Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur les moyens consacrés à l’adaptation au changement climatique de M. Tristan Lahais et Mme Eva Sas, rapporteurs spéciaux de la mission Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité               2

  Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur l’impact budgétaire et l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 de M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial de la mission Sport, jeunesse et vie associative              14

  Présence en réunion................................27


Mercredi
2 juillet 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 135

session extraordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La Commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur les moyens consacrés à l’adaptation au changement climatique de M. Tristan Lahais et Mme Eva Sas, rapporteurs spéciaux de la mission Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables ; Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires.

M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle l’examen de deux thèmes d’évaluation retenus par les rapporteurs spéciaux dans le cadre du Printemps de l’évaluation. Nous commençons par le rapport sur les moyens dédiés à l’adaptation au changement climatique de M. Tristan Lahais et Mme Eva Sas, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables pour les programme 113 Paysages, eau et biodiversité, 159 Expertise, information géographique et météorologie, 181 Prévention des risques, 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables et 380 Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires.

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale de la mission Écologie, développement et mobilité durables : paysage, eau et biodiversité ; prévention des risques ; expertise, information géographique et météorologie ; conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables ; fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires.

Permettez-moi d’abord d’excuser M. Tristan Lahais, qui ne peut être présent ce jour pour des raisons personnelles.

39 °C hier à Paris, 37 °C à Lyon, 39 °C à Brive, 40 °C dans la Drôme : le dérèglement climatique est déjà là. Au rythme actuel des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’objectif de l’accord de Paris sera manqué d’ici trois ans. C’est ce que démontre un récent travail collectif de chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de Météo-France. La France participe à ce recul climatique avec une baisse de ses émissions de seulement 1,8 % en 2024, bien inférieure aux 5 % nécessaires.

Les effets dévastateurs de ce grand bouleversement du climat, nous les subissons déjà. Les épisodes caniculaires se multiplient, la mer Méditerranée devient une mer tropicale, dont la température dépasse 26 °C. Alors que nous subissons une vague de chaleur actuelle, la Savoie connaît des inondations d’une violence inédite depuis soixante-dix ans. N’oublions pas qu’il y a à peine trois mois, la Corrèze, le Puy-de-Dôme, la Côte-d’Or et d’autres territoires se trouvaient sous les eaux. N’oublions pas non plus les Outre-mer, qui ont payé un lourd tribut avec le cyclone Chido, qui a complètement rasé Mayotte en décembre, suivi de près par le cyclone Garance à la Réunion – autant d’épisodes dévastateurs qui ont laissé des familles endeuillées et désemparées.

Le coût de ces catastrophes est d’abord humain, mais il est également matériel. Selon France Assureurs, le coût moyen des sinistres climatiques en France est passé de 1,5 milliard d’euros en 1990 à 5 milliards d’euros en 2024. Le pire reste à venir, car si en France métropolitaine le réchauffement atteint déjà 1,7 degré par rapport à l’ère préindustrielle, il s’aggravera au rythme du réchauffement mondial qui devrait atteindre 3,2 degrés en 2100.

Face à cette situation, que fait l’État ? Rien, ou presque. Le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure des conséquences du dérèglement climatique et laisse les Français vulnérables face aux événements extrêmes. Il a certes présenté en mars, à grand renfort de communication, un plan national d’adaptation au changement climatique, le Pnacc 3, mais il n’y consacre aucun moyen supplémentaire. C’est d’ailleurs le premier enseignement de notre rapport : la mise en œuvre du plan d’adaptation n’est pas chiffrée. Elle s’effectue à moyens constants, ce qui signifie concrètement que l’on retire des ressources à l’atténuation du changement climatique pour les affecter à l’adaptation au changement climatique. Ce redéploiement demeure très insuffisant par rapport aux besoins réels.

L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) évalue à 2,3 milliards d’euros supplémentaires par an, pour l’État et les collectivités territoriales, le coût de dix-huit mesures d’adaptation prioritaires. Celles-ci comprennent la protection de la ressource en eau, la lutte contre l’effet d’îlots de chaleur urbains, l’accompagnement de la recomposition des territoires littoraux face à la montée du niveau de la mer, ou encore la diversification des économies de montagne.

Cette évaluation d’I4CE est loin d’être exhaustive et ne couvre pas les cinquante-deux mesures du Pnacc 3. Dans son rapport sur le coût de l’adaptation publié en 2024, ce think tank démontre, comme la Cour des comptes, qu’il n’existe pas actuellement de réponse unique sur le coût de l’adaptation au changement climatique pour la France, notamment parce qu’une décision politique doit déterminer le niveau de risque acceptable et parce que nombre d’études n’ont pas encore été réalisées. Néanmoins, les cinquante-deux mesures du Pnacc 3 auraient pu faire l’objet d’un premier chiffrage budgétaire et d’une programmation pluriannuelle, ce qui n’a pas été le cas.

Deuxième constat, le plan d’adaptation repose principalement sur le redéploiement de fonds existants, notamment le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, et le Fonds vert, eux-mêmes très fragilisés. Les autorisations d’engagement du Fonds vert ont été réduites de 2,5 milliards dans la loi de finances initiale pour 2024 à 1,15 milliard d’euros dans la loi de finances initiale pour 2025, avec une coupe budgétaire supplémentaire de 63 millions d’euros. Financé par ce fonds, le soutien aux collectivités territoriales pour la rénovation du bâti scolaire, annoncé à 500 millions d’euros, n’a été engagé en réalité que pour 312 millions d’euros en 2024.

Quant au fonds Barnier, qui accompagne les collectivités dans la prévention des risques, notamment pour les travaux limitant les conséquences des inondations, il a certes été porté à 300 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2025, mais l’État encaisse en réalité 450 millions d’euros au titre de la surprime catastrophes naturelles, dite surprime « Cat nat », prélevée sur les contrats d’assurance et normalement dédiée à la prévention des risques. Autrement dit, sur ce prélèvement Cat nat, que nous payons tous sur nos contrats d’assurance, et qui a fortement augmenté, l’État récupère 150 millions d’euros au détriment du financement des travaux essentiels de prévention des risques qui doivent protéger les Français.

Troisième constat, les opérateurs indispensables à l’adaptation au changement climatique ont subi de lourdes baisses d’effectifs ces dernières années, et se trouvent très fragilisés. À titre d’exemple, des organismes comme Météo-France ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), en dépit de leur importance capitale en termes d’expertise et de mise en œuvre des mesures d’adaptation, ont perdu respectivement 19 % et 18 % de leurs effectifs en dix ans, avec 611 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en moins à Météo-France et 571 au Cerema. Cette situation restreint leur capacité à développer des moyens d’anticipation des événements violents pour Météo-France ou, par exemple, des techniques d’adaptation pour empêcher les maisons de se fissurer par le retrait-gonflement des argiles, comme l’expérimente le Cerema.

L’Agence de la transition écologique (Ademe), que certains voulaient supprimer lors de l’examen du projet de loi dit de simplification, se mobilise fortement pour adapter le système agricole français au changement climatique. Mais ses réalisations ne reposent que sur 14 équivalents temps plein (ETP), soit 5 en direction régionale et 9 au siège. Le principal obstacle à l’adaptation des collectivités demeure la disponibilité et la pérennisation de chargés de mission sur ces sujets, une lacune que l’Ademe ne saurait combler alors qu’au 1er janvier 2025, sa trésorerie sera quasi nulle en raison des annulations en cours d’année ayant amputé sa subvention pour charges de service public de 50 millions d’euros.

En définitive, seules 130 collectivités bénéficient d’un suivi par la mission Adaptation coordonnée conjointement par l’Ademe et le Cerema, pourtant annoncée en grande pompe lors du dernier salon des maires. Ce chiffre reste très faible au regard des 1 255 intercommunalités que compte la France. Cette situation limite considérablement la capacité des opérateurs à accompagner efficacement les collectivités territoriales dans leurs efforts d’adaptation. Or, leur besoin en ingénierie est important et leur rôle s’avère déterminant dans la politique d’adaptation au changement climatique.

Enfin, presque rien n’a été entrepris pour mieux prévenir et couvrir les risques liés au retrait-gonflement des argiles (RGA) et au recul du trait de côte, dont les conséquences seront pourtant majeures. Le changement climatique accentue en effet les variations en eau des sols, ce qui provoque des gonflements et des rétractations des sols argileux. De ce fait, plus de dix millions de maisons individuelles sont jugées très exposées aux risques de fissuration.

Trois communes sur quatre recensent plus de 50 % de maisons exposées au risque de sécheresse, à tel point que celui-ci constitue désormais la deuxième cause d’indemnisation, en volume, après les inondations. La création d’un fonds dédié à la sécheresse s’avère par conséquent indispensable pour mener des actions de prévention efficaces. C’est précisément ce que nous avions proposé avec les 150 millions d’euros provenant de la surprime Cat nat, générés par son augmentation prévue au 1er janvier 2025.

Par ailleurs, dans son rapport d’études de 2024, le Cerema estime qu’à l’horizon 2050, ce sont 5 208 logements, représentant 1,1 milliard d’euros, qui pourraient être affectés par l’érosion côtière. À l’horizon 2100, le nombre de logements potentiellement concernés atteindrait 450 000, représentant 86 milliards d’euros. Pourtant, les mesures préconisées par le Comité national du trait de côte (CNTC) ne figurent même pas dans le Pnacc 3. Nous proposons au contraire de suivre les recommandations du CNTC, notamment la mise en place d’un fonds de prévention spécifiquement dédié aux risques littoraux – érosion, submersion et élévation du niveau marin – en complément des dispositifs existants.

En réalité, les moyens que consacre l’État à l’adaptation au changement climatique demeurent quasiment inexistants, hormis les 260 millions d’euros du Fonds vert prélevés sur les budgets dédiés à l’atténuation du changement climatique. Les collectivités accomplissent un travail considérable, mais elles ne pourront faire face seules aux enjeux colossaux en matière d’isolation des bâtiments, de réseaux de froid, de prévention du RGA ou de recomposition des territoires face au recul du trait de côte.

Nous avons donc formulé douze recommandations, dont la plus importante consiste à établir une programmation pluriannuelle des moyens dédiés à l’adaptation au changement climatique, qui constituerait un volet budgétaire du Pnacc 3. Notre responsabilité collective nous impose d’agir sans délai pour mener concrètement les travaux d’adaptation nécessaires à la protection des Français.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie, madame la rapporteure spéciale, pour ce travail que je qualifie d’important, car il traite des budgets nécessaires à l’anticipation des effets du dérèglement climatique.

Les estimations de l’effort budgétaire nécessaire de l’État ne cessent d’augmenter, depuis les 37 milliards d’euros identifiés dans le rapport rédigé par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz il y a deux ans, jusqu’aux 50 milliards d’euros évoqués par I4CE l’an dernier. Ces montants ne font qu’augmenter, et pourtant ces investissements ne sont pas mis à l’ordre du jour. Or, de manière logique, quand le budget consacré à l’anticipation n’est pas au rendezvous, celui des réparations et de l’adaptation au changement climatique s’accroît mécaniquement, puisque le climat se dérègle de plus en plus. Aussi votre approche est particulièrement éclairante, madame la rapporteure spéciale, car votre rapport démontre que l’inaction climatique coûte chaque année davantage.

Ma première question concerne le financement de l’adaptation au dérèglement climatique. Votre rapport souligne avec justesse que le Fonds vert constitue l’un des instruments principaux de mise en œuvre du Pnacc 3, puisqu’il est censé permettre l’application de dixsept mesures. Pourtant, il a été amputé de 1,4 milliard d’euros d’autorisations d’engagement, soit une baisse de 57,3 % de ses moyens depuis 2024, en tenant compte des dernières coupes budgétaires par décret ainsi que de l’inflation.

Selon I4CE, ces dépenses devraient être multipliées par deux ou trois si la France envisageait sérieusement de tenir ses objectifs climatiques. Au lieu de cela, le Gouvernement actuel réduit de près de 60 % les moyens alloués. Pendant ce temps, nous apprenons que la canicule en cours coûterait 9 milliards d’euros à la France. Disposez-vous d’estimations chiffrées concernant le coût des renoncements et des reculs gouvernementaux année après année ?

Selon le rapport de la Caisse centrale de réassurance (CCR), l’augmentation du montant annuel moyen des dommages dus au RGA serait comprise entre 44 et 162 % à l’horizon 2055. Pour être plus explicite, il s’agit du coût des sécheresses en raison de leur impact sur les sols. Selon ce même rapport, ces coûts pourraient être multipliés par trois dans les scénarios les plus pessimistes. Vous vous inquiétez dans votre travail du retard dans la mise en œuvre d’un fonds de prévention spécifique. Comment expliquez-vous cette inaction ?

Enfin, vous recommandez la mise en place d’un fonds d’adaptation du littoral en distinguant trois risques : l’érosion du trait de côte, la submersion marine et l’élévation du niveau de la mer. Avez-vous pu chiffrer les besoins budgétaires d’un tel fonds ? Êtes-vous en mesure d’isoler les besoins financiers pour chacun de ces trois risques ?

Je tiens à souligner un chiffre particulièrement éclairant de votre rapport. Nous évoquons souvent l’horizon 2050 sans regarder au-delà, mais comme vous le rappelez, avec le Cerema, l’érosion côtière – qui n’est qu’un risque littoral parmi d’autres – concernerait 5 000 personnes en 2050 et 450 000 personnes en 2100. Le changement d’échelle est colossal : entre 2050 et 2100, les coûts passeraient de 1 à 86 milliards d’euros.

Pour conclure, j’ajouterai que tous ces enjeux dépassent largement nos frontières. Le dérèglement climatique est un phénomène mondial et frappe plus violemment les pays les plus pauvres, qui n’y ont pourtant que marginalement contribué. La question de la solidarité internationale s’avère donc cruciale, d’autant plus dans un contexte où l’aide publique au développement française a subi une coupe de 2,5 milliards d’euros, soit 42 % de ses moyens par rapport à 2024, avec des conséquences évidentes sur les populations côtières vulnérables.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dans son rapport sur l’adaptation de 2022, conclut que les villes et zones côtières constituent une vitrine en matière de planification écologique et que 1 milliard de personnes vivront sur le littoral en 2050. Si nous devons adapter la France, nous devons également donner les moyens de s’adapter à ceux qui en sont dépourvus, sans même mentionner les conséquences en termes de réfugiés climatiques et d’effets sur le climat global qui, par nature, ignore les frontières.

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale. Il n’existe pas à ce jour d’estimation globale des coûts à venir de l’adaptation au changement climatique, et ce pour deux raisons principales. D’une part, un tel exercice supposerait de définir clairement un niveau de risque acceptable, ce qui relève de choix politiques qui n’ont pas encore été effectués.

D’autre part, même les études nécessaires à l’établissement de ces chiffrages n’ont pas encore été lancées, bien que certaines soient prévues dans le Pnacc 3. Les seules données disponibles concernent les mesures prioritaires, chiffrées par I4CE à 2,3 milliards d’euros. Nous disposons également d’estimations sectorielles, comme la rénovation thermique des écoles qui nécessiterait à elle seule 50 milliards d’euros étalés sur plusieurs années.

Quant au fonds spécifique pour la sécheresse, nous avions recommandé d’y affecter 150 millions d’euros, ce qui constitue une première étape. France Assureurs a également préconisé l’allocation de 150 millions d’euros à la prévention des risques liés à la sécheresse, notamment le RGA, en s’appuyant sur le raisonnement suivant : l’augmentation de la surprime Cat nat au 1er janvier 2025, passant de 12 à 20 %, génère des ressources supplémentaires. La part destinée à la prévention des risques et versée à l’État, soit 12 %, représente 450 millions d’euros pour 2025. Il conviendrait que ces 150 millions supplémentaires, au-delà des 300 millions déjà affectés principalement aux inondations, soient consacrés à la prévention du risque sécheresse. Je déplore vivement que cette opération n’ait pas été effectuée, et que ces fonds ont été dirigés vers la réduction des déficits publics. On pourra toujours prétendre que ces fonds sont affectés au budget général, mais dans les faits, ils n’auront servi qu’à réduire le déficit de l’État. En d’autres termes, nous constatons un véritable détournement de l’objet initial de la surprime.

Les coûts afférents au trait de côte n’ont pas été évalués par le CNTC, là encore pour des questions d’arbitrage. Un tel chiffrage supposerait en effet de statuer sur le niveau d’indemnisation des propriétés qui devront être déplacées ou démolies, ce qui modifierait considérablement les estimations financières. Nous savons que des opérations comme celle de la démolition de l’immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer en Gironde, qui a coûté environ 7 millions d’euros, ne peuvent absolument pas être reproduites à l’échelle nationale. Cette opération s’est déroulée dans des conditions d’urgence avec un montage financier qui ne peut servir de modèle pour d’autres interventions.

La recomposition des territoires représente un enjeu financier majeur, extrêmement coûteux, qui n’a même pas fait l’objet d’une estimation chiffrée. Nous ne disposons pas du moindre début de financement, alors même que le CNTC propose depuis plusieurs années des modalités de financement sans être entendu. À ce sujet, je tiens à souligner le travail remarquable de notre collègue Sophie Panonacle qui, malheureusement, ne reçoit pas suffisamment d’attention de la part du Gouvernement.

M. le président Éric Coquerel. Je souhaitais ajouter une précision concernant l’adaptation au changement climatique. J’ai consulté hier une recommandation officielle de Santé publique France sur la canicule, dans laquelle il est suggéré, à condition de disposer des moyens financiers le permettant, de louer pendant quelques jours un logement mieux isolé de la chaleur. Or il est évident que les personnes disposant de moyens financiers suffisants ne sont précisément pas celles qui vivent sous les toits ou dans une passoire thermique. Cette recommandation m’a semblé révélatrice des lacunes de notre politique d’adaptation, et sa complète déconnexion.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Madame la rapporteure spéciale, vous soulevez un premier problème concernant l’absence de programmation pluriannuelle. Ne devrions-nous pas créer un budget pluriannuel spécifiquement dédié à l’adaptation au changement climatique afin d’améliorer la coordination et la transparence de ces actions ?

Ma deuxième question concerne les collectivités territoriales, qui interviennent significativement dans le domaine de l’adaptation au changement climatique. Ne faudrait-il pas renforcer leurs moyens en matière d’ingénierie climatique et établir un système national de suivi-évaluation des plans locaux, comme vous le suggérez dans votre rapport ?

Ma troisième question porte sur le fonds Barnier : face à l’augmentation des risques climatiques, est-il nécessaire de réviser le financement de ce fonds et d’élargir son périmètre d’intervention pour inclure davantage de mesures d’adaptation préventives ?

Vous avez indiqué dans votre présentation que la non-affectation de l’intégralité des 450 millions d’euros de la surprime Cat nat au fonds Barnier correspond à une forme de détournement, d’absence de respect de l’intention du législateur. Vous êtes-vous assurée que le mécanisme d’affectation n’est pas conforme au texte législatif que nous avions adopté ? Par ailleurs, vous semble-t-il approprié de continuer à augmenter la surprime Cat nat ?

J’aimerais également vous interroger sur l’élévation du niveau des mers et ses conséquences sur les littoraux. Certaines côtes, particulièrement abruptes, ne subiront pas de conséquences majeures, mais d’autres, plus plates, pourraient voir les effets se propager profondément dans les terres. Vous préconisez dans votre rapport de mettre en place un fonds d’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte. Mais ne devrions-nous pas également responsabiliser les propriétaires et occupants de ces zones littorales ?

En vous posant cette question, je pense au cas de l’immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer, que vous avez évoqué. Le trait de côte recule d’un mètre à un mètre cinquante par an selon les périodes, et un bâtiment a pourtant été construit. On peut dès lors s’interroger sur la délivrance d’un permis de construire dans ces conditions.

Si l’État s’engage à indemniser tous ceux qui ont construit dans des espaces susceptibles d’être submergés dans les trente ou quarante prochaines années, comme nous l’avons fait à Soulac-sur-Mer, nous créons un précédent problématique. Les plans d’urbanisme relèvent d’une responsabilité locale. L’an dernier, en Charente-Maritime, on m’a présenté les digues construites ou surélevées à la suite de la catastrophe, représentant un investissement de 300 millions d’euros. Cette démarche est-elle véritablement raisonnable ? Faut-il s’obstiner à dépenser des centaines de millions d’euros sans s’interroger sur l’opportunité de construire dans des zones à risques ?

Ma dernière question concerne le RGA : comment envisagez-vous le financement du fonds en faveur de la prévention des risques dont vous préconisez la mise en œuvre dans votre rapport ? Là encore, ne devrions-nous pas concevoir un mécanisme qui responsabilise davantage les acteurs ? Ces fonds, alimentés par le budget général, favorisent-ils réellement la responsabilisation ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale. Je considère que la programmation pluriannuelle de l’adaptation au changement climatique relève d’une absolue nécessité. Mais la question porte sur la capacité de la France à mobiliser des fonds et à augmenter progressivement cet investissement, alors que les besoins s’intensifieront fatalement avec le temps. De nombreuses mesures figurant dans le Pnacc 3 comportent la mention « budget à définir », ce qui traduit un véritable manque de sérieux. Le Gouvernement doit impérativement réaliser, au minimum, un chiffrage précis du Pnacc 3 et planifier sa montée en puissance année après année.

Je partage votre point de vue, monsieur le rapporteur général, sur la question de l’ingénierie territoriale. Toutes les collectivités nous ont alertés sur le manque de moyens humains, concrètement de chefs de projets capables de mettre en œuvre les initiatives dans les territoires. Aujourd’hui, les petites intercommunalités ne disposent absolument pas des ressources nécessaires pour employer un chef de projet dédié à l’adaptation. La réponse de l’État se limite à la mission Adaptation, mais celle-ci est dotée de très peu de moyens. On compte seulement deux coordinateurs par région, issus du Cerema et de l’Ademe, qui répartissent ensuite les tâches entre les différents opérateurs de l’État. L’enseignement principal de notre rapport est qu’il sera impossible de mener une politique sérieuse à moyens constants, et l’ingénierie territoriale constitue précisément l’un des domaines nécessitant un renforcement significatif.

La création du fonds territorial climat, destiné au financement de l’ingénierie territoriale, a également été votée, mais, une fois de plus, ses moyens sont prélevés sur le Fonds vert. En d’autres termes, nous continuons à détourner les moyens de l’atténuation vers l’adaptation. La mise en œuvre de ce fonds demeure très insuffisante et ne répond nullement au besoin d’ingénierie territoriale exprimé par toutes les collectivités.

La surprime Cat nat a été augmentée, non pas tant pour développer la prévention des risques que pour faire face aux indemnisations croissantes. Comme vous le savez, 12 % de cette surprime sont destinés à l’État pour financer la prévention, mais il s’agit véritablement d’un détournement depuis la budgétisation de 2021. Auparavant, cette part alimentait directement le fonds Barnier. L’État a décidé d’intégrer ces ressources au budget général, et ainsi de capter une partie des fonds initialement affectés à la prévention des risques. Nous exigeons que la ligne budgétaire de la prévention des risques représente au minimum 12 % de la surprime Cat nat.

Je vous rejoins également à propos du recul du trait de côte et de la question de la responsabilisation. C’est précisément pourquoi j’ai affirmé que l’épisode du Signal ne saurait constituer un précédent. Mon co-rapporteur et moi-même constatons que de nombreuses propriétés en bord de mer, menacées par l’érosion côtière, sont aujourd’hui vendues à des prix très élevés. Il est donc inenvisageable d’indemniser intégralement ces propriétaires.

La première étape de cette responsabilisation se rapporte à l’information sur les risques. Outre Géorisques, Météo-France et le Cerema mènent un travail approfondi sur la granularité et la précision des informations relatives aux risques climatiques, avec pour objectif que chaque acquisition immobilière soit réalisée en pleine connaissance des risques encourus. La seconde étape concerne l’assurabilité et l’information préalable, qui sont tout aussi importantes. Il convient de se donner pour objectif d’intégrer ces informations non pas uniquement lors de la vente, mais dès la mise en annonce de la vente d’un bien immobilier.

Vous soulignez avec raison le coût exorbitant des réparations liées au RGA. Le Cerema développe actuellement des techniques moins onéreuses, qui permettent notamment d’infiltrer l’eau autour des habitations pour prévenir les fissures. Il s’agit véritablement de prévention. Les réparations sont extrêmement coûteuses lorsque les fissures apparaissent, mais puisque nous disposons de techniques relativement économiques, il importe d’agir et d’investir immédiatement.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Anthony Boulogne (RN). L’adaptation au changement climatique est un enjeu fondamental. Notre société doit s’adapter aux conséquences du changement climatique, dont l’une des plus perceptibles reste la multiplication des épisodes de chaleur intense.

À cet égard, madame la rapporteure spéciale, je m’étonne que votre rapport n’aborde à aucun moment la question de la climatisation. Lorsque l’on prétend travailler sur l’adaptation au changement climatique, il paraît pourtant indispensable d’examiner les moyens déployés pour développer des systèmes de rafraîchissement des bâtiments.

L’hostilité des écologistes envers la climatisation n’est pas nouvelle, mais ce dogmatisme engendre des conséquences concrètes. En période de canicule, des milliers d’établissements scolaires se transforment en étuve, certains étant même contraints de fermer leurs portes. Comment justifier auprès des élèves et des enseignants qu’ils doivent endurer des températures dépassant parfois 35 °C en classe ? Comment légitimer que des enfants soient privés d’enseignement à cause de la chaleur ? Plus de 7 400 écoles, regroupant 900 000 élèves, subissent des vagues de forte chaleur excédant quinze jours par an.

Je rappelle que l’empreinte carbone de la climatisation demeure limitée en France, à la faveur de notre mix électrique décarboné, rendu possible par l’énergie nucléaire que les écologistes souhaitent pourtant voir disparaître. Au Rassemblement national, nous refusons catégoriquement de laisser souffrir des enfants, des personnes âgées et vulnérables au nom d’une écologie punitive. S’adapter au changement climatique implique notamment d’équiper en systèmes de climatisation les hôpitaux, les écoles, les maisons de retraite et les transports publics, afin d’offrir le meilleur accueil possible à nos compatriotes sensibles à la chaleur.

Ne pourrions-nous pas envisager, dans le cadre de la programmation budgétaire du Pnacc 3, un financement des modes de climatisation à faible impact environnemental, afin de concilier adaptation aux vagues de chaleur et sobriété énergétique ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale. Les écologistes ne s’opposent pas systématiquement à la climatisation. Ils soulignent simplement qu’elle génère un cercle vicieux : plus nous climatisons, plus nous consommons d’énergie, plus nous émettons des gaz à effet de serre, et plus le réchauffement climatique s’intensifie. La climatisation peut néanmoins s’avérer nécessaire dans certains lieux, et nous serons toujours favorables à son installation dans les Ehpad et les crèches, par exemple.

D’ailleurs, vous l’ignorez peut-être, mais des solutions de climatisation utilisant de l’énergie renouvelable existent. Ici même, à l’Assemblée nationale, nous bénéficions d’un système de climatisation alimenté par un réseau de froid urbain utilisant l’eau de la Seine.

Nous devons également mettre en œuvre diverses mesures d’isolation, parfois très simples comme les toits repeints en blanc, qui optimisent l’albédo en réfléchissant le rayonnement solaire et évitent d’emmagasiner la chaleur. Cette solution s’avère particulièrement pertinente à Paris, où les toits en zinc constituent de véritables réservoirs thermiques. J’ajoute que davantage de souplesse de la part des architectes des bâtiments de France (ABF) sur ces questions nous permettrait de progresser plus rapidement en matière d’adaptation. La même remarque s’applique à l’installation de volets sur certains bâtiments.

Voilà des solutions simples à mettre en œuvre prioritairement, avant de consommer de l’énergie sans discernement à travers un plan de climatisation qui n’a finalement d’autre objectif que celui de perpétuer un système et des pratiques. S’adapter signifie véritablement transformer nos pratiques. À des problèmes multiples, vous proposez une solution unique, le tout nucléaire : voilà une bien triste vision de notre avenir.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Au cours de notre séance matinale, M. Boulogne nous a expliqué qu’il ne fallait rien faire pour l’aérien. Cet après-midi, il veut tout climatiser. À faire l’autruche face au réchauffement climatique, sa formation politique finira par prendre un coup de chaud.

Le dérèglement climatique poussera les compagnies d’assurance à ne plus assurer certains risques, même avec des primes d’assurance très élevées. Nous observons déjà ce phénomène dans de nombreux pays. Plusieurs collectivités locales rencontrent actuellement des difficultés pour s’assurer en raison des dégâts considérables qu’elles subissent, notamment liés à la montée des eaux ou aux RGA. Dans la vallée de la Garonne, de nombreux citoyens sollicitent les mairies pour bénéficier de dispositifs permettant la prise en charge de leurs travaux, dont les coûts peuvent s’avérer extrêmement élevés.

Le haut-commissariat au plan a publié très récemment un rapport sur l’assurabilité des risques climatiques qui propose des pistes particulièrement intéressantes. Ce rapport présente trois scénarios : l’État régulateur du marché de l’assurance, l’État garant des risques climatiques, l’État assureur des risques climatiques, évoluant vers une forme de « sécurité sociale climatique » – ce dernier, le plus ambitieux, semble correspondre à la vision que nous, écologistes, pourrions juger la plus favorable.

Avez-vous abordé au cours de vos auditions, madame la rapporteure spéciale, les sujets assurantiels et les questions budgétaires associées ? Je pense notamment à la prise en compte par les collectivités ou l’État de ce que les assureurs avaient indiqué à notre commission, à savoir qu’ils sont organisés pour assurer le risque conjoncturel et non le risque structurel.

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale. Cette question dépasse quelque peu le cadre de notre rapport, puisque nous nous sommes concentrés sur les moyens de l’État pour l’adaptation au changement climatique.

En matière d’assurance, il existe un mécanisme pour les catastrophes naturelles impliquant la Caisse centrale de réassurance (CCR) et garanti par l’État. Ce système permet une mutualisation des risques au niveau national et prévoit l’intervention de l’État en cas d’indemnisations importantes, garantie qui n’a d’ailleurs été activée qu’une seule fois à ma connaissance. Ce dispositif fonctionne plutôt efficacement.

Nous avons auditionné la CCR et France Assureurs. Selon leurs indications, la revalorisation de la surprime Cat nat au 1er janvier 2025, passant de 12 à 20 %, assurera la stabilité du régime à moyen terme. Dans notre rapport, nous préconisons une revalorisation progressive de cette surprime et la mise en place de mécanismes automatiques de révision pour l’ajuster régulièrement.

À terme, j’estime qu’il conviendra d’envisager un système d’assurance plus étendu, car la surprime Cat nat ne suffira probablement pas face aux enjeux financiers qui nous attendent. Il est évident, par exemple, que les investissements liés au recul du trait de côte ne pourront pas reposer uniquement sur la surprime, qui ne couvre pas tous les risques, et notamment celui-ci qui s’annonce extrêmement coûteux.

Mme Sophie Mette (Dem). Le groupe Les Démocrates partage pleinement l’ambition d’adapter notre pays aux effets du changement climatique, dont nous constatons ces jours-ci le caractère de plus en plus inquiétant.

Je souhaite revenir sur certaines questions relatives aux moyens financiers et humains, particulièrement dans le cadre du Pnacc 3. Madame la rapporteure spéciale, vous évoquez la baisse du Fonds vert, l’insuffisance des crédits nouveaux pour la prévention du RGA, ou encore l’absence de financements spécifiques pour certaines mesures.

Pourtant, plusieurs éléments de votre analyse soulèvent des interrogations. L’efficacité de l’action publique ne se mesure pas uniquement à l’augmentation des crédits budgétaires. Comme vous le relevez, nombre de leviers d’adaptation relèvent de la coordination, de la planification ou du décloisonnement, et peuvent donc être mis en œuvre sans financement additionnel massif. Pourquoi n’avez-vous pas approfondi l’évaluation de ces leviers non financiers ? Sur quels critères objectifs fondez-vous l’affirmation selon laquelle la montée en puissance de l’adaptation serait impossible sans augmentation immédiate des moyens ?

Par ailleurs, vous soulignez le manque de visibilité pluriannuelle et la difficulté à établir précisément les crédits nécessaires pour chaque mesure à moyen et long terme. Mais n’est-ce pas précisément l’objet de la démarche Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc), qui vise une planification évolutive et un pilotage adaptatif en lien avec les besoins réels du territoire ?

Enfin, vous soulignez à juste titre que l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles met sous tension le régime catastrophes naturelles et le fonds Barnier. Vous recommandez alors de restaurer intégralement le lien entre la surprime Cat nat et le financement du fonds Barnier pour garantir un fléchage plus important des ressources vers la prévention. Comment concilier cette proposition avec la nécessité d’assurer la pérennité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles dans un contexte de hausse de la sinistralité ? Cette rigidification de l’affectation des ressources ne risque-t-elle pas de limiter la capacité d’adaptation budgétaire face à la diversité croissante des risques ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale. Vous suggérez qu’il faudrait soit utiliser les moyens existants, soit privilégier des mesures sans impact financier. Mais vous ne pouvez pas ignorer, madame Mette, que des projets de végétalisation, de réaménagement des cours d’eau pour prévenir des inondations, ou d’isolation des bâtiments publics – j’ai évoqué les écoles, mais j’aurais tout aussi pu parler de l’ensemble du patrimoine culturel pour lequel rien n’est entrepris actuellement – sont des projets extrêmement coûteux.

Il est tout à fait illusoire de penser que nous pourrions, sans mobiliser les ressources nécessaires, soutenir efficacement les collectivités qui doivent aujourd’hui faire face à ces défis et protéger les Français. Notre rapport montre clairement qu’il est impossible d’agir à moyens constants ou par une simple coordination des actions existantes.

Actuellement, les collectivités, qui constituent le premier opérateur concret de l’adaptation, rencontrent d’importantes difficultés. Leurs moyens et leviers fiscaux ont été considérablement réduits. Il sera donc impossible de mettre en œuvre réellement le Pnacc 3 puisque, je le rappelle, aucun financement additionnel n’a été annoncé lors de la présentation de ce plan.

Je ne partage pas votre point de vue concernant l’affectation des ressources à la prévention des risques. Nous finançons tous la surprime Cat nat à travers nos contrats d’assurance, avec une double promesse : d’une part, l’indemnisation en cas de catastrophe naturelle, que nous qualifions plutôt de catastrophe climatique, et d’autre part, l’affectation d’une part de cette surprime à la prévention des risques. C’est sur ce fondement que le dispositif a été conçu. Aujourd’hui, l’État détourne ces fonds pour les affecter au budget général.

Vous redoutez une rigidité de l’affectation des ressources, mais permettez-moi de vous rappeler que l’État n’a jamais dépassé les montants qu’il reçoit pour alimenter le fonds Barnier. Si tel était le cas, je reconnaîtrais volontiers qu’il convient de ne pas se limiter aux 12 % de la surprime Cat nat. Malheureusement, la réalité est tout autre.

Il a même été difficile de faire admettre au Gouvernement – je doute même qu’il le reconnaisse pleinement aujourd’hui – qu’il perçoit 450 millions d’euros en 2025 au titre de la prévention des risques. J’ajoute que ce montant atteindra 520 millions d’euros l’année prochaine et je compte sur le soutien du Parlement pour défendre l’affectation intégrale de cette somme à la prévention des risques. Sans quoi, le jour où des inondations surviendront faute de travaux préventifs, nous porterons tous une part de responsabilité au regard des conséquences.

Enfin, puisque vous avez mentionné la Tracc, j’aimerais évoquer le levier que constitue l’opposabilité de la Tracc, c’est-à-dire la prise en compte de la trajectoire de réchauffement climatique dans toutes les normes édictées à partir d’aujourd’hui. Ce principe n’est pas en vigueur actuellement, ce qui démontre le retard considérable de la France en la matière. La réglementation thermique, par exemple, se fonde sur le climat d’hier, alors qu’elle devrait évidemment s’adapter au climat de demain. L’opposabilité de la Tracc constitue donc un levier normatif complémentaire au levier budgétaire, et il convient de s’en emparer.

Mme Félicie Gérard (HOR). Le Pnacc 3 s’appuie sur trajectoire de réchauffement de + 4 °C pour établir un ensemble d’actions concrètes visant à adapter notre territoire aux impacts visibles et attendus du changement climatique, en mettant l’accent sur la dimension territoriale et sur le financement des mesures.

Nous partageons tous la même volonté d’agir pour limiter autant que possible notre empreinte environnementale. Votre rapport, madame la rapporteure spéciale, s’efforce de préparer le pays au dérèglement climatique pour les prochaines années. Vous souhaitez renforcer les moyens en faveur de l’adaptation au changement climatique en les inscrivant dans une programmation pluriannuelle. Lorsque vous préconisez ce renforcement des moyens, plaidez-vous pour une augmentation des autorisations d’engagement du Fonds vert et du fonds Barnier ? Parallèlement, avez-vous envisagé des méthodes de financement alternatives et, le cas échéant, lesquelles ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale. Le fonds Barnier est dédié aux phénomènes climatiques qui menacent directement la vie humaine, ce qui explique sa concentration sur les inondations. La sécheresse ou le RGA, par exemple, sont des phénomènes qui ne mettent pas en péril la vie humaine et ne relèvent donc pas stricto sensu de ce fonds.

Nous préconisons plutôt la création d’un autre fonds, distinct du fonds Barnier, qui réponde à des problématiques différentes. Le risque majeur d’une fusion entre ces différents fonds serait de consacrer l’essentiel des ressources au RGA, en raison de son coût très élevé, au détriment de la prévention des inondations, qui reste indispensable.

Nous défendons effectivement l’augmentation du fonds Barnier, ne serait-ce qu’à hauteur des sommes perçues par l’État, soit 450 millions d’euros actuellement et 520 millions en 2026. Concernant le Fonds vert, nous recommandons, au minimum, le maintien des 2,5 milliards d’euros déjà engagés.

J’insiste particulièrement sur la rénovation thermique des écoles, qui nécessite 50 milliards d’euros sur plusieurs années. Il faut y consacrer au minimum les 500 millions d’euros promis – ce qui reste très insuffisant – et nous proposons d’augmenter cette enveloppe pour soutenir les collectivités qui ne pourront pas financer seules l’isolation des écoles et, plus généralement, des bâtiments publics.

Quant aux financements, ils existent déjà : ce sont les 12 % de la surprime Cat nat. Nous la payons tous sur nos assurances et nous demandons simplement que son affectation initiale soit respectée.

Le CNTC avait suggéré une augmentation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), affectée au financement des conséquences du recul du trait de côte. Je doute cependant de la pertinence de ce mode de financement dans un contexte où les DMTO sont déjà fortement sollicités et indispensables aux départements. Il serait préférable d’explorer d’autres sources de financement.

M. le président Éric Coquerel. Avant de clore la discussion sur ce thème d’évaluation, je tiens à préciser que j’ai adressé le 18 juin un courrier à M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, lui demandant le détail du niveau d’investissement public en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, et de préservation de la biodiversité. À ce jour, je n’ai pas reçu de réponse, mais je garde l’espoir que cette démarche portera ses fruits.

La commission autorise, application de l’article 146, alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.

Puis la commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur l’impact budgétaire et l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 de M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial de la mission Sport, jeunesse et vie associative

M. le président Éric Coquerel. M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial de la mission Sport, jeunesse et vie associative, nous présente son rapport d’information sur l’impact budgétaire et l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial de la mission Sport, jeunesse et vie associative. Les Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (JOP) ont constitué un événement d’ampleur exceptionnelle, fédérateur et populaire, mais aussi, inévitablement, engageant pour notre pays sur le plan budgétaire. À l’heure où les exigences en matière de finances publiques s’imposent à tous, il nous incombait de procéder à une évaluation rigoureuse, lucide et équilibrée de ce que l’État a investi, des retombées obtenues et de l’héritage transmissible pour l’avenir. C’est dans cette perspective que j’ai consacré mes travaux de contrôle du Printemps à l’analyse de l’impact budgétaire et de l’héritage des JOP.

Je tiens à préciser que j’envisageais cette évaluation depuis plusieurs années déjà. Dès l’élection du bureau de notre commission, nous avions abordé ce sujet, raison pour laquelle je souhaitais conserver ce rapport spécial, estimant qu’après avoir suivi un budget pendant plusieurs années, il est pertinent de participer également à son évaluation finale.

Bien que ce rapport soit présenté après la note d’étape publiée par la Cour des comptes la semaine dernière, son approche diffère sur plusieurs aspects.

J’ai d’abord circonscrit mon analyse aux seules dépenses imputable à l’État, excluant les crédits mobilisés par les collectivités territoriales ou les opérateurs publics, faute de données exhaustives disponibles à ce stade.

Ensuite, j’ai retenu exclusivement les dépenses strictement induites par l’organisation des JOP, écartant les crédits récurrents, les dépenses préexistantes ou les investissements qui auraient été réalisés indépendamment de leur accueil en France. Il n’aurait pas été pertinent, par exemple, d’intégrer les rémunérations des forces de l’ordre, les droits de retransmission de France Télévisions ou les politiques de soutien au sport de haut niveau engagées depuis plusieurs années. Mon approche se veut donc résolument contrefactuelle, comptabilisant uniquement les charges effectivement rendues nécessaires par la tenue des JOP sur le territoire national.

Enfin, il m’a paru essentiel de dépasser une lecture strictement comptable pour considérer que le coût d’organisation des JOP ne saurait être dissocié des bénéfices qu’ils ont générés. Considérer les dépenses liées aux JOP comme un simple coût net serait réducteur, tant les externalités positives générées par cet événement sont nombreuses, durables et structurantes pour le territoire.

J’ai donc souhaité établir un bilan précis des dépenses engagées par l’État pour l’organisation des Jeux. Cet effort budgétaire atteint 3,67 milliards d’euros, un montant sensiblement inférieur à celui observé lors des précédentes éditions. À titre de comparaison, les Jeux de Londres 2012 ont mobilisé près de 11,5 milliards d’euros de fonds publics. Cette différence notable s’explique principalement par la solidité des infrastructures sportives et de transport déjà existantes en Île-de-France, permettant ainsi de limiter considérablement les investissements nouveaux.

La sécurité constitue le premier poste budgétaire avec un total de 1,7 milliard d’euros, reflétant l’ampleur du dispositif déployé pour garantir le bon déroulement de l’événement dans un contexte de vigilance accrue. Le ministère de l’intérieur assume majoritairement cette charge, notamment à travers les primes versées aux agents mobilisés, ainsi que les frais d’hébergement et de restauration. Le ministère des armées a également apporté une contribution significative, particulièrement dans le cadre de l’opération Sentinelle. Ces dépenses de fonctionnement s’accompagnent de plus de 240 millions d’euros d’investissement en matériel et infrastructures de sécurité, l’ensemble ayant vocation à être réutilisé au bénéfice durable des services de l’État.

Les contributions versées à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) représentent le deuxième poste de dépenses, à hauteur de 1,1 milliard d’euros. Ces crédits ont permis la rénovation d’infrastructures sportives ainsi que la réalisation d’aménagements urbains pérennes, à l’image du village des athlètes, aujourd’hui transformé en un nouveau quartier accueillant 6 000 habitants et autant d’emplois. Je tiens à saluer le travail remarquable de la Solideo, qui a livré l’ensemble des ouvrages dans les délais et le budget impartis, démontrant ainsi la pertinence d’un modèle d’opérateur unique pour les grands projets d’aménagement urbain dont il conviendrait de s’inspirer à l’avenir.

Les dépenses liées à l’effet d’entraînement des JOP sur les politiques publiques d’État s’élèvent à environ 271 millions d’euros, dont une part significative attribuable à l’accélération du plan Baignade, condition indispensable à l’organisation des épreuves dans la Seine. Les dépenses de transport restent limitées pour l’État, l’essentiel de l’effort ayant été porté par les opérateurs publics tels qu’Île-de-France Mobilités, la RATP, la SNCF et ADP. La contribution de l’État au Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) atteint 158 millions d’euros, soit près du double de l’enveloppe initialement prévue. Cet ajustement s’explique notamment par la nécessité de couvrir les besoins liés à l’organisation des Jeux paralympiques, structurellement déficitaires.

J’ai également intégré dans ce bilan les dépenses directement liées au sport de haut niveau et imputables à l’accueil des JOP : le programme Gagner en France, l’acquisition de matériel sportif de compétition ou encore la revalorisation des primes des athlètes médaillés olympiques et paralympiques. À ces crédits s’ajoutent les dépenses d’organisation proprement dites, notamment les subventions accordées au Comité de candidature ou le renforcement de la lutte contre le dopage, ainsi que celles relatives au développement du sport pour tous, incluant la billetterie populaire, la labellisation des clubs dans les territoires ou encore la grande cause nationale 2024. Ces dispositifs ont permis d’associer pleinement les citoyens à cet événement unique.

Il convient de remettre ces dépenses, pour significatives qu’elles soient, en perspective avec les retombées majeures générées par l’organisation des JOP.

L’impact économique atteint 7,1 milliards d’euros de PIB en Île-de-France entre 2018 et 2024. Cette dynamique a contribué de manière décisive à la croissance française, représentant à elle seule près de la moitié de l’augmentation du PIB national au troisième trimestre 2024. Nous assistons là à une démonstration éclatante de la capacité d’un événement sportif à irriguer le tissu économique local.

Sur le plan social, les JOP ont permis de créer 46 000 emplois en équivalent temps plein sur la période, dont 96,5 % sont encore pourvus à ce jour. Ce taux remarquable de maintien dans l’emploi est d’autant plus significatif qu’il concerne des secteurs habituellement marqués par une forte précarité, comme la sécurité privée ou la restauration. Les JOP ont ainsi constitué un levier puissant d’insertion et de professionnalisation.

En matière d’aménagement du territoire, la réutilisation des équipements sportifs construits ou rénovés pour l’occasion, comme le complexe Pablo Neruda à Saint-Ouen, le centre aquatique olympique de Saint-Denis ou encore la piscine de Colombes, inaugurée le week-end dernier, bénéficie désormais aux habitants des territoires concernés. Par ailleurs, les JOP ont permis d’accélérer des projets structurants, tels que la passerelle de Pleyel ou la création d’écoles à Dugny, constituant ainsi un héritage concret, visible et durable.

Les retombées sportives se traduisent par une hausse de 5,4 % du nombre de licenciés dans les fédérations sportives. Cette progression atteint 19 % pour les fédérations ayant remporté des médailles et 21 % pour le handisport. L’effet Jeux n’est donc pas un mythe, mais traduit un véritable engouement pour la pratique sportive.

Quant aux retombées touristiques, elles sont significatives. Si un léger effet d’éviction était observé à la veille des compétitions, la fréquentation a nettement progressé pendant les semaines olympiques et paralympiques. Plus encore, nous observons depuis l’automne une augmentation continue du nombre de nuitées, de 12 % par exemple dans les hôtels du Grand Paris, attestant d’un regain d’attractivité durable pour la destination France.

En définitive, les JOP ont agi comme un formidable catalyseur de croissance, de cohésion sociale, d’aménagement et de rayonnement international. C’est précisément tout le sens de l’héritage que nous devons préserver et faire fructifier.

C’est pourquoi je formule dans mon rapport vingt-quatre recommandations à l’attention des pouvoirs publics dans la perspective de l’organisation de futurs grands événements sportifs internationaux, à commencer par les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes.

Ces recommandations traduisent une conviction forte : la France a su, à l’occasion des JOP, construire un véritable modèle d’organisation de grands événements sportifs internationaux (Gesi). Ce savoir-faire, désormais reconnu, commence d’ailleurs à susciter l’intérêt au-delà de nos frontières. Plusieurs structures organisatrices françaises ont engagé des échanges avec leurs homologues étrangers, notamment aux États-Unis en vue de la Coupe du monde de football de 2026 et des Jeux olympiques et paralympiques de Los Angeles en 2028.

L’expérience de 2024 ne constitue donc pas un aboutissement, mais bien un point de départ. Il nous faut désormais pérenniser les acquis, qu’il s’agisse du modèle porté par la Solideo, de la gestion des flux de transport ou encore des méthodes de sécurisation éprouvées pendant les JOP. Il nous appartient également de prolonger l’élan généré par les JOP en matière d’insertion professionnelle, en assurant la reconduction des clauses sociales dans les marchés publics ; en matière économique, en renforçant le tissu entrepreneurial local dans les territoires accueillant de futurs événements ; en matière de démocratisation du sport, par l’ouverture des équipements sportifs présents dans les établissements scolaires.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui n’a pas vocation à être un satisfecit. Il se veut un bilan lucide, rigoureux, appuyé sur les faits, soucieux de la réalité des dépenses engagées, mais également attentif aux retombées positives générées par cet événement. La France a démontré qu’elle sait organiser avec sérieux, ambition et responsabilité un événement mondial d’une telle envergure. Les finances publiques ont certes été mises à contribution, mais dans des proportions contenues, grâce à une gestion budgétaire exigeante et au service de résultats durables. Il nous appartient collectivement de préserver et de faire fructifier cet héritage, de faire en sorte que les JOP de 2024 ne restent pas un sommet isolé, mais deviennent le socle d’une nouvelle ambition pour notre pays, une ambition sportive, sociale, territoriale et internationale.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, et je tiens à m’associer à l’hommage que vous rendez à la Solideo, et surtout à saluer cette méthode d’aménagement urbain fondée sur une planification et une maîtrise d’œuvre globale sous le contrôle de l’État. Cette approche a démontré tous ses avantages, ce dont je peux témoigner directement puisque la majorité des opérations se sont déroulées dans ma circonscription.

J’en viens maintenant à mes questions. Le coût des JOP fait l’objet de trois estimations divergentes : celle de la Cour des comptes à 6 milliards d’euros, celle que vous nous présentez à 3,67 milliards – qui se limite aux coûts budgétaires pour l’État sans inclure les dépenses des collectivités territoriales – et enfin celle du Gouvernement à 5,3 milliards d’euros, qui prétend être plus exhaustive en intégrant les dépenses des collectivités.

Il convient de rappeler que le montant initial des dépenses publiques était prévu à 1,5 milliard d’euros, soit environ 2 milliards en euros constants. À l’arrivée, la facture s’avère plus de 2,5 fois supérieure aux prévisions. Vous soulignez d’ailleurs dans votre rapport que certaines dépenses ont été largement sous-estimées, particulièrement dans le domaine de la sécurité, dont le coût total a atteint 1,6 milliard d’euros. Pour la seule police nationale, plus de 440 millions d’euros supplémentaires ont été ajoutés en fin d’exercice, portant l’enveloppe totale à 790 millions d’euros.

Vous regrettez ce défaut de programmation budgétaire en appelant « à un affinement de la programmation financière qui aurait permis au législateur de se prononcer sur les moyens alloués à la sécurité des Jeux, avec l’information la plus complète possible en loi de finances initiale pour 2024 ». N’est-ce pas une façon implicite de reconnaître que le périmètre des dépenses a été délibérément restreint pour présenter à la population des JOP peu coûteux et ainsi favoriser l’adhésion ? En ajoutant les dépenses privées de 6,5 milliards d’euros, nous atteignons un coût total d’environ 11,8 milliards d’euros pour environ 11 milliards d’euros de recettes selon les estimations. Force est de constater que les Jeux n’ont finalement pas payé les Jeux. J’aimerais connaître votre position sur ce point.

Ma deuxième question porte sur les dépenses fiscales. À l’instar de la Cour des comptes, vous n’avez pas été en mesure d’évaluer l’ensemble des dépenses fiscales liées aux JOP, faute de données disponibles. Vous avancez néanmoins un chiffrage de 32 millions d’euros. Dans quelle mesure ce montant est-il exhaustif ? Pour quelles raisons ces données ne sont-elles pas accessibles ? Il s’agit pourtant d’une information essentielle pour appréhender correctement le coût global des JOP.

Enfin, concernant l’héritage des JOP, vous avez souligné l’augmentation du nombre de licenciés. Face à cet afflux de nouveaux pratiquants, les clubs et fédérations sportives se trouvent confrontés à un manque d’éducateurs et de bénévoles. Paradoxalement, au lieu de renforcer ce secteur, le gouvernement réduit drastiquement le budget du sport. Ainsi, 200 millions d’euros ont été soustraits au ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, soit 13 % des crédits ouverts. La ministre elle-même, auditionnée ici-même à l’occasion du Printemps de l’évaluation, n’a pas contesté ce fait. Entre 2024 et 2025, la baisse des crédits atteint même 30 %. Concrètement, cela se traduit par exemple par un plan 5 000 équipements – Génération 2024 manifestement insuffisant pour répondre aux besoins. Le gouvernement n’est-il pas en train de compromettre l’ambition de l’héritage des JOP ? Je pourrais citer de nombreux équipements sportifs en Seine-Saint-Denis qui ne sont absolument pas au niveau requis par l’accueil de nouveaux adhérents. Les réductions budgétaires actuelles ne risquent-elles pas finalement d’annihiler l’héritage des JOP et d’aggraver les inégalités sociales dans l’accès à l’activité physique ?

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je tiens à préciser que je n’ai aucunement cherché à mettre mon évaluation du coût financier des JOP en concurrence avec celle de la Cour des comptes, chacun ayant produit son propre rapport selon sa méthodologie. Pour ma part, j’ai fait le choix de ne pas comptabiliser les droits de France Télévisions, considérant que cette chaîne aurait de toute façon retransmis les JOP, même s’ils s’étaient tenus dans un autre pays. J’ai appliqué le même raisonnement pour le programme Ambition Bleue destiné aux sportifs de haut niveau. Ma méthode a consisté à évaluer uniquement les dépenses structurellement engagées pour les JOP. Quant aux transports, je n’ai pas intégré des dépenses qui, selon mon analyse, ne relevaient pas directement de l’État ou qui étaient déjà programmées indépendamment de l’événement.

Il me paraissait essentiel que la représentation nationale dispose de sa propre évaluation, raison pour laquelle j’ai entrepris ce travail.

La Cour des comptes doit d’ailleurs nous présenter un nouveau rapport en octobre. Je ne peux malheureusement pas me prononcer sur les dépenses des collectivités territoriales puisque je n’ai pas pu accéder à ces données.

J’avais anticipé cette problématique d’évaluation dès 2018, dans le cadre d’une mission gouvernementale confiée par le Premier ministre d’alors, Édouard Philippe, sur la valorisation de l’attractivité touristique de notre pays pour les grands événements sportifs à venir, notamment les JOP et la Coupe du monde de rugby. Je continue de préconiser qu’un organisme véritablement indépendant, comme l’OCDE par exemple, puisse évaluer et comparer l’ensemble des éditions des Jeux olympiques et paralympiques entre différents pays. Cela permettrait d’éviter toute suspicion de partialité, le pays hôte ayant naturellement tendance à vouloir présenter une image positive de l’événement qu’il a organisé.

Vous avez mentionné, monsieur le président, les investissements privés : je considère pour ma part que le privé par définition ne relève pas de la responsabilité de l’État. Nous avons organisé des JOP dont le coût a été particulièrement maîtrisé, notamment en matière d’empreinte carbone et de consommation de ressources, avec des performances bien meilleures que celles des éditions précédentes. Nous pouvons légitimement en être fiers, car cela démontre un véritable savoir-faire français.

S’agissant des dépenses fiscales, je n’ai pu communiquer d’autres informations que celles dont je disposais. Le chiffre de 32 millions d’euros, en l’occurrence, provient directement de la direction des sports.

Enfin, l’enjeu majeur de notre ambition sportive se rapporte à la pérennisation de la dynamique d’adhésion à des fédérations sportives et à des clubs. En d’autres termes, il est déterminant que les nouveaux licenciés puissent maintenir leur engagement dès la rentrée de septembre. Et même si certaines personnes ne renouvelaient pas leur licence, l’essentiel serait qu’elles continuent à pratiquer une activité sportive. N’oublions pas que dans notre pays, le nombre de personnes pratiquant un sport hors cadre fédéral égale celui des licenciés en fédération, soit environ 17 millions de pratiquants dans chaque catégorie.

Nous avons mené une politique volontariste en matière d’équipements sportifs, en nous appuyant sur le plan 5 000 équipements. Ce dispositif répond directement aux conclusions du Printemps de l’évaluation 2024, qui avait permis d’identifier un manque criant d’équipements dans les zones de revitalisation rurale, devenues France ruralités revitalisation (FRR), et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Nous devons désormais examiner les modalités de son éventuelle poursuite.

À l’époque, nous avions demandé la création d’un outil permettant de recenser l’ensemble des équipements sportifs en France. Je vous invite aujourd’hui, monsieur le président, à consulter la plateforme Data ES qui répertorie actuellement 330 000 équipements. Cette plateforme permet d’identifier tous les équipements présents sur votre bassin de vie, votre commune, votre département ou votre région, et de les trier par catégorie. Cet outil constitue un instrument précieux pour les pouvoirs publics, leur permettant de cibler les territoires où des équipements font encore défaut.

Par ailleurs, il nous appartient de nous mobiliser pleinement sur l’ensemble de notre politique sportive. Le Premier ministre m’a confié une mission depuis trois mois pour réviser notre politique sportive et son financement. Je rendrai mes conclusions avant le 31 juillet et j’espère vivement qu’un maximum des recommandations que je formulerai seront reprises.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le rapporteur spécial, la présentation de votre rapport était particulièrement attendue. Ainsi que vous l’avez rappelé, nous avions évoqué en bureau la nécessité de procéder à une évaluation après les JOP avec vous-même en qualité de rapporteur spécial. Cette démarche est effectivement pertinente, et je regrette que nous soyons si peu nombreux pour vous écouter.

Je souhaite vous poser cinq questions. Premièrement, avez-vous pu, dans l’élaboration de votre rapport, examiner la question du dérapage global du coût des JOP ? Comment analysez-vous l’impact de ce dépassement estimé à 1,9 milliard d’euros non budgété sur les allocations budgétaires globales de l’État ? Comment expliquer l’absence de budgétisation initiale pour l’essentiel des dépenses de sécurité ? Un correctif de fin d’année a été nécessaire, provoquant des ajustements complexes dans le budget des ministères de l’intérieur et des armées. Comment expliquer cette situation, sachant que dans les dépassements, la sécurité représente la part la plus importante, élément qui se trouvait hors champ des accords avec le Comité international olympique (CIO) ?

Deuxièmement, nous constatons une fois encore que lorsqu’un opérateur unique comme la Solideo gère l’ensemble d’un projet, celui-ci est conduit avec efficacité. À l’inverse, dès que la responsabilité est partagée entre plusieurs entités avec commissions et groupes multiples, l’efficacité diminue. Il est désormais envisagé que la Solideo, conçue pour piloter les ouvrages des JOP 2024, poursuive son activité en vue des Jeux olympiques d’hiver de 2030. Quelle est votre position sur ce sujet ? Quelles conclusions tirez-vous quant à la gouvernance et à la gestion de ces structures ? Votre évaluation semble globalement positive, et je n’ai pas relevé dans votre rapport beaucoup de critiques concernant la gestion de la Solideo. Recommandez-vous néanmoins des ajustements pour garantir une meilleure efficacité budgétaire et organisationnelle ?

Troisièmement, les JOP ont nécessité d’importants investissements publics en matériel. Comment s’organise la gestion de ce matériel après l’événement, notamment concernant sa répartition ou sa revente ? Vous abordez essentiellement la question de l’immobilier dans votre rapport, et peu celle du mobilier.

Ma quatrième question porte sur la rentabilité économique des JOP. Votre rapport estime les retombées économiques nettes à environ 11 milliards d’euros. Or il importe de tenir compte de l’effet d’éviction, et à cet égard la plupart des gestionnaires d’hôtels de Paris intra-muros considèrent que la période des Jeux olympiques a été catastrophique sur le plan de leur activité, certains ayant même fermé leur établissement en raison des problèmes d’accessibilité. Avez-vous pris en compte dans votre calcul les conséquences économiques négatives sur certains secteurs ? Il semblerait que pour une fois, la périphérie de Paris ait bénéficié de l’événement tandis que le centre de la capitale a été pénalisé.

En agrégeant les investissements publics et privés, le montant des investissements avoisine les 10 milliards d’euros, ce qui signifierait que le taux de retour est médiocre au regard des retombées. L’effet économique présenté comme formidable apparaît, selon vos chiffres, bien moins convaincant. Vous indiquez une accélération de la croissance sur un trimestre, mais vous ne mentionnez pas que, le trimestre suivant, cette croissance était négative de 0,1 %, ce qui peut traduire un effet de compensation.

Ma dernière question concerne un point soulevé lors du vote de la loi permettant l’organisation des JOP et la convention avec le CIO. Avez-vous pu examiner l’incidence des JOP sur les finances du CIO ? Certains affirment que le grand bénéficiaire de l’ensemble serait le CIO. Cette affirmation est-elle fondée selon vous ?

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je ne parlerais pas de dérapage à propos des dépenses de sécurité. En effet, il importe de souligner que nous n’avons rencontré aucun problème en matière de sécurité, alors que certains prédisaient le pire, ici même, dans cette commission, notamment pour la cérémonie d’ouverture. Certains, d’ailleurs, s’opposaient à sa tenue hors d’une enceinte fermée. C’était une première mondiale et nous pouvons affirmer aujourd’hui qu’elle a connu un succès unanimement reconnu. La cérémonie a magnifiquement lancé les Jeux olympiques et créé une dynamique exceptionnelle. Chacun en conserve une image forte. J’insiste sur cet événement en particulier, car il constituait l’élément le plus sensible du dispositif de sécurité, et nous n’aurions pas tenu ce discours si le moindre incident s’était produit. Il est donc important de rappeler cela lorsque l’on évoque les dépenses consenties en matière de sécurité.

La responsabilité du premier dépassement budgétaire incombe à la représentation nationale, puisque ce premier dépassement provient de l’octroi de primes pour les policiers, qui n’était pas prévu. Cette disposition a été votée dans l’hémicycle et constitue l’évolution la plus importante par rapport aux prévisions. Le second facteur concerne la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, à l’origine prévue dans un stade et finalement organisée place de la Concorde, ce qui a mobilisé des moyens supplémentaires.

En prévision des nouveaux Gesi, à commencer par les Jeux olympiques et paralympiques de 2030, il nous appartient d’améliorer la lisibilité des budgets, notamment au sein des jaunes budgétaires.

La livraison des ouvrages olympiques pour les JOP de 2030 sera assurée par la création d’une nouvelle Solideo, avec une direction et des équipes différentes. Nous recommandons toutefois de conserver le modèle de la Solideo, qui en effet s’est révélé pertinent.

En ce qui concerne le matériel sportif, qu’il s’agisse de tapis, de paniers ou d’autres équipements, nous avons lancé des appels à projets dans le but de permettre une redistribution après utilisation, au bénéfice des fédérations sportives.

L’effet d’éviction a bien été pris en compte dans notre analyse. Il convient cependant de distinguer deux périodes durant l’été dernier : celle précédant immédiatement les Jeux olympiques, où nous avons effectivement constaté une baisse significative de fréquentation, et la période des Jeux olympiques, durant laquelle l’activité a crû fortement, en particulier à proximité des sites olympiques.

Toutefois, des améliorations auraient été possibles dans certains secteurs, notamment les musées, qui ont en effet souffert d’une baisse de fréquentation. Dans le rapport que j’avais présenté en 2018, j’avais précisément recommandé la création d’un « pass » combinant sport, tourisme et transport, permettant aux visiteurs d’accéder simultanément aux épreuves sportives, aux musées et aux transports. Cette solution aurait vraisemblablement évité cette désaffection des établissements culturels, particulièrement ceux situés à proximité immédiate des sites olympiques. À l’échelle nationale, nous avons néanmoins enregistré une augmentation du nombre de touristes, et cela s’est traduit par une hausse de 0,3 point de PIB.

Monsieur le rapporteur général, vous agrégez dans votre évaluation du coût des JOP les investissements privés et publics, ce qui crée une distorsion méthodologique significative. Les évaluations des précédentes éditions des Jeux olympiques n’ont jamais pris en compte le secteur privé, et quand je parle de 11,5 milliards d’euros pour les Jeux de Londres, je parle bien uniquement d’investissement public. Aussi, mettre en balance le coût des Jeux de Paris et ceux de Londres, par exemple, suppose de réaliser une comparaison terme à terme. D’ailleurs, les investissements privés réalisés pour Paris 2024 ont généré des bénéfices substantiels, notamment en matière de création d’emplois en Seine-Saint-Denis. Je l’ai dit, 96,5 % des plus de 30 000 personnes ayant participé aux JOP ont conservé un emploi par la suite.

Enfin, puisque vous m’interpellez sur le CIO, j’aimerais souligner un point très important à anticiper pour les éditions futures, même si cela reste complexe pour les Jeux d’été compte tenu de leur attractivité mondiale. Il s’agit de la gestion des droits à l’image et des bases de données. Nous ne détenons aucunement la propriété de nos propres images. L’utilisation des anneaux olympiques nous sera interdite à l’avenir, alors que le CIO, lui, conserve le droit d’utiliser les images des anneaux ornant la tour Eiffel, sans pour autant acquérir les droits sur le monument lui-même. Fort heureusement, grâce à la cérémonie d’ouverture, nous disposons désormais d’autres symboles évocateurs des Jeux sur lesquels capitaliser, comme le cheval sur la Seine ou la vasque olympique.

Cette situation soulève des interrogations légitimes, mais il est vrai qu’en phase de négociation, la volonté d’obtenir les JOP nous conduit parfois à certaines concessions. Cette problématique mérite réflexion. Même si le Cojop nous a confirmé pouvoir utiliser ces images sur demande, d’autres acteurs du tourisme ne bénéficient pas de cette possibilité, ce qui est particulièrement regrettable.

Le même constat s’applique aux bases de données, dont nous connaissons aujourd’hui la valeur considérable, puisqu’elles regroupent des centaines de millions, voire des milliards de personnes, et nous en sommes privés d’accès. Cela constitue une limite significative.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Disposez-vous d’estimations concernant les revenus que le CIO peut tirer de ces droits à l’image ?

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je ne suis pas en mesure de vous communiquer des chiffres précis. En revanche, nous nous sommes intéressés au boni, estimé actuellement à 76 millions d’euros. Tous les rapports préliminaires envisageaient des déficits et, dans le cas contraire, il était craint que l’intégralité de l’éventuel excédent soit captée par le CIO. Or l’excédent du Cojop doit partiellement nous revenir, avec une part destinée au CIO, une autre au Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui sera redistribuée à nos fédérations, tandis qu’une dernière fraction constituera un fonds géré collégialement par les financeurs historiques du Cojop au sein du CNOSF.

M. le président Éric Coquerel. J’ajoute que la question des annonceurs était déjà problématique, puisque ces annonceurs sont exclusivement ceux du CIO, le Cojop n’ayant pas son mot à dire sur ce point – mais il s’agit d’un autre débat.

Permettez-moi de revenir sur le sujet de la sécurité lors des JOP. Je pense qu’il convient en effet de saluer l’efficacité du dispositif mis en place. Non seulement aucun incident majeur n’est survenu, mais j’étais particulièrement inquiet des relations potentiellement conflictuelles dans les zones d’éviction, toujours délicates lors des Jeux olympiques, notamment dans des départements populaires. Or tout s’est remarquablement déroulé, notamment grâce à des forces de police venues principalement de province, et qui ont scrupuleusement respecté leurs consignes.

Paradoxalement, nous avons assisté pendant ces JOP à la renaissance d’une forme de police de proximité, avec des agents affectés quotidiennement aux mêmes emplacements, développant ainsi une connaissance des habitants. Les rapports entre la police et la population ont été très bons durant les JOP, et cette expérience devrait inspirer nos pratiques futures – mais là encore, il s’agit d’un autre débat.

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Pour compléter votre remarque, monsieur le président, j’aimerais souligner que le commandement unifié mis en place pour les JOP a manifestement démontré son efficacité et constituerait certainement un modèle à reproduire pour les futurs Gesi en Île-de-France. Par ailleurs, les blocs missionnels représentent également un concept dont nous pourrions nous inspirer pour l’ensemble des territoires.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. David Amiel (EPR). Je tiens avant tout à saluer l’excellence du travail réalisé par M. le rapporteur spécial, qui a conduit une évaluation sans précédent par l’ampleur de son périmètre, considérablement plus vaste que les analyses antérieures. Cette démarche illustre parfaitement l’utilité du Printemps de l’évaluation.

Il apparaît que l’organisation des JOP n’a pas connu de dérives financières, contrairement aux éditions précédentes, où les bénéfices avaient été surestimés et les coûts sous-évalués. Selon vous, quel a été l’élément déterminant qui nous a permis d’éviter les écueils observés notamment lors des Jeux de Londres, auxquels ceux de Paris ont fréquemment été comparés ?

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. L’un des éléments fondamentaux de l’organisation de Paris 2024 se rapporte au choix stratégique concernant les équipements. Nous n’avons pas construit d’infrastructures superflues et nous avons délibérément implanté les nouvelles installations dans un secteur déjà richement doté en équipements sportifs. Cette décision s’est avérée déterminante.

La principale construction neuve est celle du grand bassin du Centre aquatique olympique. Mais nous avons pris soin d’y organiser, non pas les épreuves olympiques de natation, mais celles de water-polo, de natation artistique et de plongeon, précisément pour éviter la réalisation d’une infrastructure surdimensionnée qui serait devenue inutile après les Jeux. Chaque décision a été prise au prisme d’une vision prospective, en réfléchissant systématiquement à l’héritage post-olympique.

Nous avons également tiré les enseignements de l’expérience londonienne où des difficultés significatives étaient apparues sur la sécurité privée. Quant aux transports, nous bénéficions en Île-de-France d’un réseau déjà très développé et performant, même s’il nécessite des améliorations constantes. Cette infrastructure, complétée par le Grand Paris Express, a constitué un atout majeur. D’ailleurs, les Jeux ont servi d’accélérateur au projet du Grand Paris Express, mais c’est bien notre réseau préexistant qui nous a permis de contenir les coûts de l’événement.

Nous avons également rigoureusement maîtrisé l’impact environnemental. Notre bilan carbone se situe nettement en deçà de celui de toutes les éditions précédentes, à l’exception des JOP de Tokyo en 2021, dont la performance inédite s’explique uniquement par l’absence de spectateurs en raison de la pandémie de covid-19.

À tous égards, nous pouvons légitimement parler d’une réussite olympique, et il nous appartient désormais de modéliser ce savoir-faire acquis. Nous devons dépasser l’approche en silos thématiques pour considérer l’ensemble des innovations mises en œuvre dans les domaines du transport, de la sécurité, des infrastructures sportives et autres secteurs. C’est ce modèle global que nous devons valoriser et être en mesure d’exporter.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je souhaite d’emblée exprimer un regret concernant la promesse non tenue du Président de la République d’établir une loi sur l’héritage des JOP. Un an après Paris 2024, rien ne semble se profiler à l’horizon.

Dans le contexte de difficultés budgétaires que nous connaissons, la question des dépenses fiscales nous semble incontournable. Des exonérations fiscales substantielles ont été accordées dans le cadre des JOP. Vous les estimez, monsieur le rapporteur spécial, à 32 millions d’euros, une somme nullement négligeable et, ainsi que vous l’avez précisé, communiquée par la direction des sports. La Cour des comptes révèle que l’administration fiscale n’envisage actuellement aucune évaluation de ces dépenses fiscales, ce qui constitue pourtant un impératif.

Rappelons que le gouvernement avait tenté d’introduire dans le projet de loi de finances pour 2024, par amendement et sans étude d’impact préalable, une exonération fiscale bénéficiant aux fédérations sportives internationales, mesure finalement censurée par le Conseil constitutionnel. Ces exonérations soulèvent des interrogations légitimes, car elles représentent des recettes en moins pour l’État, à l’heure où celui-ci cherche désespérément des ressources, et profitent principalement à des acteurs privés. Dans un contexte où 40 milliards d’euros d’économies sont programmés au détriment des Françaises et des Français, est-il acceptable que ces acteurs échappent à l’impôt sous couvert d’une exception olympique ou sportive internationale ?

Vous proposez de pérenniser ces exonérations pour les futurs Gesi. Nous y sommes fermement opposés, d’abord parce qu’aucune évaluation transparente de leur impact et des contreparties sociales et environnementales n’existe à ce jour. Ensuite parce que généraliser ces avantages fiscaux apparaît profondément injuste alors même que les associations et bénévoles qui font vivre le sport dans nos territoires peinent à maintenir leurs activités, et que les collectivités voient leurs budgets pour les équipements sportifs de proximité diminuer.

Plutôt que de réduire les recettes de l’État liées au sport, les compétitions internationales devraient, au contraire, contribuer au financement du sport de proximité, véritable clé de la réussite future du sport français.

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. En dépit des promesses, je vous rappelle, monsieur Raux, qu’il n’appartient pas au Président de la République de décider des textes législatifs que nous examinons, qu’il s’agisse de projets ou de propositions de loi. Je doute par ailleurs que la censure intervenue l’hiver dernier ait contribué à accélérer l’examen des textes par le Parlement.

Je ne comprends pas pourquoi vous m’attribuez le souhait de pérenniser les dispositifs d’exonérations fiscales. En examinant attentivement nos recommandations, vous constaterez que nous suggérons de maintenir uniquement la note de l’Urssaf permettant aux entreprises d’offrir des billets à leurs salariés sans que ces avantages en nature ne soient soumis aux prélèvements sociaux et fiscaux habituels. Pourquoi cette proposition spécifique ? Dans le cadre de la mission gouvernementale qui m’a été confiée, de nombreuses fédérations m’ont fait part des difficultés qu’elles rencontrent avec leurs sponsors et partenaires, lesquels se trouvent aujourd’hui dans une incertitude juridique quant aux actions qu’ils peuvent légitimement entreprendre. Cette situation explique d’ailleurs parfois la présence de places vides dans les stades, phénomène que nous sommes les premiers à déplorer. Les fédérations soulignent leur dépendance à ces partenariats d’entreprises pour financer le développement du sport.

Je crois qu’il convient de distinguer les dispositifs bénéficiant directement aux salariés et au développement du sport des avantages fiscaux accordés aux fédérations internationales. Ces derniers méritent assurément qu’on en interroge la légitimité, compte tenu des moyens considérables dont disposent certaines fédérations.

Mme Sophie Mette (Dem). Paris 2024 a rencontré un formidable succès, démontrant que notre pays est capable d’organiser un événement d’envergure mondiale avec des mesures de sécurité exemplaires, dans une ambiance inclusive et festive, tout en valorisant la richesse de ses territoires. Cet événement a renforcé l’image d’une France accueillante, dynamique, tournée vers l’avenir et fière de son riche patrimoine, entre tradition et modernité.

Votre rapport, monsieur le rapporteur spécial, met en évidence l’effet positif des JOP sur la fréquentation touristique, avec une hausse marquée des arrivées internationales et des réservations hôtelières. Je constate que cet effet perdure également cette année, comme plusieurs témoignages me le confirment. Vous soulignez également les efforts engagés pour capitaliser sur cet élan à travers des campagnes de communication et des événements comme le retour de la vasque olympique ou la Journée olympique.

En termes de promotion à l’échelle internationale, avez-vous identifié des pistes permettant de surmonter les contraintes imposées par le CIO quant à l’utilisation des images et des données des JOP ? Existe-t-il des exemples étrangers dont la France pourrait s’inspirer pour négocier un meilleur accès à ces ressources stratégiques ?

Par ailleurs, s’agissant de l’accès aux équipements sportifs, la surcharge des infrastructures et la sous-utilisation des équipements scolaires demeurent des freins majeurs. Disposez-vous de retours de terrain ou de propositions concrètes pour faciliter l’ouverture de ces équipements aux clubs et ainsi réaliser des économies substantielles ?

Vous insistez sur la réussite du modèle Solideo pour la gestion de grands projets d’aménagement urbain. Comment pérenniser ce savoir-faire au-delà de la dissolution de cette structure ? Avez-vous réfléchi à la création d’une entité de capitalisation ou à un dispositif de transfert de compétences qui pourrait bénéficier à d’autres grands projets ?

Enfin, quelles garanties ou mécanismes financiers pourraient être mis en place afin d’éviter tout risque de dérapage budgétaire à l’avenir, tout en assurant que les investissements publics bénéficient équitablement aux différents territoires ?

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Comme nous l’avons évoqué précédemment, il est essentiel de revoir les modalités de gestion du droit à l’image et des bases de données, certainement en contractualisant avec les fédérations internationales dès l’étape de la candidature à l’organisation de Gesi.

Mon rapport évoque la question des équipements scolaires parce qu’il me semble important d’accélérer le développement de la pratique sportive. Aujourd’hui, nous disposons d’équipements scolaires insuffisamment utilisés. Nous avons adopté une proposition de loi encourageant leur utilisation, mais je crois qu’il convient d’adopter une position plus ferme, voire rendre cette utilisation obligatoire, sauf impossibilité manifeste. On ne saurait en effet envisager la construction de nouvelles infrastructures alors que des équipements existants demeurent sous-exploités.

Concernant la Solideo, un transfert de compétences apparaît effectivement nécessaire. Nous avons interrogé ses représentants sur la manière dont ils pourraient transmettre leur expertise. Ils nous ont indiqué que plusieurs entreprises les consultent déjà, et notre travail visait précisément à modéliser cette expérience. Il est maintenant impératif que différents acteurs se saisissent ce précieux savoir-faire pour éviter de le perdre, et que cette expertise repose finalement sur des individualités.

Je considère que nous n’avons pas connu de dérapage financier sur les JOP. Globalement, la gestion des JOP a été remarquable, avec des approches différentes entre la Solideo et le Cojop, puisque la Solideo était en mesure de planifier et d’anticiper, alors que le résultat des actions Cojop ne pouvait être évalué que lors de l’événement lui-même.

Enfin, pour répondre à votre question, madame Mette, sur les mécanismes à mettre en place pour conjurer tout risque de dérapage, j’insiste sur l’importance des jaunes budgétaires, d’un suivi rigoureux et, de manière générale, d’une grande lisibilité budgétaire.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, et je souscris aux propos de M. Amiel concernant la qualité de votre rapport et de celui de Mme Sas, qui démontrent l’un et l’autre tout l’intérêt du Printemps de l’évaluation. À cet égard, je déplore une fois encore que le Printemps de l’évaluation ne reçoive pas davantage d’intérêt des commissaires aux finances, en dépit du grand intérêt des analyses qui y sont présentées. Nous devrons trouver une solution à ce problème de manière collective.

La commission autorise, application de l’article 146, alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mercredi 2 juillet 2025 à 15 heures

Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Anthony Boulogne, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, Mme Félicie Gérard, M. Christian Girard, M. Aurélien Le Coq, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Alexandre Sabatou, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou, M. Éric Woerth

Assistaient également à la réunion. - Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. JeanClaude Raux