Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis) 2
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission
« Sécurités » (M. Éric Pauget, rapporteur pour avis)... 9
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Laure Miller, rapporteure pour avis) 31
Mardi
22 octobre 2024
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 8
session ordinaire de 2024 - 2025
Présidence
de M. Florent Boudié, président
La séance est ouverte à 21 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis);
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL135 de Mme Élisa Martin
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Il s’agit d’augmenter les crédits du programme Vie politique destinés à l’organisation des élections, par exemple celles qui suivent une dissolution inopinée. L’expérience récente montre que l’État manque de moyens, d’une part pour mener des campagnes d’inscription sur les listes électorales et faire vivre la démocratie et la citoyenneté, d’autre part pour compenser le coût d’organisation des scrutins supporté par les mairies. Notre amendement a surtout un objet d’appel ; il pourrait tout aussi bien se rapporter aux ressources affectées aux collectivités territoriales, et il ne vise pas à retirer 100 millions d’euros au programme Administration territoriale de l’État. Le Gouvernement doit toutefois être conscient que les élections représentent des coûts non compensés pour les collectivités.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Une partie du coût des élections du printemps 2024 a été compensée par l’État par l’intermédiaire de la subvention pour frais d’assemblée électorale. Il est dommage que M. Molac ne soit pas là pour défendre son amendement qui prévoyait un abondement spécifique destiné aux collectivités territoriales, car j’y aurais été favorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Le coût des élections a-t-il été compensé, oui ou non ? Il ne peut pas l’être à moitié. À ma connaissance, les mairies de ma circonscription n’ont pas récupéré d’argent pour couvrir la rémunération du personnel supplémentaire mobilisé le jour du scrutin.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Ces coûts ont été en grande partie compensés, à hauteur de 14,8 millions d’euros pour les élections législatives. Cela ne couvre pas intégralement les dépenses des communes pour organiser le scrutin mais il y a une différence entre un amendement à 100 millions d’euros – le vôtre – et un amendement à 5,8 millions – celui de M. Molac – visant à couvrir une partie des sommes non compensées. M. Molac proposait de transférer les crédits dédiés au financement d'experts placés auprès des préfets vers le programme Vie politique. Son amendement pourrait être redéposé en séance.
M. Yoann Gillet (RN). Les mairies perçoivent une compensation de 44,73 euros par bureau de vote, plus 10 centimes par électeur. À titre d’illustration, cela représente un peu plus de 1 600 euros par tour de scrutin pour une ville de 16 000 habitants, alors que le coût d’organisation des élections est bien plus élevé.
La commission rejette l'amendement.
Amendements II-CL128 de Mme Élisa Martin, II-CL39 et II-CL40 de M. Hervé Saulignac, et II-CL133 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter de 2 000 équivalents temps plein (ETP) les effectifs relevant du programme 354 Administration territoriale de l’État. Idéalement, il en faudrait même 4 000, c'est-à-dire autant que les préfectures et les sous-préfectures en ont perdu entre 2010 et 2020 selon la Cour des comptes.
Les besoins en effectifs n’ont pas diminué dans les administrations. La Cour des comptes observe que le recul des emplois permanents de fonctionnaires a été compensé, bon an mal an, par des contrats courts, des vacataires ou autres services civiques qui, en définitive, ont coûté plus cher aux administrations – sans compter que la continuité du service public et la qualité de la gestion administrative en ont pâti. Les déploiements désastreux de la nouvelle carte d’identité numérique ou de la carte grise en témoignent. Tous ces couacs entraînent des surcoûts. Contrairement à ce qu’a affirmé le ministre, les délais de délivrance des titres restent bien trop longs – plus de trois semaines pour un passeport, par exemple. Nous sommes loin des deux semaines promises et du délai d’avant la réforme de la délivrance des titres.
M. Roger Vicot (SOC). Depuis 2010, selon la Cour des comptes, la réorganisation de l’État a entraîné la suppression de 14 % de l’effectif des préfectures, soit 11 763 ETP. Dans la LFI pour 2024, 147 ETP ont été créés, bien loin de compenser les pertes accumulées depuis 2010. Quant au PLF pour 2025, le bleu budgétaire indique que les effectifs sont « préservés », autant dire qu’ils n’augmentent pas. L’accueil dans les préfectures est pourtant défaillant, faute de personnel. Notre amendement II-CL39 vise à augmenter de 50 millions les crédits de l'action 05, Fonctionnement courant de l'administration territoriale du programme 354, Administration territoriale de l'État, afin que les préfectures recrutent davantage de personnel et assurent la continuité du service public. L’amendement de repli II-CL40 porte ces crédits à 30 millions d’euros.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Par l’amendement II-CL133, nous souhaitons augmenter le budget du programme Administration territoriale de l’État de 2,9 millions afin de renforcer le personnel chargé de l’accueil dans les préfectures et les sous-préfectures. Le projet annuel de performances indique que le délai cible de délivrance des titres de séjour a été porté à cinquante-cinq jours, preuve que l’on a renoncé à assurer des délais corrects. Les délais moyens sont disparates sur le territoire. Ils sont particulièrement longs dans le Nord : nous passons notre temps à recevoir, dans nos permanences, des personnes qui sollicitent de simples renouvellements de titres. Après la délivrance d’un premier récépissé, puis d’un deuxième, on leur annonce qu’il n’y en aura pas de troisième. Quand le récépissé en cours arrive à expiration, elles se retrouvent en situation irrégulière et leur patron est obligé de les licencier, alors qu’elles sont dans leur bon droit. Si la préfecture appliquait des délais d’instruction normaux, elles auraient un titre de séjour en règle.
Nous finissons donc par créer nous-mêmes des sans-papiers, alors que les gens sont intégrés, ont un emploi, cotisent et paient des impôts. C’est un vrai problème ; il a d’ailleurs fait l’objet d’une décision du Conseil d’État, qui n’a pas été pleinement appliquée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Depuis 2021, le plan « missions prioritaires des préfectures » a rétabli une partie des effectifs supprimés à la suite de la fermeture des guichets d'accueil physique. Par ailleurs, les crédits du programme 354 augmentent déjà fortement, de 80 millions d’euros, dont 50 millions pour les dépenses de personnel. Dans la situation actuelle des finances publiques, je ne crois pas qu’il faille aller plus loin pour au moins trois raisons.
Premièrement, une grande partie des démarches est désormais dématérialisée. Il faut certes continuer d’accompagner ceux qui en ont besoin, mais ils représentent une activité plus faible que lorsque tous les usagers devaient se rendre en préfecture. Les auditions que j’ai menées m’ont convaincue de l’investissement de l’État dans l’accompagnement des usagers. Quelques chiffres en témoignent : 17 millions d’appels traités par l’administration territoriale de l’État en 2023, 2 millions d’appels et 1,5 million de courriels traités par l’Agence nationale des titres sécurisés France titres (ANTS) au premier semestre 2024. Toutes les préfectures et la quasi-totalité des sous-préfectures sont désormais dotées de points d’accueil numérique, qui ont reçu 336 000 usagers en 2023.
Deuxièmement, certaines démarches, notamment le dépôt des demandes et la remise des titres sécurisés, se font désormais dans les mairies, d’où un transfert de dépenses qui est assez bien compensé par l’État, si l’on en croit l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Troisièmement, une partie de l'accueil pour le compte du ministère de l'Intérieur est assurée par le réseau France Services, qui dispose d'agents formés par le ministère et qui a des liens privilégiés avec les opérateurs. Cela permet d’assurer un maillage territorial plus fin qu'en préfecture.
L’amendement II-CL133 prévoit de basculer l'ensemble des financements dédiés aux cultes et à la laïcité vers les préfectures. Vous indiquez qu'il s'agit de dépenses injustifiées car elles ne concerneraient que le régime concordataire en Alsace et en Moselle. Or cette action finance bien d'autres choses : les subventions des communes pour la réalisation de travaux sur les édifices cultuels, les diplômes de formations laïcité, religion et citoyenneté qui s'adressent notamment aux aumôniers intervenant en détention, ou encore des projets de recherche universitaire en islamologie, pour 400 000 euros. Ce même amendement présente une erreur de montant, puisqu’il prévoit de transférer 2,9 millions alors que l'action 07 n’en comporte que 2,1.
Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Vous trouvez formidable qu’il y ait beaucoup d’appels et de courriels, mais si la procédure dématérialisée fonctionnait, il n’y en aurait pas ! Cet indicateur prouve qu’un grand nombre de personnes n’arrivent pas à faire aboutir leurs démarches. Par ailleurs, la Défenseure des droits est saisie par un nombre croissant de personnes voulant faire valoir leurs droits dans le cadre de procédures dématérialisées. À vous entendre, tout va mieux, mais à écouter la Défenseure des droits, tout va moins bien. Je ne lui accorde pas plus de crédit qu’à vous, madame la rapporteure pour avis, mais pour avoir occupé votre fonction l’année dernière, je sais que vous relayez les arguments de l’exécutif, et j’ai la faiblesse de croire qu’il n’est pas d’une honnêteté implacable. Les dysfonctionnements persistent. Je ne parle même pas de la nouvelle plateforme d’administration numérique pour les étrangers en France, l’Anef, créée il y a un an : c’est un fiasco total. Ses agents et les centres de contact citoyen n’ont même pas accès à l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) pour renseigner les gens au téléphone. J’ai effectué moi-même une demande de renseignement auprès de ces services ; je préfère ne pas vous répéter ce qu’ils m’ont répondu, pour ne pas mettre en difficulté ces agents qui font comme ils peuvent dans ces circonstances. Vous ne pourrez jamais remplacer l’être humain pour accueillir les gens en préfecture.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Les 1,5 million de courriels proviennent effectivement de personnes qui ont besoin d’être accompagnées – et ces personnes, il y en aura toujours. Je n’ai pas dit que tout allait bien, mais vous ne pouvez pas dire que tout va mal. Les maisons France Services ont d’ailleurs pour mission de dispenser un accompagnement humain à ceux qui en ont besoin, au plus près des territoires, de sorte que personne ne soit laissé au bord du chemin. Tenons-nous en aux chiffres : entre 2023 et 2024, le délai moyen d’obtention du passeport est passé de trente-quatre à vingt jours, celui du permis de conduire de quarante-six à vingt-trois jours, et celui de la carte nationale d’identité de vingt-six à treize jours.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CL82 de M. Paul Molac
M. Paul Molac (LIOT). Alors que les agents publics subissent un nouveau gel du point d’indice, nous souhaitons interpeller le ministre de l’Intérieur et les rapporteurs de la mission Administration générale et territoriale de l’État sur les choix de l’État dans sa politique de rémunération.
En période d’austérité, le Gouvernement fait souvent le choix de la simplicité en coupant ou gelant les dépenses de personnel et les mesures indemnitaires générales qui touchent indifféremment tous les agents publics, en particulier les plus modestes. Dans le même temps, il arrive que le Gouvernement adopte des mesures catégorielles au bénéfice de quelques hauts fonctionnaires ; elles ont certes un coût faible en apparence, mais ne sont pas acceptables quand tous les autres subissent des baisses de pouvoir d’achat.
Nous nous interrogeons sur l’inscription d’un nouveau complément indemnitaire annuel des directeurs d’administration centrale, mesure catégorielle qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Cet amendement d’appel vise uniquement à obtenir des éclaircissements sur cette mesure : s’agit-il d’une hausse de traitement statutaire ou d’une nouvelle mesure catégorielle octroyée aux hauts fonctionnaires de la préfectorale ? En période de vaches maigres, toute nouvelle mesure indemnitaire, même pour de faibles sommes, devrait se concentrer sur les plus bas salaires de la fonction publique.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. J’ai interrogé le Gouvernement sur le sujet, mais je n’ai pas encore eu de réponse. Je précise toutefois que ce complément d'indemnité n'est pas nouveau, et qu’il est régulièrement réévalué. Il prend en compte les sujétions particulières des directeurs d'administration centrale eu égard à la spécificité de leur fonction. Je ne sais pas s'il revient au Parlement d'intervenir avec ce degré de détail dans la politique de rémunération. Je perçois toutefois l’intérêt de votre amendement, à l’heure où nous demandons des efforts à tout le monde. Je vous propose de le retirer et de le redéposer en séance pour qu'il soit discuté en présence du ministre.
M. Paul Molac (LIOT). Je le maintiens, persuadé que si nous le votons, nous obtiendrons une réponse plus rapide.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement. Le complément indemnitaire annuel n’est effectivement pas nouveau. Il concerne toutes les catégories de la fonction publique, des enveloppes étant prévues pour chaque grade, sans être toujours fongibles d’un grade à l’autre. Il semble qu’une coquille se soit glissée dans le projet de loi au sujet du CIA pour les directeurs d’administration centrale, qui bénéficient déjà d’une grille de rémunération plus élevée que les autres et dont la part fixe a été revalorisée. Sachons raison garder, d’autant que la suppression de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (Gipa) est annoncée. En d’autres termes, on s’apprête à faire les poches des fonctionnaires du bas de la grille et à faire la fête aux directeurs d’administration centrale ! Ce n’est pas acceptable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements II-CL103 de M. Yoann Gillet et II-CL87 de M. Paul Molac (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). La quasi-totalité des indicateurs de la délinquance sont en hausse, et la situation sécuritaire se dégrade. Pourtant, les crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) restent insuffisants d'année en année, loin des besoins réels, comme si tout allait bien, comme si nous ne faisions pas face à une forte menace terroriste, comme si l'insécurité n'était pas galopante. Ce fonds permet de financer la vidéosurveillance, la sécurisation des établissements scolaires, l'équipement des polices municipales, la protection des sites sensibles, la prévention de la radicalisation ainsi que la lutte contre le séparatisme. Les élus locaux en ont grandement besoin.
En raison de l'insuffisance du FIPD, les subventions aux équipements de lutte contre la délinquance des collectivités territoriales restent inférieures à 50 % du coût des projets, objectif pourtant annoncé par le ministre Darmanin. Les mairies qui sollicitent le FIPD se voient opposer une fin de non-recevoir à partir de mars ou avril, au motif que les fonds sont déjà épuisés. Nous proposons donc une forte hausse des crédits du FIPD pour répondre efficacement aux enjeux de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
M. Paul Molac (LIOT). Notre amendement vise à mettre fin au recours à l’intelligence artificielle et à la vidéosurveillance algorithmique déployées lors des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024. Le coût total des marchés publics conclus en la matière par le ministère de l’Intérieur s’élèverait à 8 millions, soit près de 2 millions pour chacun des quatre lots conclus. Cet argent pourrait être mieux utilisé, vu l’ampleur des défis auxquels l’État fait face. Rien ne justifie un tel coût après la fin des Jeux et dans une période de rigueur budgétaire.
Au-delà des aspects financiers, le recours à l’intelligence artificielle pour la surveillance de masse présente des risques pour les libertés publiques, sans garanties éthiques suffisantes du respect des droits fondamentaux.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements, pour des raisons différentes.
Les crédits de l’action 10 Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui financent notamment des associations, sont stables, à 62,4 millions d’euros. Contrairement à ce qu’indique l’amendement II-CL103, depuis le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, la vidéoprotection – qui, j’en conviens, doit être développée – n’est plus financée par le FIPD mais sur une onzième action, qui est gérée par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa) et dont les crédits augmentent de 30 %.
S’agissant de l’amendement II-CL87, je rappelle que la vidéosurveillance algorithmique fait l’objet d’une expérimentation strictement encadrée, sous le contrôle de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). L’expérimentation a été lancée dans le contexte des JOP et doit se poursuivre jusqu’en mars 2025, conformément au vote du Parlement. Je rappelle que cette technologie, qui vise à aider la détection d’infraction et la collecte de preuves, ne repose pas sur la reconnaissance faciale.
Un premier rapport d’évaluation nous sera remis à la fin de l’année. Pour l’instant, les retours sont très encourageants, notamment celui du préfet de police de Paris que notre commission a auditionné à ce sujet il y a quelques semaines. N’abandonnons pas les investissements importants qu’a nécessité cette expérimentation et menons-la à son terme. Nous étudierons ensuite l’opportunité de la généraliser.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur Gillet, ce n’est pas la délinquance qui est en hausse, mais le nombre d’infractions tel qu’il est vu par le ministère de l’Intérieur. La délinquance, c’est autre chose : pour en mesurer l’évolution, il faut se pencher sur les enquêtes de victimation de l’Insee et des services statistiques du ministère. Leur constat n’est pas si alarmant, le nombre d’infractions diminue même dans certaines catégories.
Par ailleurs, vous confondez la répression et la prévention, un domaine que vous ne connaissez manifestement pas. Les caméras, qui ne sont pas financées par l’action que vous évoquez, n’ont jamais eu vocation à lutter contre la délinquance, contrairement à ce que vous affirmez, mais à la prévenir.
Au passage, le premier adjoint de la maire de Lille nous a expliqué que le trafic des stupéfiants s’était ancré dans les quartiers malgré l’installation de 150 caméras de surveillance. Se pourrait-il qu’il n’existe aucun lien entre la prospérité du narcotrafic et l’installation des caméras de surveillance ? Ce n’est qu’une hypothèse…
Mme Sandra Regol (EcoS). Comme M. Molac, je m’étonne que le montant d’une ligne budgétaire puisse augmenter de 28 % en cette période d’austérité, d’autant que les analyses de la Cour des comptes montrent que la vidéosurveillance n’apporte pas grand-chose. Des chercheurs grenoblois ont ainsi montré qu’elle conduisait simplement à réorganiser le trafic de drogue, un trafiquant se chargeant de collecter les paiements, l’autre de distribuer la drogue, tout cela sous les caméras de vidéosurveillance !
Quant à la vidéosurveillance algorithmique, si elle permet d’évaluer les flux de personnes, elle s’est révélée inefficace dans les expérimentations menées en situation réelle, par la SNCF ou lors de concerts, notamment. Il est ridicule de dépenser 8 millions pour des caméras qui servent seulement des objectifs de communication et ne protègent pas nos concitoyens, en période d’austérité.
M. Roger Vicot (SOC). Alors que le comité d’évaluation de l’expérimentation de traitements algorithmiques ne rendra ses conclusions que dans deux mois, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez nous a d’ores et déjà annoncé ici même la généralisation de la vidéosurveillance algorithmique – ces déclarations ont été notamment reprises dans la presse. Les conclusions du comité d’évaluation ont peu de chances de nous surprendre !
M. Yoann Gillet (RN). Les appels à projet de la préfecture de police de Paris que j’ai sous les yeux le montrent : quand la vidéosurveillance concerne un lieu sensible – les abords d’un bâtiment public ou d’un lieu de culte, par exemple –, elle est financée par le FIPD, contrairement à ce que vous indiquez. Or, je le maintiens, le niveau de ce fonds est insuffisant, empêchant les collectivités de prétendre aux subventions qui leur sont promises. M. Darmanin s’était engagé devant cette commission et sur des plateaux de télévision à ce que l’installation de caméras de vidéosurveillance soit financée au minimum à 50 % par l’État. Cette promesse n’a jamais été tenue.
M. Jean Terlier (EPR). Si ces deux amendements visent à modifier les mêmes crédits, leurs motivations sont diamétralement opposées. Chez M. Gillet, c’est afin d’augmenter les moyens du FIPD – alors que la rapporteure pour avis a indiqué que celui-ci ne finançait pas la vidéosurveillance. Chez M. Molac, c’est afin de supprimer le budget de la vidéosurveillance algorithmique, pourtant strictement encadrée. Précisons donc que les objectifs du Rassemblement national et ceux du Nouveau Front populaire sont très différents.
M. Éric Pauget (DR). Selon le préfet Nuñez, les JOP, durant lesquels les forces de sécurité ont été déployées en grand nombre, n’ont pas permis de pleinement utiliser la vidéosurveillance algorithmique, qui est surtout utile lorsque les forces de l’ordre sont en nombre insuffisant. Les événements d’ampleur moindre qui seront organisés sans renforts de police d’ici à la fin de l’expérimentation, en mars 2025, permettront de mieux évaluer l’intérêt de la vidéosurveillance algorithmique.
M. Paul Molac (LIOT). Je m’interroge : l'expérimentation doit s’achever bientôt mais vous lui allouez des crédits supplémentaires. Quant au préfet Nuñez, ne devrait-il pas, avant d’annoncer sa pérennisation, attendre que nous ayons voté la loi ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. L’expérimentation n’est pas encore terminée : elle doit se poursuivre jusqu’en mars 2025, ce qui nous permettra d’évaluer le fonctionnement de la vidéosurveillance algorithmique en dehors d’un contexte exceptionnel.
Par ailleurs, je maintiens que les crédits du FIPD sont stables, à 62 millions d’euros. Quant à l’action 11, Équipements de vidéo-protection et de surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés, ses crédits augmentent de 30 %, passant de 24 millions à 31 millions.
La commission rejette l’amendement II-CL103.
Elle adopte l’amendement II-CL87.
Amendement II-CL59 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité), placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, encadre les activités de sécurité privée – il délivre notamment les cartes professionnelles et contrôle les activités des entreprises du secteur sur le terrain.
N’oublions pas le rôle de la sécurité privée dans la réussite des JOP. Au vu de ses missions, le Cnaps est sous-doté, avec seulement 200 agents, dont environ 50 contrôleurs sur l’ensemble du territoire. Nous proposons d’augmenter son budget.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Les acteurs de la sécurité privée ont effectivement joué un rôle important dans la réussite des JOP ; le Cnaps y a contribué de manière décisive.
Le budget de cette structure augmente déjà de 900 000 euros, soit plus de 5 %, alors que, dans le cadre d’une réorganisation, une partie de ses effectifs et de ses missions est transférée au Sneas – le service national des enquêtes administratives de sécurité. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Conformément à l’avis de Mme la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État modifiés.
Avant l’article 60
Amendement II-CL142 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous proposons de limiter à 10 % la part des contractuels dans les services de l’administration territoriale de l’État. Les services publics, notamment dans les préfectures, se heurtent à des difficultés croissantes, à cause de la restriction de leurs crédits, mais aussi de la précarisation de leurs agents. Les personnels précaires, outre qu’ils ne disposent pas des mêmes droits que les titulaires, ne peuvent pas suivre les mêmes formations.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La limitation proposée du nombre de contractuels conduirait à mettre fin à de nombreux contrats, y compris à durée indéterminée, alors que l’administration territoriale de l’État peine déjà à recruter et que le taux d’emplois non pourvus est supérieur à 3 %. La mesure proposée serait coûteuse et improductive.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Une étude de la Cour des comptes sur les Cert – les centres d’expertise et de ressources titres, qui instruisent les demandes de titres selon des délais qui restent problématiques – a démontré que la qualité et l’efficacité du service qu’ils rendent étaient directement proportionnelles au nombre de fonctionnaires titulaires qui y exercent.
Les contractuels ne s’impliquent pas de la même manière que les titulaires dans leur travail, faute de savoir s’ils seront reconduits à leur poste dans six mois ou un an. Dans la période actuelle de restriction budgétaire, l’administration peut même se passer de leurs services du jour au lendemain, sans autre forme de procès. Les 500 contrats supprimés dans la protection judiciaire de la jeunesse l’illustrent.
En outre, il est plus coûteux de recourir à des contractuels, des vacataires ou des volontaires en service civique qu’à des titulaires, comme l’indique un rapport de la Cour des comptes de 2021 sur l’administration territoriale de l’État.
L’excès du recours aux contractuels nuit donc tant à la qualité du service public qu’aux finances de l’État. Le problème se pose d’ailleurs dans les trois fonctions publiques.
En fixant la part des contractuels à 10 % des effectifs pour l’ensemble de l’administration territoriale – et non pour chacune de ses structures –, celle-ci disposera d’une marge de manœuvre suffisante pour s’adapter aux évolutions de l’activité. Idéalement, il faudrait même étendre ce plafond aux trois fonctions publiques.
La commission adopte l’amendement.
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Puis, la Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission « Sécurités » (M. Éric Pauget, rapporteur pour avis) ;
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CL134 de Mme Élisa Martin et II-CL41 de Mme Sandra Regol (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Contrairement à ce que certains prétendent ici, la doctrine de la police de proximité ne consiste pas à se contenter d’envoyer les effectifs de police patrouiller le nez au vent dans l’espace public, mais à permettre aux agents de nouer un lien de confiance avec la population, et donc d’être plus efficaces, en les dédiant à des zones propres. L’expérimentation de cette doctrine d’action policière a malheureusement été arrêtée brutalement par Nicolas Sarkozy, ce qui a encore élargi le gouffre séparant la police et la population.
Cette évolution n’est pas étrangère au suréquipement des policiers, voire à leur militarisation. La police de proximité est l’inverse d’une police de réaction.
Mme Sandra Regol (EcoS). Qu’ils résident dans des quartiers populaires ou favorisés, nos concitoyens demandent la présence d’agents qu’ils connaissent. La police du quotidien, en restaurant le lien avec la population, fonctionne. Preuve en est le choix opéré par la gendarmerie il y a quelques années de mailler le territoire avec des agents de proximité, qui font remonter les informations et permettent d’anticiper plutôt que de réagir, de prévenir plutôt que de guérir.
Depuis plusieurs années, nous réclamons le rétablissement d’une police de proximité, au service de nos concitoyens. Je sais bien que des tentatives visant à mieux insérer les agents dans le tissu social ont été menées, mais il faut aller plus loin pour rétablir le maillon manquant entre police et population.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je me permets de prendre quelques minutes pour exposer une position globale sur les amendements, ce qui me permettra d’aller plus vite ensuite.
Il va de soi que ce projet de budget n’est pas parfait et que les questions soulevées par les amendements, par exemple sur les équipements lourds de la sécurité civile, les moyens de la police judiciaire ou ceux du programme de mobilisation contre les suicides dans la police, sont toutes pertinentes ; je les examine d’ailleurs dans mon rapport pour avis. Toutefois, le contexte budgétaire nous invite à faire des choix cohérents, responsables et pragmatiques.
Envisagés dans leur ensemble, les crédits de la mission Sécurités sont satisfaisants. Ils augmentent et sont conformes à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi). J’émettrai donc un avis défavorable sur la majorité des amendements. Je me suis moi-même abstenu de déposer des amendements, malgré quelques inquiétudes, car il ne faut pas bouleverser l’équilibre atteint dans ce texte.
Par ailleurs, en vertu de l’article 40 de la Constitution, nous ne pouvons abonder tel programme qu’en ponctionnant tel autre. Or, c’est souvent le programme Sécurité et éducation routières, qui finance une politique à laquelle je suis très attaché, que vous proposez de ponctionner.
J’en viens aux amendements en discussion. La police de proximité correspond à une doctrine d’emploi de la police et non à des unités particulières qu’il s’agirait de créer. En outre, le projet de budget est déjà construit pour favoriser la sécurité du quotidien et l’ancrage de la police dans les territoires, grâce à des indicateurs mesurant la part des heures de patrouille sur la voie publique au sein de l’activité totale, par exemple. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous ne sommes pas responsables de la baisse des crédits dédiés à la sécurité routière. En outre, quand nous proposons de compenser les hausses de crédit, nous demandons systématiquement au Gouvernement de lever le gage.
Je vous accorde qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Il faudrait en effet mener une réforme en profondeur et prévoir de nouveaux moyens d’action pour rétablir la police de proximité. Chiche ! Après tout, elle a déjà existé. Les policiers qui ont travaillé dans ce cadre portent un regard très positif sur son fonctionnement.
Alors que de nombreux policiers se suicident à cause de la difficulté d’exercer un métier qui n’a plus de sens, nous pourrions repenser la police pour qu’elle serve le public.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je mettrai un bémol : la police nationale de proximité que nous défendons n’est pas la police de proximité du quotidien (PSQ) – dont, en 2017, le ministre de l’Intérieur avait annoncé en grande pompe qu’elle serait évaluée par un « Lab’PSQ », mais je vous mets au défi de trouver tout travail universitaire sur celle-ci. Tout cela n’était qu’une vaste arnaque. Les gouvernements successifs pilotent à vue, sans évaluer leur action.
La police nationale de sécurité que nous prônons intégrerait une bonne partie des effectifs de police municipale, ce qui demanderait un transfert de crédits. Il n’est pas normal que certaines villes financent une police municipale et d’autres non. Cela crée des injustices budgétaires au niveau local, au vu du volume des dépenses impliquées.
La sécurité est une mission régalienne. Elle doit être assurée dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), placés sous la double autorité du préfet et du maire. Ils permettent en effet d’articuler au niveau national les principes d’égalité et de subsidiarité.
M. Roger Vicot (SOC). En 2017, le Président de la République annonçait qu’avec l’instauration de la PSQ, la présence des agents dans les commissariats deviendrait l’exception et leur présence sur le terrain, la norme, et que leur charge administrative serait considérablement allégée par l’informatique. Or nous n’avons pas véritablement constaté de changement de philosophie de l’action de la police nationale.
Nous voterons l’amendement de Mme Regol, mais nous nous abstiendrons sur l’amendement de Mme Martin, car celui-ci prévoit la suppression des brigades anticriminalité (BAC). Il ne nous paraît pas opportun de supprimer ces brigades qui traitent les flagrants délits, à moins de proposer une solution de remplacement.
M. Jordan Guitton (RN). Comme chaque année, la gauche et La France insoumise ressortent leur vision antipolice de la société et leur projet de « police de proximité ». Lors des dernières élections législatives, votre programme prônait le désarmement complet de la police. Comment pourrait-elle alors veiller à la sécurité de nos compatriotes ?
Vous proposez en outre de démanteler la BAC. Qui donc interviendrait en cas d’attaque terroriste ou face aux agressions contre les femmes ? Une police de proximité désarmée ?
Votre vision est déconnectée : nous vivons dans une société de plus en plus violente. Les statistiques du ministère de l’Intérieur et le bilan catastrophique de Gérald Darmanin démontrent qu’il faut une police armée et une BAC. Et la police doit pouvoir compter sur le soutien des parlementaires.
Quant à la police de proximité, en tant qu’élus nous savons que les services de police assurent déjà une telle mission en répondant aux sollicitations des citoyens.
Les amendements de crédits que vous présentez chaque année ont pour seul objectif de désarmer et de démanteler la police et la gendarmerie nationales. Nous nous y opposons évidemment.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Monsieur Bernalicis, on ne peut en effet pas parler de police de proximité sans aborder le sujet des polices municipales qui, depuis vingt‑cinq ans, en jouent de facto le rôle. Les 4 500 communes qui sont dotées d’une police municipale y emploient 27 000 agents, nombre qui devrait passer à 35 000 d’ici cinq ans. La réflexion doit être globale.
Si certaines des propositions figurant dans les amendements de votre groupe sont très pertinentes, il faut cependant les gager différemment. S’en prendre aux crédits de la BAC serait une erreur majeure.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL35 et II-CL34 de Mme Sandra Regol, II-CL16 de M. Roger Vicot, II-CL45 et II-CL46 de M. Jordan Guitton (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Depuis le début de l’année, vingt et un agents de la police nationale se sont donné la mort – souvent avec leur arme de service – et ceux qui passent à l’acte sont de plus en plus jeunes, parfois peu de temps après leur sortie d’école. Les policiers nous parlent souvent de ce phénomène, qui témoigne d’une fracture dans la profession.
Or les moyens destinés à aider les policiers qui ne vont pas bien diminuent, qu’il s’agisse des crédits finançant l’aide de psychologues ou du programme de mobilisation contre les suicides.
Le service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) ne compte que 122 psychologues pour environ 152 000 agents, soit un ratio de 1 pour 1 250. L’amendement II-CL34 propose de créer 78 postes supplémentaires : c’est un minimum qui, à défaut d’atteindre un ratio normal, permettrait que le travail des agents soit respecté.
L’amendement II-CL35 prévoit quant à lui un dispositif de remboursement intégral des séances d’accompagnement d’un agent des forces de l’ordre par un psychologue en exercice libéral ou dans un centre de santé. Il n’est en effet pas toujours facile d’aller consulter un psychologue de la police : les choses se savent vite dans les commissariats et l’on peut craindre d’être stigmatisé. Il faut donc aider les agents à se faire accompagner, afin que la violence ne se répercute pas sur les usagers ou sur les collègues.
Ces amendements répondent à l’une des premières revendications de la profession. Même s’ils étaient adoptés – ce dont je doute, vu la teneur de ce budget –, ils ne résoudraient naturellement pas les dysfonctionnements structurels de l’institution.
M. Jordan Guitton (RN). Mes amendements proposent d’augmenter les crédits destinés à la lutte contre les risques psychosociaux et au plan de mobilisation contre les suicides, en s’inspirant des conclusions du rapport du Sénat intitulé Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine.
En vingt-cinq ans, plus de 1 000 policiers se sont malheureusement suicidés. Ils sont 39 % à souffrir de détresse psychique, 65 % subissent des tensions dans les relations avec le public et 51 % ont des problèmes dans leur vie privée.
J’ai bien compris que les moyens budgétaires étaient limités, mais nous parlons des forces de l’ordre, c’est-à-dire de ceux qui protègent jour et nuit l’ensemble de nos concitoyens. Nous devons mettre en place le cadre législatif et les budgets nécessaires à leur travail.
En les décriant, certains parlementaires exercent une pression psychique et morale sur les policiers. Pas nous : la police ne tue pas, elle protège l’ensemble des Français.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Nous sommes tous sensibles à la prévention des risques psychosociaux auxquels sont exposés les membres des forces de l’ordre et de la sécurité civile, en particulier la prévention du suicide.
Néanmoins, il s’agit ici pour partie d’amendements d’appel ; avis défavorable. Les crédits consacrés au programme de mobilisation contre les suicides avaient été multipliés par trois dans le PLF pour 2024. Il est vrai qu’ils diminuent cette année, mais ils correspondent au montant des crédits réellement consommés l’an dernier.
Quant aux psychologues, le SSPO en compte en effet 122 mais ce nombre passe à 310 si l’on prend en compte les contractuels.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les crédits ont en effet été votés, mais ils n’ont pas été consommés faute de volonté de procéder aux recrutements nécessaires.
Il ne suffit pas d’affirmer qu’on aime la police sans rien faire pour qu’elle aille mieux. Les agents qui souffrent peuvent être dangereux pour eux-mêmes mais aussi pour autrui. Or il faut qu’ils se sentent le mieux possible pour accomplir correctement leurs missions. Je ne reviens pas sur les difficultés d’exercice du métier : les policiers sont confrontés à des populations en très grande difficulté alors même que la politique du chiffre ne leur permet plus d’accomplir leur mission d’accompagnement, qui est au cœur de leur engagement.
Il nous revient de compenser les dégâts résultant de choix politiques qui détruisent notre police. Si la police ne va pas bien, ce sont nos droits et l’égalité de traitement des territoires qui sont mis à mal.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Lors de son audition, le ministre de l’Intérieur a utilisé un bien pauvre argument en expliquant que les crédits destinés à lutter contre les suicides baisseraient en 2025 car ils n’ont pas été consommés en 2024 : c’est bien le problème. Et même s’ils l’avaient été, ce serait encore insuffisant étant donné l’augmentation du nombre des suicides dans la police et la gendarmerie nationales. Pour lutter efficacement contre ce fléau, il faut mobiliser les moyens nécessaires ; c’est l’objet de ces amendements.
Notre groupe avait sonné l’alarme dès 2019 en demandant la création d’une commission d’enquête sur les risques psychosociaux dans les forces de l’ordre. Il faut avancer, et non baisser les crédits.
M. Ludovic Mendes (EPR). Nous avons tous le même objectif. Dans les services relevant du ministère de l’Intérieur comme dans toute la société, la lutte contre les violences intrafamiliales et les addictions exige de disposer de nombreux psychologues, psychiatres et psychothérapeutes. Or on en manque. Il faut donc certes des crédits, mais il faut également former et recruter davantage de professionnels. Les difficultés d’accès à ce type d’accompagnement sont persistantes – même si localement, il est arrivé qu’elles soient liées à un niveau insuffisant de rémunération de ces professionnels. Quoi qu’il en soit, augmenter les crédits n’apporterait malheureusement aucune solution faute de personnel disponible.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Quel que soit notre groupe, nous sommes tous préoccupés par les risques psychosociaux.
L’examen des crédits à l’instant T n’a pas de sens ; c’est la dynamique sur plusieurs années qu’il faut analyser. Les crédits ont triplé dans le budget 2024 par rapport à 2023, mais en vain puisque le ministère n’est pas en mesure de les consommer. C’est pourquoi il est proposé de revenir à une dotation plus conforme à la capacité d’utilisation des crédits.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL157 de M. Antoine Villedieu
M. Antoine Villedieu (RN). Alors que les policiers et les gendarmes risquent chaque jour leur vie pour protéger les Français, leurs familles vivent sous la menace constante des violences. Intimidations, voitures rayées, maisons taguées et insultes gravées sur les portes : ce ne sont pas des faits isolés mais la triste réalité de ceux qui partagent la vie de nos héros du quotidien. Certains reçoivent des messages de haine et des menaces de mort dans leur boîte à lettres, tandis que d’autres doivent vivre sous protection policière à cause des dangers auxquels ils sont exposés. Des enfants n’osent plus parler du métier de leur père ou leur mère, de peur de subir des représailles. Des membres de l’association « Femmes des forces de l’ordre en colère » ont de nombreuses fois témoigné de ce harcèlement. Certaines subissent des campagnes de haine en ligne. D’autres ont reçu des courriels ignobles se réjouissant du suicide de leur mari. Ces familles vivent dans l’angoisse permanente.
Mais qu’ont fait les gouvernements jusqu’à présent ? Rien. Pire encore, ils les abandonnent à la haine des groupuscules d’extrême gauche dont le slogan est : « Flic suicidé à moitié pardonné ». Hors quelques paroles de compassion de la part de responsables politiques, les familles restent livrées à elles-mêmes.
C’est pourquoi nous proposons la création d’un fonds d’indemnisation pour les familles des membres des forces de sécurité intérieure victimes de violences. Il faut qu’elles soient dédommagées rapidement et justement, même lorsque les criminels sont insolvables. Il s’agit aussi d’assurer ces familles du réel soutien de l’État.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. La création d’un tel fonds me paraît utile mais il faut en approfondir les modalités, notamment le dimensionnement. Le même amendement avait déjà été déposé l’année dernière et rejeté par la commission des finances au motif qu’il convenait de mieux évaluer le montant des crédits nécessaires. Avis défavorable.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Il existe déjà un fonds d’indemnisation des victimes, qui peut être mobilisé.
Surtout, nous aurions tout à gagner – et les policiers et les gendarmes également – à réfléchir à leurs conditions de travail et à leur doctrine d’emploi. Rechercher la désescalade permettrait d’apaiser un certain nombre de situations et contribuerait à protéger les membres des forces de l’ordre et leurs familles. Tant que nous n’aurons pas mené cette réflexion de fond, nous n’avancerons pas de manière significative. Or nous souhaitons tous réduire les risques psychosociaux et les passages à l’acte dans la police.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL131, II-CL130 et II-CL132 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL9 et II-CL10 de M. Roger Vicot, II-CL79 de M. Michaël Taverne, II-CL129 de Mme Danièle Obono et II-CL158 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les amendements II-CL131, II-CL130 et II-CL132 ont pour objet d’améliorer l’accueil des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Du fait de l’insuffisance des moyens humains et de la formation, il leur est déjà difficile de s’y rendre pour porter plainte. Nombre des 94 000 victimes de viol rencontreront des difficultés lors de leur accueil, ne seront pas reconnues comme victimes ou verront leur plainte classée sans suite.
Les associations de défense des droits des femmes ont estimé qu’il faudrait mobiliser plusieurs milliards d’euros pour la juste cause qui consiste à améliorer significativement la situation des victimes. Il n’est pas acceptable que la moitié de la population française soit tendanciellement davantage victime, que ce statut ne soit pas reconnu et que les auteurs des faits ne soient pas sanctionnés. Tout commence par l’accueil des victimes.
M. Roger Vicot (SOC). Chacun convient de l’importance de la formation des policiers. En début d’année, j’ai été corapporteur d’une mission d’information sur la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre. La question de la formation au tir a été maintes fois évoquée par les personnes auditionnées, y compris par la haute hiérarchie policière.
Or les moyens alloués à la formation des forces de l’ordre ne sont pas suffisants. Ils ont même manifestement été réduits, puisque l’objectif d’augmentation de 50 % du temps de formation a tout simplement disparu. En moyenne, les policiers nationaux ne font même pas les trois séances de tir obligatoires par an – ce qui est déjà beaucoup trop peu.
Nous proposons par conséquent de recruter du personnel de formation de haut niveau, afin que les policiers – notamment les milliers d’agents recrutés ces dernières années – soient en pointe, singulièrement dans le domaine des enquêtes et de la lutte contre la criminalité organisée.
C’est la raison pour laquelle l’amendement II-CL9 propose d’augmenter de 100 millions les crédits de l’action 06 Commandement, ressources humaines et logistique du programme 176 Police nationale.
M. Michaël Taverne (RN). Mon amendement vise à augmenter les crédits – et donc le temps – consacrés à la formation des forces de l’ordre.
Lorsque certains parlent de problèmes de formation, ils visent systématiquement l’utilisation de l’arme de poing et la réaction en cas de refus d’obtempérer – dans la plupart des cas, les policiers n’utilisent jamais leur arme au cours de leur carrière. En revanche, on ne parle pas de la formation aux premiers secours, à l’utilisation des moyens de force intermédiaires ou aux techniques d’intervention et d’interpellation. Dans tous ces domaines, les formations proposées ne sont pas suffisantes et les policiers doivent parfois les suivre à leurs frais pour être efficaces sur le terrain. C’est un problème.
Les crédits alloués à la formation avaient diminué d’un peu plus de 31 % dans le PLF pour 2024. En 2025, la fusion de la sous-action Formation au sein d’une sous-action Fonctionnement courant des services, plus large, ne permet pas de s’assurer qu’un effort réel est prévu en la matière.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement II-CL129 propose d’augmenter les moyens destinés à la formation des policiers en matière de lutte contre les discriminations à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Les policiers eux-mêmes demandent cette formation, qui permettrait de lutter contre un phénomène dénoncé par l’Organisation des Nations unies (ONU) : le racisme dans la police.
Cette formation serait utile pour mieux enregistrer les plaintes. Lors de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, on avait beaucoup parlé du chiffre caché du racisme : 1 million d’actes et propos racistes pourraient chaque année donner lieu à un dépôt de plainte. Or seulement 12 000 plaintes sont déposées.
L’augmentation proposée permettrait de former 3 000 des 9 200 commissaires et officiers de police.
M. Antoine Villedieu (RN). Selon la Cour des comptes, entre 160 000 et 190 000 heures supplémentaires ont été effectuées par les seuls agents de la direction départementale de la police nationale des Bouches-du-Rhône.
Pour faire face à l’insuffisance des effectifs et aux besoins urgents, nous proposons de renforcer la formation des réservistes de la police et de la gendarmerie nationales en faisant passer leur formation initiale de deux à trois semaines. Un nouveau module de formation continue de deux semaines leur permettrait en outre d’obtenir la qualité d’agent de police judiciaire adjoint, ce qui soulagerait la tâche des agents titulaires et des contractuels.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. L’accueil des victimes de violences conjugales et de violences sexistes et sexuelles ainsi que la formation des policiers sont déjà des enjeux prioritaires pour le Gouvernement.
La lutte contre les violences faites aux femmes constitue le premier pilier du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2023-2027. De nombreuses démarches ont été engagées. Le ministère a professionnalisé la mission d’accueil du public au sein des services et systématisé le dépôt de plainte. Une plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d’accompagnement des victimes a été mise en place. Par ailleurs, l’enregistrement de plaintes en dehors des locaux de police, expérimenté en 2021, a été généralisé à l’ensemble du territoire. En ce qui concerne l’accueil des victimes, je ne citerai qu’un exemple : le « pack nouveau départ », expérimenté depuis 2023 dans le Val-d’Oise.
Plusieurs formations destinées à l’ensemble des catégories de policiers ont été renforcées. Je tiens à votre disposition les éléments transmis par le ministère en réponse au questionnaire budgétaire.
En somme, les gouvernements successifs se sont mobilisés sur l’ensemble de ces questions depuis plusieurs années. Il faut évidemment aller plus loin, mais créer de nouvelles lignes budgétaires n’est pas forcément la solution la plus pertinente. Mieux vaut amplifier les dispositifs déjà mis en place.
Avis défavorable sur ces amendements.
Mme Sandra Regol (EcoS). On nous oppose souvent le manque de ressources, mais je rappelle que lors de l’examen en commission de la première partie du PLF, nous avons adopté beaucoup de nouvelles recettes. Elles permettraient de financer de nombreuses actions, allant de la lutte contre les violences faites aux femmes à la formation des policiers et des sapeurs-pompiers.
On sait que les personnels de la sûreté ferroviaire s’entraînent plus fréquemment au tir que les agents de la police nationale. C’est quand même délirant.
L’audition l’an dernier du chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et de la cheffe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a permis de comparer les doctrines d’ouverture du feu lors d’un refus d’obtempérer. On ne compte aucun tué s’agissant de la gendarmerie alors que, du côté de la police, l’absence de remise en question de la doctrine et l’insuffisance de formation ont conduit à accumuler les morts et les blessés, tant dans la population que chez les agents.
M. Michaël Taverne (RN). Je prends acte de votre réponse, monsieur le rapporteur pour avis, même si je continue de penser que nous avons énormément de retard en matière de formation.
Une nouvelle fois, nous avons entendu la petite musique d’extrême gauche selon laquelle les policiers seraient de méchants racistes qui pratiquent le contrôle au faciès. Rappelons qu’une formation de deux heures sur les discriminations est obligatoire depuis 2018. Il s’agit d’une directive du ministère de l’Intérieur et les policiers ne peuvent y déroger, contrairement à d’autres modules facultatifs comme les gestes de premiers secours.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cette obligation n’est pas appliquée. La Défenseure des droits a constaté que la moitié seulement des policiers ont suivi cette formation.
C’est toujours le même problème. Certains sont activement racistes : ils sont convaincus qu’il existe une inégalité entre les êtres humains en fonction de la couleur de peau, de la religion ou que sais-je encore – ceux-là sont d’ailleurs nombreux parmi les députés du RN. Mais il y a aussi le racisme systémique, qui existe dans l’ensemble de la société et qui agit de la même manière que les discriminations sexistes et le patriarcat. C’est contre ce type de racisme qu’il faut lutter, car il conduit des personnes à entretenir, parfois même sans le vouloir, le système de domination raciste.
Je ne pointe pas du doigt les policiers en tant que tels. Certains sont racistes, ce qui est un problème, car ils portent l’uniforme de la République et que le racisme est contraire à la loi qu’ils sont censés faire respecter. Mais c’est au caractère systémique du racisme qu’il faut s’attaquer pour faire évoluer les comportements.
La commission rejette successivement les amendements II-CL131, II-CL130 et II-CL132.
Elle adopte successivement les amendements II-CL9 et II-CL10.
Elle rejette successivement les amendements restants.
Amendements II-CL11 de M. Roger Vicot, II-CL78 de M. Michaël Taverne, II-CL36 de Mme Sandra Regol, II-CL127 de Mme Élisa Martin, II-CL159 de M. Michaël Taverne, II-CL160 de Mme Florence Goulet, II-CL51 de M. Yoann Gillet, II-CL125 de M. Damien Maudet et II-CL120 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Roger Vicot (SOC). Mon amendement II-CL11 vise à allouer à la police judiciaire le même niveau de crédits que l’an dernier. En effet, on ne peut à la fois expliquer, comme l’a fait cet après-midi le ministre de l’Intérieur, qu’il faut consacrer des moyens très importants à la police d’investigation, et prévoir une baisse vertigineuse de plus de 8 % de ses crédits – baisse qui atteint même 19 % en ce qui concerne la sous-action Administration centrale et cabinets de cette ligne budgétaire.
Il nous faut donc absolument rétablir 280 millions d’euros de crédits pour la police judiciaire, l’un des bras armés de notre système de sécurité. C’est une somme légitime, demandée et nécessaire.
M. Michaël Taverne (RN). Il est vrai qu’une augmentation de crédits importante et bienvenue avait été entérinée en faveur de la police judiciaire lors de l’examen du PLF pour 2024. Je rappelle que ce sont les agents de cette direction qui remontent les filières et démantèlent les réseaux du narcotrafic. Nous proposons donc également de revenir sur la baisse parfaitement contreproductive des crédits qui lui sont alloués – en l’occurrence 247 millions d’euros hors administration centrale – afin de recentrer ses missions.
Certains collègues ont réagi, cet après-midi, lorsque j’ai expliqué au nouveau ministre de l’Intérieur que c’est son prédécesseur qui a commencé à mettre la police judiciaire en difficulté. Je vous invite à vous rendre dans ses directions régionales, notamment à Marseille, afin que les policiers qui y travaillent depuis vingt ou vingt-cinq ans vous montrent comment les choses fonctionnent et combien la réforme de la police judiciaire aura des conséquences néfastes dans les mois et années à venir.
Mme Sandra Regol (EcoS). Toujours dans l’optique de rehausser les crédits alloués à la police judiciaire, je rappelle que 2,7 millions de procédures étaient simultanément ouvertes en 2022, ce qui représente une moyenne de 180 dossiers par enquêteur – ce chiffre étant évidemment plus élevé dans les territoires les moins bien dotés. Le nombre d’agents de police judiciaire est insuffisant à tous les échelons de la grille hiérarchique et les premières victimes de cette situation sont bien sûr les citoyennes et les citoyens eux-mêmes, qui ont besoin que les enquêtes progressent.
Quand on lui en donne les moyens, notre police mène de très bonnes enquêtes. La baisse des budgets entraîne la chute drastique du taux de résolution. Nous sommes en train d’abîmer le trésor précieux que représente notre police judiciaire. Notre devoir de législateur est d’enrayer cette folie.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je vous invite à vous replonger dans le rapport d’information que j’ai rédigé avec Marie Guévenoux sur la réforme de la police judiciaire, car tout y est. Du moins en ce qui me concerne, j’avais prévu les conséquences de la départementalisation.
Par ailleurs, il est effectivement urgent de renforcer les moyens de la police judiciaire. Cet après-midi, le ministre de l’Intérieur a soutenu que la baisse des crédits s’expliquait par un changement de périmètre et, donc, que le projet annuel de performance (PAP) pour 2025 ne pouvait pas être comparé avec celui pour l’an dernier. Mais pas de chance : le PAP pour 2024 intégrait déjà la réforme de la départementalisation ! Il y a donc bien une diminution de budget de 400 millions d’euros, ainsi que le passage de 46 746 à 41 665 ETP en un an. Cinq mille postes en moins ! Il doit y avoir une erreur quelque part, car une telle baisse de plus de 5 000 personnels paraît étrange, mais il faudra vérifier. Ce qui est certain, c’est que les services sont en souffrance, que des postes demeurent vacants et que l’augmentation de la prime de voie publique a réduit l’attractivité de celle d’officier de police judiciaire, la différence n’étant plus que de 50 euros. Dans ces conditions, pourquoi s’épuiser à conduire des enquêtes, à y consacrer ses week-ends, à faire des horaires indus et à assumer plus de responsabilités ?
M. Michaël Taverne (RN). Eu égard à la trajectoire budgétaire fixée par la Lopmi, l’augmentation de 1 % des crédits alloués à l’action Ordre et sécurité publics du programme Gendarmerie nationale paraît trop faible. Afin de lui permettre d’accomplir ses missions et de faire face à la hausse de la délinquance et de la criminalité dans les zones rurales, mon amendement II-CL159 vise à accorder à la gendarmerie 130 millions d’euros supplémentaires, ce qui correspondrait à une progression de 4 % de son budget. Cette proposition s’inscrit dans le cadre du contre-projet budgétaire élaboré par le groupe RN, qui prévoit une hausse globale de 400 millions d’euros des crédits de la mission Sécurités.
Mme Florence Goulet (RN). Par l’amendement II-CL160, nous voulons rappeler au Gouvernement qu’il doit accélérer la concrétisation des engagements pris en 2023 par Emmanuel Macron en matière de sécurité dans les territoires ruraux. Avec force communication, M. Darmanin avait en effet annoncé la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie sur l’ensemble du territoire national, mais cette promesse tarde à se réaliser. Par exemple, dans ma circonscription du Nord Meusien, alors que le trafic de drogue et la délinquance sont en constante augmentation, nous attendons toujours les deux brigades promises.
Il est impératif que l’État respecte ses engagements pour répondre au besoin de sécurité de nos concitoyens. La crédibilité des politiques publiques est en jeu.
M. Yoann Gillet (RN). Les Français subissent une dégradation continue de leur sécurité. Le quartier Pissevin de Nîmes, au cœur de ma circonscription, est emblématique de la faillite de l’État, incapable de faire face à la délinquance endémique qui touche toutes les villes de France. Les habitants de ce quartier se sentent à juste titre délaissés dans une insécurité totale. Or le budget le montre : le Gouvernement renonce à consacrer des moyens au rétablissement de l’ordre dans notre pays submergé par la criminalité.
Augmentation du nombre de zones de non-droit gangrenées par les trafics de drogue, chaos sécuritaire, violences de plus en plus gratuites : les défaillances se multiplient. Nos policiers portent l’ordre républicain à bout de bras et n’en peuvent plus, étant également fragilisés par les dysfonctionnements internes de leurs services. Comment peuvent-ils protéger efficacement les Français dans de telles conditions ?
Mon amendement II-CL51 vise donc à augmenter significativement les crédits de la police nationale, afin de renforcer la prévention et la répression des crimes et délits qui ravagent notre pays.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement II-CL125 de mon collègue Maudet tend à complètement revoir les moyens de contrôle de la police nationale, en remplaçant l’IGPN par une instance réellement indépendante. Si nous faisons cette proposition tous les ans, c’est parce que le contrôle d’une institution est amoindri dès lors qu’il est assuré en son sein. Dans le cas de la police, une logique de corps peut exister et entraîner un décalage entre, d’un côté, les bavures et les manquements commis et, de l’autre, les sanctions reçues. C’est un problème majeur, car l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – texte auquel vous savez que j’aime me référer – dispose que ceux-ci sont justement garantis par la force publique. Ainsi, quand les forces de police n’honorent pas cette mission constitutionnelle, il est logique qu’une instance de contrôle s’en saisisse et prononce éventuellement des sanctions.
M. le président Florent Boudié. Je rappelle que la Défenseure des droits exerce déjà un contrôle externe de la police nationale.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement II-CL120 a le même objet que le précédent. En remplacement de l’IGPN et de l’IGGN, je propose d’instituer un véritable contrôle indépendant des forces de sécurité, lequel serait justement rattaché, monsieur le président, à la Défenseure des droits.
Ainsi que l’a dit Antoine Léaument, l’indépendance de cette autorité est nécessaire afin que les problèmes ne soient pas minimisés et que sa légitimité soit assurée. C’est précisément son manque d’indépendance, surtout en comparaison des pouvoirs qui lui sont attribués, et malgré une légère progression de sa transparence, qui explique le manque de légitimité de la police des polices, aux yeux des agents eux-mêmes, mais aussi de la société dans son ensemble.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable sur ces amendements.
S’agissant d’abord de la police judiciaire, la baisse de 8 % de ses crédits ne peut qu’interpeller. À en croire les dirigeants de la police nationale que j’ai auditionnés, ainsi que le ministre de l’Intérieur qui s’est exprimé sur ce point cet après-midi, cette diminution serait davantage le résultat d’un changement de périmètre budgétaire qu’une réelle coupe. Cela étant, je partage les craintes des uns et des autres, parce que cette baisse est importante et parce que nous avons besoin d’une police de haut niveau.
À cet égard, la réforme de la police judiciaire suscite d’importants débats, aussi bien dans notre enceinte que dans les départements. Il s’agit d’un sujet sensible devant être suivi et évalué par le ministère de l’Intérieur. Dans cette attente, je serai défavorable aux amendements qui s’y rapportent. Je ne crois pas qu’ils soient le bon outil pour se prononcer sur l’opportunité de la réforme.
Quant aux autres amendements figurant dans cette discussion commune, je m’en tiendrai à ce que j’ai dit initialement, à savoir qu’il ne faut pas toucher aux équilibres d’un budget globalement en progression.
En ce qui concerne l’IGPN, je rappelle simplement que sa dirigeante actuelle est issue du corps de la magistrature et non de la police nationale.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je répète que les effectifs de la police judiciaire sont passés de 46 746 à 41 665 ETP entre 2024 et 2025. Il y a donc bien une baisse. Votre rôle, monsieur le rapporteur pour avis, est peut-être de nous dire que nous n’avons d’autre choix que de gérer la pénurie, et tant pis pour la valeur du service public. Et peut-être que M. Retailleau, n’est tout simplement pas au fait des chiffres ; nous l’invitons à les examiner de près.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une magistrate se trouve à la tête de l’IGPN que l’indépendance de cette entité est assurée, à plus forte raison quand on connaît le parcours professionnel de cette personne. L’autonomie de l’instance de contrôle ne sera effective que si cette dernière est extérieure aux services de police.
M. Michaël Taverne (RN). La police et la gendarmerie sont les institutions les plus contrôlées et les plus sanctionnées de la fonction publique. Il faut remettre les choses à leur place : en 2022, 2 100 sanctions ont été prises contre des policiers et 2 800 contre des gendarmes.
Je rappelle aussi qu’avant la Défenseure des droits, c’était la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui contrôlait la police. À cet égard, je vous assure que les policiers qui étaient auditionnés par cette instance subissaient un moment plus difficile encore qu’une garde à vue, ne serait-ce qu’en raison des problèmes administratifs que cela engendrait pour eux.
Quant à l’IGPN, venez donc observer son fonctionnement en immersion, cela vous serait utile : vous apprendrez que chaque enquête judiciaire y est conduite sous l’autorité d’un juge. Révisez donc vos dossiers.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le groupe socialiste aurait aimé que l’amendement II-CL120 de Mme Faucillon ne vise qu’à rendre obligatoire le dépaysement des affaires impliquant un policier, un fonctionnement qui s’applique déjà aux magistrats mis en cause par la justice. Sans y voir nécessairement un mal, il peut en effet exister un lien de proximité entre les parties, qui se connaissent et travaillent ensemble.
En revanche, nous sommes moins favorables à la deuxième partie de l’amendement, c’est-à-dire la suppression pure et simple de l’IGPN.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vos propos frisent la caricature, monsieur Taverne. Passer devant l’IGPN serait pire qu’une garde à vue ?
M. Michaël Taverne (RN). Je parlais de la CNDS.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Lors de la réforme des retraites, pendant laquelle vous n’avez rien fait hormis soutenir les policiers, y compris dans la phase de répression des manifestants, j’étais pour ma part aux côtés de ces derniers pour contrôler les modalités des gardes à vue. Et je peux vous dire que les conditions de détention n’étaient pas formidables. J’ai vu des personnes en détresse respiratoire, ou encore des jeunes arrêtés en violation de l’article 66 de la Constitution – qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu » – afin de les dissuader de poursuivre les mobilisations.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Monsieur Léaument, vous n’êtes pas le seul à connaître la réalité des gardes à vue. Pendant dix ans, j’ai assisté des personnes arrêtées et j’ai toujours trouvé que les policiers faisaient preuve d’énormément de patience – patience que vous n’auriez certainement pas –, sans jamais avoir le moindre comportement raciste.
Qui se retrouve immédiatement placé en détention provisoire avant même que les affaires ne soient jugées ? Les policiers eux-mêmes ! Pourtant, sitôt les enquêtes conduites, ils sont souvent lavés de tout soupçon. Veuillez donc réviser vos positions.
La commission rejette successivement les amendements II-CL11 et II-CL78.
Elle adopte l’amendement II-CL36.
Elle rejette successivement les amendements restants.
Amendement II-CL124 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). À vous entendre, les Français voudraient voir toujours plus de bleu sur la voie publique. Cependant, présenter les choses de cette manière ne dit rien d’une stratégie, revient à toujours viser les mêmes personnes et laisse à penser que la prévention n’est pas nécessaire.
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose une symétrie dans l’allocation des moyens entre la lutte contre la délinquance du bas et celle contre la délinquance du haut – je pense ici au trafic d’armes, à la fraude fiscale, ou encore à la criminalité organisée. En effet, ce sont rarement les mêmes personnes qui se rendent coupables de ces deux types de criminalité, en particulier s’agissant de la fraude fiscale. Or nous sommes intimement convaincus que le comportement des plus aisés, qui, faute de moyens pour les en empêcher, trichent facilement, a des répercussions sur la société dans son ensemble. Après tout, puisque les plus riches ou les gros bonnets – qui sont parfois les mêmes individus – agissent de la sorte, pourquoi les autres ne le feraient-ils pas ?
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Antoine Villedieu (RN). Oui, il faut plus de bleu dans la rue ! Ce sont bien les policiers qui, par leur présence sur le terrain, permettent l’interpellation des agresseurs, des violeurs, ou encore des trafiquants de stupéfiants, que ce soit dans le métro ou dans les cités. Ils protègent la population au quotidien.
Je ne pense pas que vous vous sentiez plus en sécurité que les autres, madame Martin : c’est juste que vous avez horreur du bleu. Il n’empêche que les Français en réclament beaucoup plus que du rouge !
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). La police de proximité que nous appelons de nos vœux serait probablement habillée de bleu. Vous vous trompez donc : la question n’est pas la couleur, mais la stratégie. Vous savez d’ailleurs pertinemment que ce n’est pas la police d’intervention, focalisée sur les cités pour reprendre vos mots, qui permet de lutter contre le trafic de drogue. La seule perspective que vous donnez à ces agents est de vider la mer avec les mains, ce qui explique d’ailleurs leur mal-être au travail. Ils ont le sentiment de toujours réitérer les mêmes actes, sans en voir l’issue ni l’efficacité. Si vous vous préoccupez réellement des policiers, discutons de la stratégie.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL146 de M. Michaël Taverne, II-CL52 de M. Yoann Gillet et II-CL123 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
M. Michaël Taverne (RN). Le rapport de l’agence Frontex pour l’année 2023 révèle une augmentation significative de 17 % des passages irréguliers des frontières européennes. Au total, 380 000 franchissements illégaux ont été comptabilisés – un record depuis 2016 –, en raison de la hausse des arrivées par la région méditerranéenne. Face à l’ampleur du phénomène de l’immigration clandestine, auquel la France est particulièrement confrontée, il importe de renforcer sensiblement, en l’occurrence de 250 millions d’euros, les moyens alloués à la police des étrangers et à la sûreté des transports internationaux. Cet effort s’inscrit dans le contre-budget présenté par le RN, qui sanctuarise la trajectoire financière adoptée dans le cadre de la Lopmi.
M. Yoann Gillet (RN). Les Français subissent une immigration dérégulée, massive, anarchique et source de délinquance, qui pèse lourdement sur leur vie quotidienne et que les gouvernements successifs ont été incapables d’enrayer.
La situation est d’ailleurs encore plus critique en outre-mer. Les acteurs locaux dénoncent l’impunité des migrants, l’épuisement des forces de l’ordre, l’insuffisance des moyens, l’inadaptation des équipements. Selon la direction générale de la police aux frontières, à Mayotte, la présence de personnes en situation irrégulière dans les bidonvilles crée de l’insécurité et favorise les attaques contre les agents. Pour m’être rendu sur place il y a quelques semaines, je ne peux qu’en témoigner.
Les crédits alloués à la police aux frontières sont donc clairement insuffisants pour faire face à l’immigration clandestine, démanteler les filières qui l’organisent et assurer la sûreté des moyens de transport internationaux. Ce budget pour 2025 est même dérisoire face à la submersion migratoire que subit notre pays. Mon amendement II-CL52 vise à y remédier.
Mme Marie-France Lorho (RN). Comme les précédents, mon amendement II‑CL123 vise à mieux doter les services de la police des étrangers, chargée du contrôle des frontières. Encore récemment, la Commission européenne insistait sur les graves menaces à l’ordre public et à la sécurité intérieure que posent les terroristes de haut niveau sur notre continent. S’il faut se réjouir que le Gouvernement prolonge le contrôle aux frontières jusqu’au 30 avril 2025, il convient de donner davantage de moyens aux personnels appliquant cette politique. En août dernier, Fernand Gontier, ancien directeur de la police aux frontières, soulignait en effet que ce service souffre de difficultés de recrutement, de la complexité des procédures, de l’absence de remplacement des effectifs recrutés avant la crise sanitaire, de l’insuffisance des formations, ou encore du manque d’accès aux technologies, soit autant de dysfonctionnements qu’il convient de corriger.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le ministre de l’Intérieur nous l’a confirmé cet après-midi, la lutte contre l’immigration illégale fait partie de ses priorités. Notons d’ailleurs que les crédits qui y sont consacrés sont en hausse de 6 % pour l’année prochaine, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel, me paraît équilibré. Mon avis est donc défavorable sur ces amendements.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). L’immigration clandestine me semble par définition difficile à mesurer. Quoi qu’il en soit, la militarisation des frontières et la multiplication des empêchements aux points de passage ne règlent rien et ne font qu’accroître le danger et le nombre de morts, aggravant d’ailleurs la responsabilité des agents chargés d’appliquer cette politique. Dans ces conditions, je le répète, ils ont le sentiment de devoir vider la mer avec les mains. Nous en revenons ainsi au manque de sens donné aux missions confiées aux policiers. Pour notre part, nous proposons un modèle fondé sur un accueil digne et organisé.
Et puisque l’agence Frontex a été citée, j’en profite pour rappeler que nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur les soupçons de corruption qui pèsent sur elle.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Ces amendements ne feraient que renforcer la clandestinité et vous donneraient même un rôle de complice des passeurs. En effet, ce qui augmente le nombre de passages illégaux, c’est bien la réduction des voies légales et sûres, notamment pour demander l’asile. Les murs que nous avons érigés sont aussi longs que la circonférence de la Terre mais l’immigration continue de progresser. Notre politique est donc une impasse et j’en veux pour preuve la décision de Giorgia Meloni qui, après avoir fait campagne sur la réduction de l’immigration, a régularisé un grand nombre de travailleurs sans-papiers. Elle a ainsi fait preuve d’un pragmatisme dont ces amendements semblent dépourvus.
M. Yoann Gillet (RN). S’il est vrai que le Gouvernement affirme sa volonté de conduire la politique migratoire ferme qu’attendent les Français, les chiffres de l’immigration illégale parlent d’eux-mêmes. En l’occurrence, le PLF prévoit une baisse des crédits de 42 % en autorisations d’engagement et de 23 % en crédits de paiement. Le message de fermeté n’est donc pas suivi d’effet, ce dont les Français se rendront compte très rapidement.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Vous confondez les missions. Nous examinons présentement les crédits de la mission Sécurités et ceux alloués à l’action 04, Police des étrangers et sûreté des transports internationaux, qui connaissent bien une hausse importante de 6 %. Vous anticipez l’examen des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Je maintiens donc mon avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL126 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je me félicite que nous soit donnée l’occasion d’aborder la question de la sécurité routière. À cet égard, la création du fameux homicide routier ne résout rien et participe d’une logique de surenchère pénale, sans traiter le fond du problème.
Car les chiffres ne sont pas bons. Si nous les comparons, par souci de pertinence, avec ceux de l’année 2019, nous ne pouvons que nous inquiéter de la progression du nombre de tués parmi les adolescents de 14 à 17 ans et plus généralement du nombre d’accidents impliquant des jeunes conducteurs. Lors de son audition, cet après-midi, le ministre de l’Intérieur a parlé de vies brisées : il y en a également sur la route.
Plutôt que de jouer sur les mots et ne rien résoudre, il faut non seulement préserver mais renforcer les moyens dédiés à la prévention routière, en nous appuyant sur les associations, en renforçant la sensibilisation lors de l’apprentissage de la conduite, en contrôlant régulièrement la capacité des automobilistes à conduire, en améliorant l’entretien des routes – même si, pour ce faire, il ne faudrait pas autant serrer la ceinture aux départements.
Au total, 35 ETP sont supprimés dans le domaine de la prévention et de l’éducation routières. Quitte à créer l’infraction d’homicide routier, il faudrait avoir l’honnêteté de s’attaquer à l’ensemble du problème.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le délit d’homicide routier n’a pas encore été adopté ; tout à l’heure, la commission des lois m’a désigné rapporteur pour la deuxième lecture de la proposition de loi qui vise à l’introduire. Je précise néanmoins que celle-ci ne prévoit pas de nouvelles sanctions : elle cherche à mieux qualifier juridiquement les infractions de la route.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Inutile : elle n’évitera pas une seule mort sur la route.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Ce n’est pas l’avis des magistrats, ni des associations de victimes. En tout état de cause, laissons le processus législatif aller à son terme.
Quant à cet amendement, je m’astreindrai à la discipline que je m’applique depuis le début et lui donnerai un avis défavorable, afin de préserver l’équilibre budgétaire de la mission Sécurités.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je tiens à dénoncer une hypocrisie. Tout le monde n’a de cesse de nous faire la leçon sur les questions de sécurité, mais nous sommes les seuls à faire de vraies propositions. En effet, vous ne cherchez qu’à punir a posteriori, notamment en aggravant les peines, sans jamais parler de prévention. Plutôt que de punir les auteurs de crimes et délits une fois qu’ils les ont commis, il serait tout de même plus pertinent d’éviter qu’ils les commettent en premier lieu. Nous aurons le même débat tout à l’heure lorsque nous examinerons les crédits relatifs à l’immigration.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL98 de Mme Martine Froger
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement de Martine Froger vise à assurer le règlement, par le ministère de l’Intérieur, des loyers impayés de la gendarmerie aux collectivités territoriales. En effet, malgré la provision adoptée par le Parlement l’an dernier, les retards accumulés en la matière atteignent la somme totale de 200 millions d’euros, soit un manque à percevoir difficile à supporter. Alors que le Gouvernement multiplie les attaques contre la gestion financière des collectivités, notons qu’il arrive aussi à ces dernières de pallier les manquements de l’État – et pas seulement sur la question relative aux gendarmeries.
Pour que cet amendement soit recevable, nous avons été contraints de prévoir une ponction de 200 millions d’euros sur une autre ligne budgétaire, mais s’il est adopté je ne doute pas que le Gouvernement renoncera à cette compensation.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le ministre de l’Intérieur a apporté des réponses à cette question lors de son audition de cet après-midi. J’ai moi-même abordé le sujet dans mon rapport pour avis et je puis vous assurer que la direction générale de la gendarmerie nationale a obtenu les crédits qui lui manquaient pour régler les loyers et qu’ils figureront dans le projet de loi de fin de gestion. L’amendement étant satisfait, je lui donne un avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Dans une autre vie, je payais les loyers de la police et de la gendarmerie, ou plutôt je ne les payais pas parce que le ministère n’avait pas les sous ! Il s’agit d’une véritable technique pour s’accorder des marges de manœuvre budgétaires sur le dos des collectivités, étant donné que ce type d’impayés n’entraîne pas d’intérêts moratoires. Pour obtenir le dégel de crédits que n’obtiennent pas les autres, les ministres successifs opèrent une sorte de chantage en faisant valoir, par exemple, que s’ils n’ont plus d’argent pour payer le carburant des véhicules, il ne pourra plus y avoir de patrouilles. C’était ainsi en 2015, lorsque je travaillais au ministère de l’Intérieur, et malheureusement, rien n’a changé !
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL27 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Par cet amendement, je propose de renforcer les dispositifs d’accompagnement psychologique des sapeurs-pompiers, car eux aussi vivent des situations extrêmes, éprouvantes, épuisantes et mettant leur vie en danger. Comme pour les policiers, les programmes existants sont insuffisants. Si le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de l’Orne est à cet égard exemplaire, il n’y a guère que dans ce département qu’une unité de soutien psychologique existe, illustrant d’ailleurs de nouveau les disparités entre les services. Nous proposons donc le remboursement intégral des séances de psy pour les pompiers volontaires, professionnels et militaires.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendements II-CL28, II-CL26 et II-CL29 de Mme Sandra Regol, II-CL155 de M. Julien Rancoule, II-CL139 de M. Damien Maudet, II-CL63 et II-CL154 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). La flotte aérienne des Sdis est vieillissante. Les Canadair CL-415 ont en moyenne vingt ans et ont été rafistolés un nombre incalculable de fois, témoignage d’une époque où la durabilité des avions était supérieure.
Les besoins de maintenance s’accumulent. En été, cela peut mettre des vies en danger, si les entreprises qui en sont chargées n’arrivent pas à suivre. L’amendement II-CL28 vise donc à ouvrir les crédits nécessaires à l’achat de nouveaux Canadair, qui avait été promis.
L’État utilise en appoint des hélicoptères bombardiers d’eau lourds, qu’il loue. Ces locations n’étant pas pérennes, nous proposons par l’amendement II-CL26 l’achat de dix hélicoptères Super Puma d’Airbus. Cette commande publique permettrait de maintenir 1 500 emplois sur le sol français et de préparer notre pays au réchauffement climatique.
À l’amendement II-CL29, nous proposons l’acquisition de quinze Air Tractor Fire Boss, de petits avions bombardiers d’eau pouvant transporter 3 000 litres d’eau.
Le rapport sénatorial sur les moyens aériens de la sécurité civile souligne les problèmes d’intégration liés aux locations d’appareils. En investissant dans du matériel pérenne et en formant des pilotes sur notre sol, nous permettrions au dispositif opérationnel de gagner en cohérence, et nous accroîtrions les moyens des pompiers face aux enjeux climatiques.
M. Julien Rancoule (RN). Le Nouveau Front populaire propose l’achat d’une dizaine d’avions bombardiers d’eau mais les crédits correspondants ne serviraient à rien car la société en position de monopole sur ce marché ne serait pas en mesure d’en fournir autant et aussi rapidement. Nous sommes plus réalistes et proposons, à l’amendement II-CL155, une enveloppe de 50 millions d’euros. L’amendement de repli II-CL63 prévoit 10 millions d’euros.
Quant à l’amendement II-CL154, il prévoit 5 millions de crédits pour financer la recherche et le développement de solutions françaises et européennes pour les avions bombardiers d’eau, afin que nous devenions autonomes à moyen terme. Je pense à l’avion amphibie développé par Hynaero et aux solutions de transformation d’avions à moindre coût de Kepplair – deux entreprises françaises.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter les moyens de la sécurité civile. Le ministre de l’Intérieur en convient – et comment pourrait-il le nier ? –, nous sommes confrontés à des phénomènes climatiques majeurs. Face à l’ampleur nouvelle des incendies de forêt, nous devons disposer des équipements nécessaires. En protégeant notre territoire, notamment les espaces naturels, de la destruction, nous faisons aussi des économies.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je me suis arrêté sur ces questions importantes dans mon rapport et durant l’audition des représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Faut-il poursuivre les investissements lourds pour acquérir du matériel, comme nous nous y sommes habitués au cours des dernières décennies ? Alors que les feux de forêt se produisent toujours pendant la même saison, faut-il continuer à mobiliser des pilotes et des moyens à l’année ? Faudrait-il approfondir la mutualisation des moyens à l’échelle européenne ? Au-delà du programme RescEU (réserve européenne de ressources), nous pourrions envisager des coopérations européennes contre les feux de forêt ou les inondations.
Enfin, ne faut-il pas accepter l’utilité de la location, qui permet de gagner en souplesse et en réactivité ? Dans mon département des Alpes-Maritimes, la location d’hélicoptères bombardiers d’eau entre le 15 juin et le 15 septembre suffit à couvrir les besoins. Le reste de l’année, on évite ainsi d’engager des moyens de fonctionnement – entretien des équipements, formation des pilotes et ainsi de suite. Le ministère doit engager une réflexion de fond, y compris avec les pays européens qui nous entourent – le ministre l’a d’ailleurs évoqué tout à l’heure. Tant qu’elle n’a pas eu lieu, nous ne pouvons voter d'amendements de crédits à ce sujet. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Quand ils ne combattent pas les feux de forêt, les pilotes de la sécurité civile ne se tournent pas pour autant les pouces. Ce sont souvent d’anciens pilotes de l’armée de l’air en fin de carrière, qui possèdent des compétences de haut niveau. Ils doivent s’entraîner en permanence dans toutes les conditions météorologiques, afin de ne pas commettre d’erreur lorsqu’ils larguent des tonnes d’eau. Quand bien même nous n’aurions besoin de ces avions qu’une partie de l’année, en nous contentant de louer du matériel, nous empêcherions des entraînements suffisamment réguliers et nous mettrions la population en danger.
Je suis favorable à la mutualisation des moyens, mais rien dans ce budget ne va dans ce sens.
Enfin, je rappelle que les hélicoptères ne servent pas seulement en cas d’incendie. Ils peuvent d’ailleurs faire l’objet de conflits d’usage. Quant aux avions Canadair, leur achat serait évidemment amorti, puisqu’ils peuvent être utilisés pendant vingt ans. Il est plus judicieux d'utiliser les deniers de l’État pour acheter un matériel qui dure que pour louer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL30, II-CL33, II-CL31, II-CL32 de Mme Sandra Regol, II-CL153 et II-CL156 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Il faut prévoir davantage de moyens terrestres de lutte contre les feux de forêt dans les pactes capacitaires, car les incendies sont de plus en plus fréquents et virulents.
L’amendement II-CL30 permettrait l’acquisition de 5 000 camions-citernes feux de forêt, dans l’objectif de doubler notre capacité, car il est incompréhensible que nous anticipions aussi peu.
L’amendement II-CL33 vise à appliquer une recommandation sénatoriale, la création d’une forme de pacte capacitaire dédié au risque d’inondation. Il faut aider les Sdis à acheter du matériel de pompage lourd. Lors des auditions, les sapeurs-pompiers nous ont expliqué que ce type d’équipement avait défaut lors des inondations récentes dans le Nord et le Pas-de-Calais, si bien qu’il a fallu emprunter du matériel à la Belgique – preuve que la mutualisation existe.
L’amendement II-CL31 concerne l’achat de protections pour les pompiers. Leur santé est abîmée par l’exposition à de nombreuses substances toxiques. Or ces affections ne sont pas encore reconnues comme maladies professionnelles, malgré des avancées récentes.
L’amendement II-CL32 concerne les Pfas – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées –, des polluants éternels très dangereux. Le Sdis du Bas-Rhin utilise désormais des mousses anti-incendie dépourvues de ces produits. Nous proposons de les généraliser, car elles ne sont pas plus coûteuses et protègent à la fois la santé des sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels et des populations, mais aussi les nappes d’eau.
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL153 vise à augmenter le budget alloué au développement du logiciel NexSIS 18-112, qui devait initialement être déployé dans tous les Sdis en 2022 – il ne le sera finalement qu’en 2027. Quelques Sdis ont commencé à utiliser une version d’essai du logiciel cette année ; l’expérimentation sera élargie à une vingtaine de services en 2025. Puisque le logiciel est désormais utilisé en conditions réelles, il importe d’accélérer la correction des bugs, en augmentant les crédits.
L’amendement II-CL156 vise à augmenter de 2,5 millions d’euros le budget alloué à l’acquisition de camions-citernes feux de forêt. Nous ne sommes pas aussi ambitieux que le Nouveau Front populaire, qui demande 1,4 milliard pour en acquérir 5 000 l’an prochain, car les fabricants du monde entier ne suffiraient pas pour produire autant de véhicules dans des délais aussi brefs. En outre, la philosophie des Sdis n’est pas de se reposer intégralement sur l’État pour l’achat de ces équipements.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Ces amendements renvoient à des questions de fond, que nous avons traitées dans le cadre des auditions. Avis défavorable.
Le manque d’un matériel de pompage de grande capacité a été pointé par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). La France manque de moyens pour réagir face aux inondations, comme l’a illustré la situation de ces derniers jours dans les Alpes‑Maritimes.
Revient-il à l’État de se doter d’outils propres ? Faut-il créer des pactes capacitaires « inondations » ? Dans quelle mesure faut-il aider les Sdis ? Faut-il acheter du matériel ou le louer ? Le ministère doit engager une réflexion rapide sur ces points, car nous savons qu’entre mi-août et mi-novembre, les inondations gagneront en fréquence et en violence.
Mme Sandra Regol (EcoS). Il faut protéger les pompiers, notamment de l’exposition aux Pfas. Nous disposons d’une solution, votons-la ! Les pompiers insistent pour la reconnaissance de leurs maladies professionnelles, comme le savent tous ceux qui travaillent avec eux.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL1 de M. Florent Boudié
M. le président Florent Boudié. La création d’une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile, installée à Libourne, d’un coût global de près de 400 millions d’euros, nécessite des crédits supplémentaires, alors que 163 militaires sont déjà présents sur le site et que la prise de commandement est prévue le 14 octobre. Outre des crédits de paiement, 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont nécessaires au titre 2 du programme Sécurité civile, hors compte d’affectation spéciale (CAS).
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable, conforté par la prise de position du ministre tout à l’heure. La création de cette unité à Libourne, prévue depuis plusieurs années, est importante, car elle améliorera le maillage du territoire.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CL172 et II-CL57 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL172 vise à financer pour 2 millions d’euros une campagne de sensibilisation à la lutte contre les incendies domestiques. Chaque année, ceux-ci causent entre 300 et 600 décès et plus de 10 000 blessés, car nos concitoyens ne connaissent pas toujours les réflexes pour prévenir ces incendies et lutter contre eux, alors qu’ils sont les premiers maillons de la chaîne de secours. Par exemple, alors que les détecteurs de fumée sont obligatoires dans les logements depuis dix ans et que leur efficacité n’est plus à démontrer, ils ne sont pas toujours installés ou sont hors d’usage.
L’amendement II-CL57, qui suit, prévoit d’organiser une campagne de communication nationale pour recruter des sapeurs-pompiers volontaires – en s’inspirant de l’exemple de celles pour le recrutement d’agents de l’administration pénitentiaire et des forces de l’ordre ou de militaires.
Le recrutement de ces volontaires relève certes des Sdis mais l’enjeu est bien national, d’autant que ces derniers ne disposent pas tous des mêmes moyens. Nous manquons cruellement de sapeurs-pompiers volontaires, notamment dans les zones rurales.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CL138 de M. Damien Maudet
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cet amendement propose d’étendre les actions de prévention des incendies de forêts à l’ensemble du territoire national en s’inspirant du modèle de l’Entente pour la forêt méditerranéenne. Cette zone est particulièrement exposée aux feux, mais force est de constater que le reste du pays doit aussi s’organiser pour y faire face.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL152 et II-CL56 de M. Julien Rancoule, amendement II-CL140 de M. Damien Maudet (discussion commune)
M. Julien Rancoule (RN). Mes amendements proposent d’augmenter les subventions aux associations agréées de sécurité civile (AASC), respectivement de 500 000 et de 250 000 euros.
Ces subventions ne s’élèvent actuellement qu’à 160 000 euros, répartis entre une quinzaine d’associations. Leurs bénévoles ont pourtant joué un rôle important durant les JOP, et méritent que nous adoptions cette mesure de bon sens.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). L’amendement II-CL140 prévoit d’augmenter de 160 000 euros le montant des subventions versées aux associations agréées de sécurité civile. Leur modèle de financement, qui repose principalement sur des dispositifs prévisionnels de secours et sur les formations de secourisme, est particulièrement fragile. Elles doivent en outre faire face à des injonctions contradictoires.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Sagesse.
Ces associations jouent un rôle majeur et leurs bénévoles ont été particulièrement mis à contribution lors des JOP, comme elles le sont lors des crises, de plus en plus nombreuses.
Ne sachant pas quel est le bon niveau de l’augmentation des subventions, je propose, d’ici à l’examen en séance publique, d’en affiner le montant en lien avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.
La commission adopte successivement les amendements.
Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités modifiés.
Après l’article 64
Amendement II-CL137 de M. Damien Maudet
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le bilan de la réforme visant à intégrer la formation d’officier de police judiciaire (OPJ) à la formation initiale des policiers et gendarmes.
Lors de l’annonce de cette réforme, M. Darmanin avait indiqué qu’elle permettrait d’augmenter le temps de formation des OPJ, ce qui n’est pas exact. En outre, on peut considérer que le système qui consistait à réserver ces formations à des personnels disposant déjà d’une certaine expérience avait du sens.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Notre commission a pour tradition de ne pas adopter les amendements demandant un rapport au Gouvernement et le sujet que vous abordez peut faire l’objet de questions écrites.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse d’une tradition établie et cette réforme mérite une évaluation détaillée ; une question écrite n’y suffirait pas.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinquante à zéro heure cinq, le mercredi 23 octobre.
Amendement II-CL187 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry (RN). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport faisant un état des lieux des moyens aériens positionnés à proximité des parcs naturels régionaux et nationaux et des financements publics nécessaires pour lutter contre les incendies.
Ces espaces doivent faire l’objet d’une attention toute particulière, car ils forment un patrimoine aussi vulnérable qu’inestimable. Les moyens aériens sont souvent les plus efficaces pour circonscrire les incendies avant qu’ils ne se propagent car ces parcs sont souvent difficiles d’accès – c’est notamment le cas du parc naturel régional des Alpilles, situé dans ma circonscription.
Les données qui figureraient dans ce rapport seraient précieuses pour élaborer une véritable stratégie nationale de préservation des massifs protégés.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL66 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement demande la remise d’un rapport sur la maintenance des avions bombardiers d’eau.
On constate que leur disponibilité a tendance à baisser d’année en année, de même que celle des hélicoptères de la sécurité civile. En juin dernier, début de la saison des feux, un syndicat de personnels navigants a signalé que le nombre de Canadair disponibles oscillait entre zéro et deux. Au mois d’août, sept appareils sur douze étaient en état d’intervenir.
La maintenance a été externalisée et, alors que le contrat avait été dénoncé il y a quelques années en raison des faiblesses de la société qui en était titulaire, il lui a été réattribué. Il est donc nécessaire d’obtenir un rapport expliquant pour quelles raisons les calendriers de maintenance n’ont pas été respectés. Nous risquons d’avoir encore davantage de problèmes si nous attendons et nous avons eu la chance que les incendies de cet été n’aient pas eu l’ampleur de ceux de 2022.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL72 de M. Damien Maudet
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport sur l’externalisation de la fabrication des titres sécurisés. Je suis choqué que cette tâche ne soit pas assurée directement par l’État – notamment s’agissant des passeports.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’État a fait ce choix pour des raisons de stratégie commerciale, car cela permet à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) de fournir des titres à d’autres pays.
Un certain nombre d’affaires de corruption d’agents publics étrangers a d’ailleurs conduit à des perquisitions dans les locaux de cette agence. Il aurait effectivement été préférable de maintenir cette activité au sein de l’État.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). C’est IN Groupe, c’est-à-dire l’ancienne Imprimerie nationale, qui fabrique les cartes nationales d’identité. Or il est possible de se procurer sur le site Alibaba les hologrammes vierges de ces documents et des encres de sécurité prétendument inviolables. Autrement dit, une entreprise d’État qui fait 80 % de marge sur certains titres vend à l’État des documents d’identité qui ne sont pas du tout au niveau du point de vue de leur sécurité – à tel point que plusieurs chancelleries dans le monde ne les reconnaissent pas.
Il serait donc opportun de faire un état des lieux, et ce d’autant plus qu’IN Groupe fait l’objet d’accusations de corruption.
La commission adopte l’amendement.
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Enfin, la Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Laure Miller, rapporteure pour avis).
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL49 de M. Aurélien Lopez-Liguori, amendements II-CL67 et II-CL70 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). À Menton, le ministre de l’Intérieur a montré les dents et fait des promesses de fermeté face à l’immigration irrégulière. Quelle n’a pas été notre surprise de constater que le budget alloué à la lutte contre l’immigration illégale diminue de 40 % !
Nos concitoyens paient chaque jour le prix de l’inexécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) : Philippine, assassinée par un Marocain sous OQTF ; Lola, assassinée par une Algérienne sous OQTF ; Claire, violée par un ressortissant étranger sous OQTF ; et tant d’autres victimes remisées dans les rubriques de faits divers de la presse quotidienne régionale. Les gouvernements successifs qui ont refusé d’augmenter les moyens alloués à la lutte contre l’immigration illégale sont coresponsables de ces tragédies.
Les déclarations de fermeté ne suffisent pas ; place aux actes. Avec cet amendement raisonnable et nécessaire, nous proposons d’augmenter de 100 millions le budget alloué à la lutte contre l’immigration irrégulière. Cet argent permettrait de financer la création de places dans les centres de rétention administrative (CRA) et de mieux protéger leur personnel – agressé quotidiennement par des migrants dont le profil est de plus en plus dangereux. Il y va de la sécurité des Français, qui veulent tout simplement pouvoir marcher dans la rue ou prendre les transports en commun sans devenir les martyrs du laxisme migratoire.
Si vous vous y opposez seulement pour une question d’argent, je propose plus loin l’amendement II-CL151 qui permet de supprimer la moitié des subventions aux associations pro-migrants.
M. Yoann Gillet (RN). Philippine, Lola, Olivier, Barbara et Nadine sont les victimes de l’immigration irrégulière. Tous ces Français tués par des migrants délinquants seraient sans doute encore en vie si l’immigration était maîtrisée.
En octobre 2022, Emmanuel Macron avait annoncé un objectif de 100 % d’exécution des OQTF. Deux ans plus tard, les Français subissent toujours les conséquences de l’immigration clandestine. Alors que le Premier ministre se rendait à la frontière franco-italienne pour évoquer la lutte contre cette immigration, nous avons appris avec stupéfaction que les crédits qui lui sont alloués vont passer de 300 millions en 2024 à 173 millions en 2025. Ce choix est un véritable abandon par l’État de ses missions régaliennes, alors que près de 900 000 étrangers en situation irrégulière seraient présents sur notre territoire. Ce sont nos compatriotes qui subissent les conséquences du laxisme migratoire et des mauvaises décisions politiques.
En 2022, le taux d’exécution des OQTF était de seulement 6,9 % en France, contre 21,4 % en Grèce, 24 % en Italie, 32 % en Espagne et même près de 52 % au Danemark. Comment atteindre l’objectif de 100 % d’exécution avec un budget moindre ?
Plutôt qu’essayer de corriger les effets de l’immigration incontrôlée, le Gouvernement s’attaque aux crédits nécessaires à la sécurité des Français.
L’amendement II-CL67 prévoit d’augmenter de 60 millions les crédits afin de financer les actions fermes que nous exigeons. Il faut évidemment un budget conséquent pour expulser systématiquement les délinquants étrangers et exécuter de manière rigoureuse les OQTF.
L’amendement II-CL70 a pour objet de mieux lutter contre l’immigration de masse, et donc contre l’insécurité. Chaque jour, les flux migratoires hors de contrôle fragilisent la France et minent la sécurité de nos compatriotes. Pourtant, 326 000 premiers titres de séjour ont été accordés en 2023, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2023.
Alors que 75 % des Français réclament une politique migratoire plus stricte, ce Gouvernement continue de rester passif, comme les précédents, prisonnier de l’idéologie sans-frontiériste. Accorder des titres de séjour de manière anarchique et régulariser sans tenir compte de la qualité des individus, tout cela reste à l’ordre du jour. L’assassin de Samuel Paty détenait une carte de séjour pluriannuelle, tandis que l’auteur de l’attaque terroriste à Rambouillet avait obtenu une autorisation exceptionnelle de séjour avant que lui soit délivrée une carte de séjour valable jusqu’à la fin de 2021.
Il est donc impératif de prendre les mesures adéquates pour lutter contre l’immigration anarchique. Les Français le réclament et c’est nécessaire pour protéger notre pays.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Faut-il augmenter le budget consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière ? On peut partager cet objectif. D’ailleurs, vous auriez pu mettre à jour vos arguments, puisque le ministre s’est engagé tout à l’heure à amender le PLF pour rétablir ces crédits à leur niveau de 2024.
Vos amendements proposent de transférer des crédits depuis l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants vers l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière. Mais une politique d’immigration doit marcher sur ses deux jambes : lutter contre l’immigration illégale d’un côté et intégrer les étrangers en situation régulière de l’autre. Votre proposition me paraît donc déséquilibrée.
Vous dites que vous voulez augmenter l’exécution des mesures d’éloignement. Je rappelle que la France est le pays européen qui réalise le plus d’éloignements. Vous pourriez d’ailleurs reconnaître que l’exécution des OQTF soulève des difficultés qui ne sont pas d’ordre budgétaire mais juridique et diplomatique – en raison notamment de la délivrance au compte-gouttes des laissez-passer consulaires par certains pays.
J’entends Mme Le Pen dire qu’elle va taper sur la table avec son petit poing et qu’elle va tout régler de cette manière. Ce n’est pas aussi simple. Malgré vos grands discours, vous ne pourrez pas résoudre des problèmes géopolitiques.
La loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration adoptée en début d’année va permettre de procéder plus systématiquement à des éloignements grâce à la réduction de la durée des recours et à la suppression des protections dont bénéficiaient certains étrangers.
Avis défavorable sur ces amendements.
M. Yoann Gillet (RN). Puisque vous nous dites que le Premier ministre est prêt à augmenter les crédits pour lutter contre l’immigration bien que le budget présenté soit très décevant, pourquoi n’adoptez-vous pas nos amendements ?
Ce que vous dites au sujet des OQTF est faux. En réalité, la France est le pays en Europe où le taux d’exécution des mesures d’éloignement est le plus faible. Ce ne sont pas les volumes qui importent, mais les taux. Il ne vous a pas échappé que les populations sont différentes, de même que le nombre de clandestins.
Un peu d’humilité, madame Miller. Vous estimez que vous avez les solutions et que tout est merveilleux. Mais depuis que préside celui que vous soutenez depuis sept ans, le pays ne s’est jamais aussi mal porté et il n’y a jamais eu autant d’insécurité et d’immigration. Plus de 80 % des Français réclament de la fermeté et approuvent massivement le programme du RN et de Marine Le Pen en la matière.
Mme Sandra Regol (EcoS). Notre travail de législateur ne doit pas s’appuyer sur les sondages ou sur des évaluations au doigt mouillé, mais sur des faits scientifiques étayés.
Dans 80 % des cas, les violences sexuelles sont le fait de proches des victimes et dans 98 % des cas, ce sont des hommes qui en sont responsables. Se focaliser sur la minorité des affaires où le mis en cause n’est pas un proche – et parfois est un étranger – constitue un mensonge sur les violences faites aux femmes. C’est aussi une façon d’instrumentaliser ces violences afin de s’en prendre aux valeurs essentielles de l’État de droit. Il est scandaleux d’entendre des arguments aussi peu fondés.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Il y a une forme d’abjection dans cette manière d’égrener les noms de victimes de violences, d’abus sexuels et de meurtres en soulignant que ceux qui les ont commis sont des personnes immigrées.
Mais les députés du RN ne parleront jamais de Louane, de Leila, de Brigitte, de Magali, de Christelle, d’Édith, de Lorraine, de Lorena, de Marie-Antoinette, de Cynthia et de toutes les femmes qui ont été assassinées cette année, la plupart du temps par leur mari ou par un proche. Ils n’en parleront jamais parce que ce n’est pas l’immigration qui est en cause, c’est le patriarcat.
Vous racontez n’importe quoi : 96 % des personnes faisant l’objet d’une OQTF n’ont commis absolument aucun délit. Et pour les 4 % restants, il s’agit le plus souvent de vols, c’est-à-dire d’une délinquance liée à la pauvreté. Vous ne vous préoccupez jamais des causes de l’immigration parce que vous êtes amis avec ceux qui en sont responsables – tel M. Bolloré, dont la chaîne de télévision se plaint de l’immigration alors qu’il exploite des matières premières en Afrique depuis des années. Vous ne parlez jamais des guerres, alors qu’elles sont la principale cause d’émigration. Vous attisez des peurs et vous ne réglez aucun des problèmes. Surtout, vous ne parlez jamais de la souffrance de ceux qui sont contraints de quitter leur pays.
Mme Elsa Faucillon (GDR). La France procède à un nombre bien plus important d’éloignements que les autres pays européens et 96 % des personnes visées par une OQTF n’ont en effet commis aucun délit.
La plupart travaillent, ont des enfants scolarisés et participent à la vie sociale et culturelle. Mais ils font l’objet d’une OQTF simplement parce qu’ils ont tenté de se faire régulariser ou n’ont pu obtenir un rendez-vous à la préfecture. Le système ne fonctionne pas.
Certains font systématiquement un lien entre l’étranger et le délinquant ou l’agresseur sexuel. Cette corrélation ne repose sur aucune étude scientifique. Outre ses biais racistes, un tel discours masque la réalité de la culture du viol et du patriarcat. Pour la combattre, il faut reconnaître que les viols sont majoritairement commis par des proches. Le procès des viols commis à Mazan montre que les profils des auteurs sont très hétérogènes, ce qui témoigne de la diffusion de la culture du viol dans la société française. Ce n’est pas une question de catégorie sociale, ni d’origine culturelle ou ethnique.
Mme Béatrice Roullaud (RN). La gauche ne comprend pas l’exaspération des gens. Nous citons les noms des victimes de personnes sous OQTF car leur mort aurait pu être évitée. Nous ne nions pas que beaucoup de faits ont lieu au sein des familles et nous les avons toujours dénoncés, notamment dans le cadre des travaux menés par la délégation aux droits de l’enfant. Mais vous devez entendre que 79 % des Français ne comprennent pas pourquoi les coupables n’avaient pas été expulsés. Les parents des victimes se disent que si cela avait été fait, leur fille serait en vie. Je vous demande d’y réfléchir.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL73 et II-CL74 de M. Yoann Gillet, II-CL53 de Mme Alexandra Masson, II-CL69 et II-CL71 de M. Yoann Gillet, II-CL170 de Mme Edwige Diaz et II-CL54 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). L’incapacité de l’État à contrôler les frontières outre-mer est l’un des principaux facteurs d’insécurité, comme le montre la situation de Mayotte, submergée par des flux migratoires qui ne faiblissent pas. Selon l’Insee, plus de 40 % de la population de l’île est étrangère et une majorité des immigrants est en situation irrégulière. Ces données sous-estiment très certainement l’ampleur du phénomène. À l’immigration en provenance des Comores s’est ajoutée celle venant de Madagascar et de la région des Grands Lacs. Sur 3 379 demandes d’asile en 2022, 1 780 émanaient de Comoriens, 733 de Malgaches et 866 de ressortissants de pays africains.
La submersion migratoire a atteint un niveau tel que tout craque. La porosité des frontières permet tous types de trafics, des gangs armés de machettes s’introduisent dans les établissements scolaires, des coupeurs de routes rançonnent les automobilistes et dès dix-huit heures, les honnêtes citoyens ne sortent plus de chez eux. Les services publics s’effondrent et l’économie locale souffre. L’immigration clandestine alimente une économie parallèle qui asphyxie le développement de l’île et décourage les entrepreneurs qui font face à une concurrence déloyale. La plupart des personnes soignées dans les hôpitaux sont en situation irrégulière.
Il règne à Mayotte une violence qu’aucun de nos compatriotes ne devrait jamais subir. Cette situation a été qualifiée à juste titre de bombe à retardement dans un rapport d’information de la commission des affaires étrangères, sans pour autant que cela entraîne une prise de conscience des pouvoirs publics. Cet état de choses appelle une réponse ferme et tel est l’objet de l’amendement II-CL74.
Sur le même thème, mon amendement II-CL69 tend également à alerter sur le fait que l’immigration massive et anarchique constitue l’un des terreaux de l’aggravation de l’insécurité dans notre pays. À l’exception du RN, la classe politique refuse de reconnaître ce qu’affirment 68 % des Français et ce que confirment les statistiques officielles, c’est-à-dire qu’il existe évidemment un lien direct entre insécurité et immigration ; même le Président de la République a fini par l’admettre.
Mais pendant que la délinquance et l’ensauvagement gangrènent notre société, le budget consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière demeure figé dans une routine d’échec. Le nombre d’infractions commises par des étrangers explose. Par exemple, en 2023, ils représentaient 53 % des personnes mises en cause pour des vols ou des actes de violence dans les transports en commun.
Les Français en ont assez des agressions gratuites, des vols, des viols. Alors que les personnes faisant l’objet d’une OQTF sont si nombreuses à commettre des délits, des crimes, voire des actes de terrorisme, qu’attend le Gouvernement pour déployer des moyens suffisants ?
Un mot, enfin, sur mon amendement II-CL54 qui vise à durcir les conditions d’accès à la nationalité. Si l’immigration, légale et illégale, a battu tous les records sous la présidence d’Emmanuel Macron et si des millions de nos concitoyens ne reconnaissent plus leur propre pays, c’est notamment en raison des modalités d’acquisition de la nationalité française. Les chiffres sont accablants : d’après l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, 4 millions de personnes sont devenues françaises entre 1982 et 2019. Avec 97 000 naturalisations lors de la seule année 2023, la France est même l’un des pays où l’obtention de la nationalité est la plus facile. (Exclamations.)
Certes, nombreux sont ceux à avoir mérité notre nationalité et à avoir épousé la France. Cependant, beaucoup d’autres n’auraient jamais dû devenir Français, dans la mesure où ils crachent sur ce qui est désormais leur drapeau. La nationalité française s’hérite ou se mérite. Plébiscitée par nos compatriotes, y compris ceux d’origine étrangère, cette logique doit prévaloir. Au total, 78 % des Français sont favorables au durcissement des conditions d’obtention de la naturalisation. D’ailleurs, si acquérir la nationalité est si simple, pouvoir en déchoir les personnes qui le méritent devrait l’être tout autant. J’y insiste, être Français ne se résume pas à un bout de papier : la France, c’est une histoire, une culture, une pensée, une vision.
Mme Edwige Diaz (RN). Chaque année, la France bat des records d’immigration et attribue davantage de titres de séjour. Or malgré cette flambée considérable, la tendance demeure : 2,4 millions de visas ont été délivrés en 2023, ce qui représente une hausse de 40 % en un an, tandis que 320 000 titres de séjour ont été accordés à des primo-arrivants, soit le nombre d’habitants de la ville de Nantes. En conséquence, l’an dernier, 4 millions de personnes étaient titulaires d’un titre de séjour dans notre pays, ce qui correspond à la population de la Croatie.
Dans la mesure où une large majorité de nos concitoyens sont favorables à une restriction des conditions d’accueil – d’après un sondage de l’institut CSA de décembre 2023, 80 % des Français estiment qu’il ne faut pas accueillir davantage de migrants –, il convient d’opérer un tournant majeur dans la politique d’attribution des titres de séjour. C’est pourquoi mon amendement II-CL170 vise à réduire de 520 000 à 100 000 euros le budget alloué à l’action 01, Circulation des étrangers et politique des visas, du programme 303.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. L’exposé sommaire de l’amendement II-CL170 fait état de « records migratoires », qui justifieraient une diminution de 420 000 euros des crédits alloués au traitement des demandes de visa. Or les chiffres en progression concernent principalement les travailleurs. Cela nous ramène au débat sur les métiers en tension et à la nécessité d’aider des secteurs qui peinent à recruter. Nous attendons toujours la réponse du RN sur cette question, mais peut-être ne dialoguez-vous pas avec des chefs d’entreprises sur le terrain.
Ce dont vous ne parlez pas non plus, c’est de la baisse de 5 % des délivrances de titres pour motif familial, ni de la hausse significative du nombre d’expulsions.
S’agissant des personnes ayant acquis la nationalité française, leur nombre est passé de 78 711 en 2022 à 61 640 en 2023, soit le chiffre le plus faible depuis 2018, cette évolution étant due à la hausse, depuis 2020, des exigences en matière de maîtrise de la langue.
Quant à la progression du nombre de demandes d’asile dans notre pays, elle est plus faible que la moyenne européenne.
Rappelons aussi que baisser les crédits alloués au traitement des demandes de visa serait contreproductif, puisque les moyens consacrés aux contrôles seraient moins importants. Je note d’ailleurs que l’amendement II-CL71 de M. Gillet tend, au contraire, à accroître les fonds alloués à cette ligne budgétaire. En tout état de cause, si vous souhaitez modifier les conditions de délivrance des visas, une proposition de loi constituerait un véhicule plus adapté.
En ce qui concerne l’amendement II-CL54, il est faux de dire que la France est l’un des pays où obtenir la nationalité est le plus facile. Peut-être pourriez-vous donc commencer par dire la vérité, ou alors indiquer vos sources. Quoi qu’il en soit, j’estime que l’acquisition de la nationalité doit continuer d’être encouragée comme l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi. Je rappelle enfin que les critères d’acquisition de la nationalité ne relèvent pas du PLF.
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Mme Edwige Diaz (RN). La seule politique contreproductive en matière d’immigration est celle menée par Emmanuel Macron depuis sept ans. Vous pouvez faire mine de l’ignorer ou vous réfugier derrière de faux arguments teintés de mauvaise foi, mais je vous conseillerai plutôt d’aller sur le terrain : vous vous rendrez compte que les Français veulent un changement de cap dans ce domaine.
Par ailleurs, outre que nous n’estimons pas, contrairement à ce que vous avez sous-entendu, que les Français sont des fainéants, je rappellerai les propositions de Marine Le Pen pour favoriser le retour au travail. Nous souhaitons augmenter les salaires de 10 % dans la limite de trois Smic grâce à une exonération de cotisations patronales, mettre en adéquation les formations avec les emplois, ou encore favoriser la politique du logement.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Depuis quelques minutes, j’ai l’impression d’entendre un très mauvais disque rayé. Alors que l’immigration progresse partout dans le monde, la France, en réalité, n’en prend même pas sa juste part. L’augmentation de 2,5 % des primo-délivrances de titres de séjour à laquelle il a été fait allusion concerne avant tout les étudiantes et les étudiants – ne devrions-nous pas nous réjouir de l’attractivité de nos universités ? – et les personnes qui travaillent.
Quant à la question de la nationalité, vous assumez un positionnement xénophobe en estimant qu’il y aurait des Français de papier. Vous vous octroyez une sorte de haut patronage de la nationalité, au nom duquel vous pourriez décider de qui mérite de l’obtenir. Ils sont 4 millions à l’avoir acquise ces dernières années, avez-vous dit : c’est tant mieux !
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Collègues du RN, vous avez dit tout à l’heure que ceux qui acquièrent la nationalité française crachent sur le drapeau et l’histoire de notre pays, mais c’est vous qui faites cela avec de tels propos. Notre drapeau est né d’une révolution qui a consacré les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ; c’est d’ailleurs Robespierre, que vous méprisez, qui a inventé cette devise. C’est donc bien vous qui méprisez notre histoire.
Vous n’avez de cesse de faire peur en égrenant des chiffres, mais vous ne parlez jamais des réalités qui se trouvent derrière. Par exemple, vous affirmez vouloir lutter contre l’islamisme, mais vous refusez d’accueillir les personnes qui fuient le régime des talibans. Quant à l’immigration, vous ne dites pas que, dans notre pays, elle concerne principalement les étudiants, les travailleurs et le regroupement familial.
La France s’est faite par et avec l’immigration. Au total, 20 millions de personnes ont au moins un ancêtre étranger, à commencer par le chef de votre parti, M. Bardella. Arrêtez donc de nous bassiner avec l’immigration et respectez les Français, quelle que soit leur origine !
M. Paul Molac (LIOT). Qui demande la régularisation des étrangers ? Les chefs d’entreprise, car ils ont besoin de main-d’œuvre, tout simplement. Avec un taux de chômage de 4 % dans ma région, il est vrai que le recrutement est compliqué. Pour autant, le préfet nous répond qu’il a des quotas à respecter et qu’il doit donc expulser du monde ! Quant aux chiffres qui nous sont donnés, ils sont aussi idiots que celui de la proportion d’agressions commises par des hommes. Ce que je constate, c’est que la plupart des étrangers ne posent aucun problème.
Moi qui suis un allogène de la République, avec un arbre généalogique breton jusqu’au XVIIe siècle, je ne me retrouve en rien dans la vision du RN. Pourtant, la France a fortement matraqué les Bretons à certains moments.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Les arguments avancés par le RN laissent effectivement perplexe. Puisque les outre-mer ont été évoqués, prenons l’exemple de La Réunion. La population étrangère ne représente que 2 %, mais cela n’empêche pas le taux de pauvreté d’atteindre 38 %, les féminicides d’exploser. Une mère de famille de 34 ans s’est encore fait poignarder ce week-end par son conjoint – un Français, exactement comme les meurtriers des vingt et une autres femmes tuées sur l’île depuis 2015. Vos chiffres ne se vérifient donc pas dans ce territoire, où la pauvreté, la violence et les féminicides ne sont pas dues à l’immigration.
Quant à Mayotte, dont vous avez aussi parlé, vous avez raison : être Français dans ce territoire ne devrait pas représenter qu’un bout de papier, mais donner accès à des droits comme l’accès à l’eau, aux services publics, à l’école, ou encore à la santé. Si les habitants de ce département français en sont dépourvus, c’est à cause du sous-investissement chronique de la part de l’État.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Pour ma part, j’invite les collègues du RN à suivre un dossier de demande de nationalité du début à la fin : votre mandat sera terminé avant que l’intéressé ne l’ait éventuellement obtenue. Il s’agit d’un véritable parcours du combattant, long et particulièrement compliqué.
Par ailleurs, vous arrive-t-il de recevoir des gens comme cette dame d’Anglet, au Pays basque, qui est venue me demander de l’aide ? Propriétaire d’une boucherie-charcuterie ouverte depuis trois ou quatre générations, elle emploie depuis trois ans un Guinéen arrivé en France illégalement et qui est désormais titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de boucher-charcutier. Alors qu’il est devenu l’élément moteur de son commerce, elle cherche à régulariser sa situation, d’autant qu’elle ne trouve absolument personne pour faire ce métier dans la région. Voilà la réalité à laquelle vous devez normalement être confrontés.
M. Ludovic Mendes (EPR). Je me suis senti insulté par les propos du RN. Je suis moi-même naturalisé et il semble, à vous entendre, que j’aime la France bien plus que vous.
Par surcroît, vous mentez sur les chiffres. Au total, 1 million de personnes ont été régularisées en Europe et proportionnellement à la population, la France n’arrive qu’en douzième position, derrière la Suède, qui est en tête, le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, ou encore l’Allemagne. Nous sommes donc loin des chiffres que vous annoncez.
Avec ces amendements, vous avez mélangé l’ensemble des étrangers et vous leur avez craché dessus. La réalité, c’est que pour faire fonctionner nos hôpitaux, nos Ehpad, nos usines, nous avons de la chance d’avoir ces personnes désireuses de venir en France. Et contrairement à ce que vous dites, elles ne sont pas sous-payées, car elles occupent des emplois qualifiés. Ce qui nous différencie, ce n’est pas la volonté de lutter contre les situations irrégulières, c’est que nous, nous aimons les étrangers qui aiment la France.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL48 de M. Yoann Gillet, II-CL20 de Mme Andrée Taurinya, II-CL47 de M. Andy Kerbrat, II-CL19 de M. Marc Pena et II-CL93 de Mme Martine Froger (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). Le chaos que nous vivons, qu’il s’agisse de l’insécurité grandissante ou de l’immigration incontrôlée, exige une action immédiate et déterminée de la part du Gouvernement. Mais que propose celui de M. Barnier face à ce fléau ? Un simple budget de continuité, et certainement pas de rupture.
Plus de 900 millions d’euros, voilà ce que l’État prévoit d’accorder en subventions, l’an prochain, aux associations immigrationnistes, alors qu’il investit moins de 70 millions chaque année dans le fonctionnement de nos CRA, dont l’utilité ne peut être niée par personne dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Or ni l’augmentation des capacités des CRA d’ici à 2027, ni l’allongement de la durée de détention, deux objectifs annoncés par le ministre de l’Intérieur et le Premier ministre, ne pourront se concrétiser avec un tel budget. Les belles paroles et les promesses, les Français n’en veulent plus. Il s’agit d’un abandon inacceptable des objectifs de la Lopmi, que nous avions pourtant votée.
Mon amendement II-CL48 tend donc à renforcer les moyens des CRA. Le temps des demi-mesures et du « en même temps » est révolu.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Qu’il est difficile de supporter ce que nous entendons ! Les membres du RN m’apparaissent à l’image d’une société de barbares, au sens que l’on donnait à ce mot dans l’Antiquité. À l’époque, les règles de l’hospitalité étaient inviolables. On se devait d’accueillir l’étranger qui échouait devant sa porte et de le faire asseoir à sa table, sans même lui demander son nom. Ce que nous entendons ce soir est à l’opposé de ce qui a fondé notre humanisme. C’est très grave.
Comme notre conception de l’accueil des étrangers est tout autre, nous proposons, par l’amendement II-CL20, de créer un fonds de soutien à la garantie du droit d’asile. C’est un sujet dont on ne parle jamais et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous étions opposés à la récente loi « immigration ». Plutôt que d’utiliser des crédits pour enfermer, nous estimons qu’il vaut mieux en disposer pour accueillir dignement – comme il se doit – tout être humain arrivant dans notre pays dans les conditions que nous connaissons.
M. Marc Pena (SOC). Dans sa chambre, un homme à la mâchoire fracturée souffre en silence, privé des soins spécialisés et vitaux dont il a besoin. Son voisin est atteint d’un cancer et ne peut non plus recevoir les soins adaptés. Dans la cour, un homme parle seul et passe ses nuits dehors. Le psychiatre ne vient qu’une demi-journée par semaine alors qu’ils sont une centaine de retenus. Tragiquement, l’un d’entre eux est décédé vendredi dernier, des suites de problèmes cardio-vasculaires. C’est le CRA du Mesnil-Amelot, que j’ai visité avant-hier, que je décris. Ces mots de Dostoïevski me reviennent alors : « Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons. »
Ce centre, le ministre de l’Intérieur lui-même s’y est rendu. Les personnes que j’évoque, il les a rencontrées. Pourtant, nos conclusions divergent. Le ministre souhaite augmenter la durée de rétention, alors que cela ne ferait qu’aggraver l’état déjà déplorable de l’accès aux soins dans ces lieux. La détresse des personnes est profonde, leur dignité bafouée. Malgré la circulaire gouvernementale de février 2022 et les nombreuses alertes des associations, les besoins en personnels de santé demeurent largement insatisfaits.
Voilà pourquoi, par l’amendement II-CL19, le groupe Socialistes propose d’allouer 3 millions d’euros supplémentaires pour renforcer la présence de soignants dans les CRA. Il ne s’agit pas que d’un amendement budgétaire : c’est un impératif moral et légal. J’appelle d’ailleurs le Gouvernement à renoncer à la compensation prévue pour assurer la recevabilité de l’amendement.
M. Paul Molac (LIOT). L’amendement II-CL93 de ma collègue Froger vise à alerter sur les conditions indignes de vie au sein des centres de rétention administrative, où, je le rappelle, une personne peut être retenue quatre-vingt-dix jours. S’agissant des CRA, le seul objectif affiché par le ministère de l’Intérieur est la construction de nouveaux établissements, afin d’atteindre les 3 000 places d’ici à 2027. Cette logique purement immobilière n’est pas à la hauteur des enjeux. Il convient de mobiliser des moyens pour nous conformer au principe de dignité humaine. Las, en dépit des avertissements de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, le ministère n’agit pas. Nous proposons donc de flécher 1 million d’euros en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les CRA.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Le budget alloué aux CRA pour 2025, qui s’élève à 69,08 millions d’euros, peut paraître limité, mais dans la mesure où le prochain établissement ne devrait ouvrir qu’en 2026, à Bordeaux, les crédits me semblent suffisants pour assurer le fonctionnement de ces centres, dont la capacité est actuellement de 1 959 places.
Par ailleurs, je suis un peu gênée par les exposés sommaires des amendements déposés par les membres du Nouveau Front populaire – exposés selon lesquels la rétention des étrangers s’inscrirait dans une politique de criminalisation des personnes en situation irrégulière, et ce au risque de faire un amalgame entre migrations et délinquance. Cette affirmation est une caricature qui dessert le débat. Cet amalgame, c’est le RN qui le fait.
Enfin, je rappellerai à Mme Taurinya que l’action 02 du programme 303 s’intitule Garantie du droit d’asile. Votre amendement est donc satisfait, sachant qu’il me semblait de toute façon contradictoire de vouloir ponctionner le budget des CRA au profit du fonds que vous vouliez créer.
Avis défavorable sur ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL18 de Mme Andrée Taurinya, II-CL37 Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL168 de Mme Edwige Diaz et II-CL50 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Plutôt que d’enfermer les demandeurs d’asile et de les priver de tous leurs droits, nous proposons de créer un fonds supplémentaire pour l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et accueillir ces étrangers dignement.
La vision du RN a progressivement contaminé – ou peut-être est-ce l’inverse – celle des gouvernements successifs, au moins depuis que M. Macron a accédé au pouvoir. Nous ne nous reconnaissons ni dans la loi « immigration » de 2024, ni dans les propos du ministre de l’Intérieur.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Le montant actuel de ADA est de 6,80 euros par jour, auquel il faut ajouter 7,40 euros si les étrangers visés ne bénéficient pas d’un hébergement. Nous proposons de l’augmenter, car il n’a pas été revalorisé malgré l’inflation élevée.
Nous prélèverions ainsi 20 millions d’euros sur l'action 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, afin d’abonder l’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303. Mais nous souhaitons que l’État lève ce gage.
Mme Edwige Diaz (RN). Les demandes d’asile en France sont actuellement traitées sur le territoire français. Avec Marine Le Pen et Jordan Bardella, nous souhaitons qu’elles soient désormais examinées par les ambassades se trouvant dans les pays d’origine ou, si c’est impossible, dans les pays voisins.
À cause du dévoiement actuel du droit d’asile, les crédits de l’action 02 du programme 303, Garantie de l’exercice du droit d’asile, augmentent de plus de 123 millions d’euros. Parmi les aides apportées aux demandeurs d’asile figure l’ADA, qui coûtera l’an prochain 350 millions d’euros, contre 300 millions en 2024. Il est impératif de maîtriser ce poste de dépenses dans un contexte économique alarmant au regard de la dette publique française et de la diminution du pouvoir d’achat de nos compatriotes.
Nous proposons donc de réduire les crédits de l’action 02 du programme 303 de 200 millions d’euros.
M. Yoann Gillet (RN). Les dépenses publiques continuent de croître plus vite que l’inflation. En cela, ce budget est une escroquerie. Il ne prévoit en outre aucune économie sur des questions clés comme l’immigration. À ce titre, il semble influencé par la gauche.
En 2023, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a enregistré 142 649 demandes d’asile, un chiffre en hausse de plus de 8,5 % par rapport à 2022. C’est le plus haut niveau jamais enregistré ; le pic de 2019 a même été dépassé.
Ce système dévoyé est devenu une machine incontrôlable, qui exerce un appel d’air et favorise l’immigration de masse. Or le Gouvernement continue de diminuer les crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière tout en laissant exploser les dépenses injustifiées au profit des demandeurs d’asile. Sa priorité n’est ni la sécurité des Français ni la lutte contre l’immigration illégale, mais l’attribution d’allocations à ces étrangers, pour un montant de 350 millions d’euros en 2025, soit un montant supérieur à celui du fonds dédié à l’expulsion des délinquants étrangers. C’est scandaleux.
Nous proposons de réduire de 5 % le budget de l’ADA et de 10 % les crédits pour l’hébergement des demandeurs d’asile, soit une économie totale de 80 millions d’euros.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Le PLF pour 2025 prévoit une diminution de 16 % des crédits alloués à l’ADA, en se fondant sur l’hypothèse d’une hausse modérée des demandes d’asile, de 5 %, compensée par l’accélération du traitement des demandes d’asile grâce au renfort de 29 ETP à l’Ofpra.
Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de l’amendement II-CL18, ces recrutements supplémentaires permettront d’assurer la qualité du traitement des demandes tout en réduisant les délais – c’est seulement si les délais se réduisaient à effectif constant qu’il faudrait s’inquiéter. Saluons le travail des officiers de protection instructeurs de l’Ofpra, qui examinent chaque demande rigoureusement.
Comme l’a noté la Cour des comptes, l’ADA a fait l’objet depuis plusieurs années d’une sous-budgétisation chronique, car l’aide versée aux Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire n’était pas prise en compte dans le budget. Toutefois, elle l’est désormais, pour 106 millions d’euros.
Avis défavorable aux différents amendements, y compris à ceux visant à réduire les crédits de l’ADA, car cette aide est un droit pour les demandeurs d’asile.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Le RN, qui se plaint que certains « crachent sur la France », est toujours à côté de la plaque. Le peuple français « donne l’asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » depuis 1793, c’est-à-dire depuis l’invention du drapeau tricolore. La Constitution de 1946 – juste après que nous avons chassé les nazis – contient la même idée et fait partie du bloc de constitutionnalité.
Les demandes de droit d’asile doivent être instruites sur le territoire de la République. Pensez-vous que les Ukrainiens puissent demander l’asile sous les bombes de M. Poutine, les Libanais sous les bombes de M. Netanyahou et les Afghans, sous la menace des talibans ? C’est ridicule. Au RN, vous donnez de la France une image qui n’est pas celle du pays des droits de l’homme et du citoyen.
M. Yoann Gillet (RN). C’est vous qui êtes ridicule, monsieur Léaument. En fermant les yeux sur le dévoiement du système, vous empêchez ceux qui en ont vraiment besoin, car ils sont en danger, de bénéficier du droit d’asile. Vous êtes dangereux. À gauche, vous ne colportez de tels discours qu’à des fins électoralistes, sans y croire, en jouissant de l’abri qu’offrent les beaux quartiers face à l’immigration et à l’insécurité.
M. Ludovic Mendes (EPR). Vous évoquez un dévoiement du droit d’asile sans citer de sources ni de chiffres. Je rappelle qu’un demandeur d’asile sur deux obtient l’asile dès la première demande ; certains l’obtiennent à la demande suivante.
Les seules demandes d’asile qui posaient problème étaient celles des Albanais, car l’Albanie est considérée comme un pays d’origine sûr. Nous avions donc organisé une mission en Albanie, à laquelle le président Boudié a participé. Depuis, le problème a été résolu. Continuez donc à dire des âneries, mais donnez au moins vos sources.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL176 de Mme Léa Balage El Mariky, II-CL24 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL175 de Mme Léa Balage El Mariky, II-CL21 de M. Andy Kerbrat, II-CL25 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL181 de Mme Léa Balage El Mariky et II-CL8 de M. Andy Kerbrat (discussion commune)
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Contrairement à ce qu’affirme le ministre de l’Intérieur, le volume des demandes d’accueil déposées par des Ukrainiens reste constant, alors que les personnes déplacées d’Ukraine bénéficient d’une protection temporaire jusqu’en 2026. L’amendement II-CL176 vise donc à stabiliser le budget dédié aux 11 000 places dans les sas d’urgence qui permettent l’accueil, l’hébergement et l'accompagnement social des Ukrainiens, conformément à la demande des gestionnaires, qui ont besoin de visibilité et de stabilité.
Alors qu’il était prévu de créer 3 000 places supplémentaires au sein du dispositif national d’accueil (DNA) en 2024, cela n’a finalement pas été fait. En outre, le présent PLF prévoit la suppression de 6 429 places d’hébergement d'urgence pour demandeurs d’asile. Avec l’amendement II-CL175, nous proposons de revenir sur ces deux décisions.
Le ministre de l’Intérieur explique que l’accélération des procédures d’examen des demandes d’asile permettra d’économiser sur le DNA. Pourtant, un demandeur d’asile sur deux est exclu du DNA, faute de places d’hébergement. Si nous réduisons encore le nombre de places, nous augmenterons celui des campements et accroîtrons la tension sur les dispositifs d’hébergement d’urgence de droit commun.
L’amendement II-CL181 vise à revaloriser la tarification des places réservées aux demandeuses d’asile victimes de violences. Ces femmes sont dix-huit fois plus souvent victimes de viols que la population générale. Le plan « vulnérabilité » adopté en 2021 avait été salué par les associations, mais la tarification n’a pas été revalorisée, alors que ces victimes de violences sexistes et sexuelles ont besoin d’un accompagnement spécifique. Les moyens financiers et humains des structures qui les accompagnent sont insuffisants. Le gage porte sur le programme Intégration et accès à la nationalité française ; je suis sûre que le Gouvernement le lèvera.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement II-CL24 vise à revenir sur la baisse du nombre de places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile prévue en 2025. Selon le bleu budgétaire, en 2025, les crédits de paiement pour ce parc diminueraient de 71,2 millions d’euros, et le nombre de places passerait de 119 427 à 113 258.
Le Gouvernement indique qu’il récupérera des places d’hébergement grâce à l’accélération des procédures devant l’Ofpra. Toutefois, cette accélération est incertaine. En outre, cette démarche fait courir le risque d’une dégradation des conditions d’examen des demandes d’asile.
Nous devons construire de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour garantir l’exercice effectif du droit d’asile et assurer des conditions de vie dignes aux étrangers vivant sur notre territoire. Nous proposons donc de flécher 71,2 millions d’euros vers l’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303, Immigration et asile. Dans le respect de l’article 40 de la Constitution, la même somme serait prélevée sur l’action 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104.
Quant à l’amendement II-CL25, il est de repli. Il prévoit le même dispositif que le précédent, mais pour un montant moindre, de 30 millions d’euros.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Vous supprimerez 7 588 places d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile en 2025 – je rappelle que celles-ci avaient été créées pour pallier le manque de places en Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile). Le ministre de l’Intérieur justifie cette évolution par l’ouverture de 29 ETP supplémentaires à l’Ofpra, qui permettrait d’instruire les demandes plus vite, toujours plus vite.
Nous sommes préoccupés. Des places vont manquer. Et puis, pourquoi faudrait-il toujours aller le plus vite possible ? Le parcours des demandeurs d’asile est complexe. Ils doivent construire leur récit, qu’il faut prendre le temps de le recueillir. Or les agents de protection de l’Ofpra ont récemment mené plusieurs jours de grève, car le rythme d’abattage des dossiers qui leur est imposé nuit à leurs conditions de travail et à la qualité de l’instruction – je rappelle que la durée actuelle d’instruction des dossiers est en moyenne de 4,2 mois.
Au lieu de poursuivre ce traitement comptable et assez inhumain des demandes d’asile, il faudrait maintenir les places d’hébergement d’urgence dont vous prévoyez la suppression. Je rappelle en outre que seuls 29 ETP supplémentaires sont prévus pour l’Ofpra, qui compte 1 000 agents.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Nous sommes nombreux à nous préoccuper de la baisse prévue du nombre de places d’hébergement des demandeurs d’asile. Je rappelle toutefois qu’en 2017, notre pays ne comptait que 82 762 places de ce type, alors qu’il y en aura 113 258 en 2025. L’augmentation a donc été substantielle ces dernières années. Même si ce n’est pas suffisant pour les auteurs de ces amendements, un effort a déjà été fourni. L’accélération des procédures permettra en outre de libérer plus rapidement les places. Enfin, ces amendements sont gagés sur l’action Accueil des étrangers primo-arrivants. Or celle-ci joue un rôle d’accueil indispensable et je ne souhaite pas réduire ses crédits. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CL176.
Elle rejette successivement les autres amendements
Amendements II-CL3 et II-CL2 de Mme Andrée Taurinya
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Nous proposons de recruter de nouveaux agents dans les préfectures et sous-préfectures afin de garantir un meilleur accès aux droits des personnes étrangères.
Le projet de budget pour 2025 poursuit la dématérialisation à outrance, que la Défenseure des droits a dénoncée ici-même, car elle empêche le recours aux droits, précarise et crée même des sans-droits, par exemple ceux qui n’ont pas obtenu de rendez-vous à temps pour renouveler leur titre.
En outre, les procédures dématérialisées ont augmenté les délais. Si les files d’attente physiques ont disparu, elles se sont reconstituées dans le monde numérique, favorisant les trafics pour obtenir des rendez-vous le plus tôt possible.
Faute de garantir aux étrangers l’exercice effectif de leurs droits par la voie dématérialisée, l’État a été contraint deux fois par la justice à prévoir un accueil physique. Notre proposition lui permettrait d’appliquer ces décisions.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous sommes tous sensibles à la question de l’accueil des personnes étrangères dans les préfectures, mais ce débat et ces amendements relèvent de la mission Administration générale et territoriale de l’État, que nous avons déjà examinée tout à l’heure. Je rappelle au passage que les effectifs des préfectures ont retrouvé en 2024 leur niveau de 2018, ce dont nous pouvons nous satisfaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL144 de M. Karim Benbrahim, II-CL92 de Mme Martine Froger et II-CL116 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Karim Benbrahim (SOC). Notre politique d’accueil doit être humaine, ferme et dotée de moyens suffisants pour réussir l’intégration des étrangers au sein de la société française. Il faut notamment leur permettre de maîtriser la langue française, car cela leur facilitera la recherche d’un travail, le suivi d’une formation, l’accession à un logement et la création de liens sociaux.
Nous proposons d’abonder les crédits du programme 104 de 10 millions d’euros, car il est insuffisant sur ce point. Il est trop souvent question dans nos circonscriptions de difficultés d’accès à des cours d’apprentissage de la langue française. Nous demandons au Gouvernement de lever le gage.
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à renforcer la politique d’intégration des étrangers par la langue et le travail, en augmentant les moyens accordés à l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
La loi « immigration » avait pour second pilier une politique d’intégration renforcée et un meilleur accueil des étrangers en situation régulière, pour faciliter leur insertion dans le pays. Or, en 2025, l’Ofii perdra 29 ETP et son budget s’établira à 275,7 millions d’euros – c’est davantage qu’en 2024, mais moins qu’en 2023, quand l’Ofii disposait de 281,3 millions.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je souscris aux amendements tendant à rétablir les crédits alloués à l’Ofii pour financer les cours de langue française aux primo-arrivants.
Quant à mon amendement, il vise les allophones installés en France depuis plusieurs années et qui souhaitent améliorer leur français. Même régularisés, ils veulent mieux s’insérer dans la société. Or, dans les centres sociaux de ma circonscription, ils sont nombreux, parfois des centaines, à attendre qu’une place dans les cours de français langue étrangère se libère. C’est dommage.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Nous sommes nombreux à partager vos objectifs. La maîtrise de la langue est indispensable à une intégration réussie. Le Gouvernement est pleinement mobilisé en la matière, comme l’a indiqué le ministre de l’Intérieur lors de son audition. Le taux d’atteinte du niveau A1 est en hausse depuis plusieurs années – à hauteur de 0,9 point entre 2022 et 2023, grâce au déploiement de nouveaux outils pédagogiques. Près de 70 % des signataires du contrat d’intégration républicaine avaient atteint ce niveau en 2023. Notons par ailleurs que les moyens de l’Ofii augmenteront de 25 millions d’euros en 2025.
Enfin, même si j’entends vos arguments, dans certains territoires, ma circonscription par exemple, l’offre de cours de français ne rencontre pas de demande. Peut-être faudrait-il donc mieux la répartir sur le territoire. Ce n’est pas, en tout cas, une question budgétaire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL7 de M. Andy Kerbrat
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter les crédits alloués au programme Intégration et accès à la nationalité française.
Le RN prétend que les migrants jouissent d’une situation formidable dans notre pays. En réalité, 26 % des étrangers vivent dans un logement suroccupé, contre 12 % pour le reste de la population, et 49 % des étrangers qui ont droit à l’AME (aide médicale de l’État) n’y recourent pas.
Dans le cadre du parcours d’intégration, les migrants reçoivent le Livret du citoyen, selon lequel « tous les citoyens ont accès, de façon égale, aux emplois dans l’administration » et sont « sélectionnés exclusivement selon leurs qualités et leurs compétences ». Les membres du RN, qui souhaitent exclure les binationaux des emplois publics, échoueraient donc à un test de citoyenneté ! Le Livret du citoyen rappelle également, au titre de la fraternité, qu’exprimer des opinions racistes est répréhensible. Les Français naturalisés sont peut-être plus français que vous !
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je cite l’exposé sommaire de l’amendement : « C’est un leurre de croire que l’intégration des personnes étrangères doit se faire principalement par l’imposition d’un modèle type de bon citoyen français parlant correctement la langue et respectant des “valeurs républicaines” […]. »
Je veux bien entendre qu’il faut avoir accès aux droits, et notamment au logement, mais ce n’est pas incompatible avec le respect des valeurs républicaines et le fait de parler correctement le français.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vous n’avez pas lu la suite : « l’intégration ne sera effective que lorsque les étrangers auront accès aux droits parmi lesquels celui de se loger décemment, d’avoir accès au marché de l’emploi. » Nous n’opposons pas ces différents besoins ; nous disons simplement qu’il est plus facile de s’intégrer quand on ne subit pas la précarité – et je pense que nous avons raison.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL4 de M. Andy Kerbrat et II-CL149 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). L’amendement II-CL4 vise à dénoncer le manque de moyens alloués à l’accueil des mineurs non accompagnés et propose de les augmenter, afin d’assurer un accueil digne.
Les associations pointent de graves dysfonctionnements dans la prise en charge de ces mineurs dès leurs premiers contacts avec le dispositif de protection de l’enfance. Les problèmes peuvent perdurer jusqu’à ce qu’ils en sortent, parfois de manière expéditive. Cela conduit au maintien ou au retour à la rue de beaucoup d’entre eux, ou à une prise en charge inadaptée au sein de dispositifs pour personnes majeures. Plusieurs départements ont décidé, en toute illégalité, de ne plus accueillir les mineurs isolés et de nombreux jeunes ne sont plus mis à l’abri.
Une véritable politique publique de protection des mineurs isolés doit être mise en place. Ce sont avant tout des enfants et nous sommes au minimum tenus de respecter les conventions internationales, à défaut d’agir par simple humanité.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cet amendement propose de mettre en place des solutions d’hébergement alternatives à la rétention ou au placement en zone d’attente pour les mineurs étrangers, qu’ils soient accompagnés ou non par des adultes.
La loi « immigration » a interdit le placement en rétention des mineurs étrangers de moins de 18 ans. Elle prévoit également que les mineurs accompagnés d’adultes puissent être assignés à résidence plutôt que placés en rétention. Cette réforme était indispensable, la France ayant été condamnée à plus de dix reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour l’enfermement d’enfants dans des CRA ou des locaux de rétention administrative (LRA). Les conséquences psychologiques de ces pratiques sont dramatiques et bien documentées.
Or le bleu n’anticipe pas les conséquences de cette avancée législative conduisant à l’augmentation du nombre de mineurs qui ne pourront plus être placés en CRA ou en LRA.
L’amendement vise donc non seulement à garantir la prise en charge des mineurs dans des conditions dignes et adaptées, mais également à proposer des solutions d’hébergement respectueuses de leurs droits et de leur dignité, tant sur le territoire français que dans les zones d’attente.
C’est la raison pour laquelle il est proposé de transférer 1 million en AE et en CP de l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants vers l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière. L’objectif n’étant pas de réduire le budget de l’État en matière d’intégration et d’accès à la nationalité française, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL94 de M. Paul Molac et II-CL121 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à adapter le dispositif de régularisation des travailleurs des métiers en tension aux spécificités de chaque territoire.
Ce dispositif, encore modifié par la loi de janvier 2024, reste piloté de manière centralisée par l’État et sans concertation avec les élus locaux. La liste des métiers en tension est établie par le ministère sans suffisamment tenir compte des besoins propres à chaque bassin d’emploi. Dans ma région, nous n’avons pas de mal à trouver de la main-d’œuvre pour les travaux publics alors que c’est difficile pour les usines agroalimentaires, ce qui nécessite souvent de recourir à des travailleurs étrangers.
Cet amendement propose donc de mettre en place à l’échelon départemental une commission réunissant des représentants de l’État, des organisations syndicales, du département et de la région. La liste des métiers en tension serait établie et actualisée chaque année après avis conforme de cette commission.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement vise à régulariser les travailleurs sans-papiers. Ils sont soumis à un système totalement hypocrite : ils ne sont pas censés travailler mais on leur demande de fournir des fiches de paie pour pouvoir être régularisés.
D’aucuns peuvent avoir une vision utilitariste et considérer qu’ils sont nécessaires dans les secteurs où l’on a besoin d’eux. Il s’agit avant tout de les protéger de l’exploitation, car ils sont utilisés comme une armée de réserve, avec des employeurs qui profitent largement de leur situation pour ne pas respecter le droit du travail et les transformer en salariés corvéables à merci.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. L’idée d’établir des listes de métiers en tension de manière territorialisée est très pertinente, mais le PLF n’est pas le texte qui convient pour une telle modification. Sagesse en ce qui concerne l’amendement II-CL94. Avis défavorable à l’amendement II-CL121.
M. Yoann Gillet (RN). Mme Faucillon parle de travailleurs sans-papiers : précisons qu’il s’agit en fait de travailleurs clandestins, qui travaillent illégalement et bafouent les lois de la République. Sans surprise, son amendement propose de tous les régulariser. Cette mesure est défendue depuis fort longtemps par l’extrême gauche, car cela l’arrangerait d’avoir quelques électeurs de plus. Mais les Français s’y opposent fermement. Quiconque ne respecte pas les lois de la République n’a rien à faire sur notre sol et ne peut prétendre à obtenir des papiers.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous avons la démonstration que le RN n’est pas l’allié des travailleurs. Le fait que des travailleurs soient sans-papiers est en effet utilisé par le patronat pour exercer une pression sur l’ensemble des salaires, y compris ceux des Français.
Contrairement à ce que vous dites, une très large majorité des Français sont favorables à la régularisation des travailleurs sans-papiers. Et ce pour une raison très simple : cette régularisation améliore le sort des intéressés et nos compatriotes sont des êtres humains. En outre, c’est la garantie de meilleures conditions de travail pour tous.
Vous êtes les alliés de ceux qui veulent faire pression à la baisse sur les salaires et diviser le peuple.
M. Paul Molac (LIOT). Un certain nombre de personnes ont un emploi et parfois ne peuvent pas obtenir le renouvellement de leurs papiers dans les délais. Pour cette raison, on leur dit alors de rester chez elles car elles n’ont plus le droit de travailler. C’est de la connerie à l’état pur.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je suis tout à fait d’accord.
Elsa Faucillon a rappelé que des secteurs connaissent un besoin de main-d’œuvre. C’est le cas dans l’hôtellerie, le bâtiment et les travaux publics ou encore la viticulture. On peut se demander qui sont les patrons voyous qui profitent du système en employant des gens sans papiers. Un de nos anciens collègues, M. de Fournas, avait été épinglé pour avoir employé des travailleurs sans-papiers et les avoir logés dans des tentes sur sa propriété.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). C’est faux ! Un peu de dignité !
Mme Sandra Regol (EcoS). Lorsque nos collègues du RN critiquent les patrons voyous, ils se critiquent eux-mêmes.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Il faut dire la vérité : nous avons un problème de main-d’œuvre dans des secteurs économiques très particuliers, comme la viticulture, les pépinières et l’agroalimentaire.
Lorsque le chômage est de 3 ou 4 %, comme dans ma circonscription, on pénalise les entreprises si on ne leur permet pas de trouver la main-d’œuvre nécessaire. Les propos des membres du RN sont absolument dramatiques, et c’est la raison pour laquelle il n’y aura jamais d’union des droites ! Vous avez conservé le problème constitutif qu’avait le Front national avec les étrangers et cela réapparaît dans chacun de vos arguments. Les réponses que vous apportez aux problèmes économiques de notre pays sont tellement démagogiques que c’en est hallucinant !
M. Marc Pena (SOC). J’espère que les Français ont été nombreux à voir l’attitude parodique du RN ce soir. Ils vous rejettent très majoritairement et continueront de le faire. Il y a encore une droite républicaine qui a assisté avec consternation à vos interventions lamentables et pitoyables.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Nous n’avons pas été rejetés par les Français !
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CL122 de Mme Elsa Faucillon, II-CL150 de Mme Céline Thiébault-Martinez et II-CL5 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune)
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement II-CL122 vise à créer une nouvelle ligne budgétaire qui permettrait à la France de contribuer à la création d’une flotte européenne de sauvetage en Méditerranée – en s’inspirant de l’opération Mare Nostrum –, et d’élaborer un protocole d’intervention en cas de naufrage dans la Manche. Compte tenu du nombre record de décès, qui sont la conséquence directe de nos politiques migratoires, il nous semble en effet nécessaire de consacrer davantage de moyens aux sauvetages en mer.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Mon amendement II-CL150 est très similaire. En réponse à la situation dramatique que nous connaissons en Méditerranée et dans la Manche, nous proposons de créer un programme dédié aux opérations de recherche et de sauvetage en mer.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Le RN mène une campagne contre les associations qui viennent en aide aux personnes naufragées, ce qui revient littéralement à tuer des gens. En ce qui nous concerne, nous proposons de faire l’inverse en consacrant des crédits au sauvetage des victimes des passeurs. Nous ne pouvons reprocher aux migrants d’être dans cette situation. Notre devoir d’humanité est de sauver les personnes et les enfants qui se trouvent en danger de mort.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-CL147 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Soutenu par l’association Forum réfugiés, cet amendement vise à augmenter de 300 000 euros les crédits alloués au pôle protection de l’Ofpra, chargé de délivrer les documents d’état civil. L’objectif est de permettre le recrutement de 8 ETP supplémentaires afin de faire face à la hausse du nombre de bénéficiaires d’une protection internationale et donc de la quantité de documents à établir. Ces derniers sont en effet nécessaires pour l’accès au logement des réfugiés, en particulier dans le cadre des dispositifs d’intermédiation locative. Les effectifs de l’Ofpra ont progressé en 2023 et en 2024, mais de nouveaux recrutements sont nécessaires pour accélérer les délais d’obtention des actes et fluidifier le parcours d’intégration des personnes.
Je précise que ce n’est que pour assurer la recevabilité de l’amendement au titre de l’article 40 de la Constitution que nous prévoyons de prélever la somme de 300 000 euros dont il est ici question sur les crédits prévus pour l’action 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les effectifs de l’Ofpra sont déjà en forte hausse et son directeur, que j’ai auditionné, a conscience de la nécessité d’accélérer la délivrance des documents d’état civil aux réfugiés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL23 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer et à abonder un fonds pour le suivi psychologique des personnes migrantes.
Contrairement à ce que laissent penser les horreurs que nous avons entendues de la part de l’extrême droite, qui fait des migrants la source de tous les maux et particulièrement de la délinquance, ces derniers figurent parmi les personnes les plus précaires, les plus vulnérables et les plus soumises aux violences au sein de notre société. Dès l’origine, leurs parcours sont ponctués d’événements traumatiques. Ces violences invisibles ne doivent pas être évacuées, mais être prises en compte dans l’élaboration d’une politique claire. En effet, aux persécutions subies dans les pays de départ succèdent le choc du déracinement et le risque d’exploitation sur le chemin de l’exil. Puis, une fois arrivées dans notre pays, les personnes sont confrontées à l’isolement, au stress, à la précarité administrative et socio-économique, sans compter le harcèlement politico-médiatique qui fait d’elles, je l’ai dit, les boucs émissaires de tous les maux de notre société.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est saisie de cette question et a alerté sur le manque de prise en charge de cette population particulièrement exposée aux traumatismes et aux troubles mentaux. Elle recommande de lever les obstacles à leur accompagnement, de tenir compte de leur grande exposition aux violences aggravées, sexistes et sexuelles, et d’accorder une attention particulière aux personnes victimes de persécutions religieuses, en situation de handicap, ou s’identifiant comme LGBT.
Notre amendement constituerait une réponse à cet appel de l’OMS en faveur d’un meilleur accompagnement des migrants, notamment en matière de santé mentale.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL151 de M. Aurélien Lopez-Liguori
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Alors que des dizaines de milliers de Français vivent dans la rue, que 9 millions de nos concitoyens se trouvent sous le seuil de pauvreté et que 1 million de personnes peinent à payer leurs factures d’électricité, l’État a distribué, en 2023, près de 1 milliard d’euros de subventions à des associations pro-migrants. Si le soutien de celles qui aident des personnes entrées légalement est normal, il est inacceptable d’allouer des financements aux organismes qui accompagnent des migrants arrivés illégalement. Les Français n’en peuvent plus que l’argent public – leur argent ! – soit utilisé pour aider des étrangers qui n’ont rien à faire sur notre territoire. Ils n’en peuvent plus que priorité soit donnée à ceux qui ne respectent pas nos lois et que les autres soient préférés aux nôtres.
Le Gouvernement fait les gros bras, le ministre de l’Intérieur ayant déclaré vouloir interdire la présence, au sein des CRA, des associations aidant les clandestins, mais il faut maintenant passer aux actes. En 2023, 124 millions d’euros ont encore été versés à Coallia, 54 millions à France terre d’asile, 24 millions à Forum réfugiés, et rien ne nous garantit qu’il n’en ira pas de même à l’avenir. Or sans la diminution de leurs subventions, ces associations continueront d’encourager la submersion migratoire de notre pays et de notre continent. J’y insiste, cette préférence étrangère et cette propension à financer – surtout alors que l’argent nous manque – des associations qui crachent sur nos lois et sapent le travail de la police et de la justice doivent cesser ; c’est une folie suicidaire. Je propose donc de réduire de moitié le montant des subventions accordées aux associations en question.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL42 de M. Antoine Villedieu
M. Antoine Villedieu (RN). De nombreux réseaux d’immigration clandestine sont démantelés chaque année. Ces réseaux criminels ne cessent de s’adapter pour contourner nos lois et exploitent la misère humaine à des fins mercantiles. Récemment découvert, l’un d’entre eux proposait contre 15 000 euros une panoplie de faux documents – titres d’identité, permis de conduire, fiches de paie, avis d’imposition et même contrats de travail – à des individus en situation irrégulière qui pouvaient ainsi entamer des démarches de régularisation. C’est dire combien ces organisations sont sophistiquées et dangereuses pour notre sécurité et notre souveraineté.
C’est pourquoi je propose de renforcer les sanctions et d’augmenter les moyens consacrés à la lutte contre ces réseaux.
Mme Laure Miller (EPR), rapporteure pour avis. Nous avons déjà eu ce débat ; avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL171 de Mme Edwige Diaz
Mme Edwige Diaz (RN). Pour appeler l’attention sur les violences sexuelles commises par des personnes d’origine étrangère, je propose d’augmenter les moyens alloués au programme Intégration et accès à la nationalité française en ajoutant au cycle d’accueil des formations destinées à sensibiliser les primo-arrivants à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles qui, pour une part importante, sont le fait d’étrangers.
Plus de 63 % des agressions sexuelles subies par les femmes dans les transports en commun d’Île-de-France sont commises par des personnes de nationalité étrangère. Les étrangers représentent 8 % de la population vivant sur le territoire national mais 14 % des personnes mises en cause pour violences sexuelles.
Des formations sur la lutte contre les actes et propos à caractère sexiste sont dispensées dans un nombre croissant d’entreprises, publiques et privées, jusqu’aux plus hautes institutions de la République. Il est indispensable d’étendre cet accompagnement aux primo-arrivants. J’espère que tous les féministes sincères de cette commission voteront pour cette mesure de justice et de prévention.
Mme Laure Miller (EPR), rapporteure pour avis. Dans le cadre de leur contrat d’intégration républicaine, les primo-arrivants reçoivent déjà une formation civique qui englobe évidemment l’égalité entre les femmes et les hommes. Au demeurant, la défense des droits des femmes doit se faire en toutes circonstances, quelle que soit la nationalité des agresseurs. Or, en la matière, le groupe RN n’a jamais été au rendez-vous. Jugez plutôt : lors de l’adoption en 2018 de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, tous les députés de votre groupe étaient absents sauf un, qui s’est abstenu ; en novembre 2022, les députés du RN ont voté contre le durcissement de l’amende en cas d’outrage sexiste ; en juin 2023, vos amis députés européens du RN ont voté contre la proposition de résolution visant à lutter contre les violences sexistes au sein des institutions européennes, et contre l’adhésion de l’Union européenne à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Je ne donne que ces quelques exemples mais il y en a bien d’autres.
La défense des droits des femmes n’est pas à géométrie variable. Avis défavorable.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Depuis deux siècles, l’extrême droite affirme que les voleurs, les délinquants et les violeurs sont étrangers. À l’époque, ils étaient italiens ou polonais ; désormais, ils sont afghans, etc. Le féminisme d’extrême droite est hypocrite : vous oubliez que les femmes les plus vulnérables sont précisément celles qui n’ont pas de papiers, à qui toute protection est refusée et qui, lorsqu’elles portent plainte pour violences, sont envoyées en CRA. Les unes subissent les violences de peur d’être expulsées, les autres sont expulsées plutôt que protégées, mais on ne vous entend jamais les défendre !
Mme Edwige Diaz (RN). De nouveau, Mme la rapporteure pour avis utilise des arguments de mauvaise foi, à moins qu’elle ne soit ignorante de l’actualité parlementaire. En 2018, le groupe RN ne comptait pas 126 députés comme aujourd’hui mais 6 seulement. Vous évoquez l’amende à l’encontre des auteurs d’outrage sexiste, mais pour quels résultats ? Les femmes sont-elles plus en sécurité dans la rue ? Non. Continuent-elles d’utiliser des stratégies d’évitement pour ne pas faire de mauvaises rencontres ? Oui.
Le RN est le premier défenseur des femmes, ne vous en déplaise : la proportion de femmes qui votent pour Marine Le Pen suffit à le prouver !
La commission rejette l’amendement.
Conformément à l’avis de Mme la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration modifiés.
Après l’article 60
Contre l’avis de Mme la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement II-CL115 de Mme Elsa Faucillon.
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La séance est levée à deux heures.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, Mme Émeline K/Bidi, M. Antoine Léaument, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot, M. Antoine Villedieu, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Marc Fesneau, M. Andy Kerbrat, M. Laurent Marcangeli, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. - Mme Florence Goulet, Mme Eliane Kremer, Mme Pauline Levasseur