Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Nomination de co-rapporteurs de missions d’information et du co-rapporteur d’une mission d’information commune avec la commission des Affaires étrangères 2
– Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Olivier Sichel, dont la nomination au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a été proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination (M. Aurélien Le Coq, rapporteur) 2
– Présence en réunion...........................28
Mercredi
4 juin 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 125
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La Commission procède à la nomination de co-rapporteurs de missions d’information et du co-rapporteur d’une mission d’information commune avec la commission des Affaires étrangères
La Commission procède à l’audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Olivier Sichel, dont la nomination au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a été proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination (M. Aurélien Le Coq, rapporteur).
M. le président Éric Coquerel. Je suis heureux d’accueillir M. Olivier Sichel, dont la nomination aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a été proposée par le président de la République. La procédure prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution s’appliquant, les commissions permanentes compétentes des deux assemblées doivent auparavant donner leur avis. À l’issue de l’audition, nous procéderons à un vote à bulletin secret. En fin de matinée, une fois l’audition de M. Sichel par la commission des finances du Sénat achevée, le dépouillement se fera de façon concertée.
Monsieur Sichel, vous avez reçu un questionnaire écrit de la part du rapporteur Aurélien Le Coq. Vos réponses ont été transmises à l’ensemble des commissaires hier après‑midi.
M. Olivier Sichel. Je suis honoré de présenter à votre commission ma candidature et mon projet pour le poste de directeur général de la Caisse des dépôts. Le 16 mai dernier, le président de la République a proposé ma nomination et je le remercie pour sa confiance. Je vous demande ce matin de m’accorder la vôtre.
J’exerce cette fonction par intérim depuis fin décembre 2024, après avoir été pendant sept ans directeur général délégué et directeur de la Banque des territoires. J’évoquerai d’ailleurs chaleureusement Éric Lombard, pour le travail accompli en confiance ces dernières années, ainsi que l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices du groupe, qui n’ont pas levé le stylo pendant cette période d’intérim. Si la Caisse des dépôts obtient de si bons résultats, c’est d’abord grâce à leur engagement et à la qualité de leur travail et je les en remercie.
Au‑delà de la procédure prévue par l’article 13, cette audition est particulière à mes yeux car elle s’inscrit dans la relation très étroite que la Caisse entretient avec le Parlement. Depuis plus de deux siècles, notre institution est en effet placée de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative.
Ce statut singulier a des traductions concrètes, d’abord dans notre gouvernance – j’en profite pour saluer la qualité du travail mené avec les cinq parlementaires membres de la commission de surveillance –, mais aussi dans la fréquence de nos relations, à travers les auditions ou le travail en commission. La Caisse se développe depuis longtemps, et elle le doit à la protection du Parlement.
Le projet que je vous présente ce matin s’appuie sur un bilan qui fait de la Caisse un pôle de stabilité et de confiance – des mots qui ont leur importance dans le contexte actuel – qui dispose des capacités d’action nécessaires pour être encore plus utile aux territoires, au soutien des politiques publiques et au service de tous nos concitoyens. Je voudrais donc revenir sur l’action que j’ai menée depuis 2018 aux côtés d’Éric Lombard.
En sept ans, le groupe s’est profondément renforcé, notamment depuis le rapprochement avec La Poste. Le bilan agrégé du groupe Caisse des dépôts s’établit à 1 400 milliards d’euros en 2024, ce qui lui donne une force de frappe financière majeure.
Cette croissance de l’institution a contribué à la robustesse de ses résultats financiers, qui ont atteint l’an dernier 5,1 milliards. Ils n’ont cependant pas de sens en tant que tels : nous n’avons pas d’actionnaires, nous ne sommes pas cotés en Bourse, nous ne distribuons pas de dividendes. Ils servent à renforcer nos fonds propres pour réaliser davantage de prêts et d’investissements au service de nos territoires.
Nos fonds propres ont crû de 43 % en sept ans, passant de 48 à 69 milliards. Ces bons résultats nous permettent aussi de contribuer largement au budget de l’État : l’an dernier, nous lui avons rendu plus de 2 milliards, participant ainsi à l’équilibre de nos finances publiques.
Depuis 2018, mon objectif à la tête de la Banque des territoires a été de mettre cette force de frappe financière au service des collectivités et des Français. J’ai d’emblée fait le choix d’une plus grande proximité avec les élus et les acteurs économiques des territoires, ce qui s’est traduit par une importante déconcentration : aujourd’hui, 90 % des décisions de prêt sont prises au plus proche des régions et plus de la moitié des investissements sont décidés au niveau de nos directions régionales.
Les résultats sont là : le recours à l’épargne populaire pour le financement de projets d’intérêt général a plus que doublé depuis 2018 ; nous avons prêté plus de 28 milliards au secteur du logement social et aux collectivités en 2024 ; nous avons multiplié par deux nos investissements. La Banque des territoires s’est désormais imposée comme l’un des principaux financeurs des territoires et nous avons considérablement étendu notre empreinte territoriale en prêtant à presque toutes les collectivités locales – de toute taille, rurales, urbaines, en métropole ou dans les outre‑mer.
Durant ces sept années, la Caisse a aussi démontré son expertise comme opérateur de projets complexes, au service de politiques publiques. Par exemple, nous gérons aujourd’hui plus de 40 millions de comptes personnels de formation. Ce dispositif a permis de démocratiser l’usage de la formation professionnelle pour des publics qui l’utilisaient trop peu.
Fort de cette expertise et de cette solidité financière, je vous propose un plan stratégique en trois axes : cohésion sociale et territoriale, transformation écologique et défense de notre souveraineté.
La cohésion sociale et territoriale constitue l’ADN de la Caisse des dépôts, le sens de sa mission historique en faveur du logement social. En dépit de la crise profonde qui frappe la production de logements neufs et des difficultés financières que rencontrent les organismes de logement social, jamais les territoires n’ont été mieux irrigués par les financements de la Banque des territoires qu’en 2024.
Nous jouons là un rôle contracyclique essentiel. Quelques chiffres en montrent les effets concrets. Ainsi, la Caisse des dépôts a financé deux logements sur cinq l’an dernier, contre un sur cinq il y a dix ans. En 2024, 115 000 logements ont été construits ou acquis, soit 45 % du volume de la construction neuve, dont plus de 75 % de logements sociaux. Je m’engage à poursuivre cette dynamique, avec 350 000 logements sociaux intermédiaires financés par la Caisse d’ici 2028, soit de nouveaux logements pour 800 000 personnes.
S’ajoute à cela la lutte contre les inégalités territoriales, à l’origine même de la Banque des territoires. Convaincu de sa nécessité, j’ai sillonné les territoires ces sept dernières années, en suivant les projets d’élus locaux et en investissant dans des programmes d’aménagement du territoire comme Action cœur de ville – je salue ici Nicolas Sansu, ancien maire de Vierzon –, Petites Villes de demain, Avenir montagnes ou les programmes pour les territoires ruraux.
La Caisse des dépôts soutient tous les territoires de la République. Notre engagement en faveur des quartiers prioritaires de la ville s’élève ainsi chaque année à 1,3 milliard pour les prêts et 80 millions pour l’investissement. Il y a deux semaines, à Nanterre, j’ai eu l’occasion de renouveler mon engagement en faveur de la politique de la ville en signant une convention avec la ministre déléguée chargée de la ville.
Nous portons aussi cet engagement en outre-mer : peu après l’entrée d’Éric Lombard au gouvernement, sous mon intérim, nous avons immédiatement réagi à la situation à Mayotte en engageant 600 millions d’euros de prêts bonifiés sur le fonds d’épargne. Nous sommes également un acteur majeur des retraites : la Caisse gère la retraite d’un Français sur cinq et assure la gestion du fonds de réserve pour les retraites. Mais je souhaite terminer sur la cohésion sociale en abordant un sujet qui me touche particulièrement, celui de l’enfance protégée.
J’ai en effet remis à Catherine Vautrin et à Florence Dabin, chargée du groupement d’intérêt public France Enfance protégée, un rapport qui identifie trois chantiers prioritaires : l’immobilier, l’attractivité des métiers et l’accompagnement des mineurs protégés. J’en ai présenté les conclusions à votre commission d’enquête sur la protection de l’enfance, présidée par Laure Miller et dont Isabelle Santiago est la rapporteure, qui les a largement partagées. Vous pouvez compter sur mon engagement pour les appliquer.
La transformation écologique est ma deuxième priorité stratégique. Nous y consacrons des financements massifs. Le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz avait estimé à 300 milliards les besoins de financement pour la transition écologique de notre pays. La Caisse des dépôts a décidé de mobiliser 100 milliards sur la période 2024‑2028, soit 20 milliards chaque année. L’an dernier, nous avons mobilisé 28 milliards, soit largement plus.
De quoi s’agit‑il concrètement ? J’ai coutume de dire que la meilleure énergie est celle que l’on économise. Un important volet concerne donc la rénovation thermique : l’an dernier, nous avons financé celle de 100 000 logements sociaux, désormais mieux isolés, et celle de bâtiments publics, un enjeu majeur pour les collectivités. Nous avions pris l’engagement de rénover 10 000 écoles et la moitié de ce programme a déjà été réalisée.
Accompagner la transition écologique suppose aussi de mettre à niveau et de moderniser nos réseaux de transport d’énergie. C’est pourquoi la Caisse propose de participer au financement des investissements de modernisation et de mise à niveau de RTE (Réseau de transport d’électricité). Cela contribue aussi à notre souveraineté énergétique. Ces missions essentielles doivent être soutenues par l’épargne populaire.
La décarbonation de notre économie suppose aussi celle des transports, avec des mobilités plus propres. En 2025, la Banque des territoires la financera à hauteur de 1,8 milliard, en aidant les régions qui s’équipent de nouveau matériel ferroviaire.
Enfin, la Banque des territoires s’est très tôt saisie de la question essentielle de l’eau, avec le développement de l’Aqua Prêt : 1,8 milliard d’euros ont déjà été déployés pour contribuer à préserver la ressource en eau, en quantité et en qualité, ce qui bénéficie à 25 millions de personnes.
Le troisième volet concerne l’action du groupe en faveur de différentes formes de souveraineté. J’ai déjà évoqué la souveraineté énergétique, qui est essentielle. Quant à la souveraineté industrielle, elle est la raison d’être de BPIFrance, la Banque publique d’investissement, qui agit en faveur des entreprises. Cela permet aussi de soutenir ou de faire renaître des territoires industriels. La Banque des territoires investira 1 milliard en fonds propres dans le cadre de la seconde phase du programme Territoires d’industrie, pour faciliter l’implantation de nouveaux acteurs sur des sites industriels clés en main et engager la décarbonation du secteur.
Notre mobilisation pour l’émergence d’une filière de la batterie électrique a été exemplaire, avec le soutien à Verkor, dans la région de M. le rapporteur, et Envision, visitée hier par le président de la République.
La recherche d’autonomie stratégique ne doit cependant pas se limiter à l’industrie. Les rapports Letta, sur l’achèvement du marché unique, et Draghi, sur la compétitivité européenne, ont tous deux souligné la nécessité d’une union des marchés de capitaux pour assurer un meilleur financement des entreprises. Cette union ne pourra reposer que sur des infrastructures financières souveraines.
C’est le sens de nos investissements dans la Bourse européenne Euronext et dans Euroclear, structure qui détient les avoirs russes. Nous en sommes devenus le premier actionnaire, au côté des caisses des dépôts italienne et belge.
Conforter notre souveraineté suppose enfin d’investir dans le secteur de la défense, dont le groupe CDC est déjà un acteur avec 50 milliards mobilisés. Nous allons amplifier cet engagement, que j’ai récemment réaffirmé : avec BPIFrance, nous abonderons les fonds d’investissement spécialisés et travaillerons à la modernisation des infrastructures de défense, en lien avec les armées.
La Caisse dispose des marges de manœuvre pour mener à bien ce plan stratégique au service des Françaises et des Français, de notre territoire et de notre économie. Elle peut cependant faire davantage, en s’appuyant sur deux leviers : la dimension groupe et le numérique.
D’abord donc, je souhaite que l’ensemble du groupe Caisse des dépôts, avec toutes ses filiales, agisse de façon davantage coordonnée pour les projets des territoires. J’ai déjà évoqué le rapprochement avec La Poste et la constitution du grand pôle financier public. Depuis 2017, le périmètre du groupe s’est également adapté à d’autres réalités de la société française : nous avons pris une participation dans Emeis, le successeur d’Orpea, afin d’en faire davantage pour la santé et le vieillissement des Français, ou encore investi dans le groupe Coriance, spécialisé dans les réseaux de chaleur.
La Caisse des dépôts doit être un groupe cohérent, pas une holding financière ou un conglomérat. Ses différentes entités doivent mener des actions complémentaires en faveur de l’intérêt général, ce que nous avons voulu approfondir depuis quatre ans.
Il ne s’agit pas de créer un groupe intégré, mais de mobiliser, dans les territoires et sous l’égide des directions régionales, les expertises et les savoir‑faire de chacune des composantes du groupe.
Par exemple, nous avons annoncé lors du Printemps des territoires, il y a un mois, notre action en faveur du logement étudiant : 5 milliards seront engagés pour financer 75 000 places de logements étudiants d’ici à 2030. Sachant qu’il existe aujourd’hui 360 000 places, on voit qu’il s’agit d’un effort important. Toutes les entités de la Caisse seront mobilisées : la Banque des territoires, CDC Habitat, puisqu’une partie concerne du logement social, La Poste Immobilier, La Banque Postale ou notre filiale d’ingénierie.
Le second levier est le numérique. Mon parcours est marqué par un engagement de longue date en faveur d’un numérique européen et humaniste, que j’ai placé au cœur de l’action de la Banque des territoires.
Mon ambition a d’abord été de réduire les fractures numériques, et la première des fractures territoriales que nous avons réduite était celle du haut débit. Lorsque je suis arrivé, les zones rurales, appelées les zones RIP (réseau d’initiative publique) comptaient 500 000 prises très haut débit : il y en a plus de 12 millions aujourd’hui. Cette couverture massive est un privilège assez unique pour notre pays.
Encore faut-il savoir se servir du très haut débit : nous avons donc mobilisé 4 000 conseillers numériques en faveur de l’inclusion numérique pour faire de l’initiation et de la pédagogie sur les services numériques. Il faut maintenant entrer dans une nouvelle phase du numérique pour réaliser notre politique stratégique et transformer le pays à long terme.
Le groupe Caisse des dépôts a la responsabilité de contribuer encore davantage à ce déploiement, en donnant la priorité à la protection de nos données stratégiques – de santé ou d’éducation par exemple –, à la réduction de notre dépendance aux technologies étrangères et au contrôle des infrastructures telles que les data centers, le cloud ou les modèles d’IA.
Je souhaite que nous maîtrisions notre destin numérique et retrouvions notre capacité à choisir des solutions plus éthiques, plus responsables et plus frugales.
Je suis convaincu que la Caisse dispose des compétences humaines et des marges de manœuvre nécessaires pour mener à bien ces chantiers. L’extension du groupe et son rapprochement des territoires ont été menés à coût maîtrisé. Cela sera aussi le cas pour les missions que nous avons à accomplir dans les années à venir.
Fracture territoriale, cohésion sociale, transition énergétique, autonomie stratégique : la liste des thèmes abordés ce matin est longue. Ce sont autant de défis pour notre pays, auxquels la Caisse des dépôts contribuera à répondre comme elle le fait aujourd’hui. Nous continuerons à accompagner ces mutations et à financer les choix stratégiques que vous ferez pour notre pays. Voilà mon engagement, ainsi que celui de l’équipe qui m’accompagne et de l’ensemble des collaborateurs de la Caisse des dépôts, que je tiens à saluer.
M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas vous faire injure que de rappeler que vous être moins connu que votre prédécesseur, auditionné par cette commission en 2017, au début de son mandat, puis pour son renouvellement. Comme moi, même si mon poste de président m’a amené à vous côtoyer et à vous connaître davantage, peut‑être nombre de commissaires ici présents décideront-ils de leur vote en fonction de vos réponses.
Mes questions visent donc à comprendre comment vous envisagez votre mandat et votre action. Vous avez rappelé vos trois priorités : la cohésion sociale et territoriale, la transformation énergétique et écologique, la défense des formes de souveraineté. Ce sera l’objet de mes trois premières questions.
La première concerne la situation critique du logement social, en matière de prévisibilité, de financement, mais surtout d’exécution. Les chiffres parlent d’eux‑mêmes : il n’y a jamais eu une telle attente pour les logements sociaux. Après une année 2024 catastrophique, vous avez évoqué une amélioration début 2025. Nous souhaitons tous qu’elle ne soit pas un effet conjoncturel lié aux décisions prises dans un contexte d’échéances électorales, mais qu’elle se confirme comme une évolution de fond. Que comptez-vous faire pour relancer le logement social dans le pays ?
Ma deuxième question porte sur la souveraineté industrielle. Loin d’une réindustrialisation du pays, nous faisons face à un risque accru de désindustrialisation, notamment pour de grands sites industriels de chimie et de métallurgie. Des débats sont en cours au sujet d’ArcelorMittal, de ses projets de décarbonation et des propositions de certains d’entre nous de nationaliser l’entreprise si elle venait à faire défaut. Selon vous, comment assurer cette souveraineté industrielle et cette réindustrialisation ?
J’avais échangé avec le directeur de BPIFrance au sujet de l’entreprise Duralex, reprise par ses salariés. Ses réponses concernant l’avenir de ce genre d’entreprises m’avaient un peu contrit. Comment envisagez‑vous le soutien de la Caisse des dépôts à ce type de projet de réindustrialisation mené par les salariés ?
Ma troisième question porte sur la bifurcation écologique, dont vous indiquez qu’elle est au cœur du dialogue actionnarial de la Caisse des dépôts. J’ai eu plaisir à vous entendre citer le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz, qui recommandait une augmentation de 37 milliards des investissements publics d’ici à 2030 – nous en sommes loin, avec 2,5 milliards de moins l’an dernier. Pourtant, vous financez toujours des activités polluantes.
Un récent rapport de l’ONG Reclaim Finance le rappelle : la Caisse des dépôts « détient 9,2 milliards d’euros d’investissements dans des entreprises actives dans les énergies fossiles », majoritairement des entreprises pétrolifères, pétrolières et gazières, alors que les nouveaux projets de champs pétroliers et gaziers sont incompatibles avec les objectifs de l’accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. « La CDC n’a toujours pas pris l’engagement de cesser ses soutiens aux entreprises qui développent de tels projets », ajoute le rapport.
Il précise aussi que la gestion de 3 % des actifs financiers de la Caisse des dépôts, soit environ 10 milliards d’euros, est déléguée à des sociétés de gestion externes. Or les pratiques de ces gestionnaires entrent souvent en contradiction avec les objectifs climatiques que la Caisse s’est fixés. La Caisse a donc de grandes chances de financer des projets avec un fort impact climatique. Comment comptez‑vous gérer, voire exclure, les investissements et les entreprises qui développent de nouveaux projets d’exploration, de production et de transport de pétrole et de gaz ?
Je vous interrogerai enfin sur la vague de privatisations de ces dernières années et ses conséquences sur la qualité et l’accessibilité du service public. Nous assistons à un changement du modèle de gestion, désormais tourné vers la financiarisation des entités qui composent le groupe, comme l’illustrent la privatisation de Transdev, que vous justifiez par le développement international du groupe, ou celle, en cours, d’Arpavie, premier gestionnaire d’Ehpad à but non lucratif.
Qu’est‑ce qui motive la privatisation d’Arpavie ? Quelle sera votre politique en matière de gestion de l’activité des autres entités ? Faut‑il s’attendre à d’autres privatisations au cours de votre mandat ?
Concernant Mon compte formation, vous indiquez que l’ouverture de la plateforme a permis d’élargir l’usage de la formation professionnelle et témoigne de la capacité de la Caisse des dépôts à favoriser l’accès de nos concitoyens à leurs droits sociaux. Le revers de la médaille concerne le développement des fraudes, y compris internationales, auxquelles vous devez faire face.
La presse fait régulièrement état de vastes réseaux d’escroquerie, souvent pour des montants de plusieurs millions d’euros. Vu l’ampleur des montants dérobés par des entreprises criminelles, comment prévoyez‑vous de faire évoluer la politique antifraude de la Caisse sur ce dispositif ? Assez d’emplois y sont-ils consacrés ? Le contrôle de la qualité des formations proposées sur la plateforme est-il suffisant ?
Dernière question, la gestion des effectifs : on constate aujourd’hui un recul net des recrutements de fonctionnaires et une augmentation du recours à des contractuels de droit public. Fin 2024, les fonctionnaires ne représentaient plus que 46 % des effectifs. Qu’est‑ce qui justifie cette évolution ? Avec un bénéfice net supérieur à 5 milliards d’euros en 2024, pourquoi favoriser ce type d’emplois par nature plus précaires ? Cent cinquante postes de contractuels ont ainsi été supprimés en juin 2024.
M. Olivier Sichel. Je confirme que la situation du logement social s’est améliorée : nous allons en financer 20 % de plus et les prêts que nous lui accordons connaissent une forte croissance. À ce jour, nous nous sommes engagés pour 50 000 logements sociaux, contre 40 000 l’année dernière à la même époque. Cette année, nous devrions repasser le seuil symbolique des 100 000 constructions de logements sociaux.
Voilà le résultat des efforts de la Caisse des dépôts, mais surtout d’un taux d’intérêt bas. Le taux du livret A, structurellement bas, est à 2,4 % et devrait encore baisser dans les mois qui viennent, en fonction de la décision du ministre de l’économie et des finances. Nous avons ainsi renforcé les fonds propres des bailleurs sociaux.
Vous avez raison de souligner qu’il y a un problème, avec plus de 2,7 millions de Français qui attendent un logement social. Le fait est que, faute de logements libres, le parcours locatif est bloqué. Le taux de turnover est très bas dans le logement social, car l’accession au logement privé est devenue extrêmement difficile.
La Caisse des dépôts continuera à investir dans le logement social, j’en prends l’engagement ferme, en travaillant sur de nouveaux axes, comme l’urbanisme de la transformation : il s’agit de transformer des bureaux en logements, destinés essentiellement aux étudiants ou à d’autres types de résidence car ils ne sont pas tout à fait adaptés au logement classique.
Nous encouragerons aussi d’autres formes d’accession au logement social, avec des dispositifs dits BRS-OFS (bail réel solidaire-organisme de foncier solidaire), que Christine Pirès Beaune connaît bien et qui permettent de limiter la charge foncière.
Je compte aussi sur l’aide des maires : même si des financements ont été décidés, l’obtention des permis de construire est décisive pour la relance du logement.
Dans mon propos introductif, j’ai annoncé 1 milliard d’investissements dans les fonds propres de la réindustrialisation. En effet, il faut en faire davantage, ce qui signifie sans doute prendre plus de risques. J’ai évoqué Verkor et Envision dans le Nord. Dans la Somme, nous avons financé Ÿnsect à hauteur de 30 millions. Cette usine est aujourd’hui en difficulté et nous risquons de constater sa sinistralité.
Pourtant, si cet investissement était à refaire, je le referais. Je m’engage, devant cette commission et le président du conseil de surveillance, à faire des efforts en vue de la réindustrialisation. C’est sans doute là que nous prendrons le plus de risques financiers.
En effet, la réindustrialisation suppose de prendre des parts de marché à nos concurrents, qui ne suivent pas tous les règles du jeu : ainsi, la filière de la batterie va être terriblement exposée au dumping chinois. Ce milliard sera donc investi, mais je vous rappelle solennellement que ces engagements seront vraisemblablement les plus risqués que prendra la Caisse des dépôts, comparés au financement des collectivités locales ou du logement social.
Je suis convaincu que c’est indispensable pour conserver notre souveraineté industrielle et nos emplois. À Dunkerque et à Douai, grandes terres d’industrie automobile par le passé, on voit les ouvriers retrouver de la fierté à repartir dans une grande aventure technologique et industrielle. Mais mon engagement en faveur de la réindustrialisation va avec cette conscience du risque et de la sinistralité dans ce domaine.
S’agissant de la bifurcation écologique, nous avons contesté le rapport de Reclaim Finance. Notre doctrine est très claire : nous publions toutes nos résolutions, nous expliquons notre choix lorsque nous votons contre le Say on climate, nous sommes profondément engagés dans la transition écologique, avec un dialogue actionnarial très exigeant.
Sur les 8 000 résolutions que vote en assemblée générale la Caisse des dépôts, le taux de contestation est de 30 %. Sur la rémunération des dirigeants, il est de 72 %. Nous sommes bien un actionnaire très exigeant, et c’est le cas sur la transition écologique.
Concernant les récents changements dans le capital de Transdev et Egis, il s’agit pour nous d’être dynamiques. Nous nous demandons en permanence si la Caisse des dépôts n’en fait pas trop, si elle doit être partout.
Transdev, grande entreprise de transport public, a un chiffre d’affaires de 10 milliards, dont 70 % se font à l’international. Sur 100 000 salariés, 30 000 sont aux États-Unis – des chauffeurs. Nous assurons le transport public de Las Vegas, Washington, Orlando, Los Angeles, Denver… Est-il vraiment dans l’intérêt général que la Caisse finance ce développement ? Nous en avons donc cédé le contrôle à l’opérateur allemand Rethmann – nous construisons l’Europe : il faut parfois accepter que les entreprises passent sous contrôle allemand ou italien, et nous sommes d’ailleurs très contents lorsque les entreprises françaises profitent de l’inverse.
Notre raisonnement a été le même lorsqu’Egis a fait 70 % de son chiffre d’affaires à l’international et s’est occupée de l’ingénierie portuaire de Bahreïn : nous en avons cédé le contrôle à Tikehau.
Nous resterons cependant actionnaire minoritaire des deux entreprises, à hauteur de 34 %, car elles sont importantes pour les territoires. Ainsi Transdev ouvre-t-elle aujourd’hui la ligne Nice‑Marseille.
Arpavie, elle, appartient au monde associatif : il ne s’agit donc pas d’une privatisation. Nous avons souhaité nous rapprocher du groupe SOS Seniors pour atteindre une taille critique.
Mon compte formation a effectivement donné lieu à de la fraude, cancer qui se développe dès qu’il existe des aides. Nous luttons contre cette fraude de deux façons. D’abord, nos équipes utilisent les derniers logiciels et technologies d’intelligence artificielle afin de détecter les fraudeurs. Nous avons réduit d’un tiers le nombre d’organismes de formation sur la plateforme : un tiers des organismes étaient donc frauduleux, concernant notamment les bilans de compétences ou l’aide à la création d’entreprise. Ensuite, nous engageons des poursuites pénales, car la fraude doit être sanctionnée. Les organismes fraudeurs ont écopé de sanctions exemplaires.
Au sujet de la gestion des effectifs enfin, vous soulignez à raison une baisse de la part de fonctionnaires. Je m’engage à la redresser. Avec le passage de la Caisse des dépôts sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, nous avons dû recruter beaucoup dans le domaine des risques financiers : ce sont des gens qu’on trouve plus sur le marché privé que chez les fonctionnaires. Il n’y a cependant pas de raison pour que cela perdure et j’ai pris l’engagement, auprès des organisations syndicales, de revenir à un meilleur équilibre.
M. le président Éric Coquerel. Merci pour vos réponses. Vos engagements ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd, en particulier s’agissant de l’industrie.
M. Aurélien Le Coq, rapporteur. Merci, monsieur le directeur général, pour les réponses écrites détaillées que vous avez transmises à la commission. Pour votre nomination, je m’en remets à la sagesse des commissaires, éclairés par vos réponses.
Je trouve cependant curieux d’avoir présenté dans vos réponses votre changement de statut comme le choix de la cohérence. Plutôt que de privilégier un contrat direct avec la Caisse des dépôts, la cohérence pourrait pousser à rester fonctionnaire pour accomplir une mission au service de l’intérêt général. Vous vous garantissez au passage ce que l’on pourrait qualifier de parachute doré, à la fin de votre contrat.
Vous avez aussi indiqué parmi vos priorités le renforcement de l’autonomie stratégique et de l’action en faveur des souverainetés, mais aussi la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. Comme l’a évoqué M. le président Coquerel, la Caisse des dépôts pourrait‑elle entrer au capital d’ArcelorMittal, fleuron de la sidérurgie française et européenne et entreprise indispensable à notre souveraineté, avec l’objectif d’investir dans la décarbonation, alors que Mittal revient quant à lui sur ses objectifs à ce sujet ?
Pourquoi BPIFrance n’est‑elle pas intervenue concernant les précédentes fermetures de sites industriels stratégiques, comme Vencorex ou Luxfer ?
Concernant le logement, vous annoncez la construction de 75 000 logements étudiants. C’est une bonne nouvelle, sauf que 25 000 d’entre eux seront à loyer libre, donc inaccessibles pour beaucoup d’étudiants. La première opération annoncée pour ce programme a lieu en partenariat avec UXCO Group, connu pour ses niveaux de loyers très élevés.
Concernant le logement social, la situation est critique et urgente. Vous avez rappelé que 2,7 millions de personnes sont en attente, soit 300 000 de plus qu’en 2022. La demande de logements très sociaux est particulièrement insatisfaite. Le rapport de la Cour des comptes indique que les résultats de CDC Habitat reposent avant tout sur le logement intermédiaire et le logement libre. La Cour précise qu’en 2022, la moitié des ordres de service de travaux de CDC Habitat relevaient du logement libre.
Après lecture attentive de votre réponse à ce sujet, je voudrais savoir quelle est la proportion, sur les 124 000 projets annoncés en social et très social, de logements très sociaux de type PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) ?
J’en viens au sujet crucial de La Poste, dont la Caisse des dépôts est propriétaire à hauteur de 66 %. Le groupe salarie aujourd’hui 238 000 personnes en France et se trouve dans une situation financière inquiétante. Or j’ai lu que la Caisse des dépôts et consignations exige de ce groupe une rentabilité de l’ordre de 8 %, et de 4 % pour les activités d’intérêt général. Est‑ce exact ? Pouvez‑vous nous préciser les objectifs de rentabilité que vous fixez au groupe en tant qu’actionnaire majoritaire ?
Par ailleurs, vous lancez un cri d’alerte : une augmentation du montant des compensations par l’État serait justifiée et nécessaire pour rétablir un niveau de déficit compatible avec le modèle économique du groupe. Je partage ce point de vue. En revanche, les phrases suivantes m’inquiètent : « si une compensation totale des missions de service public de La Poste par l’État n’est pas possible, des ajustements de périmètre de ses missions, permettant d’en réduire structurellement le coût, devraient être envisagés. »
Qu’est‑ce que cela signifie ? Si l’État n’y met pas les moyens, dans quel délai envisageriez‑vous de telles mesures au sein de La Poste ? Cela aura nécessairement un impact sur les emplois : combien pourraient être concernés par de telles restructurations si l’État n’augmentait pas sa dotation actuelle ? Pour être clair, selon vous, soit l’État met l’argent sur la table, soit ce sera une catastrophe sociale !
Vous êtes déjà revenu sur les cessions au privé de nombreuses filiales de la Caisse des dépôts. Transdev est un fleuron du transport français qui a connu un développement important à l’international, raison pour laquelle vous avez décidé de le vendre. Je ne comprends pas bien ce choix, d’autant que les bénéfices de Transdev ont doublé l’année dernière : l’entreprise aurait pu rester une richesse pour la Caisse des dépôts. Comment justifier le fait de la céder à une entreprise allemande alors qu’elle se porte bien et que, étant présente sur le territoire français, elle pourrait nous aider à amorcer la transition écologique ? N’est‑ce pas une perte de souveraineté ?
De la même manière, la Caisse des dépôts a cédé en 2023 Egis, leader dans l’ingénierie de transition écologique, au fonds d’investissement Tikehau, et Icade Santé, propriétaire foncier d’Ehpad, à Primonial – une cession se traduisant par une distribution de 710 millions d’euros de dividendes aux actionnaires : cela conduit à s’interroger. Enfin, Novethic, unique société publique spécialisée dans la production d’informations et d’analyses du capital sur les enjeux de transition écologique, a vu ses activités médias cédées à une agence de presse privée, AEF Info. L’enjeu est‑il donc d’investir dans des entreprises qui, une fois rentables, iront enrichir des actionnaires privés plutôt que de rester sous votre contrôle ?
En même temps que ces cessions, la Caisse des dépôts investit en Bourse. Elle est désormais actionnaire à 7,8 % d’Euronext, principale place boursière de la zone euro. À propos de placements, vous n’avez pas répondu explicitement quant à la possibilité de mieux rémunérer l’épargne populaire, et êtes resté flou concernant le détail des produits où sont investis les 180 milliards d’euros des livrets d’épargne qui ne vont pas au logement social. Des ONG dénoncent l’opacité de certains investissements. Pouvez‑vous nous en dire plus sur les produits dans lesquels sont investis ces 180 milliards ?
M. Olivier Sichel. S’agissant de mon statut, je vous dois une totale transparence. Lorsque je suis arrivé à la Caisse des dépôts, j’étais inspecteur général des finances en détachement. Après la loi de transformation de la haute fonction publique, qui a supprimé le corps des ambassadeurs, des préfets, des inspecteurs généraux des finances et de l’administration, l’Inspection des finances m’a demandé de faire un choix avant le 31 décembre 2023 : rester dans un corps en extinction ou basculer dans le nouveau corps des administrateurs d’État et solliciter un nouveau détachement de ce corps.
J’ai alors choisi de quitter la fonction publique et de renoncer à ce corps prestigieux, par cohérence, pour adopter un statut de droit privé, comme 2 700 salariés de la Caisse, soit 40 % des effectifs. Mon contrat avec la Caisse prévoit une indemnité de départ de douze mois, selon les pratiques du groupe. Un accord de rupture conventionnelle signé avec les organisations syndicales prévoit une indemnité d’un mois par année d’ancienneté. Si vous m’accordez votre confiance, je basculerai sur un contrat de droit public dans lequel aucune indemnité forfaitaire de départ n’est prévue.
Si une nationalisation d’ArcelorMittal devait se produire, l’État s’en chargerait par le biais de l’Agence des participations de l’État (APE). La Caisse des dépôts est autonome. Elle est placée sous l’autorité de la commission de surveillance, mais ne reçoit pas d’instructions de l’État : celui‑ci ne pourrait donc pas ordonner à la Caisse des dépôts de devenir actionnaire d’ArcelorMittal.
J’en profite pour clarifier les attributions de ces deux acteurs publics : à la Caisse des dépôts, les grandes infrastructures – RTE, l’immobilier, CDC Habitat, Euronext, GRTgaz ; à l’APE, les grands services publics – comme EDF, la RATP et les grandes industries de défense. La Caisse des dépôts et l’APE réfléchissent d’ailleurs en permanence sur la façon de se répartir les actifs.
Vous avez évoqué le partenariat que nous avons conclu avec le groupe privé UXCO pour le logement étudiant. Nous lui imposerons des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, comme pour tous nos investissements. Les 75 000 logements étudiants seront composés de 50 000 logements sociaux et de 25 000 logements privés.
Nous avons voulu lancer la dynamique avec le logement privé car notre ambition, pour le logement social, est d’utiliser le foncier des universités – le Printemps des territoires réunissait d’ailleurs les ministres du logement et de l’enseignement supérieur. Les universités ont en effet une véritable réserve foncière qu’elles hésitent généralement à mettre au travail. Notre idée est de l’utiliser pour construire des résidences étudiantes sur les terrains universitaires. À cette fin, des dispositifs doivent être mis en place pour que les Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) et les universités, qui n’y ont pas tous dévolu leur patrimoine, puissent agir.
Concernant le logement intermédiaire et les résultats de CDC Habitat, après la période du covid, qui a vu se multiplier les chantiers à l’arrêt et les promoteurs immobiliers en déroute, nous avons établi un plan de relance qui a conduit CDC Habitat à racheter 47 000 logements. Certains ont pu être transformés en logements sociaux, d’autres étaient des logements libres et des logements intermédiaires. Achetés pour soutenir les promoteurs et leur éviter la faillite, ils n’avaient pas vocation à rester sur notre bilan. Comme elle le fait dans ce genre de cas, CDC Habitat a vendu le logement intermédiaire pour réaliser des profits, qui ont été réutilisés dans le logement social. Oui, cet organisme de logement social a fait des profits, mais comme il est une filiale à 100 % de la Caisse des dépôts, ces profits restent dans la maison.
Concernant La Poste, nous attendons une rentabilité de 4 % pour les activités d’intérêt général, comme la BPI ou la Banque des territoires, et de 8 % pour les activités concurrentielles, insérées dans le marché, comme Icade, Euronext ou Euroclear. C’est la règle que nous nous sommes fixée.
La non‑compensation de missions de service public s’élève à 1,2 milliard d’euros pour La Poste. Il s’agit des missions d’accessibilité bancaire, du service universel postal – la tournée des facteurs –, de l’acheminement de la presse et de l’aménagement du territoire – avec 17 000 points de présence.
La Caisse des dépôts a pris le contrôle de La Poste en toute connaissance de cause : nous souhaitions assurer ces missions de service public, qui ont un sens. Nous voulions avoir ce réseau considérable au moment où nous lancions la Banque des territoires. J’étais par exemple à Saint‑Étienne‑du‑Valdonnez, en Lozère, avec Sophie Pantel ici présente, à propos de la rénovation de l’école : il faut connaître ces endroits pour comprendre à quel point l’aménagement du territoire est important.
Faut‑il pour autant se satisfaire que l’État laisse sans y réfléchir ces charges à La Poste, aux postières et aux postiers ? Non, surtout au vu de la détention capitalistique des groupes de presse, sachant que la première mission déficitaire, pour plus de 480 millions d’euros, concerne l’acheminement de la presse. Faut‑il en rester là ou commencer à discuter avec les organes de presse, au moment où la numérisation s’accélère ? Je pense que ce débat doit être ouvert.
Certains endroits ont aussi une maison France Services et un bureau de poste : ne peut‑on pas rassembler les deux ? Ou explorer d’autres initiatives, comme les bus postaux que j’ai lancés dans certaines zones rurales ? Voilà des pistes intéressantes.
Concernant Transdev, Egis, Novethic et autres opérations, il faut rappeler que la Caisse des dépôts doit être un organisme vivant. Nous devons en permanence nous demander si nous devons tout garder, surtout lorsqu’on nous demande des justifications, comme vous venez de le faire pour ArcelorMittal. Nous sommes aussi entrés au capital d’Emeis : est‑ce pertinent ?
Ces opérations ont lieu sous votre contrôle, elles se font avec vos représentants dans la commission de surveillance. Nos critères de jugement sont triples : l’intérêt général, l’intérêt social et l’intérêt patrimonial de la Caisse.
L’intérêt général consiste à se demander si le fait de devenir actionnaire d’une entité a un sens par rapport à la mission que nous fixe la loi. Emeis, anciennement Orpea, héberge des dizaines de milliers de résidents et emploie des dizaines de milliers d’aides‑soignants. Compte tenu de l’évolution démographique en cours, nous ne pouvions pas laisser cette entreprise entre les mains de fonds spéculatifs davantage intéressés par l’immobilier que par les résidents. En revanche, dès lors que Transdev ou Egis deviennent de très grandes entreprises internationales, avec deux tiers de leurs effectifs sont à l’étranger, il n’est peut-être pas légitime que les moyens de la Caisse financent leur croissance.
Deuxième élément : l’intérêt social. Il faut absolument que ces belles entreprises se développent. À nous de choisir les bons partenaires, de long terme, pour les accompagner.
Enfin, il y a un intérêt patrimonial. C’est vrai, Transdev a fait des bénéfices ensuite, mais nous en avons tiré un très bon prix, comme d’ailleurs d’Egis. La Caisse est bénéficiaire dans ces opérations.
J’ai lu avec attention le rapport Tanguy‑Jolivet sur l’épargne populaire, et je me félicite qu’il se soit intéressé aux bénéficiaires de l’épargne. La discussion porte généralement sur la direction de l’épargne : dans quel groupe investir ? Faut‑il choisir des actions ou des obligations ? Ce travail se tourne, lui, du côté de l’épargnant, celui qui nous apporte l’argent, et s’intéresse à sa rémunération.
Dans ce domaine, le ministre de l’économie fixe le taux du livret A et celui du livret d’épargne populaire, sur recommandation du gouverneur de la Banque de France. Nous travaillons avec ce taux‑là. Il est vrai que, dans une période récente, en particulier lors de la phase d’hyperinflation à 6 %, ce taux a été inférieur à l’inflation, mais sur une période plus longue, l’épargnant est cependant gagnant.
Pour rémunérer cette épargne et la rendre liquide, nous ne pouvons évidemment pas compter sur les engagements que nous prenons auprès des bailleurs sociaux ou des collectivités locales, auxquels nous prêtons sur trente ou quarante ans. C’est la partie placée qui le permet, sur laquelle nous sommes transparents : nous rendons chaque année un rapport de plusieurs dizaines de pages au sujet des entreprises dont nous sommes actionnaires – essentiellement des entreprises du CAC40 –, de ce que nous exigeons d’elles, des résolutions que nous votons et de la qualité de notre dialogue actionnarial.
Il me semble que nous avons atteint un équilibre dans la transparence. Nous avons d’ailleurs régulièrement ces débats en conseil de surveillance, tout en gardant à l’esprit que la Caisse des dépôts est aussi la corde de rappel de nombre d’entreprises du CAC40 face à des OPA (offres publiques d’achat) hostiles, et donc un levier de souveraineté.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans votre propos liminaire, vous avez dit que la Caisse des dépôts n’était pas un conglomérat. Peut‑être était‑ce un clin d’œil à mon endroit, puisque j’ai expliqué à votre prédécesseur qu’elle l’était justement devenue. Il n’y a qu’à voir tout ce qu’il y a dans ce groupe, c’est extraordinaire ! Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur la cohérence de l’ensemble.
Ma question est simple : si vous êtes nommé à ce poste, ne pensez‑vous pas qu’il faudra rationaliser le groupe ? Vous avez par exemple trois banques, qui peuvent être concurrentes dans certains secteurs. Je pourrais aussi prendre l’exemple des assurances, ou beaucoup d’autres.
Ma deuxième question n’a pas été abordée dans votre propos liminaire, mais le rapporteur l’a soulevée : faut‑il davantage européaniser ou internationaliser la Caisse des dépôts ? Vaste sujet. Vous avez ainsi pris l’exemple de Transdev, dont les activités extérieures à la France justifiaient selon vous de réduire à 34 % la participation de la Caisse.
Ma dernière question concerne la mission, parmi bien d’autres, que vous donne la loi que nous avions votée : protéger l’épargne populaire. Peut‑on dire que le livret A et le livret de développement durable le font ? Parce que maintenir le pouvoir d’achat sur une moyenne période, ce n’est pas protéger l’épargne populaire : pour cela, il faut faire profiter les épargnants modestes de l’enrichissement du pays. Quelles idées avez‑vous pour protéger réellement l’épargne populaire ?
M. Olivier Sichel. Vous avez pleinement raison concernant cette idée de conglomérat. C’est une hygiène nécessaire que de se demander sans cesse si l’on n’en fait pas trop et s’il faut se désengager de certaines activités.
La Caisse est très sollicitée, sur de nombreux sujets : nous disons souvent non, quitte à créer des frustrations. Ensuite, il est bon de se demander à chaque fois si cela vaut la peine de rester. Nous avons parlé de Transdev et d’Egis, mais il y a d’autres exemples.
Le très haut débit en est un : nous l’avons déployé dans les territoires, puis, là où c’était fini, nous l’avons revendu à des opérateurs de télécommunications. Il en va de même pour le viaduc de Millau ou la ligne à grande vitesse : une fois fini, c’est revendu. Le rôle de la Caisse des dépôts consiste à défricher et à prendre des risques, puis à accepter de céder, en dépit de la tentation de rester bien assis.
L’exemple du CDG Express que nous construisons actuellement l’illustre aussi. On en a tellement parlé, c’était l’Arlésienne ! Mais il devrait pourtant se terminer et, d’ici trois ou quatre ans, l’infrastructure intéressera un fonds auquel il faudra peut‑être la céder.
Quant aux trois banques, elles ne se font pas concurrence. Chacune dispose de son jardin à la française. La Banque Postale finance les collectivités locales jusqu’à vingt‑cinq ans et ne peut pas faire d’investissements. La Banque des territoires finance les collectivités locales au‑delà de vingt‑cinq ans et investit dans les secteurs de l’économie mixte. La BPI ne s’occupe jamais des collectivités locales, mais du monde de l’entreprise, que la Banque des territoires, elle, ne connaît pas.
J’en viens à l’européanisation. S’il y a bien quelque chose que nous ne faisons pas, c’est l’international. L’établissement public n’est pas européen. Nous coopérons à l’étranger, nos entreprises bien sûr s’y développent, mais la Caisse des dépôts en tant que telle n’a pas du tout d’activité internationale : il s’agit plutôt du monde de l’Agence française de développement.
Les entreprises ont leur propre logique de développement social. Celle de Transdev l’a conduite à chercher de la croissance à l’étranger, comme d’autres que nous avons accompagnées – le Club Med ou Accor – se sont trouvées à un moment dans le giron de la Caisse des dépôts. Nous les avons fait grandir et se développer. Quant aux stations de ski, ce sont des délégations de service public : la Compagnie des Alpes, ce n’est pas de l’international !
En revanche, nous coopérons étroitement avec les autres caisses des dépôts européennes et avec la BEI (Banque européenne d’investissement). Nous sommes les détaillants de la BEI : elle passe par notre intermédiaire pour investir dans les territoires, devenant notre grossiste pour accéder aux financements européens. Force est cependant de constater que nos financements sont généralement plus compétitifs que ceux de la BEI.
Ce qui me conduit à l’épargne populaire. Le taux du livret A a deux faces : il n’est jamais assez élevé pour l’épargnant et toujours trop élevé pour l’emprunteur. Il faut donc trouver un équilibre. La protection ne se mesure pas seulement par rapport au pouvoir d’achat – sur les vingt‑cinq dernières années, le taux a été supérieur à l’inflation dans 70 % des cas – mais concerne aussi la protection du capital.
Dieu merci, la gestion financière de la Caisse a toujours permis de garantir cette protection. La liquidité et la disponibilité ne sont pourtant pas si simples à assurer qu’il y paraît : vous pouvez déposer 100 euros à La Banque Postale le matin et les récupérer dans l’après‑midi, alors que, pourtant, la moitié de cette somme va être prêtée à vingt‑cinq, voire à quarante ou quatre‑vingts ans pour du foncier.
Quant à la rentabilité, il convient de prendre en compte la fiscalité. Certains placements sont certes plus rentables, mais le livret A est exempt de toute fiscalité.
M. le président Éric Coquerel. La parole est à Jean-René Cazeneuve en tant que président de la commission de surveillance de la Caisse.
M. Jean‑René Cazeneuve. Cette audition revêt une importance particulière. La Caisse des dépôts est un pilier silencieux mais puissant de notre République. Elle agit dans la durée, au service de la cohésion sociale et des territoires, de la transition écologique et de la souveraineté économique.
C’est pourquoi le Parlement exerce un contrôle attentif sur sa gouvernance, encore renforcé par la loi Pacte de 2018, à travers la commission de surveillance que j’ai l’honneur de présider. Cette commission est composée de seize membres, dont cinq parlementaires issus des deux chambres et cinq personnalités qualifiées désignées par les présidents des deux assemblées. Cette commission veille à l’orientation stratégique, à la maîtrise des risques, à la transparence de cette institution publique. Elle joue véritablement son rôle de soutien, de contrôle, de proposition et de critique. Elle est écoutée. Avec Estelle Mercier, nous sommes à votre disposition si vous avez des messages à faire passer à la Caisse.
Avant de nous tourner vers l’avenir, je souhaite saluer le travail entrepris par Éric Lombard, qui a quitté cette fonction après six années d’un mandat conduit avec exigence et constance. Sous sa direction, la Caisse a affiché des résultats remarquables : un résultat net agrégé de 5,1 milliards en 2024.
Depuis son départ, Olivier Sichel assure l’intérim à la tête de la Caisse, dans des conditions que je tiens à saluer. Cette phase transitoire s’est déroulée avec efficacité, continuité, sérénité. Elle a permis de garantir la stabilité de l’institution et de démontrer, s’il le fallait, que M. Sichel dispose déjà de la pleine maîtrise des enjeux opérationnels et institutionnels liés à cette fonction, dans un contexte national et international très compliqué.
Au-delà de cette période d’intérim, M. Sichel connaît très bien cette maison. Dirigeant reconnu dans le secteur du numérique, il a créé et dirigé la Banque des territoires, lancée en 2018, avec une ambition claire : apporter une réponse concrète aux besoins d’investissement public local dans une logique de proximité, de lisibilité et d’efficacité.
Sous son impulsion, la Banque des territoires est devenue un partenaire stratégique pour les élus locaux, en facilitant l’ingénierie, un accélérateur de projets sur le temps long. Elle a accompagné plus de 6 000 collectivités dans des domaines aussi variés que la revitalisation des centres‑bourgs, les mobilités durables et la rénovation énergétique. C’est un vrai succès.
En tant que président de la commission de surveillance et représentant du Parlement, je travaille avec Olivier Sichel depuis plusieurs mois et j’ai pu mesurer son sens de l’écoute, sa rigueur, sa clarté dans les choix et son attachement sincère à la justice territoriale.
Ma première question porte sur la justice territoriale. Nous n’en faisons jamais assez en matière de développement territorial. Vous êtes déjà très présent dans les territoires. Quels moyens êtes‑vous prêt à engager pour être encore plus présent dans les territoires les plus éloignés, les plus ruraux en particulier ?
Concernant l’effort écologique, les 100 milliards d’euros mobilisés d’ici à 2028 vont‑ils irriguer les territoires de manière équitable ? Quelles garanties pouvez‑vous nous donner pour que l’ensemble des territoires en décrochage ne soient pas écartés de cette transformation ?
S’agissant du nucléaire, la Caisse peut jouer un rôle stratégique dans la relance de la filière que nous attendons. Êtes‑vous disposé à en faire un axe structurant de votre stratégie d’investissement, en soutenant les réacteurs de nouvelle génération et les infrastructures industrielles indispensables à notre souveraineté énergétique ?
Enfin, vous avez évoqué le paradoxe concernant le logement : vous n’avez jamais autant financé le logement social et le volume global n’a pourtant jamais été aussi bas. Votre rôle contracyclique pourrait‑il vous rendre plus moteur dans le domaine du logement intermédiaire, grâce aux leviers d’Icade et de CDC Habitat ?
En saluant la manière dont vous avez assuré cet intérim et en exprimant notre confiance dans votre capacité à conduire la Caisse des dépôts dans les années à venir, nous avons une responsabilité : garantir une gouvernance stable et une action publique toujours plus tournée vers les fractures sociales et territoriales que nous devons résorber.
Ces derniers temps, la Caisse a montré à la fois sa capacité à réagir – on peut parler de Mayotte – mais aussi sa forte résilience. À vous de prouver, dans cette nouvelle fonction, qu’elle saura rester fidèle à son histoire tout en se montrant à la hauteur des défis à venir. Le groupe Renaissance votera en faveur de votre nomination.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean‑Philippe Tanguy (RN). Vous avez parlé de votre investissement dans Ÿnsect, qui rencontre de vraies difficultés. Comment expertisez‑vous les dossiers ? En effet, lorsqu’une politique nationale est annoncée, et même si vous avez réaffirmé votre indépendance, il y a toujours des effets d’aubaine et des risques d’investissement.
Une autre entreprise, Innovafeed, a moins de difficultés qu’Ÿnsect, qui souffre visiblement d’un problème de maturité du procédé industriel choisi. Face à ce type de dossiers, de quels moyens disposez‑vous pour expertiser la maturité industrielle du projet ? Nous sommes évidemment pour la réindustrialisation, mais cela ne signifie pas financer n’importe quoi.
Vous avez aussi évoqué les batteries. Une fois de plus, nous saluons la réindustrialisation de certains bassins d’emplois, mais là aussi, un problème de maturité du procédé industriel touche certaines usines de batteries, comme Mecaware, sur l’ancien site de Bridgestone : les taux d’échec, importants, mettent en péril la réindustrialisation elle‑même et la crédibilité des financements. Comment faites‑vous pour choisir entre le bon grain et l’ivraie ?
Comment éviter le péril de n’investir que dans des projets médiatiques ? Le rapport non publié sur l’échec de la réindustrialisation, ou du moins sa stagnation, rappelle qu’il est certes bon de financer de grands projets très médiatiques, mais qu’il ne faut pas oublier les filières moins vendables au grand public et que l’industrie de base mérite aussi un financement et un développement.
Par exemple, nous sommes en retard dans les machines‑outils et la modernisation de celles qui sont utilisées dans des filières plus anciennes, notamment la métallurgie et la chimie. Dès lors, les entreprises petites et moyennes, malgré tous leurs efforts et leurs investissements, sont véritablement à la traîne dans la modernisation des machines, des procédés et de la robotisation – domaine où la France est également en retard. Avez‑vous une politique à ce sujet ?
Concernant la rémunération du livret A, vous avez eu la gentillesse de citer le rapport que j’ai réalisé avec François Jolivet, mais vous avez soulevé un lièvre : on nous avait expliqué que l’illiquidité des produits de la Caisse des dépôts ne posait pas de problème dans la rémunération du livret A, et vous nous dites strictement l’inverse. Tant mieux, c’est ce que nous avions identifié, mais alors, est-ce aux classes moyennes et populaires de financer des politiques de service public ?
M. Olivier Sichel. Pour commencer par les questions du président de la commission de surveillance, comment faire plus dans les territoires ? C’est vraiment une obsession. J’ai créé la Banque des territoires et je passe un jour par semaine auprès des élus, à voir comment nous pouvons les accompagner au mieux.
Nous avons fait d’immenses progrès avec le programme Action cœur de ville, qui concerne 234 villes moyennes : nous les connaissons bien, et les directeurs territoriaux ont de fréquents rendez-vous avec leurs maires.
Nous avons changé de strate avec le programme Petites Villes de demain, en nous appuyant sur les départements ou régions. Nous voulons maintenant en faire davantage pour la ruralité. En la matière, le premier besoin est celui du conseil. Nous avons donc lancé Rural Consult, une ligne téléphonique qui effectue chaque année 6 000 consultations auprès des maires ruraux, s’agissant donc de communes ou d’intercommunalités de moins de 5 000 habitants.
Il est essentiel de changer de regard sur les territoires ruraux. C’est pour cette raison que la Caisse des dépôts a accepté de soutenir l’Institut des hautes études des mondes ruraux, lancé par Dominique Faure : ce sont des territoires de ressources, notamment foncières et naturelles. S’y trouvent aussi nombre de logements vacants. Nous voulons donc travailler sur ces territoires en prenant en compte leurs spécificités, notamment celles des territoires de montagne et des littoraux.
Concernant l’écologie, nos financements doivent être accessibles à toutes les collectivités locales. La Banque des territoires n’a pas de minimum de prêt : elle accorde des prêts de 20 000 euros à certaines collectivités locales. Nous encourageons beaucoup l’ingénierie, avec des crédits dédiés, par exemple dans le programme du plan « eau ».
Il ne s’agit pas seulement de venir avec son offre d’Aqua Prêt en disant : « je peux financer la rénovation de votre réseau d’eau à quarante ans à TLA + 0,4 % » ! Avant la prise de décision, le projet doit être compris ; il faut établir l’agenda, collecter les données, installer la gouvernance. L’ingénierie est absolument fondamentale et nous y consacrons des sommes importantes pour faciliter la prise de décision des élus, notamment dans le domaine écologique.
Concernant le nucléaire, je rappelle les responsabilités de chacun : le mix énergétique ne relève pas de la Caisse des dépôts. À la suite de la proposition de loi Gremillet, un débat va avoir lieu sur la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il appartiendra au gouvernement et au Parlement de se prononcer sur le mix énergétique, et donc sur la question du nucléaire.
L’épargne populaire, le livret A, le fonds d’épargne peuvent-ils financer le NNF (nouveau nucléaire français) ? La décision reviendra là encore au ministre de l’économie et des finances. Ce que je peux dire, en tant que directeur général par intérim de la Caisse des dépôts, c’est que, techniquement et financièrement, nous pouvons envisager ces financements sans effet d’éviction sur le logement social. Le fonds d’épargne est de 400 milliards d’euros, dont 200 prêtés et 200 placés. Nous aurons donc toujours assez d’argent pour financer le logement social et la transition écologique, et au besoin le NNF.
Concernant le logement, nous avons étendu notre périmètre d’action : partant du logement social, nous avons décidé de jouer un rôle contracyclique en finançant le logement intermédiaire. Les chiffres sont importants : 85 000 logements sociaux l’année dernière, 35 000 logements intermédiaires. Faut‑il aller plus loin ? Nous finançons aussi le logement étudiant, suscitant les débats sur le logement libre que M. le rapporteur a évoqués, et le logement spécifique en général.
Devrions‑nous nous engager plus directement sur le logement libre ? Aller au‑delà de 45 % des logements financés par la Caisse des dépôts me semble poser question. Il faut aussi se demander ce qui coince dans la construction de logements libres neufs. Le statut du bailleur privé sera bientôt soumis au Parlement : peut-être une relance serait-elle à envisager – et alors Icade en ferait partie.
Pour répondre à la question du député Tanguy sur l’expertise des dossiers, la Banque des territoires n’a pas d’expertise technologique et industrielle. Ÿnsect ou Verkor ont d’abord été financées par BPIFrance et les équipes de France 2030. Lorsque nous intervenons, au stade du financement de l’usine, nous nous appuyons donc sur les expertises technologiques et industrielles réalisées par BPIFrance.
Notre analyse de dossier comprend deux volets. Le premier est financier, avec le calcul du taux de rendement interne : le projet rentre‑t‑il dans les grilles de la Caisse concernant l’appétit au risque ? Le second est extra‑financier : nous étudions les implications écologiques, sociales et gouvernementales de ces entreprises. Nous avons par exemple regardé les effets sur l’artificialisation des sols et sur la biodiversité de l’usine Ÿnsect de Poulainville, dans la Somme. Nous nous sommes même demandé si nous pourrions la raccorder au réseau de chaleur d’Amiens. Voilà le genre de questions que nous nous posons. Mais pour la partie industrielle, comme nous intervenons en aval, nous nous appuyons sur les expertises de BPIFrance, de France 2030 ou du ministère de l’industrie.
J’ai un parcours d’investisseur, notamment dans le capital‑risque, dans les nouvelles technologies. Comme l’indique son nom, il y a un véritable risque. L’industrialisation n’est pas un long fleuve tranquille : autant nous disposons de tous les éléments pour les projets de logement ou des collectivités locales, autant le domaine de l’industrie présente des risques et de la sinistralité. Il faut l’assumer, sans pour autant que l’épargne populaire en fasse les frais. Ces investissements dans l’industrie ne se font donc pas avec le fonds d’épargne, mais avec la section générale de la Caisse des dépôts.
S’agissant des questions de liquidité, je veux lever toute ambiguïté. La promesse de base du livret A est que les épargnants peuvent à tout moment récupérer leur épargne. Nous sommes en mesure d’assurer cette liquidité.
Garantie en capital, absence de fiscalité, liquidité : voilà ce que les Français aiment dans le livret A. Pour cela, nous avons besoin d’au moins 30 % de placements dont nous gérons la liquidité. Voilà pourquoi nous avons aujourd’hui 50 % de fonds prêtés et 50 % de fonds placés, et que nous pourrions prêter encore davantage. Le nucléaire est une possibilité, de même que d’autres investissements, par exemple pour RTE.
Vous soulignez avec raison le poids des sujets médiatiques. Dans les territoires, je suis parfois exaspéré par l’intérêt médiatique que suscitent certains investisseurs internationaux arrivant en jet privé tandis qu’il est très compliqué pour l’entrepreneur local qui veut s’étendre à Dax de le faire avec le préfet, alors même qu’il va créer de l’emploi localement.
Nous avons pris l’initiative de lancer France Foncier+, un portail qui recense plus de 800 sites disponibles – car le sujet de l’industrie rejoint celui du foncier. Il est alimenté par les établissements publics de coopération intercommunale, qui proposent du foncier disponible. Je suis très attaché à ce que les entrepreneurs locaux soient aussi bien traités que les investisseurs.
M. Éric Woerth (EPR). Votre profil correspond bien au poste, puisqu’il faut être un entrepreneur en même temps qu’un serviteur du bien public. Dans nos institutions, la Caisse est un élément de stabilité et de puissance. Elle est appelée à le rester, même si le monde change – les éléments stratégiques que vous avez évoqués le prouvent.
S’agissant de La Poste, vous avez dit votre inquiétude concernant la faiblesse du financement du service universel. Pouvez‑vous développer ?
Par ailleurs, un des débats politiques actuels porte sur le financement du modèle de retraite, par répartition ou par capitalisation. Comme vous menez des actions dans ce domaine, avez‑vous une opinion sur le sujet ? Quel rôle pourrait jouer la Caisse, non pour prendre des décisions, mais pour éclairer les politiques sur ce sujet structurant ?
Vous avez peu évoqué le rôle de la BPI, pourtant fondamental. Pourriez‑vous en dire davantage ? BPIFrance investit dans beaucoup d’entreprises et a des actions un peu partout. C’est une vraie réussite. Allez‑vous la développer, et dans quelle direction ?
Enfin, la Caisse mène‑t‑elle des politiques de mécénat, notamment dans la culture ? Ce sujet vous occupe-t-il, peut‑il concerner la Caisse, en particulier en lien avec la belle réussite de la Banque des territoires ?
M. Olivier Sichel. L’un des grands enjeux de La Poste concerne l’évolution de ses missions de service public. La prolongation du service universel postal, déjà, n’est pas une évidence, y compris sur le plan législatif. La Poste souhaite poursuivre ce service ; elle est engagée dans l’aménagement du territoire, avec ses 17 000 points de présence. La mission d’accessibilité bancaire est importante en termes d’inclusion sociale et il faut la préserver. Il faut en revanche réfléchir à un mode de financement concernant la presse, à un moment où la numérisation s’accélère.
Merci de me tendre une perche sur le sujet des retraites. La Caisse des dépôts a en effet une véritable expertise concernant les régimes très pointus, comme le régime des mines, l’Ircantec ou la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales). Elle a aussi une expertise sur la retraite par capitalisation : le fonds de réserve pour les retraites est un modèle qui a fait ses preuves, puisque ses 20 milliards ont été remboursés, générant donc des gains aujourd’hui.
Si des décisions devaient être prises concernant l’évolution des régimes de retraite, je souhaiterais donc vivement que la Caisse soit sollicitée : elle consacre un tiers de ses effectifs à la gestion des régimes de retraite, des équipes très pointues avec un haut niveau d’informatisation. Cette expertise pourrait être utilement mise à profit.
BPIFrance est effectivement un succès. Je rends hommage à Nicolas Dufourcq pour tout ce qu’il a fait en faveur de l’innovation, de la structuration d’un écosystème de capital‑risque, à faire progresser, de la transition écologique et de l’accompagnement de nos grandes entreprises.
En matière numérique, après avoir beaucoup subventionné, avec France 2030, et beaucoup investi, soit directement avec BPIFrance, soit avec des fonds de capital‑risque, il nous faut maintenant activer le levier de la commande. Nos start‑up et nos sociétés ont besoin de chiffre d’affaires. Palantir, par exemple, représente 220 milliards de capitalisation boursière aux États-Unis et 40 % de commandes publiques : nous devons absolument passer commande auprès de nos champions nationaux. J’ai moi‑même fait l’état des lieux à la Caisse, et 50 % de nos dépenses en logiciels proviennent d’entreprises américaines : nous devons absolument trouver des solutions alternatives.
Enfin, nous sommes mécènes du théâtre des Champs‑Élysées, à Paris, mais je veille aussi à ce que nous puissions l’être dans les territoires. Ces budgets, décentralisés, sont d’ailleurs à la main des directions régionales. En tant que grand établissement, il me semble en effet que nous devons assurer aussi ce rôle de mécénat.
M. Jacques Oberti (SOC). Je reviens sur le sujet de La Poste, dans la mesure où la Caisse des dépôts et consignations en est l’actionnaire majoritaire, à hauteur des deux tiers. Depuis plusieurs années, La Poste connaît une mutation de son modèle, avec la diversification de ses activités, le basculement vers de nouvelles pratiques et la création d’un pôle de bancassurance. Celui‑ci lui permet d’ailleurs de contrebalancer le manque de compensation de l’État de 1,2 milliard d’euros.
La Poste se trouve en 2025 dans une situation particulière, avec un changement de présidence et surtout la fin de la délégation de service public. En tant qu’actionnaire majoritaire, comment envisagez‑vous cette situation inconfortable ? Êtes-vous inquiets ? Quel impact peut-on attendre sur la gouvernance du groupe La Poste et sur la poursuite de ses missions de service public ? Un amendement à ce sujet a été écarté dans la proposition de loi de simplification de la vie économique, pour diverses raisons, dont la recréation de la Commission supérieure du numérique et des postes.
M. Olivier Sichel. Nous sommes en effet entrés à 66 % au capital de La Poste par la porte de la CNP : il s’agit de l’opération Mandarine, mutuellement bénéfique. D’un côté, la CNP, une compagnie d’assurance vie, a pu retrouver un réseau de distribution alors qu’elle avait perdu son principal distributeur, BPCE, Banque Populaire‑Caisse d’Épargne. La Banque postale est désormais son seul distributeur. D’un autre côté, la Banque postale a obtenu des bénéfices, qui sont revenus à La Poste. En effet, en France, le modèle gagnant est celui de la bancassurance, car l’assurance est le produit le plus rentable. Bref l’opération a été bénéfique pour les deux.
La Poste a connu une incroyable transformation. Je rends hommage à Philippe Wahl, qui termine son mandat dans quelques jours après l’avoir présidée pendant douze ans, accompagnant dans cette mutation majeure les 230 000 postières et postiers. La Poste sait que, dans l’année, elle va perdre encore 500 millions dans son activité courrier ; nous sommes partis de 10 milliards et il en reste 6. Certes ce n’est pas rien, il reste du travail pour les facteurs, mais ce n’est pas l’avenir.
Nous nous sommes donc engagés dans un programme de diversification orienté dans deux directions : la bancassurance, qui fonctionne très bien, avec La Banque Postale et CNP, et que nous allons poursuivre ; et la logistique, avec le colis, puisque le commerce électronique s’est beaucoup développé.
Comment soutenons‑nous La Poste ? D’abord, depuis plusieurs années, en dépit de nos exigences de rentabilité, nous avons accepté que notre dividende soit payé en titres, ce qui correspond en réalité, cela ne trompe personne, à un réinvestissement. La Caisse peut soutenir La Poste encore longtemps et je n’ai aucun état d’âme à ce sujet. Méthodiquement, grâce à nos investissements, nous avons réduit notre exposition au risque. Au moment de l’opération Mandarine, deux tiers des résultats de nos participations stratégiques venaient de BPIFrance et de La Poste. C’est moins de la moitié aujourd’hui. Nous continuerons donc à soutenir La Poste.
Nous soutenons également le fait qu’elle reste le détenteur du service universel postal, en dépit des aléas législatifs sur le sujet. Mais il me semble qu’un débat au Parlement au sujet de La Poste et des missions de service public postal est souhaitable.
M. Nicolas Ray (DR). La Caisse des dépôts joue un rôle majeur dans notre pays : elle gère des milliards d’euros d’actifs financiers, elle est le premier financeur du logement social et elle intervient dans de nombreux secteurs. La nomination de son directeur général est donc un moment particulièrement important pour notre commission.
Notre groupe votera en faveur de votre nomination, compte tenu de votre longue expérience au sein de grandes entreprises et du fait que vous êtes le directeur général délégué de la Caisse des dépôts depuis huit ans : la continuité et la stabilité à la tête de cette institution sont importantes.
La Banque des territoires a prévu une enveloppe de 450 millions d’euros en investissements et prêts d’ici à 2027 pour accompagner les cinquante‑cinq sites clés en main France 2030. L’un d’eux est dans ma circonscription. Où en est l’utilisation de cette enveloppe, et la jugez-vous suffisante par rapport aux enjeux de réindustrialisation actuels ?
La Caisse des dépôts est également la banque de la sécurité sociale, par les avances de trésorerie qu’elle accorde à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Quel est le montant des avances consenties en 2024 et celui des intérêts payés par l’Acoss ?
La question est posée de la soutenabilité du financement de notre modèle social. La Cour des comptes a rappelé la situation catastrophique, hors de contrôle, de la sécurité sociale, évoquant même un risque de cessation de paiement. Partagez‑vous ce constat ?
Enfin, la Caisse des dépôts ne devrait‑elle pas recentrer ses missions ? Est‑il par exemple pertinent qu’elle possède encore le théâtre des Champs‑Élysées ou qu’elle intervienne en matière de dépendance, en tant qu’actionnaire d’Orpea ?
M. Olivier Sichel. À ce jour, je suis satisfait du déploiement des 450 millions destinés à l’aménagement des sites clés en main, soit le foncier, la viabilisation et, éventuellement, le raccordement aux utilités – électricité, eau, déchets. Nous n’investissons pas cette somme dans les entreprises elles‑mêmes. A priori, ce programme avance bien. Le portail France Foncier+ va devenir un groupement d’intérêt public, afin de devenir pérenne.
S’agissant du financement de la sécurité sociale, nous sommes effectivement le financier à court terme de l’Acoss. Une ligne de 13 milliards est mobilisable. Pendant la phase du covid, nous sommes exceptionnellement montés à la somme colossale de 20 milliards. Nous avons su dépasser, avec la sécurité sociale, cette crise de la trésorerie. Depuis 2020, nous n’avons plus eu recours à ces financements : la sécurité sociale a su organiser sa trésorerie. Nous sommes donc, en quelque sorte, un trésorier de dernier recours.
Concernant le théâtre des Champs-Élysées, nous continuerons à le soutenir car cela fait partie de nos engagements.
Concernant Orpea, nous sommes satisfaits du redressement du taux d’occupation, mais nous avons vocation à y travailler dans le très long terme. Nous sommes entrés dans le groupe avant tout pour moraliser les pratiques, recruter de façon pérenne des salariés, les former et élever le standard de traitement de nos aînés. En vertu de cet engagement, nous resterons longtemps actionnaires, afin de veiller à ce que tout se passe bien. Nous sommes d’ailleurs très vigilants et je redis ma confiance à l’équipe de direction, entièrement renouvelée : tous les membres du conseil d’administration et les trente cadres dirigeants ont changé. Une partie des anciens sont d’ailleurs sous les verrous.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le groupe écologiste et social a beaucoup de questions et ses membres voteront en toute liberté.
Il a déjà été question de votre choix polémique, en 2024, de quitter votre statut de fonctionnaire pour un contrat de droit privé. Pour nous, la personne qui dirige la CDC doit avoir l’intérêt général chevillé au corps et le faire passer avant son intérêt personnel, assumant donc le statut de fonctionnaire. Mais vous y avez répondu.
Étant directeur général par intérim et ayant été directeur général adjoint, vous endossez le bilan de la CDC. Cela nous conduit à nous interroger sur les actions que vous lancerez. Les syndicats, qui nous ont transmis des informations, reprises par certains de mes collègues, alertent sur des problèmes de financiarisation, de privatisation et de liquidation de filiales.
J’avais soutenu leur mobilisation contre la privatisation – ou l’abandon – de Novethic. Allez‑vous changer d’avis et sauver ce qui me semble être un outil très important, à la fois centre de recherche et média spécialisé dans la transition écologique et sociale ? Je n’oublie pas que les vingt‑trois salariés du média avaient appris sa privatisation par la presse. Comptez-vous modifier le fonctionnement de la démocratie sociale dans l’ensemble de vos filiales ?
Concernant Orpea, ne faudrait-il pas que toutes les structures qui s’occupent des personnes âgées sortent du secteur privé lucratif et que l’État les nationalise ?
Concernant La Poste, un préavis de grève a été déposé ce lundi par FO, la CGT et Solidaires. En effet, la logique de rentabilité à 4 % pour les missions d’intérêt général conduit au développement de l’IA, aussi bien à La Banque postale qu’aux guichets, avec des effets problématiques.
M. Olivier Sichel. Nous avons adossé Novethic au groupe AEF car nous estimions que la partie médiatisation sur l’écologie était achevée. Nous restons en revanche engagés dans I4CE, l’Institut de l’économie pour le climat, dont les travaux de recherche sont beaucoup plus développés que ceux de Novethic et font référence sur le sujet. Les collaborateurs de Novethic ont été repris par AEF en vertu d’un accord signé le 19 mai par les parties.
Concernant Orpea, les 650 millions que nous avons investis ont en effet été mis en avant dans l’actualité. En revanche, les 4 milliards que la Banque des territoires a engagés en faveur des Ehpad publics ne sont jamais évoqués. J’en vois partout que nous finançons, lorsque je me rends dans les territoires, mais comme ils dépendent de l’hôpital ou du centre communal d’action social, personne n’en parle.
La situation est pourtant catastrophique : aujourd’hui, la plupart des Ehpad sont dans le rouge. Nous intervenons en tant que banquier et nous étalons la dette, mais il faudra à un moment trouver un équilibre, dans les Ehpad publics comme privés. Je ne suis pas partisan de l’éradication des solutions privées : nous avons besoin de tous les secteurs, public, associatif et privé.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Dans un contexte de forte incertitude, les ménages français privilégient l’épargne massive, notamment au moyen des livrets réglementés. Si une large partie de ces fonds permet de financer le logement social, qu’en est‑il de l’accession à la propriété ? Plus largement, comment voyez‑vous le rôle de la Caisse des dépôts et de ses filiales pour faciliter l’accès à la propriété ou favoriser les rénovations importantes dans les logements anciens ? La Caisse pourrait-elle accompagner des produits innovants tels que le viager‑rénovation ?
D’expérience, je sais que la présence de la CDC dans une société d’économie mixte (SEM) joue un rôle important et sécurisant, à la fois pour les investisseurs privés et les collectivités locales. Comptez‑vous promouvoir ce type d’organisation, avec de nouveaux produits et une réflexion sur le rôle des SEM dans la relance de l’économie locale ?
Notre groupe n’a aucun doute sur la qualité et la complétude de votre parcours professionnel, riche en expériences diverses à des postes importants. Je suis persuadé que vous parviendrez à relever les défis qui s’annoncent pour ce bel établissement. Nous voterons donc en faveur de votre nomination.
M. Olivier Sichel. L’accession à la propriété privée touche aux limites du groupe Caisse des dépôts. Doit‑on aller plus loin sur ce sujet ? Le prix des logements a tellement augmenté par rapport aux revenus que des solutions doivent être réinventées. La Caisse des dépôts a peut-être un rôle à jouer. Nous continuons à essayer le viager, pour l’instant peu satisfaisant. D’autres formules m’intéressent, comme la séparation entre la propriété du foncier et la propriété du bâti.
Vous êtes élu d’un territoire littoral. J’ai justement été impressionné à Cabourg par la façon dont un maire a utilisé les dispositifs BRS-OFS : là-bas, comme sur le littoral des Pyrénées‑Atlantiques, les prix ont tellement augmenté que tout se transforme en résidences secondaires. Pour pouvoir recruter des infirmiers, des policiers ou des employés de mairie, ce maire garde donc le foncier et ne vend que la partie bâtie. Il y a donc des solutions à trouver, qui passeront par de l’innovation financière.
Enfin, nous finançons largement l’économie mixte, et nous la voulons ancrée dans les territoires. Nous avons ainsi deux SEM dans les Pyrénées‑Atlantiques – nous n’en aurons jamais une seule, car cela signifierait que nous n’avons pas compris la différence entre le Béarn et la côte ! L’économie mixte connaît un important renouveau dans les domaines des énergies renouvelables, du foncier et de l’aménagement industriel, et nous y sommes très attachés.
Mme Félicie Gérard (HOR). Vous occupez les fonctions de direction de la Caisse des dépôts depuis 2024 et avez tout le soutien du groupe Horizons et indépendants.
La Caisse des dépôts est une institution financière publique qui intervient dans une multitude de secteurs, avec pour mission principale le financement de la construction du logement social et le soutien des grandes politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales.
Vous jouez donc un rôle clé dans le développement économique de notre pays. Ce dernier a pris ces dernières années un tournant nouveau avec le retour des conflits armés aux portes de l’Europe, ce qui nécessite que l’État renforce son industrie de défense.
Le ministre de l’économie a annoncé, en mars dernier, que la Caisse des dépôts aurait un rôle à jouer dans le financement de l’industrie de défense, notamment par un effort conjoint avec BPIFrance de près de 1,7 milliard d’euros. De quelle manière la Caisse agira‑t‑elle concrètement pour soutenir notre industrie de défense, et comment cette participation sera‑t‑elle pérennisée ?
M. Olivier Sichel. Nous sommes aujourd’hui engagés à hauteur de 50 milliards dans l’industrie de défense, essentiellement avec le financement de l’Assurance Export par BPIFrance et le refinancement du contrat export à travers la Sfil : lorsqu’une entreprise exporte, elle est financée par les banques, qui ne gardent pas ces créances et les mettent sur leur bilan.
Nous avons aussi investi dans la base industrielle et technologique de défense. Je ne parle pas des grands donneurs d’ordre, comme Thales ou Airbus, souvent soutenus directement par l’APE, mais des sous-traitants. En l’espèce, BPIFrance montera deux fonds. Le premier regroupera la délégation générale à l’armement, MBDA et Allianz. La Caisse des dépôts y participera, pour investir en fonds propres dans ces entreprises. Le second, un fonds de détail, sera ouvert aux particuliers. Les Français pourront y souscrire pour soutenir en fonds propres les entreprises de défense.
M. Michel Castellani (LIOT). Je voudrais en savoir plus sur l’articulation de l’action de la Caisse des dépôts avec celle des collectivités territoriales. Privilégiez‑vous une action coordonnée dans les territoires de France ou agissez‑vous de façon autonome ? Je pose la question, car la collectivité de Corse a créé sa propre société financière, la Cadec, dont la Caisse des dépôts est actionnaire à 20 %. Quelles relations entretenez-vous dans les territoires avec les différentes collectivités qui les animent ?
M. Olivier Sichel. Nous agissons en parfaite coordination. C’est pourquoi nous sommes actionnaires de sociétés comme la Cadec. Je me souviens des échanges que nous avons eus avec le maire de Bastia, Pierre Savelli, sur les différents aménagements réalisés lorsque nous avions monté avec lui le programme Cœur de ville.
Nous articulons notre action avec celle des acteurs locaux. C’est pour cela que nous voulons le plus souvent être actionnaire, ce qui n’exclut pas le fait d’investir à plusieurs endroits. Ainsi, si un projet est soutenu par la Cadec, nous le soutiendrons par le biais de la Cadec mais aussi en direct.
Le directeur régional, chef d’orchestre de l’ensemble, peut décider des prêts jusqu’à 40 millions d’euros ; le directeur territorial, juste en dessous, jusqu’à 10 millions. Cela leur donne une capacité importante pour accompagner le territoire et prendre des décisions en proximité.
M. Nicolas Sansu (GDR). Si les parlementaires confirment aujourd’hui votre nomination au poste de directeur général de la Caisse des dépôts, vous gérerez un patrimoine sept fois supérieur à celui de Bernard Arnault ! La Caisse a une telle surface financière que tous voudraient pouvoir piocher dans l’épargne réglementée, qui pour financer les industries de défense, ce qui est tout de même contestable, qui pour l’industrie nucléaire, qui pour les Ehpad.
Votre cœur de cible, ce sont les territoires. Beaucoup de choses ont été faites en termes d’ingénierie pour les accompagner, mais je répète au gouvernement, à la Caisse et aux agences que nous avons un problème de pluriannualité et d’investissement direct par la CDC. En effet, une fois l’ingénierie réalisée, les projets n’arrivent pas forcément à trouver des financements pour se concrétiser, que ce soit pour Action cœur de ville, Petites Villes de demain ou Villages d’avenir.
Il en va de même pour l’économie mixte : il faut des mécanismes qui permettent de supporter des déficits fonciers pour reconquérir toutes les friches qui existent dans notre pays.
Enfin, les Ehpad publics, notamment associatifs, à but non lucratif, sont en très grande difficulté. N’est‑il pas temps que la Caisse porte le projet d’un pôle public, d’un service public des Ehpad ? Sans cela, les personnes âgées et dépendantes risquent d’être en grande difficulté.
M. Olivier Sichel. Vous avez raison d’insister sur la pluriannualité. L’action locale a besoin d’un cadre stable et j’attache beaucoup d’importance à ce que la Caisse des dépôts et la Banque des territoires donnent de la visibilité. La Caisse des dépôts prend donc des engagements pluriannuels, comme pour le programme Action cœur de ville, le plan « eau », le plan « écoles » ou le plan « logement étudiant ». C’est essentiel pour les maires et les exécutifs régionaux et départementaux. Lorsque notre action s’articule avec celle de l’État, nous en revenons malheureusement au principe d’annualité budgétaire, mais le principe de continuité et de visibilité est cependant très fort.
Votre question touche à l’essence de la Caisse des dépôts, et à ce qui fonde son succès : sa capacité à prendre des engagements de long terme, par des prêts à quarante ou quatre‑vingt ans, par des durées importantes de détention du capital et par les relations entretenues sur le terrain avec les élus.
Concernant la question d’un pôle public d’Ehpad, nous avons essayé d’aller en ce sens dans le secteur associatif en rapprochant Arpavie du groupe SOS Seniors. Nous n’avons pas voulu démanteler la partie privée, car nous trouvions que le groupe Orpea avait une taille critique.
L’idée d’un grand pôle d’Ehpad public est à l’étude. Compte tenu du fait que la plupart des Ehpad publics sont liés aux collectivités locales, il faut réfléchir au lien à établir entre ces établissements. Après tout, la chose n’est pas impossible : on l’a fait pour les bailleurs sociaux et il existe maintenant des bailleurs nationaux et d’autres qui sont ancrés dans les territoires.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Vous avez peu abordé la question de l’implication de la Caisse des dépôts dans l’économie, notamment par le biais de la BPI. Pouvez‑vous faire un point sur l’ensemble des encours dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA), dont la BPI est l’un des principaux opérateurs ? À la fin d’un programme, comment évaluez‑vous l’efficacité de l’euro apporté, que ce soit en fonds propres ou autres ? Comment mesurez‑vous l’effet du PIA sur un secteur d’investissement, quel qu’il soit ?
M. Olivier Sichel. Vous me posez une colle ! La BPI est détenue à 50 % par la Caisse et à 50 % par l’État et le PIA ressort à 100 % de l’État : il transite par la BPI. J’essaierai de trouver des informations, mais je ne les ai pas sous la main.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les fonds de la CDC suscitent beaucoup d’appétits, par exemple pour financer le nucléaire – j’ai déposé au nom des écologistes une proposition de loi visant à interdire le financement du nucléaire par le recours à l’épargne réglementée du livret A : si le pouvoir politique vous posait un jour la question, sachez que les écologistes s’y opposeront fermement. Ils sont convoités aussi pour financer l’industrie de la défense, comme l’évoque le ministre Lecornu, ou encore les retraites, ce à quoi nous serions plus favorables.
Vous avez répondu que le pouvoir politique fera des choix. Tel est en effet le cas. Vous avez aussi évoqué 200 milliards qui pourraient servir à financer le nucléaire. Quels sont les fonds qui n’iraient pas au nucléaire ? Qu’est‑ce qui serait sacrifié si l’on devait financer le nucléaire avec les fonds de la CDC ? Il faut assumer ses choix.
M. Olivier Sichel. C’est la partie investissement du fonds d’épargne dans l’économie qui serait sacrifiée, pas la partie prêt.
Le fonds d’épargne s’élève à 400 milliards. Il n’investit pas dans les industries de défense, rôle dévolu à la BPI ou à la section générale de la Caisse. Sur les 200 milliards prêtés, 180 milliards vont au logement social et 20 milliards aux projets des collectivités territoriales. Les 200 autres milliards sont placés en allocation d’actifs, de façon à garantir la liquidité : des obligations du Trésor, des obligations indexées, des actions du CAC40. C’est cela qui serait réduit si nous devions financer le nouveau nucléaire français.
Techniquement, cela ne compromettrait donc ni la liquidité, ni la sécurité. Il n’y aurait pas d’effet d’éviction sur le logement social. Il s’agit d’un choix politique, qui n’appartient pas au directeur général de la Caisse.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je profite que la question des Ehpad ait été abordée pour vous remercier publiquement d’avoir débloqué l’emprunt pour la reconstruction de l’Ehpad public hospitalier de Riom. Ce dossier me tient à cœur dure depuis des années et nous parvenons enfin au but. Oui, les Ehpad hospitaliers sont dans un état souvent déplorable, notamment s’agissant du bâti.
Je veux vous interroger sur un point qui n’a pas été évoqué, les comptes et les contrats en déshérence visés par la loi Eckert. Depuis la création du dispositif, 9 milliards d’euros, venant de 13 millions de comptes ou de contrats, ont été transférés à la Caisse. Comment organisez‑vous la recherche des ayants droit, le faites-vous en interne, en externe ? Le site Ciclade fonctionne bien, si j’en crois le nombre de connexions. Avez‑vous prévu une chaîne particulière pour les montants importants ? Combien des 12 ou 13 millions de comptes et contrats ont-ils été traités ?
Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de votre nomination.
M. Olivier Sichel. Le site Ciclade fonctionne en effet très bien. Il bénéficie d’un effet de pointe, parce que deux ou trois fois par an, au journal télévisé de TF1, Gilles Bouleau a la bonne idée de dire « vous avez peut‑être 5 000 euros qui traînent à la Caisse des dépôts, regardez le site Ciclade.fr ». Les connexions sont alors multipliées par cent, mille ou deux mille. Le pic est tel que les équipes informatiques prennent un peu peur, mais le système tient. L’essentiel des recherches se fait donc par le site internet, dont j’ai veillé à ce qu’il soit très ergonomique.
Nous avons franchi le cap symbolique du milliard restitué aux ayants droit. Le montant moyen est de 701 euros. Nous procédons de la façon suivante : la première recherche, qui a vocation à être réalisée le plus rapidement possible, se fait uniquement par le site internet. La restitution est automatique en dessous d’un certain seuil, il n’est pas nécessaire de nous appeler, il suffit de télécharger les documents. Au‑dessus de ce seuil, un service client aide à débloquer la somme.
Ce dispositif, dû à la loi Eckert, est remarquable. Tous les avoirs en déshérence sont centralisés à la Caisse des dépôts, sans être intégrés au fonds d’épargne. Ils sont mis au service des territoires et de l’économie, avant une éventuelle restitution. Au bout de trente ans, ils sont reversés au budget de l’État.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Nous fêtons cette année le bicentenaire de la rançon dite de l’indépendance, payée par Haïti. L’Assemblée nationale se prononcera peut‑être demain, pour la première fois, sur une résolution prévoyant son remboursement, déposée à l’initiative du groupe GDR.
La Caisse des dépôts est directement impliquée dans cette histoire : en 1825, lorsque Haïti a été contrainte de payer 150 millions de francs‑or à la France monarchique en échange de son indépendance, elle a non seulement dû verser au fur et à mesure ces sommes à la Caisse des dépôts, mais elle a dû lui emprunter de l’argent, à elle et à d’autres, pour les financer.
Que pensez‑vous de cette proposition de remboursement, dont on parle beaucoup aujourd’hui ? Selon Thomas Piketty et d’autres économistes, la somme actualisée représenterait jusqu’à 30 milliards d’euros, entre la dette initiale, les intérêts imposés par les banques françaises et la perte de développement induite pour Haïti. Que pensez‑vous de ces réparations et de ce remboursement ? Êtes‑vous prêt à rendre publics tous les documents de la Caisse des dépôts sur ce sujet ?
M. Olivier Sichel. Nous sommes bien évidemment d’accord pour rendre publics tous ces documents, ce que nous faisons. On voit bien à travers cet épisode qu’au cours des deux derniers siècles, la Caisse des dépôts a été le bras armé de l’État et s’est associée à toutes ses politiques, les meilleures comme les pires.
La Caisse des dépôts dispose aussi d’un fonds documentaire sur la saisie des biens juifs durant l’Occupation. Cela fait partie de notre histoire et nous devons assumer un devoir de mémoire, et donc de transparence. Notre service d’archives est bien fait et nous en ouvrirons l’accès.
Il faut ensuite voir si des conséquences financières concernent l’État français, dont la Caisse des dépôts a été le bras armé.
M. le président Éric Coquerel. Merci monsieur Sichel. Nous allons maintenant procéder au vote hors de votre présence.
Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du règlement, sur cette proposition de nomination.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 4 juin 2025 à 9 heures
Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Laurent Baumel, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. Christian Girard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Tristan Lahais, Mme Christine Le Nabour, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, M. Nicolas Metzdorf, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Maud Petit, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, Mme Véronique Riotton, M. Charles Rodwell, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Marianne Maximi
Assistait également à la réunion. - Mme Gabrielle Cathala