Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Scrutin pour l’élection d’un rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466) 2
– Examen pour avis des crédits de la mission « Pouvoirs publics » (M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis) 2
– Examen pour avis des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’Etat : programme Conseil d’État et autres juridictions administratives » (M. Vincent Caure, rapporteur pour avis) 18
– Informations relatives à la Commission ............... 28
Mercredi
6 novembre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 16
session ordinaire de 2024 - 2025
Présidence
de M. Florent Boudié, président
— 1 —
La séance est ouverte à 9 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission procède à l’élection d’un rapporteur sur la proposition loi, adoptée par le Sénat, visant assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466).
La commission est saisie des candidatures de M. Philippe Schreck et de M. Jean‑Luc Warsmann.
L’élection du rapporteur donne lieu à un tour de scrutin :
Nombre de votants………………………………… 31
Bulletins blancs ou nuls…………………………… 0
Suffrages exprimés………………………………… 31
Majorité absolue…………………………………… 16
Ont obtenu :
M. Philippe Schreck………………………………9 suffrages
M. Jean-Luc Warsmann…………………………22 suffrages
M. Jean-Luc Warsmann ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, il est désigné rapporteur.
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* *
Puis, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Pouvoirs publics » (M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis).
M. le président Florent Boudié. Je vous remercie d’être présents ce matin alors que nous avons siégé jusqu’à vingt-deux heures hier. Notre calendrier est excessivement contraignant et l’examen pour avis de missions budgétaires qui ne seront probablement pas discutées en séance a quelque chose d’un peu ésotérique.
Pour la première fois, la commission des lois a décidé de se saisir pour avis des crédits de la mission Pouvoirs publics – un souhait qui est à la fois le mien et celui du bureau –et de la mission Conseil et contrôle de l’État pour les crédits du programme 165, Conseil d’État et autres juridictions administratives.
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Pour la première fois, la commission des lois examine pour avis les crédits de la mission Pouvoirs publics. S’interroger sur les dotations qui permettent à notre démocratie de fonctionner est sain, tout d’abord parce que ces dotations, leur montant et leur utilisation, sont peu discutées au sein même de nos institutions, mais aussi parce que le fonctionnement de nos institutions préoccupe particulièrement nos concitoyens, notamment le train de vie de l’État, de ses représentants et de ses élus. En effet, dans un contexte où la dépense publique est particulièrement questionnée à cause de l’important déficit laissé par le précédent gouvernement, et alors même que l’accès à des services publics de qualité continue de reculer pour nombre de nos concitoyens et concitoyennes, les dépenses des pouvoirs publics sont, à raison, particulièrement scrutées.
La présidence de la République avait initialement demandé une dotation de 128,7 millions d’euros, soit en hausse de 2,53 %. Cette dotation devait financer les dépenses suivantes : 79 millions de dépenses de personnel – premier poste de dépenses avec plus de 60 % des crédits –, 16,4 millions de dépenses de fonctionnement – gestion immobilière, sécurité, télécommunications, numérique et moyens généraux –, 24,5 millions pour les activités présidentielles, dont 21 millions pour les seuls déplacements et plus de 3 millions pour les réceptions présidentielles, et 9 millions pour l’investissement.
La présidence de la République a toutefois annoncé qu’elle renoncerait à cette augmentation, le chef de l’État ayant souhaité donner l’exemple. Un amendement gouvernemental devrait donc être déposé en séance publique pour rétablir la dotation de 2025 au niveau de celle de 2024, soit 125 millions. Toutefois, je vous proposerai d’adopter un de mes amendements qui propose, dans la droite ligne de ce devoir d’exemplarité, de réduire la dotation de la présidence de 3,75 %, à proportion, donc, de l’effort demandé aux Françaises et aux Français, aux collectivités territoriales et aux administrations dans le projet de budget initial présenté par le Gouvernement.
Cette baisse me paraît accessible, grâce à une meilleure maîtrise des dépenses relatives aux déplacements et aux réceptions présidentielles. La Cour des comptes a d’ailleurs dégagé des pistes d’amélioration : meilleure anticipation, maîtrise de la taille des délégations et meilleure organisation des déplacements. Il existe de larges marges de manœuvre qui permettront à la présidence de la République de tenir un budget plus contraint, sans incidence directe ni sur ses prérogatives constitutionnelles ni sur les activités présidentielles, à la différence de nombreux services publics et administrations qui n’ont plus de marges de manœuvre budgétaires.
Les deux assemblées parlementaires ont renoncé à l’augmentation initiale de leur dotation à hauteur de l’inflation. Cette décision est sage – les parlementaires doivent prendre leur part dans l’effort demandé à la nation –, mais il y a une certaine injustice dans cette décision, au même titre que dans l’effort demandé aux Français, en raison du gel des dotations des deux assemblées pendant une dizaine d’années jusqu’en 2021. L’Assemblée doit disposer des moyens d’exercer ses fonctions constitutionnelles et cette décision ne doit donc pas être pérennisée sur le long terme. Une réflexion sur le rôle et le fonctionnement de notre assemblée, et donc sur ses moyens, devra rapidement être conduite. Plusieurs de vos amendements, dont je partage l’esprit, pour la plupart, touchent d’ailleurs à la politique d’externalisation, en particulier des missions d’entretien, une question qui se pose de façon transversale à l’ensemble de l’État.
Je vous proposerai d’associer la voix de la commission à la démarche entreprise par l’Assemblée nationale et d’adopter mon amendement – identique à celui des trois questeures – pour geler la dotation de l’Assemblée nationale pour 2025.
La dotation du Conseil constitutionnel affiche une baisse de 6,02 %. En effet, la dotation de 2024 était particulièrement élevée pour financer d’importants travaux. La dotation pour 2025 de 16,8 millions devrait permettre au Conseil de faire face au regain d’activité lié au contentieux électoral et au contentieux des comptes de campagne liés aux élections législatives.
Je saisis l’occasion pour appeler votre attention sur notre responsabilité collective de ne pas surcharger le Conseil constitutionnel, dont la saisine est parfois motivée par la simple communication politique. Je rappelle que certains articles de la loi « immigration » avaient été votés en toute conscience de leur inconstitutionnalité. Nous avons toutes et tous à respecter la Constitution au même titre que nous respectons la loi, quand bien même nous militons légitimement pour la changer.
Je ne m’étendrai pas sur les dotations des chaînes parlementaires, qui augmentent très faiblement, et de la Cour de justice de la République, qui demeure équivalente.
J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport au recours aux prestations de sondage et de cabinet de conseil par la présidence de la République.
La présidence de la République ne commande plus de sondage, ni directement ni par l’entremise du service d’information du gouvernement. L’Élysée s’est toutefois dotée d’un centre de veille et d’analyse, qui ne produit certes pas d’études d’opinion, mais qui permet de centraliser des informations et de faire remonter depuis les préfectures les questions qui prennent de l’ampleur sur les territoires. Par ailleurs, la présidence de la République reçoit les résultats des sondages d’opinion commandés par le Gouvernement. Ponctuellement, les vagues de questions d’actualité commandées par le service d’information du Gouvernement (SIG) concernent parfois la présidence de la République et la perception qu’en ont les Français. Le cabinet du président de la République a en effet reconnu que des échanges informels sur les dynamiques d’opinion pouvaient avoir lieu au cours de réunions de coordination avec Matignon. La disparition de conseillers communs à Matignon et à l’Élysée sous le présent gouvernement limitera peut-être ces interactions, mais le Premier ministre Michel Barnier semble avoir accepté de poursuivre la transmission des résultats des études d’opinion à la présidence de la République.
S’agissant des cabinets de conseil, je me suis particulièrement intéressé aux prestations pro bono, donc gratuites, réalisées durant le premier quinquennat du président Emmanuel Macron par trois cabinets de conseil, McKinsey, Boston Consulting Group (BCG) et Roland-Berger. Je remercie d’ailleurs les deux derniers cabinets d’avoir accepté de me rencontrer pour éclaircir les conditions de leur participation à l’organisation de deux sommets organisés par l’Élysée et je vous fais part de mon incompréhension face à la décision du cabinet McKinsey de ne pas avoir répondu à ma sollicitation, ce qui me semble porter atteinte au principe de transparence que commande la collaboration avec les pouvoirs publics.
Ces prestations pro bono, qui ont consisté à apporter un appui dans l’organisation des grands sommets à l’Élysée ou au château de Versailles, posent question au regard des principes d’égal accès à la commande publique et de libre concurrence. En outre, cette pratique n’est pas suffisamment encadrée pour éviter tout risque de conflit d’intérêts.
J’ai notamment pu faire les constats suivants. L’initiative et la prise de contact avec le cabinet de conseil proviennent dans certains cas de la présidence de la République elle-même, dont le choix repose sur des critères indéterminés, alors que dans d’autres cas il s’agit d’une proposition spontanée du cabinet de conseil. Toutes ces prestations n’ont pas fait l’objet d’une convention prévoyant un encadrement minimal. Elles n’ont certes pas été rémunérées, mais elles apportent toutefois au cabinet des bénéfices, au moins en termes d’image, qu’il est difficile de chiffrer, et ce malgré l’interdiction de recevoir des contreparties. Elles échappent, du fait de leur gratuité, à un encadrement juridique minimal et suscitent une suspicion légitime quant aux bénéfices réels qui sont retirés par les cabinets de conseil. Ma conclusion est dès lors identique à celles de nos collègues qui travaillaient sur une proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets privés dans les politiques publiques : il faut interdire le recours par les pouvoirs publics à des prestations gratuites des cabinets de conseil.
M. le président Florent Boudié. Je ne suis pas certain que l’itinéraire particulier de la loi « immigration » ait à ce point pesé sur l’activité du Conseil constitutionnel et sur ses moyens.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Bryan Masson (RN). Le contexte budgétaire dans lequel nous examinons ce projet de loi de finances (PLF) est tendu. Le Rassemblement national a proposé un contre-budget de 15 milliards d’économies supplémentaires et cette mission, comme les autres, est l’occasion de faire des économies et de participer à l’effort collectif.
Depuis sept ans, grâce au duo de choc Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, la France connaît une de ses plus grandes crises économiques avec une dette et des impôts qui explosent alors que ceux qui font des efforts et ceux qui n’en font pas sont toujours les mêmes. S’il n’y avait pas eu de polémiques médiatiques, personne n’aurait songé à demander la diminution des budgets de la présidence de la République et des assemblées.
Nous défendrons un amendement visant à réduire de 15 millions d’euros les crédits de la présidence de la République pour revenir aux niveaux de 2022. N’oublions pas que ces crédits sont passés de 102 millions en 2017 à 125 millions et qu’ils ont enregistré 8 millions de déficit en 2023. C’est inacceptable et nous proposerons des amendements pour faire des économies.
M. Ludovic Mendes (EPR). Le budget total de la mission Pouvoirs publics s’élève à 1,15 milliard, en augmentation de 1,64 %. Elle regroupe six programmes budgétaires : le programme 501, Présidence de la République ; le programme 511, Assemblée nationale ; le programme 521, Sénat ; le programme 531, Conseil constitutionnel ; le programme 533, Cour de justice de la République et le programme 541, La Chaîne parlementaire.
Ces moyens traduisent les priorités suivantes : assurer le fonctionnement optimal des institutions républicaines ; renforcer la modernisation et la transparence – des investissements sont prévus pour moderniser les infrastructures et les systèmes d’information, en particulier pour les assemblées parlementaires et la présidence de la République ; soutenir la rationalisation et la maîtrise des coûts – l’ensemble des institutions continuent de s’efforcer de maîtriser les dépenses dans un contexte budgétaire contraint, notamment à travers des plans de rationalisation des dépenses de fonctionnement ; améliorer la gestion des dépenses de personnel – la dotation prend en compte les évolutions salariales et les coûts de retraite.
Pour rappel, le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale ont annoncé le gel du budget du Parlement. Ces modifications se feront par amendement lors des débats parlementaires.
Ne soyons pas tentés d’utiliser l’examen et les débats sur le budget de l’Élysée comme moyen détourné pour attaquer la présidence de la République. Ceux qui souhaitent absolument taper sur la présidence de la République ne cherchent qu’à mettre de l’huile sur le feu pour déstabiliser encore un peu plus notre démocratie et la Ve République, mais j’ose croire que nous serons à la hauteur.
Nous saluons les décisions prises par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale de contribuer à l’effort commun.
Ces différents budgets assurent le fonctionnement des institutions qui protègent et font vivre notre démocratie, notamment grâce aux débats qui garantissent la diversité politique de notre pays. Il me paraît donc essentiel de garantir à ces institutions des moyens dignes pour exercer leur mission.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Comme tous les orateurs, je n’ai que quatre minutes pour commenter un budget de plus de 1 milliard.
Je n’ai que quatre minutes pour vous rappeler qu’il y a deux ans, un homme, Moussa Sylla, agent d’entretien du sous-traitant Europ Net, est mort après avoir perdu le contrôle d’une autolaveuse au cinquième sous-sol de notre assemblée. Le procès de son employeur pour homicide involontaire s’est ouvert la semaine dernière. L’Assemblée, pourtant donneur d’ordre, s’est défaussée : aucun membre de la direction ne s’est rendu au procès et une enquête interne sur cet accident du travail a été refusée au prétexte que M. Sylla n’était pas embauché directement par notre institution. La CGT de l’Assemblée a découvert que le plan de prévention conclu avec Europ Net avait été changé en catastrophe après l’accident. Afin de couvrir quel manquement ? Telles sont les conséquences du recours de plus en plus fréquent à l’externalisation, mais aucune leçon n’a été tirée de la mort de cet homme après que sa tête ait violemment percuté un mur : la sous-traitance va se poursuivre. Le contrat avec Europ Net n’est même pas mentionné dans le budget qui nous est soumis.
Je n’ai que quatre minutes pour vous dire que, au début de l’année 2024, les sénateurs n’ont pas hésité à augmenter leurs frais de mandat de 700 euros par mois et que les députés ont jugé pertinent de faire de même à hauteur de 300 euros. N’est-il pas indécent d’augmenter cette enveloppe alors que des fonctionnaires et des travailleurs sous-traitants, qui font vivre notre institution, sont essorés et, pour beaucoup, précarisés ?
Je n’ai que quatre minutes pour vous rappeler que le coût de notre démocratie française est en réalité fort modeste. La dotation de 618 millions de l’Assemblée nationale semble faible par rapport au budget de 1 milliard du Bundestag. Notre chambre souffre d’un manque de moyens chronique. Les moyens de notre ambition démocratique passent par le recrutement de davantage d’administrateurs, par la titularisation des travailleurs précaires et par une enveloppe suffisante pour rémunérer correctement nos collaborateurs.
Le pouvoir exécutif coûte bien plus cher. Est-il acceptable qu’une seule personne, le chef de l’État, dépense l’équivalent d’un cinquième du budget de notre assemblée ? Est-il raisonnable que ses coûts de déplacement aient doublé depuis 2021 et que son budget ait progressé de plus de 10 % en 2024 et de plus de 3 millions d’euros pour 2025 ? Était-il indispensable de donner 171 réceptions somptuaires en 2023 alors que, sous la Ve République, il n’y en avait jamais eu plus de 150 par an ? Était-il sérieux de gaspiller l’argent public en homards bleus, gratins de cèpes et autres volailles de Bresse marinées au champagne pour le dîner de gala offert à Charles III à Versailles, qui nous a coûté 474 000 euros, plus encore que celui de M. Modi, dont la facture s’élevait déjà à 412 000 euros ? On nous répondra qu’activité diplomatique oblige, la grande cuisine permet de faire briller les ors de la République. Mais regardons la réalité en face : depuis longtemps, la France enchaîne les échecs. Notre pays qui, en 2003, avait parlé au monde entier en refusant la guerre en Irak, brille désormais par son suivisme et son silence sur le génocide du peuple palestinien et sur le massacre du peuple libanais.
Pendant ce temps, les dîners d’État gavent les intimes d’Emmanuel Macron aux frais de la princesse. Son ami Bernard Arnault est invité à tous les dîners offerts aux chefs d’État. Une récente enquête du Nouvel Obs recense les multiples avantages que M. Arnault tire de sa relation avec le Président. Présent le 8 juin au dîner avec M. Biden, le milliardaire a vécu comme une humiliation de ne pas avoir été mis au courant de la dissolution du lendemain, dont il a tout de même été informé bien avant tout le monde. Il décrète ensuite qu’il faut à tout prix éviter un Premier ministre de gauche, ulcéré par les « dingueries fiscales » du Nouveau Front populaire. Il est allé jusqu’à suggérer des noms de Premier ministre à Emmanuel Macron ! L’argent public sert-il à construire le réseau d’influence des oligarques ?
Je n’ai que quatre minutes pour vous rappeler que Brigitte Macron coûte 300 000 euros par an aux contribuables, alors qu’elle n’exerce aucune fonction. C’est cher payé pour récolter des pièces jaunes en robe Louis Vuitton.
Les dépenses de la présidence de la République sont guidées par le fait du prince. Aucun effort de nettoyage de ses comptes n’est prévu dans le budget 2025. En guise de premier pas vers cet effort, nous voterons contre ce budget.
M. le président Florent Boudié. Manifestement, en quatre minutes, on peut dire beaucoup de choses et avec beaucoup de mesure... Vous avez comparé l’Assemblée au Bundestag. Vous auriez tout aussi bien pu comparer le chef de l’État de la République française avec ceux d’autres États.
Mme Marietta Karamanli (SOC). Ce budget est sensible, car il concerne des institutions qui sont vues par nos concitoyens comme un thermomètre de la sobriété des dépenses publiques.
Les crédits de paiement de la mission sont en hausse de 1,64 %. Cette hausse est de 1,7 % pour l’Assemblée nationale et le Sénat et de 2,53 % pour la présidence de la République.
En 2025, les crédits de celle-ci atteindront la somme de 125,7 millions contre 122,6 millions en 2024. Cette augmentation est due aux dépenses de fonctionnement de l’activité présidentielle liée à l’activité diplomatique, qui augmentent 6,7 % et qui sont distinctes de l’ensemble des dépenses de fonctionnement de la présidence. Le document budgétaire reste imprécis sur les frais alloués à l’activité du conjoint en tant que personnalité publique. Les prévisions pour 2026 et 2027 reproduisent le même schéma d’une hausse toujours plus forte des crédits alloués à la présidence que celle prévue pour les deux assemblées.
Le budget pour 2025 de notre assemblée progresse de 3,4 %, en raison notamment du coût de la dissolution et de la réalisation de travaux. Nous saluons la décision conjointe des présidents du Parlement de renoncer à l’augmentation de leur budget.
Les crédits alloués au Conseil constitutionnel diminuent de 6 % alors que la charge contentieuse à la suite des élections législatives de juin et juillet 2024 augmentera en 2025, ce qui aurait mérité des précisions. Nous avions déjà observé dans le passé que les documents budgétaires étaient insuffisamment explicites sur certaines évolutions. Une plus grande transparence est nécessaire à notre travail de contrôle.
Nous proposerons des amendements visant à une diminution des crédits de la présidence, même si nous n’avons pas beaucoup de marge. Les crédits de la présidence devraient retrouver leur niveau de l’époque de la présidence de François Hollande. Nous souhaitons rééquilibrer les budgets de la présidence et des assemblées.
Mme Émilie Bonnivard (DR). La situation économique désastreuse et le poids de la dette nous obligent tous à faire des économies. Sans sombrer dans le populisme à la mode dans cette enceinte, qui nourrit la défiance de nos concitoyens et affaiblit notre démocratie, il est indispensable de réformer nos institutions et de réduire leur train de vie. Nous devons faire cet effort pour que nos concitoyens comprennent ce que nous leur demandons.
Dans le cadre d’un budget élaboré par Bercy dans l’urgence, l’augmentation des crédits de la présidence de la République et des deux assemblées pour tenir compte de l’inflation était quasi mécanique. Notre mission de parlementaires – le Premier ministre l’a souligné – est d’amender un tel budget et c’est ce que notre groupe compte faire.
La présidence de la République et les deux assemblées ont certes renoncé à la hausse de leur dotation, mais cela ne va pas assez loin. Nous proposons une année blanche, c’est-à-dire le strict maintien des dotations au niveau de 2024 afin de réduire le déficit tout en maintenant des institutions au service de notre démocratie et de nos concitoyens.
La dotation parlementaire doit ainsi permettre à nos assemblées de remplir leur rôle constitutionnel sans faillir. Après des années de gel, les assemblées ont obtenu une revalorisation l’an dernier et nous estimons que le Parlement peut jouer un rôle fort en cette période de cohabitation sans indexation de sa dotation sur l’inflation.
L’effort budgétaire initialement proposé pour la présidence de la République ne suffit pas. Depuis 2017, le budget de l’Élysée a augmenté de 20 %, notamment pour financer les activités diplomatiques, et il était en déficit de plus de 8 millions l’année dernière. Il est indispensable de faire preuve de davantage de rigueur financière. Les déplacements internationaux du président sont essentiels, mais il faut s’interroger sur la taille des délégations accompagnant le Président, qui est de plus en plus importante. Je ne suis ainsi pas certaine que tous les membres de la délégation française lors du récent déplacement au Maroc auraient dû être pris en charge par l’État.
Le groupe Droite républicaine tient à souligner l’importance d’une gestion exemplaire des fonds publics pour préserver la confiance de nos concitoyens dans nos institutions. Nous devons aller plus loin que l’année blanche et réfléchir à un plan de réduction des dépenses du Parlement et de l’Élysée sur trois ans en identifiant précisément ce qui est essentiel au fonctionnement de notre démocratie. Cette logique doit également être appliquée aux administrations centrales.
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous donnons notre avis alors que les décisions ont déjà été prises, ou sont sur le point de l’être, par la commission des finances. C’est un peu ironique, mais c’est la logique parlementaire du moment et nous continuons à perdre pied et à nous enfoncer.
Nous constatons tous les jours que l’exemplarité de notre démocratie n’est pas satisfaisante. Pour y remédier, il est important d’une part d’encadrer les frais de fonctionnement de la présidence de la République et d’autre part d’allouer les moyens nécessaires au contrôle de l’exécutif.
Emmanuel Duplessy, que je remercie pour son travail, tire la sonnette d’alarme sur les dépenses de fonctionnement de la présidence de la République, qui augmentent significativement. Cette augmentation est symbolique, mais c’est un symbole qui compte aux yeux des Françaises et des Français, car ils voient dans le même temps les crédits des services publics – école, hôpital, et j’en passe – continuer à diminuer. Ne mésestimons jamais les effets de la frustration sur une population, l’élection américaine est là pour nous le rappeler.
Pour ma part je veux insister sur le manque d’outils d’accès à l’information et de contrôle concernant les dépenses de la présidence de la République : je pense notamment à l’absence d’indicateurs de performance sur le suivi des déplacements présidentiels et au défaut d’évaluation des projets d’investissement liés à la transition énergétique et à la réduction de l’empreinte écologique des bâtiments officiels. En ces matières, la transparence budgétaire n’est pas au rendez-vous et nous sommes très loin des standards européens. Signe de l’absurdité de notre calendrier, mon groupe est en train de proposer, en ce moment même en commission des finances, des amendements destinés à assurer une gestion budgétaire plus rigoureuse et transparente.
J’insisterai aussi sur la faiblesse des moyens dont dispose le Parlement français pour assurer ses missions constitutionnelles, notamment celle qui consiste à contrôler l’action du Gouvernement et à évaluer les politiques publiques. Si le Parlement n’a plus les moyens de travailler efficacement, de contrôler le Gouvernement et l’administration, de réclamer des comptes et d’enquêter sur les actions de l’exécutif, la tâche des gouvernants s’en trouve naturellement facilitée et la démocratie abîmée. La démocratie a un coût. Dans le contexte actuel, il n’était certes pas opportun d’indexer les dotations parlementaires sur l’inflation, comme initialement prévu. Néanmoins, cette non-indexation doit rester exceptionnelle, ainsi que l’a expliqué notre rapporteur pour avis. Les juridictions administratives jouent aussi un rôle indispensable dans le contrôle de l’exécutif. À cet égard, les réformes successives en matière d’asile et d’immigration – qui ont notamment conduit à la généralisation du juge unique et au recours à la visioconférence – fragilisent la qualité de la justice rendue, donc notre État de droit, notion que certains ministres semblent trouver facultative.
Pour conclure, je dirai un mot sur la Cour des comptes. À l’heure où les services publics sont de plus en plus menacés, une exigence constitutionnelle devrait être pleinement traduite dans les faits, celle que nous dicte l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Dans un ouvrage récent, les magistrates financières Camille Andrieu et Adeline Baldacchino estiment que la Cour des comptes n’est pas encore la maison du citoyen qu’elle devrait être, affirmation qui n’est pas sans fondement. Sa fonction d’évaluation des politiques publiques et d’information des citoyens gagnerait à être renforcée au bénéfice d’un nouveau modèle de contrôle de l’action publique par la société elle-même C’est le sens de la démocratie et de nos institutions. Nous déciderons de notre vote à l’issue des débats.
M. le président Florent Boudié. Vous avez anticipé sur la mission Conseil et contrôle de l’État, chère collègue.
Mme Blandine Brocard (Dem). Indexer le coût budgétaire de nos institutions sur l’inflation ne serait pas tout à fait un non-sens car elles ont subi, comme les Français et les entreprises, une augmentation de leurs factures, loyers et frais afférents. Il est cependant logique que nous donnions l’exemple, de même que le Sénat et la présidence de la République, à un moment où nous demandons à d’autres, aux collectivités territoriales en particulier, de faire des efforts et de réduire leurs dépenses de fonctionnement.
La non-indexation n’est d’ailleurs pas une première pour notre assemblée dont le budget a été gelé de 2008 à 2012 et a même subi un coup de rabot de 14 millions d’euros en 2012. Comparée à 2008, la progression de sa dotation n’est que de 7,13 % alors que le taux d’inflation a dépassé 32 % au cours de cette période. À la lecture des amendements, il est amusant de constater que seuls nos collègues de gauche proposent d’augmenter fortement le budget de l’Assemblée nationale. Lorsque j’interviens dans les écoles et les collèges, je rappelle que le budget de nos cinq principales institutions démocratiques – la présidence de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République – est de 1,16 milliard d’euros, ce qui représente de 1 à 1,40 euro par mois et par Français, soit le coût d’un café. Tel est le coût de notre démocratie qui n’a pas de prix.
Face aux défis financiers auxquels nous sommes confrontés, le groupe Démocrates votera pour les amendements proposant de geler les budgets de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la présidence de la République. En revanche, nous demeurons vigilants à l’égard d’amendements qui viendraient modifier de manière significative la structure de ce budget, auquel cas notre groupe se verrait contraint de s’opposer à cette mission dans sa rédaction actuelle.
M. Jean Moulliere (HOR). Cette mission contient les dotations budgétaires d’institutions indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie : présidence de la République et assemblées parlementaires, sans oublier le Conseil constitutionnel, garant de notre État de droit. Dans le contexte économique et budgétaire tendu que nous traversons, il est pourtant impératif que toutes nos institutions sans exception participent à l’effort collectif. Nos concitoyens ne sauraient comprendre – et nous ne saurions d’ailleurs justifier – que les pouvoirs publics ne soient pas concernés par l’effort important que nous nous apprêtons à consentir pour 2025.
À l’instar de la majorité des maires de nos communes, qui montrent l’exemple dans la bonne gestion des deniers publics, il nous faut aussi donner l’exemple d’une gestion responsable. Comment demander à chacun de faire un effort sans nous engager dans la même démarche ? Alors que le Premier ministre a annoncé un plan d’économies de 60 milliards d’euros pour redresser les finances publiques, la mission Pouvoirs publics voit son budget augmenter de plus de 1,64 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette hausse s’explique par l’évolution des crédits alloués à plusieurs institutions publiques, notamment la présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat. Face aux interrogations des Français sur ces hausses de crédits, ces institutions ont pris la décision de renoncer à leur augmentation pour 2025. Le groupe Horizons & indépendants salue cette démarche responsable et indispensable, qui envoie un signal de solidarité à nos concitoyens, ce qui est plus que nécessaire au regard des efforts auxquels nous devrons tous individuellement consentir. Notre groupe appelle aussi à diminuer les dépenses, un effort difficile mais nécessaire au vu de la conjoncture. Il y va de notre souveraineté nationale.
Les comptes de l’Assemblée nationale portent la trace de la dissolution de juin dernier, dont le coût a été estimé à 28,54 millions d’euros dans le budget rectificatif validé en septembre par le bureau. Depuis plusieurs années, le budget prévoit d’ailleurs des dépenses supplémentaires supérieures à la dotation attribuée par l’État, les déficits étant comblés par des prélèvements sur les réserves de l’Assemblée nationale. Cette situation problématique, malgré les efforts de maîtrise des dépenses déjà engagés, doit conduire à une réflexion globale : le fonctionnement financier et budgétaire de l’Assemblée nationale doit perdurer sans mettre ses réserves en péril, dans la continuité d’une démarche d’économies.
Sous réserve de la mise en conformité de cette mission avec les annonces de gel des dépenses, le groupe Horizons & indépendants votera pour les crédits de cette mission.
M. Paul Molac (LIOT). Au moment où l’État demande des efforts à tous nos concitoyens, il paraît plus que nécessaire que nous montrions l’exemple. Quand je dis « nous », je pense aux parlementaires, aux institutions recensées par notre rapporteur pour avis, et bien sûr à l’Élysée. Notre groupe appelle donc à geler les crédits pour 2025 : il n’est pas possible d’augmenter les dotations des institutions de la République quand le Gouvernement propose des coupes budgétaires pour les services publics essentiels, les collectivités locales et les particuliers. Notre rapporteur général, Charles de Courson, a déposé en commission des finances un amendement qui annule toutes les hausses prévues. Nous appelons tous les groupes à soutenir cette démarche.
Au-delà de ce message, je tiens à insister sur deux points : le coût de la dissolution, décidée unilatéralement, de l’Assemblée nationale ; le budget de l’Élysée. Pour notre assemblée, le coût net de la dissolution serait de l’ordre de 28,5 millions d’euros, mais le coût brut total atteindrait 43 millions d’euros, essentiellement constitué de l’indemnisation des collaborateurs parlementaires dont les contrats n’ont pas été renouvelés. En plus de susciter une crise politique juste avant les Jeux olympiques, la décision du Président aura aggravé les finances des pouvoirs publics.
À l’Élysée, dont le budget n’est toujours pas maîtrisé, on donnerait plutôt dans le style cigale : la présidence de la République demandait initialement une hausse de 3 millions d’euros de son budget avant d’y renoncer. Dont acte. Ce geste reste néanmoins limité, le budget du palais étant passé de 100 à 126 millions d’euros depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017. Mes amendements visant à réduire le budget de l’Élysée ont été déclarés irrecevables, mais des amendements identiques de Charles de Courson auraient connu un meilleur sort. Cette réduction devrait donc pouvoir se faire.
La dotation de l’Élysée progresse plus vite que l’inflation, alors que le chef de l’État s’est parfois opposé à l’indexation des dotations aux collectivités et que celle des retraites pourrait être remise en cause. Nous devons donner l’exemple. Nous ne nions pas la légitimité du coût des missions du Président de la République, mais, à l’instar de la Cour des comptes, nous pensons que certaines dépenses de déplacements, d’événements ou de dîners sont mal maîtrisées. Le seul dîner de réception du roi Charles III à Versailles a coûté 475 millions d’euros, pardon 475 000 euros, alors que nos amis allemands ont dépensé 43 000 euros pour un dîner au château de Bellevue avec le nouveau roi et son épouse. Notre dîner a coûté plus de dix fois plus que le leur. Selon la Cour des comptes, le lieu de réception y est pour beaucoup : un dîner classique au palais de l’Élysée revient à environ 60 millions d’euros, pardon 60 000 euros. Je n’ai jamais été comptable ! Quoi qu’il en soit, je dois dire que certains députés ont rendu une partie de leur dotation en fin mandat, pour des montants non négligeables qui peuvent atteindre 20 000 euros, voire plus. Nous sommes nombreux à l’avoir fait et nous aimerions que les autres institutions aient une gestion aussi bonne que la nôtre. Nous avons tous un devoir d’exemplarité, l’Élysée comme les autres.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Le budget de la présidence de la République a augmenté de 2,5 %, celui de l’Assemblée nationale 3,4 % – un taux qui s’explique en partie par le coût de la dissolution –, et celui du Sénat de 1,7 %. Quant au budget du Conseil constitutionnel, il a diminué de 6 %. Nous pensons qu’il faut revenir sur ces hausses pour toutes les raisons déjà évoquées et notamment, en ce qui concerne l’Élysée, pour le recours régulier et non contrôlé à ce fameux cabinet de conseil McKinsey, dont a parlé le rapporteur pour avis. À défaut d’une annulation de ces hausses, le groupe UDR voterait contre l’adoption des crédits de cette mission.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Olivier Marleix (DR). Il n’y avait pas d’orateur pour le groupe GDR, et, même si je ne prétends pas parler en leur nom, je sais les membres de ce groupe très attachés à la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, afin de prévenir les conflits d’intérêts. Merci, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir parlé de ces cabinets de conseil, vrais nids à conflits d’intérêts. Il est assez surprenant de voir que la présidence de la République demande à tel ou tel cabinet de conseil de venir organiser un sommet. Cette situation surréaliste rappelle le privilège royal de l’Ancien Régime, et elle est inéquitable pour les cabinets qui n’ont pas le bonheur d’être dans les petits papiers d’untel ou d’untel. Monsieur le président de la commission, il est urgent d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat. Si les choses n’ont pas avancé à l’Assemblée, c’est parce que votre prédécesseur manquait d’enthousiasme pour le sujet. J’espère que ce ne sera pas votre cas.
En revanche, monsieur le rapporteur pour avis, j’ai été un peu plus embêté de vous entendre donner quitus au Conseil constitutionnel lorsqu’il bafoue les droits des parlementaires, notamment tels que prévus à l’article 45 de notre Constitution. Sur le droit d’amendement, le Conseil constitutionnel a fait une censure contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution. Je vous invite à vous référer à l’excellent amendement de Jean-Luc Warsmann, adopté lors de la révision de la Constitution de 2008. Il n’y a pas d’équivoque : « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » Il n’est pas question de « lien, même indirect, avec les articles du texte », contrairement à ce que réécrit le Conseil constitutionnel de sa propre initiative. Soyez plus insoumis, monsieur le rapporteur pour avis.
M. le président Florent Boudié. Vous vous référez au groupe GDR, puis aux Insoumis. On sent un basculement. Quant à la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, elle a été examinée par la commission des lois et dans l’hémicycle en première lecture. La question est désormais celle de son retour en deuxième lecture.
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. La qualité des informations financières données pose en effet la question de la transparence. Leur présentation nous oblige à travailler sur de grosses masses et à privilégier une analyse quantitative, alors que nous devrions pouvoir les raccorder à une activité selon une approche plus qualitative. Les règles de présentation et de transmission des documents budgétaires sont à revoir dans le but de nous permettre de faire des analyses plus poussées et pertinentes.
En ce qui concerne les dépenses de l’Assemblée nationale, je me réjouis de voir que la majorité des groupes se prononce pour un gel, malgré le contexte rappelé : son budget a été gelé pendant de longues années alors que ses charges augmentaient et que ses moyens ne sont pas forcément à la hauteur de son rôle constitutionnel. Il serait intéressant de réfléchir au rôle de l’Assemblée, à ses besoins et aux moyens mis à sa disposition. Nous n’allons pas le faire par voie d’amendement dans le cadre de cet exercice budgétaire, qui plus est dans le contexte politique actuel.
La dynamique du budget de la présidence de la République est différente : sa hausse interroge et, comme la Cour des comptes, je pense qu’il existe des marges de manœuvre plus importantes qu’ailleurs pour réduire les dépenses ; d’où mon amendement qui propose d’aller plus loin que le simple gel, en rabotant plus de 1,5 million d’euros, somme raisonnable qui ne nous fait pas tomber dans une forme de populisme pointée par certains intervenants. J’ai appliqué une règle simple : le taux de 3,5 % correspond à la baisse de 60 milliards d’euros rapportée aux budgets de l’État et de la sécurité sociale. Puisqu’on arrive déjà à une baisse de 2,5 % avec le gel, le coup de rabot supplémentaire ne représente donc qu’une baisse de 1 % du budget de l’Élysée. J’espère que vous allez vous rallier à cette position raisonnable.
M. Philippe Gosselin (DR). Comme beaucoup, je me réjouis du gel du budget de l’Assemblée nationale à une période où l’on demande à nos concitoyens de faire des sacrifices et à l’État de réaliser des économies et d’améliorer sa gestion.
Nous devons cependant saisir cette occasion pour dire que le Parlement ne joue pas pleinement son rôle. En application de l’article 24 de la Constitution, nous devons voter la loi, mais aussi contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques – ce que nous faisons de façon encore très insuffisante. Une forme de légicentrisme à la française nous fait croire que la loi peut tout résoudre : chacun se défie de la loi et se plaint d’un excès de normes mais, au moindre problème, se tourne vers le Parlement pour qu’il légifère. Alors, continuons à évaluer et élaguons ! Il est très important d’évaluer les politiques publiques à une époque où il est nécessaire de faire un meilleur usage de l’argent dont nous disposons. Sans doute faudrait-il porter nos efforts sur ce point dans les années à venir. Ce ne serait pas de l’argent dépensé, mais de l’argent bien placé. Il serait en tout cas mieux placé que les dizaines de millions dépensés dans cette malheureuse dissolution et le départ de nombreux collègues et de collaborateurs depuis le mois de juillet.
M. le président Florent Boudié. Cette dissolution a coûté cher au sens propre comme au sens figuré…
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CL341 de Mme Marietta Karamanli, II-CL344 de M. Bryan Masson, II-CL444 de M. Emmanuel Duplessy et II-CL204 de M. Paul Molac
Mme Marietta Karamanli (SOC). Notre amendement vise à réduire le budget alloué à la présidence de la République afin d’abonder celui de l’Assemblée nationale, selon un jeu devenu hélas classique lors des débats sur les missions. Il faut néanmoins rappeler que le budget de l’Élysée est resté longtemps stable à quelque 100 millions d’euros, avant d’exploser au cours des dernières années. Il faut revenir à la raison. Cette augmentation est justifiée par l’inflation, mais l’Élysée doit pouvoir fournir des efforts qui sont demandés à toute la population. Enfin, il est nécessaire de conforter les capacités d’évaluation et de prospectives du Parlement. Un rééquilibrage des pouvoirs, lié à l’impossibilité de trouver une majorité après la dissolution, rend indispensable le renforcement des capacités d’analyse en amont de la prise de décisions publiques.
M. Bryan Masson (RN). Notre amendement vise à réduire de 15 millions d’euros les crédits alloués à la présidence de la République pour ramener ce budget à son niveau de 2022, sachant que notre groupe demande une baisse de 47 millions d’euros du budget de cette mission.
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Comme déjà indiqué, mon amendement vise à réduire la dotation de l’État à la présidence de la République au prorata des mesures de maîtrise budgétaire proposées par le Gouvernement dans le PLF pour 2025 : 4,7 millions d’euros, dont 3,5 millions correspondent à un simple gel du budget, le reste étant une diminution supplémentaire.
Madame Karamanli, je vous ai rappelé les ordres de grandeur du budget présidentiel : 16 millions de dépenses de fonctionnement peu compressibles ; 24 millions pour les activités présidentielles – 21 millions pour les déplacements et 3,5 millions pour les réceptions. La baisse que vous demandez est quasiment supérieure au budget des activités présidentielles. En outre, le transfert de l’argent à l’Assemblée nationale est contradictoire avec la volonté unanimement exprimée de geler les dépenses de celle-ci. Même si votre questionnement sur les dépenses présidentielles est légitime, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
La baisse demandée par M. Masson est moins élevée mais reste très importante. Si vous estimez que le Président de la République est si peu légitime qu’il ne doit quasiment plus avoir d’activités présidentielles, voire qu’il ne doit plus pouvoir exercer ses compétences, vous auriez peut-être dû étudier plus en détail la résolution de destitution. L’idée est quand même de conserver les prérogatives présidentielles.
L’amendement de M. Molac est inopérant : le financement des retraites présidentielles – une vraie question, au demeurant – n’est pas géré au niveau du budget de l’Élysée, mais relève de la loi.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer vos amendements au profit du mien.
M. le président Florent Boudié. Une destitution qui serait allée à son terme aurait eu un coût considérable.
M. Thibault Bazin (DR). La nouvelle donne entre l’Élysée et Matignon a mis fin aux conseillers partagés. Puisque les prérogatives du Président de la République sont plus limitées qu’il y a quelques mois, nous devrions constater une baisse des ressources correspondant à des tâches qui relèvent désormais exclusivement de Matignon. Or ce n’est pas le cas. Sachant que certains conseillers sont à l’origine du couac au Salon de l’agriculture avec les Soulèvements de la Terre, ou de la composition de la délégation controversée pour le voyage au Maroc, ou de la décision de dissoudre, on peut se dire qu’il y a des belles économies à faire dans l’intérêt de la France.
Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous allons retirer notre amendement et voter pour celui du rapporteur pour avis. Nous voulions montrer l’aberration d’un exercice qui consiste à vider un programme pour en alimenter un autre, alors que l’analyse devrait être plus fine et plus adaptée.
M. Bryan Masson (RN). Monsieur le rapporteur pour avis, je vous rassure : la baisse que nous proposons ne va pas handicaper la présidence de la République puisqu’elle consiste à revenir au budget de 2022. À l’époque, la présidence de la République fonctionnait très bien avec 15 millions d’euros en moins. Nous ne prônons ni le désordre ni la destitution.
M. Paul Molac (LIOT). Je vais retirer mon amendement d’appel et me rallier à celui du rapporteur pour avis. Cela étant, je tiens à rappeler que, depuis 2017, l’Assemblée nationale a un régime de retraite très proche de celui du droit commun, contrairement au Sénat. Il me semble qu’il faudrait aussi aligner la retraite du Président de la République sur le droit commun pour ne pas donner l’impression que certains Français sont plus égaux que d’autres.
Les amendements II-CL341 et II-CL204 sont retirés.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CL344 et adopte l’amendement II-CL444.
Amendements II-CL443 de M. Emmanuel Duplessy, II-CL415 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL416 de M. Ugo Bernalicis, II-CL419 et II-CL420 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Mon amendement vise simplement à acter le gel de la dotation de l’Assemblée nationale. Malgré les réserves de fond déjà évoquées, c’est important dans le contexte politique et financier que nous connaissons.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je propose d’augmenter, de façon pérenne, la dotation de l’Assemblée nationale par une ponction sur les crédits de la présidence de la République, qui représentent un cinquième du budget de l’Assemblée nationale pour une seule personne. Le pouvoir législatif doit être doté de davantage de moyens.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). L’amendement II-CL416 tend à ponctionner, dans le même esprit, 3 millions d’euros sur le budget de la présidence de la République pour augmenter l’enveloppe consacrée aux collaborateurs des députés. La séparation des pouvoirs repose sur la recherche juridique mais aussi matérielle, pour être effective, d’un équilibre. Pour ce faire, il nous faut plus de moyens. Je saisis cette occasion pour saluer et remercier tous les collaborateurs qui nous accompagnent. Ils méritent une augmentation de salaire.
M. le président Florent Boudié. Vous avez raison au sujet de nos collaborateurs.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Mon second amendement concerne des dépenses que nous considérons comme trop luxueuses et inutiles de la présidence de la République : les dîners pour Charles III, Narendra Modi et le président de la Mongolie ont coûté plus de 1 million d’euros aux contribuables. Ce ne sont pas seulement La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon qui le pointent : la Cour des comptes a considéré dans son rapport annuel que ces dépenses étaient indécentes. Nous proposons de rebasculer ces crédits vers l’Assemblée nationale pour augmenter les salaires de nos collaborateurs et des différents agents de l’institution.
L’Assemblée est sous-dotée en administrateurs : ils sont moins nombreux qu’au Sénat et nous avons bien moins de personnel pour l’exercice de notre démocratie que nos voisins allemands ou le Parlement européen. Nous avons constaté que la commission des affaires étrangères avait cessé de publier des comptes rendus pendant quelques semaines faute de personnel disponible. Compte tenu de la charge de travail des administrateurs de notre assemblée, qui jouent un rôle essentiel, l’amendement II-CL420 a pour objet d’augmenter leur nombre.
M. le président Florent Boudié. Je signale au passage que l’Assemblée nationale compte plus d’administrateurs que le Sénat.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Les sénateurs sont moins nombreux : nous avons proportionnellement moins d’administrateurs.
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Je partage certaines préoccupations qui viennent d’être évoquées, mais notre objectif, relativement consensuel même s’il est injuste sur le fond, est de geler le budget de l’Assemblée nationale. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable aux amendements visant à l’augmenter.
M. Ludovic Mendes (EPR). L’amendement de M. Duplessy va dans le sens que défend mon groupe. L’amendement, symbolique, qui a été déposé par M. Bernalicis ouvre un véritable débat sur les moyens dont nous disposons pour rémunérer nos collaborateurs, sans qui nous ne pourrions pas travailler comme il se doit. Une revalorisation est nécessaire : il faudra en débattre prochainement avec la Questure.
Nous soutenons tous la famille de Moussa Sylla, mais il ne faut pas tout mélanger. La sous-traitance n’est pas simplement de la maltraitance : il y a des règles à l’Assemblée nationale et les entreprises concernées ont l’obligation de les respecter. Le plus gros problème dans la propreté, secteur que je connais bien, est la manière dont les contrats sont passés. M. Ruffin avait ouvert le débat, et Mme Keke avait également essayé de le faire, mais nous ne sommes jamais allés jusqu’au bout parce que ses termes étaient mal posés. C’est à l’entreprise de respecter le cadre spécifique qui est fixé par le donneur d’ordre. S’agissant de l’affaire Moussa Sylla, le procès s’est tenu le 25 octobre et nous attendons maintenant le jugement. Le procureur de la République a réclamé la condamnation des dirigeants de l’entreprise. Par ailleurs, le président de la Fédération des entreprises de propreté, M. Jouanny, est prêt à discuter avec nous. Faisons-le intelligemment.
M. Philippe Gosselin (DR). Je voudrais essayer de faire un peu œuvre de pédagogie. Je suis satisfait que l’Assemblée nationale montre l’exemple en n’augmentant pas son budget, mais cela ne devrait nullement nous empêcher de travailler sur le fonctionnement de notre institution. Il est toujours de bon ton de dire que les parlementaires coûtent trop cher et que leurs collaborateurs sont trop payés, mais en réalité les comparaisons avec l’étranger montrent que nous sommes, un peu comme la justice, en voie de clochardisation. Le Parlement français coûte beaucoup moins cher au contribuable que bien d’autres parlements et je ne prends même pas l’Allemagne comme référence en la matière. Nous sommes plutôt en dernière ou avant-dernière position.
Il ne faut pas entretenir une sorte d’antiparlementarisme. Demandez à nos collaborateurs ce qu’il en est et vous verrez qu’ils ne sont pas si bien payés. Ceux qui travaillent à Paris doivent se loger en région parisienne – ce n’est pas tout à fait pareil que d’être collaborateur en province. Par ailleurs, un député ou un sénateur gagne correctement sa vie, mais il travaille 70 ou 80 heures par semaine, sans vraiment avoir de jour de repos. Il faut en être conscient même si personne ne s’en plaint – si on n’aime pas les gens, le contact ou notre mission, il faut faire autre chose.
Nous devons exercer des missions, comme l’évaluation des politiques publiques, qui nécessitent des moyens si nous voulons travailler dans des conditions même pas normales, mais moins anormales, car on travaille mal à l’Assemblée nationale. Je ne dis pas que nous faisons du mauvais travail, mais que nous travaillons dans des conditions qui sont quand même assez moyennes. Nous avons là l’occasion de le rappeler de façon unanime, quelles que soient nos positions par ailleurs.
Successivement, la commission adopte l’amendement II-CL443, rejette l’amendement II-CL415, adopte l’amendement II-CL416 et rejette les amendements II-CL419 et II-CL420.
Amendements II-CL421 de Mme Gabrielle Cathala et II-CL278 de M. François Ruffin (discussion commune)
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Contrairement à notre collègue macroniste, je pense que le débat sur la sous-traitance et les dérives de l’externalisation a très bien été posé par notre ex-collègue Rachel Keke – je regrette qu’elle n’ait pas été réélue.
Notre amendement vise à internaliser les services d’entretien des locaux de l’Assemblée nationale. Quand on fait une recherche dans le budget des pouvoirs publics, on n’obtient pratiquement aucune information sur la façon dont l’actuelle externalisation est gérée. Nous avions ouvert un débat avant 2022, dans le cadre du PLF, qui a eu pour concrétisation, à la suite de négociations avec la questure, un treizième mois pour les femmes de ménage et l’ensemble des agents d’entretien de l’Assemblée nationale. Le combat doit maintenant se poursuivre pour obtenir une internalisation totale des services d’entretien des locaux de notre assemblée.
Mme Sandra Regol (EcoS). L’amendement II-CL278 vise à rémunérer dignement les personnes qui font le ménage chaque jour dans nos institutions. Elles nous permettent de travailler dans de bonnes conditions, mais on ne peut pas en dire autant quand on regarde nos comportements à leur égard. Il va de soi qu’elles doivent au moins avoir une rémunération permettant de respecter le dur travail qui est le leur.
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Sur le fond je partage les objectifs de ces amendements, même si j’appelle votre attention sur un risque d’irrecevabilité. L’amendement de Mme Cathala, qui concerne l’Assemblée nationale, semble prévoir les montants nécessaires. J’invite à voter en sa faveur : l’internalisation des missions d’entretien à l’Assemblée nationale est un enjeu réel en matière de conditions de travail comme de gestion budgétaire. Même position concernant l’amendement de M. Ruffin.
M. Ludovic Mendes (EPR). Un débat a été ouvert à propos des agents de service qui interviennent à l’Assemblée nationale – par respect à leur égard, il ne serait pas mauvais d’arrêter de les appeler des « femmes de ménage ». C’est un métier que je connais bien, encore une fois, et je ne peux donc pas vous laisser dire tout et n’importe quoi. La propreté est une des branches qui ont le mieux travaillé avec les syndicats de salariés pour faire avancer les droits sociaux.
Oui, cette branche emploie parfois des personnes très peu qualifiées, qui sont accompagnées. Et oui, c’est un métier difficile. Contrairement à nous, ces personnes ne peuvent pas travailler en journée. Elles le font très tôt le matin ou très tard le soir. La réalité, c’est aussi qu’il s’agit souvent de femmes – à plus de 60 % – qui ne sont pas disponibles pour leurs enfants et qui n’ont pas un salaire vraiment adapté, parce qu’elles ne peuvent pas être à temps plein dans la même entreprise.
Un vrai travail de fond doit être mené, mais pas de la façon dont vous vous y prenez. Sans les entreprises en question, 250 000 personnes n’auraient pas d’emploi dans notre pays. Elles ont besoin d’être accompagnées correctement, car certains se font effectivement de l’argent sur leur dos : c’est une réalité qui a fait l’objet de plusieurs remontées. La Fédération des entreprises de propreté est prête, je l’ai dit, à travailler avec nous, mais pas de la façon que vous envisagez, car on ne réglera pas le problème ainsi. Si on n’aide pas ces personnes à travailler en journée, ce qui marche à l’Assemblée nationale, on n’améliorera jamais leurs conditions de travail. Faisons en sorte d’apporter des réponses, mais d’une autre manière, et arrêtez de parler de femmes de ménage – un peu de respect, s’il vous plaît.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Je tiens à rassurer notre collègue Mendes : nous travaillons sur ces questions depuis des années, avant même d’avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée, et nous allons continuer.
Nous prenons le problème par le même bout que les personnes concernées. Ces femmes qui font du ménage ont des statuts précaires, comme vous l’avez dit, et ce sont, pour beaucoup d’entre elles, des cheffes de famille. Si leurs revendications ont été prises en compte, c’est parce qu’elles se sont battues, qu’elles se sont mobilisées, qu’elles ont lutté contre les entreprises sous-traitantes. Ce n’est pas grâce à la bonne volonté du secteur que la question est arrivée sur la table, mais parce que ces travailleuses se sont mises en grève et qu’elles se sont battues. C’est par ce bout-là que nous posons la question. Ce sont elles qui parlent de leur rémunération et de leur temps de travail.
Vous vous rappelez peut-être que nous avions déposé une proposition de loi, dont j’étais la cheffe de file : vous avez vidé ce texte de l’ensemble de nos propositions, pour faire en sorte que l’on n’avance pas à l’Assemblée nationale. Excusez-nous, mais nous continuerons à aborder le problème par le bout où les personnes concernées souhaitent des avancées et nous continuerons, ne vous en déplaise, à nous battre. À l’avenir, vous réfléchirez peut-être à deux fois avant de vider un texte qui permettrait une avancée sociale pour les femmes qui font le ménage à l’Assemblée nationale et ailleurs dans notre pays.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL422 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Cet amendement revient sur la mort de Moussa Sylla, déjà évoquée, des suites d’un accident au cinquième sous-sol de notre assemblée. Le rapporteur me répondra que ce n’est pas au budget qu’il faut toucher et que notre amendement d’appel n’est pas fiable sur le plan financier, mais un débat mérite d’être ouvert puisque l’Assemblée est le donneur d’ordre dans cette histoire : elle ne peut pas se défausser sur son sous-traitant. Aucun responsable de notre assemblée ne s’est rendu au procès dans cette affaire, dont le jugement a été mis en délibéré au 24 janvier : on a tout simplement donné une image déplorable de l’institution.
Je vais vous lire un extrait d’un article de presse qui relate le procès : « Des membres de la famille de Moussa Sylla, des militant·es et une poignée d’inspecteurs du travail sont resté·es dans la salle jusqu’à la fin de l’audience. Et pendant six heures, une question n’a cessé de tarauder les membres de la famille de Moussa venus assister au procès : "Où sont les représentants de la direction de l’Assemblée nationale ?" Aucun d’entre eux n’a jugé utile de faire le déplacement. Si elle n’est pas l’employeur direct de leur défunt cousin et père, l’Assemblée nationale reste le donneur d’ordre. "Un homme est mort dans leurs locaux ! Ils ne nous considèrent pas comme des humains à part entière", tranche le cousin du défunt. "C’est pour l’Assemblée nationale que mon cousin travaillait et ils ne sont pas venus. Ils nous ont promis de nous aider, mais on n’a rien vu." Contactés par Mediapart, les services de l’Assemblée nationale n’ont pas répondu avant la parution de cet article. »
Voilà où nous en sommes. La mort d’un homme dans un sous-sol de l’Assemblée mériterait un peu plus de considération.
M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. C’est effectivement un amendement d’appel, inopérant et en réalité irrecevable. Toutefois, compte tenu de sa portée symbolique et des arguments de notre collègue – l’Assemblée nationale doit effectivement se préoccuper des conditions de travail de ses sous-traitants et du respect des règles de sécurité –, je vous appelle à vous solidariser avec une démarche qui n’emportera aucune conséquence financière mais aura une valeur symbolique très forte et qui est attendue, notamment dans le monde du travail. Les accidents et la mort au travail sont des préoccupations quotidiennes, pas seulement à l’Assemblée nationale.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Pouvoirs publics, modifiés.
La réunion est suspendue de dix heures quarante-cinq à dix heures cinquante-cinq.
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* *
Puis, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’Etat : programme Conseil d’État et autres juridictions administratives » (M. Vincent Caure, rapporteur pour avis).
M. Vincent Caure, rapporteur pour avis. Les crédits du programme 165, Conseil d’État et autres juridictions administratives, financent les dépenses de cinquante-deux juridictions administratives non spécialisées – le Conseil d’État, neuf cours administratives d’appel et quarante-deux tribunaux administratifs, et de deux juridictions administratives spécialisées, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP). Ces crédits s’établissent, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, à 516 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une quasi-stabilité, et à 604 millions en crédits de paiement, ce qui représente une légère hausse.
Le programme est désormais composé de huit actions. Je salue, en effet, l’apparition d’une action spécifiquement dédiée aux crédits de la Commission du contentieux du stationnement payant. Sa création, justifiée par l’activité en pleine expansion de cette commission, permettra une meilleure visibilité et traçabilité de l’emploi des crédits budgétaires. Cette évolution explique, par ailleurs, la baisse en trompe-l’œil des moyens alloués à l’action 5, qui assurait précédemment le financement de la CCSP.
Plus des deux tiers des crédits du programme 165 relèvent du titre 2, c’est-à-dire des dépenses de personnel. Leur hausse, de 5 %, correspond à l’évolution tendancielle de la masse salariale et à des mesures indemnitaires votées lors de précédents PLF pour les membres du Conseil d’État et les magistrats administratifs. Afin d’améliorer la rémunération de ces derniers, ce que je salue également, leur échelonnement indiciaire a été aligné sur celui des administrateurs de l’État.
Le projet annuel de performances mentionne un schéma d’emploi neutre. Nous devons engager une réflexion à ce sujet compte tenu de l’activité soutenue à laquelle certaines juridictions font face. S’agissant des tribunaux administratifs, la tendance à la hausse des entrées d’affaires se poursuit – elle est de 7 % par rapport à la même période en 2023. Cette évolution est encore plus marquée à la CCSP, où les entrées d’affaires ont augmenté de 136 % depuis 2018.
L’ensemble des personnels mobilisés parviennent actuellement à maintenir des délais de jugement proches des objectifs fixés par les indicateurs du programme : neuf mois et vingt jours devant les tribunaux administratifs, pour lesquels la cible est de neuf mois, ou encore onze mois et seize jours devant les cours administratives d’appel, quand la cible est de onze mois. Néanmoins, cette efficacité ne va pas sans une dégradation tendancielle des conditions de travail, liée à l’augmentation du flux d’affaires. Derrière la question des délais de jugement et du nombre d’affaires en stock, c’est la vie quotidienne des administrés et le bon accès à la justice administrative qui sont en jeu. Nous devons donc rester vigilants et réfléchir aux évolutions à terme, sachant qu’une baisse de 7 % des dépenses de fonctionnement est prévue pour 2025.
Le programme 165 couvrant les crédits affectés aux juridictions administratives, en particulier le Conseil d’État, j’ai décidé de consacrer la partie thématique de mon rapport au contentieux des mesures de dissolution administrative prises en Conseil des ministres. Ce contentieux, qui connaît une notoriété certaine même si son volume n’est pas le plus important, incarne très bien le travail de conseil de l’État, en amont, et de contrôle, en aval, mené par les juridictions administratives. S’agissant des décrets de dissolution d’associations, le Conseil d’État est le seul juge, puisqu’il statue en premier et dernier ressort.
La loi du 24 août 2021, dernière évolution législative dans ce domaine, a modifié de façon notable le code de la sécurité intérieure, qui permet sous certaines conditions la dissolution par décret d’associations ou groupements de fait. Cette loi a ajouté de nouveaux critères de dissolution, notamment le fait pour une association de provoquer à des actions violentes contre les personnes ou les biens, et elle a modifié les critères d’imputabilité en prévoyant que les agissements des membres d’une association, et non de ses seuls dirigeants, peuvent être imputés dans certains cas à l’association ou au groupement de fait.
Cette modification du cadre légal s’accompagne d’une augmentation du nombre de décisions de dissolution prises en Conseil des ministres, en réponse aux évolutions de la menace et à son caractère protéiforme. Vingt-trois dissolutions ont été prononcées depuis 2021 et le Conseil d’État a été saisi de treize d’entre elles. Il a annulé dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir une dissolution, celle des Soulèvements de la Terre, et dans le cadre d’un référé-liberté la dissolution du Comité action Palestine. Le Conseil d’État a rejeté six autres requêtes et cinq recours restent en instance.
Alors qu’une partie de la doctrine craignait que l’évolution décidée par le législateur ouvre la voie à un usage trop facile, voire à un mésusage, de la procédure de dissolution en Conseil des ministres, le Conseil d’État a fait évoluer en miroir sa jurisprudence pour maintenir un cadre équilibré permettant de concilier l’action du pouvoir exécutif et la liberté d’association. Le Conseil d’État a ainsi exigé une certaine gravité pour valider une dissolution prononcée sur le seul fondement de la provocation à des agissements violents à l’encontre des biens : il procède ainsi à un contrôle de proportionnalité assez pointu. Par ailleurs, le Conseil d’État a maintenu une continuité dans son appréciation de l’imputabilité en rappelant que la commission d’agissements violents par des membres d’une organisation n’entre pas par elle-même dans le champ des dispositions de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, fermant ainsi la porte à une trop grande assimilation de l’association à ses membres.
Ce rapide bilan est l’occasion de formuler trois propositions d’évolutions législatives qui pourraient guider de futurs travaux, notamment des commissaires aux lois.
Dans une logique de sécurité juridique, il conviendrait tout d’abord de préciser dans la loi ce que recouvre la notion de provocation telle qu’elle est mentionnée au 1 de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
Pour renforcer l’efficacité des mesures de dissolution, il pourrait également être utile de créer une procédure spécifique de dévolution des biens des associations dissoutes sur le fondement de l’article L. 212-1 du même code. Cela permettrait d’empêcher que les biens d’une association dissoute soient transmis à une autre association ayant en fait le même objet ou la même activité, comme ce fut le cas pour l’association BarakaCity. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur, que j’ai auditionnée, indique avoir déjà mené une réflexion sur un futur dispositif juridique. La mission d’information sur l’activisme violent, qui a présenté son rapport l’année dernière, avait du reste proposé d’aller dans ce sens.
La dernière proposition consiste à développer des outils juridiques permettant une forme de gradation dans la mise en œuvre d’une dissolution administrative, afin de sortir du tout ou rien qui prévaut actuellement. Ainsi, un avertissement à l’association concernée pourrait précéder sa dissolution, ou des mesures restrictives viser certains de ses membres avant de s’appliquer à l’association elle-même.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux orateurs des groupes.
Mme Pascale Bordes (RN). À l’heure des budgets de disette et des taxes à tout-va ; à l’heure où le budget de la justice judiciaire subit des coupes sombres, empêchant les magistrats d’accomplir sereinement leurs missions ô combien importantes dans des délais acceptables ; à l’heure où les chefs de juridiction judiciaire sortent de leur réserve pour affirmer que le nombre de magistrats, notamment de procureurs, devrait être multiplié par deux, et qu’ils ne peuvent plus assurer leurs fonctions, force est de constater que la justice administrative est relativement épargnée – je pèse mes mots. La distorsion budgétaire est patente.
Loin de moi l’idée d’opposer les deux ordres de la justice, mais reconnaissons que la justice administrative ne se trouve pas dans la situation critique de la justice judiciaire, à laquelle on ne peut demander de faire seule les frais de ce gâchis, alors qu’elle doit relever des défis sécuritaires et judiciaires monumentaux. Il est dommage que d’aucuns n’aient pas saisi l’occasion de lui donner les moyens de les relever.
Sans toucher aux budgets propres des juridictions, notamment ceux concernant le personnel, nous proposons de réduire symboliquement le budget d’institutions que nous qualifions de gadgets, comme le Conseil économique, social et environnemental (Cese), controversé quasiment depuis sa création et dont l’utilité reste à démontrer. La Cour des comptes a épinglé l’absentéisme de ses membres et le faible volume de leur travail : au cours des cinq dernières années, seules 133 études ont été réalisées, soit un peu moins d’un demi-chantier par hôte du palais d’Iéna.
Nous devons examiner les textes budgétaires et exercer notre pouvoir de contrôle en gardant à l’esprit la place de la justice française dans le classement européen, qu’il s’agisse de la justice judiciaire ou de la justice administrative. Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous ne figurons pas dans le peloton de tête. Il est regrettable qu’une fois encore, nous ne saisissions pas l’occasion d’offrir à nos concitoyens la justice du XXIe siècle à laquelle ils ont pourtant droit, qu’elle soit judiciaire ou administrative.
Mme Pauline Levasseur (EPR). Au nom du groupe Ensemble pour la République, je salue le budget de 899,7 millions alloué à la mission Conseil et contrôle de l’État. En hausse de 1,83 %, il finance des institutions qui conseillent et contrôlent l’action de l’État : les juridictions financières, les juridictions administratives et le Cese.
Les crédits alloués au Cese sont en baisse de 22,38 %, en raison d’un effet de périmètre lié à l’extinction du régime spécial des retraites de ses membres. Les crédits alloués à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent quant à eux de 4,39 %. Enfin, les crédits du programme 165, Conseil d’État et autres juridictions administratives, sont en hausse de 3,53 %.
Les moyens alloués à cette mission visent à financer le renforcement des effectifs, pour répondre à l’augmentation des contentieux et maintenir des délais de jugement raisonnables, la modernisation des outils informatiques et de téléprocédure, ainsi que des programmes de formation pour les membres des juridictions administratives et financières, ce qui nous semble primordial.
Le groupe Ensemble pour la République partage les objectifs des actions engagées au sein de la réforme des juridictions financières à horizon 2025, « JF2025 », de la Cour des comptes, à savoir donner une information indépendante aux citoyens, formuler des recommandations pour que les politiques publiques soient plus efficaces et garantir l’exemplarité de la gestion publique. Le Conseil d’État poursuit quant à lui des initiatives de sensibilisation aux procédures alternatives, comme la médiation ou le recours administratif préalable, afin de limiter le recours systématique aux tribunaux. Enfin, des investissements ciblés permettent à la CNDA et à la CCSP d’accroître leur productivité, alors que le nombre d’affaires ne cesse d’augmenter. Ainsi, la CNDA a réduit son stock, qui compte désormais 21 961 affaires, grâce à un taux de couverture excédentaire de 114 % depuis 2024. Les objectifs définis pour cette mission témoignent de l’ambition du Gouvernement de renforcer l’État de droit, la transparence administrative et l’efficacité dans le traitement des affaires.
Pour ces raisons, le groupe Ensemble pour la République votera pour les crédits de la mission.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). La mission Pouvoirs publics englobe des fonctions de conseil et de contrôle de l’État. Ainsi, le Conseil d’État permet de garantir le traitement efficace et transparent de différents sujets ; c’est la raison pour laquelle nous réagissons toujours assez vivement lorsqu’il rend des avis négatifs sur des textes de loi, que ce soit pour des raisons de fond, de procédure ou de moyens.
Cette mission porte également sur la pratique de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs ; à cet égard, nous avons déposé des amendements portant sur les moyens impartis à différentes institutions. La présidence de la République dispose de moyens que nous souhaiterions affecter à l’Assemblée nationale, afin que nous puissions mener nos missions de députés dans les meilleures conditions, s’agissant notamment des frais de mandat.
M. le président Florent Boudié. Je pense que vous avez évoqué la mission précédente…
Mme Marietta Karamanli (SOC). La CNDA est la plus importante juridiction administrative, non seulement en raison du nombre d’affaires jugées, mais aussi par ses effets sur de nombreux requérants. En 2023, elle a rendu 66 000 décisions, soit plus de 180 par jour. Les crédits de paiement qui lui sont alloués augmentent de 5,04 %, mais ses besoins augmentent davantage.
La réforme de la juridiction prévue dans la loi immigration de 2023 suscite encore des interrogations quant aux effets de l’ouverture de chambres territoriales et du remplacement de la collégialité par un juge unique. Nous n’avons aucune visibilité sur les besoins que la territorialisation entraîne en matière d’experts, de traducteurs, d’assesseurs et d’avocats. Cette réforme présente des risques, car le principe du juge unique conduit à écarter le représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de la justice de l’asile, non plus exceptionnellement, mais de façon plus systématique.
La prudence et la volonté de faire valoir la protection des droits des personnes devraient nous conduire à vérifier l’adéquation des crédits à l’exercice d’une bonne justice. À l’exception d’un indicateur de rapidité du traitement des recours, aucune précision n’est apportée, ce qui est regrettable. C’est pourquoi nous proposons un rééquilibrage des crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État, non pas parce que nous considérons certaines actions comme moins importantes, mais pour favoriser ce qui doit être une priorité de l’État.
M. le président Florent Boudié. Une loi votée lors d’une précédente législature avait déjà considérablement facilité le recours au juge unique. Cependant, lorsque celui-ci l’estime nécessaire compte tenu de la complexité d’une situation particulière, la collégialité est rétablie.
Par ailleurs, je souhaite moi aussi obtenir du Gouvernement des précisions sur l’application de la territorialisation de la CNDA et sur les effets de la collégialité.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Nous examinons la mission budgétaire Conseil et contrôle de l’État et son programme 165, Conseil d’État et autres juridictions administratives. Celui-ci répond à deux impératifs : l’efficacité dans le règlement des contentieux et l’accompagnement juridique de l’État, notamment par le biais des avis sur les projets de loi et d’ordonnance. Cette double mission est essentielle pour assurer le respect du droit et maintenir la qualité de notre démocratie.
En premier lieu, nous souhaitons saluer les progrès réalisés dans la réduction des délais de jugement, qui est néanmoins insuffisante. Les tribunaux administratifs ont ramené leurs délais de traitement à moins de dix mois en moyenne et le Conseil d’État à sept mois. Cependant, ces cinq dernières années, les contentieux ont progressé de près de 7 % dans les tribunaux administratifs et de 21 % à la CNDA. Cet afflux met à l’épreuve notre capacité de maintenir des délais raisonnables pour garantir un accès rapide et équitable à la justice.
Bien que les juridictions administratives parviennent à maintenir un bon niveau de performance, la gestion des stocks d’affaires anciennes est un sujet critique, notamment dans les tribunaux administratifs où les dossiers de plus de deux ans représentent 12 %. Il est impératif de résorber ces stocks et d’éviter que les justiciables attendent des années avant que leurs affaires soient jugées.
Nous devons nous interroger sur les causes de l’explosion des contentieux. Ainsi, en 2023 la CNDA a été saisie de près de 65 000 affaires et en a jugé plus de 66 000 ; elle est confrontée à une hausse constante des recours. Pour y répondre, elle s’est modernisée et a ouvert de nouvelles chambres territoriales, mais c’est insuffisant. Je souhaite dénoncer une forme d’hypocrisie et de dévoiement politique de l’usage du recours, qui embolise les tribunaux et contribue à détériorer la capacité de réponse de la justice. En matière environnementale ou d’asile, des associations procèdent à des recours quasiment systématiques. L’orientation massive des immigrés clandestins vers le droit d’asile par les associations spécialisées, de façon manifestement inappropriée, contribue à l’inflation des recours.
Tout en soutenant les augmentations budgétaires du programme 165, nous réaffirmons la nécessité d’une justice administrative rapide et accessible au service de nos concitoyens. Nous devons garantir que les moyens alloués soient strictement dirigés vers l’optimisation des performances et la modernisation des juridictions. Le recours à des procédures alternatives comme la médiation pourrait contribuer à réduire l’engorgement des tribunaux. Je tiens à saluer le travail exemplaire des conciliateurs de justice, qui devraient faire l’objet d’une reconnaissance plus importante.
Enfin, nous devons moderniser et rationaliser nos institutions sans rien sacrifier à leur mission essentielle. Nous devons aussi nous interroger sans démagogie sur les missions et le budget de différentes structures, comme le Cese. Il ne s’agit pas de le pointer du doigt de façon démagogique, mais de nous interroger sur sa valeur ajoutée et sur la manière dont ses missions font parfois doublon avec celles de la Cour des comptes et des parlementaires. Chaque euro de nos concitoyens doit être dépensé de manière utile et efficace.
Mme Blandine Brocard (Dem). La mission Conseil et contrôle de l’État revêt une importance capitale : elle englobe les crédits alloués aux juridictions financières et administratives garantes d’un fonctionnement transparent, efficace et exemplaire de notre système démocratique, ainsi qu’au Cese. Pour 2025, elle est dotée d’un budget de 899 millions d’euros, en augmentation de 1,8 %. Cette hausse a pour objectif principal de soutenir l’activité des juridictions, d’assurer la qualité de leurs décisions et de répondre aux attentes légitimes des citoyens en matière de justice administrative.
Le programme 164, Cour des comptes et juridictions financières, connaît une augmentation de 2,21 %, qui témoigne de la volonté affirmée de renforcer les moyens dédiés au contrôle des comptes publics. Il s’inscrit dans la dynamique du plan JF2025 lancé pour moderniser les juridictions financières. L’objectif est clair : garantir aux citoyens une information fiable, fournir des recommandations pertinentes pour les politiques publiques et établir un modèle de gestion publique irréprochable. En 2025, cette réforme se déploie pleinement pour mieux répondre aux enjeux de la transition écologique et de la soutenabilité de la dette.
Le programme 165, Conseil d’État et juridictions administratives, bénéficie quant à lui d’une augmentation de 3,53 % en crédits de paiement. Grâce à des efforts soutenus de modernisation, qu’il convient de poursuivre, le Conseil d’État a réussi à réduire de manière substantielle ses délais de jugement, désormais inférieurs à un an en moyenne. Par ailleurs, la CNDA continue d’œuvrer pour atteindre des délais de jugement ambitieux, notamment par la création récente de cinq chambres territoriales, prévue dans la loi relative à l’immigration. Le budget du Cese connaît quant à lui une diminution conséquente de 22,38 %, en raison de la mise en extinction du régime spécial de retraite de ses membres, dont le nombre a en outre été réduit à 175, contre 233 précédemment, comme le prévoyait la loi organique de 2021.
Les crédits alloués à la mission Conseil et contrôle de l’État garantissent non seulement le bon fonctionnement des institutions, mais aussi leur capacité d’adaptation aux défis contemporains. La modernisation des juridictions financières et administratives, l’amélioration des délais de jugement, ainsi que la transparence des finances publiques doivent demeurer des priorités essentielles pour satisfaire les attentes légitimes de nos concitoyens. Le groupe Les Démocrates veillera à ce que les amendements examinés ne compromettent pas les objectifs initiaux de cette mission, qu’il soutient.
M. David Guerin (HOR). Le groupe Horizons & indépendants salue la hausse de 3,53 % des crédits de paiement alloués au programme 165, Conseil d’État et juridictions administratives, qui permettra aux juridictions de conserver leur efficacité malgré l’augmentation continue des contentieux. Le nombre d’affaires enregistrées dans les juridictions administratives a en effet connu une nouvelle hausse en 2023 ; dans les tribunaux administratifs, elle est de 6,7 %. À cet égard, nous saluons l’action des agents et des magistrats des juridictions administratives, qui parviennent à réduire le délai moyen de traitement des dossiers en stock et à préserver le lien de nos concitoyens avec la justice administrative.
Nous constatons avec satisfaction le maintien des moyens dévolus à la CNDA. Alors que l’augmentation continue du contentieux du droit des étrangers met nos juridictions à rude épreuve, l’engagement auprès de la CNDA depuis 2017 a permis de réduire le délai global de jugement de treize jours, le faisant passer de six mois et seize jours en 2022 à six mois et trois jours en 2023. Au-delà de la mobilisation financière, des réformes structurelles permettront également de simplifier l’action des juridictions administratives. C’est pourquoi nous tenons à rappeler la pertinence des mesures de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, prévoyant notamment de réduire de douze à trois le nombre des procédures contentieuses, comme le contentieux des étrangers.
Nous sommes également satisfaits de la hausse des crédits du programme 164, Cour des comptes et juridictions financières. La Cour des comptes nous semble plus que jamais nécessaire pour accompagner la réforme de l’action publique, qui est pleinement tournée vers la recherche d’efficacité et d’une allocation optimale des ressources que l’on sait contraintes. De même, les chambres régionales et territoriales des comptes pourront davantage accompagner les collectivités locales dans l’évaluation de leur politique publique.
Enfin, le budget du Cese est en diminution, principalement en raison d’un effet de périmètre lié à l’extinction du régime spécial des retraites de ses membres. Comme les années précédentes, les crédits prévoient un emploi supplémentaire pour assumer ses fonctions de participation citoyenne.
Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de la mission budgétaire telle qu’elle est proposée.
M. Paul Molac (LIOT). Derrière cette mission modeste, dotée de moins de 1 milliard d’euros, se cachent des institutions essentielles pour contrôler et évaluer l’action de l’État, notamment la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et le Conseil d’État.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera les crédits de cette mission, sans que cela ne constitue un blanc-seing. Si toutes ces institutions participent au respect de l’État de droit et visent des objectifs essentiels de transparence et d’efficacité, leurs missions sont trop souvent compromises par un manque de moyens budgétaires et humains. Cette année encore, le Conseil d’État et les juridictions administratives sont en difficulté en raison de l’augmentation soutenue des contentieux. Les délais de jugement, qui ont été réduits, risquent de s’allonger à nouveau, compromettant la qualité des décisions.
Notre groupe souhaite appeler l’attention sur la situation de la CNDA, dont la charge de travail s’intensifie. Nous souhaiterions avoir des éclaircissements du rapporteur pour avis sur le processus de territorialisation de la Cour, figurant dans la récente loi immigration : presqu’un an plus tard, où en sommes-nous ? Combien d’ouvertures de chambres ont eu lieu en 2024 et combien sont prévues en 2025 ? Nous nous interrogeons aussi sur la façon dont les territoires sont sélectionnés dans l’Hexagone. Enfin, le ministère tiendra-t-il sa promesse d’ouvrir une chambre dans un territoire ultramarin ?
Mme Brigitte Barèges (UDR). Nous constatons l’inflation considérable du budget alloué au Conseil d’État et à la CNDA. La progression du contentieux est considérable : en dix ans, le nombre d’affaires a augmenté de 47 % dans les tribunaux administratifs et de 86 % à la CNDA. Cette embolisation est essentiellement due à la politique d’immigration menée par l’État. Le problème ne sera pas réglé avec ce budget, mais il pourrait être considérablement réduit si nous parvenions à maîtriser le flux migratoire, par d’autres voies légales et par notre travail législatif.
Par ailleurs, Éric Ciotti va déposer une proposition de loi de simplification administrative qui prévoit la suppression du Cese.
Compte tenu de son désaccord sur le fond, le groupe UDR ne peut que s’abstenir.
M. Vincent Caure, rapporteur pour avis. Monsieur Molac, je ne peux répondre à la place du Gouvernement s’agissant des promesses d’ouverture de juridictions territorialisées en outre-mer, mais j’appelle à ce qu’elles soient tenues.
Plus globalement, je me réjouis du consensus qui semble traverser les différents groupes parlementaires quant à l’importance de garantir aux justiciables l’accès à une juridiction administrative dans des délais raisonnables. Bien qu’il n’y ait ni blanc-seing ni chèque en blanc, j’ai noté un soutien relativement large aux crédits de la mission tels qu’ils sont présentés. Ces crédits marquent la poursuite d’un effort global concernant les juridictions administratives, en matière de modernisation, de traitement du contentieux et de réduction des délais. Si ce dernier point ne peut être le seul indicateur de performance de la justice administrative, il demeure néanmoins un indicateur important qu’on ne peut écarter.
Le Cese prend sa part de l’effort budgétaire collectif des institutions, avec une baisse de ses crédits de près de 25 %. Opérer un transfert de ces derniers vers le programme 165 ne me paraît pas une bonne solution. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des différents amendements le concernant.
La réforme de la CNDA a entraîné des dépenses nouvelles liées à l’installation des chambres territoriales, de nature immobilière et résultant d’une augmentation des frais d’interprétariat. En revanche, elle se fait à périmètre constant s’agissant des effectifs. Son but demeure inchangé : l’amélioration des délais de jugement grâce à la diminution des renvois vers une cour centralisée et grâce à la moindre concentration géographique des affaires entre les mains d’un vivier d’avocats. Le stock des affaires est très variable puisqu’il dépend beaucoup de la situation géopolitique mondiale – la CNDA juge des décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Après avoir observé des augmentations ponctuelles, nous constatons une tendance à la baisse : au cours du dernier exercice, la Cour a rendu plus de décisions qu’elle n’en a enregistré. Toutefois, à ce rythme, il faudrait cinq ans pour écouler le stock.
Madame Barèges, le budget du Conseil d’État augmente certes de 6 %, mais cela fait suite à des mesures d’alignement indiciaire concernant les membres du Conseil d’État, qui sont appliquées à périmètre constant s’agissant des ETP.
Article 42 et État B : Crédits du budget général
Amendements II-CL445 et II-CL446 de Mme Pascale Bordes (discussion commune)
Mme Pascale Bordes (RN). Il s’agit de diminuer les crédits alloués aux dépenses de personnel du Conseil économique, social et environnemental (Cese), et non de supprimer des postes de fonctionnaires.
Nous souhaitons en effet diminuer l’indemnisation des 175 membres du Cese compte tenu du manque de travail fourni : certains d’entre eux ne traitent qu’un demi-dossier par an alors que le budget de l’action 04, Travaux consultatifs, s’élève à 14 millions d’euros. En comparaison, les magistrats des juridictions judiciaires, à commencer par les procureurs, gèrent plus de 2 000 dossiers par an.
M. Vincent Caure, rapporteur pour avis. Avis défavorable eu égard à l’effort budgétaire qui pèse déjà sur le Cese, dont le financement est déjà réduit d’un quart.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL417 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Hier soir, nous avons discuté du manque de magistrats, de greffiers et de contractuels de la justice judiciaire. Il en va de même, dans une moindre mesure, pour la justice administrative. En 2025, le schéma d’emploi est à zéro alors qu’un plan de recrutement de 40 ETP par an – 15 greffiers et 25 magistrats – était prévu pour les juridictions administratives jusqu’en 2027. L’amendement vise à respecter cet engagement.
M. Vincent Caure, rapporteur pour avis. En effet, le schéma ne prévoit pas de création d’emplois en 2025. C’est la traduction de l’effort budgétaire qui pèse sur ce programme dans le cadre contraint que connaissent actuellement les finances publiques. Toutefois, les créations d’emplois prévues pour 2024 ont bien eu lieu. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL418 de Mme Élisa Martin et II-CL342 de Mme Marietta Karamanli (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Mon amendement vise à recruter des juges et des greffiers pour la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), à rebours de la vision du Gouvernement qui, avec la création du juge unique et la territorialisation, cherche à accélérer l’instruction des dossiers au mépris de l’individualisation et de l’équité entre les justiciables.
Mme Marietta Karamanli (SOC). L’accélération de la cadence de la CNDA a conduit à des mouvements sociaux en son sein et pose la question de l’effectivité du droit au recours juridictionnel pour les demandeurs d’asile. L’amendement propose la création de 10 ETP de catégorie A pour soulager la pression exercée sur cette juridiction.
M. Vincent Caure, rapporteur pour avis. Avis défavorable aux deux amendements. Le contentieux de la CNDA est volatil et variable ; il peut augmenter mais aussi décroître. De nos échanges avec la Cour, j’ai pu conclure que les moyens alloués étaient correctement dimensionnés pour cette juridiction dont le taux de couverture est excédentaire, ce qui signifie qu’elle rend plus de décisions qu’elle n’a de saisies. Je le répète, la territorialisation n’a pas eu d’incidence sur son niveau d’activité au cours des derniers mois.
Mme Pascale Bordes (RN). Je partage l’avis de notre collègue Bonnivard. Le nombre élevé de recours embolise les tribunaux et certaines associations sont passées maîtresses dans l’art de multiplier les recours qui ne servent à rien. L’heure n’est pas à l’augmentation du nombre de magistrats et de greffiers, mais à la suppression d’un grand nombre de ces recours qui aboutissent à des procédures qui ne ressemblent plus à rien, s’agissant notamment du droit des étrangers.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État, non modifiés.
La séance est levée à 11heures 40.
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Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
- M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466) ;
- M. Emmanuel Duplessy, rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France (n° 490) ;
- Mme Sarah Legrain, rapporteure de la proposition visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol (n° 360).
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Brigitte Barèges, Mme Aurore Bergé, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, M. Philippe Fait, Mme Elsa Faucillon, M. Moerani Frébault, Mme Martine Froger, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. David Guerin, M. Jordan Guitton, Mme Zahia Hamdane, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, Mme Eliane Kremer, M. Antoine Léaument, Mme Pauline Levasseur, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, Mme Sophie Vaginay, M. Roger Vicot, M. Antoine Villedieu, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Marc Fesneau, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, Mme Émeline K/Bidi, M. Philippe Latombe, Mme Naïma Moutchou, M. Thomas Portes
Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-José Allemand, M. Thibault Bazin, Mme Karen Erodi