Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs) 2
Mercredi
11 juin 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 76
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
président, puis de Mme Agnès Firmin Le Bodo, vice-présidente, puis de M. Florent Boudié,
président
— 1 —
La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen des articles[1] du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs).
Rapport annexé (suite)
Amendements identiques CL331 de Mme Estelle Youssouffa et CL201 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement vise à préciser la durée d’engagement du bataillon temporaire de reconstruction de l’île déployé par le ministère des armées et à s’assurer que les 350 à 400 militaires mobilisés au service des Mahorais le restent pour au moins les dix-huit prochains mois, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2026. La reconstruction ayant pris du retard, les besoins en effectifs seront particulièrement intenses en 2026 et il nous semble important que ces hommes et ces femmes précieux, qui s’engagent au service de notre île, puissent continuer à intervenir notamment lors des moments les plus critiques.
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement a le même objectif : l’engagement de ces soldats est précieux pour Mayotte, alors que la situation sociale, sécuritaire et humanitaire reste précaire. Pour qu’il produise pleinement et surtout durablement ses effets, cet engagement doit être maintenu pour plusieurs mois au moins.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable. Nous connaissons le travail formidable effectué par les militaires, en particulier depuis le passage du cyclone Chido. Les services du ministre m’ont indiqué que ce bataillon avait vocation à rester à Mayotte au moins jusqu’au début de l’année 2026. Par cet amendement, nous affirmerons notre volonté de faire en sorte qu’il y reste plus longtemps.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL69 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). J’en reviens à la question de l’eau. Trois préfets se sont succédé depuis 2023. Ils gèrent la pénurie en trouvant normal de maintenir la population sous le régime des coupures tournantes. Qu’est-ce qui ne va pas dans la tête de nos gouvernants pour trouver normal de laisser des citoyens français sans eau ? Est-ce parce que nous sommes loin ? Est-ce parce que nous sommes pauvres ou moins français que les autres ? Il n’existe pas un seul département français dans lequel le préfet et les services de l’État ne prennent de repos tant que les habitants manquent d’eau.
Le plan Eau Mayotte promet la fin des coupures pour 2027 au moins. D’ici là, je plaide pour la recherche de solutions temporaires et mobiles afin de pallier le manque d’eau jusqu’à la mise en service de la prochaine usine de dessalement d’eau de mer.
Vous allez, monsieur le ministre, me répondre que ces solutions coûtent cher et que l’État n’a pas d’argent. J’entends cet argument, mais j’entends surtout que nous, Mahorais, ne sommes pas des citoyens français comme les autres. Osez me dire qu’un seul membre du gouvernement se permettrait de donner la même réponse à un habitant des Côtes-d’Armor ou de l’Ardèche. Je ne vous mets pas personnellement en cause. Chacun obéit aux ordres à la place où il est ; mais entendez notre colère face à cette difficulté de vie. Les Mahorais doivent avoir de l’eau, d’où cet amendement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous avons déjà eu cette discussion et le ministre d’État vous a, me semble-t-il, répondu. Vous savez combien je suis sensible au problème de la crise de l’eau, pour avoir été aux côtés des Mahorais, en particulier en 2023, avec des résultats que nous percevons aujourd’hui – vous ne pouvez pas les nier : le nombre de forages a augmenté et la capacité de l’usine de dessalement a été portée à 9 000 mètres cubes par jour, la construction des deux usines de dessalement débutera dès que le volet foncier sera maîtrisé et les trois réserves collinaires sont désormais pleines.
Je sais votre attachement au projet de bateaux de dessalement, qui pose toutefois un problème de maîtrise technologique. Je ne considère pas que votre proposition soit à balayer d’un revers de main. Étant donné les circonstances, nous ne pourrons toutefois pas mener tous les projets en même temps. Nous allons accélérer ensemble le plan Eau initié en 2023 et le réactualiser dans le cadre de ce projet de loi, en lui allouant un montant de 730 millions d’euros d’ici 2031. J’imagine que votre vigilance sur le sujet sera totale. Cela permettra de réaliser les infrastructures nécessaires. J’ajoute que les militaires ont déjà beaucoup travaillé à la réparation de très nombreuses fuites.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL70 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Cet amendement concerne la protection de la forêt. Encore un effet de bord des conséquences de la surpopulation migratoire à Mayotte : une fois arrivés sur le littoral, les clandestins gagnent les collines et les zones boisées pour y monter des habitats de fortune, des bidonvilles. Ils ont ensuite besoin de faire la cuisine et fabriquent du charbon en coupant le bois alentours. Ils défrichent pour pratiquer la culture maraîchère, pour vivre ou plutôt survivre.
Ces têtes de collines sont pourtant vitales à l’écosystème fragile de l’île. Elles protègent la terre au sol et préviennent du ravinage et de l’érosion. Si nous continuons à laisser nos collines se dénuder, la terre de Mayotte va se retrouver dans le lagon. Le processus a déjà commencé. Érosion, pénurie de ressources, impacts sur la biodiversité : les conséquences de la destruction des têtes de collines sont nombreuses et néfastes.
Je ne réclame pas ici un nouveau label de certification de la protection des collines. Je demande qu’elles soient vidées de leurs squatteurs afin que la nature puisse reprendre ses droits et continuer à protéger les cultures et les habitations des ravages de l’érosion. La protection stricte de ces zones est un enjeu de survie du territoire.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je souscris à votre idée de sanctuariser les collines boisées et de faire en sorte que la protection environnementale soit une exigence. Il n’est toutefois pas possible d’effectuer une telle démarche de façon individualisée. Il faut élaborer un plan d’ensemble. Le schéma de développement et d’aménagement régional (Sdar) devrait être rénové dans les vingt-quatre prochains mois et intègrera naturellement le volet environnemental. Des sujets comme ceux du trait de côte ou de la préservation des récifs coralliens et des collines boisées constituent un ensemble, qu’il faut traiter comme tel. Je suis, tout comme vous, soucieux de cette exigence, mais j’estime que cela ne peut s’effectuer de façon individualisée.
Il appartiendra aux élus locaux, qui élaborent notamment les schémas directeurs, d’agir dans ce domaine. Ne demandez pas à l’État de faire ce qui revient aux élus. C’est là le principe même de la décentralisation.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL323 de M. Charles Fournier, amendements identiques CL344 de Mme Estelle Youssouffa et CL202 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). Cet amendement, que je vais retirer, avait pour objet d’appeler votre attention sur la difficulté de concilier l’implantation d’équipements indispensables à l’amélioration de la vie des populations et la protection de l’environnement.
Il se trouve que le site d’Ironi Bé, sur lequel l’usine de dessalement sera bientôt construite, est un lieu précieux d’habitat du crabier blanc, une sorte de petit héron d’un demi-mètre de haut dont il existe au plus 800 couples dans le monde. Cette construction fait donc courir un risque d’extinction imminente à cette espèce qui ne se reproduit que dans quatre sites à travers le monde, dont Mayotte.
Le projet date d’avant le cyclone et les associations étaient fortement mobilisées pour obtenir des compensations ou éviter une emprise trop forte de l’usine de dessalement sur le milieu. Mais Chido a tout changé et nous ne pouvons pas, compte tenu de l’urgence et de la gravité des problèmes d’accès à l’eau à Mayotte, revenir sur cette décision.
L’amendement est retiré.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il s’agit de préciser, par prudence, que la deuxième usine de dessalement sera installée sur le site d’Ironi Bé « ou tout autre site alternatif ». Ce projet, qui devait débuter en mai 2025 pour une livraison prévue en 2027, vient en effet de recevoir un avis défavorable de l’autorité environnementale, qui refuse de donner son accord sur les travaux en mer.
J’ai, depuis l’annonce de ce projet, alerté sur son caractère incroyablement écocide. Mayotte possède le plus grand lagon fermé au monde, véritable joyau de biodiversité. Personne ne conteste la nécessité de produire de l’eau potable mais cette usine de dessalement rejettera dans le lagon des eaux concentrées en sel qui y resteront. Cela explique certainement l’avis défavorable de l’autorité environnementale.
Malgré les alertes, l’État a refusé, par radinerie, de construire un tuyau permettant de rejeter ces eaux ultraconcentrées en sel hors du lagon. Ainsi, ce projet d’usine, fondamental pour Mayotte et sa population, présente à terme un risque pour la survie même de l’écosystème de l’île. Il permettrait certes d’avoir de l’eau, mais dans une île devenue inhabitable. Le lagon sert en effet de protection en cas de tsunami et abrite une faune et une flore exceptionnelles, notamment dans la mangrove. Or le projet d’Ironi Bé est mené quelles que soient les objections et les réserves exprimées par les acteurs conscients des enjeux environnementaux.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je réponds favorablement à ces deux amendements.
Sanctuariser un seul site sans avoir, par prudence, repéré un autre site serait une erreur qui engendrerait encore de nombreux mois de retard.
Vous constaterez, madame Bamana, que notre exigence est d’apporter une réponse la plus sécurisée possible. J’imagine donc que cet amendement recevra votre assentiment.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL67 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Mon précédent amendement avait tout son sens, puisque l’avis défavorable relatif au site actuellement choisi va encore repousser l’échéance de 2027.
Le présent amendement concerne la question de la récupération des eaux de pluie, justifiée par la pénurie que connaît Mayotte. Le plan Mayotte 2025 l’évoquait déjà.
Il n’est par exemple pas possible de faire venir de l’eau de Madagascar ; seules les importations de bière sont autorisées. Nous marchons sur la tête avec nos normes folles. Les coupures d’eau continuent et nous vivons dans une situation que vous ne supporteriez pas, ne serait-ce que quelques jours.
Chido est passé par là ; tout est à reconstruire. Cette reconstruction doit passer par la systématisation de la récupération des eaux pluviales. Il en avait été question lors de la loi d’urgence. L’examen de ce projet de loi nous offre l’occasion d’y revenir. Les sanitaires, le jardin, le nettoyage des maisons n’ont pas obligatoirement besoin de fonctionner avec de l’eau du robinet. La récupération domestique des eaux pluviales est un moyen qu’il faut valoriser. C’est une politique facile à mettre en œuvre qui donnera des résultats rapidement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à cet amendement, même si je partage l’idée selon laquelle la récupération massive des eaux pluviales est un enjeu. Une politique publique peut en effet être conduite par le département. Il ne faut pas toujours demander à l’État de se substituer aux collectivités locales. Il existe des outils de contractualisation, parmi lesquels les contrats de convergence et de transformation (CCT). Je suis persuadé que l’État apporterait son soutien si un plan massif était déployé sur le sujet.
Une réponse a déjà été apportée dans le domaine de l’eau, avec un financement des infrastructures par l’État à hauteur de quasiment 100 %. Quelque 730 millions d’euros vont ainsi être mobilisés d’ici 2031. Vous m’accorderez que jamais un tel effort n’avait été consenti auparavant.
Je suis certain que si une politique en faveur de la récupération des eaux pluviales était mise en place par les élus locaux, elle rencontrerait un écho favorable auprès du gouvernement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL324 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit de garantir le respect des obligations issues de la transposition de la directive révisée « eau potable », qui crée l’obligation pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents d’effectuer un recensement des personnes disposant d’un accès inexistant ou insuffisant à l’eau potable grâce à un diagnostic territorial, soient respectées. Á ce jour, aucune collectivité du département de Mayotte n’a entamé ce travail.
J’ai bien noté une aspiration très forte des communes de Mayotte et des Mahorais de façon générale à entrer dans le droit commun. Un tel argument me semble de nature à favoriser le vote de cet amendement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous partageons cette exigence, mais vous savez comme moi qu’il existe à Mayotte un syndicat, Les eaux de Mayotte (Lema), chargé de ces aspects. L’État ne saurait intervenir dans ce cadre pour indiquer le maillage à réaliser sans que les collectivités compétentes ne lui reprochent de vouloir les infantiliser en effectuant un travail qui n’est pas le sien.
Une partie du schéma a été élaborée, mais il convient de le compléter à l’échelle territoriale car il reste totalement insuffisant malgré les actions conduites depuis quelques années. Cela passe par la connexion des deux usines de dessalement et la mise en place de la troisième réserve collinaire.
L’État sera présent aux côtés des collectivités si la réalisation des études ou le déroulement des travaux l’exigent. J’y veillerai personnellement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL68 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Cet amendement concerne l’assainissement, sujet vital pour la préservation de notre écosystème. Mayotte est une île, un circuit fermé qui ne débouche pas sur l’extérieur. La mer elle-même est intérieure, puisque nos côtes sont entourées d’un lagon. La moindre goutte d’eau usée que nous rejetons repart dans la nappe phréatique ou dans le lagon. Il n’existe pas d’autre possibilité, aucun fleuve se jetant loin, ni de marées qui brassent l’eau.
Les pouvoirs publics prennent en charge la construction des centrales de traitement des eaux usées. Il faut également ouvrir le chantier du raccordement des habitations et fabriquer ainsi une capillarité qui permettra de rendre étanche le trajet des eaux usées. Ce chantier, peu visible, peu médiatique, doit commencer par l’établissement d’une cartographie complète et précise du réseau existant. Cela permettra de planifier les travaux et ce faisant de renforcer la santé du système d’eau de Mayotte, nappe et lagon réunis.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous soulevez là une vraie question. Il faut savoir que l’intitulé complet du plan Eau est plan « Eau et assainissement ». L’enveloppe allouée comporte donc des moyens pour élaborer un schéma d’assainissement puis mettre en place les installations nécessaires.
L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL203 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement est semblable à l’amendement CL202, précédemment adopté.
Je rappelle qu’en matière d’eau, le problème rencontré à Mayotte est au moins autant celui du réseau que des réserves.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL208 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement propose la transmission au comité de suivi de la loi de programmation, d’ici la fin de l’année, d’un calendrier des travaux de sécurisation de l’usine de dessalement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable : dans la mesure où je me suis précédemment prononcé favorablement sur la transmission d’éléments au comité de suivi, il n’y a pas de raison que la question de l’eau fasse exception.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL336 de Mme Elsa Faucillon, amendements identiques CL332 de Mme Estelle Youssouffa et CL325 de M. Charles Fournier (discussion commune)
Mme Elsa Faucillon (GDR). J’espère que le fait que nous ayons des amendements communs avec M. Fournier et Mme Youssouffa invitera les collègues à montrer par leur vote que la question de l’enjeu majeur de l’accès à l’eau potable nous rassemble.
La crise de l’eau à Mayotte est le fruit de choix politiques de délaissement.
Je vais conserver mon amendement, mais j’incite les collègues à voter plutôt ceux de M. Fournier et de Mme Youssouffa, qui me semblent plus complets et étayés, notamment sur les solutions et les sources possibles d’accès à l’eau dans les zones où le service public d’eau n’est pas suffisant ou pas efficient.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous vivons un moment surprenant ; mais tout est possible dans cette assemblée. Que le groupe GDR défende l’un de mes amendements est un beau cadeau…
Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de la discussion sur la question du mix hydrique. Les particuliers peuvent y prendre leur part. Dans le sillage de ce qui a été annoncé et discuté avec le président de la République lors de sa dernière visite à Mayotte, il faut faciliter la récupération et le stockage des eaux de pluie pour les ménages. Il est important, dans le cadre de la reconstruction, de prévoir des moyens pour que les particuliers puissent s’équiper de citernes et de systèmes de potabilisation afin que Mayotte puisse développer l’usage dual de l’eau, potable et ménagère, cette dernière étant beaucoup moins coûteuse et servant aux usages ne relevant pas directement de la consommation humaine.
Le présent amendement, qui reprend celui du Sénat, vise à encourager et à déployer dans un contexte plus sûr des solutions correspondant à un usage déjà en cours à Mayotte, où l’eau de pluie est récupérée dans les maisons de façon souvent artisanale, ce qui peut créer des foyers de développement des moustiques et contribuer à la propagation de la dengue. La mise en place de citernes est donc aussi une nécessité de santé publique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Pendant très longtemps, le risque de transmission de maladies infectieuses par des vecteurs a justifié l’hostilité d’une partie des maires et des professionnels de santé de Mayotte à ce type de dispositifs. Aujourd’hui, la gravité du sujet et l’expérience accumulée pour limiter le risque sont telles qu’il est important de mobiliser toutes les sources disponibles pour faciliter le développement de moyens permettant à des familles habitant des quartiers isolés de se doter de citernes.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que les collectivités locales pourraient éventuellement être mobilisées. Le fait d’insérer ces alinéas dans la loi ne vaut pas engagement pour l’État de les financer, mais constituerait le signal fort d’une volonté politique d’accompagner les communes et le syndicat des eaux de Mayotte dans leur effort.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. La question très complexe de l’accès à l’eau à Mayotte renvoie aux événements dramatiques de l’été 2023 et au problème des tours d’eau. L’enjeu est d’insérer dans la loi la nécessité de proposer un réseau d’eau à la hauteur du territoire et de fournir tous les jours le volume d’eau nécessaire.
J’ai la faiblesse de penser que cela fait partie des missions du Lema, avec lequel l’État va contractualiser. Les parlementaires pourraient faire entendre une voix exigeante au moment de cette contractualisation, dans la mesure où il n’est pas envisageable d’apporter des financements publics sans exiger de garanties, mentionnées dans le cahier des charges. Les éléments figurant dans les trois alinéas proposés par Mme Youssouffa me paraissent frappés au coin du bon sens. Il faut les relayer afin qu’ils figurent dans les conventions que l’État financera. Dans la mesure où les parlementaires, notamment ceux de Mayotte, vont faire partie du comité de suivi, ils pourront avoir accès aux informations relatives à ces contractualisations.
Les amendements me paraissent donc satisfaits. Une loi plus bavarde apportera-t-elle davantage de satisfaction ? Je n’en suis pas persuadé. Je partage les objectifs de ces amendements et serai très vigilant vis-à-vis des engagements financiers de l’État. Je rappelle que toutes les opérations conduites depuis quatre ans dans le cadre du Lema ont été intégralement financées par l’État.
J’émets donc un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement CL336.
En conséquence, les amendements CL332 et CL325 tombent.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement, qui a été adopté, se situe après l’alinéa 131, alors que les amendements de Mme Youssouffa et de M. Fournier sont après l’alinéa 132. Je conçois qu’il soit éventuellement nécessaire de proposer par la suite un amendement de coordination pour éviter les répétitions, mais je ne comprends pas pourquoi l’adoption de mon amendement fait tomber les autres puisqu’ils ne se situent pas au même endroit du texte.
M. le président Florent Boudié. Nous sommes dans une discussion commune, avec des amendements portant sur le même sujet. Malgré votre appel très clair à un vote en faveur des amendements de M. Fournier et Mme Youssouffa, votre amendement, n’ayant pas été retiré, a été adopté.
Amendement CL210 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de préciser d’une part que le gouvernement s’engage à transmettre aux élus locaux l’étude de l’inspection de l’environnement et du développement durable portant sur le retour d’expérience de la crise de l’eau à Mayotte avant le 1er juillet 2025, et d’autre part qu’un nouveau plan Eau Mayotte sera élaboré avant le 31 décembre 2027 et que son élaboration sera concertée en amont avec les élus locaux.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’entends votre volonté de disposer de ces éléments d’information, mais je vais être très clair : le document que vous demandez ne sera pas prêt pour juillet 2025. La mission de l’inspection est en train d’en finaliser les termes. Je veillerai, comme pour l’ensemble des autres éléments d’information, à ce que vous en soyez destinataire.
Je ne peux donc émettre un avis favorable dans la mesure où le rapport ne pourra être produit à la date demandée.
M. Philippe Naillet (SOC). Compte tenu des propos du rapporteur général, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CL74 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). En mars 2024, l’Unicef, évoquant Mayotte, constatait que « l’accès à l’eau potable [était] presque impossible » et soulignait que « des gestes aussi simples que boire, se laver les mains ou cuisiner [relevaient] du défi ». L’impossibilité de se laver les mains est notamment un enjeu en matière de propagation des maladies. Je crois que nous sommes tous d’accord pour considérer que ce problème doit être réglé.
C’est ce que nous proposons de faire rapidement et définitivement, avec un amendement que tout le monde devrait voter puisqu’il s’agit d’inscrire le droit fondamental à l’accès à l’eau potable et à un assainissement de qualité dans la Constitution française, créant ainsi une obligation à le respecter.
Nous demandons également la création d’un haut-commissariat du droit à l’eau, à l’assainissement et à la protection du cycle de l’eau, dont les missions couvriront l’eau potable, l’assainissement, la prévention des sécheresses et des inondations, la gestion des bassins, la qualité de l’eau et la gestion des eaux souterraines.
L’amendement vise par ailleurs à développer un plan de reboisement et de végétalisation de Mayotte, pour permettre une meilleure infiltration de l’eau dans les sols et les nappes phréatiques.
Il a également pour objet de bloquer et diminuer le prix de l’eau, démentiel à Mayotte, pour l’aligner sur les prix hexagonaux, d’intégrer la gestion parcellaire des eaux de pluie aux nouvelles constructions et de financer un plan ambitieux pour le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer, comprenant la rénovation des canalisations.
En clair, il s’agit d’inscrire ce droit dans le marbre, afin qu’il soit effectif.
M. le président Florent Boudié. Il s’agit pour l’instant de l’inscrire dans le rapport annexé et non dans la Constitution.
Par ailleurs, l’amendement ne concerne pas Mayotte ; j’aurais dû le déclarer irrecevable au titre de l’article 45, mais j’ai sans doute eu un moment de faiblesse.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je serais tellement heureux que votre amendement puisse tout régler d’un coup de baguette magique. On peut tout écrire pour se faire plaisir à bon compte et considérer que le vote d’un amendement pourra tout régler. Il n’en est rien.
Si vous voulez apporter votre contribution, votre intelligence, votre expertise et accompagner le plan Eau Mayotte, je suis persuadé que vous y aurez toute votre place, en liaison étroite avec le Lema et les élus mahorais. Le plan que nous mettons en place s’inscrit dans le prolongement des actions menées précédemment et est soumis à des délais minimum de montage et de traitement des dossiers. Peut-être avez-vous été élue locale : vous savez que ces procédures prennent du temps, même si l’on souhaite aller vite – et je n’ai pas la réputation d’être lent.
J’imagine que votre voix ne fera pas défaut lorsqu’il faudra finalement voter un texte prévoyant d’investir autant d’argent dans la question de l’eau. L’inverse me surprendrait : comment exprimer d’un côté une incantation très forte en faveur d’un droit opposable d’accès à l’eau et de l’autre un refus de donner aux élus locaux les moyens d’agir dans ce domaine ?
Je suis très attaché aux élus locaux. Nous leur avons donné des compétences ; accompagnons-les, sans nous substituer à eux.
Avis défavorable.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je n’ai pas de baguette magique. Je ne suis ni fée, ni sorcière ; je préfèrerais d’ailleurs être sorcière plutôt que fée.
Quoi qu’il en soit, je trouve votre réponse étonnante, dans la mesure où elle minimise ma proposition. Cet amendement consiste non pas à rédiger un texte abondant de promesses dont on ignore si elles seront tenues, mais à inscrire le droit fondamental à un accès à l’eau potable et à un assainissement de qualité dans la Constitution française, ce qui entraînerait l’obligation de s’y tenir. En l’occurrence, le texte que vous proposez, que nous allons bien sûr voter s’il va dans le bon sens, ne fait que formuler des promesses. Or les promesses ne peuvent pas toujours être tenues.
M. le président Florent Boudié. Je rappelle que le Parlement ne peut s’imposer à lui-même de réviser ultérieurement la Constitution, qui plus est dans un rapport annexé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL 154 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Il vise à régulariser le foncier agricole. L’impossibilité de prouver qu’on est propriétaire ou locataire d’une parcelle exploitée pose un problème. C’est sur la base du cadastre que fonctionne la politique agricole commune ; il est très attendu par les agriculteurs mahorais. Il est aussi vital pour déterminer la capacité d’un exploitant à investir. Sans cadastre à jour, le plan de souveraineté alimentaire ne sera qu’un vœu pieux et l’agriculture ne pourra répondre à 100 % des besoins en fruits et légumes frais.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Comme le gouvernement, je suis favorable à votre amendement. L’activité agricole, essentiellement vivrière, a été quasiment détruite. Nous devons résoudre le problème du foncier pour sécuriser la transmission des exploitations et les investissements à réaliser, et assurer la souveraineté alimentaire mahoraise, encore inexistante.
Vous nous accompagnerez sur les sujets relatifs à l’expropriation et au cadastre. Cela étant, il ne s’agit pas d’exproprier pour spolier, mais de délivrer des titres de propriété à ceux qui exercent depuis plusieurs générations une activité agricole indispensable à la vie du territoire.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CL460 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL 79 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, jusqu’à 80 % de la production agricole est informelle : elle échappe à toute traçabilité, à tout contrôle sanitaire et, bien souvent, à toute règle. Tous les Mahorais savent qu’on vend sur le bord de la route des fruits et légumes qui ne sont conformes à aucune norme ni règle d’hygiène. Cette réalité a des conséquences graves : les pesticides interdits et des produits non conformes aux normes sont importés, faisant courir un risque sanitaire bien réel. Au mois de juillet 2024, 170 kilos de tomates contaminées ont été saisies et détruites sur le marché de Dzoumogné dans le cadre d’une opération conjointe menée avec le comité opérationnel départemental antifraude (Codaf).
Cet amendement, qui vise à renforcer la traçabilité des produits et la régularisation des activités agricoles, est une mesure de bon sens et de justice alimentaire.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Profitons du redémarrage des exploitations agricoles, qui ont été quasiment détruites, pour garantir la traçabilité des produits et le respect des normes.
De fait, votre amendement est satisfait. D’une part, le projet de loi prévoit une enveloppe consacrée à l’agriculture, d’autre part, la traçabilité sera assurée en lien avec les représentants des agriculteurs, en particulier avec la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le Rassemblement national est ambigu : il s’inquiète de l’utilisation des pesticides alors qu’il a voté sans difficulté la réautorisation des néonicotinoïdes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL343 de M. Benoît Biteau
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il vise à remédier à une inégalité persistante de la prise en charge des pertes liées aux événements climatiques selon que les agriculteurs sont métropolitains ou ultramarins. Depuis 2023, les exploitants agricoles de métropole peuvent bénéficier d’un taux d’indemnisation pouvant atteindre 90 % lorsqu’ils sont assurés.
Cette réforme, étendue à certains territoires d’outre-mer par l’ordonnance du 28 février 2024, ne s’y applique que partiellement. C’est le fonds de secours pour les outre-mer (FSOM) qui verse les indemnisations dont les taux sont nettement inférieurs aux taux métropolitains. En moyenne, le taux est de 30 % pour les dommages agricoles et de 35 % pour les pertes de fonds.
L’objectif de cet amendement est donc d’inciter le gouvernement à aligner les taux d’indemnisation appliqués en outre-mer sur ceux de métropole. L’amendement n’est pas gagé car il vise à atteindre un objectif.
M. le président Florent Boudié. Vu que nous examinons le rapport annexé, la question du gage ne se pose pas.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous faites référence au taux d’indemnisation de 90 %. Or celui-ci s’applique aux pertes de récoltes des agriculteurs ayant souscrit un contrat d’assurance récolte.
Le FSOM peut être mobilisé en cas de catastrophes naturelles dans tous les départements d’outre-mer. Du reste, une somme considérable a déjà été versée aux sinistrés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL137 de M. Jean-Hugues Ratenon, amendements identiques CL65 de Mme Anchya Bamana et CL287 de M. Philippe Naillet, amendements CL288 et CL289 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Alors qu’entre 2017 et 2024, le nombre d’inscrits à l’école primaire a augmenté de 22 % – on dénombrait 63 766 élèves à la rentrée de 2024 –, rien n’a été fait.
Nous proposons de régler immédiatement le problème des rotations sans attendre 2031, faute de quoi les élèves, pendant encore six ans, n’auront cours qu’une demi-journée par jour, ce qui est bien trop peu. Tous les enfants de la République, y compris ceux de Mayotte, doivent bénéficier des mêmes droits en matière d’accès à l’école. Nous proposons donc de substituer l’année 2025 à l’année 2031.
Par ailleurs, les enfants qui ne sont pas scolarisés traînent dans les rues. Cette mesure permettrait aussi de renforcer la prévention de la délinquance dans laquelle l’école joue un rôle très important.
Mme Anchya Bamana (RN). Je propose de substituer l’année 2027 à l’année 2031.
M. Philippe Naillet (SOC). Ce matin, lors d’une conférence de presse, la chambre régionale des comptes de Mayotte a rappelé que 57 % des enfants étaient scolarisés selon un système de rotations. Par ailleurs, entre 3 000 et 5 000 enfants sont privés d’école. Enfin, d’ici à 2031, on dénombrera 73 000 élèves.
L’amendement CL287 vise donc à substituer l’année 2027 à l’année 2031. Les amendements CL288 et CL289, de repli, sont défendus.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable sur cette série d’amendements. J’aimerais donner satisfaction à Mme Taurinya. Mais qui peut promettre qu’en 2026, toutes les écoles seront reconstruites ? On ne vit pas dans le monde de la magie ! Comme dans le domaine de l’eau, on ne peut tout régler d’un claquement de doigts.
Le projet de loi prévoit une enveloppe de 400 millions d’euros dédiés aux écoles, aux collèges et aux lycées, et une autre de 300 millions alloués aux collectivités pour qu’elles construisent des écoles ; au total, pas moins de 700 millions d’euros sont dédiés à l’éducation. De plus, à Mayotte, les collèges et les lycées sont construits par l’État ; nous assumons donc notre responsabilité à 100 %. En revanche, il revient aux communes de construire des écoles ; elles devront faire des choix politiques dans l’utilisation des 300 millions.
L’échéance de 2031 est déjà proche. On ne pourra aller beaucoup plus vite, sauf si vous proposez des remèdes que nous ne connaissons pas ; j’y suis tout à fait ouvert.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Oui, j’ai un remède : le rideau de fer, qui coûte plusieurs centaines de millions d’euros pour prétendument lutter contre l’insécurité alors qu’il faudrait, pour ce faire, améliorer la prévention. Utilisons plutôt ces crédits pour scolariser tous les enfants dès 2025. Ce n’est pas un remède de sorcière : c’est un choix politique !
M. Philippe Gosselin (DR). Certes, le rapport annexé n’a pas de valeur normative et les dates qui y sont inscrites à la volée ne sont pas contraignantes. Mais, à un moment donné, le principe de réalité s’impose. Si l’objectif de mettre fin à la rotation scolaire en 2031 sera difficile à atteindre, l’échéance de 2025 est carrément irréaliste.
Allons plus loin : l’accueil de l’ensemble des enfants ne fait pas l’unanimité. En effet, de nombreux élus locaux mettent en avant que nombre de parents séjournent de manière irrégulière sur le territoire. Ce n’est pas la faute des gamins mais celle de l’État, qui ne se donne pas les moyens de lutter contre l’immigration illégale. C’est pourquoi nous avons mis en place des dispositifs et que nous souhaitons en instaurer d’autres que vous combattez. Notre objectif est de restreindre l’immigration, qui n’est pas le seul mal qui affecte l’île ; elle est également confrontée à des difficultés économiques et sociales. Néanmoins, tant qu’on n’aura pas maîtrisé l’immigration, l’embolie des services publics, notamment l’éducation, perdurera.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite qu’on prenne conscience ici de ce qui se passe à Mayotte. Nos enfants sont scolarisés en rotation ; ils n’ont pas accès à l’alimentation ; il n’y a pas de cantines scolaires ; les toilettes, quand elles existent, sont des porcheries, ; il n’y a pas d’eau. On envoie nos enfants à l’école en prenant le risque qu’un incendie les tue. Des affrontements ont lieu.
Or dans certaines classes, 80 à 90 % des enfants inscrits viennent des Comores. Certains d’entre eux arrivent durant l’été en « kwassa scolaire » – c’est ainsi qu’on appelle désormais ces bateaux dans lesquels les parents mettent leurs enfants avant d’envoyer un fax aux mairies, avec leur indicatif des Comores, pour exiger leur inscription. En effet, les Comores ont décidé qu’elles sous-traitaient l’éducation comorienne à Mayotte aux frais du contribuable français.
À vous entendre, notre petite île de 375 kilomètres carrés a vocation à ne devenir que l’école comorienne; tous les élus et toute la population vous disent non. Ce n’est pas parce que nous sommes des êtres insensibles mais parce que nous ne pouvons pas.
Le dernier conflit social a éclaté en janvier 2024 lorsque les parents ont constaté qu’ils ne pouvaient inscrire leurs enfants à l’école car il n’y avait plus de places. Les mamans ont donc pris d’assaut l’espace public pour dire que cela ne pouvait pas durer. Il existe un phénomène d’éviction qui touche les enfants français, les enfants de contribuables. De plus, après le passage du cyclone, 80 % des écoles ont été détruites ou endommagées.
Selon vous, qui vivez au pays des Bisounours – on est vraiment dans La La Land –, Mayotte, avec ses 375 kilomètres carrés, devrait continuer à accueillir toute la misère du monde et à scolariser alors même que nos propres enfants sont envoyés à La Réunion ou dans l’Hexagone, faute de pouvoir étudier dans des conditions normales. À l’école primaire, les enfants ont deux heures de classe car on n’est plus capable de les scolariser. Merci, mais c’est non !
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CL383 de M. Philippe Naillet.
Puis elle adopte l’amendement CL466 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendements identiques CL350 de Mme Estelle Youssouffa et CL164 de M. Guillaume Gouffier Valente, amendement CL82 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Dans le cadre de la reconstruction de Mayotte, il est urgent de prendre en compte la question de la restauration scolaire. Chaque plan de construction devrait systématiquement prévoir la construction et l’aménagement d’un réfectoire afin que les enfants bénéficient d’un repas à la cantine, comme ailleurs dans notre pays.
À Mayotte, les cantines scolaires sont quasi inexistantes. Un scandale a éclaté à la suite de la livraison de sandwichs presque impropres à la consommation. L’offre alimentaire est complètement déséquilibrée alors qu’elle constitue souvent le seul repas des élèves.
M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). L’amendement CL164, similaire, a été rédigé en lien avec l’Unicef, d’après laquelle seul un élève sur cinq bénéficie d’un repas chaud.
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, des milliers d’enfants vont à l’école le ventre vide – comme dans l’Hexagone, me direz-vous. Mais à Mayotte, il n’y a pas de cantines pour leur garantir un repas. Dans le premier degré, il n’y a aucun service de restauration scolaire. Au mieux, les enfants reçoivent une petite collation – un morceau de pain, un jus de fruit, un biscuit – trop sucrée, trop salée, jamais équilibrée. Dans le second degré, la situation n’est guère meilleure : seuls deux lycées disposent d’une cantine, les collèges n’en sont pas dotés.
Ainsi, 92 % des élèves mahorais ne mangent pas de repas chaud à midi. Pourtant, pour beaucoup d’entre eux, ce repas est le seul de la journée qui leur permettrait de se nourrir correctement. Ne pas leur offrir ce minimum, c’est compromettre leur concentration et, inévitablement, leur réussite scolaire. En 2021, seuls 16 % des élèves du second degré avaient accès à un plateau-repas. Ces chiffres disent tout.
Cette situation aggrave les inégalités, fragilise la santé des enfants et pèse sur leurs capacités d’apprentissage. Pour y remédier, cet amendement propose d’établir un plan pluriannuel de programmation du renforcement de l’offre de restauration scolaire à Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je vous invite à retirer ces trois amendements au profit de l’amendement CL469 du gouvernement qui aborde la question vitale de la restauration scolaire et vise à accompagner les communes. Nous devons garantir la sécurité alimentaire des repas des enfants, notamment la traçabilité et la qualité des produits distribués. Il est important que les enfants puissent prendre leur repas dans les écoles ; nous devons accompagner cette démarche.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Ce sujet, à la fois important et complexe, ne saurait être réglé par des amendements de deux lignes. Lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, nous avons voté un amendement prévoyant que les projets de reconstruction des écoles prennent en compte les questions de la pause méridienne et de la restauration scolaire.
Il y a deux sujets différents. Le premier, c’est la construction d’un réfectoire, équipé ou non d’une cuisine. En l’absence de cuisine, celui-ci doit être doté d’appareils permettant de garantir la chaîne du froid et de réchauffer les plats. Pour l’essentiel, les repas sont fabriqués par une entreprise locale, Panima, qui fournit des produits sans traçabilité et qui rencontre des problèmes de croissance. Le second, c’est la viabilité économique de la restauration scolaire. D’une part, qui finance ces repas, selon qu’il s’agit d’une école, d’un collège ou d’un lycée ? D’autre part, comment garantit-on, de manière pérenne, l’accès à la restauration scolaire à des familles qui ont souvent des ressources très modestes ? Ce problème complexe pourrait être traité au moyen d’un amendement déposé en séance car l’objet et l’ambition de ces amendements sont un peu flous.
M. le président Florent Boudié. L’amendement CL469 du gouvernement, déposé tardivement, a été placé plus loin dans la liste des amendements mais je l’intègre à la présente discussion commune.
Amendement CL469 du gouvernement
M. Yoann Gillet (RN). Je découvre cet amendement qui vise à fixer un objectif de développement de l’offre de restauration scolaire dans les écoles primaires d’ici à 2031. Il est incomplet : il ne vise pas l’ensemble des établissements scolaires.
De son côté, le Rassemblement national propose plutôt d’élaborer un plan pluriannuel de renforcement de la restauration scolaire car il a conscience que cet objectif ne peut être atteint du jour au lendemain. En attendant la construction des établissements scolaires, il existe des solutions pour offrir un repas digne de ce nom aux enfants. Non seulement les petits Mahorais apprennent dans des conditions exécrables – il y a deux à quatre fois plus d’élèves par classe et 85 % des instituteurs sont des contractuels recrutés à la va-vite –, mais, en plus, ils ont le ventre vide. À cela s’ajoute un taux de pauvreté supérieur à celui de l’Hexagone. Nous devons donc consentir un effort particulier pour les enfants mahorais car l’éducation et la santé, comme l’ensemble des services publics, s’effondrent à Mayotte en raison de la submersion migratoire – je sais que cet argument ne plaira pas à l’extrême gauche.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. L’amendement CL469 intègre l’objectif de qualité de la restauration scolaire dans le texte. Je comprends la passion, l’engagement sur le terrain, la volonté de décrire une situation inacceptable, en comparaison avec celle de l’Hexagone ou d’autres territoires ultramarins.
Néanmoins, des enfants vont à l’école et, malgré les conditions difficiles, la rentrée a bien eu lieu après Chido puis les dernières vacances scolaires, grâce à l’engagement des enseignants, du personnel administratif, des parents et de l’État – nous ne pensions pas pouvoir l’organiser.
À vous entendre, il n’y a rien : personne ne va à l’école ni ne mange, c’est une catastrophe. Ce n’est pas la situation. Entre nier que la situation est très difficile et décrire une situation qui ne l’est pas, il y a une différence. On a le sentiment que Mayotte est un no man’s land, ce qui n’est pas vrai. Pour ma part, je ne nierai jamais les difficultés.
Lorsque j’étais premier ministre, je m’y suis rendu en 2015 accompagné de la ministre de l’éducation nationale – c’était la première fois dans l’histoire de la République qu’un ministre de l’éducation nationale s’y rendait. Nous avons lancé le plan Mayotte 2025 visant notamment à construire des écoles. Du reste, c’est l’un des rares points que la Cour des comptes considère comme positifs dans son rapport de 2022.
Le vrai sujet – parmi d’autres – est celui de la construction de réfectoires. Notre amendement pourrait vous satisfaire. L’un des problèmes, c’est d’annoncer des mesures qui ne seront pas mises en œuvre. J’en appelle au principe de réalisme.
Je le dis très modestement, la construction d’un réfectoire dans chaque établissement scolaire n’est pas la réponse adaptée. La production des repas peut être centralisée pour plusieurs écoles et les élèves d’une école peuvent se rendre dans la salle de restauration d’un établissement adjacent ou proche, système déjà mis en œuvre dans d’autres parties du territoire. Plus généralement, selon les cas, des solutions mutualisées peuvent être pertinentes.
De plus, la qualité des repas ne se résume pas à la seule présence d’un restaurant scolaire. Dans le premier degré, les communes apportent une solution adaptée aux besoins et à l’organisation de chaque école. Elles peuvent être accompagnées par la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte pour optimiser la planification des constructions en tenant compte des besoins relatifs au développement de la restauration scolaire.
Je le répète, je ne nie pas la réalité ; je privilégie des solutions réalistes et adaptées à chaque situation locale que nous pourrons mettre en œuvre le plus rapidement possible, dans des délais raisonnables.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis naturellement favorable. Je suis heureux que M. le ministre ait repris, presque mot pour mot, les propos que j’ai tenus il y a quelques instants : les restaurants scolaires ne seront pas construits dans tous les établissements d’un coup de baguette magique. Dire le contraire serait mentir. Du reste, le projet de loi prévoit d’allouer des moyens financiers aux communes pour accompagner celles qui souhaiteront construire des restaurants scolaires. Parce que tant de choses n’ont pas été faites, nous devons désormais dire ce que l’on doit faire et le faire.
M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Les amendements identiques et celui du gouvernement vont dans le même sens, ils cherchent à atteindre le même objectif. Je retire donc l’amendement CL164 au profit de celui du gouvernement.
M. Yoann Gillet (RN). Personne ne dit qu’il faut un restaurant scolaire dans chaque école ; en revanche, il faut une offre de restauration scolaire pour chaque élève. Dans de nombreuses communes de l’Hexagone, une cuisine centrale fournit quelques restaurants scolaires – chaque école n’en est pas forcément dotée. Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) accompagnent alors les enfants dans le restaurant scolaire d’une autre école.
Je m’inquiète d’entendre le ministre dire que certaines solutions seraient convenables. Un morceau de pain et une Vache qui rit ne constituent pas un repas équilibré. Ceux d’entre nous qui sont parents accepteraient-ils que leurs enfants soient nourris d’un bout de pain et d’un jus de fruit ?
Rappelons que les conditions de vie à Mayotte sont particulières, la pauvreté y est importante. Il est donc nécessaire d’accompagner les collectivités dignement en leur allouant de réels moyens afin que chaque enfant bénéficie d’un repas complet et équilibré. Nous rencontrons le même problème dans l’Hexagone : de nombreux enfants ne prennent pas de repas équilibré à la maison. C’est l’honneur de notre République que de permettre à chaque enfant d’avoir au moins un repas équilibré par jour.
L’amendement CL164 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements CL350 et CL82 et adopte l’amendement CL469.
Puis elle adopte l’amendement CL462 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CL320 de M. Philippe Naillet.
Amendement CL81 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Mayotte, étouffée par une pression démographique hors norme et un afflux massif d’élèves étrangers, connaît une crise scolaire majeure. On dénombre 115 000 élèves scolarisés dans l’académie de Mayotte, soit plus qu’en Corse ou en Martinique, alors que l’île présente une superficie et des ressources moindres.
Près de la moitié de ces élèves seraient en situation irrégulière ; ce chiffre atteint plus de 80 % dans certaines communes comme celle de Koungou. Cela a pour effet de priver les Mahorais d’un accès à une éducation digne : on estime qu’entre 5 000 et 6 000 enfants Mahorais ne seraient pas scolarisés, faute de places, de locaux et d’enseignants. Le droit à l’éducation n’est plus garanti pour les enfants français alors même qu’ils sont dans leur propre pays.
Chaque année, la situation empire : plus de 10 000 naissances sont recensées au centre hospitalier, qui est la plus grande maternité d’Europe. L’éducation nationale estime que 1 200 classes supplémentaires devront être créées d’ici à 2030. Mais avec quels moyens ?
Cet amendement de responsabilité vise à instaurer un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique à Mayotte, afin de consacrer les moyens existants aux seuls enfants français et de redresser le système éducatif local.
Il ne s’agit pas de renoncer à l’éducation, mais bien de la sauver. Tous les instituteurs que j’ai rencontrés sur place expriment leur consternation face à la situation. Lorsque des enseignants vous disent, les yeux dans les yeux, qu’à l’école publique à Mayotte, on n’apprend plus rien tant les conditions sont dégradées, alors il faut réagir et trouver des solutions face à la submersion que connaît l’île.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable à votre moratoire. Si nous voulons déployer des moyens pour réduire considérablement la pression migratoire, nous ne voulons pas de fracture à l’école : je n’imagine pas une seconde qu’on ne scolarise pas ces enfants présents sur le territoire mahorais. Nous continuerons à les accueillir.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique serait contraire aux principes fondamentaux du droit français et aux engagements internationaux de la France. Je peux parfaitement assumer des politiques restrictives à Mayotte mais le droit à l’éducation pour tous les enfants, sans distinction d’origine ou de nationalité, est garanti par le code de l’éducation et protégé par la Convention internationale des droits de l’enfant. Le Conseil d’État a également rappelé à plusieurs reprises que l’administration ne pouvait opposer l’absence de titre de séjour à un enfant pour lui refuser l’accès à l’école.
Mettre en œuvre un tel moratoire reviendrait à créer une rupture manifeste du droit, à fragiliser la cohésion sociale et à priver des milliers d’enfants de leur droit fondamental à l’instruction, dans un territoire où l’école représente déjà un levier essentiel d’émancipation et de stabilisation – le collège de Chiconi, très endommagé par Chido, accueille de nombreux enfants des bidonvilles et enregistre à cet égard de véritables réussites, quelles que soient l’origine et la situation des enfants, grâce à des enseignant très engagés.
Autant il faut une politique de restriction de l’immigration, autant les enfants ne peuvent pas être les victimes de cette situation. Je m’oppose donc à une remise en cause de nos principes fondamentaux.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je suis rassurée par les propos du rapporteur général et du ministre d’État. Les propositions du Rassemblement national ne sont pas étonnantes car on sait bien qu’il voit là l’occasion de faire des expérimentations qui pourraient être généralisées à tout l’Hexagone. Malheureusement, il s’inscrit ainsi dans le discours ambiant qui consiste à attribuer tous les maux de la société aux étrangers, vus comme des délinquants, des voyous, des bandits, etc. Lorsque le gouvernement, avec l’appui de l’extrême droite, réduit les droits d’accès à Mayotte, c’est parce qu’il envisage de les réduire aussi dans l’Hexagone.
Je tenais enfin à dire mon très grand dégoût : comment peut-on envisager de faire le tri entre des enfants ? C’est absolument contraire au droit international, mais on voit bien là le danger que représente l’extrême droite : oui, vous êtes un danger pour la société.
M. Yoann Gillet (RN). Il faut avoir des débats constructifs. Chacun voudrait que tous les enfants aillent à l’école. C’est évidemment important mais vous ne semblez pas comprendre qu’en réalité, les enfants ne vont plus à l’école : ils vont au mieux dans une garderie une demi-journée – cela s’arrête là.
Vous sacrifiez des générations entières : des Français et des étrangers en situation régulière ne peuvent scolariser leurs enfants, ou seulement dans le service réduit que propose l’éducation nationale à Mayotte. Ce n’est pas la faute des enseignants, qui font le maximum, mais qui se retrouvent avec des classes composées de 70 % à 90 % d’enfants qui ne parlent pas français, à qui ils n’arrivent pas à apprendre quoi que ce soit, ce qui les contraint à faire de la garderie.
Je ne dis pas qu’il faut revenir sur le droit à l’éducation partout ; il faut simplement prendre conscience que Mayotte est un cas particulier et que la submersion est réelle. Allez à Mayotte, rencontrez les instituteurs, allez dans les écoles, et vous verrez à quel point la situation est dramatique. Nous prenons le risque de sacrifier des générations, qui nourriront de la rancœur, de la haine contre la France parce qu’elle ne leur aura pas donné les mêmes chances qu’à un petit Français de l’Hexagone.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL351 de Mme Estelle Youssouffa et CL213 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’éducation étant en grande difficulté à Mayotte, il s’agit d’encourager le gouvernement à faire preuve d’un peu plus d’ambition concernant l’éducation de nos enfants. Il lui est demandé de préciser les objectifs, le calendrier, les moyens associés à un plan d’attractivité et de fidélisation des enseignants prévu cette année pour renforcer la présence et la stabilité du corps enseignant dans notre département, mais aussi de présenter un état détaillé des mesures prévues pour mettre fin, à l’horizon 2031, au système de rotation et de garantir à la prochaine rentrée un enseignement de vingt-quatre heures hebdomadaires pour chaque élève de cours préparatoire.
Si nous devons croire les promesses faites dans le rapport annexé, j’espère que vous ne ferez pas obstacle à notre demande que ces engagements soient écrits et présentés aux parlementaires et aux élus de Mayotte.
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de disposer de précisions sur le plan d’investissement de l’État visant à mettre fin, à l’horizon 2031, au système de rotation scolaire à Mayotte et à garantir vingt-quatre heures hebdomadaires d’enseignement à chaque élève de CP. Un tel engagement représente un tournant structurel. Dans le contrat de convergence et de transformation, l’État s’est engagé à construire davantage d’écoles primaires, à augmenter la capacité d’accueil des établissements secondaires pour un montant de 680 millions d’euros et à étendre l’université de Mayotte pour 12 millions. De même, le plan d’attractivité et de fidélisation des enseignants, annoncé pour 2025, est indispensable pour assurer la stabilité et la qualité de l’encadrement pédagogique sur le territoire.
Dans un département où l’âge moyen est de 23 ans, où 25 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi ni en formation et où seulement 27 % des personnes sorties du système scolaire détiennent un diplôme – contre 72 % en métropole –, il est d’autant plus essentiel que les engagements annoncés s’accompagnent de dispositifs concrets, lisibles et adaptés.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable. Le comité de suivi et de programmation doit être informé de l’évolution de ce chantier. L’engagement très fort figurant à l’alinéa 161 du rapport annexé répond à votre amendement, monsieur Naillet, puisqu’il prévoit que l’engagement structurant de l’État consiste à mettre totalement fin à la rotation scolaire et au dispositif de classes itinérantes en 2031. Les parents de l’enfant qui naîtra demain sauront que lorsqu’il entrera en cours préparatoire, il bénéficiera de vingt-quatre heures d’école par semaine, comme dans l’Hexagone. L’engagement très fort ainsi pris permettra de répondre à cette légitime attente que vous venez tous deux de relayer.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Chaque élève doit pouvoir apprendre dans une vraie classe, avec un enseignant formé qui travaille lui aussi dans de bonnes conditions, vingt-quatre heures par semaine et pas plus de trois heures trente par demi-journée, comme le prévoit le code de l’éducation. C’est une exigence fondamentale sur laquelle nous pouvons tous nous mettre d’accord.
Vous avez raison de rappeler que les conditions actuelles ne sont pas satisfaisantes : il manque 1 776 salles de classe dans le premier degré pour mettre fin à la rotation et aux classes itinérantes et pour dédoubler l’ensemble des niveaux concernés – je fais évidemment fi à ce stade des questions démographiques.
Nous sommes désormais dotés d’une stratégie interministérielle quinquennale qui vise à améliorer l’accompagnement des communes dans la planification des constructions scolaires, à consolider leurs compétences et à répondre à leurs besoins d’aide à la maîtrise d’ouvrage. Le nouvel établissement public de reconstruction et de développement de Mayotte jouera le rôle de coordonnateur et disposera d’une compétence de substitution en cas de défaillance d’un maître d’ouvrage.
L’enjeu de la fidélisation des enseignants et de l’attractivité du territoire est partagé avec l’ensemble des services publics de Mayotte, et je ne doute pas que la nouvelle rectrice aura à cœur de mettre cela en œuvre. Il s’agit non seulement d’attirer les fonctionnaires sur le territoire, mais également de donner envie aux jeunes Mahorais de prétendre à ces carrières et de passer les concours – nous rencontrons souvent ce problème dans les outre-mer. La réponse doit être globale et fait l’objet d’un plan d’action dédié dans la stratégie interministérielle de reconstruction et de refondation de Mayotte.
S’agissant plus spécifiquement de l’éducation nationale, la ministre d’État Élisabeth Borne proposera des mesures structurantes visant notamment à l’instauration, pour la session 2026, d’un concours interne exceptionnel pour le premier et le second degré, à créer un service logement au rectorat et à proposer à tout nouvel agent affecté à Mayotte une formation dédiée.
Je pourrais considérer que les amendements sont satisfaits mais il me semble pertinent de préciser ces engagements dans le rapport annexé. Je suis donc favorable à ces amendements.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL384 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je retire cet amendement pour le retravailler en vue de la séance mais je voudrais en dire quelques mots. On ne peut pas investir massivement à Mayotte, comme nous allons le faire, sans traiter l’enjeu de la formation, qui est primordial. Nous devons évaluer précisément les besoins existants et à venir et proposer une offre de formation en adéquation. Lors des auditions, les partenaires sociaux, les entreprises et les élus nous ont demandé de combler le déficit que nous connaissons à Mayotte.
L’amendement est retiré.
Amendement CL125 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le 31 août 2023, à la veille de la rentrée scolaire, la Défenseure des droits alertait sur les entraves au droit à l’éducation des enfants et dénonçait les ruptures de droits persistantes pour les enfants ultramarins. Par cet amendement, nous souhaitons que l’État s’engage à intégrer l’ensemble des établissements scolaires, lycées compris, en zone REP+ avec les moyens afférents, à équiper l’ensemble des établissements de cantines afin que les élèves puissent avoir au moins un repas par jour, et enfin à créer une commission réunissant autour de lui les collectivités territoriales, les enseignants et les parents d’élèves pour planifier la construction et la rénovation des établissements ainsi que le suivi des constructions.
Ces nouvelles constructions prendront en compte la nécessité d’accroître le nombre de places et seront adaptées aux risques naturels majeurs. Elles auront pour objectif de mettre fin au système des rotations tout en privilégiant la construction d’établissements à taille humaine. En clair, cet amendement vise à ce que l’État s’engage dans une action réelle et durable pour garantir à tous les habitants de Mayotte un accès à une éducation de qualité.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. L’amendement du gouvernement que nous avons adopté permet de définir une véritable stratégie ; fournir une restauration de qualité aux élèves fait partie des exigences.
J’en profite pour rappeler que, au-delà du recrutement des enseignants, le ministère de l’éducation nationale continuera de construire des collèges et des lycées. De plus, l’établissement public pourra se substituer aux communes qui le souhaitent – cela sera possible jusqu’au 31 décembre 2027 – ou les accompagner au titre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Enfin, des financements sont prévus, avec une enveloppe de 300 millions d’euros. Tous les outils existent donc pour nous permettre de répondre collectivement au défi scolaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL308 et CL214 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CL308 vise à inscrire dans la loi un engagement programmatique de l’État à réviser le coefficient géographique applicable au financement des établissements de santé à Mayotte. Je ne reviens pas sur l’état des services de santé à Mayotte, notamment du CHM (centre hospitalier de Mayotte).
L’amendement CL214 vise à assurer la transmission d’ici à la fin de l’année au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte du plan d’investissement et du calendrier des travaux pour la construction du second site hospitalier.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le coefficient géographique permet d’assurer les meilleures possibilités de financement aux établissements hospitaliers. Il est passé de 31 % en 2023 à 32,5 % en 2024 et à 34 % en 2025. Mayotte dispose, avec La Réunion, du coefficient géographique le plus élevé. Créons ensemble ce deuxième établissement hospitalier que nous appelons de nos vœux ; d’autres propositions en matière de santé interviendront un peu plus tard de la discussion. À ce stade, je ne peux pas vous donner un avis favorable mais vous avez pu observer que l’État n’est pas resté les bras croisés.
Par ailleurs, vous proposez que le calendrier des investissements soit transmis au comité de suivi. Mon avis ne peut être que favorable car il est toujours souhaitable d’associer les parlementaires à tout cela.
Successivement, la commission rejette l’amendement CL308 et adopte l’amendement CL214.
Amendement CL385 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. La construction d’un nouvel hôpital à Combani, annoncée en 2019, avait été confirmée par Élisabeth Borne lorsqu’elle était première ministre, avec la nomination d’un préfigurateur. Je vous propose d’inscrire dans le rapport annexé que cette construction est une priorité absolue pour le gouvernement, et non un simple engagement. Une enveloppe de 153 millions d’euros est prévue pour les travaux, qui seront réalisés en 2028-2030. Il nous reste à traiter la question du foncier, qui n’est pas encore réglée.
Mme Dominique Voynet (EcoS). C’est la première fois depuis le début de l’examen que nous parlons un peu sérieusement du projet de nouvel hôpital de Mayotte. Sa construction, annoncée par le président de la République en 2019, a déjà donné lieu à plusieurs études s’agissant du site à retenir, de son dimensionnement et du phasage des travaux. Des sommes importantes ont été mobilisées par le Copermo (comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers), pour pratiquement 75 millions d’euros, et dans le cadre du plan de relance. Je suis donc assez étonnée par le tableau qui figure dans le rapport annexé : il me semble qu’une partie des sommes qui avaient été mobilisées pour le nouvel hôpital ne sont plus disponibles car elles seront consacrées à la reconstruction de l’hôpital de Mamoudzou.
Il est très difficile d’envisager de rénover l’hôpital actuel, qui est un site occupé en centre-ville, dans une ville dense. Le phasage des opérations me paraissait logique, à savoir construire au moins une première phase du nouvel hôpital, sur la côte Ouest. Cela a d’autant plus de sens qu’un nouvel aéroport sera construit, ce qui permettra de faire un trait d’union entre l’Est et l’Ouest et facilitera les évacuations sanitaires. C’est à la condition que l’on puisse transférer une partie des patients de l’hôpital actuel vers le nouvel hôpital que l’on pourra conduire les opérations de structures lourdes à Mamoudzou. J’aimerais donc être rassurée sur ce phasage.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je suis surprise par les déclarations du rapporteur général. Il me semble que le président du conseil départemental a annoncé à plusieurs reprises que le foncier pour l’hôpital de Combani était réservé et qu’il n’y avait plus d’obstacle sur ce point. Vous ne pouvez donc pas nous dire que ce projet nécessite des expropriations.
Au fond, l’absence de confiance des Mahorais et des Mahoraises dans les engagements pris par l’État tient à ce type de déclarations : interlocuteur après interlocuteur, on leur dit que c’est prêt, puis que ce n’est pas prêt, puis que c’est fait, puis que cela va être fait, puis que cette fois-ci c’est la bonne, etc. Cela vaut pour le deuxième hôpital comme pour le deuxième centre pénitentiaire ou la cité judiciaire : c’est tout le temps comme cela et, à chaque fois, vous revenez avec des arguments fallacieux du style « il n’y a pas de foncier ».
Or, quand on entre dans les détails, on constate par exemple que, s’agissant du deuxième centre pénitentiaire, le représentant de l’administration foncière qui a fait le tour de l’île pendant trois jours pour prétendument chercher du foncier n’est jamais allé voir le conseil départemental, pourtant le plus grand propriétaire terrien de Mayotte. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Faites en sorte que vos déclarations devant la représentation nationale soient concrètes et vérifiées si vous ne voulez pas que la parole publique perde du crédit. Les parlementaires qui suivent les dossiers ne peuvent pas entendre tout et son contraire sur ce qui se passe à Mayotte.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je veux répondre à l’inquiétude légitime de Mme Voynet concernant la difficulté de réaliser des travaux lourds dans le CHM. Le phasage est certes une question importante mais la priorité des priorités pour le CHM est de réparer les dégâts causés par le passage de Chido.
Mme Anchya Bamana (RN). À ma connaissance, il n’y a pas de problème de foncier concernant cet hôpital. La question qui se posait était celle de l’achat par l’État du foncier à Combani mais il n’y a pas de problème d’acquisition foncière. Il en va de même pour la cité judiciaire prévue au Nord : les investissements sont prévus depuis le conflit social de 2018 mais il n’y a pas de problème foncier.
M. Manuel Valls, ministre d’État. La construction du deuxième site hospitalier à Combani représente une priorité pour le gouvernement, les élus et les Mahorais. Je veux bien croire que, par le passé, des promesses n’ont pas été tenues mais, en l’occurrence, nous sommes en train d’examiner un texte de loi dans lequel nous prenons des engagements. Vous pouvez toujours considérer que ce sont des mensonges mais, pour ma part, je prends au sérieux les travaux de la commission et du Parlement. Jamais un texte de loi n’a été autant argumenté du point de vue des investissements et de leur pluriannualité. L’enjeu est de concrétiser cet engagement et, pour cela, il faut agir. Des financements ont été validés à hauteur de près de 150 millions d’euros. La ligne globalise simplement les crédits de reconstruction de l’hôpital actuel et de construction du nouvel hôpital. C’est cela qu’il faut bien préciser et nous le ferons le plus vite possible.
Par ailleurs, s’agissant de la question foncière, 17 hectares sont nécessaires. Le conseil départemental apporte 1,5 hectare. Je ne mets pas en cause, bien au contraire, les engagements du conseil départemental mais chacun doit gérer sa part. Nous allons donc préciser cet élément avec le président du conseil départemental car je ne me contenterai pas d’engagements oraux. Ce qu’il nous faut, et cela vaut bien évidemment pour l’État, ce sont des engagements écrits. Nous allons donc compléter ce point le plus vite possible et nous pourrons en informer, si elles ne le sont pas déjà avant nous, les deux députées de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il ne fallait pas lire dans mes propos un quelconque doute. Nous vous communiquerons d’ici la séance l’arrêté du préfet identifiant les propriétaires et indiquant que la cession des terrains devait être engagée afin que la construction commence le moment venu.
Je rappelle que 122 millions d’euros sont prévus pour l’hôpital de Mamoudzou et, pour le nouvel hôpital de Combani, 10 millions pour la planification et 153 millions pour les travaux. Jamais nous n’étions arrivés à un tel niveau de précision, intégrant la localisation. J’imagine donc que nous ferons front commun pour obtenir ces parcelles. En tout cas, pour l’implantation à venir, vous avez la garantie que nous y mettrons toute notre énergie.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CL464 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL386 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement, signé par les quatre rapporteurs, vise à développer un réseau de professionnels de santé libéraux pour améliorer l’offre de soins accessibles à Mayotte. Dans ce territoire qui est le moins doté de France en nombre de professionnels, nous n’arriverons à rien si nous ne mettons pas en réseau les différents acteurs.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’un des nombreux enjeux en matière de santé à Mayotte est de développer l’accès aux soins en milieu libéral. Il s’agit de créer de l’attractivité en offrant la possibilité d’exercer en libéral par le développement d’un réseau de maisons de santé pluriprofessionnelles et en permettant aux professionnels qui préféreraient le salariat d’exercer dans les centres de santé. Cela se ferait en articulation avec l’agence régionale de santé (ARS), qui est à la manœuvre à travers le projet régional de santé, pour élaborer ce développement sur le territoire de Mayotte.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je ne suis pas hostile à cet amendement mais les nombreuses collectivités qui se sont lancées dans la construction de centres de santé butent sur deux difficultés. La première porte sur le projet médical au sein de cette maison : une maison de santé pluriprofessionnelle ou une communauté professionnelle territoriale de santé se construit autour d’un projet populationnel – ce point ne doit pas être oublié.
La deuxième difficulté concerne la viabilisation de l’activité libérale au sein de ces maisons. Je ne vois pas bien comment on fait sans l’AME (aide médicale de l’État).
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il est évident que l’ARS ne construira pas des murs vides, mais l’un ne va pas sans l’autre : si vous n’avez pas de locaux sécurisés pour les professionnels, libéraux ou salariés, vous n’aurez pas de professionnels. Nous devons donc parvenir à faire coïncider les deux dispositifs. Une maison de santé pluriprofessionnelle nécessite un projet bâti autour d’un médecin, d’une infirmière et d’une pharmacie. Plus l’accès aux soins sera concentré, plus il sera facile de le sécuriser et de le garantir aux Mahorais. Par ailleurs, tant qu’il n’y aura pas de médecine libérale, il n’y aura pas d’AME.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Concernant l’hôpital, je vous renvoie, madame Voynet, à l’alinéa 288 de la page 98 du rapport annexé, qui prévoit 407 millions d’autorisations d’engagement au total pour l’actuel hôpital et le site de Combani : c’est chiffré et c’est même planifié. Ensuite, évidemment, il faut que les crédits de paiement arrivent, mais les fonds sont bien prévus.
Je souhaite remercier Philippe Vigier et Agnès Firmin Le Bodo pour le travail qu’ils ont mené sur la question des centres de santé et j’indique que le gouvernement est favorable à cet amendement comme au suivant.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL463 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL138 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le système de santé à Mayotte est fortement fragilisé en raison d’un manque d’investissement structurel. L’offre de soins est insuffisante et les Mahorais en subissent quotidiennement les conséquences. Bien avant le cyclone Chido, les alertes étaient nombreuses, et pourtant rien n’a été fait. Le nombre de lits d’hospitalisation disponibles y représente à peine 40 % de la moyenne nationale, avec seulement 1,5 lit pour 1 000 habitants, contre 3,6 dans l’Hexagone. Les conséquences sanitaires sont alarmantes : près de la moitié des habitants renoncent à se soigner.
La santé est un bien commun essentiel, qui doit répondre aux besoins réels de la population. L’État doit s’engager pleinement, à la hauteur de l’urgence et des attentes. Nous proposons donc de développer un plan pluriannuel d’investissement dans la santé, d’étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte – en écho à la proposition de loi de Mme Youssouffa, qui n’a malheureusement pas pu être votée lors de la journée réservée au groupe LIOT –, de développer l’offre de soins et de formations en santé, et d’accélérer la construction du deuxième hôpital, qui se fait attendre depuis 2019.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Peut-être Agnès Firmin Le Bodo ou Estelle Youssouffa voudront-elles vous répondre, puisque vous avez évoqué la proposition de loi visant à étendre l’AME à Mayotte, que nous avons examinée dans l’hémicycle le 15 mai dernier. Le ministre Neuder s’était alors engagé à apporter la meilleure réponse possible aux difficultés de l’île.
Il n’était pas acquis que nous puissions présenter un plan aussi ambitieux en matière de santé – M. le ministre d’État nous y a beaucoup aidés. Cette exigence s’imposait. Au vu du contexte qui prévaut dans l’Hexagone, l’enveloppe de 400 millions d’euros allouée à Mayotte est une réponse très forte.
Je ne suis en revanche pas favorable à l’extension de l’AME à Mayotte. Nous devons par ailleurs développer l’offre de santé en ville, le nombre actuel de médecins n’étant pas satisfaisant. Au-delà des établissements, ce sont aussi la capacité de formation et l’attractivité des filières qu’il faut améliorer : avoir recours à la réserve sanitaire pour que les hôpitaux fonctionnent ne saurait être la seule solution.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL139 de M. Aurélien Taché
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Afin que les mesures nécessaires à la reconstruction soient prises dès maintenant, nous proposons de prévoir que l’égalité réelle sera atteinte « immédiatement », et non en 2031, et que la convergence sociale, notamment l’augmentation du smic, interviendra « immédiatement », et non « progressivement ». Les difficultés de Mayotte résultent principalement des inégalités entre les Mahorais et le reste de la population française. Il faut rétablir l’égalité dès à présent.
On ne peut pas le faire dès maintenant, me direz-vous. En réalité, nous en aurions les moyens si nous avions voté le budget issu des travaux de la commission des finances l’année dernière. Nous devons conduire une politique qui réponde aux besoins, et non à des logiques austéritaires et néolibérales – même si je sais que tout cela vous échappe et que vous y serez certainement défavorables. Ce que je propose n’a rien d’un coup de baguette magique, il s’agit d’un choix politique : si on veut, on peut, parce que de l’argent, il y en a.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous parlez d’austérité et de néolibéralisme. Il est pourtant une vérité sonnante et trébuchante : au 1er janvier 2026, le smic à Mayotte atteindra 87,5 % du niveau national, alors qu’il y était beaucoup plus faible l’année dernière. Cette convergence est permise par des ordonnances. Que se serait-il passé autrement ? Nul ici ne peut le dire. Reconnaissez que nous faisons un effort absolument considérable pour concrétiser la convergence sociale, ce dont nous devrions tous nous réjouir. Vous êtes libre de fixer un objectif encore plus ambitieux, mais je ne peux pas laisser dire que nous obéirions à une logique austéritaire et néolibérale.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous avons adopté ce matin un amendement du rapporteur général concernant le Smic. Vous avez tout à fait le droit de vouloir aller plus loin, mais nous avons argumenté en faveur de sa hausse progressive, mais significative, à compter du 1er janvier 2026. Je vous laisse libre des qualificatifs que vous employez, mais avec un engagement de 4 milliards d’euros d’investissements pour améliorer les conditions sociales, la santé et les services publics à Mayotte, on est très loin de l’austérité et du néolibéralisme, même si l’essentiel est maintenant que nos compatriotes mahorais constatent réellement ces changements.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL363 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il s’agit de veiller à ce que la convergence sociale, que nous appelons de nos vœux, fasse l’objet d’un compte rendu annuel, afin que nous puissions nous assurer du respect du rythme annoncé et de l’évolution du système de protection sociale de Mayotte.
Je demande une nouvelle fois au ministre d’État où en est la remise au Parlement du rapport censé présenter les inégalités entre les montants de prestations sociales versés à Mayotte et ceux pratiqués dans l’Hexagone, ainsi qu’un calendrier détaillé d’alignement. Le délai de trois mois prévu dans la loi d’urgence pour Mayotte est dépassé, alors même que ce rapport aurait été bien utile pour alimenter nos débats.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai déposé à l’article 15 un amendement qui vous apportera toute satisfaction. Je vous propose donc de retirer le vôtre.
L’amendement est retiré.
Amendement CL151 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). L’enjeu de la refondation de Mayotte n’est pas seulement de reconstruire le bâti, mais aussi d’atteindre l’égalité réelle à travers la convergence économique et sociale, comme indiqué dans le rapport annexé. Au 1er novembre 2024, le smic versé à Mayotte était inférieur de 439,83 euros à celui versé dans le reste de la France. L’horizon de 2031 prévu pour faire converger ces montants est trop lointain. Je propose de le fixer à 2027.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous avez, je le crois, été parfaitement éclairée sur ce point au cours de nos débats de ce matin. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL387 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Interrogé hier, au cours de son audition, sur le processus de convergence sociale, le ministre d’État est convenu de la nécessité de porter une attention particulière aux retraités. Nous souhaitons que ces derniers bénéficient d’une revalorisation de leur pension, afin d’améliorer leur niveau de vie et leur pouvoir d’achat.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL337 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite que la convergence du smic net soit effective dès 2027.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. J’ai déjà évoqué la belle avancée que nous avons obtenue et dont nous devrions tous réjouir.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL465 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendements CL359 de Mme Estelle Youssouffa, CL370 de Mme Dominique Voynet et CL364 de Mme Estelle Youssouffa (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’alinéa 189 prévoit que le RSA et l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ne seront alignés sur leur niveau hexagonal qu’à compter de 2031 et dispose que « le niveau des naissances à Mayotte n’appelle pas d’alignement rapide des prestations familiales ». Pour agir de manière plus conforme à l’esprit des annonces du gouvernement, il nous semble que l’alignement social doit s’étendre à l’AAH et au RSA, ainsi qu’aux prestations familiales. Nous proposons donc de supprimer cet alinéa.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il est indiqué à l’alinéa 187 que « l’État affirme un principe de priorité du travail ». C’est une très bonne chose, si ce n’est que le projet de loi n’est pas très concret en matière de relance économique et d’accès à l’emploi. Utiliser cet argument à l’alinéa 189 pour en déduire que cette priorité rendrait secondaire d’autres préoccupations me paraît donc très contestable. Invoquer le « niveau des naissances à Mayotte », dont on comprend bien qu’il est jugé excessif plutôt que trop faible, pour justifier le non-alignement des prestations familiales ne me paraît pas totalement convenable – c’est même carrément paternaliste. Je propose donc de supprimer cette mention.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL364 est un amendement de repli. Depuis 2011, l’État a opté pour une harmonisation très progressive des aides sociales à Mayotte, sans créer les outils nécessaires au sein de la caisse de sécurité sociale compétente, en invoquant de manière répétée la nécessité d’éviter un hypothétique appel d’air migratoire. Résultat : le montant de l’AAH, à l’instar de celui du RSA, est deux fois plus faible que celui versé dans les autres régions – 506 euros contre 1 016. Cette différence a évidemment un impact majeur sur la vie quotidienne des Mahoraises et des Mahorais, qui font face à une cherté de la vie hors norme. L’État exclut explicitement et volontairement les prestations familiales d’un alignement social qui est pourtant la base de l’égalité républicaine. C’est grave.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’alinéa 189 du rapport annexé prévoit très clairement un rattrapage complet, d’ici à 2031, pour le RSA et l’AAH – pour cette dernière, il devrait même intervenir dès 2029. L’extension de la prime à la naissance, de la prime à l’adoption, de la prestation partagée de l’éducation de l’enfant (PreParE) et de l’assurance vieillesse des parents au foyer est aussi prévue pour 2029. Un calendrier différencié selon les prestations sociales a donc bien été préparé. Avis défavorable.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Le 5 juin, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe GDR, nous avons adopté une proposition de loi d’Édouard Bénard prévoyant le versement des allocations familiales dès le premier enfant, car il nous apparaissait que la politique actuelle n’avait plus aucun impact sur la natalité en France.
Vous proposez ici l’exact inverse : au motif qu’il y aurait trop d’enfants par femme à Mayotte, il faudrait attendre avant de procéder au rattrapage social. Cet argument n’est absolument pas recevable. Je viens de vérifier : moyennant 170 euros et deux heures dix-huit de vol, on peut se rendre de Mayotte à La Réunion, dont les habitants se sont longtemps battus pour obtenir l’égalité sociale. Voilà ce qu’il suffit de faire pour percevoir des allocations équivalentes à celle de l’Hexagone. C’est parfaitement honteux.
Vous proposez de reporter au-delà des prochaines élections présidentielles le respect des promesses dont vous savez pertinemment qu’elles n’ont pas de valeur normative et que le prochain président de la République pourra les balayer d’un revers de main. Si vous voulez véritablement avancer sur ce dossier et si vous considérez que vos engagements ne sont pas que des promesses, faites-en sorte de pouvoir les tenir vous-mêmes, en garantissant une réelle égalité des droits sociaux avant 2027.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne peux pas promettre des choses que nous ne serons pas capables de tenir, car vous m’en feriez le reproche, à raison. Je peux en revanche vous fournir le calendrier précis de l’évolution de l’ensemble de ces prestations sociales. On a trop promis sans faire, par le passé, pour s’y risquer à nouveau. J’y attache une importance tout à fait considérable.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il serait faux, d’ailleurs, de prétendre qu’on ne promet rien. Le fait que la convergence soit inscrite dans la loi est bien plus qu’une promesse : cela ouvre la voie à des ordonnances qui nous permettront d’avancer, et ce de façon inédite. Pour la première fois, nous inscrivons dans la loi une trajectoire que nous pourrons effectivement respecter. Les auditions ont montré qu’au-delà de l’aspect budgétaire, il importe de répondre à une multitude d’enjeux techniques assez importants.
Je défendrai par ailleurs un amendement imposant au gouvernement de nous présenter chaque année un rapport faisant état de l’évolution de la convergence sociale – car, comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. le ministre d’État, nous n’aimons pas les ordonnances et devons, en tant que représentants de la nation, être correctement informés. Nous disposons également de moyens d’évaluation pour contrôler cette évolution. Ne laissons donc pas dire que nous ne faisons rien.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Validez les ordonnances et vous aurez les engagements législatifs que vous appelez de vos vœux. Nous verrons si la proposition de loi que vous avez adoptée la semaine dernière sera reprise par nos amis sénateurs, et en quels termes. Pour notre part, nous proposons des améliorations qui seront opérationnelles dès 2026. L’audition des représentants de la direction de la sécurité sociale a en effet bien montré la technicité des évolutions nécessaires, qui n’est pas à écarter, tant s’en faut.
La commission adopte l’amendement CL359.
En conséquence, les amendements CL370 et CL364 tombent.
La réunion est suspendue de dix-sept heures cinq à dix-sept heures vingt.
Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, vice-présidente de la commission.
Amendement CL152 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). La protection sociale des agriculteurs mahorais est gérée depuis la métropole, par la caisse de la Mutualité sociale agricole (MSA) d’Armorique. Ce choix méconnaît totalement la réalité du territoire : à Mayotte, l’agriculture est encore largement informelle, les exploitants sont peu ou pas déclarés et l’accès aux droits sociaux reste un véritable parcours du combattant. Dans ces conditions, confier cette mission à une caisse basée à des milliers de kilomètres est problématique.
Nos agriculteurs ont besoin de proximité, de dialogue et d’un accompagnement humain adapté au contexte insulaire. Comment imaginer qu’une caisse bretonne, si compétente soit-elle, puisse comprendre les spécificités de notre modèle agricole, qui repose sur de petites exploitations familiales sans mécanisation et, souvent, sans titre de propriété ? De plus, les difficultés d’accès au numérique, les obstacles linguistiques et l’éloignement des guichets compliquent les démarches administratives. Cette externalisation ne fait qu’aggraver la fracture sociale et territoriale. Je propose donc que la caisse de sécurité sociale de Mayotte gère la protection sociale des agriculteurs mahorais, comme c’est le cas dans les autres départements d’outre-mer.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Si je partage votre souhait, je ne suis pas certain qu’il soit possible de respecter l’échéance de 2027 que vous proposez. Si nous parvenons à faire en sorte que la caisse de sécurité sociale de Mayotte assure la gestion avant la date prévue dans le rapport annexé, nous le ferons, mais je ne saurais le garantir pour l’instant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL143 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous souhaitons que l’État prenne un engagement fort en vue de résoudre les problèmes de pauvreté et de précarité à Mayotte. Le taux de chômage dans l’archipel atteint 37 % et le taux de couverture du commerce extérieur n’est que de 2 %, ce qui signifie que Mayotte importe 98 % de ses besoins. Le département affiche aussi le PIB par habitant le plus bas de France.
L’État doit donc créer une activité économique au service des Mahorais. Au lieu de cela, le gouvernement persiste à refuser l’augmentation du smic et n’hésite pas à multiplier les cadeaux fiscaux aux entreprises, au mépris de l’urgence sociale. Une autre voie que ce désastre annoncé est possible. L’activité économique mahoraise doit être relancée, non par une offre tous azimuts et incontrôlée, mais en partant des besoins et en se fondant sur les atouts de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne peux pas laisser dire que le gouvernement ne fait rien, alors qu’il met 4 milliards d’euros sur la table à travers la déclinaison du plan d’investissement en grande partie repris dans le rapport annexé et qu’il flèche les sommes concernées – nous venons de le voir dans le domaine de la santé.
Bien sûr, ce département est confronté à de multiples difficultés – précarité, taux de chômage –, mais on ne peut pas se contenter d’un catalogue de bonnes intentions. Je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, d’autant que l’absence totale de chiffrage nous conduira à coup sûr dans le mur.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Une stratégie détaillée sera établie en application du présent rapport annexé par la mission interministérielle de reconstruction et de refondation pilotée par le général Facon. Elle comportera un ensemble de mesures au service du développement du territoire et de la réduction de la pauvreté à Mayotte. C’est bien une priorité pour le gouvernement, qui est évidemment conscient des retards accumulés, notamment avec le passage du cyclone Chido.
Des financements ont déjà été mobilisés au service de la reconstruction et du développement de Mayotte, même si je sais que leur déploiement effectif est long et difficile, ce qui suscite de l’impatience. Plus de 3,9 milliards d’euros sont prévus dans le rapport soumis au Parlement. Mayotte, comme le reste des outre-mer, doit être aux avant-postes du développement social, écologique et économique.
Les enjeux de prix et de pouvoir d’achat seront traités dans un projet de loi de lutte contre la vie chère, que j’ai annoncé et qui est en cours de finalisation. J’ai d’ailleurs tenu à ce que le renforcement des moyens des OPMR (observatoires des prix, des marges et des revenus) et le contrôle des marges des opérateurs soient au cœur de ce texte, qui comportera aussi bien d’autres mesures. Ces enjeux méritent une discussion distincte, que je conduis évidemment avec l’ensemble des parlementaires des outre-mer, dont beaucoup sont de gauche, y compris de vos rangs.
Vous nous reprochez de vous attribuer je ne sais quelles intentions. Pour ma part, je n’ose vous accuser de mentir aux Mahorais, mais c’est pourtant ce que vous faites. Il n’est pas possible d’aligner immédiatement le smic net à Mayotte sur son niveau hexagonal comme vous le proposez. Franchement, j’aimerais le faire – comme nous tous ici –, et sans doute cela aurait-il dû être fait avant. L’évolution du salaire minimum doit être progressive et ne pas déstabiliser davantage le tissu entrepreneurial de Mayotte – il ne s’agit pas de faire des « cadeaux », puisqu’il est surtout question de PME, et même de très petites entreprises déjà durement éprouvées. Cette hausse du smic doit, à notre sens, intervenir en premier, précisément parce que nous voulons favoriser le travail et la reprise de l’activité.
Faisons attention aux messages que nous envoyons. Chacun souhaite que les choses aillent vite, mais les Mahorais ont déjà été biberonnés aux engagements non tenus. L’idée est bien, avec ces 4 milliards d’euros de mesures de convergence sociale ainsi que les dispositions présentées par les rapporteurs en matière de santé, d’atteindre nos objectifs. Nous le faisons avec méthode. Il est tout à fait normal de débattre du rythme de la convergence, mais à condition de faire preuve d’un minimum de réalisme et de respect vis-à-vis de nos compatriotes mahorais.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Si nous en venons à parler de mensonges, sans doute ne vaut-il mieux pas lancer un concours, car vous mentez, vous aussi. Il a été prouvé que la convergence économique supposément créatrice de richesses pour le plus grand nombre que vous prônez, à travers notamment la création d’une zone franche globale au sein de laquelle toutes les entreprises seraient exonérées de taxes pendant cinq ans, ne marche pas. Ce n’est pas moi qui le dis, puisque le rapport conjoint rédigé par les inspections générales en juillet 2020 pointait déjà les limites de ce type de dispositif, soulignant que « les exonérations fiscales et sociales zonées n’ont pas démontré leur efficacité en matière de créations d’entreprises et d’emplois ». Quand vous faites de telles promesses, vous mentez.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL150 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Je remets régulièrement sur la table, auprès du gouvernement, la question de la régularisation foncière. Lors de la départementalisation, deux chantiers avaient été mis en avant pour préparer la réforme : l’état civil et le cadastre. Le premier a été mené à terme sans difficulté. Dans le même état d’esprit, le législateur a fondé en 2017 la Commission d’urgence foncière (CUF) afin de conduire le travail de règlement des successions et des indivisions, pour permettre aux Mahorais d’obtenir leurs titres fonciers. Je souhaite donner les moyens à la CUF de mener à bien ce chantier fondateur pour la reconstruction de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Ce GIP (groupement d’intérêt public) est effectivement très important. Il regroupe la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm), la direction régionale des finances publiques (DRFIP), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le conseil départemental et l’association des maires. L’amendement CL215 de M. Naillet et le CL388, que j’ai déposé, permettront de répondre parfaitement à vos demandes. Ce guichet commun est essentiel pour accélérer les processus de régularisation. Cet outil pourra enfin satisfaire les exigences en matière d’infrastructures publiques et parapubliques à construire. Avis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le sujet que notre collègue soulève avec régularité et constance est fondamental. Alors que l’État s’acharne à vouloir accélérer les expropriations, il ne met pas un centime pour régler le désordre foncier dans l’île. La population s’interroge donc légitimement sur l’orientation de cette démarche.
La terre, c’est la base, non seulement du droit à la propriété privée garanti par la Constitution, mais aussi de l’héritage ancestral que nous souhaitons transmettre à nos enfants. Malgré le passage du droit coranique au droit napoléonien, on ne peut que constater que l’État n’a fait aucun effort, que ce soit lors de l’incendie des archives ou de leur transmission par les cadis à l’autorité préfectorale, pour garder cette mémoire et organiser le foncier à Mayotte. Maintenant, votre seule réponse est de proposer, avec l’article 19, des expropriations accélérées.
Pour garantir un semblant d’équilibre, il faut non seulement donner des moyens à la CUF, mais aussi au cadastre, afin de redonner un peu de confiance aux citoyens de Mayotte et les convaincre que l’État n’est pas tout simplement engagé dans une grande entreprise de spoliation qui passerait par une accélération des expropriations et la régularisation des clandestins qui prennent possession des terrains – car c’est ce qui est en jeu. Il faudra bien que le gouvernement prenne en compte les remontées du terrain et agisse de manière équilibrée, sans quoi nous ne pourrons qu’en déduire que son seul objectif est de prendre le contrôle du foncier à Mayotte, malgré les Mahoraises et les Mahorais.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’action menée par l’État dans les années 1990-2000 a permis de mettre en place un cadastre stabilisé à 95 %, qui compte environ 80 000 parcelles. En revanche, l’attribution d’un titre de propriété à l’ensemble de nos concitoyens mahorais qui en font la demande reste un enjeu majeur. Il est prévu, dans le rapport annexé, que la mission chargée de la reconstruction et de la refondation de Mayotte devra rédiger et mettre en œuvre une stratégie quinquennale pour les années 2026-2031. Cela devra être fait avec méthode, dans l’écoute et sans créer de fausses polémiques – je parle de l’État.
La question de la régularisation foncière devra être au cœur des priorités de cette stratégie, compte tenu des besoins du territoire et de l’attachement des Mahorais à la propriété privée. Une expérimentation en matière de régularisation, concernant un ensemble important de parcelles, a d’ores et déjà été lancée à Mamoudzou dans le cadre d’un guichet commun qui réunit les services de l’État – la direction régionale des impôts, la CUF, la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm) et la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) – et le département de Mayotte.
Une estimation des effectifs nécessaires pour assurer une régularisation massive des titres de propriété sera réalisée à l’issue de l’expérimentation. Ce cadrage ne concernera pas que la CUF, qui n’est d’ailleurs pas chargée du cadastre – je ne vous l’apprends pas. De plus, l’alinéa 199 du rapport annexé prévoit que l’État s’engage à renforcer les moyens d’action de cette commission. Je considère donc que l’amendement présenté par Mme Bamana est satisfait. S’il était maintenu, je demanderais son rejet.
Madame Youssouffa, l’État n’a aucune obsession en matière de foncier, d’expropriation ou de contrôle. Même si je connais le passé et comprends les peurs ou les interrogations, cela n’a aucun sens. Nous débattrons de la manière d’accélérer des opérations sur des terrains dont une grande partie appartient non pas à l’État mais au conseil départemental. Nous trouverons, je n’en doute pas, une voie permettant d’avancer.
Il me semble que nous pouvons travailler sur ce sujet sans tout le temps mettre en cause – mais ce n’était pas le sens des propos tenus par Mme Bamana – je ne sais quels intérêts ou obsessions. Je veux seulement trouver les outils les plus efficaces, en restant très attentif et en apportant des réponses – nous le ferons notamment à l’article 19 – à ces questions qui sont, je le reconnais, sensibles et délicates. Je suis certain que les rapporteurs, en commission comme en séance publique, sauront trouver le meilleur chemin possible.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL357 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous demandons que le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte et les gestionnaires mahorais d’aires protégées soient associés à la révision du schéma d’aménagement régional, rendue nécessaire par le passage du cyclone Chido. Nous sommes en train de repenser complètement notre territoire dans le cadre de ce projet de loi. Alors que notre île est considérée par le Giec – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – comme un trésor de biodiversité, il nous paraît fondamental d’associer ces acteurs aux travaux portant sur les zones qui seront consacrées à notre développement. Nous avons vu à Ironi Bé, par exemple, qu’il faut réfléchir aux enjeux environnementaux si nous voulons transmettre à nos enfants une île habitable et vivable.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je partage votre souhait que tous les enjeux, en particulier la dimension environnementale, soient pris en considération lors de la révision du schéma d’aménagement régional. Je n’y reviens pas davantage car nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises depuis hier. Il existe néanmoins une petite difficulté : ni le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, ni les gestionnaires d’aires protégées ne figurent dans le code général des collectivités territoriales parmi les personnes ou les établissements dont l’avis doit être sollicité, à l’instar des parcs nationaux ou des parcs naturels régionaux, lorsqu’ils existent – cela fait partie des anomalies actuelles. Ces acteurs pourront être associés, à titre informel – j’imagine que vous saurez faire valoir cette exigence, que je partage –, mais je ne peux pas, pour des raisons légistiques, donner un avis favorable à cet amendement, qui serait inefficace.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je vais retirer l’amendement, en vue d’une réécriture : je regarderai s’il est possible de modifier dans ce sens les dispositions concernant l’évolution institutionnelle de Mayotte.
L’amendement est retiré.
Amendement CL215 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons que le plan d’action établi par le gouvernement pour la régularisation du cadastre précise les moyens complémentaires qui seront concrètement affectés à cette tâche et, par ailleurs, que le plan d’action soit mis en œuvre à partir du 1er janvier 2026.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je connais votre implication dans ce domaine, mais j’ai un léger doute sur la date : elle ne me paraît pas réaliste. Mon amendement CL388 me semble préférable.
Comme l’a dit le ministre d’État, il faut rassurer les occupants sur cette question sensible que sont les expropriations, en veillant, notamment, à ce qu’ils connaissent bien les conditions d’indemnisation. La confiance ne naîtra que si nous arrivons à mener la régularisation foncière dans des conditions satisfaisantes.
L’alinéa 199 du rapport annexé dit très clairement que « l’État veillera à associer la commission d’urgence foncière – acteur essentiel de cette phase de régularisation foncière – à la réalisation de ces travaux et à renforcer ces moyens d’action ».
L’amendement est retiré.
Amendement CL388 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement, que j’ai déposé avec mes trois corapporteurs, souligne que la régularisation du cadastre, donc des titres de propriété, doit être considérée comme une priorité et une urgence absolue afin, notamment, de permettre certaines opérations indispensables pour réparer les dégâts causés par le cyclone Chido et d’engager les opérations d’investissement dont nous avons parlé. Le groupement d’intérêt public (GIP) sera renforcé grâce à la création d’un guichet commun – il aura ainsi plus de moyens à sa disposition.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL461 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL147 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Afin de produire une vision d’avenir pour Mayotte, il faut sortir de l’idée que l’habitat illégal serait uniquement la conséquence de l’immigration. D’après les enquêtes menées par Harappa et des travaux de chercheurs, deux tiers des ménages vivant dans un logement précaire ont à leur tête un adulte de nationalité française ou en situation régulière. Personne ne nie la souffrance de la population de Mayotte, ni les violences du quotidien, ni les inégalités criantes mais, au lieu de suivre une approche sécuritaire et répressive qui maintient l’île dans une impasse, il faut mener une politique ambitieuse pour garantir un logement digne à toutes et tous.
Nous demandons ainsi, par cet amendement, que l’État s’engage à garantir le relogement durable de toutes les personnes à Mayotte ou, si elles l’acceptent, sur le reste du territoire national, qu’elles soient présentes de manière régulière ou non, et à ne procéder à aucune expulsion sans solution de relogement ; à mettre en œuvre un plan pluriannuel d’investissement et de développement d’un service public du logement ; à élaborer un véritable plan pour le logement, à la hauteur des besoins ; à s’assurer que les dérogations exceptionnelles aux règles de l’urbanisme ne visent qu’à construire des logements dignes pour les Mahorais et à interdire toute construction ne pouvant garantir la sécurité des personnes et la préservation de l’environnement ; à prendre en compte les besoins de confort thermique en milieu tropical dans les opérations de reconstruction et à intégrer cette dimension dans les nouvelles normes de construction ; à favoriser l’accès au logement social et à lutter contre les pénuries en la matière, par une application rigoureuse de la loi « droit au logement opposable » ; à intégrer Mayotte dans la liste des territoires pouvant avoir recours au dispositif expérimental d’encadrement des loyers actuellement en vigueur en zone tendue.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je rappelle à notre collègue qu’une opération d’intérêt national est prévue à Mayotte et que l’objectif de construire le plus de logements possible figure déjà dans le rapport annexé – 24 000 logements verront le jour dans les dix ans, dont une partie importante de logements sociaux. Pour le reste, pardonnez-moi, cet amendement reste un peu dans l’incantation. Ce n’est pas l’État qui va construire lui-même des logements, mais un établissement public et les collectivités locales. Par conséquent, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL216, CL218 et CL220 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Le premier amendement vise à fixer un objectif de 0 % de déchets traités par enfouissement à Mayotte à l’horizon 2031. Le taux est actuellement de presque 100 %, contre 15 % au niveau national. Un rapport sénatorial de décembre 2022 sur la gestion des déchets dans les outre-mer signalait que la cote d’alerte était atteinte et que Mayotte faisait face à une double urgence, environnementale et sanitaire. L’État doit débloquer des moyens supplémentaires pour appliquer rapidement, selon un calendrier ambitieux, des plans structurels de rattrapage.
L’amendement suivant prévoit la transmission d’ici à la fin de l’année du calendrier des investissements relatifs à la sortie du tout-enfouissement au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
L’amendement CL220 demande la transmission d’une étude de faisabilité sur la sortie du tout-enfouissement au comité de suivi avant le 31 décembre.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’amendement CL216 a dû être rédigé un peu rapidement, car il prévoit un objectif de réduction de 0 % des déchets traités par enfouissement ! Sur le principe, il faut aller vers une réduction du recours à l’enfouissement, mais un délai de cinq ans ne me paraît pas réaliste. Avis défavorable.
Je suis favorable à la transmission du calendrier des investissements, mais je trouve que demander l’achèvement d’une étude de faisabilité au 31 décembre reviendrait à aller un peu vite en besogne : une telle étude ne sera probablement disponible qu’en 2026. Ce seront très probablement les collectivités locales qui la conduiront et nous ne maîtrisons pas les délais. À cet égard, avis défavorable.
M. Philippe Naillet (SOC). Je réécrirai l’amendement CL220 pour la séance.
L’amendement CL220 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement CL216 et adopte l’amendement CL218.
Amendement CL326 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). La gestion des déchets à Mayotte n’est pas une question très simple. À côté de la filière officielle de collecte et de traitement par enfouissement, il existe énormément de décharges sauvages, d’objets plus ou moins susceptibles de se décomposer rapidement, comme les pneus, et de nombreux problèmes spécifiques se posent sur le plan sanitaire ou de la sécurité. On trouve partout dans le paysage des véhicules hors d’usage, pour lesquels il faudra peut-être inventer une filière ad hoc. Je me souviens par exemple que de très jeunes enfants sont morts, il y a quelques années, après s’être enfermés en plein soleil dans une voiture abandonnée.
Cet amendement a pour objet de compléter la stratégie de ramassage et de valorisation des déchets pour éviter, notamment, la présence de décharges, en particulier sauvages mais pas seulement, à côté des écosystèmes fragiles. Il faudrait également s’assurer qu’une gestion différenciée des déchets végétaux est mise en place et, même si l’amendement ne le précise pas en tant que tel, appliquer des stratégies nouvelles à Mayotte, dont le territoire est à la fois petit et très peuplé. Il serait ainsi utile de revenir à des systèmes de consigne pour les canettes métalliques et les bouteilles en plastique ou en verre. Si un territoire mérite qu’on collecte, contre paiement, les emballages usagés pour ensuite les réutiliser, c’est bien Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’alinéa 212 du rapport annexé est ainsi rédigé : « Dans cet effort de rattrapage, l’État soutiendra les investissements relatifs aux déchèteries fixes ou mobiles, au fonctionnement optimal de l’actuelle installation de stockage des déchets non dangereux (ISDND) de Dzoumogné ou aux centres de tri multi‑filières. »
Qu’il faille prendre le maximum de précautions et réaliser des études pour les futurs sites d’entreposage ou de valorisation, je vous l’accorde, mais le premier point de votre amendement risque de complexifier encore la démarche. Nous retomberons alors dans les mêmes difficultés et les mêmes questions continueront à se poser dans quatre ans.
Vous savez très bien qu’on n’ouvre pas une unité de valorisation des déchets ou un centre de stockage n’importe comment. Par ailleurs, s’il est question de « rattrapage » dans le texte, cela veut dire qu’on mettra à niveau les sites existants. J’émets un avis défavorable à cet amendement, mais l’exigence que vous défendez est bien prise en compte.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). J’irai, une fois n’est pas coutume, dans le même sens que Mme Voynet. La question des déchets à Mayotte, où l’on importe tout, est problématique. Si les autorités publiques décidaient d’interdire l’importation de canettes, elles régleraient immédiatement un des problèmes actuels. Il y a quelque chose de complètement dissonant dans la manière dont on aborde ces sujets dans un territoire aussi petit : lors de la crise de l’eau, nous n’avons pas cessé d’alerter les pouvoirs publics sur le fait qu’on allait importer de grandes quantités des bouteilles en plastique, mais rien n’a été réfléchi, ni organisé correctement, et nous nous sommes retrouvés avec une pollution massive.
La question de l’enfouissement, qui n’est pas propre à Mayotte, est extrêmement importante. Les compagnies maritimes ont décidé de suspendre ou de diminuer considérablement la rotation des bateaux chargés de récolter les déchets dangereux ou particulièrement polluants, ce qui a accéléré l’enfouissement des déchets permanents. Nous avions déjà, bien avant le passage du cyclone, des quantités hallucinantes d’épaves de voitures et de produits dangereux, par exemple d’origine médicale ou industrielle, même si Mayotte n’a qu’une industrie très petite.
Le problème des déchets ne peut pas relever de solutions uniquement locales. Dans les autres territoires insulaires, une collecte a lieu, mais chez nous le secteur privé, en l’occurrence les compagnies maritimes, a décidé de se désengager et nous le payons très cher.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai déjà évoqué l’effort de rattrapage prévu à l’alinéa 212. Selon l’alinéa suivant, « l’État veillera à la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la gestion durable des déchets : éco‑organismes, collectivités, syndicat dédié, entreprises, population, associations ». Une sensibilisation doit être faite – je sais que vous avez relayé, à l’époque, les préoccupations concernant les bouteilles d’eau – et l’État pourra investir, c’est dit très clairement dans le texte, pour accompagner les projets des collectivités. Par ailleurs, nous pourrons surveiller la situation chaque année au sein du comité de suivi de la loi de programmation, où des parlementaires seront représentés. Je ne pense pas que beaucoup d’autres lois de programmation adoptées ces dernières années fassent l’objet d’une évaluation chaque année.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL356 de Mme Estelle Youssouffa et CL222 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il nous semble important de permettre au syndicat mixte de collecte et de traitement des déchets ménagers de Mayotte d’être éligible à titre dérogatoire, dans le cadre de la loi de finances et pour cinq ans, à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et de bénéficier des soutiens aux investissements qui sont nécessaires, grâce au fonds Vert et à la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local.
M. Philippe Naillet (SOC). Notre amendement vise aussi à faire en sorte que le syndicat mixte de collecte et de traitement des déchets ménagers de Mayotte, le Sidevam 976, puisse être éligible à la dotation d’équipement des territoires ruraux pendant une durée de cinq ans, à titre dérogatoire, compte tenu du nombre d’habitants concernés – il est supérieur à 60 000. Pour soutenir les investissements nécessaires, nous proposons également de rendre éligible ce syndicat mixte à la dotation de soutien à l’investissement local.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’aimerais vous donner satisfaction, mais on ne peut pas, en l’état du droit, verser la DETR ou la DSIL à un syndicat mixte. En revanche, rien n’empêche les collectivités – les communes ou le département – d’apporter des financements, et des montages associant l’État et les collectivités peuvent être élaborés. On le fait très souvent dans l’Hexagone. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL322 de M. Charles Fournier et CL229 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je vais retirer l’amendement CL322 car vous allez m’opposer, monsieur le rapporteur général, la même critique que tout à l’heure à l’égard du Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, qui semble ne pas avoir un statut très robuste. Nous y reviendrons en séance publique : il est important que les associations et les gestionnaires d’aires protégées soient associés, ainsi que les scientifiques, à la définition d’un diagnostic écologique.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable, en effet. Nous pourrons reparler de ces questions en séance.
L’amendement CL322 est retiré.
La commission rejette l’amendement CL229.
Présidence de M. Florent Boudié, président de la commission
Amendement CL230 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à inclure la lutte contre les espèces exotiques envahissantes dans la stratégie de reboisement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai envie de vous donner satisfaction afin qu’une étude à 360 degrés soit réalisée, en n’écartant personne.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL141 de M. Aurélien Taché
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous regrettons que seulement quelques lignes du rapport annexé soient consacrées à la bifurcation écologique, à la préservation de la biodiversité, à la gestion des déchets ou encore à la souveraineté alimentaire. Cette disproportion témoigne d’un désintérêt inquiétant pour les enjeux environnementaux, pourtant cruciaux à Mayotte. Avant le passage du cyclone Chido, l’île se distinguait par la richesse des « jardins mahorais », pilier d’une production alimentaire locale, certes modeste mais essentielle, qui occupe près de 80 % des surfaces agricoles de l’île. Ces jardins agroforestiers mêlent, sur de petites parcelles, des cultures d’une grande diversité, principalement destinées à l’autoconsommation des familles. Au-delà de sa valeur écologique, la biodiversité de l’archipel soutient des secteurs économiques clefs pour Mayotte.
Bien avant le passage de Chido, la situation environnementale était alarmante – nous avons ainsi parlé tout à l’heure de la gestion des déchets. Le cyclone a aggravé cette fragilité. Selon Joël Huat, chercheur au Cirad – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement –, de deux à trois années seront nécessaires pour retrouver le niveau d’autosuffisance qu’avait Mayotte avant Chido. La reconstruction ne peut ignorer l’impératif écologique ; il faut au contraire s’appuyer sur des dynamiques locales et la résilience des écosystèmes pour refonder un modèle durable.
La reconstruction ne sera juste et durable que si la biodiversité et la souveraineté alimentaire sont placées au cœur de l’action publique. Quelques lignes dans un rapport ne suffiront pas : il faut une stratégie ambitieuse, structurée et dotée de moyens à la hauteur des enjeux.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’ambition que vous défendez est très importante : je ne vois pas comment je pourrais m’y opposer. Seulement, lorsque vous demandez dans votre amendement que « sur le plan énergétique, l’État fixe un objectif de 100 % d’énergies renouvelables et l’autonomie énergétique en développant des solutions innovantes », vous ne précisez pas la temporalité. L’échéance est-elle 2050 ou 2070 ? J’ai plutôt de l’ambition, mais j’aime bien qu’on crante les choses afin qu’il y ait des réalités en rapport avec les objectifs ; faute de quoi on finit par les critiquer s’ils ne sont pas atteints.
Par ailleurs, comme je l’ai dit ce matin, la dimension environnementale – le redéveloppement de la forêt et la protection des espèces et de la biodiversité – sera prise en compte dans la révision du schéma d’aménagement régional. Cela permettra de viser le premier objectif figurant dans votre amendement, qui est de ne pas construire n’importe comment et de protéger les espaces boisés, en intégrant la question de la gestion parcellaire des eaux de pluie.
Enfin, nous ne pouvons pas adopter une rédaction dont nous ne connaissons pas l’impact financier, le risque étant, une fois de plus, de ne pas atteindre les objectifs et ainsi de briser la confiance.
Même si nous partageons largement les mêmes intentions, avis défavorable.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement, très ambitieux, de nos collègues de La France insoumise ne s’inscrit pas vraiment dans le temps. Néanmoins, on pourrait faire le même reproche aux alinéas du rapport annexé concernant la politique énergétique, qui donnent l’impression d’être une sorte de catalogue de phrases générales. On peut écrire : « La refondation de Mayotte doit conduire à sortir le territoire de la dépendance aux énergies fossiles, importées à hauteur de 98 % », mais comment cela se traduira-t-il ? L’alinéa suivant prévoit que « la politique énergétique guidée par les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) sera mise à jour afin de doter le territoire d’objectifs au moins jusqu’à l’horizon 2028 ». Or on sait que de telles programmations pluriannuelles de l’énergie n’existent pas. Si M. le rapporteur général ne souhaite pas l’adoption de l’amendement de M. Taché, il pourrait peut-être nous faire une proposition un peu plus consistante. On pourrait, par exemple, doter enfin Mayotte d’un schéma régional de l’énergie, assorti d’une échéance, qui explique comment on fait pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, développer les énergies renouvelables et être plus efficace et sobre sur le plan de la consommation.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous avez commencé votre réponse en disant que vous ne voyiez pas comment vous pourriez vous opposer à cet amendement, mais c’est ce que vous avez fait, au motif qu’il ne prévoit pas de borne temporelle – il n’aurait pourtant pas été complexe de déposer un sous-amendement en ce sens. Si vous nous disiez plutôt que vous avez du mal, depuis que vous êtes aux responsabilités, à tenir vos promesses, je vous donnerais volontiers quitus.
Inscrire dans ce texte un objectif sur lequel nous sommes tous d’accord serait tout de même plus engageant, même en l’absence de limite de temps, que du vide ou des phrases générales autour de l’idée qu’il faudrait sortir des énergies fossiles. Nous proposons une approche positive qui consiste à expliquer comment nous voulons reconstruire, au lieu de nous contenter d’écrire ce que nous ne voulons pas.
Monsieur le rapporteur général, je vous invite modestement, à la place qui est la mienne, à rester en accord avec le début de votre intervention, donc à donner un avis favorable à cet amendement, à l’encontre duquel vous n’avez en réalité aucun argument.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je suis favorable au principe mais je sais, pour avoir participé pendant de longues années à l’élaboration de schémas régionaux d’aménagement et de développement durable, ce qu’exige un tel exercice. Il faut aborder toutes les questions, à 360 degrés – les déchets, l’énergie, les mobilités, le logement... Nous avons été guidés par cette exigence lors des auditions, auxquelles certains de vos collaborateurs ont assisté, notamment celle du ministère des transports.
Pouvons-nous nous satisfaire de ce que vous appelez un catalogue d’intentions ? Nous fixons une ambition dans le rapport annexé, et je suis très heureux de voir que vous vous y associez – vous venez de nous rejoindre –, mais il appartiendra aux élus de prévoir les déclinaisons, qui devront être quantifiées. N’élaborons pas des schémas qui ne verront pas le jour. L’État apportera des moyens et un soutien technique, pour accélérer la mise en œuvre, mais les objectifs seront définis par les élus. Je ne veux pas que l’on se substitue à eux, car il est hors de question de les infantiliser. Ils nous ont demandé d’avoir la main.
Enfin, je reviens sur ce qu’a dit Mme Voynet : si un objectif de 100 % d’énergies renouvelables était souhaitable, comment ferait-on concrètement pour l’atteindre ?
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CL231 de M. Philippe Naillet est retiré.
Amendement CL389 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous souhaitons que le montant des dotations versées aux collectivités soit actualisé dès que les données provisoires du recensement seront connues.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il est essentiel que les communes aient le plus rapidement possible les chiffres de leur population grâce au recensement, qui démarrera le 27 novembre 2025 et se terminera début janvier 2026. L’engagement a été pris par l’Insee de leur communiquer les chiffres provisoires dès le mois d’août 2026 et consolidés en décembre 2026.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL391 et CL392 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendements identiques CL354 de Mme Estelle Youssouffa et CL232 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous souhaitons que l’État s’engage à faire de l’orientation des jeunes vers l’emploi une priorité et à favoriser les dispositifs d’insertion professionnelle et sociale des jeunes. À Mayotte, plus de la moitié de la population a moins de 20 ans. Cette démographie représente un défi autant qu’une opportunité. Nous avons parmi notre jeunesse les futurs médecins, les futurs ingénieurs et les futurs cadres. L’avenir brillant de Mayotte se joue sur les bancs de nos écoles, de nos collèges et de l’université mais aussi dans les dispositifs d’insertion professionnelle et sociale. Il est essentiel de doter la mission locale de moyens à la hauteur.
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit en effet de mettre le paquet, si je puis dire, sur l’orientation des jeunes vers l’emploi. Près de 25 000 jeunes ne sont ni en formation, ni en emploi, ni scolarisés et 13 000 sont inscrits sur la base de données de la mission locale.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable. Notez que, grâce à l’adoption de l’amendement CL389, les collectivités recevront des dotations actualisées une année plus tôt que prévu.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL84 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, près de 1 000 jeunes s’engagent chaque année dans le service militaire adapté (SMA), pilier essentiel, et d’une efficacité redoutable, de l’insertion, de la formation professionnelle et de la citoyenneté. Ce n’est pas un service militaire comme on l’imagine, mais un système d’insertion professionnelle qui fonctionne très bien, puisque son taux de réussite est de 85 % voire de 90 % dans certains territoires ultramarins. À Mayotte, où le chômage des jeunes atteint des niveaux records et où les perspectives sont fragiles, le SMA est un levier précieux qu’il faut structurer, renforcer et territorialiser. Ce dispositif mérite d’être amplifié.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le SMA joue en effet un rôle majeur. C’est un fleuron de l’armée que nous avons pu mettre en place dans tous les territoires ultramarins. Le rapport annexé prévoit, d’une part, l’extension du SMA avec la création d’une antenne à Chirongui pour 14 millions d’euros et, d’autre part, une enveloppe de 10 millions d’euros pour reconstruire le site de Combani. Vingt-deux formations professionnelles de qualité y sont délivrées. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
M. Yoann Gillet (RN). Vous avez sous-entendu que vous aviez créé le SMA. Rappelons qu’il a quelques dizaines d’années ! Par ailleurs, pour être rapporteur pour avis du projet de loi de finances (PLF) sur la mission Outre-mer depuis trois ans, je sais que lorsque vous étiez ministre, monsieur le rapporteur général, les crédits du SMA étaient en baisse. Pour une fois que l’on a un dispositif qui fonctionne en France, vous ministre vous aviez baissé l’enveloppe qui lui était allouée. Le SMA mérite une attention particulière et davantage de crédits parce que c’est le seul dispositif d’insertion professionnelle qui fonctionne réellement.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le SMA est un dispositif qui marche. Cependant, les formations proposées sont parfois moyennement adaptées à la réalité de Mayotte. Il suffit de penser à celles tournées vers le tourisme, qui, dans cette période post-Chido, est en immense difficulté. Il est nécessaire de diversifier les formations et de les rendre moins genrées. Il me semblerait intéressant d’étendre ce dispositif – ne hurlez pas avant que j’aie terminé – à des jeunes qui ne seraient pas français mais qui seraient en situation régulière. Malheureusement, monsieur le président, vous avez jugé irrecevable mon amendement sur le sujet. J’ai bien compris que l’armée française, c’est pour les Français. Néanmoins, la dimension de formation, d’insertion et de coopération avec d’autres jeunes me paraît très intéressante. Il y a une base de la légion étrangère à Mayotte, sans que cela pose de problèmes. Serait-il possible d’examiner une façon d’ouvrir l’accès à certaines formations du SMA à des jeunes en situation régulière ?
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Quand on met des moyens dans un cadre dédié, ça fonctionne. Ne pourrait-on pas imaginer, de la même façon, un service citoyen obligatoire rémunéré qui permettrait de s’impliquer dans la vie collective, associative, dans la défense de l’environnement et le rétablissement de la situation à Mayotte ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Monsieur Gillet, il ne vous a pas échappé que je n’ai pas été directement responsable du budget des territoires ultramarins. J’ai en revanche participé à l’élaboration des nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT), après le comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 18 juillet 2023. La création du deuxième site du SMA est le fruit du travail mené à cette époque.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL393 de M. Philippe Vigier
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cet amendement vise à répondre aux inquiétudes dont nous a fait part le maire de Mamoudzou, en associant les volontaires du SMA au recensement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Monsieur Gillet, vous avez dit que j’avais baissé les crédits. On ne peut pas dire tout et n’importe quoi. En réalité, les moyens du SMA ont été augmentés de 11 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement par la loi de finances pour 2024. Dont acte.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le recensement est fondamental et en avoir obtenu un exhaustif, porte par porte, constitue une victoire de ce projet de loi. L’amendement permet de mobiliser les volontaires du RSMA – régiment du service militaire adapté – pour limiter les risques encourus par les agents municipaux. Nous avons également fait en sorte que les collectivités locales bénéficient de fonds en avance pour le financer. Cela fait des années que Mayotte conteste le recensement et en exige un nouveau. Cette mobilisation de l’Insee, qui ne fait pas preuve d’une volonté extraordinaire mais obtempère, est parfaitement dérogatoire. Les nouveaux chiffres nous permettront très certainement de revoir à la hausse le montant des fonds transférés aux collectivités locales. Quelle que soit l’évolution des naissances – il y a eu une petite baisse en début d’année –, les élus de Mayotte sont convaincus que nous sommes au moins 400 000. La mise à disposition des chiffres au plus tôt permettra d’avancer le plus vite possible et de calibrer la reconstruction au plus près de la population réelle.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le recensement est un sujet difficile. Si l’on ne sélectionne pas avec beaucoup d’attention les personnes qui le conduiront, on risque dans certains quartiers de ne recenser personne ou pas grand monde. Les jeunes du RSMA sont plutôt bien accueillis dans les quartiers, comme je l’ai vu au moment de la covid. Ils travaillaient avec les agences de développement locales et l’agence régionale de santé (ARS) et étaient plutôt bien reçus. Dans les bidonvilles de Kawéni, de Dzaoudzi-Labattoir, à Doujani ou ailleurs, il faudra sélectionner des personnes à l’encontre desquelles les habitants n’auront pas de préventions ; sans quoi ils se disperseront dans la nature.
M. Philippe Gosselin (DR). Nous apportons beaucoup de soin à ce fameux recensement. Alors que le RGPH – recensement général de la population et de l’habitation – se fait habituellement par sondage, nous revenons là aux procédures anciennes. Comme le disait Dominique Voynet, il faudra choisir avec un grand soin les agents recenseurs et leur fournir un appui et une formation. Ce recensement sera un peu le juge de paix. Il permettra de mieux anticiper les dépenses non seulement pour dimensionner la reconstruction, les services publics et les services au public – éducation, santé, logement, routes – mais aussi préparer l’avenir. Tout le monde se bagarre autour des chiffres. Je suis d’accord avec l’idée qu’il y a vraisemblablement bien plus de 320 000 personnes sur l’île. Si le recensement est bien fait, permettant ainsi d’éviter d’éventuelles polémiques, on sera carré.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le recensement est une question majeure à Mayotte. Nous aurons enfin les vrais chiffres. Nous savons qu’il faudra 700 agents recenseurs et 70 encadrants. Nous avons même défini des dates pour que, fin janvier, l’opération soit terminée. Le tiers de confiance, qu’il s’agisse de volontaires du SMA ou d’agents municipaux, est indispensable pour éviter que certains ne prennent peur et s’en aillent. Sans l’aide des communes, par exemple, on n’aurait jamais pu faire la distribution d’eau. Lors des auditions, les représentants des communes nous ont fait part d’un problème : le recensement coûtant 3 millions d’euros, il faudra trouver les voies et moyens pour indemniser les communes en temps réel de manière à ce qu’elles n’aient rien à avancer. Nous nous donnons toutes les garanties pour réaliser ce recensement exhaustif. Ce sera l’heure de vérité pour un problème repoussé depuis si longtemps.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL71 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Les agents de la police nationale rencontrent de gros problèmes de fonctionnement dont nous saisissent régulièrement leurs syndicats. Leurs bâtiments préfabriqués, en particulier, ont subi les effets du passage de Chido. L’amendement vise à remettre sur la table le projet de reconstruction de la caserne de la police nationale conduit de manière mutualisée entre l’État et la mairie de Mamoudzou depuis une dizaine d’années. Pour une fois, le foncier est disponible. Ce projet coûte 15 millions d’euros, dont 80 % à la charge de l’État.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. C’est une vraie question, qui, en réalité, se pose pour tous les agents de l’État travaillant à Mayotte. Agnès Firmin Le Bodo a déposé un amendement pour obtenir une étude précise des besoins en la matière. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL233 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à compléter l’alinéa 247 par la phrase suivante : « S’agissant du projet de piste longue à Mayotte, l’État reprendra sans délai la concertation préalable menée par la Commission nationale du débat public et constituera un comité de suivi du projet ; ». La Commission nationale du débat public, qui a été saisie, a lancé une concertation permettant la réalisation d’études complémentaires sur l’implantation d’une piste longue. Un premier rapport a été publié en 2022. En 2024, les sites de Petite-Terre et de Grande-Terre ont été comparés dans un second rapport. Toutefois, il y est indiqué que la concertation n’apporte pas tous les éléments nécessaires à une prise de décision éclairée et qu’aucune donnée scientifique sur les risques liés au volcan Fani Maoré n’a été intégrée dans la concertation.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’arlésienne ! Je rappelle que la piste fait un peu plus de 1 900 mètres et qu’en l’absence d’extension il ne sera pas possible de faire face aux besoins croissants. Les gros porteurs peuvent se poser mais ne peuvent pas repartir une fois le plein fait. Une barrière de corail empêche l’extension, sans compter les risques sismiques et les inondations qui rendent l’aéroport inexploitable cinquante jours par an. Une étude complète a permis d’identifier un nouveau site sur Grande-Terre, à Bouyouni, pour lequel un investissement de 1,2 milliard a été fléché dans le rapport. Nous avons auditionné la direction générale de l’aviation civile (DGAC), le ministère des transports et la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet un peu plus tard. La décision est enfin actée ! Je me souviens que nous parlions encore en 2018 de l’extension de la piste actuelle. Ce sera une nouvelle infrastructure, parfaitement sécurisée, sur un site maîtrisé sur le plan sismique. Le projet est d’en faire un pôle opérationnel de développement, avec une intermodalité, des logements, une zone d’activité. Le préfet a d’ailleurs présidé récemment un comité qui allait dans ce sens. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL328 et CL327 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). On ne connaît pas l’importance réelle du secteur informel à Mayotte, qui est vital pour certaines personnes très précaires. D’autres, très actives et qui disposeraient peut-être en métropole du statut d’autoentrepreneur, choisissent de rester dans cet entre-deux. L’idée, avec l’amendement CL328, serait de formaliser ce secteur, d’identifier son poids et ses caractéristiques afin d’identifier des pratiques innovantes et de l’accompagner vers l’économie déclarée.
Avec l’amendement CL327 je propose de définir une stratégie de soutien au microcrédit, grâce à des actions de reconnaissance et d’appui aux systèmes communautaires d’épargne et de financement informel, inspirés des shikowas, les pratiques traditionnelles locales d’épargne, majoritairement féminines.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable sur l’amendement CL328. Il faut en effet mieux évaluer le poids des activités souterraines.
En revanche, je ne suis pas persuadé que ce soit à l’État de soutenir les initiatives en matière de microcrédit. D’autres outils sont mobilisables : les plateformes participatives ou le département qui est aussi région et a donc une pleine compétence en matière économique. Avis défavorable sur l’amendement CL327.
Successivement, la commission adopte l’amendement CL328 et rejette l’amendement CL327.
Amendement CL310 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à structurer et à moderniser le transport scolaire à Mayotte en définissant un plan organisé autour des cinq secteurs géographiques de l’île : Petite-Terre, Grande-Terre, Nord, Centre et Sud. Il est nécessaire d’améliorer les conditions de déplacement des élèves mahorais, qui rencontrent aujourd’hui des difficultés majeures liées à l’insuffisance des infrastructures, à l’irrégularité des cadencements et à un manque de sécurité sur les trajets scolaires. Le transport scolaire constitue un enjeu essentiel pour l’égalité d’accès à l’éducation et à la réussite scolaire. En développant un réseau multimodal intégrant transports terrestres et navettes maritimes, ce plan vise à offrir une solution globale, adaptée aux spécificités géographiques et sociales de Mayotte.
Le plan, piloté par le conseil départemental en partenariat avec les communes, les établissements scolaires et les acteurs du transport, sera régulièrement révisé afin d’ajuster les réponses aux évolutions démographiques et aux besoins du territoire. Ce dispositif s’inscrit pleinement dans une perspective de développement durable et d’inclusion sociale, en facilitant l’accès à l’école pour tous les enfants de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. C’est le département qui organise les transports scolaires. Si l’État définit le maillage, tout le monde fait tout et on fait tout mal. Je ne peux pas faire un schéma sur la tête des collectivités. Ce serait les infantiliser.
M. Philippe Gosselin (DR). Il ne faudrait pas que, guidés par notre bonne volonté, nous imposions un carcan directionnel tel qu’il prive les collectivités locales de leur autonomie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL140 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Encore une fois, nous sommes fermement opposés à l’orientation générale de ce texte. Le gouvernement persiste dans ses politiques inefficaces, en reconduisant les mêmes dispositifs, à l’image de la zone franche globale. Vous mettiez mes propos en doute. Néanmoins, le rapport de juillet 2020 sur les dispositifs zonés de soutien au développement économique et de l’emploi dans les territoires, rédigé par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales, est sans ambiguïté : « Les exonérations fiscales et sociales zonées n’ont pas démontré leur efficacité en matière de création d’entreprises et d’emplois. » Leur coût, en revanche, est bien réel, puisqu’il est estimé à un minimum de 620 millions d’euros, dont 179 millions d’exonérations de cotisations sociales. Autrement dit, le gouvernement s’apprête à reconduire une mesure coûteuse, socialement injuste et économiquement inefficace, au lieu d’investir dans les services publics et la justice sociale.
Face à ce désastre annoncé, La France insoumise propose une voie alternative : bâtir une économie au service des Mahorais, socialement juste et écologiquement soutenable. Il conviendrait, par exemple, de réserver aux entreprises locales une part minimale de 50 % des marchés publics passés dans le cadre de la reconstruction de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous connaissez la méthode retenue : une mission inter-inspections pour évaluer les dégâts et chiffrer les besoins. Son rapport est en cours de finalisation. Une autre mission est menée par le général Facon pour préfigurer l’établissement public qui sera opérationnel dès le mois de juillet. Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 10 juillet permettra d’acter plusieurs choses. Quant à réserver 50 % des marchés publics aux entreprises locales, cela semble peu réaliste. Il faut en effet être capable de répondre ensuite à ces marchés et d’accompagner la reconstruction avec toute l’exigence demandée. L’exigence environnementale, que l’on soit une petite ou une grande entreprise, est la même pour chacun – la loi s’applique à tous. Nous veillerons à l’implication des filières locales. J’ai annoncé tout à l’heure que nous irions plus loin en séance sur ce qui concerne les formations, dont on est en train de faire l’inventaire. L’augmentation du smic ainsi que les allégements sociaux prévus dans la Lodeom, la loi pour le développement économique des outre-mer, sont autant de signes de notre engagement en faveur des entreprises, notamment des petites.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL85 de M. Yoann Gillet
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Le choix du site de Bouyouni montre l’attractivité de Mayotte. TotalEnergies a demandé une base arrière. Nous l’accompagnerons au maximum s’il confirme sa volonté.
M. Yoann Gillet (RN). Mayotte n’est pas qu’un territoire en difficulté ; elle peut devenir une porte stratégique sur l’avenir. Le canal du Mozambique est à la fois un carrefour maritime mondial et une zone de gisements gaziers majeurs, exploités notamment par TotalEnergies et d’autres géants de l’énergie. La France est absente du jeu local, alors qu’un atout décisif est à portée de main. Nous proposons de faire de Mayotte la base arrière logistique de ces projets gaziers – une idée issue du programme présidentiel de Marine Le Pen.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Les projets gaziers de Total sont très importants pour le développement économique de Mayotte. Notre canal du Mozambique est une zone très riche non seulement en ressources halieutiques et en minerais marins mais aussi en gaz naturel, que les dernières avancées techniques ont rendu exploitable. Après que ses travaux ont été interrompus au Mozambique à cause de Daech, Total a annoncé la reprise de ses activités et confirmé, lors de l’audition de M. Pouyanné en commission des affaires étrangères en 2023, qu’il comptait investir à Mayotte. Un horizon riche de promesses s’ouvre. Pensons à tous les postes qui seront à pourvoir grâce à cette activité gazière. Mayotte n’est pas qu’une zone à problèmes, ce n’est pas qu’un département qui pèse sur la nation ; c’est aussi une zone riche d’énormes potentialités économiques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL396 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement est essentiel pour l’attractivité de Mayotte, dont le positionnement dans le canal du Mozambique s’avère stratégique. Lorsque j’avais reçu le patron de Total en 2023, je lui avais d’ailleurs fait part de l’engagement du gouvernement à faire le nécessaire pour soutenir le groupe dans ses explorations pétrolières locales.
Le port de Longoni appartient au conseil départemental et fait l’objet d’un contrat de délégation de service public (DSP) dont l’extinction est prévue dans deux ans. Mettons à profit ce moment charnière pour affirmer une ambition collective, celle d’en faire un grand port maritime – Mayotte est le seul territoire ultramarin à ne pas en disposer. Ce port, qui serait géré par l’État, pourrait bénéficier de financements européens et constituerait un pôle de développement important. Pour Mayotte, cette transformation serait une reconnaissance des atouts spécifiques dont elle dispose.
M. Yoann Gillet (RN). Vous avez tout à fait raison : le port de Longoni doit être développé. Vous savez néanmoins que l’extinction de la DSP et le problème récurrent de non-régularisation du foncier retardent les procédures. Il faut en avoir conscience et avancer très vite.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le port de Longoni est vital pour Mayotte. Il souffre cependant d’un sous-investissement chronique et du conflit opposant le délégataire au conseil départemental et à l’État. Les Mahoraises et les Mahorais payent cher ces dysfonctionnements car le port de Longoni, qui n’a pas évolué au même rythme que la démographie de l’île, se trouve aujourd’hui saturé faute d’investissements. La question se pose de sa capacité à accueillir les importations nécessaires en matériaux destinés à la reconstruction.
S’agissant de sa transformation en grand port maritime, j’avoue être mal à l’aise. L’avis du conseil départemental, qui s’était déclaré ouvert, semble avoir récemment changé et pourrait encore évoluer d’ici à l’examen du texte en séance. Alors que le port de Longoni constitue la première source de recettes du département, l’amendement ne prévoit en outre aucune compensation. Poumon économique de l’île, ce port est aussi au cœur d’un désordre judiciaire et politique.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). N’oublions pas qu’il faut le statut de grand port maritime pour obtenir des financements européens, nécessaires pour soutenir ces investissements et le développement économique de l’île.
M. Philippe Gosselin (DR). La transformation du port de Longoni en grand port maritime est une pièce supplémentaire du puzzle qui, dans son ensemble, permettra de donner sa pleine capacité de développement au territoire et d’en faire une plaque tournante de cette partie du monde. Il me semble donc essentiel de l’engager. Elle devra forcément faire l’objet d’une compensation pour le conseil départemental mais il serait dommage de ne pas en acter le principe. Ne passons pas à côté d’une occasion unique.
Mme Anchya Bamana (RN). Je souhaite que le conseil départemental puisse donner son avis sur ce projet ; il me semble d’ailleurs que son président a demandé un audit.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je remercie mes corapporteurs d’avoir signé cet amendement qui propose que le port de Longoni ne passe pas simplement sous compétence de l’État, comme le prévoit aujourd’hui le rapport annexé, mais qu’il devienne un grand port maritime. Il nous a fallu, ces derniers jours, convaincre les réticents !
Mes collègues ont illustré le bien-fondé de cette transformation. S’agissant des fonds européens, je rappelle que 80 millions d’euros ont été obtenus pour le hub Antilles en Martinique et en Guadeloupe. Il est naturel que le département, actuel propriétaire du port, s’interroge sur la façon dont sera compensée sa perte de ressources ; cela fera partie de la discussion globale et il faudra reprendre langue avec lui.
En cet endroit stratégique, un grand port maritime constituera un atout d’exception. Il permettra la création de nombreux emplois, l’arrivée de nouvelles activités et intéressera de grands opérateurs. Ne laissons pas passer cette occasion exceptionnelle ; il serait regrettable que nous ne défendions pas collectivement cette ambition qui, au départ, n’était pas une évidence.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le débat n’est pas mûr. La Cour des comptes a préconisé cette évolution, et l’on sait que la capacité actuelle du port est limitée. Mais quelle stratégie de développement le grand port maritime servirait-il ? S’il s’agit d’accueillir les fonctions subalternes des plateformes pétrolières du golfe du Mozambique, ce n’est pas intéressant. S’il s’agit en revanche d’améliorer la desserte de l’île et de réduire le transit aérien, le projet mérite réflexion.
Quant à la formulation de l’amendement – « L’État s’engage dans […] » –, elle est très prudente ! Nous n’en sommes peut-être qu’à la première étape d’un chemin qui en comptera vingt ou trente.
Enfin, des études environnementales sur les conséquences de la construction d’une telle infrastructure seront nécessaires, de même que des études de marché. Nous ne pouvons pas nous contenter de saisir l’opportunité d’obtenir des fonds européens : il faut un projet qui serve le développement de l’archipel.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je rejoins Mme Voynet : le débat n’est pas mûr et, localement, il inquiète beaucoup. Le port est aujourd’hui le principal outil de développement économique du département et sa transmission à l’État serait vécue comme une expropriation. Elle semble aujourd’hui prématurée.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. D’abord, la rédaction de l’amendement – « L’État s’engage dans la transformation du port […] » – me semble claire. Compte tenu de l’extinction de la DSP, ensuite, la discussion impliquera le département. Le projet, dans toutes ses dimensions, ne pourra être mené qu’avec lui. Nous avons rédigé cet amendement tardivement, car nous avions besoin de garanties.
C’est, pour Mayotte, un projet totalement nouveau dont nous devrions tous nous réjouir. Il faut savoir reconnaître les avancées et ne pas voir d’inconvénients là où il n’y a pas.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL369 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). D’après le titre du II, les infrastructures aéroportuaires doivent « garantir la desserte internationale de Mayotte ». Il est intéressant d’inscrire Mayotte dans son espace régional mais, dans la mesure où l’essentiel des échanges se fait avec La Réunion et avec la métropole, c’est aussi la desserte nationale qu’il faut garantir. Je propose donc de supprimer le terme « internationale ».
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Pourquoi l’aéroport ne serait-il pas international ? Faudrait-il systématiquement passer par La Réunion pour relier Mayotte à Madagascar ou à l’Australie ? Mayotte mérite un rayonnement international. Cet amendement entre en contradiction avec nos projets.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il ne s’agit pas de priver Mayotte d’une desserte internationale, qui existe déjà, mais de garantir sa desserte quelle qu’elle soit : l’intitulé du II donne l’impression que l’aéroport ne devrait garantir qu’une desserte internationale, alors que les liaisons vers La Réunion ou vers Paris ne sont pas totalement satisfaisantes.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Si vous retirez votre amendement, je porterai un regard bienveillant sur celui que vous pourriez déposer en séance pour garantir « toutes les dessertes » !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL400 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. La construction du nouvel aéroport d’ici à 2035 est actée mais elle nécessitera une réflexion plus globale sur les infrastructures, notamment sur la route départementale 2, ainsi que sur l’aménagement de l’espace et sur l’implantation de zones d’activité ou de logements. Le présent amendement prévoit que l’État engage cette réflexion en lien avec l’élaboration du schéma d’aménagement régional (SAR).
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL485 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement vise à préciser le montant annuel des crédits en soutien aux collectivités locales au titre de la reconstruction : en 2025, 100 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 35 millions en crédits de paiement (CP) ; en 2026, 200 millions d’euros en AE et 125 millions en CP ; en 2027, enfin, 140 millions en CP. Il démontre la volonté gouvernementale de reconstruire et de relever les défis auxquels le territoire de Mayotte est confronté.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Pourquoi ne pas avoir inscrit directement 300 millions d’euros en 2025 ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. D’abord, la loi de finances pour 2025 prévoit 100 millions. Ensuite, il ne s’agit pas d’annoncer des crédits mais de les consommer – or les projets ne sont pas encore ficelés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL378 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). Nous avons voté tout à l’heure le principe de la création d’une base en eaux profondes à Mayotte. En cohérence, je vous propose d’insérer dans le rapport annexé, au sein des programmes d’investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles, un tableau visant à flécher les investissements nécessaires.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement CL306 de M. Philippe Naillet est retiré.
Amendement CL234 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). À l’alinéa 303, je propose d’indiquer que la programmation des investissements prévus dans la présente loi doit être aussi pluriannuelle et non pas seulement annuelle.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’émets un avis favorable à cet amendement très pertinent.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL404 du rapporteur général.
Amendement CL406 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement très important, que je remercie mes collègues corapporteurs d’avoir signé, propose de répondre au besoin d’expertise en faisant appel à une task force associant l’ensemble des ministères. Celle-ci aidera les collectivités et le futur établissement public dans le montage des dossiers et l’obtention de financements européens, entre autres.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL318 de Mme Estelle Youssouffa et de M. Philippe Vigier
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement complète le rapport annexé en précisant la démarche nécessaire pour consolider la départementalisation de Mayotte. Il prévoit d’abord un état des lieux des compétences actuellement exercées par la collectivité, afin d’identifier celles qui doivent encore être transférées. Le comité en charge de l’évaluation disposera d’un an pour définir les modalités du transfert à l’horizon 2028 des compétences liées aux routes, aux collèges et aux lycées. Ce transfert ne sera effectif qu’après la remise en état du réseau routier et la réhabilitation ou la reconstruction des établissements scolaires par l’État. Pour assurer la continuité du service public, l’État mettra des agents à disposition, de façon transitoire, pour mettre en œuvre un programme de formation au bénéfice des agents du département.
Le comité sera chargé d’examiner l’opportunité de centraliser le versement des prestations sociales, comme en Seine-Saint-Denis, afin de sécuriser leur gestion et leur financement. Une étude comparative mesurera l’écart entre les compensations versées et le coût réel des compétences transférées, une dotation de rattrapage pouvant être attribuée à Mayotte. Enfin, une clause biennale de réexamen permettra d’ajuster systématiquement les ressources allouées à chaque transfert, création, extension ou modification des compétences.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL407 du rapporteur général.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendements CL128 de Mme Estelle Youssouffa et CL382 de M. Philippe Gosselin (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL128 vise à inscrire dans le corps du projet de loi de programmation, et non seulement dans le rapport annexé, les investissements dans les infrastructures et politiques publiques qui ont été annoncés par le gouvernement. Il s’agit de leur donner une portée normative plus importante et de faire en sorte qu’ils soient traduits dans les futures lois de finances.
M. Philippe Gosselin (DR). L’amendement CL382 vise, dans le même esprit, à inscrire dans la loi la trajectoire budgétaire prévue.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je partage l’exigence d’une programmation qui soit la plus précise possible mais les tableaux présentant les investissements ne sont pas encore stabilisés. J’ai bon espoir qu’ils le soient d’ici à l’examen en séance – le ministre des outre-mer y travaille également – et j’espère que nous pourrons alors avoir ce débat. À ce stade, j’invite donc mes collègues à retirer leurs amendements
M. le président Florent Boudié. Je vous encourage à avoir ce débat en séance. Lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), nous avions ainsi obtenu l’insertion dans le rapport annexé d’un tableau très complet, qui s’avère fort utile.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). J’accepte de retirer mon amendement mais j’en déposerai un similaire en séance si la proposition du gouvernement n’est pas à la hauteur.
Les amendements sont retirés.
Amendement CL390 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il est important que la création du comité de suivi figure dans la loi et non pas seulement dans le rapport annexé. Placé auprès du premier ministre, ce comité sera composé de parlementaires mais aussi de représentants des élus locaux. Il devra rendre, avant le 1er juillet 2028, un rapport évaluant l’impact de la reconstruction et de la refondation de Mayotte ainsi que la réalisation des investissements.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er bis (nouveau) : Autorité du préfet de Mayotte sur l’action de l’ensemble des services déconcentrés de l’État et de ses établissements publics
Amendements de suppression CL1 de M. Aurélien Taché et CL219 de Mme Dominique Voynet
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous nous opposons – comme nous l’avons fait lors de l’examen de la Lopmi – à ce que le préfet puisse avoir à sa main l’ensemble des services de l’État et qu’il dispose ainsi, en quelque sorte, des pleins pouvoirs locaux. En cas de crise ou de situation d’urgence, le préfet peut déjà activer un centre opérationnel départemental (COD) et jouer un rôle de coordination entre les différents services. Que voulez-vous de plus ? Souhaitez-vous lui éviter de s’embêter avec des administrations qui pourraient faire entendre une voix différente ? Si le préfet a les pleins pouvoirs, l’ordre public l’emportera au détriment des considérations sociales ou environnementales, qui passeront au second plan. Ce que nous ne voulons pas pour l’Hexagone, nous n’en voulons pas plus pour Mayotte.
Mme Dominique Voynet (EcoS). On connaît la proximité historique entre le ministère des outre-mer et celui de l’intérieur, qui dépasse le seul cadre institutionnel. Les préfets disposent déjà de larges pouvoirs et, avec les COD et les plans Orsec – organisation de la réponse de sécurité civile –, d’outils puissants. Ce n’est contesté par personne et le dialogue est quotidien entre le préfet et les autres personnalités nommées en Conseil des ministres – le recteur et le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS).
J’ai l’impression que cet article a pour objectif d’expérimenter à Mayotte ce qui pourrait à l’avenir être proposé dans d’autres territoires d’outre-mer, voire dans l’Hexagone. Les préfets semblent n’avoir jamais accepté la transformation des directions de l’action sanitaire et sociale en agences régionales d’hospitalisation (ARH) puis en ARS. Il ne faut pas revenir en arrière.
Lors de son audition, le préfet Bieuville a reconnu que le dispositif prévu à l’article 1er bis plairait beaucoup à ses collègues préfets ; c’est un argument supplémentaire en faveur de sa suppression.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Certains n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer les insuffisances de l’État, lui reprochant d’avoir abandonné Mayotte. Or l’État sera en première ligne si l’on donne la responsabilité de tout coordonner au préfet : il sera possible de lui demander des comptes et même de contester ses décisions devant les juridictions. En outre, la gouvernance de l’établissement public apporte des garanties. Les fameux 4 milliards ne seront pas à la main du préfet puisque cette structure sera présidée par le président du département, ce qui préserve le pouvoir de décision des collectivités locales.
La situation de Mayotte étant exceptionnelle, il me semble qu’octroyer ce rôle au préfet nous fera gagner en efficacité. Les services de l’État, en particulier dans les domaines de l’eau, de l’assainissement, des déchets, devront se mettre en rangs serrés pour éviter que chacun se défausse de ses responsabilités. Cela exigera aussi de déployer des moyens qui ne sont pas seulement financiers – à cet égard, je suis très heureux que vous ayez voté l’amendement relatif à l’ingénierie, que nous calerons en vue de la séance. Le retard pris est considérable. Rendez-vous compte : il a fallu dix-huit mois aux quatre agents d’Expertise France pour se déployer. Compte tenu du délai entre le moment où une décision politique est prise et son application, cette disposition va dans le bon sens.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Monsieur Bernalicis, nous avons malheureusement pu tester les pouvoirs extraordinaires du préfet lors de la crise provoquée par le cyclone Chido. Que le préfet assure une coordination avec le recteur et le directeur de l’ARS, ce n’est pas du luxe, Mme Voynet pourra en témoigner – il est de notoriété publique que lorsqu’elle dirigeait l’ARS, ses relations avec le préfet étaient mauvaises. À Mayotte, le préfet a un statut particulier : en tant que délégué du gouvernement, il n’est pas à la tête de tous les services de l’État. Dans les années de reconstruction qui s’annoncent, qui réclameront de déployer une politique publique complexe articulée à une réflexion sur les mutations en matière de logements et le déploiement des services publics, lui octroyer des pouvoirs particuliers, limités dans le temps, me semble parfaitement justifié. Je ne me fais pas là la groupie de la préfecture, je dis seulement que le chef doit pouvoir cheffer sur un territoire aussi petit où les dysfonctionnements nés de la complexité administrative dont notre pays a le secret prennent un relief particulier. Si nous parvenions à simplifier, ce serait mieux.
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte comme ailleurs, nous avons besoin d’efficacité, ce qui exige de simplifier. Que le préfet puisse coordonner l’ensemble des services de l’État, y compris les agences et les établissements publics, c’est une bonne chose et nous voterons en faveur de cet article. Je considère d’ailleurs qu’il faudrait étendre cette possibilité à tout le territoire national : avec un État dans l’État, plus rien n’avance. Les services de l’État bloquent des projets, notamment de développement économique, les échelons administratifs compliquent les choses – citons les architectes des bâtiments de France (ABF), qui exercent au niveau d’un département tout en dépendant du ministère de la culture – et les ARS se croient parfois toutes-puissantes alors qu’avec un bon préfet délégué à la santé qui ferait leur travail, tout irait mieux.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Ne voyez pas en moi un défenseur des ARS. Je me suis opposé à leur création car elles ont constitué pour les lobbies libéraux un outil inspiré du new public management pour démanteler l’hôpital public, rationaliser la dépense, mettre en place la tarification à l’acte et finalement restreindre l’accès aux soins.
Le préfet, à travers le comité d’administration régionale (CAR), peut réunir autour de lui à des fins de coordination le recteur, le directeur de l’ARS, le procureur de la République, le directeur régional des finances publiques. Ce cadre a été établi avant même les modifications intervenues dans la Lopmi. Que voulez-vous de plus ? Qu’il puisse prendre une décision à la place des autres administrations en leur roulant dessus, au nom de l’ordre de public, qu’il puisse dire à un directeur d’ARS mettant en avant les impératifs d’accès aux soins qu’il n’en a rien à faire et que ce qui lui importe, c’est de sécuriser telle zone avec des forces de l’ordre ?
Je trouve bon que le préfet coordonne en faisant la balance entre différents intérêts car c’est toujours lui qui décide in fine, surtout en période de crise. L’équilibre actuel ne me paraît pas si mauvais. Il n’est pas nécessaire de le modifier. Nous ne voulons pas voir reposer sur les épaules d’une seule personne des décisions qui appellent une concertation. Déjà dans la Lopmi, nous nous étions demandé si les dispositions concernant les pouvoirs donnés aux préfets en temps de crise n’avaient pas vocation à être intégrées dans un fonctionnement normal, faisant passer au second plan des politiques dont chacun défend pourtant la contribution à l’intérêt général.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je mets de côté le petit coup de griffe auquel Estelle Youssouffa n’a pas su résister parce que je crois pouvoir affirmer que 98 % des décisions concernant l’ARS ont été prises en concertation étroite avec le préfet, auquel je parlais tous les jours et avec lequel j’ai assuré la gestion des conséquences du passage d’un cyclone et du covid. De surcroît, comme elle n’était en général pas présente sur le territoire de Mayotte, je ne vois pas comment elle saurait mieux que moi comment les choses se passaient.
L’État, c’est le préfet, mais c’est aussi le rectorat et l’ARS et, à Mayotte, participent aux réunions du CAR non seulement les services de l’État mais aussi la police, la gendarmerie, la légion, les pompiers. Et ça bosse pas si mal que ça.
Si vous voulez simplifier, monsieur le rapporteur général, pourquoi ne pas remplacer le terme « dirige », qui met l’accent sur l’autorité, par le terme « coordonne », qui entérinerait le fonctionnement existant ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Dans une situation aussi exceptionnelle que celle à laquelle Mayotte est confrontée, la coordination est la base de tout, et pas seulement pour les enjeux de sécurité. Dans l’Hexagone, j’ai souvent constaté que lorsque le préfet l’assurait, les choses allaient plus vite. Or les Mahorais et les Mahoraises veulent que nous soyons efficaces.
En outre, monsieur Bernalicis, connaissant votre vigilance, je sais que si une décision n’était pas conforme aux règles de droit, vous seriez le premier à la dénoncer. Je maintiens donc mon avis défavorable sur ces amendements de suppression.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL223 de Mme Dominique Voynet et CL239 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). Chaque fois que vous m’avez répondu, monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé le terme de coordination et, pour ne pas vous déjuger, vous allez être forcé d’accepter l’amendement que je déposerai en séance visant à remplacer « dirige » par « coordonne ».
Certes, la crise provoquée par Chido a été exceptionnelle mais cela ne justifie pas de doter le préfet de pouvoirs renforcés jusqu’au 31 décembre 2030. Je propose de retenir la date du 14 décembre 2025, soit un an après le passage du cyclone. L’acmé de la crise passé, on entrera dans une nouvelle phase qui imposera de rebattre les cartes. L’articulation entre les services de l’État et l’établissement public dédié à la reconstruction, dont le directeur général est en train d’être recruté, va notamment devoir être précisée.
M. Philippe Naillet (SOC). Pour notre part, nous considérons que mettre un terme au régime dérogatoire en 2025, ce serait trop tôt, et l’étendre jusqu’en 2030, trop tard. Nous proposons donc 2027. Au regard de l’urgence de la situation à Mayotte, une coordination renforcée apparaît légitime. Toutefois, une centralisation accrue des compétences entre les mains du seul représentant de l’État soulève des interrogations sur les équilibres institutionnels et le respect de la libre administration des collectivités locales. Cette verticalité risque de renforcer le sentiment de dépossession démocratique déjà exprimé par de nombreux Mahorais. Elle pourrait aussi compromettre l’adhésion des services déconcentrée des opérateurs publics et des collectivités aux objectifs de la reconstruction et du développement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Dans les prochaines semaines, l’établissement public, avec son directeur général nouvellement nommé, sera opérationnel, mais il faudra du temps pour décliner toutes les opérations pour les écoles, les infrastructures, la santé, la mobilité, d’autant que les projets financiers vont jusqu’en 2031.
Madame Voynet, il faut en effet coordonner mais coordonner pour décider. Et pour décider, il faut un chef ou une cheftaine qui pilote, sinon on n’y arrivera pas.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). On connaît vos arguments : les gens en ont marre d’attendre et le préfet, c’est quelqu’un de solide qui sait prendre les bonnes décisions ; l’efficacité, c’est faire tout reposer sur une seule personne. Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi vous voulez mettre un terme à ces pouvoirs dérogatoires. Pourquoi ne pas les étendre indéfiniment à tout le territoire, d’ailleurs ? Vous savez bien où tout cela mène, monsieur le rapporteur général, à des régimes autoritaires et autocratiques, et je ne souhaite cela ni au niveau local, ni au niveau national, ni au niveau international.
Le droit de déroger aux normes réglementaires existe déjà pour les préfets. Cette possibilité est bien connue, elle a d’ailleurs fait l’objet d’une épreuve du concours des instituts régionaux d’administration cette année. Que voulez-vous de plus ?
Il est évident qu’il sera plus difficile d’attaquer des décisions prises dans un contexte d’urgence car, dans notre corpus de droit administratif, l’urgence, c’est la baguette magique pour tout faire passer. Si un recours au fond est déposé, les juges, un an ou un an et demi après, diront : « c’était pas fou, mais dans l’urgence, on a préféré accepter cette décision ». Les exemples de tels verdicts sont nombreux en période de crise. Je pensais que nous avions retenu les leçons de la crise du covid pendant laquelle le conseil de défense sanitaire décidait seul dans son coin. Pour se prémunir de comportements autocratiques, mieux vaut privilégier les décisions collégiales.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’article 1er bis est un peu le teaser de l’article 2 : il annonce la création d’un régime exceptionnel et le détricotage des fondements de notre État de droit, qui fait déjà l’objet d’attaques. Ne faisons pas de Mayotte le laboratoire des pires volontés autocratiques et illibérales à l’œuvre au sein de la représentation nationale. Ayez la main qui tremble au moment d’adopter cet article qui risque de fragiliser l’ensemble de nos institutions.
M. Guillaume Kasbarian (EPR). La défiance que manifestent les députés Insoumis et écologistes à l’égard du préfet me surprend : il ne faut pas laisser croire à ceux qui nous écoutent qu’il s’agirait d’un autocrate qui déciderait de tout, seul, sans contrôle, en terrorisant son administration et en prenant des décisions qui iraient à l’encontre du territoire. Loin de cette vision qui relève du délire, je soutiens l’argumentation du rapporteur général : avec l’article 1er bis, il s’agit d’être le plus efficace possible en faisant du préfet un chef d’orchestre à même de coordonner les actions sur le terrain. J’ajoute que les décisions préfectorales sont susceptibles d’être contestées devant les tribunaux administratifs et que notre rôle de contrôle de l’action du gouvernement s’applique indirectement aux préfets.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le préfet ne serait pas l’autocrate que vous décrivez : il jouerait un rôle de coordination et de tour de contrôle. Et quand vous dites, madame Balage El Mariky, que le respect de l’État de droit risque d’être remis en cause, c’est un message dévastateur pour les directeurs d’ARS, les recteurs, les préfets. Je ne comprends pas cette haine tranquille que vous nourrissez à l’égard de ces grands serviteurs de l’État. Dans les départements ultramarins, il faut voir dans quelles conditions ils ont eu à prendre de graves décisions en urgence. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi vos craintes se concentrent sur les préfets : vous pourriez aussi redouter la même chose de la part du président du conseil départemental qui présidera l’établissement public.
Qu’il y ait des retards, nous ne le nions pas – la reconstruction de l’hôpital en est l’une des plus belles illustrations. Mais nous avons cherché à arracher des décisions, en particulier pour le grand port et pour la convergence sociale. L’augmentation du smic au 1er janvier 2026 est désormais inscrite dans le projet de loi, ce qui n’était pas prévu dans sa version initiale. C’est préférable aux ordonnances qu’on ne revoit jamais une fois que le Parlement a habilité le gouvernement à les prendre. Les quatre corapporteurs ont insisté pour obtenir des réponses. N’ayez pas peur : un préfet peut toujours être remplacé en Conseil des ministres s’il n’est pas bon et les tribunaux sont là pour se prononcer sur la légalité des décisions. Je sais que vous saurez utiliser votre expertise en la matière, monsieur Bernalicis.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 1er bis non modifié.
TITRE II
LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE ET L’HABITAT ILLÉGAL
Chapitre Ier
Durcir les conditions d’accès au séjour
en les adaptant à la situation particulière de Mayotte
Article 2 (art. L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Durcir les conditions d’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » à Mayotte
Amendements de suppression CL2 de Mme Nadège Abomangoli, CL86 de Mme Léa Balage El Mariky, CL166 de Mme Émeline K/Bidi et CL242 de M. Philippe Naillet
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous nous opposons au durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour, lesquelles renvoient à un droit dérogatoire qui accentuera les différences entre Mayotte et le reste du territoire national. Loin de réduire l’attractivité de l’île, ces dispositions maintiendront dans la précarité et l’irrégularité des personnes déjà dans la misère.
Dans son avis, la Défenseure des droits recommande la suppression de cet article au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit au respect de la vie privée et familiale : « Loin de l’objectif de baisse des flux migratoires recherché, l’adoption des dispositions envisagées pourrait seulement conduire au maintien, à Mayotte, de nombreux étrangers en situation irrégulière, en situation de précarité et sans réelle perspective d’éloignement dès lors que, dans la plupart des cas, cet éloignement ne pourrait se faire sans méconnaître l’intérêt supérieur des enfants concernés. » Par ailleurs, comme le souligne la Ligue des droits de l’homme, ce projet de loi reflète une absence totale de prise en compte des réalités auxquelles sont confrontés les habitants et les habitantes de Mayotte. Après le cyclone Chido, de nombreuses personnes ont perdu leurs documents administratifs : exiger la production d’un justificatif administratif ancien ou récent est hypocrite et absurde.
Mayotte est devenue le laboratoire des exceptions légales xénophobes et déshumanisantes inspirées de l’extrême droite. Nous ne pouvons le tolérer et demandons la suppression de l’article 2.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet article reflète une manière de légiférer qui me laisse pantoise. Selon M. Gillet, il faut taper du poing sur la table, mais quelle table ? Les décrets d’application des différentes lois relatives à l’immigration et des dispositifs d’exception concernant Mayotte n’ont pas encore été publiés qu’on nous propose un nouveau dispositif d’exception. Ce faisant, vous allez dans le mur : toutes les études sérieuses montrent que la logique punitive ne fonctionne pas. Cette politique ne règlera rien. Elle ne fera que plonger davantage de personnes dans la précarité, condamner des enfants français à vivre dans un vide juridique et dans la crainte de voir leurs parents expulsés, aggraver les tensions, nourrir la misère et créer le désordre qu’elle prétend combattre. Mayotte est devenue le laboratoire d’un droit d’exception qui entretient l’insécurité au lieu de la résorber.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). On comprend les raisons qui sous-tendent cet article 2 : les titres de séjour pour motifs familiaux sont parmi les plus délivrés à Mayotte. Ce sont surtout les enfants qui en pâtiront et vous ne ferez qu’accroître le nombre de personnes en situation irrégulière. En outre, ces dispositions visant à restreindre les conditions d’entrée ne parviendront pas plus que les précédentes à endiguer les flux migratoires.
Petit aparté : ce matin, lors d’une conférence de presse, la chambre régionale des comptes de La Réunion et de Mayotte a fait état de pratiques illégales de certains maires qui exigent des justificatifs de séjour régulier pour accueillir les enfants dans les écoles. Avec ces mesures, vous porterez donc un peu plus atteinte à la scolarisation des enfants.
M. Philippe Naillet (SOC). Le principal défi migratoire à Mayotte réside non pas dans l’octroi trop généreux de titres de séjour pour motif familial mais dans la proportion massive de personnes en situation irrégulière, estimée à 50 % de la population. La plupart des arrivées s’effectuent par voie maritime, en dehors de tout cadre légal, sans contrôle aux frontières effectif en dépit des reconduites à la frontière. Dans ce contexte, renforcer les critères pour les rares personnes qui cherchent à régulariser leur situation par les voies légales semble largement déconnecté des enjeux de fond. Cette mesure risque même de produire un effet inverse : en rendant l’accès au séjour régulier encore plus difficile, elle peut contribuer à accroître le nombre de personnes sans statut, aggravant ainsi la précarité sociale et le non-recours aux droits. Cette disposition semble davantage symbolique que pragmatique. Toute mesure en ce domaine mérite d’être replacée dans une stratégie plus cohérente articulant régulations migratoires, accès aux droits, renforcement des capacités des administrations locales.
M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III. L’esprit de l’article est d’éviter une prime à l’entrée irrégulière sur le territoire. Il faut rappeler qu’à Mayotte, 80 % des titres de séjour délivrés ou renouvelés le sont pour motif familial, contre 36 % sur le territoire hexagonal. Il est vrai que l’accès par voie maritime sur les kwassa et autres embarcations est plus aisé. Personne ne prétend que cette mesure, à elle seule, est l’alpha et l’oméga mais nous assemblons progressivement chaque pièce du puzzle dans une cohérence d’ensemble.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL3 de Mme Nadège Abomangoli et CL87 de Mme Léa Balage El Mariky (discussion commune)
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Par cet amendement de repli nous proposons de supprimer la disposition prévoyant d’exiger un visa de long séjour pour bénéficier de la carte de séjour temporaire « parent d’enfant français » et « liens personnels et familiaux » à Mayotte. Ces dispositions ne font que créer plus de misère et plus de précarité, dans une spirale sans fin. Imaginez-vous vraiment que les personnes qui souhaitent vivre à Mayotte renonceront ? Pensez-vous qu’elles connaissent les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ? Si les gens migrent, c’est parce qu’ils fuient les guerres et la misère. Les restrictions déjà opérées n’ont rien changé à la situation. Des enfants vont se retrouver seuls et, faute de pouvoir être scolarisés, resteront dans la rue, ce qui risque de créer de la délinquance.
Il y a un groupe qui se réjouit de ces restrictions de droits, c’est le Rassemblement national, car il voit en Mayotte un terrain d’expérimentation de mesures qu’il souhaiterait généraliser dans l’Hexagone. Ce que vous faites est très dangereux !
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je le répète, l’article 2 dévoie l’accès au séjour pour motif familial.
En cas de demande de titre de séjour « liens personnels et familiaux », on examine la situation familiale, l’insertion dans la société, l’enracinement en France. L’article 2 ajoute une barrière administrative – l’obtention préalable d’un visa de long séjour –, qui privera de nombreuses personnes de l’accès à ce titre de séjour alors qu’elles remplissent les critères objectifs d’obtention.
Le gouvernement assume de rendre moins attractif un titre en adjoignant un élément purement administratif à une procédure dont l’objet est de s’assurer de l’insertion des demandeurs. Vous abandonnez la protection de la vie privée et familiale et vous abîmez l’avenir des enfants.
Monsieur le rapporteur, lorsque vous mettez en regard les chiffres de l’Hexagone et ceux de Mayotte, vous oubliez de dire que l’immigration de travail et celle liée aux études de même que les demandes d’asile sont bien moins importantes sur le territoire mahorais – et il y a des raisons à cela. Le rapport prévu à l’article 2 bis sera à cet égard bienvenu.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Chacun a bien en tête le contexte mahorais dans lequel les chiffres s’inscrivent évidemment. Il n’est pas besoin de le rappeler constamment.
Finalement, vous nous reprochez de revenir au droit commun. En effet, la primo-délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuel est en principe subordonnée à la preuve de l’entrée régulière sur le territoire français, par la production d’un visa de long séjour.
Près de 600 visas ont été délivrés en 2024 par le poste consulaire français à Moroni pour un motif familial. Par ailleurs, les enfants ne se trouveront pas seuls, sans leurs parents, du fait des nouvelles règles.
Enfin, madame Taurinya, si j’en crois vos propos, les mineurs non accompagnés seront à l’origine de la délinquance. Je suis heureux de l’entendre, même si ce n’est pas exactement ce que vous vouliez dire. J’abonde dans votre sens : la délinquance est trop souvent le fait de mineurs non accompagnés – plus de 4 000 sont recensés à Mayotte.
Avis défavorable à la suppression d’une partie de l’article.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). C’est fascinant. Vous nous expliquez, d’un côté, que les Comoriens débarquent à Mayotte pour fuir la pauvreté – je rappelle qu’ils n’ont pas été frappés par Chido – et, de l’autre, que l’immigration n’est pas économique mais familiale. Vous reconnaissez donc qu’ils viennent pour les prestations sociales et qu’ils font des gosses en nombre, mais vous demandez que Mayotte continue à les accueillir.
Au-delà de l’incohérence de vos propos, il faut dire les choses : vous défendez l’instrumentalisation des flux migratoires par les Comores, qui revendiquent le territoire mahorais.
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est un capharnaüm sans nom, en vertu duquel l’illégalité ouvre des droits dont les Comoriens abusent.
Pour vous, les Mahorais ont tort, qu’ils accueillent ou qu’ils n’accueillent pas ; l’État ne fait pas bien son travail soit parce qu’il n’accueille pas les étrangers, soit parce que, quand il les accueille, il le fait mal. Les seules personnes dont vous défendez les droits à Mayotte, comme la Défenseure des droits et la Ligue des droits de l’homme d’ailleurs, ce sont les étrangers. Nous, les Mahorais, les Français, n’existons pas. Nous ne sommes jamais dans vos préoccupations.
Vous parlez de la situation dramatique à Mayotte et des droits des enfants, mais vous encouragez une natalité explosive puisqu’elle ouvre des droits, parmi lesquels le séjour. Je parle là des « bébés papiers ». On sait que 86 % des naissances à l’hôpital de Mayotte sont le fait de parturientes étrangères. Appliquons le principe de réalité et puisque, pour une fois, le législateur agit, faisons le boulot.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je rappelle que le meilleur moyen d’endiguer la natalité est de développer un pays, de faire en sorte que les femmes soient éduquées et puissent faire des études. Si nous parvenions à faire de Mayotte un territoire développé, les femmes, d’elles-mêmes, feraient beaucoup moins d’enfants.
La commission rejette successivement les amendements.
La séance est levée à 20 heures.
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Présents. - Mme Léa Balage El Mariky, Mme Anchya Bamana, Mme Anne Bergantz, M. Ugo Bernalicis, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Mathilde Hignet, M. Guillaume Kasbarian, Mme Émeline K/Bidi, M. Roland Lescure, Mme Brigitte Liso, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, Mme Élisa Martin, M. Stéphane Mazars, M. Jean Moulliere, M. Philippe Naillet, M. Julien Rancoule, Mme Béatrice Roullaud, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Philippe Vigier, Mme Dominique Voynet, Mme Caroline Yadan, Mme Estelle Youssouffa
Excusés. - Mme Sophie Blanc, M. Ian Boucard, M. Moerani Frébault, Mme Naïma Moutchou, M. Michaël Taverne, M. Jiovanny William
Assistait également à la réunion. - Mme Béatrice Bellay
[1] Les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 ont été délégués au fond à la commission des Affaires économiques et l’article 22 à la commission des Finances.