Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n° 907) (MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, rapporteurs) 2
Mercredi
5 mars 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n°44
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
Président
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La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n° 907) (MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, rapporteurs).
M. le président Florent Boudié. Nous poursuivons l’examen des articles de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Après l’article 23 (examen prioritaire)
Amendement CL576 de M. Vincent Caure, sous-amendement CL661 de M. Jérémie Iordanoff
M. Vincent Caure, rapporteur. L’amendement CL576 porte sur le recours à la visioconférence. Il vise non à en étendre les cas dans lesquels son usage est possible, mais à inverser la règle dans le domaine de l’instruction s’agissant des auditions et des interrogatoires des détenus relevant du crime organisé. La visioconférence deviendrait le principe, la présentation physique l’exception. L’objectif est de réduire le recours aux extractions et aux transfèrements judiciaires.
Comme l’a rappelé le garde des sceaux, nous nous inspirons de pratiques en usage à l’étranger, notamment en Italie, où le recours à la visioconférence est même autorisé, et systématique pour certains détenus, lors de la phase de jugement. Si l’usage de la visioconférence en matière de justice pénale fait l’objet d’avis divers, il n’en est pas moins prévu, durant la procédure comme durant le jugement, par plusieurs articles du code de procédure pénale. Il participe, si subsidiaire que certains considèrent ce point, à la bonne administration de la justice.
Le présent amendement vise les détenus relevant de la criminalité organisée du haut du spectre, dont le transfèrement peut être dangereux – plusieurs faits divers ont été évoqués ce matin. Il vise – soit dit pour anticiper les interrogations légitimes à l’aune des décisions du Conseil constitutionnel en la matière – un public circonscrit accusé de crimes et délits également circonscrits. Il ne s’agit pas d’une mesure d’ordre général. De surcroît, le juge peut bien sûr décider de déroger à cette nouvelle règle en matière d’instruction s’il estime qu’une audition en sa présence est nécessaire.
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous sommes opposés à la systématisation des procédures par visioconférence. Nous considérons qu’elle altère la qualité du travail des enquêteurs et des magistrats, lesquels au demeurant vivent très mal le recours permanent à la visioconférence.
Afin de résoudre au moins partiellement le problème que poserait selon nous l’adoption de l’amendement CL576, nous proposons de compléter la première phrase de l’alinéa 2 par les mots « avec son consentement libre et éclairé ». Nous refusons de nous précipiter dans une justice qui, faute de moyens, est privée des contacts informels qui sont précieux pour progresser, obtenir des éléments supplémentaires, voire susciter des repentis. La disposition proposée nous fait passer largement à côté de ce qui est censé être l’objectif de la proposition de loi.
M. Vincent Caure, rapporteur. J’émets un avis défavorable au sous‑amendement. Nul ne conteste la nécessité dans certains cas, notamment pour encourager un détenu à se repentir, d’assurer la possibilité des contacts informels qu’exclut la visioconférence, mais rien n’empêchera le magistrat chargé de l’instruction d’opter, de façon exceptionnelle, pour une audition en sa présence. Compte tenu des publics visés, les choses étant ce qu’elles sont, il me semble préférable de privilégier le recours à la visioconférence lors de l’instruction.
Mme Sandra Regol (EcoS). Votre argumentation est incohérente. Ériger en règle une pratique dont il faut, pour s’en affranchir, maîtriser les tenants et les aboutissants et comprendre les enjeux d’une affaire, compromet son application. Je vous accorde qu’il n’est pas fréquent qu’un détenu souhaite spontanément donner plus d’éléments, mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne peut pas le faire dans le cadre d’une visioconférence dans la mesure où cette démarche requiert une forme de discrétion. On obtient de meilleurs résultats si la visioconférence est l’exception et non la règle.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous avons toujours refusé l’usage de la visioconférence. Nous avons d’ailleurs obtenu, en saisissant le Conseil constitutionnel, quelques victoires, hélas partielles, en la matière. En tout cas, tout le monde, des experts aux parties civiles en passant par les mis en cause, le dit : la visioconférence modifie les rapports interpersonnels, d’autant qu’elle n’est pas exempte de problèmes techniques.
Sur le fond, il est hallucinant que le magistrat doive motiver la tenue d’une audition en sa présence. J’en déduis, monsieur le rapporteur, que vous considérez le magistrat comme un être perfide obligeant les individus à se déplacer en dépit du bon sens. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Je reconnais bien là la patte du ministre Darmanin, qui pense que le problème de la police, c’est la justice, et que le problème de l’administration pénitentiaire, c’est la magistrature. Nous voilà au cœur de cette conception lunaire. Par décence, vous devriez retirer spontanément l’amendement.
Quand bien même la décision appartient au magistrat, chacun sait qu’il est pris dans un rapport de force avec l’administration pénitentiaire. Combien de fois ai-je vu des magistrats demandant à voir un détenu s’entendre répondre en substance : « Vous devriez l’interroger en visioconférence, ce qui vous permettrait de le voir sans délai ; pour l’extraction, compte tenu des moyens dont nous disposons, il faudra attendre trois semaines, ou un mois, ou un mois et demi – bref, quand nous pourrons. » Le choix laissé au magistrat n’en est pas un, pas davantage que celui laissé au prévenu auquel on dit « Vous êtes libre de refuser la comparution immédiate, mais vous irez alors en détention provisoire ».
M. Sacha Houlié (NI). Monsieur le rapporteur, l’adoption de votre amendement CL543 a eu pour effet de supprimer les alinéas 20, 69 et 70 de l’article 2, relatifs au recours à la visioconférence. Vous avez excipé, à raison, des considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 16 novembre 2023 sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, citant notamment l’autorisation spécifiquement accordée à certaines juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) d’outre-mer de procéder à des auditions en visioconférence.
J’appelle votre attention sur le fait que, dans sa décision, le Conseil constitutionnel a précisé le caractère tout à fait exceptionnel de ces dispositions, dont il dit : « Elles doivent dès lors s’interpréter comme n’autorisant le recours à un tel moyen de communication que si est dûment caractérisée l’impossibilité de présenter physiquement la personne devant la juridiction spécialisée ». Il ajoute : « Dans le cas où il a été recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour l’interrogatoire de première comparution ou le débat relatif au placement en détention provisoire, la personne mise en examen devra de nouveau être entendue par le juge d’instruction, sans recours à de tels moyens, avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de son interrogatoire de première comparution ». Par conséquent, le dispositif général que vous proposez est assez faible juridiquement.
Surtout, il pose problème philosophiquement. Nous avons adopté un amendement du gouvernement portant article additionnel après l’article 23 quater – l’article lui-même ne recueille pas mon suffrage –, relatif au régime de la détention. À présent, nous définissons le régime de l’instruction sur la base de celui de la détention. Il faut faire le contraire. Des règles procédurales relatives au respect des droits de la défense et de l’État de droit doit découler le régime de détention. Vous prenez les choses à l’envers. Il est donc nécessaire de ne pas adopter le dispositif que vous proposez.
M. le président Florent Boudié. Nous aurons la réponse du Conseil d’État le 14 mars.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Soit après l’expiration du délai de dépôt des amendements !
M. le président Florent Boudié. Je me contente de rappeler un fait. Les rapporteurs et moi-même nous rendrons au Conseil d’État le 11 mars à 16 heures.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Cet amendement oublie deux choses essentielles : la présomption d’innocence au stade de l’instruction ; le fait que le juge d’instruction instruit à charge et à décharge – c’est ce que disent les textes. Que l’exception devienne le principe, dans la phase où le juge d’instruction cherche la manifestation de la vérité est hallucinant.
La présence de la personne mise en examen importe, ne serait-ce que pour la placer face à ses contradictions, par exemple entre ses déclarations lors de l’enquête de police et celles consignées dans le procès-verbal de l’interrogatoire de première comparution. Et quid de la confrontation de plusieurs personnes mises en examen ? Les réunira-t-on en visioconférence en rappelant à chacune ce qu’elle a préalablement déclaré ? En pareil cas, la présence de chacun dans le cabinet du juge d’instruction s’impose, d’autant qu’il s’agit d’un cas fréquent. Nous voterons contre l’amendement et pour le sous-amendement.
M. Stéphane Mazars (EPR). La visioconférence demeurera l’exception. Elle concernera des personnalités assez singulières dont il est acquis que l’extraction présente un danger. Le magistrat chargé de l’instruction n’en mènera pas moins celle-ci à charge et à décharge et n’en sera pas moins garant du respect des libertés individuelles.
Si le juge considère qu’il est de bonne administration de la justice et de bonne garantie des droits dont tout justiciable doit jouir de procéder à une audition ou à une confrontation en sa présence, rien n’y fera obstacle. J’ai moi aussi de fortes réserves sur la démarche consistant à faire de la visioconférence un principe et suis attaché à la possibilité d’y déroger.
M. Vincent Caure, rapporteur. Nous attendons tous avec impatience l’avis du Conseil d’État sur ce point.
Qu’un magistrat doive motiver une décision n’a rien d’exceptionnel. Tel est par exemple le cas s’agissant des dérogations à l’application de peines complémentaires automatiques. L’amendement s’inscrit dans le cadre du principe général qui sous-tend le texte : adapter notre droit aux profils spécifiques de la criminalité organisée.
Personne ne taxe les magistrats de perfidie. Encore une fois, la mesure envisagée vise des individus relevant du crime organisé dont nous savons que le transfèrement et l’extraction font courir aux services de l’administration pénitentiaire et aux forces de l’ordre un réel danger.
Concernant les considérants de la décision du Conseil constitutionnel cités par notre collègue Houlié, nous n’en faisons pas la même lecture. Je suggère que nous en discutions d’ici à l’examen du texte en séance publique, car je pense que la nôtre est la bonne.
Mme Naïma Moutchou (HOR). J’ai toujours eu des doutes sur le recours à la visioconférence en matière judiciaire. Outre les problèmes techniques qui la grèvent dans certaines juridictions, elle doit rester une exception. La justice, notamment lorsqu’il s’agit d’affaires complexes ou graves, doit être rendue les yeux dans les yeux. Je ne demande pas mieux qu’être convaincue, mais, en tout état de cause, il faut encadrer l’usage de la visioconférence de garanties très strictes. Sur l’amendement, je m’abstiendrai.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Cette question mérite que nous y réfléchissions avec gravité. Nous n’acceptons pas le recours à la visioconférence, qui altère le caractère sacré des rites, qui ne sont pas uniquement républicains, de la justice. Il nous semble nécessaire de consacrer les droits de la défense, notamment le droit à un procès équitable, dans des conditions matérielles et humaines satisfaisantes, au même titre que nous assurons l’exercice du droit de vote, dont il ne va pas de soi qu’il soit exercé par voie électronique, tant aller à l’urne revêt un caractère sacré et constitue un signifiant profond du statut du citoyen. D’ailleurs, l’un et l’autre, en démocratie, sont indissociables : c’est en tant que citoyen que l’on est jugé.
La commission rejette le sous-amendement.
Elle adopte l’amendement.
TITRE II
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
Article 3 (art. 324-6-2 [nouveau] du code pénal, L. 132-3-1 [nouveau], L. 132-5, L. 333-2 et L. 333-3 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure, L. 3422-1 et L. 3422-2 du code de la santé publique [abrogés], L. 330-2 et L. 330-3 du code de la route, L. 112-6, L. 561-2, L. 561-23, L. 561-24, L. 561-25, L. 561-27-1 [nouveau], L. 561-35, L. 561-47 et L. 561-47-1 du code monétaire et financier, L. 135 ZC, L. 135 ZJ, L. 151 C [nouveau] du livre des procédures fiscales, 323 du code des douanes) : Renforcement de la lutte contre le blanchiment
Amendements CL344 de M. Sacha Houlié, CL230 de Mme Colette Capdevielle et CL3 de M. Antoine Léaument (discussion commune)
M. Sacha Houlié (NI). L’amendement CL344 vise à exclure l’information du maire sur les classements sans suite, les mesures alternatives aux poursuites, les poursuites engagées, les jugements définitifs ou les appels interjetés contre une décision s’agissant des infractions en matière de criminalité organisée. Même en matière de terrorisme, nous n’avons introduit aucune disposition prévoyant l’information des maires dans les cas précités. De surcroît, certains élus locaux peuvent être impliqués dans des affaires relevant du crime organisé, même s’ils sont ultérieurement mis hors de cause.
Il ne me semble pas judicieux de communiquer des informations propres aux procédures en cours et dont les exécutifs locaux n’ont pas à connaître, d’autant que rien de tel n’est prévu en matière de terrorisme – l’accès aux différents fichiers est un débat récurrent de la commission des lois. Nous pouvons nous abstenir d’adopter les alinéas 3 à 7 de l’article 3, d’autant que celui-ci porte sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le niveau d’information des maires est satisfaisant. Lorsque nous avons interrogé les procureurs sur la mesure prévue par les alinéas 4 à 6, ils ont indiqué que son application serait difficile dans des juridictions embolisées. Allons-nous recruter des greffiers supplémentaires ? Qui fera ce travail d’information – le bureau d’ordre civil (BOC), les services du parquet, l’audiencement ? Tient-on seulement compte des délais d’appel, qui, dans certaines cours, excèdent deux ans ? Cette mesure n’est qu’affichage. Elle ne sert à rien.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement CL3 me semble susceptible de rallier des suffrages au-delà de nos rangs. Informer les maires de l’issue des procès ou des classements sans suite les exposent à un risque de corruption, laquelle peut s’observer parmi les élus comme dans les administrations et fait courir un risque à la transmission de l’information. Par ailleurs, un maire informé est exposé à des pressions accrues, voire à des menaces. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur les élus locaux, mais d’envisager tous les cas de figure et de les protéger.
Notre rédaction nous semble préférable à celles de nos collègues, dont nous reprenons les arguments, car elle conserve la possibilité offerte aux maires de participer à la lutte contre le blanchiment, à laquelle ils peuvent être très utiles, en saisissant Tracfin.
M. Éric Pauget, rapporteur. Je souscris en partie à l’analyse de la rédaction adoptée par le Sénat faite par nos collègues. L’information systématique du maire, d’après les procureurs que nous avons auditionnés, constituera en effet une surcharge de travail administratif qui n’apportera rien, d’autant que le code de la sécurité intérieure prévoit d’ores et déjà une information du maire.
La rendre systématique mérite donc réflexion. J’émets un avis défavorable sur les trois amendements et invite nos collègues à adopter mon amendement CL627, qui maintient l’information du maire mais pas de façon systématique et procède à quelques ajustements, en supprimant notamment l’information de Tracfin d’ores et déjà prévue par les textes.
M. Yoann Gillet (RN). Les trois amendements présentés par la gauche me semblent surréalistes. Dans la lutte contre les stupéfiants, les maires ont leur rôle à jouer. Ils doivent donc être systématiquement informés des procédures judiciaires concernant leurs territoires. Ils devraient d’ailleurs être – il est regrettable qu’ils ne le soient pas – des partenaires de l’État dans la lutte contre les stupéfiants.
Par ailleurs, les polices municipales, sur lesquelles portaient certains de mes amendements dont je regrette qu’ils aient été déclarés irrecevables, ont aussi un rôle à jouer. Dans de nombreux territoires, elles sont en effet les seules ou presque à subsister, tant les effectifs de la police nationale se sont réduits comme peau de chagrin.
Enfin, les maires doivent être en mesure d’anticiper l’avenir, ce qui suppose de connaître leurs administrés, et de savoir quels méfaits sont commis sur leur territoire. Si la loi ne prévoit pas l’information obligatoire des élus locaux en la matière, les parquets, dont chacun sait qu’ils sont débordés, ne prendront pas la peine de les informer.
Mme Brigitte Barèges (UDR). En quatre mandats de maire au cours desquels j’ai créé une police municipale, j’ai toujours travaillé en étroite concertation avec M. le procureur et avec M. le préfet dans le cadre d’une convention de coordination entre les polices municipales et les forces de sécurité de l’État. Je plaide pour l’association la plus étroite possible des maires à l’action nationale.
Élus de terrain et de proximité, ils ont l’information. Par ailleurs, ils sont officiers de police judiciaire (OPJ) – soit dit à ceux qui les soupçonnent d’être d’affreux trafiquants ou des criminels en puissance – et ont prêté serment. Ils ont été élus et peuvent être amenés à rendre des comptes. Bref, ce sont des gens fiables.
De nombreux dispositifs, notamment les Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et les cellules municipales d’échange sur la radicalisation (Cmer), associent d’ores et déjà les maires aux actions de l’État en matière de sécurité. Il serait dommage de ne pas les y associer pleinement.
On nous dit qu’il faudrait recruter des greffiers. Mais je vois souvent le procureur et le préfet et nous discutons aussi par téléphone. Le contraire serait anormal. Il m’est arrivé d’apprendre par voie de presse qu’un assassinat avait eu lieu dans ma commune, ce qui, pour un maire, est pire que tout.
Les maires sont impliqués dans la sécurité, qui est notre combat à tous, notamment dans les villes moyennes où le narcotrafic et l’insécurité progressent, et progresseraient bien davantage sans les moyens mis en œuvre par les élus locaux, au premier rang desquels les polices municipales et la vidéosurveillance, pour accompagner les services de l’État.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Comme l’indique le rapport d’information que j’ai rédigé avec Ludovic Mendes, il faut prendre conscience que la corruption peut être partout. Ce n’est pas jeter l’opprobre sur les maires, les élus locaux en général, les policiers ou les agents de l’administration pénitentiaire que de le dire.
Imaginez que les trafiquants sont capables d’offrir 100 000 euros à un docker pour son badge d’accès ! Leurs capacités financières sont gigantesques. Le mécanisme de la corruption s’enclenche par l’achat d’un service et s’entretient par la menace. Tel est le danger qui guette les maires. À Saint-Laurent-du-Maroni, nous avons été informés qu’un maire-adjoint a participé au trafic.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Ce sont des exceptions.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Non. La corruption est partout. Que cherchent les trafiquants ? L’information. Il leur suffit d’identifier qui la détient. Je suis bien placé pour le savoir : j’ai travaillé sur ce sujet pendant un an et demi.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Avez-vous exercé un mandat municipal ?
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Non. Je n’en essaie pas moins de protéger les élus de la corruption. L’article 3 les y expose.
Par ailleurs, si vous pensez régler les problèmes posés par le narcotrafic avec les polices municipales, vous êtes, chers collègues du Rassemblement national, à côté de la plaque.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Il ne s’agit pas de savoir si les maires ont un rôle à jouer dans la lutte contre le narcotrafic, ce qui est une évidence, ni s’ils doivent y être associés au motif qu’ils sont élus.
La question est la suivante : est-il pertinent, sage et possible de prévoir que les maires soient systématiquement informés des décisions judiciaires ? Il nous semble évident que la réponse est non, surtout en l’absence de poursuites. La rumeur court, surtout dans les petites communes. Ne jetons pas l’opprobre sur des citoyennes et des citoyens susceptibles d’être innocentés à l’issue d’une procédure judiciaire ! Par ailleurs, en cas de condamnation lourde, puisqu’il s’agit du haut du spectre, la loi prévoit d’ores et déjà l’information du maire.
Enfin, l’argument de notre collègue Léaument selon lequel il faut protéger les maires du risque de corruption doit être pris au sérieux. Compte tenu de la place centrale des maires dans la vie de nos communes, il ne faut pas – ils sont les premiers à s’en plaindre – en faire des cibles. De ce point de vue, la position du rapporteur nous semble raisonnable.
M. Hervé Saulignac (SOC). Nous ne pouvons pas en vouloir à nos collègues sénateurs de montrer qu’ils sont à l’écoute des maires, mais nous n’en devons pas moins corriger l’erreur qu’ils ont commise. J’étais d’abord perplexe sur les amendements, mais les réactions qu’ils suscitent dans les rangs du Rassemblement national m’ont définitivement convaincu qu’il faut en adopter un. Il faut sans délai écarter un danger : nos collègues du Rassemblement national viennent de dire que les maires doivent disposer des informations que le texte prévoit de mettre à leur disposition pour orienter l’action de leurs polices municipales. C’est terrifiant d’entendre des choses pareilles !
M. Sacha Houlié (NI). Le meilleur avocat des amendements est M. le rapporteur, qui a rappelé que les parquets manquaient de moyens pour appliquer les dispositions proposées, a fortiori au regard de l’application de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
Par ailleurs, nos collègues d’extrême-droite entretiennent savamment une confusion entre la police administrative et la police judiciaire. Le maire n’exerce que la première, pas la seconde. Il n’a donc pas à connaître des suites d’une affaire en matière de police judiciaire.
Monsieur le rapporteur, j’observe que, dans votre amendement CL627, vous vous raccrochez à son pouvoir de police administrative en subordonnant l’information du maire à un trouble à l’ordre public. Je considère que l’information du maire par le préfet au titre de ses pouvoirs de police administrative est suffisante.
Enfin, certains de nos collègues, notamment ceux d’extrême-droite, ont évoqué les difficultés de la police nationale à travailler dans certains quartiers. C’est assez faux à l’aune de ce que nous connaissons. Cela le serait encore davantage si le schéma d’emploi de la police nationale prévu par la loi de finances pour 2025 n’était pas nul, en infraction des dispositions que nous avons adoptées en 2022 dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui prévoyait 8 500 recrutements dans les forces de police et de gendarmerie.
M. Stéphane Mazars (EPR). Je suis sensible à l’argument de M. Amirshahi : informer le maire d’un classement sans suite, cela aboutit uniquement à pointer quelqu’un du doigt ; ou alors, il faut fournir des informations supplémentaires sur les raisons de ce classement, ce qui n’a pas lieu d’être. En revanche, si l’infraction est liée à une atteinte à l’ordre public dans la commune, le maire doit en être informé. Mon groupe s’alignera sur la position de M. le rapporteur. J’estime que c’est un bon compromis.
M. Paul Molac (LIOT). J’ai l’impression qu’on mélange les choses. Dans ma circonscription, qui est loin d’être délaissée par l’État, la police municipale n’est présente que dans quelques villes ; c’est la gendarmerie qui s’occupe de tout, et ce n’est pas le juge qui discute avec le maire ou avec la police municipale, mais le commandant de compagnie. Je n’étais pas favorable à ces amendements. Finalement, je me demande si je ne vais pas les voter.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Tenir de tels propos, c’est méconnaître les fonctions du maire, qui a connaissance d’informations bien plus importantes que celles qui concernent le trafic de drogue. Il coopère quotidiennement avec la police municipale et, en zone rurale, avec la gendarmerie ; depuis 2017, il doit être informé des infractions commises sur sa commune. En tant qu’officier de police judiciaire, il est pénalement responsable des faits qu’il ne dénonce pas. Cette méfiance permanente est insupportable au vu des responsabilités qui sont les siennes. Bien sûr, il faut renforcer la coopération entre l’exécutif local et la police ou la gendarmerie. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans les faits, avec les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui fonctionnent parfaitement.
M. Éric Pauget, rapporteur. Les 36 000 maires des 36 000 communes de France n’ont pas tous la même position. Dans ma circonscription, certains maires, qui ont une ambition politique, veulent être proactifs dans le cadre des CLSPD, mais d’autres ne souhaitent pas endosser ces responsabilités ni recevoir ce type d’information. Il faut respecter la libre administration des collectivités territoriales.
Comme l’a dit M. Houlié, les textes prévoient déjà l’information du maire en cas de trouble à l’ordre public, qui constitue sa seule compétence en matière de sécurité. Nous devons nous raccrocher à cette notion. C’est pourquoi l'amendement que j’ai déposé après ceux-ci équilibre la position du Sénat en prévoyant l’information du maire en cas d’infraction générant un trouble à l’ordre public sur le territoire de sa commune.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL627 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. Comme je viens de l’expliquer, il propose une réécriture d’équilibre du texte issu du Sénat, dont les auditions ont montré qu’il était allé trop loin.
Mme Sandra Regol (EcoS). Le souci tient au caractère systématique de l’information du maire. Je plaide coupable, puisque nos propres amendements ont omis de le supprimer. Notre discussion met en évidence non pas le refus de transmettre ces informations aux maires qui le souhaitent, mais celui de rendre la transmission quasi-obligatoire.
L’amendement propose d’étendre encore le champ des infractions concernées, ce qui demandera aux juridictions un travail impossible à réaliser sans plusieurs salariés supplémentaires, comme elles l’ont dit en audition. La solution serait, dans un premier temps, de ne pas l’adopter, et de supprimer ensuite le caractère systématique de l’information en vue de la séance publique.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Tout le monde se réjouit d’associer les maires à la lutte contre le blanchiment. Cependant, en supprimant l’alinéa 7, l'amendement ôte aux maires la possibilité d’alerter Tracfin. Il aurait été préférable d’adopter notre amendement CL3. Vous ne nous avez pas écoutés car vous considérez que tout ce que disent les Insoumis est nul et non avenu, et c’est dommage, car vous nous trouverez toujours sur le devant de la scène pour lutter contre le blanchiment, la fraude et le trafic. Je vous invite donc à ne pas voter cet amendement et, en séance, à revoir votre jugement sur le nôtre, qui contribuait à protéger les maires de la corruption et leur permettait de jouer un rôle actif dans la lutte contre le blanchiment au lieu d’être simplement informés des fermetures administratives.
M. Éric Pauget, rapporteur. Vous vous trompez, Monsieur Léaument. Les maires sont déjà informés, conformément à l’article L. 561-27 du code monétaire et financier. Les représentants de Tracfin et de l’AMF nous l’ont confirmé en audition. La proposition des sénateurs était donc redondante. Par ailleurs l’amendement propose de supprimer le caractère systématique de l’information du maire et de réduire le champ des infractions par rapport à la rédaction du Sénat, ce qui devrait satisfaire Mme Regol. Enfin, pour qu’il soit juridiquement solide, l'amendement est rattaché à la notion de trouble à l’ordre public. Il répond donc à toutes les préoccupations.
La commission adopte l'amendementn.
En conséquence, les amendements CL402 à CL255 tombent, l'amendement CL194 ayant été retiré.
Amendement CL2 de M. Ugo Bernalicis
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). On pense qu’un commerce abrite un trafic ; on n’a pas les moyens de le prouver, mais il a l’air louche, alors on demande sa fermeture administrative à titre préventif. Voilà ce que propose le texte ! On sort complètement de l’État de droit pour basculer dans l’arbitraire. Sur quoi se base la décision ? M. Retailleau parlait hier de boucheries. Quel genre de boucherie ? Quel type de viande ? Il n’y a donc pas de problème avec les charcuteries ? Est-ce la tête du vendeur qui pose problème ?
S’agissant d’amendements précédents, plusieurs collègues ont dit : « Après avoir entendu l’extrême droite prendre position en faveur de cette mesure, je suis convaincu qu’elle n’est pas bonne. » J’ai hâte d’entendre le Rassemblement national défendre celle-ci. Ses arguments devraient convaincre nos collègues de ne pas la voter.
Vous nous obligez à défendre la liberté d’entreprendre ; c’est très pénible. Si, en plus, il faut défendre la propriété privée… Que chacun fasse sa part ! Pour l’arbitraire, ce sera sans nous.
M. Éric Pauget, rapporteur. L’amendement supprime un élément majeur de l’article 3 et un outil essentiel de lutte contre le blanchiment. Vous estimez que les critères de fermeture sont trop vagues mais, si vous avez examiné les amendements suivants, vous aurez constaté que j’ai proposé une réécriture plus robuste qui rattache la fermeture administrative à la notion d’atteinte à l’ordre public.
Lorsqu’un commerce est notoirement connu pour blanchir l’argent de la drogue, il faut donner au préfet la possibilité d’en prononcer la fermeture administrative. La décision n’est pas prise à la légère, mais à l’issue d’une enquête des services de police ou de gendarmerie ou après un signalement du maire de la commune. Avis défavorable.
M. Yoann Gillet (RN). Je ne sais pas dans quel pays vivent nos collègues. La fermeture administrative à titre préventif est évidemment une bonne mesure. Personne ne peut nier que certains commerces, dont les plus emblématiques sont les épiceries de nuit, participent au trafic de stupéfiants et à la vente illégale de tabac de contrebande. Il faudrait même aller plus loin en permettant aux maires de procéder à ces fermetures.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je partage l’interrogation de M. Bernalicis. La fermeture administrative à titre préventif présente un fort risque d’arbitraire. Quand on sait que la défense des droits des parties civiles est de plus en plus limitée dans les affaires de trafic, la moindre des choses serait d’être clair sur les critères qui justifient la décision.
J’entends votre argument, monsieur le rapporteur, et je souscris à l’idée que le préfet doit pouvoir prendre des dispositions en cas de trouble à l’ordre public. Il se trouve qu’il en a déjà la possibilité. Cependant, s’agissant de cette nouvelle mesure, la question est de savoir si les faits de trafic de drogue sont avérés. Si le trafic est avéré, c’est qu’il y a au moins une enquête en cours ; c’est donc au juge, et non pas au préfet, d’ordonner la fermeture administrative du commerce à l’issue de l’instruction. Ce que vous dites est grave, dans les deux sens du terme, et je suis contrarié par votre remarque sur un sujet aussi important.
Si, l’on veut restreindre aux risques de trouble à l’ordre public la possibilité donnée au préfet d’ordonner la fermeture administrative d’un commerce, il faut le préciser clairement. À défaut, je préfère la proposition de M. Bernalicis, qui offre une meilleure protection contre l’arbitraire.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vous nous obligez à utiliser l’article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que nous n’aimons pas beaucoup citer : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Autrement dit, non seulement la fermeture administrative à titre préventif sera probablement jugée inconstitutionnelle, mais elle risque de mettre de petits commerçants en grande difficulté.
En effet, l’alinéa 14 indique : « Le fait, pour le propriétaire ou l’exploitant, de ne pas respecter un arrêté de fermeture pris sur le fondement de l'article L. 333-3 est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, de la peine complémentaire de confiscation des revenus générés pendant la période d’ouverture postérieure à la notification de la mesure et de la peine complémentaire d’interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans. » Si la personne est effectivement coupable, elle sera indemnisée de sa perte par les trafiquants eux-mêmes ; en revanche, si elle est non coupable, l’État l’aura pénalisée en fermant administrativement son commerce. Cela pose la question du risque de corruption.
Comme lors de l’abaissement du seuil de perception de la TVA pour les autoentrepreneurs, nous nous trouvons forcés de défendre les petites entreprises contre vos lubies. Vous prétendez sortir la France du piège du narcotrafic. Pourtant, au lieu de lutter contre les grands trafiquants, vous proposez la fermeture préventive de commerces qui se situent en bas du spectre, dans l’hypothèse où ils seraient réellement impliqués dans le trafic de drogue.
M. Olivier Marleix (DR). Je ne peux qu’encourager la conversion touchante de nos collègues au libéralisme économique. Pour ma part, je vois bien de quels commerces il s’agit : il y a dans tous les quartiers, dans tous les villages, des commerces dont nos concitoyens savent qu’ils participent au blanchiment. Ils sont d’ailleurs souvent la cible de contrôles des comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf).
Je souhaite néanmoins que nous adoptions un dispositif qui résiste à la censure du Conseil constitutionnel. Il y a un travail juridique à mener pour établir le faisceau d’indices qui permettra au préfet de prononcer la fermeture administrative, avec des critères plus sérieux que dans la version du Sénat, et j’ai un doute sur la robustesse de l’amendement de M. le rapporteur.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Si tout le monde sait et qu’il ne se passe rien, soit il n’y a effectivement rien, soit il faut allouer aux services d’enquête des moyens suffisants pour mener à bien leurs missions. Sinon, c’est le règne de la suspicion et de l’arbitraire. Le dispositif ne présentant aucun garde-fou, en l’absence d’enquête probante, le préfet risque de refuser de prononcer la fermeture administrative pour ne pas être accusé de prendre des mesures discriminatoires contre certains commerces, ou au contraire de décider de fermetures arbitraires. Le maire a déjà le pouvoir d’accepter ou non l’implantation de certains commerces dans sa commune et l’on constate des biais discriminatoires.
Quant à la notion de trouble à l’ordre public, en tant que militante et manifestante pacifiste, je m’en méfie beaucoup car son flou ouvre la porte à tout et n’importe quoi.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Pour une fois, je suis partiellement d’accord. Il semble cependant qu’il y ait une confusion sur cet article. Il s’agit, non pas de faire concurrence à l’enquête visant à établir la réalité du trafic de drogue, mais d’assouplir la possibilité de prononcer la fermeture administrative d’un commerce qui cause des troubles à l’ordre public dans une commune, comme l’incivisme, le tapage nocturne, les rassemblements, l’urine, etc.
M. Stéphane Mazars (EPR). Plutôt que « tout le monde sait », il faudrait dire « tout le monde pense ». On peut se faire des idées sur une situation et s’apercevoir ensuite que l’on a fait fausse route. C’est là toute la difficulté. Je suis d’accord avec notre collègue Marleix : il faut rédiger l’article de manière à éviter des décisions arbitraires, d’autant que, dans le cas d’une fermeture préventive, le trouble à l’ordre public n’est pas avéré.
M. Éric Pauget, rapporteur. Je rappelle que toute décision préfectorale peut faire l’objet d’un recours. Le propriétaire du commerce visé pourra saisir le tribunal administratif en référé pour faire annuler la décision sous quarante-huit heures. Il n’y a donc pas d’atteinte aux droits.
Nous constatons tous que la rédaction du Sénat n’est pas assez robuste juridiquement. Néanmoins, le texte met à la disposition de la police administrative un outil important et réclamé par les services des ministères de l’intérieur et de la justice et par les préfets. Je vous propose donc d’adopter mes deux amendements, CL628 et CL629, pour renforcer la rédaction du Sénat. Rien n’empêche de la revoir avant la séance publique, en lien avec les ministères concernés, pour prévenir le risque constitutionnel.
Avis défavorable à l’amendemant CL2 de M. Bernalicis.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL628 et CL629 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. Il s’agit des amendements que je viens de présenter.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je ne partage par l’idée que les fermetures administratives sont efficaces. Par ailleurs, je répète que le dispositif est fragile sur le plan constitutionnel. L'amendement CL629 contient l’expression « aux fins de prévenir ou faire cesser les infractions ». Or, juridiquement, on ne peut pas prévenir une infraction qui n’est pas matériellement établie par une enquête ; toute infraction doit être constatée par une décision de justice. La seule infraction, ou presque, que l’on peut constater en même temps qu’on la sanctionne, c’est l’usage de stupéfiants. C’est pourquoi les policiers pratiquent autant de contrôles. Depuis l’instauration des amendes forfaitaires délictuelles (AFD), ils jouent même le rôle du juge en inscrivant le délit au casier judiciaire de la personne concernée.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Nous parlons ici de certains commerces dont il est suspecté ou avéré qu’il s’y exerce des activités illégales liées au trafic de drogue, comme le blanchiment. Ce phénomène existe. J’ai moi-même été interpellé par des riverains de ma circonscription au sujet de nuisances liées à la présence de points de vente de drogue, mais aussi à une mono-activité qui appauvrit la diversité de la clientèle des commerces existants. Un collectif d’associations s’est mobilisé, le maire a été informé et le préfet a imposé la fermeture des commerces à 20 heures. La décision était fondée sur l’existence de troubles à l’ordre public.
En revanche, si l’on veut prononcer la fermeture administrative d’un commerce au motif qu’il s’y exercerait une activité illégale liée au trafic de stupéfiants, c’est à la justice, et non au préfet, de prendre des mesures sur la base d’une enquête. Si le préfet constate lui-même des activités illégales, il doit immédiatement lancer une procédure judiciaire.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Il est question de « prévenir ou faire cesser » des infractions. La prévention, c’est, par exemple, une association qui milite contre la consommation de drogue ; fermer un commerce, ce n’est pas de la prévention, c’est de la suspicion. La fermeture préventive que vous proposez sera décidée sur la base de préjugés ou de faits qui n’ont pas été établis par une enquête – en tout cas, sur de l’arbitraire.
Je citerai pour ma part une autre situation réelle : quand les propriétaires d’un commerce subissent le trafic de stupéfiants aux abords et parfois à l’intérieur même de leur magasin, est-ce une fermeture administrative de six mois qui va leur venir en aide, ou va-t-elle au contraire les faire plonger ? Ces personnes sont victimes de la situation. Elles ont besoin d’une réelle prévention, c'est-à-dire d’un accompagnement.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Même si je comprends son intention, la rédaction proposée par M. le rapporteur ne me paraît pas plus juridiquement acceptable que celle du Sénat. Comme l’ont dit mes collègues, la mesure ne vise pas à faire cesser un trafic de drogue objectivement constaté, mais à le prévenir, c'est-à-dire à l’empêcher. Dans certains quartiers, cela reviendrait à fermer tous les commerces. Sur quels critères l’autorité administrative procédera-t-elle à ces fermetures ? Il n’est pas juridiquement acceptable de porter atteinte à la liberté du commerce au nom de la volonté, aussi louable soit-elle, de prévenir le trafic de drogue. C’est ouvrir la voie à l’arbitraire le plus total. On pourra fermer un commerce parce qu’il s’agit d’un kebab ou d’un barbier, parce que son prédécesseur s’était livré à un trafic ou parce que c’est connu dans le quartier. Nous sommes dans un État de droit et nous devons le rester.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Notre position est aux antipodes de la vôtre. Vous vous placez en garants des libertés et des droits car vous pensez que, de l’autre côté, il n’y a que des gens autoritaires et fascistes. De grâce, faites confiance à l’administration ! Les préfets sont des gens raisonnables qui ne s’engagent jamais à la légère. Ils ne ferment pas un commerce sans avoir de garanties. De même, s’ils doivent cibler à l’avenir ce type d’établissement dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, c’est parce qu’ils auront recueilli, grâce au nouveau parquet spécialisé, des informations qui les assurent de l’existence d’une nourrice.
J’ai connu dans ma commune plusieurs cas de restaurants et de coiffeurs qui abritaient des trafics. Nous les avons dénoncés au procureur et au préfet. Après l’enquête, qui a duré un certain temps, soit des mesures ont été prises, soit ces gens ont arrêté leur activité.
Tâchons d’analyser les choses de manière objective au lieu de verser dans la suspicion – contre les maires hier, contre les préfets aujourd'hui. Ils ont une éthique et des responsabilités. Notre approche de la sécurité est peut-être plus volontariste mais nous sommes, comme vous, attachés aux libertés publiques et au respect des droits des citoyens, de la liberté du commerce et de la propriété privée.
M. Éric Pauget, rapporteur. Il ne faut pas perdre de vue l’objectif final : lutter plus efficacement contre le trafic de stupéfiants et le blanchiment. Cette mesure est réclamée par le ministère de l’intérieur et par les préfets. C’est la raison pour laquelle les sénateurs l’ont intégrée dans la proposition de loi.
Nous avons néanmoins relevé une faiblesse juridique, d’où les amendements CL628 et CL629 que je présente. Ils ne régleront peut-être pas tout, mais ils contribuent à rendre le dispositif juridiquement plus robuste en se référant à la notion de trouble à l’ordre public. Je m’engage à examiner avec attention les propositions complémentaires de rédaction qui me seront envoyées d’ici à la séance.
Je rappelle que toute décision d’un préfet peut faire l’objet d’un recours administratif traité dans les quarante-huit heures. Si les faits avancés dans la décision administrative ne sont pas avérés, le tribunal administratif donnera raison au requérant.
Enfin, comme l’a souligné Mme Barèges, les préfets ne prennent pas une décision de fermeture administrative sur un coup de tête. Ils sont très précautionneux et s’appuient sur les informations fournies par les services de police ou de gendarmerie ainsi que par les maires. Je mesure combien ce type de décision de police administrative doit être juridiquement encadré, mais tous les préfets agissent de manière rigoureuse. Élu d’une ville balnéaire où beaucoup de commerces posent des problèmes, j’ai pu constater l’ampleur du travail mené par les préfets avec leurs services avant de signer un arrêté de fermeture administrative. Faisons-leur confiance.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement CL629 de M. Éric Pauget, rapporteur.
En conséquence, l’amendement CL274 de M. Paul-André Colombani tombe.
Amendement CL172 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). On a déjà évoqué les risques de dérive vers une justice prédictive, un peu comme dans Minority Report. On devrait d’autant plus se méfier d’une absence d’encadrement objectif que l’on connaît les possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle.
J’entends que vous souhaitez consolider la rédaction juridiquement imparfaite du Sénat, monsieur le rapporteur.
Les commerces dont une partie de l’activité n’est pas licite et que l’on envisage de fermer peuvent aussi faire l’objet d’investigations dans le cadre d’autres enquêtes. Il peut dans ce cas être nécessaire de les laisser ouverts quelques temps, afin de remonter les réseaux – l’objectif de cette proposition de loi étant bien de s’attaquer aux principaux trafiquants plutôt qu’aux consommateurs et aux petits vendeurs.
Cet amendement a pour objet de s’assurer que la décision de fermeture administrative prise en fonction d’une hypothétique infraction n’aboutit pas à ruiner des mois voire des années d’enquête sur un important réseau.
M. Éric Pauget, rapporteur. Vous souhaitez prévenir tout chevauchement entre le judiciaire et l’administratif, ce qui est un véritable sujet.
La coordination entre le préfet et l’autorité judiciaire s’effectue en général au sein du conseil local ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, où sont représentés la justice, la préfecture et le maire. En tant que premier adjoint au maire, j’ai présidé pendant très longtemps une telle instance. Je peux vous dire que, chaque mois, le préfet et le procureur fournissaient des informations pour éviter le chevauchement que vous évoquez.
Il faut en effet éviter un tel risque, mais cela relève davantage du domaine réglementaire. Demande de retrait.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Pense-t-on que l’on va traiter le problème du haut du spectre de la criminalité organisée avec des mesures administratives ?
L’article 3 répond à cette question. C’est l’article « place nette » : il faut intervenir vite pour montrer que l’on règle un problème, sans organiser le travail de fond propre à une enquête judiciaire – et parfois même en mettant à mal une telle enquête. Les enquêteurs disposeraient d’ailleurs de meilleurs renseignements de terrain s’il existait une police de proximité.
Si les magistrats n’organisent pas d’enquêtes sur le blanchiment d’argent dans les petits commerces, c’est non seulement parce que cela ne relève pas de la police judiciaire ni d’un office central, mais aussi parce que les directions départementales de la police nationale n’ont pas suffisamment d’enquêteurs de premier niveau formés pour les conduire sérieusement.
Ce n’est pas avec cet article que l’on va régler le problème.
Quant au référé-liberté, on sait que le juge administratif n’annulera une décision du préfet que si elle est manifestement disproportionnée. Il faudra donc dans la plupart des cas s’en remettre à un recours au fond, qui ne sera traité qu’au bout d’un an et demi et permettra alors d’obtenir éventuellement une indemnisation parce que la décision administrative n’avait pas lieu d’être.
Que ce soit du point de vue judiciaire, de la défense des libertés ou des discriminations, ce n’est vraiment pas ce qu’il faut faire.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). À quoi servent ces fermetures et dans quelles conditions sont-elles décidées ?
Si l’on constate dans le cadre d’une enquête sur un trafic gigantesque qu’un certain nombre de petits commerces sont impliqués, il va de soi que le préfet ne peut pas décider tout seul de les fermer, car cela risquerait de réduire cette enquête à néant.
La rédaction même du texte pose problème car on s’en remet au discernement du préfet. Comme l’a souligné Mme Regol, on met en place quelque chose qui, en plus d’être inefficace, est glaçant. C’est une forme de justice prédictive dans lequel on estime qu’on peut fermer un établissement parce qu’on soupçonne qu’il servirait aux trafiquants. Il ne s’agit pas d’une affaire de trouble à l’ordre public, pour laquelle une solution légale existe déjà.
Cette mesure est une impasse opérationnelle. Prenons garde à ne pas fragiliser les investigations judiciaires en cours.
M. Michaël Taverne (RN). Tout cela relève en effet davantage du domaine réglementaire.
Certes, il existe des risques d’interférences entre la police administrative et la police judiciaire, mais ils sont écartés de manière naturelle à l’échelon local.
Par ailleurs, la construction de réseaux de grande ampleur peut précisément commencer par l’utilisation la plus discrète possible de petits commerces. Les services d’investigation locaux ne s’en désintéressent pas puisqu’ils enquêtent fréquemment sur ces derniers et passent ensuite le relais à la police judiciaire lorsque c’est nécessaire.
Cet amendement est donc inutile.
Mme Sandra Regol (EcoS). J’entends les arguments du rapporteur sur les instances de discussion existantes. Mais ce texte permettra d’utiliser des techniques spéciales d’enquête. En raison de leur sensibilité, il sera plus difficile d’en faire part ouvertement aux élus municipaux et aux différents services. Même si toutes les enquêtes ne seront pas concernées, il faut anticiper cette difficulté.
Certes, cela peut relever du réglementaire, mais si l’on ne précise pas le texte, le risque de choix « hasardeux » s’en trouvera accru. Cela peut aboutir à des erreurs, avec un double effet négatif : en fermant indûment un commerce, on met quelqu’un dans l’embarras tout en perdant les résultats d’un travail d’enquête.
Quant au débat sur le haut et le bas du spectre, voilà trente ans que l’on mène une politique de lutte contre les petits trafiquants en se disant que cela finira par affecter les gros. Face à son échec cuisant, on est obligé de déposer en catastrophe une proposition de loi pour tenter de pallier tous les manquements passés.
Enfin, le blanchiment d’argent est effectué dans de grandes boutiques : les chambres de compensation et les banques. Or ce texte n’en parle pas.
M. Xavier Albertini (HOR). Lors des réunions des CISPD, les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, beaucoup d’éléments accessoires sont parfois transmis. En outre, la manière dont ces réunions sont organisées n’est pas harmonisée, ce qui conduit à des différences importantes en matière d’information et de coordination selon les territoires.
Cet amendement présente le mérite d’uniformiser le degré d’information dont chacun bénéficie et c’est la raison pour laquelle nous voterons pour son adoption.
M. Éric Pauget, rapporteur. Il est normal que tout ne soit pas prévu par la loi. Lorsqu’une enquête judiciaire complexe est en cours, le préfet et le procureur doivent pouvoir échanger de manière informelle avant de prendre une décision.
En l’occurrence, l’article traite de la fermeture par arrêté préfectoral d’un commerce susceptible de poser un problème. Encore une fois, le préfet prendra cette décision en se fondant sur des éléments d’enquête. Il ajustera sa décision en fonction de ses discussions permanentes avec le procureur. Si nous uniformisions le cadre de ces échanges, nous risquerions d’amoindrir l’efficacité de la lutte contre le blanchiment. À trop vouloir formaliser la procédure au sein des CISPD, on risque d’aboutir à des rétentions d’information.
Lorsque l’on suspecte qu’un commerce est utilisé par des trafiquants et que sa fermeture les affaiblirait sans pour autant interférer dans une enquête judiciaire, il ne faut pas se priver de le faire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL256 de Mme Émeline K/Bidi
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Avec cet amendement de repli, nous réitérons nos réserves sur un dispositif qui relève plus de la justice prédictive que de la prévention. Les critères qui permettent de fermer un commerce ne sont pas suffisamment précis.
C’est la raison pour laquelle nous proposons que tout arrêté de fermeture fasse l’objet d’une validation par le juge administratif, dans un délai de quinze jours. Cela lui permettra de contrôler a posteriori la proportionnalité de la mesure au regard des libertés et des droits fondamentaux, tout en analysant la bonne foi de la personne qui subit cette fermeture. En effet, certains commerçants peuvent être victimes des trafiquants et ne sont pas en mesure de s’opposer aux trafics organisés à l’intérieur même de leurs locaux.
Compte tenu de l’ensemble des réserves suscitées par cet article, nous proposons d’instaurer un minimum de garanties.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable.
Comme je l’ai déjà exposé, ces mesures de fermeture administrative sont évidemment susceptibles de recours devant le juge administratif, lequel statue dans un délai de quarante-huit heures.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Il est possible de solliciter le juge dans le cadre d’un référé-liberté, mais ce n’est pas systématique. Afin d’assurer une plus grande protection, notre amendement propose que toute les décisions de fermeture soient validées par le juge administratif. Le délai de quinze jours qui lui est donné pour statuer évitera d’engorger les juridictions.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL257 de Mme Émeline K/Bidi.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL630 de M. Éric Pauget, rapporteur.
Amendement CL258 de Mme Émeline K/Bidi
M. Éric Pauget, rapporteur. Demande de retrait. La décision peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL631 de M. Éric Pauget, rapporteur.
Amendement CL275 de M. Paul Molac
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à mieux encadrer le renouvellement d’une fermeture administrative d’un commerce soupçonné de blanchiment. Après une première mesure de six mois, la prolongation devra être proportionnée et ne pourra excéder six mois.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable.
Si le juge est saisi, il examinera bien entendu la proportionnalité de la décision.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Une réponse aussi lapidaire me dérange lorsqu’il s’agit d’un droit fondamental. Dire que l’on s’apercevra du problème s’il y en a un est assez léger.
Le référé-liberté permet de contrôler dans les quarante-huit heures qu’une décision administrative respecte les formes, mais il ne permettra pas de l’annuler dans certains cas où il sera pourtant prouvé ultérieurement qu’elle était infondée. La réparation du préjudice risque alors de prendre beaucoup trop longtemps, même s’il peut être très lourd.
Nous devrions suivre la sagesse de M. Molac et adopter son amendement.
M. Paul Molac (LIOT). Mon amendement permet de fermer un commerce pendant un an. C’est déjà beaucoup car il s’agit de la liberté fondamentale du commerce. Je n’ai pas le sentiment d’être particulièrement révolutionnaire en proposant cela.
M. Stéphane Mazars (EPR). Dans l’hypothèse où il serait manifestement porté atteinte aux droits d’une personne, il lui est toujours possible de demander au juge administratif de suspendre l’exécution de la mesure de fermeture dans le cadre d’un référé-suspension.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL430 de M. Emmanuel Duplessy
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Vous l’avez compris, nous nous opposons à ce système de fermeture préventive. En tout état de cause, il faut au moins mettre en place un minimum de garde-fous.
Cet amendement propose d’instaurer une procédure contradictoire préalable avant toute fermeture administrative. Cela permettra au commerçant de se défendre. Une telle mesure de fermeture porte en effet atteinte au principe de la liberté du commerce, mais elle risque aussi de priver des gens de leur seul moyen de subsistance. Ce n’est pas neutre.
Par ailleurs, ces commerçants sont souvent eux-mêmes victimes du trafic de stupéfiants, par exemple lorsque les dealers font de leur établissement leur point de vente. Je peux vous garantir que l’intéressé n’est pas d’accord, mais que peut-il faire pour s’y opposer lorsqu’on le menace de représailles sur son commerce ou sa famille ?
Il faut vraiment être très vigilant. Je déplore qu’il n’y ait aucun système de protection et d’indemnisation pour ces commerçants. La procédure contradictoire que je propose leur permettrait d’ailleurs d’exposer leur problème aux enquêteurs et de demander à être protégés par la police.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable.
Il s’agit de mesures préventives de police administrative. En cas de recours, la personne concernée pourra argumenter et le juge évaluera si la décision du préfet est proportionnée. Mais il n’est pas opportun de prévoir une nouvelle procédure particulière.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Certains collègues veulent faire pleurer dans les chaumières en faisant croire que l’on va fermer les commerces de pauvres gens qui sont eux-aussi les victimes du trafic de drogue. Certes, il y en a. Personne ne le nie. Mais les fermetures administratives dont il est question ici feront suite à des enquêtes menées par les services de police et de gendarmerie et à la demande des préfets. Les établissements concernés par ce texte sont donc bien ciblés. Ce sont ceux dans lesquels on sait qu’agissent les trafiquants.
Vous pouvez continuer à défendre ces derniers, mais assumez-le clairement plutôt que de vous cacher derrière des faux-semblants.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Le juge administratif contrôle les mesures de police administrative. Il lui revient d’apprécier si celles-ci sont proportionnées et de contrôler si les faits avancés constituent un trouble à l’ordre public. La jurisprudence est bien établie et il n’y a pas de crainte à avoir.
M. Christophe Blanchet (Dem). J’ai été pendant vingt ans représentant du syndicat professionnel des débits de boissons. À ce titre, j’ai assisté de nombreux commerçants lors de procédures de fermeture administrative pour trouble à l’ordre public. Le secrétaire général de la préfecture convoquait l’intéressé, lequel avait ensuite quarante-huit heures pour réfuter les griefs qui lui avaient été adressés. Dans certains cas, les rapports de police ne coïncidaient pas du tout avec la réalité et la procédure contradictoire en amont a été très utile.
Il ne faut rien s’interdire car, dans la réalité, tout est possible – y compris des rapports qui ne reflètent pas correctement ce qui se passe dans des établissements. J’ai ainsi pu obtenir que des préfets du Calvados revoient leur copie.
Le rôle du contradictoire dans la procédure n’est pas négligeable, car il permet parfois de faire apparaître certaines vérités.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). M. Dessigny a indiqué que ces fermetures administratives de commerces font suite à une enquête particulière. Or le texte ne le précise pas. C’est bien le problème.
Lorsque Sandra Regol a présenté un amendement permettant de s’assurer qu’une telle fermeture ne perturberait pas une enquête de police judiciaire, vous avez voté contre.
Outre le fait qu’une décision de fermeture pourrait avoir des effets sur une enquête en cours, la rédaction actuelle présente un risque de décision arbitraire.
Et je ne parle même pas de l’amendement CL107 de votre groupe, que nous examinerons plus loin et qui propose de confier au maire la décision de fermer un commerce. On entrerait alors dans un régime d’arbitraire total. Vous nous expliquerez comment les maires sont au courant des enquêtes de la police judiciaire ou de l’Office français antistupéfiants (Ofast) sur des petits commerces censés faire du très grand blanchiment pour de très grands trafiquants.
Alors que l’objectif de cette proposition est de sortir la France du piège du narcotrafic, je répète qu’elle ne le permettra malheureusement pas.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je m’inquiète des confusions dans les interventions de certains de nos collègues.
On nous parle de fermetures administratives pour trouble à l’ordre public, mais ce cas est déjà régi de manière très précise par la loi et il n’a rien à voir avec la mesure qui est proposée dans ce texte.
Ce dernier concerne le trafic de stupéfiant par le haut du panier. Comme l’ont souligné Sandra Regol et Antoine Léaument, il faut veiller à ne pas mettre en danger les enquêtes en cours.
L’amendement d’Emmanuel Duplessy traite bien des commerçants qui sont victimes de mesures de fermetures. Vous avez déjà refusé des amendements qui permettaient d’éviter des dérives inquiétantes vers l’arbitraire. Ce qui vous est proposé en l’occurrence consiste à prévoir une procédure contradictoire – appelez-la « entretien obligatoire préalable » si vous préférez réserver le terme contradictoire aux procédures judiciaires. C’est une bonne mesure qui mérite d’être soutenue.
M. Sacha Houlié (NI). Je soutiens l’amendement de M. Duplessy, en mémoire des travaux réalisés avec Christophe Blanchet sur la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (loi « engagement et proximité »), limitant les pouvoirs de fermeture administrative en raison de l’arbitraire observé, et en hommage aussi aux travaux que nous avons conduits ensemble, monsieur le président, sur la loi confortant le respect des principes de la République (loi « séparatisme ») de 2021, par laquelle nous avons ajouté à l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure une procédure de fermeture administrative au titre de la police des cultes. Cet article dispose que la fermeture est « prononcée par arrêté motivé et précédée d'une procédure contradictoire ». La procédure contradictoire n’est donc pas réservée au domaine judiciaire et ce principe doit donc pouvoir s’appliquer ici en matière administrative comme il le fait pour la police des cultes. Le cas échéant, et si M. Duplessy m’y autorise, je déposerai le même amendement lors de l’examen du texte en séance publique, car il me semble très bon.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Une grande confusion règne dans nos débats – je ne reviendrai pas sur le fait que, pour défendre un régime de fermeture administrative préventive, on nous explique qu’il reposerait sur des éléments judiciaires. De fait, dans ce cas, il ne s’agirait plus d’une mesure administrative, mais judiciaire !
C’est d’ordinaire la gauche qui est taxée d’angélisme, mais c’est une gageure que de penser, monsieur le rapporteur, qu’une personne victime d’une erreur de droit porte systématiquement plainte devant les tribunaux judiciaires ou administratifs. Par ailleurs, compte tenu de la violence d’un dispositif qui permet, unilatéralement, sans information ni enquête judiciaire, de fermer un commerce, on peut légitimement se demander si la personne ayant fait l’objet de cette mesure aura comme premier réflexe, pour faire valoir ses droits, de se tourner vers l’administration même qui a procédé arbitrairement à cette fermeture. Nous vivons heureusement en état de droit, mais l’effectivité des droits est une réalité très hypothétique.
Mon amendement, très modéré, ne vise qu’à garantir que la personne concernée soit au moins auditionnée et puisse se défendre, ce qui ne ralentit pratiquement pas la fermeture. Nous ne prenons aucun risque en l’adoptant.
M. Éric Pauget, rapporteur. Les autres procédures de fermeture administrative qui existent déjà dans le code de la sécurité intérieure ne prévoient pas de procédure contradictoire spécifique et sont donc régies par la procédure générale prévue dans le code des relations entre le public et l’administration : les personnes concernées peuvent, avant la décision du préfet, formuler par écrit des observations, et leurs droits sont préservés. N’alourdissons pas les procédures. En effet, si une procédure contradictoire spécifique était créée, il faudrait le préciser aussi dans les autres domaines, ce qui reviendrait à créer des usines à gaz. Je maintiens donc mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL107 de Mme Marie-France Lorho et sous-amendement CL665 de M. Matthias Renault
Mme Marie-France Lorho (RN). L’amendement vise à redonner aux maires la place légitime qui leur revient dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Le maire est en effet le plus apte à connaître sa ville et il dispose de pouvoirs administratifs lui permettant de prononcer, dans certains cas, des fermetures administratives, notamment pour des raisons d’ordre sanitaire. Il s’agit donc de lui permettre de prononcer, pour une durée n’excédant pas un mois, la fermeture administrative d’établissements susceptibles de mener des opérations en lien avec le trafic de stupéfiants, le recel ou le blanchiment. À l’échelle locale, l’édile semble pouvoir observer plus rapidement que le représentant de l’État les agissements douteux de certains établissements. L’amendement permettrait donc de mener avec une plus grande célérité la lutte contre le narcotrafic.
Ces dispositions, complémentaires à l’action du représentant de l’État, permettraient d’ailleurs de prolonger les dispositifs de fermeture administrative pour des établissements sur lesquels pèsent des soupçons sérieux de participation à de telles activités en lien avec le trafic de stupéfiants.
M. Matthias Renault (RN). Le sous-amendement est à la fois de repli et de précision. Je soutiens évidemment l’amendement de Mme Lorho, car les maires sont ceux qui connaissent le mieux les commerces et l’immobilier de leur territoire, et donc les commerces susceptibles de faire l’objet d’activités suspectes. La compétence nouvelle qui leur serait donnée serait toutefois exorbitante et le sous-amendement tend donc à en restreindre le champ à la présomption de blanchiment. Nous apporterions ainsi un complément au débat juridique qui a eu lieu tout à l’heure : alors que la disposition initiale avait pour objet de permettre aux préfets de lutter contre les commerces pratiquant le blanchiment, la rédaction de l’amendement élargirait le champ à de très nombreuses infractions.
La présomption de blanchiment repose aujourd’hui, en matière de terrorisme, sur un faisceau d’indices, ce qui permet au moins d’objectiver les critères d’une fermeture administrative. Le sous-amendement propose certes d’appliquer ces dispositions aux maires, mais on pourrait réfléchir à l’élargissement de la mesure aux préfets.
M. Éric Pauget, rapporteur. Sur le principe, je ne suis pas favorable à ce que nous permettions aux maires de prendre de telles décisions. Ce n’est pas leur rendre service et, d’ailleurs, comme je l’ai constaté en consultant l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, ils ne le demandent pas.
En outre, l’opportunité de cette mesure dépend de la taille des communes et des moyens dont disposent les maires. De fait, les communes sont toutes différentes et, si le maire d’une commune importante disposant d’un service juridique et administratif peut rédiger un tel arrêté, cela mettrait au contraire dans une très grande difficulté juridique le maire d’un petit village de quelques centaines d’habitants. Mieux vaut donc laisser le préfet prendre ces arrêtés, sur la base de signalements fournis par le maire. Avis défavorable.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Donner aux maires un pouvoir de fermeture administrative des commerces suspectés d’avoir un lien avec le trafic de stupéfiants est une mesure exorbitante sur le plan du droit et du respect des libertés, notamment de la liberté du commerce. Je rappelle qu’il n’y a pas, en la matière, de procédure contradictoire, puisque vous avez refusé l’amendement de M. Duplessy, qui aurait dû s’appliquer ici.
Qui plus est, cet amendement et ce sous-amendement sont mal rédigés. En effet, monsieur Renault, alors que votre sous-amendement vise à limiter l’application de la mesure à la présomption de blanchiment, les articles que vous maintenez concernent très largement, non pas seulement le blanchiment, mais le trafic de stupéfiants lui-même, ce qui recouvre une quantité considérable d’autres infractions.
Sur le plan légistique, enfin, il aurait été plus pratique de modifier les articles existants. Vous ne pouvez pas reprocher sans cesse aux insoumis de complexifier le droit lorsque nous nous efforçons de le faire respecter, tout en rallongeant vous-mêmes interminablement le code de la sécurité intérieure et le code de procédure pénale. Sur ce dernier code et sur la complexification du droit, nous aurons d’ailleurs quelques questions à poser au ministre de la justice. Nous n’avons, en effet, plus de nouvelles de la modification par ordonnances du code de procédure pénale qui avait été engagée voilà quelque temps. Il y aura donc lieu de reparler de la simplification du code de procédure pénale et, pour ce qui nous concerne ici, du code de la sécurité intérieure.
M. Hervé Saulignac (SOC). On nous propose ici un « amendement shérif », qui veut conférer aux maires le pouvoir de fermer un établissement – et pourquoi pas aussi celui de confisquer un véhicule ou de placer en garde à vue dans les sous-sols de la mairie des personnes qui seraient soupçonnées de blanchiment ? C’est très préoccupant.
Monsieur le rapporteur, je souscris à la quasi-totalité de vos propos. Il est, notamment, tout à fait juste de dire que les maires ne demandent pas de tels pouvoirs – à l’exception peut-être de quelques maires du Rassemblement national. Et si même eux ne le demandent pas, pourquoi déposer de tels amendements ? Soyons sérieux ! Les maires ont des pouvoirs de police de plus en plus importants, et parfois très embarrassants, notamment pour ceux de petites villes ou de villes moyennes. N’ajoutons pas au poids qui pèse déjà sur leurs épaules des pouvoirs exorbitants qui doivent rester aux mains de la justice et de la police administrative.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Adopter cet amendement et ce sous-amendement serait faire aux maires un cadeau empoisonné, car cela risquerait de les placer sous la menace de certains réseaux, alors qu’il n’est pas certain que nous soyons en mesure d’assurer la protection de tous les maires qui subiraient cette menace s’ils devaient fermer certains établissements participant à des réseaux quasi mafieux. Laissons donc aux préfets cette décision qui, comme l’a dit très justement le rapporteur, peut être prise en lien entre le maire et le préfet si le besoin s’en fait sentir.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Les maires communiquent déjà les informations au préfet lorsque c’est nécessaire, mais les services de la préfecture sont très souvent submergés et il leur faut très longtemps pour prendre connaissance des dossiers, pour les traiter et pour répondre. Permettre aux maires de prononcer la fermeture administrative nous fera gagner un temps que nous retirerons aux trafiquants pour faire leur petit business dans la rue. Plus on laisse de temps à un point de deal pour s’installer, plus il est difficile ensuite de reconquérir le terrain. Les maires doivent donc pouvoir intervenir tout de suite. Quant aux pressions qui pourraient s’exercer sur eux, ils les subissent déjà au quotidien, car ils sont déjà en première ligne face aux trafiquants de drogue.
La question n’est pas de savoir quelle est l’étiquette politique des maires qui le demandent, mais il s’agit de leur donner, non pas une charge supplémentaire, mais une arme de plus pour lutter contre le trafic de drogue.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les élus locaux connaissent très bien leur ville et les établissements qui peuvent poser problème. Plus qu’un pouvoir de fermeture, ils souhaiteraient une bonne coopération avec les services de l’État, en particulier pour organiser des Codaf, qui peuvent permettre la fermeture d’établissement posant problème. Ils n’ont pas besoin de plus.
M. Éric Pauget, rapporteur. Le problème tient, non pas à la couleur politique des mairies, mais à la taille et aux infrastructures administratives des communes. Une commune d’une certaine importance a les moyens administratifs et juridiques de rédiger et, en cas de recours, de défendre des arrêtés municipaux en la matière, alors que le maire d’un petit village devra, en pareil cas, prendre un avocat. Vous allez mettre les maires en difficulté plus que vous ne les aiderez. Mieux vaut travailler la liaison et la coordination avec le préfet, de telle sorte que le maire signale les problèmes au préfet et lui demande des comptes pour que la décision soit prise, plutôt que d’ajouter une charge et une responsabilité supplémentaires qu’un maire de grande commune pourra peut-être assumer, mais pas un maire de petite commune.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
La réunion, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures vingt.
La commission adopte l’amendement de coordination CL632 de M. Éric Pauget, rapporteur.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement de cohérence CL403 de M. Emmanuel Duplessy
Amendement CL173 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il vise à recentraliser la gestion du système d’immatriculation des véhicules. En effet, depuis la transformation de ce système, en 2017, on observe de nombreuses imprécisions et difficultés, qui favorisent les pratiques frauduleuses ou les mauvaises immatriculations. L’amendement tend donc à rétablir un système qui fonctionnait un peu mieux. Voilà quelque temps, en effet, la presse a révélé les effets du dispositif actuel. Il est donc temps de rétablir des outils plus fonctionnels.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable. Il ne me semble pas bon de recentraliser un dispositif qui a été décentralisé. Il vaut mieux nous concentrer sur les critères d’habilitation des tiers de confiance et renforcer leur certification.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Il n’est pas impossible de tout recentraliser, mais cela interdirait par exemple à un concessionnaire automobile de procéder directement, en qualité de tiers de confiance, à l’immatriculation des véhicules qu’il vend. On a cependant vu fleurir des entreprises de services qui proposent de faire à votre place vos démarches d’obtention de carte grise, compte tenu de la difficulté de ces démarches – même si cette difficulté est moindre que lorsque cette procédure a été dématérialisée.
Cela renvoie par ailleurs à d’autres débats que nous avons eus, à propos notamment de la nécessité d’un accueil physique – par un être humain – dans les services de la préfecture pour les personnes rencontrant des difficultés pour effectuer des démarches administratives. Il est regrettable, à cet égard, que la proposition de loi adoptée par notre assemblée à l’occasion de la niche parlementaire du groupe La France insoumise n’ait pas été encore été reprise par le Sénat.
La marchandisation et la libéralisation du service à la démarche administrative étaient aussi une stratégie de l’État : nous avons créé nous-mêmes des problèmes. J’ai ainsi constaté dans ma circonscription que certains commerces de ce type pouvaient faire partie de réseaux de blanchiment. C’est le combo gagnant de tous les ingrédients ! Je précise toutefois qu’une enquête judiciaire est en cours. Il y a là un vrai problème, sans aucune volonté de le régler. Nos collègues ont donc raison de proposer un amendement visant à la recentralisation de ces procédures.
Mme Sandra Regol (EcoS). Si une partie de ces fraudes évite de payer des contraventions, le problème central tient plutôt aux véhicules volés rendus impossibles à tracer, à la manipulation de l’immatriculation de véhicules destinés aux go fast pour le trafic de stupéfiants ou à l’importation de véhicules de luxe échappant à de nombreuses taxes. Ces opérations frauduleuses reposent sur une modification des informations au bénéfice des organisations criminelles. Ces dérives sont rendues possibles du seul fait qu’un certain flou a été introduit dans la gestion des immatriculations.
Nous sommes réunis pour trouver ensemble de bons outils. Si vous considérez que la centralisation pure et simple n’en est pas un, peut-être pourrions-nous nous engager à travailler sur un meilleur. Toujours est-il que nous ne pouvons pas laisser perdurer la situation actuelle tout en affirmant que nous voulons lutter contre les véhicules qui servent au trafic.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL341 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). La lutte contre les stupéfiants exige des moyens d’action concrets et efficaces. Or nos policiers municipaux, pourtant en première ligne, sont aujourd’hui entravés par un accès limité à certains fichiers pourtant essentiels à leurs missions. Dans nos communes, les trafiquants de drogue utilisent des véhicules volés, munis par exemple de plaques falsifiées, ou immatriculés sous des prête-noms, pour échapper aux forces de l’ordre, tandis que les policiers municipaux, bien qu’au contact direct de ces criminels et délinquants, n’ont pas accès aux informations permettant d’identifier ces véhicules suspects. En effet, lorsqu’un policier municipal souhaite vérifier si un véhicule est signalé comme volé ou impliqué dans un trafic, il doit passer par une procédure administrative en sollicitant la police nationale ou la gendarmerie, lesquelles d’ailleurs lui refusent parfois la consultation du fichier si elles n’ont pas de temps à y consacrer. Pendant ce temps, les trafiquants peuvent disparaître et vaquer à leurs occupations.
Dans un esprit constructif, il faut impliquer davantage les polices municipales et faire d’elles des partenaires des forces de l’ordre de l’État, en leur permettant de consulter certains fichiers. L’amendement vise un fichier spécifique, mais on pourrait aller bien au-delà en permettant aux polices municipales la consultation d’autres fichiers qui leur permettraient d’agir davantage au quotidien.
M. Éric Pauget, rapporteur. Je travaille depuis deux ans déjà sur ce sujet dans le cadre du groupe d’études sur les polices municipales, dont plusieurs d’entre vous sont membres. Sur le fond, je suis favorable à cette mesure, mais elle n’est pas applicable juridiquement. Par deux fois, en effet, en 2011 et en 2021, le Conseil constitutionnel l’a censurée, parce que ces fichiers sont de nature judiciaire et que les agents de police municipale n’ont pas le statut d’officier de police judiciaire. Tout le travail réalisé au sein du groupe d’études et dans le cadre du Beauvau des polices municipales, relancé l’année dernière par le ministère, consiste à trouver l’articulation juridique permettant aux polices municipales de bénéficier, pour certaines missions et certains fichiers, d’une extension judiciaire sous le contrôle du procureur. Il faut toutefois que les maires acceptent cette mesure. Je vous demande de retirer cet amendement, car nous devrions avoir d’ici à l’été un texte répondant à ces besoins.
Mme Sandra Regol (EcoS). Il s’agit, une fois encore, d’aligner les compétences et les droits et devoirs des polices municipales sur ceux de la police nationale. Or ce sont là deux polices, complémentaires mais caractérisées par des formations et des missions différentes. Entretenir le flou n’aide aucune des deux et contribue, au contraire, à ce qu’il soit plus difficile pour la population de comprendre qui peut faire quoi et à qui s’adresser.
Il faut évidemment, monsieur le rapporteur, faire du lien, coordonner et assurer un soutien, mais l’amendement ajoute du flou au flou et rend encore plus difficile de faire avancer les procédures. Nous y sommes donc tout à fait opposés.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les polices municipales sont des services municipaux placés sous la responsabilité directe des maires et des élus. C’est donc aux maires qu’il revient de dire ce qu’ils veulent faire ou ne pas faire avec leur police municipale. Les élus locaux ne sont pas dupes de ce qu’est le continuum de sécurité et chacun a bien compris le rapport instauré avec les services de l’État, en particulier avec la police nationale, dont la philosophie peut se résumer ainsi : « ce qui est à moi est à moi et tout ce qui est à toi est à moi aussi ». Ce mélange des genres pose problème, sans que les maires aient leur mot à dire. Or ils souhaiteraient plutôt une coopération avec les services de l’État, dont la police nationale, sur un réel pied d’équité, ce qui n’est pas tout à fait le cas actuellement.
Par ailleurs, il est faux de dire, comme on le lit dans l’exposé des motifs qui accompagne l’amendement, qu’ils ont « la responsabilité d’intervenir en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants », car cela ne figure pas dans leur cadre d’emploi, à moins de le modifier.
M. Yoann Gillet (RN). Même si elle n’a pas de rôle d’enquête, il incombe bien à la police municipale d’intervenir en cas de flagrant délit de trafic de stupéfiants. Je peux vous citer plusieurs exemples de communes dont les polices municipales sont très performantes – et je salue à cette occasion celle de la ville de Beaucaire, qui réalise 90 % des arrestations effectuées sur le territoire de la commune, la police nationale étant trop peu présente, faute d’effectifs suffisants.
Quant à l’accès aux fichiers, il s’agit aussi de protéger les agents de police municipale, car il est bon qu’ils connaissent le profil des personnes qu’ils contrôlent. De fait, savoir qu’un véhicule est volé fournit déjà un premier indicateur quant au fait que ses occupants sont potentiellement dangereux, y compris pour les policiers municipaux eux-mêmes. La gauche devrait arrêter de prendre les policiers municipaux pour des sous-policiers ! Dans de nombreux territoires, ils sont les primo-intervenants et sont exposés à une délinquance et à une criminalité très importantes. Sans eux, de nombreux territoires sombreraient. Nous aurions donc intérêt à marquer le coup et à approuver cet amendement.
Monsieur le rapporteur, certes, vous travaillez depuis deux ans sur ce sujet, mais il importe aussi d’expliquer au gouvernement qu’il faut aller vite. Les policiers municipaux méritent notre respect pour le travail qu’ils font. Je rappelle en outre qu’ils travaillent sous les ordres du maire, qui est officier de police judiciaire.
Mme Brigitte Barèges (UDR). J’ai déposé deux amendements qui ont été déclarés irrecevables, au motif qu’ils n’avaient aucun lien avec ce texte. Or, à l’issue de l’audition d’hier, j’ai rencontré par hasard M. Gérard Darmanin, ministre de la justice, à qui j’ai expliqué l’intérêt de ces deux propositions et qui s’y est dit tout à fait favorable.
Le premier de ces amendements visait à ce que, dans le cadre d’une convention de coordination avec la police nationale sous l’égide du préfet et du procureur, la police municipale puisse mettre à la disposition de la police nationale, qui manque de moyens, des chiens dressés pour détecter les stupéfiants.
Le second visait à étendre au narcotrafic la possibilité offerte aux policiers municipaux d’infliger des amendes forfaitaires délictuelles pour des délits tels que les outrages sexuels ou autres faits d’une certaine gravité. Cette mesure soulagerait les services de l’État – police de l’État ou gendarmerie – et contribuerait à la lutte contre le narcotrafic.
Je ne comprends pas en quoi ces amendements ont été considérés comme sans lien avec le sujet de la proposition de loi et je me permettrai donc de les redéposer lors de l’examen du texte dans l’hémicycle, avec la bénédiction du ministre de la justice, qui m’a dit d’en parler avec M. Retailleau, ministre de l’intérieur.
M. le président Florent Boudié. Madame Barèges, c’est moi, et non pas le garde des sceaux, qui décide de la recevabilité des amendements au titre de l’article 45 de la Constitution.
Après avoir pris divers avis, j’ai conservé l’amendement en discussion parce qu’il était habilement écrit et avait un lien indirect avec le texte. Ceux que vous venez de présenter n’existent pas, puisqu’ils ont été jugés irrecevables – et le seront sans doute également pour la séance publique.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Contrairement à ce que vient d’affirmer le Rassemblement national, la gauche a beaucoup de respect pour le travail de la police municipale, qui est celui, très utile, que faisait la police de proximité avant d’être supprimée. La police municipale est présente dans le centre des villes et dans les quartiers, elle rencontre la population, les associations et les commerçants et, contrairement à ce qui est affirmé, travaille en collaboration avec la police nationale, mais chacune dans son domaine de compétence prévu par la loi. Il n’est pas question que la police nationale devienne municipale, et réciproquement. Ces policiers sont formés et ont l’habitude de travailler ensemble. La police municipale joue souvent un rôle essentiel en matière d’arrestations et de prévention. Les policiers municipaux sont souvent les premiers à lancer l’alerte, prévenant leurs collègues de la police nationale. Ils sont toujours en appui et sont indispensables. Veillons donc à conserver à chacun son domaine de compétence et ne faisons pas de faux procès à la gauche à propos de la police municipale.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL4 de M. Antoine Léaument et CL315 de Mme Elsa Faucillon
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Interdire de payer en liquide la location d’une voiture relève d’un abus de pouvoir manifeste. Certaines personnes arrivant de l’étranger ne peuvent pas payer avec une carte bancaire. Qui plus est, 5 % des Français n’ont pas de carte ; ils n’auront pas de solution alternative, alors que les narcotrafiquants, eux, si. En clair, vous tapez si large pour avoir l’air ferme que vous en perdez toute efficacité.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Cette disposition est totalement disproportionnée et d’autres lui sont assurément préférables : cibler un certain type de véhicules, par exemple. En revanche, fixer un montant maximal ne serait pas pertinent, puisqu’il ne serait pas possible de distinguer celui qui loue une grosse voiture pendant une journée pour faire un go fast de la famille qui loue un camping-car pendant quinze jours.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable. Toutes les directions du ministère de l’intérieur qui traitent les problèmes de stupéfiants nous ont dit que la location de voiture en espèces était un vrai problème, notamment dans le cas des go fast.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Alors que la loi limite à 1 500 euros le paiement en espèces entre particuliers et à 1 000 euros celui entre un particulier et un professionnel, les trafiquants n’en ont visiblement que faire. Ajouter une interdiction dont ils se passeront ne me semble pas opportun : elle ne fera que pénaliser des tas de gens qui, eux, respectent la loi.
Mme Pascale Bordes (RN). Replaçons l’église au milieu du village : les professionnels nous disent que le paiement en espèces dans les agences de location, qui empêche toute traçabilité, facilite grandement le trafic. Certes, on pénalisera peut-être les quelque 5 % de la population qui n’ont pas de carte bancaire, mais de qui s’agit-il ? De personnes âgées qui ne louent pas de véhicule ou de personnes aux revenus trop modestes pour en louer un. Entre lutter contre les narcotrafiquants et préserver tout le monde, il faut choisir ; nous voterons contre les amendements.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL276 de M. Paul Molac, CL5 de M. Ugo Bernalicis et CL195 de Mme Océane Godard (discussion commune)
M. Paul Molac (LIOT). Nous proposons que la somme maximale pour régler en liquide la location d’un véhicule soit fixée par décret, afin de ne pas pénaliser ceux qui n’ont pas de carte bancaire tout en interdisant l’accès aux voitures dotés d’un moteur particulièrement puissant.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Le site service-public.fr rappelle que : « Le paiement en espèces d’un particulier à un professionnel ou entre professionnels est autorisé jusqu’à 1 000 euros. » Cela me semble suffisant, d’autant que je pensais que le texte avait pour but de s’attaquer au haut du spectre. Il faudrait peut-être plutôt s’intéresser aux loueurs ; quant à celui qui loue, le problème n’est pas tant qu’il paie en liquide que ce qu’il veut faire du véhicule.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Madame Bordes, des retraités louent des voitures pour 60 euros par jour.
Nous souhaitons limiter l’interdiction des paiements en espèces aux locations de véhicule d’un montant supérieur à 500 euros. En réalité, ces véhicules servent assez peu aux narcotrafiquants – qui utilisent plutôt de grosses cylindrées volées ou maquillées – et il serait plus efficace d’exiger une pièce d’identité valide, parce qu’il est tout de même assez rare qu’un gros trafiquant loue une voiture à son nom.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Ce n’est pas parce que cette disposition fait suite à une demande des professionnels qu’elle sera efficace. Elle va entraver beaucoup de gens. Si ceux qui n’ont pas de carte bleue sont minoritaires, en revanche, le problème du plafond de dépenses par carte en concerne bien plus. Quand on en a pour 1 500 euros de location de voiture pour les vacances, sans compter les autres dépenses, il est fréquent de payer en liquide pour éviter un blocage de la carte. Les trafiquants, eux, contourneront aisément cette interdiction.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL221 de M. Emmanuel Duplessy
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Cet amendement vise à soumettre les loueurs ou vendeurs d’aéronefs privés au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), les jets privés faisant partie intégrante du circuit de blanchiment d’argent. Au moins, nous serons sûrs de taper sur le haut du panier !
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis favorable. Cela anticipe l’entrée en vigueur d’une prochaine réglementation européenne qui vise justement ces aéronefs.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’amendement de coordination CL633 de M. Éric Pauget.
Amendements identiques CL136 de Mme Éléonore Caroit et CL196 de Mme Colette Capdevielle, amendement CL277 de M. Paul Molac (discussion commune)
Mme Éléonore Caroit (EPR). Cet amendement vise à exclure les avocats du dispositif de certification des connaissances minimales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il semble incongru de demander aux avocats de se soumettre à cette formation. C’est aussi contraire au principe d’indépendance de la profession et à son autorégulation. Si vous en vouliez la preuve, le Groupe d’action financière (Gafi), qui fait référence en la matière, indique que les avocats ont une bonne compréhension de ces enjeux. Enfin, les avocats ne sont pas des facilitateurs d’activités criminelles, comme certaines dispositions du texte semblent le suggérer ; au contraire, ils sont des auxiliaires de justice qui en garantissent l’indépendance et l’équité.
Mme Colette Capdevielle (SOC). En effet, nous avons entendu une désagréable petite musique pendant les auditions. Les avocats méritent mieux que la caricature qui en est faite par certains, dont des policiers et des magistrats. L’expression d’avocat complice est inacceptable. Le rôle des avocats n’est pas d’entraver l’œuvre de justice mais de garantir, y compris dans les affaires de narcotrafic, que chacun puisse bénéficier de l’application de la loi, de la présomption d’innocence et d’un procès équitable. Si l’avocat était complice, il serait poursuivi.
M. Éric Pauget, rapporteur. Il ne s’agit pas de cibler les avocats mais bien l’ensemble des professionnels assujettis à la règlementation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les huissiers et les notaires sont aussi soumis à cette réglementation. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CL634 de M. Éric Pauget et CL231 de M. Hervé Saulignac (discussion commune)
M. Éric Pauget, rapporteur. Mon amendement vise à préciser le mécanisme de radiation d’office du registre du commerce et des sociétés (RCS) des sociétés ayant mal ou jamais déclaré leurs bénéficiaires effectifs, en introduisant une étape de mise en demeure, pour qu’elles aient l’opportunité de régulariser leur situation. Il propose un mécanisme similaire dans le cas où une société ne défèrerait pas à une injonction du président du tribunal de commerce de déclarer ou de rectifier les données relatives à ses bénéficiaires effectifs et procède également à des coordinations pour l’outre-mer.
M. Hervé Saulignac (SOC). Nous proposons d’introduire un délai d’un mois entre la demande de régularisation et la radiation d’office, afin que les sociétés de bonne foi puissent régulariser leur situation ; on évitera ainsi de nombreux et inutiles contentieux.
M. Éric Pauget, rapporteur. Demande de retrait. Je vous suggère de vous rallier à mon amendement qui a été rédigé avec les services de la justice et qui prévoit justement une étape pour permettre à l’entreprise de régulariser sa situation.
L’amendement CL231 est retiré.
La commission adopte l’amendement CL634.
Amendement CL8 de M. Antoine Léaument
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’article ouvre à de nombreux agents l’accès à des fichiers bancaires ou d’assurance vie notamment. C’est une mesure utile que recommandaient déjà Antoine Léaument et Ludovic Mendes dans leur rapport. Mais selon nous, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) devrait pouvoir contrôler la conformité de ces opérations. Dans son rapport de 2023, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) explique qu’elle a « vu émerger depuis deux ans une augmentation des ventes de consultations de fichiers de police à des fins délictuelles sur les réseaux sociaux, en partie liée à la mobilité des moyens de consultation des fichiers », et que « le nombre d’enquêtes de police et de gendarmerie [sur la corruption d’agents] […] ont augmenté entre 2016 et 2021 de 48 % ». Ce n’est pas un phénomène négligeable, d’où notre demande d’encadrer l’accès aux fichiers.
M. Éric Pauget, rapporteur. Nous avons examiné la plupart des articles avec la Cnil, qui n’a pas identifié de problème particulier concernant l’article 3. Rien ne l’empêche, qui plus est, d’exercer des contrôles. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). S’il n’y a pas de problème pour la Cnil, pour nous, il y en a un – car nous conservons un esprit critique et nous ne sommes pas la courroie de transmission de telle institution, association ou syndicat. Je suis favorable à l’ouverture de cet accès aux fichiers mais il faut des garanties. Sans contrôle de la Cnil, les accès aux fichiers par l’administration se font parfois en dépit du bon sens. L’IGPN elle-même affirme qu’ils sont un élément de la corruption, notamment par la criminalité organisée qui obtient ainsi des données bancaires ou de domiciliation avant d’aller liquider des personnes chez elles. Quant aux autosaisines de la Cnil, vu ses moyens, si elle arrive à faire tout ce qu’elle est obligée de faire, ce ne sera déjà pas mal.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL461 de M. Christophe Blanchet
M. Christophe Blanchet (Dem). L’amendement vise à donner aux agents des douanes un accès aux données juridiques immobilières afin de leur permettre d’identifier de manière efficace les avoirs immobiliers et les biens des trafiquants dans le cadre de l’objectif de saisie et de confiscation des avoirs criminels.
M. Éric Pauget, rapporteur. Votre amendement complète l’alinéa 60 de l’article 3, qui élargit déjà l’accès à cette base aux officiers des douanes. Par cohérence, avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL635 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. Cet amendement, rédigé avec les services des douanes, propose une nouvelle rédaction des alinéas relatifs à leur capacité à saisir une somme d’argent sur les comptes bancaires.
En premier lieu, il retire la mention des officiers de douane judiciaire : ceux-ci disposent des mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire lorsqu’ils agissent sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction. En deuxième lieu, pour des raisons de lisibilité, il inscrit dans le code des douanes la procédure de saisie, plutôt que d’opérer un renvoi au code de procédure pénale, cette procédure ne devant s’appliquer que dans le cadre d’enquêtes douanières.
Cette compétence des agents des douanes pour procéder, en cours d’enquête douanière, à la saisie d’une somme portée au crédit d’un compte bancaire est justifiée par l’extrême volatilité des fonds et la fugacité de la fraude douanière.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL197 de Mme Océane Godard
Mme Colette Capdevielle (SOC). Cet amendement vise à renforcer le pouvoir des greffiers des tribunaux de commerce dans le contrôle des pièces d’identité étrangères pour l’immatriculation au RCS.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement CL636 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. Il vise à reporter l’entrée en vigueur de l’assujettissement des agents de biens et des vendeurs et loueurs de véhicules et navires à une date fixée par décret, afin d’harmoniser le cadre national avec les nouvelles règles européennes relatives au blanchiment, qui doivent entrer en vigueur au plus tard le 10 juillet 2027.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 3 modifié.
Article 3 bis (nouveau) (art. 67 sexies du code des douanes) : Accès des douanes aux données des opérateurs de transport et de logistique
Amendement CL640 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le périmètre des opérateurs qui doivent permettre l’accès à leurs données aux douanes, pour y inclure expressément les entreprises des secteurs aérien, ferroviaire ainsi que maritime et fluvial.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CL641 de M. Éric Pauget et CL108 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Éric Pauget, rapporteur. L’amendement étend la durée de conservation des données à deux ans au lieu de six mois, en cohérence avec les besoins opérationnels des douanes, et prévoit une amende pour les opérateurs qui fourniraient des données inexploitables ou incomplètes.
L’amendement CL108 étant moins-disant, avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Le délai d’accès en temps réel et l’amende sont disproportionnés. Imaginez tout de même : 50 000 euros parce qu’il manque des données à cause d’un bug informatique, par exemple ! Cela me rappelle l’article dit de la porte dérobée qui dispose que l’on ne peut pas opposer d’argument technique aux services sous peine d’avoir une amende. Vous vous trompez de cible.
Mme Sandra Regol (EcoS). Un tel délai de conservation des données est excessif et inédit. Comment se justifie-t-il ?
M. Éric Pauget, rapporteur. C’est une demande du service des douanes. Ils travaillent sur des dossiers compliqués, qui rendent nécessaire un tel historique. Si l’amende est lourde, c’est parce qu’ils ont beaucoup de difficultés de coopération avec ces organismes.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le champ de cette mesure, qui crée en réalité une nouvelle infraction douanière, est trop large et sa définition trop floue. Est-elle contestable ? Quelles sont les voies de recours ?
M. Olivier Marleix (DR). Je ne comprends pas les inquiétudes que suscite cet amendement. Ce n’est pas une nouvelle infraction mais une habilitation à accéder à des données relatives à l’identification et à la traçabilité des trafics internationaux de la logistique et du transport. La conversion à la défense de la liberté d’entreprise progresse à très grande vitesse chez Ugo Bernalicis. Le voilà même à défendre CMA CGM ! Nous savons qu’au moins 80 % de la drogue qui entre dans notre pays passe par les ports. Vous nous avez reproché toute la matinée de taper à côté de la plaque. Or, là, on est au cœur du système mafieux international des narcotrafiquants. Le phénomène est grave ; des jeunes et des enfants en sont victimes. Essayons donc au moins de nous accorder sur cette proposition.
M. Éric Pauget, rapporteur. Les douanes n’ont pas affaire à des particuliers. Encore une fois, je comprends qu’une amende de 50 000 euros puisse paraître lourde, mais elle s’appliquerait, en l’occurrence, à des grandes entreprises, dont certaines refusent clairement de coopérer, notamment dans le domaine de la logistique. Cette amende doit les inciter à fournir des informations précises dans le cadre d’enquêtes sur des faits de narcotrafic. Il ne s’agit pas de s’attaquer au commerçant du coin. Je maintiens donc mon amendement.
L’amendement CL108 est retiré.
La commission adopte l’amendement CL641.
Amendements identiques CL9 de M. Ugo Bernalicis et CL198 de M. Hervé Saulignac
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous proposons d’exiger un avis conforme de la Cnil sur le décret d’application de l’article. Je sais bien que les données dont il est question ici ne concernent pas des individus et ne sont pas, à strictement parler, des données personnelles, mais elles n’en constituent pas moins des éléments sensibles, particulièrement dans le monde d’aujourd'hui, où elles peuvent être piratées et utilisées à d’autres fins : en matière de circulation des données, je prône le principe de précaution. France Info a récemment montré comment il est possible de collecter les données GPS de parlementaires ou de ministres disponibles sur le marché privé, et ainsi de savoir quels lieux ils ont fréquenté et à quel moment.
Que la Cnil puisse encadrer la collecte de données par un avis détaillé serait donc bien le minimum, d’autant que, dans la rédaction que vous proposez, le simple fait d’oublier de cocher une case pourrait donner lieu à une amende de 50 000 euros – je caricature à peine, puisque vous ne prévoyez même pas la nécessité d’un élément intentionnel ni l’existence du moindre seuil.
M. Hervé Saulignac (SOC). Un avis n’a pas de sens s’il n’a aucune portée : ceux de la Cnil, qui fait son travail avec rigueur et sérieux depuis de nombreuses années, doivent être pris en compte. Il ne paraîtrait pas exorbitant, bien au contraire, de lui conférer un pouvoir de blocage en prévoyant qu’elle rende un avis conforme sur les traitements de données prévus à l’article 3 bis.
M. Éric Pauget, rapporteur. La Cnil sera saisie, comme il se doit, mais elle ne rend pas d’avis conforme. La question ne se pose donc pas en ces termes.
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous venons d’adopter une série d’amendements étendant nettement la durée de conservation des données par les douanes – à la demande des services, j’entends bien. L’équilibre que nous souhaitons garantir avec ces amendements n’aurait pas pour effet d’édulcorer le dispositif, mais bien de le renforcer. Peut-être pouvez-vous envisager de revoir votre avis, en vue de rassembler le plus largement possible autour de votre position.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). En prévoyant que la Cnil rend un avis conforme, nous créerions effectivement un nouveau concept : c’est le principe même de l’élaboration de la loi. S’il n’est effectivement pas prévu que la Cnil puisse rendre des avis conformes, il ne lui est pas non plus interdit de le faire. Nous pouvons donc tout à fait en décider. Peut-être cette innovation aura-t-elle même vocation à s’étendre : nous donnerions ainsi un nouveau pouvoir à la Cnil, qui aurait réellement l’autorité de valider ou de proscrire certains dispositifs, ce qui permettrait de protéger un certain nombre de libertés fondamentales.
M. Éric Pauget, rapporteur. M. Bernalicis ayant indiqué ce matin qu’il voterait contre le texte indépendamment du sort des différents amendements et articles, je maintiens mon avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’article 3 bis modifié.
Article 4 (art. 324-1-1 du code pénal, 17, 60-1-1 A [nouveau], art. 415 et 415-1 du code des douanes) : Procédure d’injonction pour richesse inexpliquée et présomption de blanchiment pour les « mixeurs » de cryptoactifs
Amendements CL346 de M. Sacha Houlié, CL382 de M. Ugo Bernalicis et CL311 de M. Aurélien Lopez-Liguori (discussion commune)
M. Sacha Houlié (NI). Le Sénat prévoyait initialement des enquêtes patrimoniales systématiques dans le cadre d’investigations relatives à des faits de trafic de stupéfiants. Cette option étant rapidement apparue impossible en raison du nombre insuffisant d’officiers de police judiciaire (OPJ), il a recentré le dispositif sur une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée – puisqu’un enrichissement inexpliqué peut effectivement justifier l’ouverture d’une enquête.
En revanche, le Sénat a aussi adopté une série de mesures connexes qui fragilisent le dispositif. Parmi elles figure la présomption de culpabilité du fait de la détention de cryptoactifs ou de l’usage de services de mixage. C’est totalement injustifié : le simple fait de posséder ce type de capitaux ne devrait pas constituer une infraction. Cette technologie est utilisée largement et est d’ailleurs promue par de très nombreux pays comme système de paiement sécurisé.
À ce stade, les alinéas 1 à 3 et 10 à 16 sont donc non seulement déplacés mais aussi injustifiés juridiquement, raison pour laquelle je propose leur suppression.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). N’ayant pas inclus la suppression des alinéas 10 à 16 dans notre amendement, nous pourrions nous ranger à la version de M. Houlié, mais je maintiens mon amendement pour le cas où le sien ne serait pas adopté.
Mon intention de voter contre le texte ne m’empêchera pas de rappeler que la France est encore un État de droit, lequel se caractérise notamment par le respect de la présomption d’innocence. Ne commençons donc pas à créer des présomptions de culpabilité. En l’occurrence, cette procédure d’injonction pour richesse inexpliquée paraît disproportionnée et pourrait revêtir un caractère arbitraire.
Nous demandons donc la suppression des alinéas 1 à 3, qui n’ont pas lieu d’être. Je me souviens d’ailleurs que le groupe La République en marche avait, il y a quelques années, déposé une proposition de loi visant à favoriser les cryptoactifs, au motif que cette technologie méritait d’être encouragée – Pierre Person avait rédigé un rapport en ce sens. Vous ne pouvez tout de même pas dire tout et son contraire.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Combattre le narcotrafic et le blanchiment est une nécessité absolue mais doit-on, pour y parvenir, sacrifier nos principes fondamentaux et affaiblir notre économie ? Non.
Avec l’alinéa 3 comme avec les deux premiers, nous tombons dans le piège d’une législation qui confond l’outil et le délit, la technologie et l’intention. Vous proposez d’instaurer une présomption de culpabilité pour toute transaction effectuée avec une cryptomonnaie en utilisant un procédé d’anonymisation – comme si l’anonymat était un délit, et la confidentialité une anomalie. Je rappelle que la blockchain est totalement traçable et ouverte : tout peut être consulté par un tiers, d’où la nécessité d’anonymiser les transactions, qui sont par nature publiques.
Nous proposons donc, par cet amendement d’appel, de supprimer cet alinéa, qui porterait une atteinte majeure à nos libertés, mais aussi à notre économie. En diabolisant ces technologies, que nous devrions au contraire maîtriser, nous nous couperions de l’innovation et enverrions un signal désastreux à ceux qui veulent entreprendre en France, alors même que les cryptomonnaies sont employées par de nombreux pays et que certains gouvernements, comme celui des États-Unis, constituent actuellement des réserves. Vous proposez en outre d’aller au-delà du règlement européen AMLR de lutte contre le blanchiment, ce qui fera fuir les start-up françaises de la crypto, qui se réfugieront chez nos voisins. Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ont consacré la transaction financière comme un droit fondamental.
Nous devons certes être fermes face aux trafiquants, mais criminaliser des outils légitimes et affaiblir notre souveraineté n’est pas une option.
M. Éric Pauget, rapporteur. Si les cryptomonnaies se développent et commencent effectivement à intégrer l’économie réelle, les mixeurs de cryptoactifs sont d’une autre nature. Ce sont en quelque sorte des centrifugeuses, dans lesquelles on introduit des transactions sans savoir ce qu’elles deviennent ensuite : tout est anonyme et les détenteurs des capitaux disparaissent complètement. Ils constituent désormais la technologie de pointe en matière de blanchiment.
Il ne s’agit pas de refuser les nouvelles technologies, mais d’être bien conscients que ces outils financiers seront bientôt un élément majeur du blanchiment d’argent. Nous devons donc trouver un équilibre. En l’occurrence, nous proposons d’instaurer une présomption simple de culpabilité, c'est-à-dire de renverser la charge de la preuve en demandant à la personne incriminée de justifier du caractère licite de ses capitaux. Si elle est capable de tracer ses capitaux, très bien ; si elle ne peut pas dire d’où ils viennent, c’est qu’il y a un problème. Il s’agit de commencer à prendre en compte ces technologies, qui sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important en matière de blanchiment dans les années à venir.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
Mme Sandra Regol (EcoS). Une fois n’est pas coutume, je penche plutôt du côté du rapporteur.
Les cryptomonnaies ne sont pas utilisées par M. et Mme Tout-le-monde, mais principalement par des narcotrafiquants et par des chefs d’État peu attachés à la démocratie – qu’il s’agisse de détourner de l’argent public ou de contourner les sanctions européennes, comme le fait la Russie. Le recours accru à ces actifs n’est pas un signe de démocratisation : il existe, de fait, une suspicion quant à l’usage de ces monnaies quand leur emploi n’est pas justifié.
Je ne veux nullement incriminer toutes les cryptomonnaies, mais les mixeurs sont un peu aux cryptoactifs ce que sont aux banques les chambres de compensation qui blanchissent l'argent sale, les paradis fiscaux parfois installés chez nos voisins et les banques opaques qui refusent de donner accès à certaines données dans le cadre des enquêtes. Étant opposée à ces procédés dans le secteur bancaire, j’applique la même logique aux mixeurs de cryptomonnaies. Le problème, c’est que vous limitez votre démarche aux seuls cryptoactifs, et non à tout le reste.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). En matière de cryptomonnaies, tout est public : les registres sont infalsifiables et les procédés de mixage sont utilisés par les consommateurs ordinaires pour anonymiser leurs transactions afin que tout le monde n’y ait pas accès. Des technologies très poussées, plutôt utilisées par les États, permettent d’ailleurs d’outrepasser les mixeurs.
L’article 4 dispose que la présomption de blanchiment « s’applique à toute opération effectuée, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article ». Elle présente donc un caractère automatique et impératif. Or, en matière de terrorisme, par exemple, la présomption de blanchiment doit être fondée sur un faisceau d’indices. De la même façon, un barbier qui ouvre un salon ne fera pas l’objet d’une présomption de blanchiment, alors même qu’on sait que ces établissements sont largement utilisés pour blanchir de l’argent. Un raisonnement identique doit s’appliquer pour l’utilisation des mixeurs de cryptoactifs : c’est le faisceau d’indices qui doit créer la présomption, et non l’inverse.
M. Sacha Houlié (NI). M. Lopez-Liguori a raison de souligner qu’une transaction réalisée avec un cryptoactif, même si elle passe par un mixeur, est beaucoup plus traçable qu’un achat effectué en liquide, lequel s’évapore ensuite pour être blanchi dans les paradis fiscaux.
Le rapporteur souligne que l’article 4 ne vise à introduire qu’une présomption simple. Heureusement, car une présomption irréfragable serait à coup sûr inconstitutionnelle !
Enfin, nous aurions pu auditionner différents acteurs, comme l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan), qui mentionne des travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) établissant que moins de 1 % des flux criminels mondiaux passent par des cryptoactifs : l’argent liquide reste le plus utilisé.
La disposition que vous proposez serait donc un handicap sérieux dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. C’est la raison pour laquelle nous devons adopter un des amendements qui vous ont été présentés – le mien, de préférence.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Ces alinéas posent deux problèmes. D’abord, l’utilisation d’une cryptomonnaie et d’une fonction permettant d’anonymiser les transactions ne saurait faire de qui que ce soit un coupable potentiel. Ensuite, toutes les manipulations effectuées laissent des traces. Mieux vaudrait donc doter les services qui en ont besoin des outils et des moyens humains nécessaires pour tracer les transactions de ceux dont l’activité pourrait suggérer des agissements illégaux, plutôt que de considérer tous les utilisateurs de ces outils comme des suspects. Là encore, vous tapez trop large.
La commission rejette successivement les amendements.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Je crois que mon amendement a été adopté, monsieur le président. Pouvons-nous procéder à un nouveau décompte ?
M. le président Florent Boudié. Nous sommes plusieurs à avoir compté les voix. Je n’ai pas de doute quant au résultat du vote.
M. Yoann Gillet (RN). Dans ce cas, nous demanderons des scrutins publics sur les prochains amendements.
La commission adopte l’amendement de précision CL638 de M. Éric Pauget, rapporteur.
Amendements identiques CL639 de M. Éric Pauget et CL442 de Mme Naïma Moutchou
M. Éric Pauget, rapporteur. La procédure d’injonction pour richesse inexpliquée proposée par le Sénat fait partie des points qui posent le plus problème en matière de robustesse juridique et au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Nos réserves initiales quant à la fiabilité du dispositif ont été confirmées au cours des auditions. Les services et les juristes que nous avons consultés ont été unanimes : une telle procédure va trop loin et serait contraire à la présomption d'innocence. Elle ne tient pas.
En l’absence de garanties satisfaisantes, je propose donc de supprimer les alinéas tendant à créer ce dispositif.
M. Jean Moulliere (HOR). La procédure d’injonction pour richesse inexpliquée, qui conduirait à instaurer une présomption de culpabilité, présente un fort risque d’inconstitutionnalité. Nous proposons également de la supprimer, d’autant qu’il existe déjà un délit de non-justification de ressources, qui mériterait d’être davantage poursuivi.
Mme Eléonore Caroit (EPR). J’avais déposé un amendement de suppression de l’article 4, que je n’ai pas eu l’occasion de défendre, précisément pour cette raison : les dispositifs existants permettent déjà d’atteindre l’objectif des sénateurs. La procédure qu’ils proposent de créer instaurerait une présomption de culpabilité qui nous paraît dangereuse.
Mme Pascale Bordes (RN). J’entends les arguments relatifs à la présomption d’innocence et les renvois à la Déclaration universelle des droits de l’homme mais, à ma connaissance, rien de cela n’empêche, dans d’autres domaines du droit, une mise en examen ou une détention provisoire. Les alinéas critiqués prévoient qu’on demande à la personne suspectée des précisions sur la provenance de ses richesses. Ce n’est qu’en l’absence de justification ou en cas de justification insuffisante que le juge des libertés et de la détention (JLD) serait saisi. Il me semble que toutes les garanties nécessaires sont prévues. Notre groupe votera donc contre ces amendements.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). S’il s’agit de vérifier l’origine de richesses surprenantes, je ne suis pas contre demander à quelques archimillionnaires d’où vient une partie de leurs ressources, mais je ne suis pas sûr que cela fasse consensus. Pourtant, il faudrait le faire, car les narcotrafiquants bénéficient, en matière de blanchiment, de complicités objectives dans le haut du panier financier. La mesure mérite au moins une discussion.
La procédure d’injonction prévue est en outre dépourvue de réelles garanties judiciaires : à aucun moment le procureur de la République ou le juge d’instruction ne sont-ils amenés à demander explicitement la justification des ressources dites inexpliquées, ce qui pose évidemment problème. La même remarque valait d’ailleurs pour le dispositif de fermeture administrative que nous avons adopté tout à l’heure : le rapporteur invoque ici un argument qu’il rejetait alors.
Je me rallie néanmoins volontiers à sa proposition de suppression, d’autant que les situations seraient trop diverses pour ne pas laisser place à une pratique aléatoire, susceptible de varier en fonction de préjugés de nature à nous inquiéter, surtout dans la période actuelle.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous avions déposé des amendements pour tenter d’atténuer cette procédure et d’en limiter les dégâts. Nous sommes donc tout à fait favorables à sa suppression, d’autant qu’il est déjà possible, dans le cadre des enquêtes patrimoniales, de confisquer des biens sans avoir besoin d’établir de lien avec le produit de l’infraction. L’arsenal existant semble donc déjà robuste.
J’en reviens une nouvelle fois à ce que j’ai constaté au cours de mes différents travaux : nous avons des progrès substantiels à faire dans les moyens accordés à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), à la plateforme d’identification des avoirs criminels (Piac), à Tracfin et aux différents services qui conduisent ces enquêtes patrimoniales.
M. Olivier Marleix (DR). Le rapporteur a raison : les moyens juridiques proposés à ces alinéas paraissent totalement disproportionnés et seraient à l’évidence censurés par le Conseil constitutionnel.
Qui vise-t-on ? Pour le grand public, cette mesure ne paraît pas utile, les services fiscaux ayant déjà des moyens d’investigation très larges et pouvant être saisis par signalement. Si l’on pose en revanche la question des complicités par le moyen de la corruption, les cibles sont nombreuses : personnel des ports, police, services d’enquête, magistrature, etc. Or, ces fonctions ne faisant pas l’objet d’une obligation de déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), nous sommes assez démunis. Il n’existe d’ailleurs aucun plan de prévention des risques dans ces ministères, ni de plan national de lutte contre la corruption, ce qui paraît très dommageable.
Je souhaite donc que nous réfléchissions au renforcement des obligations faites à la puissance publique de cartographier les risques dans les secteurs potentiellement exposés à la corruption, comme le législateur a su le faire pour les entreprises. Peut-être pourrions-nous, d’ici à la séance, travailler à l’élaboration d’un dispositif en ce sens.
Mme Naïma Moutchou (HOR). La rédaction du Sénat va très loin. Elle est totalement disproportionnée, au point d’instaurer une présomption de culpabilité qui heurte de plein fouet la présomption d’innocence. En disant cela, nous ne tenons pas un double discours, puisque nous nous interrogions déjà, au cours de nos échanges relatifs à la liberté d’entreprise, sur la manière d’améliorer le dispositif.
Notre droit prévoit un délit de non-justification des ressources, qui s'applique précisément aux cas visés par cet article et qui a le mérite d’être correctement encadré et déjà pratiqué. Il est donc parfaitement inutile d’y ajouter une procédure qui, de toute façon, sera censurée à coup sûr.
M. Éric Pauget, rapporteur. Je rejoins Mme Moutchou : avec la présomption de blanchiment, qui impose à la personne de prouver l’origine de ses fonds, et le délit de non-justification de ressources, qui est parfaitement équilibré et encadré, nous disposons déjà de deux outils suffisants. En tout cas, si nous proposons de supprimer la procédure d’injonction de richesse inexpliquée, c’est parce qu’elle ne fonctionnera pas.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, tous les amendements à l’article tombent.
La commission adopte l’article 4 modifié.
Article 4 bis A (nouveau) (art. 222-49 et 321-6 du code pénal) : Confiscation obligatoire des biens dont l’origine ne peut être justifiée ou dans le cadre d’une condamnation pour trafic de stupéfiants
Amendements de suppression CL138 de Mme Éléonore Caroit et CL443 de Mme Naïma Moutchou
Mme Eléonore Caroit (EPR). Nous voulons supprimer cet article pour deux raisons.
Il rend obligatoire, sauf décision spécialement motivée, la confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier l’origine et qui, pour ce motif, a été condamné sur le fondement de l’article 131-21 du code pénal. Or l’article 222-49 du même code prévoit un dispositif analogue.
D’autre part, cet article introduit des dispositions rendant obligatoire la confiscation de biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, appartenant à une personne condamnée pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et lui ayant procuré un profit direct ou indirect. Nous estimons que toute peine complémentaire doit être conforme aux exigences du droit pénal, notamment aux principes de l’individualisation et de la motivation des peines.
Mme Naïma Moutchou (HOR). En effet, cet ajout du Sénat ne nous paraît pas utile dans la mesure où le code pénal prévoit une peine complémentaire confiscatoire.
M. Éric Pauget, rapporteur (DR). Avis défavorable. Je proposerai dans un instant des amendements qui réécrivent partiellement l’article en en conservant certains alinéas.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Pour notre part, nous sommes favorables à ces amendements de suppression. Il est déjà possible de confisquer des biens sans lien avec le produit de l’infraction, à condition toutefois qu’ils soient équivalents en valeur. Prenons le cas d’une personne qui posséderait quatre maisons et qui se serait enrichie d’un million d’euros sans que l’on puisse établir ce que cette somme a permis de financer : la loi permet de confisquer l’une des quatre maisons dont la valeur correspondrait au million en cause. Avec les dispositions introduites par le Sénat, il serait possible de confisquer deux maisons par principe, sauf décision motivée du magistrat, ce qui nous semble disproportionné au regard de ce qu’impose l’État de droit – même si, dans les faits, il s’agit d’un gros méchant. Le législateur a déjà poussé le curseur assez loin, restons-en aux dispositions en vigueur.
La commission rejette les amendements.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL279 de M. Paul-André Colombani.
Amendement CL558 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. La première partie de l’article rend obligatoire, en cas de condamnation pour des infractions liées au trafic de stupéfiants, « la confiscation des installations, matériels et de tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l’infraction ». Cette disposition me semble en partie redondante avec le quatrième alinéa de l’article 131-21 du code pénal qui rend déjà obligatoire la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre ainsi que de ceux qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction.
Même si elles se ressemblent, ces deux dispositions ne sont toutefois pas strictement identiques : la confiscation obligatoire, aux termes de l’article 131-21, porte sur les biens ayant été saisis au cours de la procédure tandis que, selon le nouvel article introduit par le Sénat, elle peut concerner tout bien. Les responsables des différents services m’ont alerté lors des auditions sur le fait que pour être opérationnelle, une confiscation obligatoire ne doit avoir pour objet que les biens saisis. Sensible à cet argument, je propose donc de supprimer les alinéas 2 et 3 du présent article.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Je reviens sur l’un de mes amendements déclarés irrecevables, que j’entends déposer à nouveau en vue de la séance. Il propose que les sommes issues des saisies de stupéfiants et des avoirs criminels liés au trafic soient directement affectées au financement des services de police, de gendarmerie et de justice spécialisés dans la lutte contre le narcotrafic alors qu’actuellement, aucune affectation prioritaire n’est possible.
M. le président Florent Boudié. Je vous précise que cet amendement a été déclaré irrecevable par le président de la commission des finances, au titre de l’article 40.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Les sénateurs ne semblent pas avoir été attentifs aux dispositions de la loi Warsmann, votée l’année dernière, qui a permis d’améliorer la procédure d’affectation des biens saisis, notamment en élargissant les bénéficiaires possibles à des structures œuvrant dans le domaine social. Beaucoup de parlementaires focalisés sur l’aspect répressif ont délaissé ce volet, qui paraissait obscur et technique, alors qu’il occupe une place centrale.
Dans le cadre d’une enquête pour blanchiment, si l’on établit qu’une personne ne peut expliquer d’où provient sa richesse, la confiscation des biens ne devrait intervenir que si la justice peut s’appuyer sur des éléments de preuve. Nous sommes dans un État de droit, quand même !
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CL520 tombe.
Amendement CL557 de M. Éric Pauget
M. Éric Pauget, rapporteur. Cet amendement pragmatique vise à restreindre le caractère obligatoire de la confiscation aux biens déjà saisis au cours de la procédure. Pour assurer l’effectivité de la procédure, mieux vaut la limiter et la cadrer. Trop large, elle serait inopérante.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 bis A modifié.
Après l’article 4 bis A
Amendement CL470 de Mme Naïma Moutchou
Mme Naïma Moutchou (HOR). La confiscation des avoirs criminels est encadrée par des seuils minimaux, tenant compte de la jurisprudence, des directives européennes relatives au blanchiment d’argent ou encore des montants à partir desquels les infractions de blanchiment sont caractérisées – 100 000 euros pour le blanchiment aggravé. Autrement dit, même si la loi prévoit la possibilité de confisquer, les seuils en vigueur empêchent certaines saisies portant sur de plus petits montants. Ce n’est pas justifié. Nous proposons donc que la confiscation des avoirs liés au trafic de stupéfiants s’applique sans seuil minimal de valeur, quel que soit le montant des biens concernés.
M. Éric Pauget, rapporteur. J’ai du mal à cerner ce qui motive votre amendement : ni le code pénal ni le code de procédure pénale n’imposent de telles restrictions de montant. En outre, la rédaction retenue soulève quelques questions s’agissant de la prévisibilité et de la clarté de la loi pénale. La notion d’« avoirs liés au trafic de stupéfiants » n’est pas suffisamment définie. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Ces seuils ne sont pas définis dans la loi mais relèvent d’un cadre général. Ils renvoient à la pratique judiciaire : certains magistrats et enquêteurs ont tendance à donner la priorité aux grosses saisies. Des règlements européens et des recommandations du Groupe d’action financière vont aussi en ce sens. Citons encore les articles 324-1 et suivants du code pénal consacrés au blanchiment aggravé. Nous considérons que si la confiscation s’impose, elle doit pouvoir s’appliquer dès le premier euro.
M. Éric Pauget, rapporteur. Il faut laisser les enquêteurs et les magistrats libres de leur appréciation sur les biens à saisir.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Selon les enquêtes, selon les secteurs, en zones rurales ou en banlieue parisienne, les volumes diffèrent. Les trafics peuvent être tout aussi nuisibles quand ils portent sur des sommes moindres. Nous nous accordons avec Mme Moutchou sur la nécessité de ne pas appliquer de seuils dans les saisies.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). La législation ne prévoit pas de seuils, je viens de le vérifier. Toutefois, il est vrai que l’Agrasc, la Piac, les services enquêteurs et les magistrats se concentrent plutôt sur les grosses saisies, tendance pointée du doigt dans divers rapports d’évaluation. C’est l’une des raisons pour lesquelles des antennes délocalisées de l’Agrasc ont été ouvertes, notamment à Lille. Les enquêteurs ont commencé à organiser des saisies dans le milieu et le bas du spectre et depuis trois ou quatre ans, celles qui portent sur des montants de faible valeur se sont multipliées, avec un fort impact sur les petits délinquants. Cela dit, tout est question de moyens. Rien ne sert d’inscrire dans la loi une possibilité déjà ouverte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL445 de Mme Naïma Moutchou
Mme Naïma Moutchou (HOR). Nous devons prendre en compte les nouveaux moyens auxquels recourent les narcotrafiquants pour rendre opaque le financement de leurs réseaux criminels. Cet amendement porte sur l’un d’eux : les cartes de paiement prépayées anonymes, pour lesquelles il n’est pas immédiatement nécessaire de fournir une pièce d’identité. Les sommes qui y sont chargées doivent pouvoir être confisquées.
M. Éric Pauget, rapporteur. L’article 131-21 du code pénal permet la confiscation de sommes en valeur sur tous les biens, sous réserve qu'ils appartiennent au condamné ou que celui-ci en ait la libre disposition. Par ailleurs, compte tenu du fait que la carte est anonyme, il sera difficile aux magistrats d’établir un lien avec son propriétaire. Avis défavorable.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Ce dernier argument me paraît pertinent. En outre, avec cet amendement, vous voulez tirer tous azimuts alors que cette proposition de loi concerne le haut du spectre du narcotrafic. Ces cartes prépayées, utilisées du reste par des personnes n’ayant rien à voir avec le trafic de stupéfiants, n’entrent pas dans le champ couvert.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Cet amendement est intéressant. Les cartes bancaires prépayées, qui offrent l’avantage de rendre les opérations intraçables, sont aussi utilisées dans le haut du spectre comme un moyen facile de blanchir de l’argent et, comme elles sont cessibles, elles servent aussi de récompenses.
M. Jocelyn Dessigny (RN). C’est en effet un outil sur mesure pour les trafiquants et les sommes qui y transitent arrivent toujours dans les poches de l’un d’eux, qu’il appartienne ou pas au haut du spectre. Il est bon de se doter de tous les moyens possibles de lutter contre le trafic de drogue : nous voterons pour cet amendement.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Soyons prudents : il n’est pas certain que le public concerné par ces cartes, proposées pour certaines par des établissements bancaires ayant pignon sur rue, soit forcément impliqué dans les réseaux. Beaucoup de jeunes et de personnes précaires y ont recours. Par ailleurs, on peut douter que les trafiquants qui les utilisent appartiennent au haut du panier. J’aimerais savoir, madame Moutchou, quelles pistes de réflexion vous ont menée à cet amendement.
Mme Naïma Moutchou (HOR). On ne peut considérer ces cartes comme accessoires. C’est une réalité : elles sont utilisées dans le narcotrafic, notamment pour être distribuées à des complices. En les multipliant, certains individus parviennent à y faire transiter de grosses sommes. Le texte raterait sa cible s’il ne les prenait pas en compte au même titre que les cryptomonnaies. Évitons d’être à la remorque des nouvelles pratiques. Quant aux magistrats, ils savent rassembler un faisceau d’indices. Faisons-leur confiance.
M. Éric Pauget, rapporteur. Je ne nie pas le rôle que jouent les cartes prépayées dans la petite délinquance et le trafic de stupéfiants. Je dis seulement que les dispositions du fameux article 131-21 du code pénal répondent à votre préoccupation. La somme créditée sur une telle carte peut être saisie si on parvient à établir à qui elle appartient.
Mme Naïma Moutchou (HOR). J’entends bien que le code pénal peut s’appliquer quand la personne est identifiée mais rien n’est prévu pour les cartes prépayées anonymes, arme redoutable de financement du trafic, j’ai pu le constater à de nombreuses reprises dans des dossiers pénaux. Il faut les prendre en compte.
Mme Pascale Bordes (RN). Les narcotrafiquants ont deux guerres d’avance sur nous et nous voterons pour cet amendement, qui nous offre l’occasion de rattraper notre retard. Ne soyons pas à la remorque, une fois encore.
M. Éric Pauget, rapporteur. Le problème est réel. Je vais finalement donner un avis favorable à cet amendement. D’ici à la séance, nous le soumettrons à l’expertise des services de l’Assemblée et de la Chancellerie pour déterminer s’il est opérationnel.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CL166 de M. François Ruffin, CL235 de Mme Colette Capdevielle et CL368 de M. Ugo Bernalicis
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). L’article 706‑160 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour l’Agrasc d’affecter les biens confisqués à des associations, des fondations reconnues d'utilité publique et des organismes œuvrant dans le domaine social. Par cet amendement, nous proposons de faire de cette simple possibilité une priorité. Nous nous inspirons du modèle italien qui a donné des résultats très positifs.
Mme Colette Capdevielle (SOC). En Italie, cette affectation a en effet permis de remettre dans le circuit légal des biens mal acquis au service du secteur de l’économie sociale et solidaire, du secteur coopératif, de fondations, d’écoles, d’associations, notamment sportives, et même de structures ecclésiastiques. Cette priorisation serait un grand pas dans la lutte contre le narcotrafic. Non seulement nous aiderions les acteurs locaux à faire régner la culture de la légalité sur l’ensemble du territoire national, mais nous garantirions aux collectivités et aux associations des moyens supplémentaires considérables. Je comprends que certains soient choqués par une telle mesure mais elle me paraît être une arme extrêmement efficace dans la lutte contre le narcotrafic.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Ces amendements identiques nous ont été suggérés par l’association Crim’halt. Je les avais déjà défendus lors de l’examen de la proposition de loi adoptée le 8 avril 2021, qui a contribué à étendre les missions de l’Agrasc. Cette priorité, qui n’a rien d’impératif, serait un signe de bonne volonté quand le choix doit se faire entre un service interne de l’État et une association ou une collectivité. Il me paraît important de valoriser cette affectation sociale. J’étais même allé jusqu’à proposer d’apposer une plaque sur les biens immobiliers saisis afin d’informer le public.
M. Éric Pauget, rapporteur. J’émettrai un avis défavorable sur ces amendements. Cette affectation sociale est déjà possible. Pourquoi vouloir la rendre prioritaire, au détriment de services du ministère de l’intérieur ou du ministère de la justice, et forcer les choix de l’Agrasc, qui fait un bon travail ?
Mme Elsa Faucillon (GDR). L’idée est bien de rendre cette affectation prioritaire. Au-delà de l’utilité évidente d’une telle mesure, il me semble bon d’acculturer la société à la lutte contre le narcotrafic. Elle est rendue plus visible si les biens mal acquis sont mis à disposition des associations plutôt que des services de l’État. Je soutiendrai ces amendements.
M. Olivier Marleix (DR). J’aime bien l’idée que les habitants d’un quartier, d’une commune voient les effets de cette politique publique, à laquelle ils doivent être associés. Toutefois, j’apprécie moins le caractère prioritaire donné à cette affectation – compte tenu de nos 3 200 milliards de dette, il ne serait pas inutile de voir ces sommes revenir aux finances publiques. Par ailleurs, je ne suis pas certain que cette solution soit réaliste. Que ferait une association d’une somptueuse villa à Antibes ou à Juan-les-Pins, compte tenu des frais d’entretien ? Et ne parlons pas d’un bien se situant à Paris : les impôts locaux mettraient l’association bénéficiaire dans une situation bien difficile ! Peut-être pourrions-nous travailler ensemble pour affiner ce dispositif.
M. Jocelyn Dessigny (RN). L’idée peut en effet être séduisante mais nous considérons que ce sont les forces de l’ordre qui devraient être prioritaires, notamment pour la mise à disposition de certains véhicules, qu’elles réclament.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Comme mon collègue Marleix, je me demande si la rédaction retenue est réaliste mais je suis favorable à cette idée, qui rejoint une proposition que j’avais émise à l’issue de ma mission parlementaire sur l’évolution du cadre de la philanthropie en France. Grâce à la proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Warsmann, nous avons réussi à faire avancer cette affectation sociale. Que cet argent profite in fine à l’intérêt général, c’est la meilleure leçon que l’on puisse donner.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur Dessigny, si votre seule réticence porte sur l’affectation des voitures – qui pose certains problèmes, eu égard aux achats de pièces détachées –, sachez que cet amendement concerne les biens immobiliers. Il s’agit de les affecter en priorité à une collectivité ou une association avant d’envisager de les mettre à disposition de services de l’État ou de procéder à une revente en valeur, qui se fera de toute façon au profit de l’État, puisque les sommes concernées vont au budget général ou à des fonds de concours, en fonction du type d’infraction.
M. le président Florent Boudié. J’ai reçu sur le vote de ces amendements une demande de scrutin de députés du groupe Rassemblement nationale représentant au moins 10 % de la commission en application de l’article 44, alinéa 2 du Règlement. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents, je vais donc procéder à l’appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.
Votent pour :
M. Pouria Amirshahi, M. Ugo Bernalicis, Mme Colette Capdevielle, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Émeline K/Bidi, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, Mme Estelle Mercier, Mme Sandra Regol, M. Hervé Saulignac et M. Roger Vicot.
Votent contre :
Mme Brigitte Barèges, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Vincent Caure, M. Jocelyn Dessigny, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud et M. Michaël Taverne.
S’abstiennent :
Mme Blandine Brocard, M. Jean Moulliere et Mme Naïma Moutchou.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 37
Nombre de suffrages exprimés : 34
Majorité absolue : 18
Pour l’adoption : 14
Contre l’adoption : 20
Abstentions : 3
La commission rejette donc les amendements.
Amendements identiques CL167 de M. François Ruffin et CL236 de Mme Colette Capdevielle
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis défavorable sur ces amendements. Un grand nombre d’associations d’utilité publique et d’organismes sociaux pouvant bénéficier des biens confisqués, il n’est pas utile d’y ajouter les entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus).
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous nous opposons à l’attribution des biens aux Esus car, par principe, nous souhaitons éviter que cette affectation soit réalisée au bénéfice du secteur marchand, même au sein de la sphère sociale.
Les amendements sont retirés.
Amendements identiques CL168 de M. François Ruffin et CL237 de Mme Colette Capdevielle
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis favorable.
M. le président Florent Boudié. Je suis saisi, toujours par des députés du groupe Rassemblement national, d’une nouvelle demande de scrutin sur le vote de cet amendement.
Votent pour :
M. Pouria Amirshahi, M. Ugo Bernalicis, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Jocelyn Dessigny, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Camille Galliard-Minier, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, Mme Émeline K/Bidi, Mme Marie-France Lorho, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, M. Ludovic Mendes, Mme Estelle Mercier, M. Jean Moulliere, Mme Naïma Moutchou, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Michaël Taverne et M. Roger Vicot.
Votent contre :
Mme Brigitte Barèges, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes et M. Florent Boudié.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 36
Nombre de suffrages exprimés : 36
Majorité absolue : 19
Pour l’adoption : 32
Contre l’adoption : 4
Abstention : 0
La commission adopte donc les amendements identiques.
Amendement CL497 de M. Pouria Amirshahi
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Nous proposons d’affecter tous les types de biens – véhicules, matériel informatique, équipements divers… – et non pas seulement les biens immobiliers. Je suis surpris que le texte ne le prévoie pas déjà. Les rapporteurs du Sénat ont souvent mis en avant le fait que les biens et les capitaux saisis seraient très utiles pour financer la lutte contre le narcotrafic. Il me semble que la mesure proposée s’articulerait de manière cohérente avec l’article précédent.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis favorable. Cette disposition constitue en effet le pendant de ce que nous avons voté à l’article 4 bis A.
La commission adopte l’amendement.
Article 4 bis (nouveau) (art. L. 561-14-1 A [nouveau] du code monétaire et financier) : Interdiction des « mixeurs » de cryptoactifs
Amendement CL171 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il s’agit, par cet amendement, de renforcer la sanction pour non-respect de l’interdiction d’utilisation des mixeurs de cryptomonnaies.
M. Éric Pauget, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable. Le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment est contrôlé. Les manquements à ces obligations sont sanctionnés par le code monétaire et financier, qui cite les autorités administratives chargées de ce contrôle.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 4 bis non modifié.
Article 5 (art. 706-33-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Gel judiciaire des avoirs des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants
Amendements de suppression CL642 de M. Éric Pauget et CL444 de Mme Naïma Moutchou
M. Éric Pauget, rapporteur. Je vous propose de supprimer cet article, car il s’agit du seul dispositif qui a fait l’unanimité contre lui au cours des auditions, tant de la part des services du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice que des avocats, des magistrats et des représentants syndicaux de ces derniers. Le Sénat ayant introduit en séance l’article 5 bis, relatif au gel administratif des avoirs des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants, le gel judiciaire n’est plus pertinent. En outre, il compliquerait la procédure, en créant de nouveaux cas de nullités.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Cet article fait en effet l’objet d’une opposition unanime. Ses dispositions sont inutiles, puisque la procédure pénale offre déjà des possibilités de saisie, mais aussi inefficaces, dans la mesure où elles ne permettent pas d’aller jusqu’à la privation définitive de propriété. Mieux vaut privilégier le gel administratif.
M. le président Florent Boudié. Je suis saisi sur le vote de ces amendements d’une nouvelle demande de scrutin de la part de députés du groupe Rassemblement national.
Votent pour :
Mme Brigitte Barèges, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Jocelyn Dessigny, Mme Camille Galliard-Minier, M. Jonathan Gery, M. Sébastien Huyghe, Mme Marie-France Lorho, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, Mme Estelle Mercier, M. Jean Moulliere, Mme Naïma Moutchou, M. Éric Pauget, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Hervé Saulignac, M. Jean Terlier et M. Roger Vicot.
Vote contre :
Mme Elsa Faucillon.
S’abstiennent :
M. Pouria Amirshahi, Mme Sophie Blanc, M. Emmanuel Duplessy, M. Yoann Gillet, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud et M. Michaël Taverne.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 35
Nombre de suffrages exprimés : 25
Majorité absolue : 13
Pour l’adoption : 24
Contre l’adoption : 1
Abstentions : 10
Mise au point : Mme Elsa Faucillon a fait savoir qu'elle avait voulu s'abstenir.
La commission adopte donc les amendements.
En conséquence, l’article 5 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 5 bis (nouveau) (art. L. 562-1, L. 562-2-2 [nouveau], L. 562-5, L. 562-7, L. 562-8, L. 562-9, L. 562-11 du code monétaire et financier et art. L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration) : Gel administratif des avoirs des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants
Amendement de suppression CL18 de M. Ugo Bernalicis
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Le droit actuel offrant déjà de nombreuses possibilités de saisie, il nous paraît inutile d’en rajouter, qu’il s’agisse du gel judiciaire ou du gel administratif des avoirs. Il est préférable, à nos yeux, de s’en tenir aux saisies et confiscations, qui nous paraissent plus robustes et plus efficaces. Nous proposons donc de supprimer l’article.
M. Éric Pauget, rapporteur. Avis totalement défavorable. Nous avons supprimé le gel judiciaire en raison de la création par le Sénat du gel administratif, qui constitue, aux yeux de tous les services auditionnés, le bon outil du point de vue de la réactivité et de l’efficacité.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Florent Boudié. Je suis saisi sur le vote de l’article 5 bis d’une demande de scrutin de la part de députés du groupe Rassemblement national.
Votent pour :
M. Pouria Amirshahi,Mme Brigitte Barèges, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Jocelyn Dessigny, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, Mme Marie-France Lorho, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Estelle Mercier, Mme Naïma Moutchou, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier et M. Roger Vicot
Votent contre :
M. Ugo Bernalicis, M. Jean-François Coulomme et Mme Élisa Martin.
S’abstient :
M. Paul Christophle.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 34
Nombre de suffrages exprimés : 33
Majorité absolue : 17
Pour l’adoption : 30
Contre l’adoption : 3
Abstention : 1
La commission adopte donc l’article 5 bis non modifié.
TITRE III
RENFORCEMENT DU RENSEIGNEMENT ADMINISTRATIF EN MATIÈRE DE
LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC
Article 6 (art. 706-105-1 du code de procédure pénale) : Partage d’information entre les juridictions et les services de renseignement
Amendement de suppression CL22 de M. Antoine Léaument
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet article confie au procureur le soin de fournir des informations aux services de renseignement ; c’est une inversion de l’ordre normal des choses. On se demande quelle est la nature des renseignements en question. Nous sommes fermement opposés, vous le savez, au dossier coffre. Or on parle ici d’informations qui ne seront pas versées au dossier mais que le procureur pourra transmettre aux services de renseignement. Il est étrange d’utiliser les enquêtes judiciaires pour obtenir du renseignement.
Le renseignement criminel nous paraît justifié, qui part d’enquêtes closes et repose sur la capacité des services à collecter des informations – notamment par le biais du service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) – en vue d’établir des notes de renseignement et d’orienter la politique pénale et l’action des procureurs. En revanche, la disposition proposée place la justice dans une position de soumission, pour ainsi dire, aux services de renseignement ; ce principe nous gêne.
M. Roger Vicot, rapporteur. On peut comprendre vos interrogations relatives à la transmission d’informations couvertes par le secret de l’instruction, question que j’ai évoquée dans l’état d’avancement des travaux. Cela étant, l’article 6 a été réécrit dans un sens beaucoup plus restrictif par le Sénat, qui a limité la transmission d’informations, d’une part au parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) et aux juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) et, d’autre part, à certaines infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Cette rédaction me semble présenter moins de risques constitutionnels que la proposition initiale. Elle nous permettra de rester sur le haut du spectre de la criminalité, pour lequel la transmission d’informations aux services de renseignement a un sens. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). On semble partir du principe qu’il est bon de diffuser des informations – qui sont, en l’occurrence, couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction – au plus grand nombre de personnes possible en interne. Certes, le périmètre de la mesure a été restreint, mais le problème de fond demeure. Il faut nous dire quelles informations donneront le Pnaco et les Jirs, à quels services de renseignement et dans quel but précis.
Mme Pascale Bordes (RN). Il me semble que la lutte contre le narcotrafic pèche par l’insuffisance du partage d’informations. Si l’information avait été diffusée, le drame d’Incarville n’aurait probablement pas eu lieu. Il faut savoir la société que l’on veut et les intérêts que l’on entend protéger. Le groupe Rassemblement national votera contre cet amendement.
M. Roger Vicot, rapporteur. Monsieur Bernalicis, l’article n’impose rien au procureur, qui jugera utile ou non de transmettre les informations en fonction de l’avancée de l’enquête et des éléments en sa possession.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL24 de M. Ugo Bernalicis
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à subordonner la communication d’informations à l’avis conforme de la chambre de l’instruction. Il s’agit de vérifier que l’on ne met pas l’enquête en péril. Il me paraît très étonnant que l’autorité judiciaire, qui est censée être indépendante, délivre des informations – même si c’est à son initiative – à des services de renseignement à la main de l’exécutif. Chacun doit demeurer dans son rôle.
M. Roger Vicot, rapporteur. Il est caricatural de laisser entendre que le partage d'informations se ferait sans encadrement et qu’il porterait atteinte à quiconque. De plus, confier une nouvelle tâche aux chambres de l'instruction, déjà surchargées, n'est pas judicieux.
Avis défavorable.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). L’objectif de l’amendement vise à garantir le contrôle d'un magistrat indépendant. Cela me semble utile, malgré la surcharge de travail que cela pourrait engendrer, mais il est important de ne pas adapter la justice au manque de moyens. Je suis donc favorable à cet amendement, quitte à l'améliorer ultérieurement.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Le dispositif du Sénat n'est pas clair et risque de créer une confusion entre la phase d'enquête et la phase de jugement. Permettre aux services de renseignement de recevoir des informations issues d'instructions judiciaires en cours pourrait entraîner des interférences entre la logique judiciaire, qui obéit à la contradiction pour l’établissement de la vérité, et la logique administrative, qui est préventive et discrétionnaire. Je voterai donc en faveur de l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Florent Boudié. Je suis saisi sur le vote de l’article 6 d’une demande de scrutin de la part de députés du groupe Rassemblement national.
Votent pour :
Mme Brigitte Barèges, M. Romain Baubry, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Jocelyn Dessigny, Mme Camille Galliard-Minier, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, Mme Marie-France Lorho, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Estelle Mercier, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, M. Michaël Taverne et M. Roger Vicot.
Votent contre :
M. Ugo Bernalicis, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy et Mme Élisa Martin.
S’abstiennent :
M. Pouria Amirshahi et Mme Naïma Moutchou.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 31
Nombre de suffrages exprimés : 29
Majorité absolue : 15
Pour l’adoption : 25
Contre l’adoption : 4
Abstentions : 2
La commission adopte donc l’article 6 non modifié.
*
* *
La séance est levée à 20 heures 10.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Xavier Albertini, M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Brigitte Barèges, M. Romain Baubry, Mme Anne Bergantz, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Paul-André Colombani, M. Jean-François Coulomme, M. Arthur Delaporte, M. Jocelyn Dessigny, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Camille Galliard-Minier, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, Mme Émeline K/Bidi, M. Antoine Léaument, M. Roland Lescure, Mme Pauline Levasseur, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Stéphane Mazars, Mme Estelle Mercier, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, Mme Naïma Moutchou, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Hervé Saulignac, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot
Excusé. - Mme Andrée Taurinya
Assistaient également à la réunion. - Mme Bénédicte Auzanot, M. Christophe Blanchet, M. François-Xavier Ceccoli, M. Sacha Houlié, M. Pierre Pribetich, M. Matthias Renault