond bien à sa destination sans le fragiliser. Je le répète, une proposition de loi n’est pas le bon cadre pour aborder le sujet.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. M. Lefèvre, dont la condescendance le dispute à la sympathie, nous demande de ne pas remettre en cause cette disposition fiscale. Je suis sans doute un amateur, mais il me semble qu’on ne peut pas dire tout et son contraire : dans une tribune parue dans Les Échos le 17 avril dernier, il appelait à supprimer toutes les niches fiscales et à rendre l’argent aux Français. À ma connaissance, le pacte Dutreil est une niche fiscale. Soyez un peu cohérent et acceptez la contradiction sans mépris.

Nous savons tous que les propositions de loi ne sont pas accompagnées d’une étude d’impact. Toutefois, la Cour des comptes rendra fin juin un rapport qui, je l’espère, sera documenté, même si elle a peiné à obtenir les informations. Il n’existe pas de cadastre du Dutreil : l’administration estime la dépense fiscale à 800 millions d’euros, tandis que le Conseil d’analyse économique parle de 2 à 3 milliards d’euros. Ce seul écart justifie d’y regarder de plus près.

Monsieur Mattei, je comprends que ce soit un crève-cœur pour vous de déposer un amendement visant à supprimer l’un de mes textes, sachant que nous avons travaillé ensemble sur le sujet. J’entends la nécessité de distinguer les biens personnels des biens professionnels et je serai favorable à l’amendement déposé en ce sens par Charles de Courson. Certains économistes, comme Camille Landais, se sont penchés sur la question de la trésorerie, qui peut constituer jusqu’à 90 % de la valeur transmise ; pour que le pacte Dutreil ne soit pas utilisé en vue d’échapper à l’impôt, il faudrait fixer un maximum à 30 ou 50 %.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. le président Éric Coquerel. L’adoption de ces amendements mettrait un terme au débat. Je donnerai donc la parole à un orateur par groupe avant le vote.

Hier, Amélie de Montchalin se disait ouverte à toutes les propositions de révision de niches fiscales dans le projet de loi de finances. Il est contradictoire d’entendre les représentants des groupes de la majorité refuser de s’attaquer à celle-là. Je suppose que ceux qui refusent par principe de toucher à la fiscalité seront également contre la TVA sociale, qui est la fiscalité la plus injuste possible et ne répare en rien les dégâts fiscaux faits au profit des plus riches depuis 2017.

Je suis dubitatif devant le procédé qui consiste à voter la suppression d’un article et d’empêcher ainsi tout débat sur une proposition de loi défendue dans le cadre d’une niche parlementaire, d’autant plus que celle-ci sera vraisemblablement rejetée in fine. J’ai cru comprendre que des accords étaient possibles dans le projet de loi de finances, y compris sur la réforme de cette niche fiscale ; autant la préparer.

Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Nous voterons pour la suppression de l’article. Même si le pacte Dutreil n’est pas parfait, il est toujours mieux sans les limites que le texte projette d’instituer.

M. Denis Masséglia (EPR). Je soutiens Mathieu Lefèvre. Nous ne pouvons pas voter un texte qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact.

Je vois dans cette salle une horloge. Il y a dans mon territoire une entreprise d’horlogerie, l’entreprise Bodet, 1 000 emplois, créée à Trémentines en 1868 et transmise de génération en génération : si nous votons ce texte, ce sont les fonds de pension américains ou chinois qui la reprendront. Brioche Pasquier, 3 500 emplois, siège social basé aux Cerqueux, dans ma circonscription : si la famille ne peut pas reprendre l’entreprise, elle sera rachetée par des fonds de pension américains. Est-ce cela que nous voulons ? Je suis un défenseur des entreprises du territoire, pas des fonds de pension. Comprenez les risques que nous prenons. Comment vais-je expliquer aux milliers de salariés qu’ils risquent de perdre leur emploi parce que l’entreprise a été rachetée ?

Nous ne pouvons pas voter sur un coin de table un dispositif qui met en péril l’économie et l’industrie de nos territoires. Prenons le temps de discuter ; il y a sans doute quelques évolutions à apporter, mais il ne faut pas casser un système qui a fait ses preuves.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Arrêtons l’hypocrisie qui consiste à faire croire que vous êtes les grands défenseurs du tissu industriel et économique français. Le pacte Dutreil, cela coûte de l’argent, avec des milliards d’euros qui n’entrent pas dans les caisses de l’État. Si vous vous préoccupez des emplois et de l’industrie, pourquoi êtes-vous incapables de mobiliser cet argent pour nationaliser Vencorex ou ArcelorMittal ? La réalité, c’est que vous ne défendez pas les emplois ; les emplois, vous vous en moquez bien, et le maintien des entreprises aussi. La seule chose que vous défendez, c’est la possibilité pour une petite poignée d’ultrariches de conserver ses biens dans la famille pour les transmettre à ses enfants.

Non seulement vous êtes opposés à la proposition de loi, mais vous refusez de débattre des amendements en supprimant l’article unique avec la complicité du Rassemblement national, qui se fond dans les arguments macronistes. Vous dites que ce n’est pas le bon moment. Mais le budget non plus n’est pas le bon moment : tout passe par 49.3 et se termine en commission mixte paritaire. Alors, quel est le bon moment pour débattre de ce qui représente 20 % de l’imposition sur l’héritage ?

M. Philippe Brun (SOC). Comme l’a dit ma collègue Christine Pirès Beaune, nous soutenons cette proposition de loi et sommes donc défavorables aux amendements de suppression.

Le premier argument invoqué par ceux qui veulent supprimer l’article est l’absence d’étude d’impact. Or, nos débats en témoignent, il n’y a pas de sujet plus documenté que celui-ci : à chaque projet de loi de finances, nous passons des heures à en débattre avec des chiffrages extrêmement précis. Comme l’a dit Nicolas Sansu, l’impact du texte sur le tissu économique est minime car il ne concerne que de très grandes familles qui utilisent le pacte Dutreil à des fins d’optimisation fiscale – c'est-à-dire pour planquer de la trésorerie dans la holding afin de réduire la taxation. Ce n’est pas acceptable. On ne peut pas assassiner de droits de succession les familles de classe moyenne qui transmettent un pavillon et en exonérer les très grandes fortunes.

Monsieur Mattei, vous évoquez la taxation des plus-values lorsque les détenteurs vendent leurs titres après quatre ans. Si le mode de calcul ne vous semble pas correct, déposez un amendement, mais ne supprimez pas l’article.

M. Corentin Le Fur (DR). Je suis opposé à ce texte et je souscris pleinement aux arguments de MM. Masséglia et Lefèvre. Cependant, nous n’avons pas souvent l’initiative parlementaire et il est d’autant moins illégitime de débattre maintenant que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir le faire lors du projet de loi de finances en raison du contexte budgétaire. Je ne voterai donc pas l’amendement de suppression, même si je voterai résolument contre le texte. Je n’aimerais pas que l’on fasse la même chose à l’une de mes propositions de loi.

M. Tristan Lahais (EcoS). Je m’interroge sur ce procès en amateurisme de la part des soutiens d’un gouvernement qui a explosé les déficits publics et qui s’est totalement écarté des cibles votées dans le budget pour 2024. Plus généralement, c’est sur la fonction même du législateur que nous avons une divergence d’approche : certes, la proposition de loi n’est pas accompagnée d’une étude d’impact, mais ce n’est pas parce que le dispositif présente des effets indirects non évalués qu’il faut occulter tout débat. Au contraire, il faut l’engager à la lumière de la documentation dont nous disposons.

Au-delà du coût économique d’une telle mesure, que nous estimons marginal, il y a un coût démocratique à la sécession des riches. La croissance considérable des inégalités détourne le principe de la méritocratie en une méritocratie héritée – parfois de deuxième, troisième ou quatrième génération – qui met à mal la cohésion sociale.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). À ma demande, mon groupe a rendu un rapport formulant des propositions sur la fiscalité du patrimoine. J’y ai travaillé longuement avec Nicolas Sansu, avec beaucoup d’échanges et de respect mutuel. On ne peut donc pas nous accuser de refuser le débat.

Je répète que ce n’est pas la bonne piste. Il faut taxer les flux plutôt que les stocks : quand on reçoit une entreprise, on ne récupère pas d’argent, mais des équipements qui permettent de produire sur le territoire. Le vrai problème, c’est l’optimisation du régime des plus-values de cession sur titres au bout de quatre ans – sur lequel j’avais déposé un amendement au projet de loi de finances –, et le régime mère-fille, qui permet de faire remonter de la trésorerie grâce à la quote-part de frais et charges.

La proposition de loi est mal calibrée. Ne soyons pas hypocrites : nous n’allons pas débattre pour le plaisir de débattre.

M. Joël Bruneau (LIOT). Tout en étant fermement opposé à la mesure proposée par le rapporteur, je me rallie volontiers à l’idée qu’il faut en débattre. C’est un fantasme que nous voyons régulièrement surgir dans cette enceinte, la dernière occasion en date étant l’adoption de la taxe Zucman. On dénonce l’accumulation du capital par certains au détriment des autres en confondant les biens personnels et les biens professionnels, les flux et les stocks.

En tant qu’ancien élu local, j’aime beaucoup les capitalistes familiaux, dont les décisions en termes d’implantation des entreprises n’ont rien à voir avec celles des directeurs de site, lesquelles obéissent à une logique souvent lointaine, qu’elle soit positive ou négative.

Par ailleurs, une trésorerie importante est bon signe pour l’entreprise car elle signifie que des dividendes n’ont pas été distribués – j’ai remarqué que certains ici étaient très opposés au versement des revenus du capital. Il est effectivement souhaitable qu’ils restent dans l’entreprise lors de sa transmission. Ensuite, de deux choses l’une : soit ils sont réinvestis dans l’entreprise, ce qui est une bonne chose, soit ils sont distribués, et donc assujettis à l’impôt. Le fantasme de la transmission de trésorerie grâce au pacte Dutreil me paraît donc peu justifié.

Enfin, la méritocratie ne tient pas qu’à la transmission du capital. Le phénomène d’éviction passe aussi par l’inscription des enfants à l’école, par exemple.

M. Julien Brugerolles (GDR). Nous sommes subjugués par le professionnalisme fiscal de nos collègues, qui s’exerce toujours pour défendre les plus hauts patrimoines et ne surtout rien toucher lorsque les niches font l’objet de dérives. Je le répète, notre texte ne vise pas à déstabiliser la transmission et la sécurité économique des petites entreprises. Au contraire, il vise à revenir à l’esprit initial du pacte Dutreil. Je vous demande donc de retirer ces amendements pour que nous puissions procéder à l’examen des dispositions prévues par le rapporteur.

M. Christophe Plassard (HOR). Je souscris complètement aux propos de M. Mattei : les entreprises ne sont pas juste d’affreux capitalistes, et il faut les accompagner. Par exemple, les vignes font l’objet d’une importante valorisation foncière : sans le pacte Dutreil, les viticulteurs ne pourraient pas les transmettre à leur famille.

M. le président Éric Coquerel. Si on s’empêchait de voter sur toutes les propositions de loi qui ne présentent pas d’étude d’impact… Remarquez, c’est peut-être ce qui explique que le texte que nous avons examiné lundi a été rejeté par ses propres partisans – ça semblait un peu paradoxal.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Monsieur Plassard, le pacte Dutreil s’applique différemment pour le foncier agricole : ce n’est pas le même dispositif.

Monsieur Masséglia, n’essayez pas de faire peur aux gens : l’objectif du texte n’est absolument pas de contraindre les PME ou d’empêcher la transmission d’entreprise dans le cadre familial. Au reste, malgré l’existence du dispositif, seules 14 % des entreprises le sont. Ce texte ne met rien en péril. J’ai rencontré le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire : des entreprises comme Pasquier et Bodet chez vous ou Monin chez moi ne sont pas transmises en une seule fois, mais fractionnées de sorte que chaque tranche n’excède pas 50 millions d’euros. Or le pacte Dutreil ne prévoit pas de mécanisme de consolidation – d’où ma proposition d’encadrer ce dispositif.

Monsieur Mattei, j’entends vos remarques, mais l’encadrement du pacte Dutreil me semble fondamental pour rétablir le consentement à l’impôt – c’est une question que nous devrons régler : vous ne pouvez pas demander des efforts aux petits sans jamais faire passer les gros à la caisse.

La commission adopte les amendements identiques de suppression.

En conséquence, l’article unique est supprimé et les autres amendements tombent.

Après l’article unique

Amendement CF27 de M. Nicolas Sansu

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Compte tenu de la suppression de l’article, je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement CF21 de M. Tristan Lahais

M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement prévoit que le gouvernement remet au Parlement un rapport sur le coût annuel du pacte Dutreil pour les finances publiques. Ce document présentera l’analyse du profil des bénéficiaires – par décile de patrimoine et de montant d’exonérations –, la taille et la nature des entreprises concernées, ainsi que les montants transmis.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cette information sera utile : avis favorable. Les études menées par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sous l’égide de la Cour des comptes montreront, je l’espère, qu’il y a beaucoup de fantasmes autour de l’efficacité et du degré de recours au Dutreil.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 


La commission examine la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires (n° 1345) (M. Yannick Monnet, rapporteur)

M. Yannick Monnet, rapporteur. Frais de notification de découvert, frais forfaitaires pour quelques centimes de dépassement, frais de rejet de prélèvement, frais pour retirer de l’argent au guichet, frais d’inactivité : la créativité des banques en matière de facturation semble sans limite. Tout devient prétexte à ponction : une irrégularité, un incident minime, voire l’usage ordinaire ou l’inactivité d’un compte bancaire.

Alors que selon le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), un compte bancaire sur quatre connaît chaque année au moins un incident de paiement, et que près d’un foyer sur deux est confronté à un découvert, ces frais constituent une charge financière lourde, qui pèse, de façon particulièrement injuste, sur les ménages les plus vulnérables.

Si les frais bancaires annuels s’élèvent en moyenne à 113 euros, ce chiffre masque des disparités criantes. Selon une étude menée en 2017 par l’Union nationale des associations familiales (Unaf), 20 % des personnes interrogées déclaraient s’acquitter de plus de 500 euros de frais liés aux incidents de paiement et aux agios. Cinq cents euros pour un virement arrivé trop tard, une dépense imprévue ou une simple erreur de trésorerie, qui interviennent souvent dans des périodes de grande fragilité personnelle ou familiale, c’est une bouée en plomb, comme disent les associations familiales : loin d’aider à garder la tête hors de l’eau, ces frais précipitent encore davantage les ménages en difficulté dans les abysses de la précarité financière.

Des dispositifs ont certes été instaurés – plafonnement des frais, offres spécifiques pour les publics les plus fragiles –, preuve s’il en fallait que l’encadrement de ces pratiques s’imposait. Mais ils demeurent largement insuffisants pour au moins trois raisons.

D’abord, parce que les frais bancaires ne cessent d’augmenter. En matière de frais de gestion courante, les tarifs des opérations effectuées en avance se sont littéralement envolés : en dix ans, ils sont passés de 1,43 euro à plus de 17 euros par an, soit une hausse de plus de 1 000 %. Paradoxalement, cette inflation tarifaire intervient dans un contexte de raréfaction des agences, de fermeture des guichets et de déshumanisation de la relation bancaire, pénalisant d’autant plus les usagers contraints de recourir aux services en présentiel. À cela s’ajoutent de fortes inégalités territoriales : en 2024, les frais de tenue de compte culminaient en moyenne à 24,88 euros dans les départements et territoires d’outre-mer, soit près de 18 % de plus qu’en métropole.

Ensuite, si certains frais bancaires ont été encadrés, beaucoup d’autres échappent encore à tout plafonnement, et les établissements bancaires ne manquent pas d’ingéniosité pour en tirer parti. Ils multiplient les lignes tarifaires aux intitulés nouveaux. L’un des exemples les plus éloquents est celui des lettres de notification annonçant l’approche d’un découvert : facturées parfois plus d’une dizaine d’euros, elles peuvent, par un paradoxe cruel, précipiter le compte dans le rouge et ainsi justifier la facturation immédiate de frais supplémentaires pour découvert non autorisé.

Enfin, un constat particulièrement préoccupant s’impose : la réglementation, lorsqu’elle existe, est contournée. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 17 % des agences contrôlées présentent des irrégularités, dont 6 % relèvent de manquements graves. Qu’ils procèdent d’erreur, de négligence ou de stratégies délibérées, ces dysfonctionnements permettent à certains établissements bancaires de générer des profits substantiels – parfois de l’ordre de 10 millions d’euros – au détriment des citoyens les plus vulnérables.

Notre position est claire : il faut interdire les frais bancaires dont l’existence est par essence inacceptable et qui sont particulièrement préjudiciables – comme les commissions d’intervention et les frais de lettre de notification – et plafonner l’ensemble des autres qui, par leur nature même, appellent à une régulation stricte. Ce plafonnement serait fixé par décret : nous comptons sur la vigilance et le discernement du gouvernement pour établir des seuils justes, proportionnés et adaptés à la réalité économique. Un cadre global et cohérent garantira que toutes les banques se conforment aux règles et empêchera toute forme de contournement ou nouvelles pratiques abusives. Enfin, il est impératif d’accompagner ces mesures d’un renforcement significatif des sanctions, afin d’assurer leur application effective.

Mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi est une invitation à choisir le modèle bancaire que nous souhaitons défendre : celui d’une banque qui offre un véritable service en valorisant la confiance que nous lui accordons, ou celui d’une banque qui, en taxant abusivement ses clients, contribue à fragiliser davantage les plus vulnérables de notre société. Je me réjouis d’en débattre avec vous.

M. le président Éric Coquerel. En 2024, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, Bruno Le Maire avait demandé aux banques de faire des efforts, mais cette demande est restée lettre morte – d’où la nécessité de légiférer.

Les minima forfaitaires sur les frais bancaires, auxquels l’UFC-Que choisir a consacré un dossier en avril, sont d’autant plus injustes qu’ils ne touchent pas tous les Français dans les mêmes proportions. Avec ce système, un découvert dérisoire peut coûter plusieurs dizaines d’euros en quelques jours. Par exemple, un découvert de 2 euros est sanctionné de 10 euros de frais par trimestre, soit 1 000 fois plus que les agios, qui ne se seraient élevés qu’à 0,01 euro. Cette pratique rapporte beaucoup aux banques au détriment des Français, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, et je pense, encore une fois, qu’il faut légiférer.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Dignité, justice, responsabilité : autant de dimensions en jeu dans le sujet qui nous réunit aujourd’hui, celui des frais bancaires qui frappent notamment les plus modestes, souvent sans explication lisible, parfois sans justification économique réelle.

Ce combat n’est pas nouveau : dès décembre 2021, j’ai déposé avec notre ancien collègue Bertrand Pancher une proposition de loi visant à plafonner les frais bancaires, en particulier pour les clients fragiles. Nous y demandions un encadrement clair, avec des plafonds réduits de moitié pour le grand public et divisés par quatre pour les plus fragiles, et une amélioration du droit au compte, notamment pour les victimes de violences conjugales.

Notre démarche, pragmatique et équilibrée, partait d’un double constat : pour les plus précaires, les frais d’incidents, qui s’élèvent parfois à plusieurs centaines d’euros par an, pèsent lourd, et l’illisibilité des grilles tarifaires nuit à la confiance. Mais il s’agissait également d’assurer un service bancaire soutenable, qui tienne compte de la réalité des coûts pour les établissements. Nous avions donc proposé une harmonisation des critères de fragilité financière afin d’en finir avec les inégalités de traitement entre établissements.

La proposition du groupe GDR est plus radicale : elle prévoit l’interdiction quasi totale de la facturation des frais d’incidents pour les particuliers, l’interdiction des frais de saisie et introduit une sanction automatique – une amende de 100 % des montants indûment facturés.

Si je partage cette indignation devant certains abus, documentés notamment par la Cour des comptes, l’Observatoire des tarifs bancaires ou l’UFC-Que choisir, supprimer massivement les frais d’incidents sans distinction, c’est aussi ignorer la diversité des situations et prendre le risque que d’autres frais bancaires soient relevés, au détriment de l’ensemble des usagers. Cela revient donc à déséquilibrer un modèle économique déjà fragile, au lieu de le corriger dans l’intérêt de tous.

Je reste favorable à un plafonnement renforcé, à l’instauration de critères objectifs de fragilité et à une meilleure transparence, mais je suis prudent dès lors qu’il s’agit de sanctionner en bloc. Nous devons plutôt viser un encadrement juste, efficace, applicable qui responsabilise chacun et protège les plus vulnérables sans fragiliser le dispositif global.

M. Christian Girard (RN). Depuis plus de dix ans, les gouvernements successifs ont échoué à mettre fin à la spirale des frais bancaires abusifs. En 2024, les grands groupes ont enregistré plus de 32 milliards d’euros de bénéfices, alors que 45 % des Français se retrouvent à découvert au moins une fois par an et subissent des frais pouvant aller jusqu’à 480 euros par an pour les plus modestes.

Ce texte souligne une injustice sociale. Nous partageons ce point de vue : les frais bancaires, automatiques, opaques et souvent déconnectés de tout coût réel, étouffent les ménages et leur pouvoir d’achat. Mais il reste incomplet, et le groupe Rassemblement national défendra une série d’amendements visant à le rééquilibrer. Nous proposerons notamment un plafonnement clair et efficace par opération, par mois et par an, fixé annuellement par la Banque de France, l’interdiction de frais abusifs comme ceux facturés pour l’envoi de simples courriers – en version électronique ou papier – et des sanctions dissuasives en cas de manquement. Ces propositions réalistes répondent aux aspirations des Français, qui attendent clarté, justice et fermeté. Le soutien du RN à ce texte est conditionné à l’adoption de ces amendements ; à défaut, nous nous abstiendrons, car nous ne pouvons cautionner une réforme partielle, ni approuver en l’état l’article 2 qui, en rendant gratuits les frais liés aux saisies, fait porter sur tous le coût de procédures parfois engagées légitimement.

Notre proposition est claire : protéger les Français sans désorganiser le système bancaire et limiter des rentes parfois abusives.

M. Daniel Labaronne (EPR). Permettez-moi de revenir sur l’exposé des motifs qui justifieraient le texte.

S’agissant du profit des banques françaises, vous semblez confondre les résultats des filiales françaises et internationales des groupes bancaires avec ceux de la banque de détail française, dont la rentabilité est limitée et fragile comparée aux banques européennes.

S’agissant du poids des frais bancaires dans le budget des ménages, il ne représentait en 2023 que 2,4 % selon l’Insee, soit le même taux que celui observé dans les autres pays européens d’après Eurostat. Il n’est donc pas plus lourd en France qu’ailleurs en Europe.

S’agissant de la dynamique inflationniste, l’Insee a montré que la hausse des prix des services bancaires s’était élevée à 2,9 % entre juin 2022 et juin 2024, et 15 % au cours des dix dernières années, des hausses largement inférieures à l’inflation, établie à 6,8 % et 20 % sur les mêmes périodes. Il n’y a donc pas de dynamique inflationniste des frais bancaires.

S’agissant des plaquettes tarifaires, la dénomination des tarifs bancaires a été harmonisée par les pouvoirs publics, notamment grâce au travail du CCSF et de l’observatoire des frais bancaires, qui en est une émanation. Cette harmonisation rend plus efficaces les comparateurs d’offre privés et publics disponibles en ligne. Il n’y a donc rien d’opaque.

En outre, juger fictif le service rendu revient à nier le travail des conseillers en agence qui gèrent très concrètement les incidents bancaires et saisies administratives dans les services dédiés.

S’agissant enfin de l’asymétrie de la relation entre la banque et le consommateur, je rappelle que la réglementation européenne, que vous semblez ignorer, protège particulièrement bien le consommateur français et européen – épargne réglementée, taux d’usure, droit au crédit, plafonnement de certains frais bancaires comme ceux liés aux successions, droit au compte, offre pour les clients fragiles.

Comme je viens de le démontrer, la vérité n’est au rendez-vous dans aucun des motifs que vous invoquez pour justifier votre texte. Par conséquent, le groupe Ensemble pour la République votera contre ce texte.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir déposé ce texte qui vise à rétablir plus de justice face aux frais d’incidents bancaires qui touchent les plus précaires. Chaque année, ces frais rapportent 6,5 milliards d’euros aux banques françaises. Pas moins de 20 euros pour un prélèvement rejeté, 12,50 euros pour un simple mail de notification : le coût de traitement de ces opérations pour les banques ne s’élève qu’à quelques centimes ; tout le reste, c’est du profit pur. En 2024, BNP Paribas a ainsi dégagé 48,8 milliards d’euros de produits nets bancaires et les grandes banques ont versé 6 milliards de dividendes. Elles se portent donc très bien. Pourtant, en France, les frais de rejet sont dix-sept fois plus élevés qu’en Allemagne, huit fois plus élevés qu’en Italie et trois fois plus élevés qu’en Belgique : c’est le modèle français de la prédation bancaire.

L’UFC-Que choisir en a fourni un exemple édifiant : un rejet de prélèvement est facturé 20 euros, alors que le traitement de l’incident, totalement automatisé et informatisé, ne requiert aucune intervention humaine et ne coûte qu’une vingtaine de centimes à la banque. Elle fait donc une marge de 100 pour 1 – une rentabilité qui repose exclusivement sur la précarité.

Dans ma circonscription du Val-d’Oise, à Garges-lès-Gonesse, Villiers-le-Bel ou Sarcelles, je rencontre chaque semaine des habitants qui vivent ces frais comme une punition. Pour ceux qui ont déjà du mal à finir le mois, c’est la double peine : un prélèvement rejeté entraîne une notification, puis une intervention, et enfin un nouveau rejet. C’est une spirale infernale qui s’installe.

Ce texte salutaire propose d’interdire les frais d’incidents, de bloquer les prix des frais bancaires courants et de sanctionner les banques récidivistes. Avec mes collègues du groupe LFI-NFP, nous avons déposé des amendements pour étendre cette protection aux associations, très petites entreprises (TPE) et microentreprises, qui subissent les mêmes abus en silence. C’est un combat que nous menons depuis le début, notamment dans notre commission et en commission d’évaluation des politiques publiques. Pour éviter que les personnes précaires soient toujours en difficulté et sous le joug des banques privées, il faut alerter l’ensemble de nos concitoyens.

M. Jacques Oberti (SOC). Les groupes bancaires nous offrent une nouvelle fois l’occasion d’échanger sur leur sort, en l’espèce sur les commissions diverses prélevées sur nos comptes.

Avant de nous apitoyer sur la santé financière des banques, il me semble important de rappeler qu’en 2023, les commissions représentaient 55 milliards, soit un peu plus du tiers du chiffre d’affaires des banques françaises, qui s’élevait à 146 milliards. Le reste de leurs revenus provient principalement de la marge d’intérêts nette, c’est-à-dire l’écart entre le taux auquel la banque se finance et celui auquel elle prête. Autrement dit, en dehors des commissions, les banques gagnent déjà beaucoup d’argent en prêtant notre argent à un taux supérieur à celui auquel elles rémunèrent nos dépôts. Il convient également de rappeler que le marché bancaire français est un oligopole bien protégé et que les banques détiennent le monopole de la création monétaire.

Dès lors, arguer que ce texte est une entrave à la concurrence et à la liberté tarifaire est au mieux un contresens, au pire une faute morale. Il nous semble donc légitime d’ouvrir le débat sur les frais bancaires et je me réjouis que la proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, dont ma collègue Christine Pires Beaune a été rapporteure, ait été promulguée il y a quelques jours.

Les quatre articles de la présente proposition de loi nous semblent aller dans le bon sens, celui de la protection de nos concitoyens, notamment les plus précaires, et nous n’anticipons pas d’effet de bord significatif. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra donc cette proposition.

M. Corentin Le Fur (DR). Comme vous, je suis choqué par l’opacité et, dans bien des situations, par l’ampleur des frais bancaires, qui pénalisent les plus modestes et marquent parfois le début d’une spirale infernale qui peut mener à des situations dramatiques.

Sans nier les efforts déjà consentis avec l’encadrement des frais, il faut continuer de travailler sur le sujet. Mais en proposant une interdiction générale qui mettrait en difficulté les banques elles-mêmes, votre texte va beaucoup trop loin. Je suis partisan d’une position plus équilibrée, et j’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à faciliter les avances sur salaire et les acomptes, afin d’éviter l’entrée dans la spirale infernale des agios et de l’endettement, dont il peut être impossible de se sortir. Je ne voterai donc pas ce texte, mais je me réjouis que l’on débatte du sujet.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Ce texte vise à encadrer – enfin – les frais relevés prélevés par les établissements bancaires lors de la clôture des comptes d’un défunt. C’est une mesure attendue de très longue date qui répond à une réalité : celle des héritiers qui, en période de deuil, sont confrontés à des frais bancaires parfois opaques et injustifiés, et en tout état de cause, toujours difficiles à contester.

Désormais équilibré, le texte distingue clairement les trois situations dans lesquelles aucun frais ne pourra être appliqué – la succession simple, la succession de faible montant et le décès d’un mineur – et, pour tous les autres cas, fixe un plafond réglementé dans la limite de 1 % du total des avoirs. C’est un progrès utile, mais nous devons être attentifs à deux points.

Le contenu du décret d’application sera déterminant, car sans critères objectifs de complexité ou un seuil pertinent de faible montant, le bénéfice pour les héritiers pourrait être purement théorique. Il faudra également veiller à la transparence et à la lisibilité des frais résiduels, pour que les établissements ne profitent pas de la marge laissée pour compenser le plafonnement des frais.

Depuis des années, des associations de consommateurs comme l’Institut national de la consommation et l’Union nationale des associations familiales – pour ne citer qu’eux – alertent sur ce sujet, mais les réponses restent partielles, négociées ou repoussées, comme on sait si bien le faire dans cette assemblée depuis quelque temps. La loi du 13 mai 2025, qui encadre les frais sur succession, a été une étape importante. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui va plus loin : il propose un cadre de régulation permanent, socialement ciblé, budgétairement neutre mais politiquement nécessaire. Nous voterons donc ce texte mais resterons vigilants quant à son application concrète.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le texte que nous examinons vise à instaurer plusieurs mesures d’envergure pour limiter les frais bancaires, afin de mieux protéger les consommateurs dans les relations avec leur banque.

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, cette protection a été considérablement raffermie depuis 2017 : les gouvernements et majorités successifs ont soutenu une ambitieuse politique de réduction des frais bancaires, en ciblant particulièrement les personnes fragiles sur le plan financier, dont l’ensemble des frais bancaires a été plafonné dans le cadre d’offres spécifiques.

Si nous souscrivons à l’objectif d’amélioration de la protection des consommateurs, les mesures proposées pour y parvenir sont à la fois excessives et inadaptées. La suppression des frais d’incidents bancaires et des commissions d’intervention, ainsi que le plafonnement réglementaire de tous les frais bancaires courants, prévus respectivement aux articles 1er et 3, relèvent d’une vision un peu singulière de l’économie : instaurer un contrôle des prix pour tout un secteur économique semble disproportionné au regard de la liberté de commerce et d’industrie. Au reste, une telle évolution pourrait entraîner une forte rigidification des offres commerciales, au détriment des consommateurs.

Par ailleurs, si les frais bancaires liés aux saisies administratives à tiers détenteur sont aujourd’hui plafonnés, il n’en va pas de même pour les saisies-attribution. Cette question, traitée à l’article 2, mérite une attention particulière.

Nous pensons préférable de trouver un compromis avec les banques, et de ne légiférer – de manière ciblée – qu’en cas d’échec de la concertation, à l’instar de ce que nous avions fait pour encadrer les frais bancaires sur succession. Cette méthode, qui s’appuie sur des accords de place et une régulation proportionnée, permet de corriger les dérives sans déstabiliser l’ensemble du secteur. Considérant que votre méthode n’est pas bonne et que les mesures que vous proposez seraient largement contre-productives, le groupe Les Démocrates votera contre ce texte.

M. Pierre Henriet (HOR). Mon groupe partage l’objectif de mieux protéger les Français les plus vulnérables face aux frais bancaires. Confronter le modèle actuel à cette exigence est utile, mais la justice bancaire mérite mieux qu’un signal : elle mérite un cadre solide, appliqué, équilibré. Au-delà des frais bancaires, il faut en effet préserver l’accès aux services essentiels, l’équité entre clients et la soutenabilité économique de la banque de détail.

Depuis 2019, les règles ont été durcies, les plafonds renforcés et les banques encadrées. Résultat : les frais ont baissé de 25 % pour les clients fragiles et de 45 % pour ceux qui bénéficient de l’offre spécifique. Le régulateur a reconnu que les pratiques ont évolué. C’est le fruit d’une régulation exigeante, d’un dialogue constant avec le secteur et d’une action publique assumée.

Le droit actuel est clair : il fixe des plafonds et protège les plus fragiles. C’est son application, sa transparence et son effectivité que nous devons renforcer. Mais ni la suppression des frais ni leur uniformisation radicale ne régleront le problème. Au contraire, certains publics pourraient s’en trouver privés de solution de proximité, les banques répercuteraient sans doute les coûts ailleurs et il pourrait en résulter de nouveaux contournements tarifaires.

Le groupe Horizons & indépendants est prêt à travailler à des ajustements ciblés, à renforcer les contrôles, à rendre plus lisible l’offre spécifique et à interdire certaines pratiques de contournement, mais nous nous opposerons à toute réforme globale et précipitée qui fragilise l’inclusion bancaire au nom de la bonne intention. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.

M. Julien Brugerolles (GDR). Ce texte est né d’un constat : en raison de l’insuffisance des revenus du travail et de la précarité grandissante, un quart des Français sont à découvert dès le 16 du mois. Cet état de fait place un nombre croissant de nos concitoyens face à une cascade de frais d’incidents bancaires qui ne font qu’alourdir les charges de la vie courante. Or la possession d’un compte bancaire est un préalable à toute vie sociale et professionnelle.

L’intervention du législateur pour contrôler et réguler les pratiques bancaires, notamment les pratiques abusives, est donc un levier essentiel d’amélioration de la vie des Français. Au reste, depuis la loi du 26 juillet 2013, c’est bien l’action du législateur qui a permis d’encadrer un certain nombre de frais bancaires abusifs et de proposer des offres spécifiques à une clientèle fragile.

Malheureusement, nombre de frais échappent toujours à cette réglementation. Les auditions l’ont montré : l’opacité continue de régner quant au montant total des frais d’incidents que les banques perçoivent réellement chaque année. Nous ne disposons que d’une seule estimation, de l’ordre de 6,5 milliards d’euros en 2019. Ce manque de transparence ne peut que nous interpeller.

Parallèlement, les offres réservées aux clients financièrement fragiles sont pauvres en services et ne les incitent pas à y recourir. À peine plus de 1 million de Français seraient bénéficiaires de l’offre clientèle fragile, alors que 4 millions de clients sont éligibles. Pour justifier l’ensemble de ces frais, le secteur bancaire argue notamment du besoin de rémunérer ses salariés, du coût des services informatiques et de la nécessité d’assurer la pérennité des réseaux d’agences. Pourtant, les frais d’intervention demeurent minimes, puisque les opérations sont le plus souvent automatisées. De surcroît, comme l’indique le cabinet Sia Partners, 12,5 % des agences devraient disparaître d’ici à 2027 en raison d’une politique de restructuration des réseaux bancaires de plus en plus inquiétante pour les usagers et les élus locaux. Dans le même temps, ces frais n’ont cessé d’augmenter : en 2025, la hausse serait de 5 %, selon l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV), alors que les résultats nets des cinq premiers groupes bancaires français s’élevaient à 32 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 11 % en un an.

Compte tenu de cette santé financière resplendissante, nul doute que nous pourrons trouver les moyens de réduire les frais indus que doivent payer des millions de Français. C’est pourquoi nous vous invitons à adopter cette proposition de loi qui leur adresserait un signal fort.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Je comprends que s’attaquer aux banques puisse faire peur mais je veux rassurer tout le monde : les banques vont bien. En 2024, les cinq grands groupes ont réalisé 32 milliards de bénéfices, soit une hausse de 11 %.

Ensuite, comparaison n’est pas raison : ce n’est pas parce que notre situation est analogue à celle de nos voisins européens qu’elle est vertueuse et satisfaisante. Chacun reconnaît que les frais bancaires coûtent cher aux ménages. Rappelons qu’en 2008, après la crise boursière, 360 milliards d’euros d’aides ont été donnés aux banques, dont 40 milliards en recapitalisation, c’est-à-dire non remboursés. En clair, la société était là quand les banques en avaient besoin. Il me paraît donc normal qu’un minimum de justice s’applique concernant les frais imposés aux citoyens.

Il s’y ajoute une véritable difficulté : je ne peux même pas vous dire combien ces mesures coûteront aux banques puisqu’elles ne nous disent pas – elles prétendent ne pas le pouvoir mais je n’y crois guère – à combien s’élève le total des frais. Le seul chiffre dont nous disposons est celui de l’enquête de l’Unaf : 6,5 milliards. On est donc loin des 32 milliards de bénéfices.

Article 1er

Amendement CF1 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Matthias Renault (RN). Plusieurs constats s’imposent : les frais bancaires touchent 45 % des Français, les encours de découvert atteignaient plus de 8 milliards d’euros en 2024 et chaque client paie en moyenne 113 euros par an en frais d’incidents. Il est donc évident qu’il faut encadrer les pratiques abusives. Le gouvernement s’y est essayé, sans succès, avec le fameux bouclier bancaire promis par Bruno Le Maire.

En revanche, cette proposition de loi, certes symbolique, est trop radicale puisqu’elle vise à interdire tous les frais d’incidents – ce serait la porte ouverte à tout. Nous proposons donc une réécriture générale de l’article pour que la Banque de France fixe un plafond des frais d’incidents par mois et par opération. C’est une mesure plus réaliste et opérationnelle.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Elle est déjà prévue à l’article 3. Mais vous demandez que la Banque de France fixe ce plafond ; nous considérons au contraire qu’il s’agit d’une décision politique et qu’il doit appartenir au gouvernement de la prendre par décret. Avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Nous proposons que la Banque de France fixe le plafond après avis du ministre de l’économie ; il s’agirait donc d’une décision à la fois technique et politique, étant entendu que la Banque de France possède le meilleur niveau d’information en la matière.

M. Daniel Labaronne (EPR). Selon l’exposé sommaire de l’amendement, les frais bancaires seraient « exorbitants ». L’Insee et Eurostat disent le contraire, de même que le CCSF par l’intermédiaire de son observatoire des frais bancaires.

Vous proposez que la Banque de France plafonne l’ensemble des frais bancaires par opération, mais l’encadrement existe déjà. Selon plusieurs intervenants, le bouclier tarifaire instauré par Bruno Le Maire, que je salue, n’aurait pas été efficace. Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ? Un accord de place a été signé par l’ensemble des banques, plafonnant le montant des frais bancaires à 25 euros par mois pour les clients financièrement fragiles et même à 20 euros par mois pour ceux d’entre eux qui ont souscrit l’offre spécifique. Et qui surveille la bonne exécution de ces règles ? L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Pensez-vous que si l’ACPR avait constaté des dérives, aucune sanction n’aurait été prise ? Vous ne pouvez pas dire cela.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CF22 de M. Yannick Monnet, rapporteur.

Amendement CF5 de M. Carlos Martens Bilongo

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Il vise à protéger les associations, les microentreprises et les TPE contre les pratiques consistant à facturer des frais et commissions en lien avec des incidents. Les établissements bancaires français se portent mieux que jamais : ils ont distribué plus de 6 milliards de dividendes, un montant proche de celui des frais d’incidents qu’ils ont prélevés, de 6,5 milliards.

Les TPE et PME, elles, sont en crise. En 2024, plus de 65 000 défaillances d’entreprises ont été enregistrées, et une TPE sur quatre est en situation de découvert – un nombre qui a doublé depuis 2020. Les retards de paiement ne cessent de s’allonger et fragilisent considérablement les comptes des entreprises : dans sept TPE sur dix, ils ont atteint quinze jours cette année, contre moins de douze en 2022. Quant aux PME, les défauts de paiement amputent chaque année leur trésorerie de 15 milliards. Enfin, 30 % des associations à but non lucratif se sont déclarées en difficulté financière en 2024, et près de 200 000 d’entre elles seraient même dans une situation critique.

C’est pourquoi je propose que ce texte s’étende aux TPE-PME, aux microentreprises et aux associations. Mes deux amendements suivants sont des amendements de repli.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Amendement intéressant ; avis favorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Si elle était adoptée, cette mesure aurait pour conséquence que les banques s’en remettraient à une gestion naturelle des incidents. Je m’explique : les sommes dues aux créanciers ne seraient pas versées et les créanciers se retourneraient contre les débiteurs pour leur imposer des pénalités de retard, dont le montant non seulement serait beaucoup plus élevé que les frais bancaires perçus en cas d’irrégularité mais, en outre, échapperait à tout encadrement. En somme, vous proposez d’instaurer un système dans lequel les irrégularités bancaires coûteront beaucoup plus cher aux clients des banques.

La commission adopte l’amendement ; en conséquence, les amendements CF7 et CF6 de M. Carlos Martens Bilongo tombent.

La commission adopte les amendements rédactionnels CF23, CF25, CF24, CF26 et CF28 de M. Yannick Monnet, rapporteur.

 

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2

Amendement de suppression CF4 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Yannick Monnet, rapporteur. Défavorable. Je proposerai un amendement de réécriture de l’article qui va dans le sens du propos de M. Mattei.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je suis quant à moi favorable à l’amendement : il serait très judicieux de supprimer l’article. La saisie administrative à tiers détenteur n’est pas une opération simple pour les banques : il faut d’abord rechercher le débiteur, puis le saisissant – par exemple l’huissier en cas de non-paiement d’une pension alimentaire –, il faut ensuite analyser le compte dont le débiteur est titulaire, sachant que les prélèvements sont possibles sur certains comptes mais pas sur d’autres, puis il faut mobiliser une réserve d’un montant équivalent à celui du RSA, car il est impossible de prélever l’intégralité des sommes déposées sur le compte, et il faut enfin informer le client. Toutes ces opérations exigent du travail de la part des conseillers bancaires. Or supprimer toute tarification de cette activité, c’est mépriser leur travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF2 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Matthias Renault (RN). L’amendement précédent visait à supprimer la non-facturation en cas de saisie administrative. Celui-ci vise à réécrire l’article 2 afin d’interdire aux établissements de crédit de facturer à leurs clients l’envoi de courriers – papier ou électroniques –, y compris les relevés de comptes, les notifications d’incidents et toute information générale nécessaire à la gestion du compte.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Défavorable. Mon amendement de réécriture proposera de plafonner les frais liés à la saisie-attribution.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF34 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet, rapporteur. Il vise à réécrire l’article pour plafonner les frais perçus en cas de saisie-attribution afin de les aligner sur ceux perçus en cas de saisie administrative à tiers détenteur.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3

Amendements CF30 de M. Yannick Monnet et CF3 de M. Jean-Philippe Tanguy (discussion commune)

M. Yannick Monnet, rapporteur. L’amendement CF30 est rédactionnel.

M. Matthias Renault (RN). Nous proposons que ce soit la Banque de France, et non le gouvernement, qui fixe le plafond des frais bancaires.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Nous proposons l’inverse : cette décision de nature politique doit revenir au gouvernement après avis de la Banque de France.

M. Daniel Labaronne (EPR). Savez-vous comment sont fixés les frais bancaires ? Le Parlement peut certes adopter des dispositions mais jusqu’à présent, si nous sommes parvenus à réduire les frais bancaires, c’est parce que le CCSF, sous l’égide de la Banque de France, rassemble soixante-dix personnes autour d’une table – représentants des activités bancaires, financières et assurancielles d’une part et, de l’autre, représentants des épargnants, des consommateurs et des syndicats de ces secteurs – pour conclure des accords de place, qui sont validés par la Banque de France – dont le CCSF dépend – et dont l’exécution est contrôlée par l’ACPR. Voilà comment les choses fonctionnent. Et si nous avons obtenu une forte baisse des frais bancaires, c’est parce que Bruno Le Maire a souhaité que le CCSF prenne des décisions plus fermes et plus rapides, ce qui a été fait. Il est donc faux de dire que l’accord de place n’a pas été respecté. Si tel avait été le cas, l’ACPR aurait sanctionné les banques concernées.

M. le président Éric Coquerel. L’article d’UFC-Que choisir montre tout de même que nous sommes loin du compte. Vous décrivez une pratique, non une règle, et le Parlement peut en effet légiférer.

La commission adopte l’amendement CF30 ; en conséquence, l’amendement CF3 tombe.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CF13 de M. Matthias Renault

M. Matthias Renault (RN). Cette proposition de loi s’adresse principalement aux 45 % de ménages qui connaissent des incidents bancaires et par cet amendement, nous abordons certes un sujet secondaire, mais il a tout de même son importance sur le plan démocratique. Il s’agit de plafonner les frais bancaires liés à l’ouverture d’un compte de campagne. Ces frais sont élevés – jusqu’à 900 euros – et le Médiateur du crédit a constaté des dérives. Or 16 % des candidats rencontrent des difficultés à ouvrir un compte de campagne – en particulier ceux qui n’ont pas l’appui d’un grand parti. Il en résulte un problème d’accès au crédit pour financer les campagnes.

En outre, ces frais sont remboursés par l’État au titre des dépenses électorales ; ils ont donc un coût pour les finances publiques. Il serait utile de saisir l’occasion de la proposition de loi pour encadrer cette pratique.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Le texte vise principalement les particuliers – et, depuis l’adoption de l’amendement CF5, le secteur économique. Restons-en à ce périmètre ; avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 4

Amendements CF12 de M. Anthony Boulogne, CF9 de M. Carlos Martens Bilongo et CF31 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Anthony Boulogne (RN). L’article vise à sanctionner les établissements de crédit qui ne respectent pas les plafonds des frais bancaires. C’est salutaire : l’absence de sanction n’incite pas les banques à respecter les plafonds existants. Toutefois, le montant prévu, à savoir 100 % du surplus de frais facturés, n’est guère dissuasif et ne permettra pas de mettre fin aux pratiques illégales. Je propose de porter le montant de la sanction à 15 000 euros et d’ajouter à cette sanction pécuniaire un affichage public qui dissuadera davantage les établissements de crédit de se livrer à ces pratiques tout en permettant d’alerter les clients.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons que l’amende encourue par une banque se mettant hors-la-loi soit comprise entre le montant des surplus facturés et son double. En effet, le montant de l’amende est décisif pour la bonne application de cette proposition de loi.

M. Yannick Monnet, rapporteur. L’amendement CF31 est rédactionnel.

Nous ne sommes pas des gens excessifs, monsieur Boulogne : nous préférons la proportionnalité plutôt qu’un montant fixe, car toutes les banques n’ont pas les mêmes pratiques. Plus les pratiques sont saines, moins les sanctions sont élevées : c’est plus juste. Avis défavorable à l’amendement CF12.

En revanche, je suis favorable à l’amendement CF9.

M. Daniel Labaronne (EPR). Croyez-vous que les banques ont la possibilité de ne pas respecter les frais réglementés ? Qui contrôle les banques ? La Banque de France, l’observatoire des tarifs bancaires rattaché au CCSF, la DGCCRF, l’ACPR, et enfin les associations de consommateurs. Ajoutons-y les pouvoirs publics, puisque nous avons évoqué Bruno Le Maire. Bref, tout est très réglementé. Pensez-vous donc que les banques, pour leur propre réputation, peuvent s’amuser à pratiquer des tarifs dérogeant aux plafonds ?

M. Yannick Monnet, rapporteur. La DGCCRF dit le contraire. Elle a contrôlé une centaine d’agences : 17 % se sont livrées à des pratiques frauduleuses, et 6 % à des pratiques frauduleuses graves. Et ces enquêtes sont longues – deux ans –, ce qui explique que la DGCCRF n’ait pas les moyens d’en contrôler davantage. Quoi qu’il en soit, les pratiques frauduleuses existent et c’est un problème.

La commission rejette l’amendement CF12.

Puis elle adopte l’amendement CF9 ; en conséquence, l’amendement CF31 tombe.

Amendement CF10 de M. Carlos Martens Bilongo

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Il vise à sanctionner les banques hors-la-loi à hauteur de 1 % de leur chiffre d’affaires en cas de récidive.

M. Yannick Monnet, rapporteur. Défavorable. Dans un premier temps, restons-en à l’amende pouvant aller de 100 % à 200 % des surplus facturés.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement CF33 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). Parce qu’il est difficile de recueillir des informations – heureusement, de ce point de vue, que les associations conduisent des enquêtes –, cet amendement vise à en faciliter la collecte.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF11 de M. Anthony Boulogne

M. Anthony Boulogne (RN). La loi Eckert de 2014 relative aux comptes bancaires inactifs impose des frais de tenue de compte lorsqu’aucune opération n’a été effectuée au cours des douze mois précédents ou lorsque le titulaire est décédé depuis un an sans qu’un ayant droit se soit manifesté. Ces frais sont plafonnés à 30 euros – rappelons que les frais moyens de tenue d’un compte actif s’élèvent à environ 21 euros par an. Comment expliquer que les frais de gestion d’un compte inactif soient plus élevés que ceux d’un compte actif ? Rien ne justifie qu’un établissement puisse prélever, des années durant, des frais sur un compte sans activité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CF8 de M. Carlos Martens Bilongo

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Il vise à appliquer les mêmes protections des clients contre les frais d’incidents supplémentaires à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 28 mai 2025 à 10 heures

 

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Laurent Baumel, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Julien Brugerolles, M. Philippe Brun, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. Christian Girard, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Jérôme Legavre, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Sophie Mette, M. Nicolas Metzdorf, M. Paul Midy, M. Yannick Monnet, M. Jacques Oberti, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Jean-Philippe Tanguy

 

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. François Jolivet, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, Mme Yaël Ménaché, Mme Sophie Pantel

 

Assistaient également à la réunion. - M. Joël Bruneau, M. Michel Castellani, Mme Béatrice Piron