Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

–         Examen du rapport de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse (M. Florent BoudiĂ©, prĂ©sident-rapporteur)                            2

–         Examen de la proposition de rĂ©solution tendant Ă  modifier le RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale afin de simplifier l’organisation de certains scrutins et l’examen des lois organiques (n° 1286) (M. Roland Lescure, rapporteur)                            20

–         Examen de la proposition de loi, adoptĂ©e par le SĂ©nat, relative au droit de vote par correspondance des personnes dĂ©tenues (n° 1163) (M. Jean Moulliere, rapporteur)                            30

–         Informations relatives Ă  la Commission............... 43

 

 

 

 


Mercredi
28 mai 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 69

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Florent Boudié,
président


—  1  —

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission examine le rapport de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse (M. Florent BoudiĂ©, prĂ©sident-rapporteur).

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Depuis plus de quarante ans, la Corse a connu de nombreuses Ă©volutions statutaires traduisant la reconnaissance progressive de ses spĂ©cificitĂ©s par la RĂ©publique.

De la crĂ©ation de la collectivitĂ© territoriale en 1982, jusqu’à l’instauration de la collectivitĂ© unique le 1er janvier 2018, non seulement les rĂ©formes engagĂ©es n’ont pas pleinement rĂ©pondu aux aspirations politiques exprimĂ©es en Corse – je rappelle les victoires en 2015, 2017 et 2021 des formations politiques dites nationalistes aux Ă©lections territoriales â€“, mais les Ă©volutions statutaires successives ne sont pas non plus parvenues Ă  surmonter les contraintes structurelles propres Ă  la condition mĂȘme de ce territoire insulaire.

C’est sur ces deux plans indissociables – l’enjeu de reconnaissance politique et celui de rĂ©ponses concrĂštes Ă  apporter aux conditions de vie en Corse â€“ que la reprĂ©sentation nationale est une nouvelle fois sollicitĂ©e.

Alors que les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019, dont certaines dispositions consacraient un statut de la Corse dans notre Constitution, n’ont pas Ă©tĂ© au bout du processus parlementaire, les Ă©vĂ©nements dramatiques de mars 2022, consĂ©cutifs Ă  l’agression mortelle d’Yvan Colonna en dĂ©tention et marquĂ©s par de graves violences, ont jouĂ© le rĂŽle de catalyseur politique – catalyseur des revendications autonomistes, et parfois indĂ©pendantistes. Ces Ă©vĂ©nements ont conduit le Gouvernement Ă  ouvrir un cycle inĂ©dit de discussions avec les forces politiques corses.

On peut regretter – il le faut, mĂȘme â€“ qu’il ait fallu attendre les Ă©vĂ©nements du printemps 2022 pour rĂ©enclencher un dialogue qui, pour l’essentiel, Ă©tait interrompu. Mais c’est un fait que le gouvernement, par la voix de son ministre de l’intĂ©rieur de l’époque, GĂ©rald Darmanin, a ouvert un cycle inĂ©dit de discussions avec les reprĂ©sentants de la Corse, en prononçant pour la premiĂšre fois le mot d’autonomie et en annonçant, dans une interview Ă  Corse Matin le 16 mars 2022, « un processus Ă  vocation historique de discussions ». Ces mots seront rĂ©affirmĂ©s avec force par le prĂ©sident de la RĂ©publique lors de son dĂ©placement en Corse le 28 septembre 2023. Ce « processus de Beauvau Â», entamĂ© il y a plus de trois ans, a dĂ©bouchĂ©, le 27 mars 2024, sur l’adoption par l’AssemblĂ©e de Corse d’un projet d’écriture constitutionnelle visant Ă  consacrer « un statut d’autonomie au sein de la RĂ©publique Â».

C’est dans ce contexte que la commission des lois de l’AssemblĂ©e nationale a souhaitĂ© s’emparer du dossier « Corse Â», aprĂšs que mon prĂ©dĂ©cesseur Sacha HouliĂ© avait constituĂ© un premier groupe de travail portant sur ce mĂȘme sujet. Elle a ainsi dĂ©cidĂ© de crĂ©er, le 3 dĂ©cembre 2024, une mission d’information rĂ©unissant l’ensemble des groupes politiques, les quatre dĂ©putĂ©s de la Corse et l’ancien prĂ©sident de la commission des lois.

Il s’agissait de la seconde mission d’information parlementaire sur la question de l’avenir institutionnel de la Corse, aprĂšs que le SĂ©nat avait constituĂ© la sienne au printemps 2023. Les conclusions sĂ©natoriales devaient ĂȘtre prĂ©sentĂ©es en dĂ©but d’annĂ©e, mais la publication du rapport a Ă©tĂ© rejetĂ©e par la commission des lois du SĂ©nat, signe que l’avenir institutionnel de la Corse fait dĂ©bat. Cette non-publication d’un rapport de la commission des lois du SĂ©nat est assez rare pour ĂȘtre soulignĂ©e. Je veux croire que nous ne subirons pas le mĂȘme empĂȘchement – nous avons fait en sorte, avec les membres de la mission d’information, que tel ne soit pas le cas.

Notre mission a menĂ© ses travaux pendant prĂšs de six mois. Elle a procĂ©dĂ© Ă  plus d’une vingtaine d’auditions Ă  l’AssemblĂ©e nationale. Elle s’est Ă©galement rendue en Corse, du mardi 4 au vendredi 7 fĂ©vrier. Elle a entendu plus de 110 personnes, parmi lesquelles des ministres ou des anciens ministres, le prĂ©sident du conseil exĂ©cutif de Corse, la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e de Corse, des Ă©lus de toutes les sensibilitĂ©s politiques, des hauts fonctionnaires, des juristes, des chercheurs, des reprĂ©sentants syndicaux, ainsi que des acteurs associatifs et du monde Ă©conomique. Le rapport d’information que je vous prĂ©sente reflĂšte fidĂšlement les rĂ©flexions qui ont Ă©tĂ© collectĂ©es et qui ont animĂ© les discussions entre les seize membres de la mission parlementaire. Vous aurez Ă  dĂ©cider de sa publication, puisque c’est la seule question qui vous est posĂ©e ce matin, et non celle de l’approbation.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi une parenthĂšse mĂ©thodologique, car s’agissant de l’avenir institutionnel corse, la mĂ©thode Ă©tait fondamentale. J’ai assumĂ© pleinement mon rĂŽle de rapporteur, donc de rĂ©dacteur du rapport. J’ai nĂ©anmoins tenu Ă  associer Ă©troitement, et en permanence au cours des six derniers mois, l’ensemble des membres de la mission d’information Ă  cette tĂąche. Chacun a pu faire part de ses observations qui ont, pour l’essentiel, Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es – et, lorsque ces observations entraient en contradiction, ces divergences sont signalĂ©es dans le corps du rapport comme dans ses conclusions.

De façon inĂ©dite, pour donner plus de force et de clartĂ© Ă  nos travaux, j’ai Ă©galement fait le choix que chaque membre de la mission puisse se prononcer par un vote sur les conclusions du rapport, dont les rĂ©sultats figurent sous chacune des recommandations composant ces conclusions, qui portent pour une large partie sur le projet d’écriture constitutionnelle issu du « processus de Beauvau Â». 

Cette opĂ©ration de transparence est la meilleure façon de prĂ©parer le travail du Parlement qui aura, je le souhaite, Ă  dĂ©battre de l’avenir institutionnel de la Corse dans les prochains mois.

La premiĂšre partie du rapport est consacrĂ©e aux spĂ©cificitĂ©s historiques, culturelles, gĂ©ographiques, sociales et Ă©conomiques de la Corse. Il fallait partir de lĂ , et c’est le socle de notre rĂ©flexion.

Cette premiĂšre partie met en lumiĂšre la force du sentiment d’appartenance Ă  la communautĂ© insulaire, marquĂ©e par l’histoire et par l’affirmation de la culture corse – par exemple l’importance de la langue corse, qui constitue l’un des fondements les plus vivants de la culture insulaire. Sa prĂ©servation et sa transmission font l’objet d’une mobilisation active des Ă©lus corses et d’une attente forte de la sociĂ©tĂ© civile. Les seize membres de la commission, notamment ceux qui se sont dĂ©placĂ©s en Corse en fĂ©vrier, l’ont constatĂ©.

Le rapport met Ă©galement en exergue les contraintes structurelles propres Ă  l’insularitĂ© corse : l’éloignement du continent, la dĂ©pendance aux flux commerciaux extĂ©rieurs, l’existence de surcoĂ»ts, notamment logistiques, dont les effets, en particulier sur les prix, impactent directement la vie quotidienne des Corses. Il n’est donc pas une rĂ©flexion juridique ou thĂ©orique.

À cela s’ajoutent des tensions fonciĂšres constantes, liĂ©es Ă  la pression dĂ©mographique et Ă  l’essor, sans comparaison avec le continent, du marchĂ© des rĂ©sidences secondaires qui met en pĂ©ril l’accĂšs au logement des habitants de l’üle. Les effets d’éviction de l’accĂšs au logement sont d’une particuliĂšre gravitĂ©, notamment sur le plan social.

Enfin, les spĂ©cificitĂ©s insulaires renforcent le sentiment d’inadĂ©quation entre les outils juridiques nationaux et les besoins de l’üle. Je pense, en particulier, aux lois « montagne Â» et « littoral Â» dont des maires nous ont prĂ©cisĂ© Ă  plusieurs reprises que l’application croisĂ©e, dans des communes trĂšs nombreuses Ă  disposer Ă  la fois d’une zone littorale et d’une zone montagneuse, aboutit Ă  un casse-tĂȘte rĂ©glementaire qui n’est rien d’autre qu’un frein Ă  l’action et au dĂ©veloppement raisonnĂ© et durable, ainsi qu’un facteur d’affaiblissement du bloc communal. Dans ce domaine comme dans celui de la reconnaissance de la langue corse ou de l’accĂšs Ă  la terre et au foncier, des adaptations des normes nationales au contexte insulaire est une nĂ©cessitĂ©, et mĂȘme une Ă©vidence – la question Ă©tant de savoir de quelle nature et jusqu’oĂč.

Sur ce point, un constat est largement partagĂ© par les membres de la mission d’information. Nous pourrions identifier, dans de nombreux territoires de la RĂ©publique, des caractĂ©ristiques et des problĂ©matiques communes Ă  celles de la Corse. Les zones littorales de l’Hexagone sont ainsi toutes sujettes Ă  la spĂ©culation immobiliĂšre. Comme dĂ©putĂ© de la Gironde, je sais qu’il n’est pas simple d’accĂ©der Ă  un logement sur la presqu’üle du Cap Ferret, par exemple. Cette difficultĂ© n’est pas propre Ă  la Corse. La question de l’enclavement gĂ©ographique ne l’est pas non plus : il existe des zones de montagne sur le territoire continental, tout comme il existe des territoires ruraux Ă©loignĂ©s des mĂ©tropoles, des villes moyennes et des rĂ©seaux de communication et de transport. En outre, bien des territoires connaissent des difficultĂ©s dans l’accĂšs Ă  un service public de proximitĂ© ou Ă  une formation supĂ©rieure post-bac. Mais, ce qui singularise la Corse et qui est la consĂ©quence directe de sa condition insulaire, c’est qu’elle concentre Ă  elle seule, sur un territoire dĂ©limitĂ©, toutes les difficultĂ©s qui peuvent se rencontrer diffĂ©remment sur le continent. C’est ce cumul de contraintes qui fait la singularitĂ© de la Corse et qui justifie nos dĂ©bats.

Ainsi, au-delĂ  de l’appartenance Ă  une communautĂ© insulaire qui plonge loin et profond ses racines culturelles, historiques et linguistiques, c’est la concentration des difficultĂ©s dans une « Ăźle montagne Â» qui explique la permanence des dĂ©bats autour du statut particulier que devrait occuper la Corse dans notre organisation institutionnelle – avec une question centrale sur le plan juridique et sur le plan politique : faut-il crĂ©er les conditions d’un pouvoir normatif local permettant de rĂ©pondre plus efficacement aux nombreux dĂ©fis cumulatifs et exacerbĂ©s auxquels la Corse doit faire face ?

Interroger le besoin d’une Ă©volution institutionnelle de la Corse, c’est questionner les mutations de son statut au cours des quarante derniĂšres annĂ©es, et revenir sur les Ă©ventuelles limites du droit existant Ă  l’adaptation des normes lĂ©gislatives et rĂ©glementaires dont la Corse bĂ©nĂ©ficie dĂ©jĂ .

Depuis le 1er janvier 2018, la collectivitĂ© de Corse est une collectivitĂ© territoriale unique Ă  statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, issue de la fusion de la collectivitĂ© territoriale de Corse et des conseils dĂ©partementaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse.

Des dispositions spĂ©cifiques avaient certes Ă©tĂ© introduites dans notre droit dĂšs 2002, en reconnaissant explicitement la facultĂ© pour l’AssemblĂ©e de Corse de demander l’adaptation de normes de niveau lĂ©gislatif et rĂ©glementaire en raison des spĂ©cificitĂ©s de l’üle. Elles Ă©taient venues s’ajouter Ă  celles de l’article 37-1 de la Constitution sur le droit commun de l’expĂ©rimentation et Ă  celles de l’article 72 de la Constitution propres aux collectivitĂ©s territoriales. Mais, ce mĂ©canisme d’adaptation créé pour la Corse et codifiĂ© Ă  l’article L. 4422-16 du code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales s’est soldĂ© par un Ă©chec cuisant : saisis Ă  cinquante-sept reprises de demandes d’adaptation par l’AssemblĂ©e de Corse, les premiers ministres successifs, quelle que soit leur sensibilitĂ©, n’ont pratiquement jamais pris le soin d’y rĂ©pondre et de motiver leur silence ou leur refus. Seules quatre de ces demandes ont Ă©tĂ© reprises. Depuis vingt ans, ce mĂ©canisme de l’article L. 4422-16 Ă  la fois inopĂ©rant et source de frustration a nourri les vellĂ©itĂ©s de rĂ©vision du cadre institutionnel de la Corse.

Au-delĂ  des Ă©vĂ©nements tragiques du printemps 2022, dĂ©clencheurs des discussions du « processus de Beauvau Â», c’est aussi et surtout dans ce contexte d’un pouvoir d’adaptation inopĂ©rant qu’est intervenu le projet d’écriture prĂ©sentĂ© et adoptĂ© par la quasi-unanimitĂ© par l’AssemblĂ©e de Corse le 27 mars 2024, aprĂšs deux annĂ©es de discussions entre les reprĂ©sentants de la Corse et ceux de l’État.

Ce projet de rĂ©daction reconnaĂźt un statut constitutionnel pour la Corse « qui tient compte de ses intĂ©rĂȘts propres, liĂ©s Ă  son insularitĂ© mĂ©diterranĂ©enne et Ă  sa communautĂ© historique, linguistique, culturelle, ayant dĂ©veloppĂ© un lien singulier Ă  sa terre Â». Il ne s’agit pas de remettre en cause ou rompre l’indivisibilitĂ©, mais de reconnaĂźtre explicitement, dans la Constitution, que la Corse bĂ©nĂ©ficie d’un statut d’autonomie « au sein de la RĂ©publique Â». Si elle Ă©tait confirmĂ©e, cette Ă©volution s’accompagnerait de l’octroi Ă  la collectivitĂ© de Corse d’un pouvoir normatif de nature lĂ©gislative ou rĂ©glementaire, pouvoir par nature dĂ©lĂ©guĂ© par la Constitution, dans les domaines qui devront ĂȘtre dĂ©limitĂ©s par la loi organique.

Le pouvoir normatif confiĂ© Ă  la collectivitĂ© de Corse serait double. Il se traduirait, d’une part, par la possibilitĂ© d’adapter les lois ou les rĂšglements aux rĂ©alitĂ©s corses, d’autre part par la possibilitĂ© offerte Ă  la collectivitĂ© de fixer elle-mĂȘme les normes dans les matiĂšres qui relĂšvent de sa compĂ©tence.

Le texte prévoit également que le gouvernement pourrait, à titre subsidiaire, adapter par ordonnance des dispositions législatives qui ne relÚvent pas des compétences de la collectivité.

Dans ce contexte, le projet d’écriture constitutionnelle prĂ©voit plusieurs garanties ou garde-fous. Le premier garde-fou est le renvoi Ă  la loi organique elle-mĂȘme, laquelle devra fixer les matiĂšres dans lesquelles s’exercera le pouvoir normatif confiĂ© Ă  la collectivitĂ© de Corse. La reprĂ©sentation nationale sera donc souveraine.

Le deuxiĂšme niveau de contrĂŽle viendrait du fait que ce pouvoir autonome serait soumis au double contrĂŽle juridictionnel confiĂ© au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel, selon des modalitĂ©s que le lĂ©gislateur organique devra prĂ©ciser.

Enfin, le troisiĂšme niveau de garanties serait la crĂ©ation d’un principe d’évaluation obligatoire des normes locales adoptĂ©es et appliquĂ©es par la collectivitĂ© de Corse. Cela a Ă©tĂ© assez peu soulignĂ©, y compris en Corse, mais ce principe d’évaluation obligatoire serait une premiĂšre. Il serait, en tout cas, sans Ă©quivalent pour les collectivitĂ©s relevant de l’article 72 de la Constitution.

Si la rĂ©vision constitutionnelle devait aboutir, le constituant et le lĂ©gislateur organique dĂ©tiendraient un rĂŽle central dans la mise en Ɠuvre du statut d’autonomie. En effet, c’est au lĂ©gislateur organique que reviendrait la responsabilitĂ© de dĂ©limiter le pĂ©rimĂštre du pouvoir normatif dĂ©lĂ©guĂ© par la Constitution, mais c’est aussi Ă  lui qu’il reviendrait de prĂ©ciser les procĂ©dures de contrĂŽle et d’évaluation des normes prises localement. L’édifice proposĂ© est donc Ă  deux Ă©tages : la loi constitutionnelle fixerait les grands principes de l’autonomie de la Corse, quand le lĂ©gislateur organique dĂ©terminerait l’étendue de ces nouvelles prĂ©rogatives.

À l’issue de ce travail d’analyse du projet d’écriture constitutionnelle, qui mĂȘle enjeux politiques et juridiques, le rapport prĂ©sente une sĂ©rie de recommandations et de conclusions. La mission d’information dĂ©fend, dans le corps du rapport, un peu moins d’une dizaine de recommandations portant sur des sujets complĂ©mentaires au projet de rĂ©forme institutionnelle de la Corse, mais dont l’importance a Ă©tĂ© soulignĂ©e par nos interlocuteurs au cours des auditions.

Je n’en citerai que quelques-unes, qui dĂ©montrent qu’il est temps de dĂ©battre, au Parlement, de la rĂ©vision constitutionnelle.

Je pense Ă  la nĂ©cessitĂ© d’aborder, dans le cadre de la future loi organique, la question centrale du statut de la langue corse, en vue notamment de sĂ©curiser l’enseignement immersif qui concerne trente classes, soit 500 Ă©lĂšves, pour la rentrĂ©e de septembre.

Je pense aussi Ă  la nĂ©cessitĂ© de renforcer la diffĂ©renciation locale en matiĂšre d’urbanisme, Ă  la nĂ©cessitĂ© de mettre en dĂ©bat la question d’un statut de « rĂ©sidence Â» – et pas de « rĂ©sident Â», qui serait discriminatoire â€“ pour permettre au pouvoir local de lutter contre la spĂ©culation immobiliĂšre.

Je pense enfin Ă  la question fiscale, qui ne fait pas toujours l’unanimitĂ© en Corse et qui ne fera probablement pas l’unanimitĂ© Ă  l’AssemblĂ©e nationale, mais qui fait partie des Ă©lĂ©ments centraux de dĂ©bat sur la diffĂ©renciation territoriale de l’üle.

Au-delĂ  de ces recommandations, la mission d’information a adoptĂ© douze conclusions formelles regroupĂ©es en trois blocs et ayant chacune fait l’objet d’un vote de ses seize membres, ce qui est inĂ©dit. Il me semblait que c’était la meilleure façon d’aborder le sujet et de trouver un chemin commun.

Les membres de la mission d’information formulent d’abord des conclusions concernant le projet d’écriture constitutionnelle, base de nos discussions. Ce projet a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© devant l’AssemblĂ©e de Corse et constitue le compromis, pesĂ© au trĂ©buchet et dans lequel chaque mot compte, issu du « processus de Beauvau Â».

Le premier point soumis au vote des membres de la mission Ă©tait l’inscription de la Corse dans la Constitution en tant que collectivitĂ© Ă  statut particulier Ă  raison de ses spĂ©cificitĂ©s gĂ©ographiques, historiques, linguistiques et culturelles. Les groupes politiques composant notre assemblĂ©e ont unanimement reconnu la nĂ©cessitĂ© de crĂ©er un statut constitutionnel de la Corse.

Le deuxiĂšme point soumis au vote Ă©tait plus dĂ©licat. Il concernait la qualification de ce statut constitutionnel d’autonomie au sein de la RĂ©publique. Cette qualification a recueilli l’unanimitĂ© moins une voix. J’observe, par consĂ©quent, que l’intĂ©gration de la notion d’autonomie de la Corse dans la RĂ©publique rassemble trĂšs largement les sensibilitĂ©s qui composaient la mission d’information.

Le troisiĂšme point concernait la consĂ©cration, dans le texte constitutionnel, de l’existence d’une « communautĂ© historique, linguistique et culturelle en Corse Â». Cette disposition a fait l’objet d’un vote unanime.

La quatriĂšme question portait sur la reconnaissance, dans la Constitution, du « lien singulier Â» de la Corse Ă  « sa Â» terre ou Ă  « la Â» terre. Onze des seize membres de la mission d’information ont considĂ©rĂ© qu’il Ă©tait prĂ©fĂ©rable d’utiliser l’article indĂ©fini « la Â». En droit, il n’y a jamais de hasard dans les termes choisis. Ce n’est donc pas un dĂ©tail. Deux membres ont prĂ©fĂ©rĂ© l’adjectif possessif « sa Â» et trois dĂ©putĂ©s se sont abstenus.

La cinquiĂšme question Ă©tait celle, centrale, de la consĂ©cration dans la Constitution d’un pouvoir normatif accordĂ© Ă  la collectivitĂ© de Corse. Treize des seize membres de la mission d’information ont approuvĂ© le projet d’écriture constitutionnelle sans modification.

La sixiĂšme question Ă©tait celle de la place des compĂ©tences rĂ©galiennes dans le cadre du futur statut d’autonomie de la Corse. Si le projet d’écriture constitutionnelle rĂ©sultant du « processus de Beauvau Â» ne prĂ©voit aucune exclusion de principe des missions rĂ©galiennes, quinze des seize membres de la mission d’information ont souhaitĂ© les exclure formellement. Nos interlocuteurs – nationalistes compris â€“ ayant systĂ©matiquement indiquĂ© que l’autonomie de la Corse dans la RĂ©publique s’interprĂ©tait Ă  l’exclusion des missions rĂ©galiennes, ces quinze membres ont considĂ©rĂ© que puisqu’il y avait consensus, il Ă©tait prĂ©fĂ©rable de l’écrire dans la Constitution, en reprenant la lettre prĂ©cise des dispositions relevant de l’article 73 de la Constitution.

La septiĂšme question concernait l’inscription dans la Constitution, Ă  l’image de ce que prĂ©voit le projet d’écriture issu du « processus de Beauvau Â», d’une procĂ©dure ad hoc de contrĂŽle juridictionnel faisant intervenir le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, contrĂŽle qui s’exercera sur les actes pris en application du pouvoir normatif dĂ©lĂ©guĂ© par la Constitution. Douze des seize membres ont votĂ© pour, trois ont votĂ© contre et un s’est abstenu.

La huitiĂšme question posĂ©e aux membres de la mission d’information portait sur la possibilitĂ© pour le gouvernement d’adapter par ordonnance certaines dispositions lĂ©gislatives ne relevant pas de la compĂ©tence de la collectivitĂ© de Corse. Treize membres ont votĂ© pour, un a votĂ© contre et deux se sont abstenus.

Enfin, la neuviĂšme question portait sur l’organisation d’une consultation des Ă©lecteurs corses sur le projet de statut organique, aprĂšs avis de l’AssemblĂ©e de Corse. La quasi-unanimitĂ© des membres de la mission d’information a validĂ© la nĂ©cessitĂ© de cette consultation, tout en souhaitant la rendre obligatoire et non facultative – c’est une diffĂ©rence par rapport au projet d’écriture constitutionnelle. C’est une revendication forte, quelles que soient les sensibilitĂ©s. Nous pouvons revenir sur cette consultation, qui pose notamment des questions de temporalitĂ©. Un dĂ©bat Ă  ce sujet s’est d’ailleurs tenu il y a quelques jours Ă  l’AssemblĂ©e de Corse.

La mission d’information s’est Ă©galement prononcĂ©e sur deux questions complĂ©mentaires, non directement rattachĂ©es au projet d’écriture constitutionnelle, mais qui sont apparues lors de nos Ă©changes avec les acteurs corses.

La premiĂšre Ă©tait celle de la reconstitution d’un Ă©chelon intermĂ©diaire entre le bloc communal et la collectivitĂ© unique de Corse, considĂ©rant que la disparition des conseils dĂ©partementaux a créé, par nature, une distance. Un certain nombre d’acteurs publics corses, pas nĂ©cessairement politiques, considĂšrent qu’il faut renforcer le bloc intercommunal, donc le bloc communal, et qu’il conviendrait de rĂ©flĂ©chir Ă  la possibilitĂ© pour les deux grandes agglomĂ©rations de Bastia et d’Ajaccio d’obtenir non pas le statut de mĂ©tropole – elles n’en ont pas la dĂ©mographie â€“, mais des capacitĂ©s d’action, donc des compĂ©tences de nature mĂ©tropolitaine. Sept membres ont approuvĂ© cette perspective, trois s’y sont opposĂ©s et six se sont abstenus.

La seconde question complĂ©mentaire Ă©tait celle de l’évolution du mode de scrutin de l’AssemblĂ©e de Corse. Certains acteurs publics ou politiques souhaitent rĂ©introduire une forme de territorialisation dans le mode d’élection des membres de l’AssemblĂ©e de Corse. C’est un dĂ©bat ancien, en Corse. Plusieurs propositions ont Ă©tĂ© formulĂ©es, mais ont Ă©tĂ© rejetĂ©es Ă  la majoritĂ© par l’AssemblĂ©e de Corse. Il ne s’agit pas de le trancher aujourd’hui, mais la question est posĂ©e. Onze des seize membres de la mission d’information ont votĂ© pour cette hypothĂšse visant Ă  territorialiser pour partie, dans une sorte de scrutin mixte, l’élection des membres de l’AssemblĂ©e de Corse. Deux ont votĂ© contre et trois se sont abstenus.

Enfin, dans le cadre de la derniĂšre question, l’unanimitĂ© des membres de la mission d’information a considĂ©rĂ© que le dĂ©bat parlementaire doit s’engager sans perdre une minute, plus de trois ans aprĂšs l’amorce du « processus de Beauvau Â». Nous souhaitons, par consĂ©quent, que le projet de loi constitutionnelle puisse ĂȘtre dĂ©posĂ© devant le Parlement Ă  trĂšs court terme aprĂšs avoir Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© en Conseil des ministres. Notre souhait est que ce dĂ©pĂŽt intervienne avant la fin de la session ordinaire.

Ce rapport ne prĂ©tend pas trancher le dĂ©bat qui s’ouvrira, mais a pour objectif d’en Ă©clairer les termes et de rappeler la rĂ©alitĂ© d’un territoire qui aspire Ă  une reconnaissance renforcĂ©e de ses spĂ©cificitĂ©s dans le cadre de la RĂ©publique. Nous l’avons rĂ©digĂ© avec sincĂ©ritĂ© et application, mais aussi humilitĂ©.

L’autonomie proposĂ©e pour la Corse Ă  l’issue du « processus de Beauvau Â», soutenue largement, avec quelques nuances, par les membres de la mission d’information, serait moins une rupture qu’une adaptation juridiquement encadrĂ©e et relativement pragmatique.

Je remercie les personnes que nous avons entendues, en Corse et Ă  Paris – je n’en citerai aucune, pour ne tordre aucune susceptibilitĂ© â€“, ainsi que les membres de la mission d’information et nos administrateurs.

Le chemin est encore long. Mais, en dĂ©pit du contexte politique et de difficultĂ©s presque structurelles, nos groupes politiques ont dĂ©montrĂ© qu’ils avaient pu travailler et cheminer ensemble pour doter la Corse d’un nouveau statut constitutionnel et peut-ĂȘtre mĂȘme d’un statut d’autonomie au sein de la RĂ©publique.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. StĂ©phane Rambaud (RN). Depuis plusieurs mois, l’exĂ©cutif cherche un projet de rĂ©forme constitutionnelle pour la Corse. DerriĂšre les dĂ©clarations d’intention sur la reconnaissance des spĂ©cificitĂ©s locales, c’est en rĂ©alitĂ© un processus de dĂ©construction de l’unitĂ© rĂ©publicaine qui est engagĂ©.

Certes, la Corse possĂšde des particularismes Ă©vidents – son insularitĂ©, sa langue, sa culture, son histoire â€“ et nous ne nous opposons pas par principe Ă  leur reconnaissance constitutionnelle. Nous sommes favorables Ă  ce que la Corse soit consacrĂ©e comme une collectivitĂ© Ă  statut particulier. Un pouvoir d’adaptation des normes pourrait lui ĂȘtre accordĂ© pour certaines compĂ©tences prĂ©cises, Ă  titre expĂ©rimental. C’est une position d’équilibre et de bon sens.

En revanche, nous refusons catĂ©goriquement de franchir le seuil symbolique et politique qui ferait de la Corse une collectivitĂ© autonome au sein de la RĂ©publique. Car l’autonomie n’est pas une simple technique de gestion. C’est une rupture avec le principe d’unitĂ©, une brĂšche dans le fondement de notre RĂ©publique, une et indivisible. Chaque concession faite Ă  des logiques autonomistes alimente une dynamique de repli, de dĂ©fiance et de sĂ©paration.

Accepter l’autonomie pour la Corse, c’est ouvrir la voie Ă  toutes les revendications – aujourd’hui la Corse, demain le Pays basque, la Bretagne et l’Alsace. Ce serait le dĂ©but du dĂ©membrement silencieux de la nation française, d’une RĂ©publique Ă  la carte dans laquelle chaque territoire choisirait ce qui l’arrange et se dĂ©lesterait du reste.

La quĂȘte d’une paix superficielle est prĂȘte Ă  tout concĂ©der pour calmer des aspirations qui flirtent avec l’indĂ©pendantisme. Mais la paix achetĂ©e au prix de l’unitĂ© nationale n’est qu’une paix est fragile, une illusion de stabilitĂ©. Ce que l’on sacrifie au nom de la technique politicienne, on le paiera demain au prix de la cohĂ©sion nationale.

Le Rassemblement national dĂ©fend une autre vision : celle d’une RĂ©publique enracinĂ©e dans ses territoires, mais debout, forte, cohĂ©rente, une RĂ©publique qui respecte les identitĂ©s locales sans jamais renier son unitĂ©, une RĂ©publique qui dialogue, mais ne se divise pas ; celle d’un État fort, juste, capable de reconnaĂźtre les spĂ©cificitĂ©s sans abdiquer ses principes.

Nous disons oui Ă  l’adaptation, non Ă  la sĂ©paration. Oui Ă  la reconnaissance, non au dĂ©sengagement de l’État. Oui Ă  la fiertĂ© corse, non Ă  l’exception permanente.

Quant Ă  la volontĂ© du gouvernement de renforcer le rĂŽle des intercommunalitĂ©s, nous la refusons fermement. La Corse, comme le reste de la France, a besoin de proximitĂ© et de dĂ©mocratie locale, lesquelles passent par la commune, pas par des structures technocratiques Ă©loignĂ©es des citoyens. C’est Ă  l’échelon communal que bat le cƓur dĂ©mocratique de notre pays.

Enfin, concernant les modalités de représentation, nous serons vigilants à ce que la diversité des sensibilités politiques corses soit respectée. Le mode de scrutin devra garantir un juste équilibre entre les voix, et éviter toute confiscation de la démocratie locale par une majorité artificielle.

Notre ligne est claire. Respecter la Corse, oui ; cĂ©der Ă  l’autonomie, non ; dĂ©fendre la RĂ©publique, toujours !

M. StĂ©phane Mazars (EPR). Ce rapport constitue une nouvelle Ă©tape depuis l’engagement du « processus de Beauvau Â». AprĂšs le meurtre d’Yvan Colonna en dĂ©tention, en mars 2022, l’üle a connu une explosion de violences et les revendications autonomistes, voire indĂ©pendantistes, ont Ă©tĂ© ravivĂ©es, notamment par la jeunesse.

Le « processus de Beauvau Â» a permis un dialogue Ă©troit et constructif entre les Ă©lus corses de toute sensibilitĂ© et l’État. Il a permis, en mars 2024, l’adoption par l’AssemblĂ©e de Corse d’une dĂ©libĂ©ration comportant un projet d’écriture relatif Ă  la rĂ©vision de la Constitution et proposant un statut d’autonomie de l’üle au sein de notre RĂ©publique. Cette dĂ©libĂ©ration est le fruit d’un large consensus, puisqu’une seule voix s’y est opposĂ©e.

Ce consensus nous oblige. C’est dans ce mĂȘme esprit de responsabilitĂ© et de coconstruction que les travaux de la mission d’information se sont inscrits. Je salue le travail de notre prĂ©sident-rapporteur Florent BoudiĂ©, qui a tenu Ă  dialoguer avec toutes les sensibilitĂ©s politiques et forces vives de l’üle, en respectant les diffĂ©rents courants politiques et idĂ©ologiques de notre assemblĂ©e. Durant quatre mois, ces travaux nous ont permis d’auditionner plus de 110 personnes. La mission s’est dĂ©placĂ©e en Corse en fĂ©vrier pour mesurer au plus prĂšs du terrain ses rĂ©alitĂ©s gĂ©ographiques et ses spĂ©cificitĂ©s historiques et culturelles.

Ce sera aux parlementaires de dĂ©cider de l’avenir institutionnel de la Corse, d’abord dans le cadre d’une loi constitutionnelle lui confĂ©rant un statut particulier, puis dans une loi organique dĂ©finissant le pĂ©rimĂštre et les modalitĂ©s du pouvoir normatif confiĂ© Ă  cette collectivitĂ© – Ă©tant acquis que le domaine du rĂ©galien restera dans les mains de l’État.

Le groupe Ensemble pour la RĂ©publique estime que ce rapport reflĂšte l’esprit du « processus de Beauvau Â» et le cadre fixĂ© par le prĂ©sident de la RĂ©publique lorsqu’il Ă©voquait un statut d’autonomie au sein de la RĂ©publique. Aussi voterons-nous pour sa publication.

Pour terminer, permettez-moi d’exprimer l’émotion qui a Ă©tĂ© la mienne lors de la cĂ©rĂ©monie d’hommage au prĂ©fet Ă‰rignac, qui s’est tenue Ă  Ajaccio le 6 fĂ©vrier et Ă  laquelle j’ai eu l’honneur de participer, avec mes collĂšgues dĂ©putĂ©s membres de la mission d’information et aux cĂŽtĂ©s des Ă©lus corses. C’est Ă  ce moment que j’ai le mieux mesurĂ© l’impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© d’écrire une nouvelle page de l’histoire et de l’avenir de la Corse, au sein de notre RĂ©publique.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. En effet, la commĂ©moration du 6 fĂ©vrier, durant laquelle nous avons honorĂ© le nom du prĂ©fet Ă‰rignac au nom de la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale, a Ă©tĂ© un moment particuliĂšrement fort.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Le rapport de la mission d’information marque la relance attendue d’un dialogue institutionnel interrompu par la dissolution de l’AssemblĂ©e nationale. La mission antĂ©rieure, conduite par notre collĂšgue Jean-FĂ©lix Acquaviva, suivait une ambition plus large, dĂ©passant la seule question du statut constitutionnel. Bien que le pĂ©rimĂštre de la mission actuelle ait Ă©tĂ© plus limitĂ©, notre groupe parlementaire a pleinement contribuĂ© aux travaux engagĂ©s.

Au prĂ©alable, je veux rappeler l’attachement historique de notre mouvement politique Ă  l’unitĂ© et Ă  l’indivisibilitĂ© de la RĂ©publique. On nous caractĂ©rise souvent de jacobins, Ă  juste titre. Mais souvent, on caricature le jacobinisme comme la toute-puissance de l’État central sur la dĂ©mocratie locale. Ce sont pourtant les jacobins qui consacrent les libertĂ©s et la dĂ©mocratie locale. Nous poursuivons l’idĂ©al d’effectivitĂ© de l’égalitĂ© rĂ©publicaine, dont nous pensons qu’elle peut s’obtenir par la subsidiaritĂ© et l’autonomie laissĂ©e au local sous le contrĂŽle de l’État central. Notre groupe parlementaire s’inscrit dans une conception rĂ©aliste et vivante de la RĂ©publique, attentive Ă  l’effectivitĂ© de sa devise LibertĂ©, ÉgalitĂ©, FraternitĂ© pour chacun, partout sur le territoire.

Depuis les annĂ©es 1980, la Corse suit une trajectoire d’émancipation dĂ©mocratique singuliĂšre, construite pas Ă  pas. Cette Ă©volution met en lumiĂšre les limites d’un modĂšle centralisĂ© qui, malgrĂ© les rĂ©formes successives, s’est montrĂ© incapable de rĂ©pondre efficacement aux dĂ©fis structurels de l’üle – coĂ»t de la vie Ă©levĂ©, faibles revenus, dĂ©gradation des Ă©tablissements de santĂ©, prĂ©caritĂ© du logement, inĂ©galitĂ©s sociales persistantes. La rĂ©alitĂ© appelle une rĂ©ponse institutionnelle Ă  la hauteur de ces enjeux.

Un moment charniĂšre s’exprime en Corse, qui teste notre capacitĂ© collective Ă  entendre des revendications lĂ©gitimes et Ă  faire fonctionner la RĂ©publique française dans sa diversitĂ© – une forme de crĂ©olisation territoriale.

Depuis 2015, les autonomistes corses disposent d’un mandat dĂ©mocratique clair pour dĂ©fendre et nourrir un dialogue institutionnel exigeant avec les gouvernements successifs. Ce mandat rĂ©guliĂšrement renouvelĂ© dans les urnes ne peut plus ĂȘtre ignorĂ©. Le refus de reconnaissance ou le dĂ©ni institutionnel s’apparente Ă  une forme de maltraitance dĂ©mocratique qui doit dĂ©sormais cĂ©der la place Ă  une solution politique nouvelle, ambitieuse et apaisĂ©e, car nul n’ignore les fortes tensions qui s’expriment sur l’üle.

Je rends hommage Ă  Pierre Alessandri, agriculteur corse assassinĂ© en mars, dont l’engagement syndical contre les spĂ©culations fonciĂšres, les fraudes et les pratiques mafieuses force le respect. Son combat pour une Corse juste, solidaire et enracinĂ©e dans la lĂ©galitĂ© rĂ©publicaine ne doit pas ĂȘtre oubliĂ©.

Ne pas apporter de rĂ©ponse, alors que l’histoire, la dĂ©mocratie et les urgences sociales l’exigent, serait une faute politique, un acte d’abandon envers les habitants de l’üle fiĂšrement attachĂ©s Ă  la RĂ©publique chĂšre Ă  Pascal Paoli, mais dĂ©sireux qu’elle les reconnaisse pleinement.

L’évolution constitutionnelle du statut de la Corse s’impose comme une nĂ©cessitĂ©. Elle seule peut rĂ©pondre aux spĂ©cificitĂ©s culturelles, historiques et gĂ©ographiques de l’üle, ainsi qu’aux aspirations lĂ©gitimes de sa population.

MalgrĂ© plusieurs rĂ©formes, le cadre institutionnel reste inadaptĂ©. Il ne permet ni un pilotage efficace du dĂ©veloppement Ă©conomique, social et environnemental ni une vĂ©ritable autonomie d’action. Il est temps de franchir une nouvelle Ă©tape.

L’accĂ©lĂ©ration du « processus de Beauvau Â» ne s’est pas faite de bon grĂ©, mais en raison des suites de l’assassinat d’Yvan Colonna Ă  la prison d’Arles, le 2 mars 2022. Il faut ĂȘtre lucide et honnĂȘte : trois ans plus tard, les braises d’un nouveau cycle de violences sont encore prĂ©sentes si aucun dĂ©bouchĂ© politique pacifiĂ© n’est apportĂ©.

Le changement enverrait un signal fort en faveur de la dĂ©mocratie locale, du respect des territoires et de l’efficacitĂ© de l’action politique. Il n’en reste pas moins que des points de vigilances doivent ĂȘtre Ă©noncĂ©s de maniĂšre claire et responsable.

Toute Ă©volution du statut de la Corse doit intĂ©grer des clauses de non-rĂ©gression sociale et environnementale, appuyĂ©es par des mĂ©canismes juridiques solides garantissant la prĂ©servation et l’amĂ©lioration des acquis.

D’abord, cette exigence, conforme Ă  l’esprit de la rĂ©solution « Autonomia Â», premiĂšre proposition votĂ©e Ă  l’AssemblĂ©e de Corse, vise Ă  protĂ©ger les droits fondamentaux tout en respectant les cadres constitutionnel, europĂ©en et international. Nous ne voulons pas de dumping social ou fiscal. Pour nous, l’autonomie est une invitation Ă  faire mieux.

Ensuite, nous restons sceptiques quant Ă  la formulation proposĂ©e concernant l’attachement particulier Ă  la terre. La transformation du possessif « sa Â» en l’article dĂ©fini « la Â» nous convient mieux, car nous ne voyons pas la plus-value du rapport dans la prĂ©cision du caractĂšre insulaire de la Corse, qui Ă©vite toute interprĂ©tation potentiellement ethniciste du peuple corse.

Enfin, le fait que le domaine rĂ©galien ainsi que les contrĂŽles du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État ne soient pas dĂ©lĂ©guĂ©s, dans la proposition d’écriture constitutionnelle, est une garantie importante de l’attachement de la Corse Ă  la RĂ©publique.

Mme ValĂ©rie Rossi (SOC). Bien que dĂ©putĂ©e des Hautes-Alpes, je suis une Corse de la diaspora, attachĂ©e Ă  cette Ăźle et soucieuse de son avenir.

Le rapport aborde divers sujets, du statut de la langue corse au traitement des dĂ©chets, en passant par l’évolution de la collectivitĂ© de Corse, avec l’ouverture d’un droit renforcĂ© Ă  la diffĂ©renciation. Si certaines de ses recommandations dĂ©pendent de l’adoption d’une loi organique, d’autres dĂ©pendent de celle d’une loi constitutionnelle.

Concernant les recommandations portant sur les dispositions du projet d’écriture constitutionnelle, notre groupe porte un intĂ©rĂȘt Ă  deux types de mesures : d’un cĂŽtĂ©, celles qui proclament l’existence d’une communautĂ© historique, linguistique et culturelle, ou qui reconnaissent le lien singulier de la Corse Ă  sa terre, rĂ©sultant notamment des contraintes gĂ©ographiques et fonciĂšres attachĂ©es Ă  sa condition insulaire ; de l’autre, celles qui entendent tirer les consĂ©quences de cette singularitĂ© en ouvrant le droit Ă  la diffĂ©renciation, soit la possibilitĂ© pour la collectivitĂ© de Corse d’adapter les lois ou les rĂšglements dans ses domaines de compĂ©tence. Le groupe Socialistes et apparentĂ©s a dĂ©jĂ  dĂ©fendu des initiatives en la matiĂšre, notamment Ă  travers l’engagement de Serge Letchimy.

Le principe d’indivisibilitĂ© de la RĂ©publique ne doit pas nous condamner Ă  l’uniformitĂ©.

Par ailleurs, indĂ©pendamment de la qualitĂ© du travail conduit par la mission d’information, une question se pose quant Ă  la temporalitĂ© de la consultation des Ă©lecteurs corses. Votre rapport, monsieur le prĂ©sident, prĂ©conise une consultation aprĂšs l’adoption de la loi constitutionnelle et avant celle de la loi organique. Pourtant, l’essentiel de la rĂ©forme sera dans le texte constitutionnel. Ce sujet a nourri une controverse, dont votre rapport s’est fait l’écho. Pour Paul-Marie Bartoli, maire de Propriano, la consultation des Ă©lecteurs corses aurait davantage de sens si elle Ă©tait organisĂ©e avant l’examen du projet de loi constitutionnelle, aprĂšs l’avis du Conseil d’État sur le texte et avant le dĂ©pĂŽt du texte au Parlement.

Puisque le rapport Ă©voque la nĂ©cessitĂ© d’une consultation postĂ©rieure Ă  la rĂ©forme constitutionnelle, quelle a Ă©tĂ© la motivation de ce choix ? Une autre temporalitĂ© est-elle envisageable ?

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Le dĂ©centralisateur convaincu que je suis est, depuis fort longtemps, favorable Ă  une Ă©volution institutionnelle pour la Corse. Notre pays, c’est son histoire, est d’une culture centralisatrice et la dĂ©centralisation rĂ©clamĂ©e par nos territoires n’y progresse que trop lentement.

Le rapport tente d’apporter des rĂ©ponses pour le futur statut de la Corse.

Le statut de rĂ©sidence, et non de rĂ©sident, permettra de favoriser la population vivant Ă  l’annĂ©e sur l’üle et de ne pas entrer dans une sectorisation des habitants de la Corse – sujet qui concerne aussi d’autres territoires de la France â€“, sans remettre en cause le tourisme, qui reprĂ©sente 40 % du PIB de l’üle.

Le rapport vise aussi la dĂ©fense et la culture de la langue corses, qui en ont bien besoin Ă  l’instar d’autres territoires de la RĂ©publique. Sans mettre en cause la langue nationale qui nous unit, nous avons besoin de cette richesse des langues qui parcourent notre territoire.

Il propose une modification du mode électoral, qui inclura une forme de territorialisation dont nous avons besoin avec la réforme des conseils départementaux, qui a fait disparaßtre toute proximité des habitants de la Corse avec leurs élus.

L’üle gagnerait Ă  se voir doter d’une libertĂ© dans tous ces domaines. NĂ©anmoins, il en est d’autres dans lesquels cette libertĂ© d’agir interviendrait au dĂ©triment de la Corse et des Corses.

TransfĂ©rer un pouvoir normatif ou, pire, lĂ©gislatif Ă  la collectivitĂ© de Corse, sans le contrĂŽle d’une Ă©manation mĂȘme simplifiĂ©e du Parlement, serait irresponsable. Les dĂ©rives mafieuses et la violence dĂ©bridĂ©e Ă  l’Ɠuvre sur l’üle entraĂźneraient des pressions terribles sur les Ă©lus ayant exercĂ© cette responsabilitĂ© et dĂ» prendre des dĂ©cisions lourdes de consĂ©quences pour leur population, parfois dans le seul intĂ©rĂȘt d’une minoritĂ©. Ces derniĂšres semaines, pour mĂ©moire, un syndicaliste agricole, Pierre Alessandri, et une jeune femme de 19 ans, ChloĂ©, vivant dans ma circonscription, sont tombĂ©s sous les balles de tueurs sanguinaires – sans compter les incendies, les destructions volontaires et les innombrables intimidations. Et ce, alors que l’État n’a jamais Ă©tĂ© aussi prĂ©sent et que le procĂšs des mis en cause du « Petit Bar Â» est en cours.

Les pouvoirs et prĂ©rogatives habituellement dĂ©diĂ©s aux mĂ©tropoles et qui seraient pour partie octroyĂ©s aux communes urbaines de Bastia et d’Ajaccio occasionneraient une rupture avec les autres territoires de l’üle. Que resterait-il Ă  nos territoires ruraux ? Que dirait-on Ă  la population de l’intĂ©rieur, la plus pauvre et la plus ĂągĂ©e de l’üle : qu’elle a Ă©tĂ© abandonnĂ©e dans l’intĂ©rĂȘt des deux mĂ©tropoles ? PlutĂŽt que de corriger les effets dĂ©lĂ©tĂšres de la suppression des conseils dĂ©partementaux, on aggraverait une fracture territoriale dĂ©jĂ  bien Ă©tablie, dans un territoire dont la topographie oblige Ă  compter un temps de trajet plutĂŽt qu’en kilomĂštres.

Notre rapport prĂ©cise que la consultation des Corses doit ĂȘtre le prĂ©alable Ă  la concrĂ©tisation de ce projet d’autonomie. Il ne peut en ĂȘtre autrement, et je fĂ©licite notre commission de l’avoir prĂ©cisĂ©. Je partage Ă©galement les propos de ma collĂšgue concernant la temporalitĂ© : le bon sens voudrait que l’on consulte les Corses avant que la Constitution ne soit modifiĂ©e.

Enfin, pour conclure sur un aspect positif, la clause de non-rĂ©gression est de nature Ă  rassurer les Corses, qui sont inquiets Ă  l’idĂ©e que l’autonomie pourrait se traduire par un dĂ©classement pour certains.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra avec vigilance, pour ne pas fermer la porte Ă  une rĂ©forme plus sĂ©curisĂ©e et plus Ă©quilibrĂ©e que le Parlement dĂ©ciderait dans l’intĂ©rĂȘt de la Corse et des Corses.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Il ne s’agit pas de voter sur le contenu du rapport, ce que les membres de la mission d’information ont fait, mais sur sa publication.

Mme Sandra Regol (EcoS). Les Ăźles europĂ©ennes de MĂ©diterranĂ©e ont toutes un statut particulier et d’autonomie, Ă  l’exception de la Corse oĂč les droits ne sont pas les mĂȘmes qu’ailleurs. Les tentatives ont Ă©tĂ© nombreuses pour avancer – en 1982, en 1991, en 2022 â€“ et accorder Ă  cette derniĂšre quelques pouvoirs supplĂ©mentaires. Mais le cycle de violence et de paix n’en finit pas de repartir et, malheureusement, c’est encore une fois un dĂ©ferlement de violences qui a fait rĂ©agir le gouvernement. Ce cercle vicieux atteint directement les Corses, les appauvrit et les insĂ©curise. Il est temps de parvenir Ă  le briser.

La peur existe qu’en donnant plus de droits et de moyens, la France explose. Elle serait si fragile qu’en accordant des droits particuliers Ă  certains, son unitĂ© et sa capacitĂ© Ă  faire pays et Ă  faire peuple exploseraient. Ceux-lĂ  ont sans doute une vision affaiblie de la France. Pour ma part, je la vois forte, fiĂšre et diverse.

Je suis une Ă©lue alsacienne qui parle avec l’accent du Sud. Si nos accents sont diffĂ©rents, c’est parce qu’ils sont fondĂ©s sur des langues locales - diversitĂ©. Si vous ĂȘtes fiers de vos rĂ©gions, c’est parce qu’il existe une culture locale, que vous valorisez et qui n’est pas seulement celle de la France, mais aussi celle du lieu oĂč vous habitez ou dans lequel vous avez Ă©tĂ© Ă©lu. C’est aussi cette fiertĂ© qui fait la publicitĂ©, le tourisme et l’attraction de notre pays. Bref, chers collĂšgues, vous utilisez au quotidien cette diversitĂ© de la France plurielle. Vous en faites mĂȘme un argument pour parler Ă  vos Ă©lecteurs. Aussi est-il dommage que, dĂšs qu’il s’agit de la reconnaĂźtre, il n’y a plus grand-monde.

Au niveau europĂ©en aussi, la diversitĂ© est notre devise. C’est ce qui nous unit. C’est ce qui fait que nous sommes plus forts quand des pays comme la Russie ou les États-Unis tentent d’attenter Ă  nos valeurs et Ă  ce que nous sommes.

Du local au global, la diversitĂ© est plutĂŽt une force qu’un facteur d’appauvrissement – sauf pour ceux qui en ont une faible idĂ©e. Ce rapport a d’ailleurs Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dans l’écoute des diffĂ©rents avis, ce qui fait son intĂ©rĂȘt. Son contenu n’est ni mon avis ni celui de mon collĂšgue Ceccoli. Pourtant, nous y trouvons un peu de ce que nous dĂ©fendons. De fait, le rapport se fonde sur un choix collectif : celui de l’AssemblĂ©e de Corse, qui a votĂ© Ă  l’unanimitĂ© pour une disposition qui permette enfin d’avancer. Il est temps de respecter cette notion collective.

Cette proposition va dans le sens de l’égalitĂ© et permettra de mieux respecter le peuple corse.

C’est aussi une avancĂ©e historique. La France est faite de ses rĂ©volutions. Or voilĂ  bien longtemps qu’il n’y a pas eu de transformation vectrice de fiertĂ©. Donner un statut Ă  la Corse, aprĂšs ceux des Ăźles situĂ©es hors du territoire europĂ©en, serait peut-ĂȘtre l’avancĂ©e qui nous manque.

Il ne s’agit ici que de valider la publication du rapport. Nous aurons tout le temps de nous battre ensuite.

Mme AgnĂšs Firmin Le Bodo (HOR). Je salue le travail rigoureux, menĂ© dans un profond respect en mesurant les enjeux et les attendus de cette mission d’information.

Ce rapport est d’autant plus bienvenu qu’il apporte de la clartĂ© lĂ  oĂč il y avait, depuis des annĂ©es, certaines ambiguĂŻtĂ©s. Autonomie, pouvoir normatif, statut particulier : ces notions rĂ©guliĂšrement invoquĂ©es dans le dĂ©bat sur la Corse sont souvent restĂ©es floues, sujettes Ă  interprĂ©tation, parfois mĂȘme instrumentalisĂ©es ou caricaturĂ©es.

Le groupe Horizons & indĂ©pendants a toutefois besoin de prĂ©cisions supplĂ©mentaires. J’associe Ă  cette demande notre collĂšgue Xavier Lacombe, dĂ©putĂ© de Corse. D’abord, le rapport souhaite une avancĂ©e rapide des travaux. Auriez-vous des Ă©lĂ©ments relatifs au calendrier transmis par le gouvernement ? Ensuite, sur quoi la consultation des Ă©lecteurs corses pourrait-elle porter : la seule reconnaissance constitutionnelle ou l’ensemble du projet, compĂ©tences incluses ?

Ce rapport constitue un travail prĂ©cieux, qui trouvera toute sa place dans les discussions Ă  venir. Notre groupe continuera d’y prendre sa part et votera pour la publication du rapport.

M. Paul Molac (LIOT). Le statut d’autonomie est rĂ©clamĂ© par la sociĂ©tĂ© corse. En tĂ©moignent nos auditions du monde Ă©conomique, des syndicats CGT et CFDT, des partis politiques et des Ă©lus, mais aussi le vote des citoyens.

Dans cette Ăźle qui cumule des difficultĂ©s gĂ©ographiques, avec un littoral et des zones montagneuses, 38 % du PIB vient du tourisme. L’économie de la Corse est donc largement sous dĂ©pendance, avec un statut de centralisation. Contrairement Ă  l’argument parfois avancĂ©, ce statut n’a pas permis Ă  l’üle de rĂ©soudre ses problĂšmes, bien au contraire. Certains avancent aussi l’argument de l’égalitĂ©, mais il existe une diffĂ©rence entre l’égalitĂ© rĂ©elle et l’égalitĂ© de façade. Je veux l’égalitĂ© pour la Corse. Elle est demandĂ©e par les Corses.

Un dialogue a Ă©tĂ© organisĂ©, qui a donnĂ© lieu Ă  des propositions. D’aucuns trouveront qu’elles vont trop loin, d’autres pas assez. Mais, dĂšs lors qu’un accord a Ă©tĂ© trouvĂ©, il faut le valider.

L’autonomie n’est pas l’indĂ©pendance. Le statut d’autonomie est-il un objet politique non identifiĂ© ? C’est la rĂšgle en Europe occidentale. Tous les pays qui nous entourent sont soit des États fĂ©dĂ©raux, soit des États qui fonctionnent avec des autonomies rĂ©gionales. La Corse est donc une exception, dans la MĂ©diterranĂ©e.

On nous dit que nous allons ouvrir la boĂźte de Pandore. L’Europe compte 124 nationalitĂ©s, dont un certain nombre en France mĂȘme si elles ne sont pas juridiquement reconnues. Or, Ă  ma connaissance, seules deux demandes d’indĂ©pendance ont Ă©tĂ© formulĂ©es – par la Catalogne et par l’Écosse. Depuis, il semble que les choses se soient tassĂ©es. Donc dans cette boĂźte de Pandore, il n’y a visiblement rien ! En effet, les gens sont attachĂ©s tant Ă  l’unitĂ© de leur pays qu’à l’unitĂ© europĂ©enne. Ainsi, ce qui est proposĂ© dans le rapport est du bon sens, et permettra Ă  la France de ne plus ĂȘtre une exception. En revanche, si nous bloquons la sociĂ©tĂ© corse, nous irons au-devant d’importants problĂšmes.

Concernant le changement de statut de la Nouvelle-CalĂ©donie, nous avons pris un risque que j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que nous ne prenions pas. Il ne saurait y avoir une telle diffĂ©rence – pour ne pas dire un abĂźme â€“ entre ce que veulent les Corses et ce que nous sommes capables d’entendre. Sinon, oĂč est la dĂ©mocratie ? Bien sĂ»r, il faut des garde-fous. Ils sont prĂ©vus et nous pourrons les prĂ©ciser dans la loi organique.

Notre groupe est favorable Ă  la publication du rapport, que je conseille Ă  tout le monde de lire : il ne comporte rien de rĂ©volutionnaire, il est de bon sens et ouvre la voie Ă  des amĂ©liorations pour la Corse.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Si la publication du rapport ne pose pas question, nous souhaitons que les dĂ©bats sur l’avenir institutionnel de la Corse se poursuivent ensuite. Au sein du groupe GDR, la composante communiste et la composante ultramarine dĂ©battent aussi entre elles et continueront Ă  le faire : cette transparence dĂ©mocratique est importante.

Il existe aussi des points de convergence entre nous, comme la nĂ©cessitĂ© de ne pas ignorer la question sociale. En effet, la pauvretĂ©, les inĂ©galitĂ©s croissantes, la spĂ©culation de la violence, le chĂŽmage et les bas salaires touchent particuliĂšrement les Corses. De grandes fortunes, parfois et mĂȘme souvent mal acquises, s’étalent aussi avec insolence en Corse. Ce sont autant de questions dont nous souhaitons pouvoir dĂ©battre. Nous ne devons pas non plus ignorer celle de la criminalitĂ© organisĂ©e, qui entend continuer Ă  investir les institutions.

Nous sommes Ă©galement d’accord pour considĂ©rer qu’il est nĂ©cessaire d’associer l’ensemble de la population corse aux dĂ©bats.

Par ailleurs, nous Ă©mettons des rĂ©serves concernant le statut d’autonomie – pas sur la spĂ©cificitĂ© de la Corse, qui est une rĂ©alitĂ© et que nous soutenons. À cet Ă©gard, je rappelle que les communistes de Corse ont contribuĂ© au dĂ©veloppement de l’apprentissage de la langue corse dans les Ă©coles publiques.

Enfin, nous tenons au principe de non-rĂ©gression sociale, d’autant qu’il y a quelques annĂ©es, un patronat corse avait souhaitĂ© instaurer un smic corse infĂ©rieur Ă  celui du continent. Pour nous, c’est une ligne rouge.

Nous voterons pour la publication du rapport et nous sommes favorables à la poursuite du débat.

Mme Brigitte BarĂšges (UDR). Ă€ mon tour, je vous adresse un concert de louanges pour la qualitĂ© de ce rapport exhaustif et Ă©clairant. Cela tient, je pense, au nombre d’auditions que vous avez conduites.

NĂ©anmoins, ce rapport soulĂšve des interrogations. Certes, la Corse prĂ©sente des spĂ©cificitĂ©s et il est juste d’adapter certaines politiques publiques Ă  sa rĂ©alitĂ© insulaire, culturelle, linguistique et Ă©conomique. Cela a Ă©tĂ© largement reconnu Ă  travers les Ă©volutions successives du statut depuis 1982. Mais nous observons un basculement. DerriĂšre l’expression « statut d’autonomie au sein de la RĂ©publique Â», des transferts de compĂ©tences d’une ampleur inĂ©dite se profilent, avec une reconnaissance constitutionnelle diffĂ©renciĂ©e et une consultation populaire. Cela ressemble moins Ă  une adaptation qu’à une mise Ă  distance du droit commun.

Dans un contexte de fortes tensions pesant sur l’unitĂ© nationale et de revendications identitaires dans d’autres territoires, nous devons ĂȘtre prudents et lucides. L’autonomie corse telle qu’envisagĂ©e ici interroge directement l’indivisibilitĂ© de la RĂ©publique, Ă  laquelle nous sommes tous attachĂ©s dans cette enceinte et qui est inscrite Ă  l’article 1er de notre Constitution.

Tout en reconnaissant la qualitĂ© du travail menĂ©, notre groupe s’abstiendra, tant sur la publication que sur les recommandations du rapport, car nous ne voulons pas ouvrir une brĂšche que certains pourraient transformer en prĂ©cĂ©dent.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Je regrette les abstentions sur la publication du rapport, qui dresse l’état des lieux de l’ensemble des points de vue. Tous se sont exprimĂ©s et les votes ont permis Ă  chaque groupe d’affirmer la position de celui qui l’a reprĂ©sentĂ© dans la mission d’information. C’est pousser loin la transparence. Il est d’ailleurs inĂ©dit, sous la Ve RĂ©publique, qu’une mission d’information fasse procĂ©der au vote de ses membres sur ses conclusions, pour que la publication ne fasse pas dĂ©bat.

Chaque position est exposĂ©e, visible, rĂ©pertoriĂ©e. J’ai mĂȘme accordĂ© la possibilitĂ© Ă  ceux qui avaient votĂ© contre une disposition d’en expliquer la raison, car il ne s’agissait pas toujours d’un non dĂ©finitif ou de principe.

Je ne peux donc, aprĂšs vos nombreuses louanges, que vous encourager Ă  voter la publication de ce rapport.

Mme Brigitte BarĂšges (UDR). Je retire notre position d’abstention concernant la publication du rapport.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Merci.

M. StĂ©phane Rambaud (RN). Est-il possible de changer de position de vote au sujet d’une des recommandations du rapport ?

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. C’est un peu gĂȘnant, d’autant que le vote s’est dĂ©roulĂ© durant une dizaine de jours. Par ailleurs, la prĂ©sentation des rapports des missions d’information ne fait habituellement pas l’objet de compte rendu, mĂȘme si j’ai souhaitĂ© qu’il y en ait un aujourd’hui compte tenu de la sensibilitĂ© et de l’importance de la question de l’avenir institutionnel de l’üle. Peut-ĂȘtre pouvez-vous prĂ©ciser l’un de vos votes, si vous l’estimez nĂ©cessaire.

M. StĂ©phane Rambaud (RN). Je m’étais abstenu sur le point 5, car il Ă©tait construit en deux parties : relatif au pouvoir normatif, il portait d’une part sur l’adaptation des normes, d’autre part sur celle des rĂšglements. Finalement, c’était un vote contre et non une abstention.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Ce sera rectifiĂ©.

Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous souhaitons que ce texte puisse poursuivre sa trajectoire lĂ©gislative, parce qu’il apporte une rĂ©ponse Ă  la situation particuliĂšre de la Corse – sur le plan gĂ©ographique, mais aussi du fait de ses structures d’économie dominĂ©e, de sa spĂ©culation galopante, de sa situation d’acculturation avancĂ©e, de ses difficultĂ©s sociales. Nous souhaitons amĂ©liorer cette situation. Nous ne sommes pas ici pour faire de la rĂ©gression sociale. On a souvent opposĂ© l’argument du confort moderne, mais si les rĂ©frigĂ©rateurs Ă©taient pleins, on ne serait pas en train de traiter de la question corse.

Aussi le texte constitutionnel et les lois organiques devront-ils prĂ©voir de rĂ©elles compĂ©tences, de nature lĂ©gislative et rĂ©glementaire, aptes Ă  amĂ©liorer les rĂ©alitĂ©s Ă©conomique, sociale et culturelle de l’üle, dans l’esprit de la dĂ©libĂ©ration adoptĂ©e par l’AssemblĂ©e de Corse.

Je ne m’exprimerai pas sur le mode de scrutin ou sur la mĂ©tropolisation, vous connaissez ma position. En revanche, j’insiste sur le caractĂšre profondĂ©ment politique du sujet, qui naĂźt du lien historique, continu et fusionnel du peuple corse avec sa terre. Nous avons une vie de militantisme, des gĂ©nĂ©rations entiĂšres qui ont fait tant de sacrifices pour que vive et survive ce peuple.

Je connais les rĂ©ticences, les craintes et les oppositions que suscite toute idĂ©e de dĂ©centralisation. Nous sommes persuadĂ©s que la France ne serait en rien affaiblie par une reconnaissance plus concrĂšte de sa diversitĂ©, qui fait sa richesse. Pour ce qui est de la Corse, par ce qu’elle est, par ce qu’elle reprĂ©sente et par ses particularitĂ©s, la reconnaissance s’impose. La nĂ©gation institutionnelle que nous avons connue jusqu’ici n’a apportĂ© que des frustrations, de la violence et de la prĂ©caritĂ© sociale.

Alors que tant de sacrifices ont Ă©tĂ© consentis par tant de gens, depuis tant de temps, nous avons la volontĂ© de voir reconnue la dimension Ă©minemment politique de la question corse. Notre espoir est de voir, enfin, la Corse ouvrir un nouveau chapitre de sa longue histoire. Je vous demande, Ă  tous, de vous imprĂ©gner de cet impĂ©ratif, de la situation exacte de la Corse et de l’attente d’une majoritĂ© de Corses.

M. Paul-AndrĂ© Colombani (LIOT). Depuis plus de cinquante ans, la Corse cherche Ă  faire reconnaĂźtre ce qu’elle est – cinquante ans de conflits politiques et armĂ©s, cinquante annĂ©es marquĂ©es par trop de morts et de militants emprisonnĂ©s, et par un prĂ©fet assassinĂ©. Les violentes Ă©meutes qui ont suivi l’assassinat d’Yvan Colonna en prison nous ont douloureusement rappelĂ© que seul le respect de l’aspiration dĂ©mocratique des Corses permettra Ă  tout le monde de sortir de ce conflit par le haut.

Le « processus de Beauvau Â» a permis de dĂ©gager un compromis politique inĂ©dit entre l’État et les Ă©lus de Corse. Le prĂ©sident Emmanuel Macron a tracĂ© le chemin d’un statut d’autonomie dans la RĂ©publique. Ce chemin n’est pas une rupture. C’est la reconnaissance d’une rĂ©alitĂ© historique, culturelle, linguistique et gĂ©ographique que nul ne peut contester. En tant que lĂ©gislateur, notre travail sera de rĂ©ussir lĂ  oĂč les statuts prĂ©cĂ©dents ont Ă©chouĂ©, et de crĂ©er un cadre juridique qui permette de rĂ©pondre aux besoins quotidiens et aux aspirations des Corses.

Si la Corse veut dĂ©cider de son dĂ©veloppement, protĂ©ger sa langue, rĂ©guler le foncier et adapter son urbanisme, elle a besoin d’un vĂ©ritable pouvoir normatif, pas d’une simple facultĂ© d’expĂ©rimentation ou d’une adaptation Ă  la marge qu’il n’a fait ses preuves nulle part. Cela, sans toucher aux compĂ©tences rĂ©galiennes, dont la sociĂ©tĂ© corse attend qu’elles soient pleinement exercĂ©es – entre autres pour Ă©radiquer les phĂ©nomĂšnes mafieux qui menacent la vie Ă©conomique et sociale de l’üle. Nous attendons que soit introduite dans la Constitution la possibilitĂ© d’un statut d’autonomie propre, avec des compĂ©tences dĂ©finies par la loi organique.

Ce rapport reflĂšte le point d’équilibre qu’a su trouver la mission d’information, dont je salue la qualitĂ© d’écoute. Nous avons l’occasion, Ă  travers sa validation, de poser le premier jalon d’un avenir apaisĂ© et dĂ©mocratique pour la Corse.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). N’ayant pas pu terminer mon intervention, je prĂ©cise que notre groupe votera favorablement Ă  la publication de ce rapport, qui n’est pas un aboutissement, mais s’inscrit lucidement comme une Ă©tape vers l’inscription d’un statut spĂ©cifique dans la Constitution. Ce serait un acte fort de reconnaissance.

Notre groupe parlementaire soutient et partage les douze propositions formulĂ©es par notre collĂšgue et camarade Ugo Bernalicis.

M. Antoine LĂ©aument (LFI-NFP). Je souhaite apporter un Ă©lĂ©ment de rĂ©flexion Ă  ceux qui s’abstiendront en raison des principes rĂ©publicains – que je comprends â€“ d’unitĂ© et d’indivisibilitĂ©.

Je suis un dĂ©fenseur acharnĂ© de la pĂ©riode rĂ©volutionnaire, dont procĂšde l’AssemblĂ©e nationale, laquelle pĂ©riode a d’abord posĂ© le principe de l’égalitĂ© en droits – pas seulement des citoyens, mais de l’humanitĂ© tout entiĂšre. Nous, Français, dĂ©clarons que « tous les ĂȘtres humains naissent libres et Ă©gaux en dignitĂ© et en droits Â» et que « les distinctions sociales ne peuvent ĂȘtre fondĂ©es que sur l’utilitĂ© commune Â». Ce point de vue rĂ©publicain affirme que lorsqu’elle aboutit, notre Ă©galitĂ© est celle des citoyens : une personne Ă©gale une voix. Ce qui nous fonde comme Français est notre Ă©galitĂ© de citoyens dans la RĂ©publique. Que nous soyons corses, de La RĂ©union ou de n’importe oĂč sur le territoire de la RĂ©publique, une personne Ă©gale une voix dans l’isoloir.

C’est ce principe qu’il faut ĂȘtre capable de conserver. Je partage aussi l’avis de ma collĂšgue Faucillon, selon lequel on pourrait crĂ©er des droits sociaux diffĂ©rents, attachĂ©s Ă  des logiques rĂ©gionales. Le principe de la RĂ©publique une et indivisible est sauf quand la citoyennetĂ© est une et indivisible. C’est prĂ©cisĂ©ment ce dont il est question. Le rapport ne pose pas de problĂšme vis-Ă -vis de cette idĂ©e rĂ©publicaine centrale.

Non seulement nous voterons pour sa publication, mais nous en partageons un certain nombre de réflexions institutionnelles.

M. Ă‰ric Martineau (Dem). Nous regrettons de ne pas ĂȘtre intervenus au nom du groupe, mais nous saluons ce travail transpartisan. Nous voterons pour la publication du rapport.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Gabrielle Cathala et François-Xavier Ceccoli soutiennent l’idĂ©e d’une clause de non-rĂ©gression. J’ai essayĂ© de la dĂ©finir dans le corps du rapport, mĂȘme si elle ne figure pas dans les conclusions soumises au vote des membres de la mission d’information. Il n’est pas simple de la dĂ©finir et, si le dĂ©bat a lieu au Parlement, l’équilibre devra ĂȘtre trouvĂ© entre ce qui doit ĂȘtre une garantie et ce qui ne doit pas ĂȘtre un empĂȘchement Ă  agir, au moment oĂč l’autonomie pourrait ĂȘtre accordĂ©e Ă  la collectivitĂ© unique de Corse. C’est une rĂ©flexion et ce n’est pas, en soi, une prĂ©conisation.

Par ailleurs, ValĂ©rie Rossi et AgnĂšs Firmin Le Bodo m’ont interrogĂ© sur la temporalitĂ© de la consultation des Ă©lecteurs corses. Je ne peux que prendre acte, avec les membres de la mission d’information, que cette consultation des Ă©lecteurs inscrits sur les listes Ă©lectorales de Corse serait prĂ©vue dans la Constitution, comme le propose le texte adoptĂ© par l’AssemblĂ©e de Corse. Elle ne pourrait donc pas intervenir avant la rĂ©vision constitutionnelle.

Nous prĂ©conisons que cette consultation soit obligatoire, alors qu’elle serait facultative dans le projet d’écriture constitutionnelle. En outre, il nous semble indispensable qu’elle intervienne avant la loi organique. Il est difficile de dire sur quelle question prĂ©cise elle porterait, mais ce pourrait ĂȘtre sur le statut qui rĂ©sulterait de cette loi, en particulier le champ d’application du pouvoir normatif.

Concernant l’avancĂ©e des travaux, le Conseil d’État sera saisi dans les prochains jours. L’objectif, que je dĂ©fends, est que le projet de loi constitutionnelle soit dĂ©posĂ© devant le Parlement avant la fin de la session – ordinaire, c’est mon souhait, ou extraordinaire, ce qui serait un pis-aller mais me conviendrait aussi.

Enfin, la question des dĂ©rives mafieuses est importante. C’est la raison pour laquelle nous avons unanimement souhaitĂ© que les outils de lutte contre le crime organisĂ© continuent Ă  relever des missions rĂ©galiennes. À notre sens, cette question ne peut pas figurer dans les compĂ©tences de pouvoir normatif qui seraient exercĂ©es, le cas Ă©chĂ©ant, par la collectivitĂ© unique de Corse. Ces Ă©lĂ©ments majeurs, qui constituent le socle de la capacitĂ© d’action rĂ©publicaine, doivent ĂȘtre maintenus dans le giron de l’État – donc dĂ»ment inscrits dans la Constitution, dans les termes identiques Ă  ceux utilisĂ©s par l’article 73 pour les collectivitĂ©s territoriales qui en relĂšvent.

Nous allons maintenant procĂ©der au vote sur la publication du rapport de la mission d’information parlementaire sur l’avenir institutionnel de la Corse.

La commission Ă©met un avis favorable Ă  la publication du rapport de la mission d’information.

La rĂ©union est suspendue de dix heures trente-cinq Ă  dix heures cinquante.

*

*     *

Puis, la Commission examine la proposition de rĂ©solution tendant Ă  modifier le RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale afin de simplifier l’organisation de certains scrutins et l’examen des lois organiques (n° 1286) (M. Roland Lescure, rapporteur).

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. La proposition de rĂ©solution que nous examinons aujourd’hui a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e par la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale le 17 avril dernier, Ă  la suite d’un accord entre les prĂ©sidents des groupes parlementaires. J’ai Ă©tĂ© associĂ© Ă  la rĂ©flexion en tant que prĂ©sident de la commission des Lois et j’ai Ă©galement donnĂ© mon accord, Ă  titre personnel.

La modification proposĂ©e, essentiellement technique, sera discutĂ©e en sĂ©ance publique le 4 juin selon la procĂ©dure d’examen simplifiĂ©.

La commission des Lois est, par nature et par principe, chargĂ©e de l’examen des lois organiques, y compris lorsque leur champ d’application relĂšve d’une autre commission permanente. Aussi m’a-t-il semblĂ© qu’il n’était pas illĂ©gitime de considĂ©rer qu’il Ă©tait plus justifiĂ© et pertinent, dans la plupart des cas, que les commissions permanentes concernĂ©es par le champ d’application des lois organiques puissent les examiner avant leur passage en sĂ©ance.

M. Roland Lescure, rapporteur. Cette proposition de rĂ©solution visant Ă  modifier le RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e par la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale, YaĂ«l Braun-Pivet, qui a prĂ©sidĂ© notre commission des Lois de 2017 Ă  2022.

Les prĂ©sidents de groupes parlementaires se sont accordĂ©s pour adopter ce dispositif en l’état. Je salue ce travail. Si elle Ă©tait adoptĂ©e, cette rĂ©solution rendrait le fonctionnement de notre assemblĂ©e plus efficace.

Les deux anciens prĂ©sidents de la commission des Lois avec lesquels j’ai Ă©changĂ©, MM. Sacha HouliĂ© et Jean-Jacques Urvoas, ont reconnu l’intĂ©rĂȘt de cette disposition pour l’efficacitĂ© du travail parlementaire, mĂȘme si l’un deux a regrettĂ© que la commission se dĂ©partisse ainsi d’un monopole historique.

MĂȘme s’il ne s’agit pas d’une rĂ©forme d’ampleur de notre RĂšglement, nous continuons Ă  faire Ă©voluer nos rĂšgles lorsque c’est nĂ©cessaire, comme nous l’avons fait le 12 mars en adoptant Ă  l’unanimitĂ© la proposition de rĂ©solution de la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e et de notre collĂšgue SĂ©bastien Peytavie supprimant le vote par assis et levĂ©.

La prĂ©sente proposition vise Ă  simplifier deux procĂ©dures prĂ©vues par notre RĂšglement : l’examen des lois organiques et l’organisation de certains scrutins publics.

Son article 1er supprime le renvoi systĂ©matique des projets et des propositions de lois organiques Ă  la commission des Lois. Ce renvoi prĂ©vu Ă  l’article 36 du RĂšglement s’avĂšre parfois problĂ©matique, comme dans le cadre du pouvoir de nomination que le prĂ©sident de la RĂ©publique exerce, en application de l’article 13 de la Constitution, aprĂšs avis des commissions permanentes compĂ©tentes de chaque assemblĂ©e. En effet, il est de nature Ă  complexifier l’examen de ces textes qui ne sont souvent que la consĂ©quence d’un texte ordinaire votĂ© par une autre commission compĂ©tente sur le fond.

Sur les quatorze lois organiques modifiant la liste des fonctions et emplois visĂ©s par la loi organique du 23 juillet 2010, seules cinq portaient, Ă  leur dĂ©pĂŽt, sur des nominations relevant de la compĂ©tence de la commission des Lois – laquelle sera toujours amenĂ©e Ă  se prononcer sur ces changements. Les neuf autres lui ont Ă©tĂ© renvoyĂ©es sur le seul fondement de sa compĂ©tence en matiĂšre de lois organiques.

Lorsque j’étais ministre de l’industrie et de l’énergie, j’ai suivi la fusion entre l’AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (IRSN) : le projet de loi avait conduit la commission des Lois Ă  se prononcer, alors qu’il aurait Ă©tĂ© plus pertinent de l’examiner en commission des affaires Ă©conomiques, laquelle en avait Ă©tĂ© saisie au fond.

La situation est Ă©galement problĂ©matique pour l’examen des lois organiques relatives aux finances publiques et au financement de la sĂ©curitĂ© sociale, qui mĂšne quasi-systĂ©matiquement Ă  la crĂ©ation de commissions spĂ©ciales afin d’éviter que la commission des Lois se prononce seule.

Cette proposition de résolution permettra de simplifier ces procédures.

Ainsi, la modification de l’article 36 afin de supprimer la compĂ©tence systĂ©matique de la commission des Lois en matiĂšre de lois organiques conduira, en pratique, Ă  renvoyer ces textes Ă  la commission compĂ©tente en fonction de leur contenu, comme le fait le SĂ©nat. Elle prĂ©sentera aussi l’avantage de simplifier la constitution des commissions mixtes paritaires, jusqu’à prĂ©sent un peu baroque avec des sĂ©nateurs membres de la commission au fond et des dĂ©putĂ©s membres de la commission des Lois. Cette rĂ©forme n’aura donc pas d’impact significatif sur le volume d’activitĂ© de la commission des Lois et ne doit ainsi pas conduire Ă  une rĂ©duction des moyens humains et matĂ©riels affectĂ©s Ă  la commission.

Les articles 2 et 3 simplifient, quant Ă  eux, l’organisation de certains scrutins publics en sĂ©ance publique. Ils remplacent par un scrutin public Ă©lectronique le vote par scrutin public actuellement effectuĂ© dans les salons, d’une part lors de la derniĂšre lecture d’une loi organique, d’autre part lors d’un scrutin sur une dĂ©claration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution. Sur ce dernier point, nous alignons les rĂšgles de notre assemblĂ©e sur celles du SĂ©nat, qui procĂšde Ă  ce vote par scrutin public Ă©lectronique.

Cette modification des articles 65 et 132 du RĂšglement rĂ©duira la durĂ©e de ces scrutins d’une trentaine de minutes Ă  quelques secondes, grĂące au recours aux boĂźtiers individuels de vote. Elle simplifiera drastiquement leur organisation, qui nĂ©cessitent actuellement l’édition et la distribution de bulletins de vote dans les salons, ainsi que la tenue des bureaux de vote par les secrĂ©taires du bureau de l’AssemblĂ©e.

Continueront Ă  ĂȘtre organisĂ©s Ă  la tribune ou dans les salons les votes sur les nominations personnelles, qui sont secrets, ainsi que quelques scrutins publics – ceux visant Ă  demander la rĂ©union d’une session extraordinaire, en application de l’article 29 de la Constitution ; ceux effectuĂ©s lorsque le Gouvernement engage sa responsabilitĂ©, en application de l’alinĂ©a 1 de l’article 49 de la Constitution ; ceux sur le vote d’une motion de censure prĂ©vue aux alinĂ©as 2 et 3 de l’article 49 de la Constitution ; ceux sur l’adoption d’une motion autorisant l’adoption par le CongrĂšs d’un projet de loi autorisant l’adhĂ©sion d’un État Ă  l’Union europĂ©enne.

Je remercie la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale et les prĂ©sidents des groupes de s’ĂȘtre accordĂ©s sur cette proposition de rĂ©solution contribuant Ă  simplifier nos rĂšgles et Ă  moderniser notre institution.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie-France Lorho (RN). Cette proposition de rĂ©solution s’inscrit dans une simplification de la procĂ©dure lĂ©gislative que le groupe du Rassemblement national juge salvatrice. Alors que le volume des normes a connu une escalade de 84 % en vingt ans, toute simplification lĂ©gislative est nĂ©cessaire.

Le 3 avril, lors des assises de la simplification au SĂ©nat, le Premier ministre a appelĂ© de ses vƓux un retour Ă  l’essentiel qui se devait d’ĂȘtre au cƓur de la refondation de l’action publique. Pourtant, les statistiques communiquĂ©es par ses services contredisent cette aspiration. En un an, le nombre d’articles des textes en application – de la Constitution aux circulaires â€“ a crĂ» de 1,35 %. Il a grimpĂ© de 20 % en dix ans et de 53 % en vingt ans. Aussi cette proposition de rĂ©solution est-elle en tout point opportune.

Son article 1er, qui entend supprimer la compĂ©tence de principe de la commission des Lois sur les textes organiques, semble pertinent dans la mesure oĂč la redirection vers les commissions compĂ©tentes est Ă©quitable pour nos collĂšgues, et judicieuse si les textes visĂ©s ne relĂšvent pas d’une commission spĂ©cialisĂ©e ou ne requiĂšrent par les compĂ©tences des commissaires aux lois. Je partage votre constat quant Ă  la complexitĂ© apportĂ©e par ce renvoi systĂ©matique, notamment quand l’examen effectuĂ© par deux commissions distinctes entraĂźne le dĂ©doublement des rapporteurs et, Ă©ventuellement, deux commissions mixtes paritaires aux bureaux distincts.

Les articles 2 et 3, qui remplacent certains scrutins publics Ă  la tribune ou dans les salons voisins de l’hĂ©micycle par un scrutin public ordinaire Ă©lectronique dans l’hĂ©micycle, sont une maniĂšre lĂ©gitime d’accĂ©lĂ©rer le processus lĂ©gislatif, quoiqu’ils fassent perdre de la solennitĂ© Ă  l’adoption ou au rejet d’un texte. Eu Ă©gard au calendrier souvent chargĂ© de notre assemblĂ©e, cette disposition nous semble de bon sens. Le SĂ©nat, qui procĂšde au scrutin public ordinaire par voie numĂ©rique Ă  l’occasion des dĂ©clarations du Gouvernement, a dĂ©jĂ  prouvĂ© qu’une telle facilitation de la procĂ©dure lĂ©gislative Ă©tait envisageable, voire souhaitable lorsqu’elle fait gagner Ă  tous, membres de l’AssemblĂ©e comme personnel, une trentaine de minutes.

Cette proposition de rĂ©solution suscite l’adhĂ©sion dans les rangs du Rassemblement national et nous voterons en sa faveur.

De telles initiatives de simplification mĂ©ritent de se multiplier, Ă  condition qu’elles s’accompagnent d’une rĂ©flexion sur la rationalisation du travail lĂ©gislatif. L’inflation lĂ©gislative dĂ©vorante que nous connaissons, qui nous a conduits Ă  voter 250 lois durant la XVe lĂ©gislature, ne devra en aucun cas ĂȘtre facilitĂ©e par une simplification du mode de scrutin.

M. Vincent Caure (EPR). Je salue le consensus rĂ©uni par la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale et l’accord des groupes concernant cette proposition de rĂ©vision du RĂšglement. Cela n’a rien d’anodin dans ce contexte politique et cette composition de notre assemblĂ©e.

Si l’exercice de rĂ©vision du RĂšglement est toujours dĂ©licat, il s’avĂšre rĂ©guliĂšrement utile et juste. Cette proposition de rĂ©solution a le plein soutien du groupe Ensemble pour la RĂ©publique. Elle apporte une simplification, sans rĂ©duction des droits et des garanties procĂ©durales et sans affaiblissement de l’AssemblĂ©e nationale.

Concernant l’examen des lois organiques, cette proposition casse un monopole. Mais personne, dans cette commission, ne pourra dire que l’on manque d’activitĂ© – en matiĂšre tant de production normative que d’évaluation. Ce faisant, on se rapproche aussi de la pratique parlementaire gĂ©nĂ©rale de renvoi Ă  la commission compĂ©tente au fond, que l’on retrouve historiquement au SĂ©nat pour les lois organiques.

Il s’agit, par ailleurs, de ne plus pouvoir dĂ©tourner notre propre RĂšglement, comme avec la crĂ©ation, pour les lois de finances ou de financement de la sĂ©curitĂ© sociale, de commissions spĂ©ciales reproduisant des commissions au fond.

L’histoire de ces derniĂšres annĂ©es nous enseigne que la majoritĂ© des lois organiques continueront d’intĂ©resser la commission des Lois et de lui ĂȘtre transmises pour un examen au fond. Deux garanties fondamentales ne changent pas, assurant la solennitĂ© qui doit assortir l’examen d’une loi organique en tant que prolongation de la Constitution : le dĂ©lai incompressible de quinze jours entre le dĂ©pĂŽt et l’examen, et le vote final dans l’hĂ©micycle, qui ne nĂ©cessite pas une majoritĂ© simple, mais une majoritĂ© qualifiĂ©e des membres de l’AssemblĂ©e.

S’agissant des articles 2 et 3, relatifs Ă  la modernisation des procĂ©dures de certains votes spĂ©cifiques, il sera difficile voire impossible de trouver, dans cette institution, des personnes s’y opposant de bonne foi. Au-delĂ  de l’alignement sur la pratique sĂ©natoriale, la pratique parlementaire de l’AssemblĂ©e nationale rattrape Ă  la fois la technique, le bon sens et la logique. C’est une Ă©conomie de temps, de moyens, d’impression de bulletins et j’en passe. Sans s’interroger sur la plus-value des dĂ©bats en application de l’article 50-1 de la Constitution suivis d’un vote, on peut se rĂ©jouir de la modernisation de la procĂ©dure de vote.

Par ailleurs, pour ceux qui seraient nostalgiques, des votes solennels demeureront dans les salons, par exemple ceux prĂ©vus Ă  l’article 29 de la Constitution pour les sessions extraordinaires ou pour les modalitĂ©s d’engagement de la responsabilitĂ© d’un gouvernement prĂ©vues Ă  l’article 49. Et quand le vote, en plus d’ĂȘtre personnel, devra ĂȘtre secret – pour les nominations et pour les dĂ©signations individuelles au bureau de l’AssemblĂ©e nationale â€“, il conservera la procĂ©dure actuelle.

Nous modernisons. Nous simplifions. Il y aura encore beaucoup Ă  faire, dans le RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale. Nous avons commencĂ© par petites touches, rĂ©cemment pour le vote par assis et levĂ©, et nous poursuivons cette tĂąche qui reçoit le plein assentiment et le plein soutien du groupe EPR.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Bien que nous soyons favorables aux modifications proposĂ©es, des prĂ©cisions et des Ă©lĂ©ments de contexte doivent ĂȘtre apportĂ©s concernant la volontĂ© d’une rĂ©forme plus globale de la procĂ©dure lĂ©gislative par la prĂ©sidence de l’AssemblĂ©e nationale.

D’abord, la suppression de l’automaticitĂ© de l’examen des lois organiques en commission des Lois est la bienvenue, mĂȘme si l’engorgement des textes n’est pas particuliĂšrement dĂ» Ă  ces derniĂšres. Ce qui sature l’ordre du jour de notre commission est la vision uniquement rĂ©pressive des problĂšmes, en ignorant les causes, sans y mettre les moyens financiers nĂ©cessaires et sans penser Ă  la prĂ©vention, Ă  l’accompagnement judiciaire des victimes ou Ă  la rĂ©insertion des auteurs d’infraction pĂ©nale. Cette inflation pĂ©nale nuit Ă  la qualitĂ© du dĂ©bat et au temps d’examen de nos textes.

Nous ne sommes pas favorables Ă  l’objectif d’accĂ©lĂ©rer toujours plus les dĂ©bats et d’augmenter toujours plus le nombre de textes examinĂ©s par an, au dĂ©triment de la qualitĂ© du dĂ©bat et du droit d’amendement des parlementaires.

Ensuite, si nous sommes favorables Ă  cette modification du RĂšglement, nous ne sommes pas naĂŻfs quant aux motivations qui poussent Mme Braun-Pivet Ă  rĂ©former le fonctionnement de l’institution. Ainsi, elle a mis en avant d’autres idĂ©es de rĂ©forme du RĂšglement et de rĂ©organisation des procĂ©dures de vote auxquelles nous nous opposons, comme la systĂ©matisation des votes solennels le mardi pour l’adoption des textes – ce qui risque de rĂ©duire le travail lĂ©gislatif aux votes du mardi et de dĂ©politiser nos travaux.

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous dĂ©nonçons toutes les propositions visant Ă  bĂąillonner l’opposition, Ă  limiter le droit des parlementaires et Ă  rationaliser le Parlement, comme celle de Mme Braun-Pivet de faciliter le recours Ă  la procĂ©dure d’examen simplifiĂ© ou de lĂ©gislation en commission avec une validation par une majoritĂ© qualifiĂ©e en confĂ©rence des prĂ©sidents, ou celle de M. François Bayrou qui dĂ©plorait, dans une interview au Parisien le 6 avril, un « archaĂŻsme de procĂ©dure Â», regrettant que le Parlement ne dĂ©batte que d’un texte Ă  la fois, contrairement au Parlement europĂ©en qui examine plusieurs textes simultanĂ©ment, dans des salles diffĂ©rentes, et regroupe tous les votes en une demi-journĂ©e. M. Bayrou pointait notamment le blocage gĂ©nĂ©ralisĂ© liĂ© aux amendements d’obstruction qui paralysent l’examen de certains textes en empĂȘchant d’en inscrire de nouveaux – une « impuissance organisĂ©e Â» qui serait une « violence Â» !

Certains groupes, comme le groupe DĂ©mocrates qui a lancĂ© un groupe de travail interne sur le RĂšglement, ont Ă©galement Ă©mis l’idĂ©e d’interroger la pertinence des textes proposĂ©s en niche, « souvent dans l’expression de la ligne d’un groupe plus que dans la recherche de sujets de consensus Â». On voit la limite de l’exercice, s’il consiste Ă  dĂ©nier Ă  un groupe politique la possibilitĂ© de dĂ©poser des propositions de lois. Le dĂ©pĂŽt d’amendements et le pouvoir de dĂ©cider de l’ordre du jour de la journĂ©e de niche parlementaire sont des droits parlementaires essentiels.

Nous voterons pour ce texte, dont les dispositions prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt, quoique limitĂ©. En revanche, compte tenu des volontĂ©s de rĂ©forme Ă©voquĂ©es par la prĂ©sidence de l’AssemblĂ©e, nous vous alertons sur le risque de vider l’essence des droits parlementaires et le but premier du Parlement – qui est de parlementer â€“ sans rĂ©glementer davantage la tenue du dĂ©bat, aussi long soit-il, ce qui aurait des effets sur sa qualitĂ© et sur notre dĂ©mocratie.

M. Paul Christophle (Soc). Cette proposition ne rĂ©volutionnera pas le fonctionnement de notre assemblĂ©e, mais permet quelques ajustements nĂ©cessaires.

La suppression du renvoi par principe des projets et propositions de lois organiques vers la commission des Lois, pour les concentrer vers la commission compĂ©tente en fonction de leur contenu, comme c’est dĂ©jĂ  le cas au SĂ©nat, ainsi que le recours au scrutin Ă©lectronique pour certains scrutins publics sont des propositions de bon sens – il n’y aura, de notre cĂŽtĂ©, pas de nostalgie des votes dans les salons, cher collĂšgue Caure. Ces propositions de modifications ont fait l’objet d’un accord unanime des prĂ©sidents de groupe et nous les soutiendrons.

Toutefois, ces modifications ciblĂ©es ne doivent pas nous exonĂ©rer d’une rĂ©flexion globale sur le fonctionnement de notre assemblĂ©e, alors que les dĂ©mocraties illibĂ©rales gagnent du terrain et que la confiance des Ă©lecteurs dans la dĂ©mocratie reprĂ©sentative s’érode. Parfois corsetĂ©e dans des procĂ©dures trop rigides qui l’empĂȘchent de jouer pleinement son rĂŽle, l’AssemblĂ©e nationale gagnerait Ă  retrouver une forme de respiration en faisant Ă©merger de nouvelles rĂšgles qui permettraient de dessiner les contours d’un parlement fort et de redonner de la vigueur Ă  notre dĂ©mocratie reprĂ©sentative. Gageons que nous pourrons mener cette rĂ©flexion dans les mois Ă  venir, y compris de maniĂšre pointilliste.

Le groupe Socialistes et apparenté soutiendra cette proposition de résolution.

M. JĂ©rĂ©mie Iordanoff (EcoS). Le texte que nous examinons poursuit un objectif largement partagĂ© d’optimisation du fonctionnement de notre assemblĂ©e, en prĂ©cisant certaines rĂšgles de rĂ©partition des textes entre commissions et en adaptant les procĂ©dures de vote qui, avec le temps, se sont rĂ©vĂ©lĂ©es plus complexes et moins adaptĂ©es Ă  la pratique.

Cette proposition de rĂ©solution s’inscrit dans une dĂ©marche de modernisation mesurĂ©e, peut-ĂȘtre trop mesurĂ©e, pour corriger quelques rigiditĂ©s inutiles. La suppression du renvoi automatique en commission des Lois, en permettant une rĂ©partition fondĂ©e sur le fond, rĂ©introduit de la cohĂ©rence dans la distribution des travaux. La proposition prĂ©voit aussi que certains scrutins publics puissent ĂȘtre organisĂ©s par voie Ă©lectronique dans l’hĂ©micycle dans des cas prĂ©cis, ce qui simplifiera concrĂštement leur tenue et rĂ©duira la charge logistique. Il s’agit d’une rĂ©ponse simple Ă  des contraintes matĂ©rielles et logistiques.

Ces Ă©volutions techniques, limitĂ©es mais pertinentes, rĂ©pondent Ă  des besoins identifiĂ©s. C’est pourquoi le groupe Écologiste et social soutiendra ce texte.

Pour autant, ces ajustements ne doivent pas occulter des questions plus larges quant Ă  notre organisation et Ă  notre fonctionnement quotidien, marquĂ© par des pratiques qui affaiblissent la qualitĂ© de nos travaux. Ainsi, l’usage de plus en plus courant des procĂ©dures accĂ©lĂ©rĂ©es rĂ©duit considĂ©rablement le temps du dĂ©bat parlementaire, limitant du mĂȘme coup la capacitĂ© des dĂ©putĂ©s Ă  mener un travail approfondi, Ă  entendre les parties prenantes et Ă  amĂ©liorer le fond des textes.

Par ailleurs, le fait que les rĂ©unions des commissions se tiennent souvent en mĂȘme temps que la sĂ©ance publique empĂȘche les dĂ©putĂ©s de participer Ă  l’ensemble des travaux. Cela renvoie l’image de dĂ©putĂ©s absents de l’hĂ©micycle, alors que nous travaillons dans les commissions. Quant aux sĂ©ances de nuit et aux changements de calendrier dĂ©cidĂ©s au dernier moment, ils rendent notre travail peu lisible et difficile Ă  suivre – pour nous, comme pour nos concitoyens.

Cette organisation confuse et instable traduit une forme de mĂ©pris du Parlement dans la Ve RĂ©publique. Il y aurait beaucoup Ă  faire pour y remĂ©dier. Je ne vais pas esquisser toutes les pistes, mais je suggĂšre, pour la prochaine rĂ©forme du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale, d’allonger le dĂ©lai de dĂ©pĂŽt des amendements : trois jours ouvrables, c’est trop court pour travailler sĂ©rieusement. Un travail de qualitĂ© requiert du temps d’examen et de rĂ©flexion, y compris s’agissant des amendements.

Enfin, de nombreuses dispositions du RÚglement ne sont pas appliquées ou sont mal appliquées. Un examen exhaustif serait nécessaire.

M. Ă‰ric Martineau (Dem). La proposition de rĂ©solution, dĂ©posĂ©e par la prĂ©sidente de notre assemblĂ©e Ă  la suite d’un accord unanime des prĂ©sidents des groupes parlementaires et de la confĂ©rence des prĂ©sidents, vise Ă  simplifier l’organisation de certains scrutins et l’examen des lois organiques – un double objectif que nous soutenons, car il est important de faciliter le travail et de faire Ă©voluer les rĂšgles de notre institution vers plus d’efficacitĂ© et de simplification.

L’article 1er, qui tend Ă  supprimer le renvoi systĂ©matique des lois organiques Ă  la commission des Lois pour les renvoyer Ă  la commission compĂ©tente en fonction de leur contenu et non de leur type, comme cela se pratique au SĂ©nat, n’induira pas de rĂ©duction des moyens humains ou matĂ©riels de la commission des Lois : une majoritĂ© des textes lui seront toujours renvoyĂ©s au titre de ses autres compĂ©tences. Cet article entend faciliter l’organisation du travail, alors que le monopole de la commission des Lois doit souvent ĂȘtre contournĂ© par la crĂ©ation de commissions spĂ©ciales. Ce fut le cas pour la rĂ©forme de la loi organique relative aux lois de finances, pour laquelle une commission spĂ©ciale reproduisant le travail de la commission des finances a dĂ» ĂȘtre créée. Il s’agit donc de simplifier l’examen des lois organiques dans un esprit de logique.

Les articles 2 et 3 visent Ă  modifier la procĂ©dure de vote pour certains scrutins publics, pour rĂ©duire le nombre de votes Ă  l’urne, Ă  la tribune ou dans les salons voisins de l’hĂ©micycle, lesquels rallongent la durĂ©e du scrutin en raison de l’édition et de la distribution des bulletins, et de la tenue des bureaux. À la place, ces scrutins publics pourront se tenir Ă  l’aide de boĂźtiers Ă©lectroniques, dans l’hĂ©micycle, en quelques secondes seulement. Il est important de moderniser les pratiques, afin de gagner un temps prĂ©cieux pendant les sessions parlementaires.

Cette proposition de résolution est nécessaire et utile. Toute mesure qui permettra de faciliter notre travail parlementaire est la bienvenue. Le groupe Les Démocrates votera donc en faveur de ce texte.

M. Jean Moulliere (HOR). Certaines rĂ©visions du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale font consensus, car elles visent Ă  renforcer l’efficacitĂ© de notre travail parlementaire. C’est le cas de cette proposition de rĂ©solution, comme en tĂ©moigne l’accord unanime des prĂ©sidents de groupe pour son inscription Ă  l’ordre du jour. Elle s’attelle Ă  rĂ©pondre Ă  deux limites de l’organisation du travail de notre assemblĂ©e, identifiĂ©es de longue date.

D’une part, l’article 36 du RĂšglement prĂ©voit la compĂ©tence exclusive de la commission des Lois pour l’examen des lois organiques. C’est problĂ©matique, notamment lorsqu’il s’agit de modifier la loi organique relative aux lois de finances ou la liste de certains emplois soumis Ă  l’avis dss commissions parlementaires. La crĂ©ation de commissions spĂ©ciales est alors souvent nĂ©cessaire.

D’autre part, notre RĂšglement prĂ©voit que le scrutin lors de la derniĂšre lecture d’une loi organique par l’AssemblĂ©e nationale ou le scrutin sur une dĂ©claration du Gouvernement sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution donne lieu Ă  un vote Ă  la tribune ou dans les salons voisins dans l’hĂ©micycle. Il est toutefois admis que la procĂ©dure de vote dans les salons est trop longue et entraĂźne une forte mobilisation des services de l’AssemblĂ©e nationale – services dont je salue l’engagement quotidien pour la bonne conduite des travaux parlementaires.

Cette proposition de rĂ©solution vise donc Ă  mettre fin au renvoi automatique des projets et propositions de lois organiques vers la commission des Lois, pour les orienter vers la commission compĂ©tente en fonction de leur contenu, rejoignant ainsi l’organisation du SĂ©nat. Elle vise aussi Ă  ce que les scrutins publics concernĂ©s aient lieu par procĂ©dĂ© Ă©lectronique dans l’hĂ©micycle. Ce faisant, elle s’inscrit dans la continuitĂ© de ce que doit ĂȘtre notre travail de lĂ©gislateur : la simplification. Il reste d’ailleurs beaucoup Ă  faire en la matiĂšre.

Le groupe Horizons & indĂ©pendants votera en faveur de cette proposition de rĂ©solution.

M. Paul Molac (LIOT). Cette proposition de rĂ©solution tend Ă  mettre fin au monopole de notre commission des Lois sur les textes organiques. Ce monopole Ă©tait dĂ©jĂ  contournĂ© par la crĂ©ation de commissions spĂ©ciales. En outre, dans un certain nombre de cas, la commission saisie pour fond est aussi compĂ©tente que nous. Cette Ă©volution, voulue par tous, est donc la bienvenue.

Concernant le vote, les scrutins dans les salons sont trĂšs longs. Nous gagnerons du temps Ă  employer les boĂźtiers que nous avons dans l’hĂ©micycle. Qui plus est, ce vote sera public, ce qui n’est pas toujours le cas des votes dans les salons. Ceux qui le souhaitent pourront donc contrĂŽler plus facilement encore les parlementaires.

Maintenir des modalitĂ©s spĂ©cifiques pour le vote en lecture dĂ©finitive d’une loi organique ou pour le vote sur une dĂ©claration du Gouvernement n’engageant pas sa responsabilitĂ© ne nous semble pas nĂ©cessaire.

Aussi sommes-nous favorables Ă  cette modification.

M. Davy Rimane (GDR). Cette proposition de rĂ©solution bĂ©nĂ©ficie d’un large consensus. Elle constitue une Ă©volution pragmatique du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale, Ă  laquelle nous souscrivons.

La suppression des renvois automatiques des propositions et projets de lois organiques à la commission des Lois allÚgera la charge de travail de cette derniÚre et permettra une meilleure répartition des travaux.

De la mĂȘme façon, la simplification des modalitĂ©s de vote lors de la derniĂšre lecture d’une loi organique ou d’un scrutin sur une dĂ©claration du Gouvernement par le recours au vote Ă©lectronique va dans le bon sens : ce vote est plus rapide et moins lourd Ă  organiser.

Cependant, cette rĂ©forme ne doit pas occulter le problĂšme structurel du manque de temps parlementaire, principalement dĂ» Ă  une inflation lĂ©gislative persistante. En ce sens, cette rĂ©forme technique ne rĂ©pond pas Ă  l’ampleur du dĂ©fi posĂ©. Elle devrait s’accompagner d’une rĂ©flexion plus large sur le rythme et sur la qualitĂ© de la production normative, ainsi que sur la revalorisation du Parlement. Il ne s’agit pas de gagner du temps Ă  tout prix, mais de prĂ©server un dĂ©bat serein et de qualitĂ©, pour garantir la sincĂ©ritĂ© de nos dĂ©bats.

L’inflation lĂ©gislative, la complexitĂ© croissante du droit, la multiplication des textes rĂ©digĂ©s dans l’urgence, la rĂ©duction du temps de dĂ©bat et la limitation des droits de l’opposition par le recours Ă  des procĂ©dures dites de parlementarisme rationalisĂ© nuisent Ă  la qualitĂ© de la loi et Ă  la confiance des citoyens.

Nos conditions de travail ne nous permettent pas de remplir la noble et exigeante tĂąche qui nous incombe. Il est indispensable d’amĂ©liorer les pratiques et de rĂ©former le fonctionnement de l’AssemblĂ©e, non pour aller toujours plus vite dans l’examen des textes, mais pour mieux dĂ©battre, enrichir les textes de loi, Ă©viter l’instabilitĂ© de la rĂšgle de droit et garantir la qualitĂ© rĂ©dactionnelle des lois.

Depuis 1958, toutes les rĂ©formes du RĂšglement visant Ă  dĂ©gager du temps ont, paradoxalement, eu l’effet inverse. Le nombre de sĂ©ances n’a cessĂ© d’augmenter. Et pour cause, les projets de loi et les propositions de lois d’inspiration gouvernementale sont en inflation constante. Au lieu de libĂ©rer du temps, nous subissons un agenda gouvernemental surchargĂ©, marquĂ© par l’inscription Ă  l’ordre du jour de textes dont les dĂ©bats sont souvent fragmentĂ©s, voire jamais menĂ©s Ă  leur terme. Notre responsabilitĂ© est de faire vivre la confrontation des idĂ©es, l’expression des divergences et la recherche du compromis.

Le dĂ©bat parlementaire est un pilier de la dĂ©mocratie. Il permet d’exprimer les aspirations citoyennes et de renforcer notre lĂ©gitimitĂ©. En prenant le temps du dĂ©bat, nous permettons aux citoyens de s’impliquer et de se rĂ©approprier les enjeux politiques. La confiance des citoyens dans les institutions ne saurait ĂȘtre retrouvĂ©e si nous ne nous donnons pas le temps nĂ©cessaire pour faire vivre la dĂ©mocratie.

Nous appelons de nos vƓux une vĂ©ritable revalorisation du Parlement, Ă  l’opposĂ© d’une logique de rationalisation excessive de la vie parlementaire et d’une conception managĂ©riale des institutions dĂ©mocratiques, qui condamne les reprĂ©sentants de la nation Ă  l’impuissance. Le temps du dĂ©bat, de la rĂ©flexion et de la dĂ©cision est un impĂ©ratif pour que la dĂ©mocratie demeure vivante et accessible Ă  tous.

Mme Brigitte BarĂšges (UDR). Cette proposition de rĂ©solution marque une avancĂ©e bienvenue pour le bon fonctionnement de notre assemblĂ©e. Elle vise deux objectifs simples, mais essentiels : fluidifier l’examen des lois organiques et rationaliser l’organisation de certains scrutins parlementaires.

En premier lieu, mettre fin au renvoi systĂ©matique des textes organiques Ă  la commission des Lois pour permettre leur examen par la commission compĂ©tente selon le fond du texte est une mesure de bon sens. Elle aligne notre fonctionnement sur celui du SĂ©nat et permet de mieux mobiliser l’expertise des commissions permanentes. Ce n’est pas une remise en cause du rĂŽle central de notre commission, mais un ajustement pour plus d’efficacitĂ©.

En second lieu, le passage au scrutin public Ă©lectronique dans l’hĂ©micycle pour la derniĂšre lecture d’une loi organique et les dĂ©clarations du Gouvernement simplifie les procĂ©dures, Ă©vite les lourdeurs liĂ©es aux votes dans les salons voisins ou Ă  la tribune, et renforce la lisibilitĂ© de nos travaux auprĂšs des citoyens.

Ce texte, soutenu par l’unanimitĂ© des prĂ©sidents des groupes, illustre notre capacitĂ© Ă  amĂ©liorer ensemble les rĂšgles de notre travail parlementaire. Toutefois, compte tenu de ce qui s’est passĂ© hier dans l’hĂ©micycle Ă  minuit, nous espĂ©rons pouvoir amĂ©liorer aussi le fonctionnement des sĂ©ances et des prises de parole, pour Ă©viter l’obstruction systĂ©matique par des rappels au RĂšglement rĂ©guliers et par des demandes de suspension de sĂ©ance qui ne font que ralentir volontairement – nous ne sommes pas dupes â€“ le jeu du dĂ©bat.

Tout le monde est d’accord pour avoir des dĂ©bats sereins, une qualitĂ© normative et des rĂ©flexions sur le rythme d’examen des textes, c’est-Ă -dire un travail de lĂ©gislateur, au lieu de s’invectiver, comme c’est souvent le cas, faute de temps pour exprimer au mieux nos positions. Il faut un RĂšglement plus ferme dans la tenue de la sĂ©ance. Le prĂ©sident doit d’abord veiller Ă  ĂȘtre impartial, ensuite faire en sorte qu’on ne retarde pas l’examen d’un texte quand on sait qu’il ne vous est peut-ĂȘtre pas favorable.

M. Roland Lescure, rapporteur. Je remercie l’ensemble des groupes pour leur soutien unanime Ă  la proposition de rĂ©solution. Vous avez toutes et tous raison de souligner que celle-ci ne rĂ©volutionnera pas le travail parlementaire. Depuis quinze ans, douze scrutins portant sur une loi organique ont Ă©tĂ© organisĂ©s dans les salons de l’AssemblĂ©e et quinze sur une dĂ©claration du Gouvernement : vingt-sept scrutins reprĂ©sentent une quinzaine d’heures gagnĂ©es pour le dĂ©bat parlementaire en quinze ans, soit une heure par an – ce n’est pas cela qui va Ă©normĂ©ment accroĂźtre l’efficacitĂ© de notre travail.

NĂ©anmoins, tout est bon Ă  prendre. L’engorgement de l’AssemblĂ©e et particuliĂšrement de la commission des Lois est rĂ©el. Cette situation dĂ©coule des prioritĂ©s gouvernementales et de la multiplication du nombre de groupes – onze actuellement â€“, donc de niches parlementaires. Depuis octobre dernier, la commission des Lois a examinĂ© seize niches. D’autres sont annoncĂ©es dans notre commission et le total atteindra peut-ĂȘtre vingt pour la session ordinaire en cours.

Je souscris aux remarques plus gĂ©nĂ©rales sur les modifications du RĂšglement souhaitĂ©es par les uns et les autres. J’ai prĂ©sidĂ© une commission, j’ai Ă©tĂ© ministre et je suis dĂ©sormais vice-prĂ©sident de l’AssemblĂ©e : cette expĂ©rience m’a permis de constater au jour le jour toutes les amĂ©liorations qui pourraient ĂȘtre apportĂ©es. J’ai participĂ© aux derniers changements, opĂ©rĂ©s entre 2017 et 2022, lesquels ont constituĂ© des progrĂšs significatifs en matiĂšre de saisines pour avis, d’horaires des sĂ©ances – celle du soir s’achevant dĂ©sormais Ă  minuit et non plus Ă  une heure â€“, de dĂ©lai entre la saisine de la commission et la sĂ©ance publique, de procĂ©dure lĂ©gislative en commission. Monsieur Coulomme, les droits de l’opposition ont Ă©tĂ© renforcĂ©s par l’affectation mĂ©canique de la premiĂšre vice-prĂ©sidence Ă  l’un de ses membres et par la possibilitĂ© pour les groupes d’opposition qui demandent une commission d’enquĂȘte d’obtenir le poste de rapporteur. Les motions de rejet ont Ă©tĂ© exclues pour les niches parlementaires. Les dĂ©bats sur ces Ă©volutions ont Ă©tĂ© extrĂȘmement longs, donc relancer la discussion sur une modification plus ample du RĂšglement reviendrait Ă  ouvrir la boĂźte de Pandore.

Le RĂšglement de l’AssemblĂ©e doit mĂ©nager un Ă©quilibre subtil entre l’exigence d’efficacitĂ© collective et les droits individuels, en premier lieu ceux de l’opposition. Cet Ă©quilibre n’est pas facile Ă  trouver. J’espĂšre que nous continuerons Ă  amĂ©liorer notre RĂšglement Ă  la marge, suivant ainsi la dĂ©marche pointilliste vantĂ©e par notre collĂšgue Paul Christophle. J’appelle de mes vƓux une refonte en profondeur mais celle-ci me semble dĂ©licate Ă  mener.

Je le redis, l’augmentation du nombre de groupes parlementaires contribue mĂ©caniquement Ă  l’engorgement des travaux. Elle rend Ă©galement plus difficile la prĂ©sidence des sĂ©ances publiques.

Article 1er : (art. 36 du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale) Suppression du renvoi par principe des projets et propositions de loi organique Ă  la commission des Lois

La commission adopte l’article 1er non modifiĂ©.

Article 2 : (art. 65 du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale) Simplification de la procĂ©dure de vote lors de la derniĂšre lecture d’une loi organique ou d’un scrutin sur une dĂ©claration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution

La commission adopte l’article 2 non modifiĂ©.

Article 3 : (art. 132 du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale) Coordination rĂ©sultant du vote par scrutin public ordinaire sur une dĂ©claration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution

La commission adopte l’article 3 non modifiĂ©.

Elle adopte la proposition de résolution non modifiée.

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*     *

Puis, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues (n° 1163) (M. Jean Moulliere, rapporteur).

M. Jean Moulliere, rapporteur. Je commencerai nos Ă©changes par quelques brefs rappels concernant le droit applicable et ses Ă©volutions rĂ©centes.

Les personnes dĂ©tenues, dĂšs lors qu’elles remplissent les conditions lĂ©gales applicables Ă  tous les citoyens, conservent leur droit de vote, sauf si une dĂ©cision de justice les a spĂ©cifiquement privĂ©es de leurs droits civiques. Le droit de vote leur permet de participer Ă  la vie dĂ©mocratique de notre pays et c’est lĂ  un Ă©lĂ©ment important qui fait partie de leur dynamique de rĂ©insertion. Je prĂ©fĂšre ĂȘtre clair : cette proposition de loi ne nie en rien l’importance de ce droit et de son exercice.

Jusqu’en 2019, les personnes dĂ©tenues ne pouvaient exercer ce droit que de deux maniĂšres : soit par procuration, soit par une permission de sortir. De nombreux obstacles entravaient toutefois leur participation Ă©lectorale : la procĂ©dure d’établissement d’une procuration Ă©tait complexe et le choix d’un mandataire Ă©tait limitĂ©. Les permissions de sortir sont quant Ă  elles structurellement limitĂ©es. D’une part, les personnes placĂ©es en dĂ©tention provisoire et certains condamnĂ©s, en fonction de la durĂ©e de leur peine, ne peuvent en bĂ©nĂ©ficier. D’autre part, ces permissions sont nĂ©cessairement accordĂ©es avec parcimonie par le juge, notamment pour Ă©viter les risques d’évasion. Ces restrictions expliquent le faible taux de participation Ă©lectorale des personnes dĂ©tenues enregistrĂ© avant 2019, lequel peinait Ă  atteindre les 2 % Ă  chaque scrutin.

Pour remĂ©dier Ă  cette situation et accroĂźtre le taux de participation Ă©lectorale, la loi du 27 dĂ©cembre 2019 relative Ă  l'engagement dans la vie locale et Ă  la proximitĂ© de l’action publique a facilitĂ© l’établissement des procurations et a introduit une sorte de vote par correspondance pour les personnes dĂ©tenues.

Cette dĂ©nomination de vote par correspondance est en rĂ©alitĂ© impropre. Il ne s’agit pas d’un vote traditionnel par voie postale comme cela a pu exister en France jusqu’en 1975, date Ă  laquelle il a Ă©tĂ© interdit en raison des fraudes que le systĂšme permettait. Aujourd’hui, ce type de vote existe uniquement pour l’élection des dĂ©putĂ©s reprĂ©sentant les Français de l’étranger et, comme me l’a indiquĂ© le bureau des Ă©lections du ministĂšre de l’intĂ©rieur, ce systĂšme continue de poser des difficultĂ©s, puisque 26 % des votes ont dĂ» ĂȘtre annulĂ©s pour non‑respect de la procĂ©dure lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 2017.

La modalitĂ© de vote créée en 2019 pour les personnes dĂ©tenues consiste Ă  reproduire en dĂ©tention des bureaux de vote dans lesquels le personnel pĂ©nitentiaire organise, au cours de la semaine prĂ©cĂ©dant le dimanche du scrutin, des opĂ©rations Ă©lectorales classiques. Le dĂ©tenu est extrait de sa cellule, le matĂ©riel de vote est mis Ă  sa disposition sur une table, puis il passe dans un isoloir et dĂ©pose enfin son bulletin dans une urne. Celle-ci est scellĂ©e et conservĂ©e par le directeur de l’établissement, qui se chargera de la remettre, le jour du scrutin, au bureau de vote dĂ©rogatoire instaurĂ© au sein de la commune chef-lieu au sein duquel ces bulletins seront comptabilisĂ©s.

C’est sur ce point du bureau de vote de rattachement que le sujet se complique. En application de la loi de 2019, les personnes dĂ©tenues doivent ĂȘtre inscrites dans la commune chef-lieu du dĂ©partement dans laquelle est implantĂ© l’établissement pĂ©nitentiaire. Elles sont rattachĂ©es au bureau de vote qui comporte le plus d’électeurs inscrits sur les listes Ă©lectorales.

Ce systùme d’inscription est imparfait pour deux raisons principales.

La premiĂšre est thĂ©orique. Sur le plan des principes, il me semble tout Ă  fait gĂȘnant que les personnes dĂ©tenues se retrouvent Ă  voter dans une commune avec laquelle ils n’ont aucun lien et qu’ils ne connaissent souvent mĂȘme pas. Comment justifier qu’ils puissent alors se prononcer sur les enjeux locaux touchant aux Ă©coles, aux maisons de retraite ou Ă  la voirie ? D’ailleurs, dans son avis sur le texte devenu la loi du 27 dĂ©cembre 2019 relative Ă  l'engagement dans la vie locale et Ă  la proximitĂ© de l'action publique, le Conseil d’État avait considĂ©rĂ© que cette disposition lĂ©gislative conduisait « Ă  rompre tout lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription, ce qui mĂ©connaĂźt la tradition de notre droit Ă©lectoral. Â»

La deuxiĂšme raison est d’ordre plus concret et numĂ©rique. La logique de rattachement retenue avait pour but de placer les bulletins des dĂ©tenus dans des bureaux de vote oĂč ils n’auraient pas d’impact quantitatif significatif sur le corps Ă©lectoral. Or, cette disposition a Ă©tĂ© mal Ă©valuĂ©e : le vote des dĂ©tenus est, en rĂ©alitĂ©, susceptible d’altĂ©rer les Ă©quilibres dĂ©mocratiques, portant ainsi atteinte au principe de sincĂ©ritĂ© du scrutin. Dans plusieurs chefs‑lieux de dĂ©partement, les personnes dĂ©tenues reprĂ©sentent plus de 2 % des Ă©lecteurs inscrits et parfois jusqu’à 5 % du corps Ă©lectoral. Ces proportions, couplĂ©es Ă  l’abstention, pourraient influencer voire faire basculer le rĂ©sultat d’élections locales. C’est notamment le cas pour les scrutins municipaux, dont l’issue se joue parfois Ă  quelques centaines voire Ă  quelques dizaines de voix.

Il n’est dĂ©mocratiquement pas acceptable que le rĂ©sultat d’une Ă©lection locale puisse ĂȘtre dĂ©terminĂ© par le vote de personnes qui n’ont pas de lien avec le territoire concernĂ©. Il est donc nĂ©cessaire de corriger cette anomalie dĂ©mocratique.

Pour ce faire, cette proposition de loi dĂ©posĂ©e par la sĂ©natrice Laure Darcos procĂšde Ă  deux Ă©volutions : elle Ă©largit les possibilitĂ©s d’inscription sur les listes Ă©lectorales en permettant aux personnes dĂ©tenues de s’inscrire sur les listes de la commune de rĂ©sidence d’un descendant et elle modifie les modalitĂ©s du vote par correspondance des personnes dĂ©tenues.

Dans sa rĂ©daction initiale, la proposition de loi transfĂ©rait le vote par correspondance au sein des communes dans lesquelles les personnes dĂ©tenues rĂ©sidaient avant leur incarcĂ©ration ou dans celle de rĂ©sidence d’un ascendant ou d’un descendant. Cette conception Ă©tait satisfaisante en thĂ©orie, mais tout Ă  fait irrĂ©alisable en pratique. La commission des lois du SĂ©nat a donc modifiĂ© la rĂ©daction pour proposer un nouvel Ă©quilibre : elle a restreint le vote par correspondance aux seuls scrutins Ă  portĂ©e nationale, excluant ainsi les scrutins locaux pour lesquels se posent de si nombreuses de difficultĂ©s.

Cette solution, retenue par nos collĂšgues sĂ©nateurs, me semble Ă©quilibrĂ©e, car elle concilie le respect des droits civiques des dĂ©tenus avec l’exigence d’équitĂ© dĂ©mocratique. Elle garantit ainsi aux dĂ©tenus l’accĂšs au vote, tout en prĂ©servant la cohĂ©rence et la sincĂ©ritĂ© des scrutins locaux.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Philippe Schreck (RN). Le vote des personnes dĂ©tenues s’effectuait historiquement dans le cadre de permissions de sortir ou par le biais de procurations. Afin de remĂ©dier Ă  la faiblesse du taux de participation, la loi du 27 dĂ©cembre 2019 a introduit la possibilitĂ©, pour cette population, de voter par correspondance. Depuis 2019, les personnes dĂ©tenues ont plus de droits que les autres citoyens, puisque ces derniers, hormis les Français habitant Ă  l’étranger dans certains cas, ne peuvent pas voter par correspondance. Elles ont ainsi plus de droits que les personnes hospitalisĂ©es ou que nos anciens placĂ©s dans un Ehpad (Établissement d'hĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes). Elles ont Ă©galement plus de droit Ă  voter que leurs victimes.

ÉlĂ©ment positif, le dispositif de vote par correspondance a entraĂźnĂ© une hausse significative de la participation. S’il a parfois créé des effets de bord dans les chefs-lieux de dĂ©partement oĂč sont comptabilisĂ©s les bulletins provenant des Ă©tablissements pĂ©nitentiaires, ceux-ci me semblent limitĂ©s : leur influence sur le rĂ©sultat des scrutins n’est que potentielle. Le vote par correspondance contrevient toutefois au principe, inscrit dans notre droit Ă©lectoral, du lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription.

La proposition de loi limite l’exercice du droit de vote par correspondance aux seules Ă©lections prĂ©sidentielles, europĂ©ennes et rĂ©fĂ©rendaires. Le texte Ă©largit les possibilitĂ©s pour les dĂ©tenus de s’inscrire sur les listes Ă©lectorales, ce qui contribuera Ă  faciliter l’accĂšs au vote par procuration.

Ainsi, le dispositif de la proposition de loi nous semble pertinent et notre groupe votera en faveur de son adoption.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Ă€ l’approche des Ă©lections municipales de 2026, nous examinons une proposition de loi portant sur le droit de vote par correspondance des personnes dĂ©tenues. Depuis la rĂ©forme du code pĂ©nal de 1994, celles-ci peuvent continuer Ă  voter, Ă  condition qu’elles n’aient pas Ă©tĂ© dĂ©chues de leurs droits civiques. PrĂšs de 57 000 dĂ©tenus possĂšdent le droit de vote dans notre pays. Ce droit fondamental s’inscrit dans une logique de rĂ©insertion sociale des prisonniers. Comme le rappelait Guy Canivet, premier prĂ©sident de la Cour de cassation dans les annĂ©es 2000, on ne peut rĂ©insĂ©rer une personne privĂ©e de libertĂ© qu’en la traitant comme un citoyen.

Le cadre juridique du vote des personnes dĂ©tenues est dĂ©fini Ă  l’article L. 12-1 du code Ă©lectoral. Un dĂ©tenu est inscrit sur la liste Ă©lectorale de la commune de son domicile. Par dĂ©rogation, il peut ĂȘtre inscrit sur la liste Ă©lectorale de sa commune de naissance, celle de son conjoint, celle d’un parent au quatriĂšme degrĂ©, celle d’un ascendant : la proposition de loi Ă©largit ce pĂ©rimĂštre Ă  la commune d’un descendant. Un dĂ©tenu peut voter par procuration ou grĂące Ă  une permission de sortir.

Compte tenu de la persistance d’un faible taux de participation des personnes dĂ©tenues, lequel avoisinait 2 %, la loi du 27 dĂ©cembre 2019 leur a ouvert la possibilitĂ© de voter par correspondance. Cette nouvelle facultĂ© a entraĂźnĂ© une hausse importante du taux de participation Ă©lectorale : celui-ci a atteint prĂšs de 20 %, ce qui est heureux. Aux derniĂšres Ă©lections lĂ©gislatives, plus de 90 % des dĂ©tenus ayant votĂ© l’ont fait par correspondance.

Cette expĂ©rimentation a toutefois rĂ©vĂ©lĂ© des effets de bord risquant de dĂ©sĂ©quilibrer le rĂ©sultat de scrutins locaux. En effet, en choisissant d’inscrire les dĂ©tenus dans la commune chef-lieu du dĂ©partement ou de la collectivitĂ© d’implantation de l’établissement pĂ©nitentiaire, c’est-Ă -dire dans des endroits avec lesquels les dĂ©tenus peuvent n’avoir aucun lien, le lĂ©gislateur a introduit une distorsion dommageable et assez inacceptable. Nous avons créé un systĂšme plus qu’imparfait. En effet, cette modalitĂ© de vote ne permet pas d’établir un lien de proximitĂ© entre l’électeur et la commune d’inscription. En outre, elle peut avoir un impact quantitatif sur le corps Ă©lectoral. Les communes de Tulle ou d’Évry-Courcouronnes sont souvent prises en exemple, car les dĂ©tenus pourraient y reprĂ©senter prĂšs de 5 % du corps Ă©lectoral. Dans mon dĂ©partement du Val-de-Marne, les personnes dĂ©tenues Ă  la maison d’arrĂȘt de Fresnes votent pour l’élection municipale de CrĂ©teil, ce qui est assez surprenant. Cette surreprĂ©sentation des personnes dĂ©tenues dans le scrutin semble inacceptable car elle pourrait faire basculer une Ă©lection municipale serrĂ©e.

Pour pallier cette distorsion, la proposition de loi sénatoriale propose de réserver la possibilité de voter par correspondance aux élections nationales, européennes et aux référendums, ces scrutins se faisant dans une circonscription unique. Elle préserve bien entendu le vote par procuration. Les personnes condamnées ne pourront plus voter par correspondance aux élections organisées dans des circonscriptions locales.

Si cette solution corrige le tir pour garantir la sincĂ©ritĂ© du scrutin, elle n’est pas totalement satisfaisante et nous devons rĂ©flĂ©chir Ă  d’autres modalitĂ©s de vote pour permettre aux personnes dĂ©tenues d’exercer lĂ©gitimement leur droit. La centralisation des votes par correspondance au sein des bureaux des chefs-lieux de dĂ©partement a Ă©tĂ© justifiĂ©e par des raisons logistiques. Il Ă©tait plus simple de tout centraliser, notamment l’envoi de la propagande et la collecte des votes. Si nous souhaitons favoriser la rĂ©insertion des personnes dĂ©tenues, cet argument logistique continue malheureusement de s’entendre : c’est ce qui ressort de l’ensemble des Ă©changes et des auditions que nous avons eus. Aussi ne voterons-nous pas en l’état les amendements qui abordent le sujet de la dĂ©centralisation du vote par correspondance des dĂ©tenus. Nous estimons en effet que la question doit ĂȘtre Ă©tudiĂ©e Ă  nouveau dans les annĂ©es qui viennent car nous ne sommes pas prĂȘts.

Le groupe Ensemble pour la RĂ©publique votera en faveur de ce texte, afin qu’il puisse s’appliquer lors des prochaines Ă©lections municipales. Cela ne nous exonĂšre toutefois pas de continuer Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  d’autres propositions destinĂ©es Ă  amĂ©liorer l’exercice du droit de vote des personnes dĂ©tenues. Dans un contexte de surpopulation carcĂ©rale, il s’agit d’un impĂ©ratif dĂ©mocratique.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Hier, l’AssemblĂ©e nationale a créé un nouveau droit pour nos concitoyens et nos concitoyennes, mais aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi qui vise Ă  enlever un droit Ă  certains d’entre eux. Nous basculons en vingt‑quatre heures du positif au nĂ©gatif.

Le texte adoptĂ© par le SĂ©nat entĂ©rine un recul inquiĂ©tant et injustifiĂ© des droits civiques des personnes dĂ©tenues. La rĂ©daction initiale avait pour objet de restreindre les modalitĂ©s d’inscription sur les listes Ă©lectorales[AG1], mais des amendements ont supprimĂ© purement et simplement la possibilitĂ© pour les personnes dĂ©tenues de voter par correspondance aux Ă©lections locales et lĂ©gislatives : ils reviennent Ă  exclure une partie de la population de notre dĂ©mocratie et de notre RĂ©publique.

Les seules solutions alternatives restantes sont la procuration ou la permission de sortir, qui sont, de l’aveu mĂȘme du rapporteur du texte au SĂ©nat, complexes, incertaines et largement dissuasives. L’Observatoire international des prisons (OIP) l’a rappelĂ© et les faits sont lĂ . L’instauration du vote par correspondance, gĂ©nĂ©ralisĂ© depuis 2021, a considĂ©rablement changĂ© la donne : la participation a Ă©tĂ© multipliĂ©e par dix lors de l’élection prĂ©sidentielle de 2022 par rapport Ă  celle de 2017 et elle a atteint un peu plus de 20 %. Ainsi, 93 % des dĂ©tenus ayant votĂ© ont eu recours au vote par correspondance. Supprimer ce droit reviendrait Ă  briser la dynamique et Ă  renvoyer des milliers de citoyens dans l’invisibilitĂ© politique.

Certes, le dispositif reste imparfait, mais plutĂŽt que de corriger ses dĂ©fauts, la proposition de loi choisit la fuite en arriĂšre. Pourquoi ? Pour des raisons Ă©lectoralistes Ă  l’approche des municipales. Or, le droit de vote n’est pas une variable d’ajustement selon les prĂ©fĂ©rences politiques ou les Ă©chĂ©ances Ă©lectorales. Ce texte rĂ©gressif s’appuie sur de mauvais arguments. Les personnes dĂ©tenues sont concernĂ©es par les politiques locales et elles participent Ă  la vie du territoire, Ă  travers l’emploi, la santĂ©, les rĂ©seaux d’eau et d’électricitĂ©, les transports ou la justice. Elles ne doivent donc pas ĂȘtre exclues des Ă©lections locales.

L’instauration du vote par correspondance des personnes dĂ©tenues Ă©tait d’ailleurs une promesse du prĂ©sident de la RĂ©publique, faite en 2018. La majoritĂ© qui soutenait son action a fait adopter la loi de 2019 et elle ne doit pas revenir sur cette avancĂ©e aujourd’hui. Nous pensons au contraire que l’exercice des droits civiques favorise pleinement la rĂ©insertion et la dignitĂ© des personnes. Il s’agit de respecter un droit fondamental : la citoyennetĂ© ne doit pas s’arrĂȘter aux portes des cellules.

Parce que cette proposition de loi affaiblit notre démocratie et prive de citoyenneté une partie de la population, le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire appelle fermement à rejeter ce texte.

Mme Marie-JosĂ© Allemand (SOC). Depuis la rĂ©forme du code pĂ©nal de 1994, toute personne dĂ©tenue peut exercer son droit de vote, Ă  la double condition d’ĂȘtre inscrite sur une liste Ă©lectorale et de ne pas avoir Ă©tĂ© privĂ©e de ses droits civiques. Il s’agit d’un droit important, qui permet aux dĂ©tenus de conserver leur citoyennetĂ© et qui constitue un facteur d’insertion dans le parcours d’exĂ©cution de la peine. Jusqu’en 2019, les personnes dĂ©tenues pouvaient voter soit par procuration, soit en se rendant au bureau de vote en cas de permission de sortir. À ces deux modalitĂ©s de vote s’en est ajoutĂ©e une troisiĂšme, le vote par correspondance, instituĂ©e en 2021 aprĂšs une expĂ©rimentation aux Ă©lections europĂ©ennes de 2019.

Le vote par correspondance a considĂ©rablement augmentĂ© la participation Ă©lectorale dans les prisons. Aux Ă©lections europĂ©ennes et lĂ©gislatives de 2024, le taux de participation des dĂ©tenus Ă©tait respectivement de 22 % et de 19 %. Cette hausse de la participation est largement attribuable au vote par correspondance, modalitĂ© adoptĂ©e par plus de 90 % des dĂ©tenus participant au scrutin.

Le principe retenu par le gouvernement d’une comptabilisation du vote par correspondance dans la commune chef-lieu du dĂ©partement ou d’implantation de la prison pose toutefois quelques difficultĂ©s. Dans son avis consultatif rendu en 2019, le Conseil d’État a estimĂ© que ce principe pouvait conduire Ă  rompre tout lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription, mĂ©connaissant ainsi la tradition de notre droit Ă©lectoral. Le Conseil a Ă©galement observĂ© que, dans quelques dĂ©partements, le nombre thĂ©orique de dĂ©tenus inscrits pouvait avoir un impact non nĂ©gligeable sur le corps Ă©lectoral de certaines communes, donc affecter le rĂ©sultat du scrutin.

La prĂ©sente proposition de loi vise Ă  rĂ©pondre Ă  cette difficultĂ©. Sa version initiale prĂ©voyait que les votes par correspondance soient dĂ©sormais comptabilisĂ©s dans la commune de rĂ©sidence du dĂ©tenu avant son incarcĂ©ration ou dans celle d’un membre de sa famille, en lieu et place de la commune chef-lieu du dĂ©partement ou d’implantation de la prison. Cette solution prĂ©sentait l’avantage de conserver le vote par correspondance tout en rĂ©solvant le problĂšme qu’il pose.

Le texte a toutefois Ă©tĂ© largement amendĂ© par le SĂ©nat, dans un sens qui l’a fait dĂ©vier de son objectif initial. Ainsi, la rĂ©daction qui nous est soumise maintient le vote par correspondance pour les Ă©lections prĂ©sidentielles et europĂ©ennes ainsi que pour les rĂ©fĂ©rendums, mais le supprime pour les Ă©lections locales et lĂ©gislatives. Seul subsisterait dans ce cas le vote par procuration ou dans un bureau de vote en cas de permission de sortir.

Si nous pouvions partager l’objectif initial de la proposition de loi, nous sommes opposĂ©s Ă  la nouvelle rĂ©daction, qui porte une atteinte disproportionnĂ©e Ă  l’exercice du droit de vote des dĂ©tenus. Son adoption constituerait un recul, dans la mesure oĂč le vote par correspondance est plĂ©biscitĂ© Ă  une trĂšs large majoritĂ©. Nous proposerons donc de rĂ©tablir la proposition de loi dans sa rĂ©daction initiale, afin de prĂ©server le vote par correspondance tout en rĂ©pondant Ă  la difficultĂ© nĂ©e du mode de comptabilisation des bulletins.

M. Philippe Gosselin (DR). Ce sujet de citoyennetĂ© est important. Les dĂ©tenus, Ă  condition de ne pas ĂȘtre privĂ©s de leurs droits civiques, doivent pouvoir exercer pleinement leur citoyennetĂ©. Le droit de vote est un droit fondamental et nĂ©cessaire dont doivent bĂ©nĂ©ficier l’ensemble des citoyens.

La proposition de loi vise Ă  revenir sur une partie du droit de vote par correspondance tel qu’il a Ă©tĂ© instaurĂ© il y a quelques annĂ©es. L’idĂ©e Ă©tait de favoriser la participation des dĂ©tenus Ă  la vie nationale et locale ainsi que l’engagement citoyen, mais les maires ont relevĂ© certaines difficultĂ©s. Les chefs d’établissements pĂ©nitentiaires ont Ă©galement alertĂ© Ă  plusieurs reprises sur les problĂšmes que crĂ©ait le vote par correspondance. Les maires regrettaient que celui-ci puisse avoir un impact Ă©levĂ© sur le corps Ă©lectoral.

Dans un souci de simplification, le texte a pour objet de restreindre le vote par correspondance aux Ă©lections dont le pays entier est la circonscription – Ă©lections prĂ©sidentielles et europĂ©ennes. S’agissant des alternatives, je reconnais que l’établissement d’une procuration est une procĂ©dure complexe pour un dĂ©tenu, le statut de ce dernier dĂ©terminant l’obtention ou le refus d’une permission de sortir pour aller voter. Pour ces raisons, la proposition de loi paraĂźtra bancale aux yeux de certains, surtout par rapport Ă  sa rĂ©daction initiale.

Notre groupe le soutiendra toutefois, dans la mesure oĂč son adoption rĂ©soudra certaines difficultĂ©s pratiques. En rĂ©servant le vote par correspondance aux scrutins tenus dans une seule circonscription et en conservant la procuration ou le vote dans un bureau en cas de permission pour les autres Ă©lections, le texte parvient Ă  un Ă©quilibre et constitue une avancĂ©e.

Mme LĂ©a Balage El Mariky (EcoS). Notre dĂ©bat touche au cƓur mĂȘme de notre pacte rĂ©publicain, Ă  savoir le suffrage universel. En faisant le choix, lors de la rĂ©forme du code pĂ©nal de 1994, de permettre aux personnes dĂ©tenues de disposer, sauf dĂ©cision judiciaire expresse, de leurs droits civiques, le lĂ©gislateur a manifestĂ© sa volontĂ© de reconnaĂźtre la dignitĂ© de chaque individu, y compris lorsqu’il est privĂ© de sa libertĂ©.

C’est Ă  une rĂ©forme structurelle de l’administration pĂ©nitentiaire au service d’une vĂ©ritable politique de rĂ©insertion civique que nous devrions nous atteler. HĂ©las, au lieu de faire entrer la RĂ©publique dans les prisons, la proposition de loi vise Ă  l’en exclure en supprimant la possibilitĂ© pour les dĂ©tenus de voter par correspondance aux Ă©lections lĂ©gislatives et locales, et ce, non pas pour des raisons juridiques ou logistiques irrĂ©futables, mais sous un paresseux prĂ©texte organisationnel. Surtout, le texte, prĂ©sentĂ© Ă  la veille d’élections municipales, obĂ©it Ă  des mobiles purement politiciens liĂ©s Ă  des calculs Ă©lectoraux Ă  courte vue. Ce n’est pas acceptable !

Depuis qu’il a Ă©tĂ© instaurĂ©, le vote par correspondance a permis de dĂ©cupler le taux de participation Ă©lectorale des dĂ©tenus. Quelque 93 % des votants en prison ont exercĂ© leur droit de vote via cette modalitĂ© du vote par correspondance. C’est la preuve que, loin de fausser la dĂ©mocratie, l’adaptation des modalitĂ©s de vote Ă  leur situation la renforce.

Le fait est que les deux autres modalitĂ©s sont trĂšs inadaptĂ©es. Le vote par procuration suppose que le dĂ©tenu dĂ©signe un mandataire Ă  l’extĂ©rieur, ce qui n’est pas aisĂ© ; s’il y parvient, la procĂ©dure est si lourde qu’elle en devient dissuasive. Quant Ă  la possibilitĂ© de se rendre aux urnes Ă  la faveur d’une permission de sortir, elle est rĂ©servĂ©e Ă  des profils trĂšs spĂ©cifiques et exclut d’office les 19 000 personnes en dĂ©tention provisoire. Qui plus est, cette permission reste soumise Ă  l’apprĂ©ciation d’un juge et, une fois accordĂ©e, elle est assujettie Ă  des rĂšgles dissuasives.

Il est vrai que le choix fait en 2019 n’est pas pleinement satisfaisant. Les dĂ©tenus qui choisissent le vote par correspondance Ă©tant rattachĂ©s Ă  un bureau de vote spĂ©cifique situĂ© dans le chef-lieu du dĂ©partement de leur Ă©tablissement pĂ©nitentiaire, leur ancrage territorial peut ĂȘtre faible. Mais il n’est pas nul : les personnes dĂ©tenues ont un lien concret avec les territoires oĂč elles sont incarcĂ©rĂ©es : le dĂ©partement et la rĂ©gion sont compĂ©tents en matiĂšre de santĂ© et d’insertion.

La solution initialement envisagĂ©e au SĂ©nat – que nous reprenons en partie Ă  notre compte dans l’amendement CL18 â€“ Ă©tait plutĂŽt bonne ; elle visait Ă  permettre Ă  la personne dĂ©tenue d’ĂȘtre inscrite dans la commune oĂč elle avait Ă©lu domicile avant son incarcĂ©ration ou dans celle d’un parent proche. Mais elle a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e par la commission des lois du SĂ©nat, soucieuse de ne pas dĂ©stabiliser le corps Ă©lectoral des villes chefs-lieux[AG2].

On nous propose donc de sacrifier le droit des personnes dĂ©tenues de voter par correspondance aux Ă©lections locales et lĂ©gislatives sur l’autel de calculs Ă©lectoraux C’est un renoncement trĂšs grave aux valeurs que nous sommes censĂ©s incarner. Que vaut en effet un droit si l’on empĂȘche son exercice pratique ? Le groupe Écologiste et social s’opposera Ă  ce texte.

Mme Blandine Brocard (Dem). La proposition de loi touche Ă  un fondement essentiel de notre dĂ©mocratie : le droit de vote. Il s’agit en effet d’adapter les modalitĂ©s d’exercice de ce droit par les personnes dĂ©tenues dans le souci de maintenir un Ă©quilibre entre inclusion civique et sincĂ©ritĂ© du scrutin local.

Depuis 2019, la loi permet aux dĂ©tenus de voter par correspondance grĂące Ă  des bureaux de vote dĂ©rogatoires rattachĂ©s Ă  la commune chef-lieu du dĂ©partement oĂč se situe l’établissement pĂ©nitentiaire. Ainsi le taux de leur participation Ă©lectorale est-il passĂ© de 1 % en 2017 Ă  20 % en 2024. L’amĂ©lioration est incontestable au regard des dispositifs antĂ©rieurs – procuration ou permission de sortir â€“, qui Ă©taient difficilement praticables.

Toutefois, le vote par correspondance a produit, sous sa forme actuelle, des effets de bord prĂ©occupants. En rattachant mĂ©caniquement les Ă©lecteurs incarcĂ©rĂ©s Ă  la commune chef-lieu du dĂ©partement, on rompt le lien entre l’électeur et son territoire d’inscription. Non seulement cette absence de lien va Ă  l’encontre de notre tradition Ă©lectorale, mais la part des dĂ©tenus reprĂ©sente dĂ©sormais jusqu’à plus de 10 % des suffrages exprimĂ©s dans certaines communes, ce qui risque de dĂ©stabiliser le corps Ă©lectoral local et de compromettre l’égalitĂ© entre candidats. Soulever ce problĂšme, ce n’est pas se livrer Ă  des calculs Ă©lectoralistes, c’est se prĂ©occuper du respect de la sincĂ©ritĂ© et de la sĂ©rĂ©nitĂ© des scrutins.

La proposition de loi a donc pour objet de procĂ©der Ă  un ajustement mesurĂ© et pragmatique. Elle maintient le vote par correspondance sous sa forme dĂ©rogatoire pour les Ă©lections Ă  circonscription nationale – prĂ©sidentielle, europĂ©ennes et rĂ©fĂ©rendum â€“ et l’exclut pour les scrutins territorialisĂ©s – municipales, dĂ©partementales, rĂ©gionales et lĂ©gislatives â€“, pour lesquels les personnes dĂ©tenues pourront continuer Ă  voter par procuration ou dans le cadre d’une permission de sortir. Par ailleurs, l’inscription automatique dans la commune chef-lieu du dĂ©partement est supprimĂ©e au profit du rattachement Ă  une commune avec laquelle le dĂ©tenu justifie d’un lien personnel rĂ©el.

Cette Ă©volution ne marque en rien une rĂ©gression : elle vise Ă  prĂ©server l’esprit de la loi de 2019 tout en corrigeant les dĂ©sĂ©quilibres constatĂ©s et en garantissant la sincĂ©ritĂ© des scrutins locaux. De surcroĂźt, elle respecte les prĂ©conisations du Conseil d’État. Enrichi avec rigueur et cohĂ©rence par le SĂ©nat, le texte remĂ©die de maniĂšre claire Ă  une difficultĂ© bien identifiĂ©e, en conciliant l’universalitĂ© du droit de vote avec l’exigence de sincĂ©ritĂ© des scrutins et le respect du lien entre l’électeur et son territoire. Parce qu’elle est Ă©quilibrĂ©e et profondĂ©ment rĂ©publicaine, le groupe Les DĂ©mocrates votera pour cette proposition de loi.

M. Paul Molac (LIOT). Du fait des modifications qui y ont Ă©tĂ© apportĂ©es au SĂ©nat, ce texte marque un vĂ©ritable recul des droits civiques des personnes dĂ©tenues puisqu’il tend Ă  supprimer la possibilitĂ© qui leur Ă©tait offerte de voter par correspondance aux Ă©lections locales et lĂ©gislatives. Il y a deux moyens de revenir sur un droit : soit la loi le supprime, soit on rend son exercice impossible. En l’espĂšce, c’est la seconde voie qui a Ă©tĂ© choisie.

Quelque 57 000 dĂ©tenus sont concernĂ©s. Leur intĂ©rĂȘt pour les Ă©lections est pourtant positif : il tĂ©moigne, d’une certaine maniĂšre, de leur volontĂ© de se rĂ©insĂ©rer et d’échapper Ă  la rĂ©cidive.

La loi de 2019 avait permis de porter le taux de participation des personnes dĂ©tenues de moins de 2 % Ă  20 %. Il est vrai que les modalitĂ©s du vote par correspondance Ă©taient susceptibles de dĂ©sĂ©quilibrer le corps Ă©lectoral d’environ six communes. Mais la version initiale du texte avait le mĂ©rite de proposer une solution Ă©quilibrĂ©e conciliant le droit de vote et le maintien du lien personnel avec le territoire d’inscription en permettant aux dĂ©tenus de voter par correspondance dans leur commune de naissance, le cas Ă©chĂ©ant dans leur commune de rĂ©sidence ou dans celle de leurs ascendants ou descendants.

Le SĂ©nat a fait le choix de rompre cet Ă©quilibre au dĂ©triment des droits des dĂ©tenus, pour des raisons liĂ©es Ă  des difficultĂ©s logistiques. On nous dira que les dĂ©tenus pourront toujours voter par procuration – mais cela n’a rien de trĂšs simple â€“ ou bĂ©nĂ©ficier de permissions de sortir, lesquelles ne seront certainement pas accordĂ©es Ă  la pelle – et on peut le comprendre.

Je dĂ©fendrai donc un amendement cosignĂ© avec Martine Froger qui vise Ă  revenir Ă  la version initiale du texte. S’il n’est pas adoptĂ©, nous voterons contre la proposition de loi.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Si nous pouvons souscrire Ă  certaines des dispositions de la proposition de loi initiale, je m’étonne que celle-ci nous soit soumise moins d’un an avant les prochaines Ă©lections municipales.

Par ailleurs, je relĂšve que le SĂ©nat a prĂ©fĂ©rĂ© supprimer un droit plutĂŽt que d’amĂ©nager ses modalitĂ©s d’exercice. Quant Ă  la question de la rĂ©sidence des dĂ©tenus, elle est dĂ©licate lorsqu’on sait que, dans certains Ă©tablissements pĂ©nitentiaires, 30 % Ă  40 % d’entre eux sont indigents et n’avaient pas de rĂ©sidence avant leur incarcĂ©ration. Je souhaiterais, du reste, que les Ă©lus se montrent toujours aussi scrupuleux Ă  propos de la commune de rĂ©sidence des Ă©lecteurs.

Nous sommes trĂšs opposĂ©s au texte, car il marque un recul dĂ©mocratique, non seulement pour les personnes dĂ©tenues, mais aussi pour la RĂ©publique. PlutĂŽt que d’encourager l’expression politique des prisonniers dans la perspective de leur rĂ©insertion, on les rĂ©duit Ă  leur Ă©tat de dĂ©tenus en niant leur statut de citoyens. Nous refusons que la prison soit un angle mort de notre dĂ©mocratie. Le dĂ©tenu n’est pas seulement un corps qui doit ĂȘtre surveillĂ© ; il est aussi un citoyen Ă  rĂ©insĂ©rer.

À ceux de mes collĂšgues qui soutiennent ce texte, je dis, d’une part, que s’ils souhaitent que les dĂ©tenus votent dans leur commune de rĂ©sidence, ils peuvent toujours recourir Ă  la rĂ©gulation carcĂ©rale, d’autre part, qu’il est hypocrite de s’en remettre aux permissions de sortir lorsqu’on cherche par ailleurs Ă  limiter les extractions, qui pĂšsent sur un personnel pĂ©nitentiaire confrontĂ© Ă  la surpopulation carcĂ©rale. Le SĂ©nat, qui sait pertinemment que ces modalitĂ©s de vote ne sont guĂšre praticables, cherche en fait Ă  revenir sur les progrĂšs permis par la loi de 2019.

Nous nous opposons donc fermement Ă  la proposition de loi, en rappelant Ă  celles et ceux qui seraient tentĂ©s de l’approuver que le lĂ©gislateur se doit d’ĂȘtre fidĂšle Ă  nos valeurs rĂ©publicaines.

Mme Brigitte BarĂšges (UDR). La proposition de loi vise Ă  corriger une anomalie dĂ©mocratique identifiĂ©e depuis l’instauration par la loi de 2019 du vote par correspondance pour les personnes dĂ©tenues. Cet ajustement technique a cependant des consĂ©quences trĂšs concrĂštes.

Le fait que les dĂ©tenus votant par correspondance soient systĂ©matiquement rattachĂ©s Ă  la commune chef-lieu du dĂ©partement de l’établissement pĂ©nitentiaire crĂ©e un dĂ©sĂ©quilibre manifeste dans certaines circonscriptions, notamment lors des Ă©lections locales et lĂ©gislatives. Dans plusieurs communes, les voix des personnes dĂ©tenues peuvent en effet reprĂ©senter jusqu’à 5 % du corps Ă©lectoral et sont donc susceptibles d’inflĂ©chir le rĂ©sultat. La proposition de loi prend acte de cette difficultĂ© et y apporte une solution pragmatique. D’une part, elle limite le vote par correspondance des personnes dĂ©tenues aux scrutins de portĂ©e strictement nationale, pour lesquels cette centralisation ne crĂ©era pas de distorsion locale. D’autre part, elle Ă©tend les possibilitĂ©s pour les dĂ©tenus de s’inscrire sur les listes Ă©lectorales des communes avec lesquelles ils ont un lien personnel ou familial.

Notre groupe votera donc en faveur de cette proposition de loi Ă©quilibrĂ©e, respectueuse du droit de vote et soucieuse de prĂ©server l’intĂ©gritĂ© du processus Ă©lectoral local.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Le fait que les personnes dĂ©tenues reprĂ©sentent jusqu’à 5 % du corps Ă©lectoral d’une commune peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un effet de bord limitĂ©. Mais Ă  Lille, par exemple, les derniĂšres Ă©lections municipales de Lille se sont jouĂ©es Ă  327 voix. Les 700 dĂ©tenus rattachĂ©s Ă  cette commune peuvent donc faire pencher la balance.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Certes Ă©largir le corps Ă©lectoral peut changer un rĂ©sultat, on disait la mĂȘme chose du vote des femmes !

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Ă‰coutons le rapporteur. D’ailleurs, il aurait pu citer les rĂ©sultats des congrĂšs du parti socialiste, qui parfois se jouent Ă©galement Ă  quelques voix...

M. Jean Moulliere, rapporteur. J’ajoute que si les dĂ©tenus sont nombreux Ă  voter, ils reprĂ©sentent une part des suffrages exprimĂ©s d’autant plus importante que la participation au scrutin est faible.

Je voulais souligner le fait qu’un dĂ©tenu qui n’a pas de lien avec une commune peut nĂ©anmoins influer de maniĂšre importante sur le rĂ©sultat des Ă©lections.

Quant au « paresseux prĂ©texte organisationnel Â» Ă©voquĂ© par Mme Balage El Mariky, les reprĂ©sentants du bureau des Ă©lections du ministĂšre de l’intĂ©rieur et la direction de l’administration pĂ©nitentiaire m’ont confirmĂ© que le vote par correspondance Ă©tait trĂšs difficile Ă  organiser, notamment pour des Ă©lections municipales – je pense en particulier Ă  la distribution des professions de foi.

Enfin, nous ne supprimons pas un droit ; nous procĂ©dons Ă  des ajustements pour prendre en compte les retours d’expĂ©rience et l’avis du Conseil d’État, qui insiste sur l’importance du lien personnel entre l’électeur et la commune oĂč il est inscrit.

Article unique : (art. L. 12-1, L. 79 et L. 388 du code Ă©lectoral) Modification des possibilitĂ©s de vote pour les personnes dĂ©tenues

Amendement de suppression CL6 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). La proposition de loi porte au droit de vote des personnes dĂ©tenues une atteinte que l’argument du lien entre l’électeur et sa commune d’inscription ne saurait justifier. Le texte marque un recul grave de nos droits fondamentaux et de notre dĂ©mocratie.

En instaurant le vote par correspondance, la loi de 2019 a permis de dĂ©cupler le taux de participation des dĂ©tenus et cette modalitĂ© de vote a Ă©tĂ© utilisĂ©e par environ93 % des dĂ©tenus ayant votĂ©. Il s’agit donc d’un progrĂšs net, d’ailleurs saluĂ© par l’ensemble des acteurs de terrain. DĂšs lors, pourquoi vouloir le supprimer, qui plus est Ă  la veille d’échĂ©ances Ă©lectorales ?

Quant au lien de proximitĂ© effectif, les dĂ©tenus, qui travaillent au sein des centres pĂ©nitentiaires ou dans le cadre de missions extĂ©rieures, sont, de fait, des usagers des services publics locaux : eau, traitement des dĂ©chets, transports, Ă©coles, hĂŽpitaux et, pour certains, services sociaux. Ils sont des citoyens comme les autres, intĂ©ressĂ©s par les politiques publiques menĂ©es dans le territoire oĂč ils vivent et attachĂ©s Ă  celui-ci. Rappelons par ailleurs, que les citoyens Ă©lisent les dĂ©putĂ©s de la nation et non des reprĂ©sentants d’une circonscription.

Le vote est un Ă©lĂ©ment essentiel de la rĂ©insertion. Au lieu de l’effacer Ă  coups de calculs Ă©lectoraux, comme on nous le propose, il nous faut encourager son exercice pour renforcer la citoyennetĂ©. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article unique.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Nous sommes d’accord sur les progrĂšs permis par la loi de 2019 en matiĂšre de participation Ă©lectorale. Mais ce constat ne change rien au caractĂšre insatisfaisant d’une modalitĂ© de vote qui rompt le lien entre l’électeur et le territoire concernĂ©.

Je m’inscris en faux contre plusieurs de vos arguments. Le vote par correspondance n’est pas supprimĂ© : son pĂ©rimĂštre est restreint aux Ă©lections prĂ©sidentielles et europĂ©ennes ainsi qu’aux rĂ©fĂ©rendums. Cela ne signifie pas que nous hiĂ©rarchisons les Ă©lections. Nous considĂ©rons simplement qu’il n’est pas normal que des personnes n’ayant aucun lien avec une commune se prononcent sur des enjeux qui ne les concernent pas. Cela porte atteinte au sens mĂȘme des Ă©lections locales.

L’exercice des droits civiques, notamment du droit de vote, est primordial pour la rĂ©insertion de nos dĂ©tenus. Il faudra donc, lors des Ă©lections locales, faciliter le vote par procuration, qui a d’ailleurs Ă©tĂ© simplifiĂ© puisque le mandataire doit dĂ©sormais rĂ©sider dans le mĂȘme dĂ©partement, et non plus dans la mĂȘme commune, que le mandant. En tout Ă©tat de cause, l’administration pĂ©nitentiaire sera mobilisĂ©e pour accompagner les dĂ©tenus dans l’exercice de leur droit de vote. Ces derniers pourront toujours participer aux scrutins locaux, mais dans des territoires avec lesquels elles ont des liens personnels concrets.

Pour ces diffĂ©rentes raisons, j’émets un avis dĂ©favorable.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Je voterai pour cet amendement de suppression.

Vous tentez de nous convaincre que le texte ne marque aucun recul tout en admettant que le droit de vote des dĂ©tenus sera entravĂ©. Nous nous opposons Ă  ce recul des droits civiques des dĂ©tenus. De fait, il est possible de remĂ©dier aux problĂšmes pratiques par des amĂ©nagements, que nous Ă©tions prĂȘts Ă  accepter.

En rĂ©alitĂ©, la question qui se pose est celle de savoir pour qui votent les dĂ©tenus. À certains moments, la rĂ©ponse Ă  cette question semblait convenir ; Ă  prĂ©sent, elle convient moins. Mais il ne viendrait Ă  l’idĂ©e de personne de revenir sur le droit des femmes au motif qu’il a modifiĂ© les Ă©quilibres politiques. Faut-il remettre en cause le droit de vote des sans-abri au prĂ©texte que leur lien avec la commune oĂč ils sont domiciliĂ©s n’est pas Ă©tabli ? Et qu’en est-il des Ă©lecteurs qui se sont abstenus Ă  quatre scrutins successifs ? VoilĂ  le type de rĂ©flexions auxquelles nous conduisent vos arguments.

M. le prĂ©sident Florent BoudiĂ©. Je souhaiterais que nous achevions l’examen de la proposition de loi ce matin. En tout Ă©tat de cause, nous ne reprendrons nos travaux qu’aprĂšs la discussion, en sĂ©ance publique, des amendements Ă  l’article 15 du projet de loi de simplification de la vie Ă©conomique.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous faisons face Ă  une immense hypocrisie. Le camp macroniste, qui lĂ©gifĂšre la plupart du temps sans tenir le moindre compte des Ă©tudes d’impact, veut supprimer le droit instaurĂ© par la loi de 2019 au motif que les dĂ©tenus ne l’exercent pas de la maniĂšre qui lui convient. Je m’étonne, du reste, que le Rassemblement national se joigne Ă  la curĂ©e alors que de nombreux dĂ©tenus votent pour son camp.

Comment peut-on croire que le vote par procuration sera plus facile pour les dĂ©tenus que pour les citoyens libres d’aller et venir ? Enfin, je peux dresser des listes complĂštes de personnes qui n’ont pas d’ancrage dans la commune oĂč elles sont inscrites ; certaines n’y possĂšdent parfois qu’un garage. La visĂ©e Ă©lectoraliste de ce texte nous dĂ©plaĂźt fortement.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Nous nous opposons Ă  l’amendement de suppression. Nous nous battons depuis plusieurs annĂ©es pour renforcer les droits des dĂ©tenus ; la rĂ©forme de 2019 en tĂ©moigne. Je prĂ©cise que la proposition de loi vise, non pas Ă  supprimer le droit de voter par correspondance, mais Ă  l’exclure pour les Ă©lections locales, afin de corriger une erreur commise en 2019. En effet, du fait de leur rattachement, non Ă  pas Ă  la commune oĂč se trouve l’établissement pĂ©nitentiaire, mais Ă  la commune chef-lieu du dĂ©partement, les dĂ©tenus n’ont aucun lien avec la collectivitĂ© oĂč ils sont inscrits. Ainsi, les personnes dĂ©tenues Ă  la maison d’arrĂȘt de Fresnes peuvent participer Ă  l’élection municipale de CrĂ©teil, oĂč elles ne se sont peut-ĂȘtre jamais rendues. C’est pourquoi il nous faut revenir sur cette mesure et, Ă©ventuellement, rĂ©examiner les modalitĂ©s pratiques du vote par correspondance.

La commission adopte l’amendement.

En consĂ©quence, l’article unique est supprimĂ© et les amendements CL7 de M. Christophe Bex, CL16 de Mme LĂ©a Balage El Mariky, CL1 de Mme Colette Capdevielle, CL4 de Mme Martine Froger, CL18 et CL19 de Mme LĂ©a Balage El Mariky et CL12 de M. Christophe Bex tombent.

Aprùs l’article unique

Amendements CL17 de Mme LĂ©a Balage El Mariky, CL15 de Mme Ă‰lisa Martin, CL3 de Mme Colette Capdevielle et CL13 de M. Christophe Bex (discussion commune)

Mme LĂ©a Balage El Mariky (EcoS). L’amendement CL17 vise Ă  permettre aux dĂ©tenus de mieux exercer leur droit de vote en leur accordant des permissions de sortir.

Mme Ă‰lisa Martin (LFI-NFP). Cela a Ă©tĂ© rappelĂ© tout-Ă -l’heure, l’ancien premier prĂ©sident de la Cour de cassation, Guy Canivet, disait : « On ne peut rĂ©insĂ©rer une personne privĂ©e de libertĂ© qu’en la traitant comme un citoyen. Â» Je citerai aussi, de façon un peu cocasse, le prĂ©sident Macron, qui annonçait en 2018, dans un discours prononcĂ© Ă  Agen devant l’École nationale d’administration pĂ©nitentiaire, que l’un de ses objectifs Ă©tait de donner Ă  toute personne la possibilitĂ© de voter. Compte tenu de ces dĂ©clarations, qui rejoignent d’ailleurs l’article 3 de la Constitution, notre amendement CL15 vise Ă  ajouter, dans le code de procĂ©dure pĂ©nale, le droit pour une personne dĂ©tenue de sortir pour exercer son droit de vote.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). L’amendement CL13 est une demande de rapport sur la possibilitĂ© d’accorder aux dĂ©tenus des permissions de sortir pour aller voter.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Les permissions de sortir ne peuvent ĂȘtre accordĂ©es qu’aux personnes dĂ©tenues condamnĂ©es, sous certaines conditions, notamment de durĂ©e d’exĂ©cution de peine. Elles sont soumises Ă  un contrĂŽle de fond et de proportionnalitĂ© opĂ©rĂ© par le juge compĂ©tent. Je suis donc dĂ©favorable Ă  ces quatre amendements.

La commission adopte l’amendement CL17.

En consĂ©quence, les amendements CL15, CL3 et CL13 tombent.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CL10 de Mme Farida Amrani. L’article 2 est donc ainsi rĂ©digĂ©.

En consĂ©quence, les amendements CL2 de Mme Colette Capdevielle et CL9 de M. Christophe Bex tombent.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements CL8 de Mme Farida Amrani, CL14 de M. Christophe Bex, CL11 de Mme Ă‰lisa Martin et CL5 de Mme Martine Froger. Les articles 3 Ă  6 sont ainsi rĂ©digĂ©s.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiĂ©e.

La séance est levée à 12 heures 40.

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Informations relatives Ă  la Commission

 

La Commission a dĂ©signĂ© :

 

        Mme LĂ©a Balage El Mariky, rapporteure sur la recevabilitĂ© de la proposition de rĂ©solution de M. Laurent Wauquiez et plusieurs de ses collĂšgues tendant Ă  la crĂ©ation d’une commission d'enquĂȘte sur les liens existants entre les reprĂ©sentants de mouvements politiques et des organisations et rĂ©seaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idĂ©ologie islamiste (n° 1382) ;

        Mme Edwige Diaz, rapporteure sur la nomination de Bernard Stirn, dont la nomination en tant que prĂ©sident de la commission prĂ©vue Ă  l’article 25 de la Constitution est proposĂ©e par le prĂ©sident de la RĂ©publique, ainsi que sur la nomination de la personne dont la nomination en tant que membre de la mĂȘme commission sera proposĂ©e par la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale ;

        MM. StĂ©phane Delautrette et Didier Le Gac, rapporteurs sur la proposition de loi portant crĂ©ation d’un statut de l’élu local (n° 136).


Membres présents ou excusés

 

PrĂ©sents. - M. Xavier Albertini, Mme Marie-JosĂ© Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Farida Amrani, Mme LĂ©a Balage El Mariky, Mme Brigitte BarĂšges, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent BoudiĂ©, Mme Blandine Brocard, M. Michel Castellani, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. François-Xavier Ceccoli, M. Paul Christophle, M. Paul-AndrĂ© Colombani, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme AgnĂšs Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. JĂ©rĂ©mie Iordanoff, M. Philippe Latombe, M. Didier Le Gac, M. Antoine LĂ©aument, M. Roland Lescure, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. StĂ©phane Mazars, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, M. Éric Pauget, M. Thomas Portes, Mme Sandra Regol, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Davy Rimane, Mme BĂ©atrice Roullaud, M. HervĂ© Saulignac, M. Philippe Schreck, Mme AndrĂ©e Taurinya, M. MichaĂ«l Taverne, M. Jean Terlier, Mme CĂ©line ThiĂ©bault-Martinez, M. Roger Vicot

ExcusĂ©s. - M. Ian Boucard, Mme Colette Capdevielle, M. Moerani FrĂ©bault, M. AurĂ©lien Lopez-Liguori, Mme NaĂŻma Moutchou, M. Julien Rancoule, M. Antoine Villedieu, M. Jiovanny William

Assistaient Ă©galement Ă  la rĂ©union. - Mme Martine Froger, M. Patrick Hetzel, M. StĂ©phane Rambaud, Mme ValĂ©rie Rossi


[AG1]Ce n’est pas du tout exact
 la PPL initiale Ă©largit l’inscription sur les listes Ă©lectorales et transfĂšre le vote par correspondance

[AG2]Ce n’est pas la raison (et c’est mĂȘme contradictoire) ; ca a Ă©tĂ© Ă©cartĂ© pour des raisons logistiques