Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers (n° 1410) (Mme Brigitte Barèges, rapporteure) 2
Lundi
16 juin 2025
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 80
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
président
— 1 —
La séance est ouverte à 21 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers (n° 1410) (Mme Brigitte Barèges, rapporteure).
M. le président Florent Boudié. Nous reprenons la discussion générale de la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Pour la troisième fois en moins de trois ans, il nous est proposé un texte visant à rétablir des peines minimales d’emprisonnement. Cette fois-ci, il s’agit de les imposer pour les crimes et délits commis contre des membres des forces de l’ordre et les pompiers.
Cette proposition de loi est profondément démagogique car, en rétablissant les peines planchers, vous revenez sur un principe fondamental de notre droit pénal qui impose que l’emprisonnement ne soit prononcé qu’en dernier recours. Vous vous inscrivez ainsi dans une logique de surenchère punitive qui piétine le principe d’individualisation des peines. Vous passez votre temps à accuser vos adversaires de populisme. Mais votre texte est une démonstration flagrante de populisme, car elle est bâtie sur des contre-vérités.
Une étude de 2024 rappelle clairement que les peines planchers n’ont qu’un faible effet dissuasif sur la récidive. En revanche, on sait que l’incarcération systématique accroît cette dernière. Le garde des sceaux lui-même a évoqué il y a deux semaines un taux de récidive de 70 %.
Vous allez encore aggraver la situation dramatique des établissements pénitentiaires en y envoyant des personnes qui auraient pu bénéficier de peines alternatives. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté nous alerte sur un état d’urgence absolue, avec des taux d’occupation qui atteignent 250 % dans certains établissements, des conditions d’hygiène et de sécurité indignes d’un État de droit, – des rats, des punaises de lit, des températures extrêmes – et une prise en charge des personnes détenues quasi inexistante, alors que 30 % d’entre elles souffrent de troubles psychiatriques.
Vous prétendez protéger les policiers, les gendarmes et les sapeurs-pompiers. Mais une loi mal construite et inutilement répressive ne protège personne. Au contraire, elle nourrit les tensions et remplit les prisons, sans prévenir la violence.
Le groupe Socialistes et apparentés s’oppose à cette proposition de loi, qui fait le choix de l’idéologie et de l’affichage au détriment d’une justice à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Depuis plusieurs années, les agressions visant des membres des forces de l’ordre et des pompiers connaissent une hausse alarmante. Ces femmes et ces hommes, qui incarnent l’autorité républicaine et assurent la sécurité de nos concitoyens, sont devenus les cibles récurrentes d’une violence décomplexée. Cela nous choque tous profondément.
En 2019, on recensait plus de 68 000 procédures pour violence contre des dépositaires de l’autorité publique, soit une hausse de 72 % depuis 2000. Si l’on s’en tient aux seuls faits de violence physique, l’augmentation atteint 148 %. C’est effectivement alarmant et nous devons agir.
Ces agressions vont souvent de pair avec des refus d’obtempérer, dont les conséquences sont parfois mortelles. Le décès de l’adjudant Éric Comyn à Mougins, le 26 août 2024, en est une tragique illustration. De même, le 14 juillet 2023, à Nanterre, une équipe de sapeurs-pompiers a été encerclée, caillassée et empêchée d’intervenir pour éteindre un incendie. Tout dernièrement, à Évian, un pompier a été volontairement fauché lors d’un rodéo urbain et il a failli perdre la vie.
Ces agressions contre les forces de sécurité intérieure et les pompiers sont devenues systémiques. C’est une attaque contre l’État de droit et ses représentants. L’uniforme doit être protégé. Il ne doit pas être une cible, car ceux qui le revêtent nous protègent.
Cette proposition de loi vise donc à rétablir l’autorité républicaine en instaurant des peines minimales obligatoires pour protéger ceux qui nous protègent. Il s’agit de rétablir les peines planchers lorsque les victimes sont des gendarmes, des policiers, des sapeurs-pompiers, des militaires ou des agents de l’administration pénitentiaire.
Les peines planchers ont pour avantages d’assurer la cohérence des sanctions à l’échelle nationale, de mettre fin au sentiment d’impunité des récidivistes et de permettre une plus grande prévisibilité de la sanction.
La question de la récidive est centrale dans ce texte. Je rappelle qu’en 2022, un individu ayant frappé deux policiers à Marseille a été condamné à six mois de prison avec sursis, alors qu’il était en état de récidive. Une peine plancher aurait imposé une sanction dissuasive et proportionnée. Ce dispositif avait été mis en place par Nicolas Sarkozy, puis supprimé par François Hollande.
J’ajoute que 71 % des Français sont favorables au retour des peines planchers pour les violences contre les forces de l’ordre et que 81 % des pompiers et 86 % des policiers estiment que la réponse pénale actuelle n’est pas à la hauteur des agressions.
Nous voterons donc pour cette proposition de loi.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous sommes encore une fois amenés à traiter de la question des peines planchers. Nous avions déjà rejeté la proposition de loi présentée par notre collègue Naïma Moutchou au nom du groupe Horizons il y a quelques mois, et j’espère que nous ferons le même choix aujourd’hui.
En 2014, la loi Dati, qui avait introduit quelques années plus tôt des peines planchers pour les récidivistes, a été abrogée. Pourquoi ? Parce qu’elle n’était pas efficace. De nombreux rapports – publiés par l’Inspection générale de la justice (IGJ) et le Sénat – ont montré que ces peines ne faisaient pas diminuer la récidive, qu’elles étaient peu dissuasives, voire qu’elles étaient contre-productives dans un certain nombre de cas.
La justice est engorgée et les prisons sont pleines. Mais il est plus simple de proposer des mesures inefficaces et populistes que de mettre en place les moyens humains, financiers et matériels qui permettraient de lutter réellement contre la violence et de prévenir la récidive. Alors que la population carcérale explose et atteint des niveaux critiques, vous continuez à privilégier l’enfermement au détriment de la réinsertion. Or les données sont claires : ce n’est pas la sévérité des peines qui diminue la récidive ou limite le passage à l’acte, mais bien l’accès à la formation professionnelle et à un accompagnement qui permet de se réinsérer dans la société au terme de sa peine, dans le cadre d’un véritable projet de sortie. En maintenant une logique purement punitive, vous entretenez un cycle de violences et de retours en détention, sans apaiser les tensions.
Par ailleurs, avec mes collègues du groupe Écologiste et social, nous sommes profondément attachés au principe d’individualisation des peines, lequel est incompatible avec la logique des peines planchers. Nous souhaitons laisser au juge la liberté de déterminer la peine la plus adaptée, en tenant compte d’une multitude de facteurs, car la vie est complexe.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à cette proposition de populisme carcéral.
Mme Maud Petit (Dem). Le 31 mai dernier, le Paris Saint-Germain remportait la plus prestigieuse des compétitions européennes. À cette occasion, bon nombre de nos compatriotes sont descendus dans la rue pour fêter la victoire. La liesse populaire a malheureusement été ternie par des violences, notamment contre les forces de l’ordre. Ces actes intolérables sont de plus en plus fréquents dans notre société. Entre 2009 et 2019, ils ont augmenté de près de 40 %, passant de 26 700 à 37 400 agressions par an.
Une tendance à la hausse des agressions est également constatée s’agissant des soldats du feu. En 2024, l’Observatoire national de la violence envers les sapeurs-pompiers avait recensé 1 460 agressions, soit une augmentation de près de 3 % en un an.
Madame la rapporteure, le groupe Les Démocrates estime comme vous que ces crimes et délits contre les forces de l’ordre et les pompiers sont intolérables. Ils doivent être fermement réprimés.
En revanche, notre groupe n’est pas convaincu que la mise en place des peines planchers pour ce type de délits constituerait la meilleure solution pour les faire cesser. Une étude indépendante de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée en 2024, démontre en effet que la loi de 2007 sur les peines planchers n’avait pas été efficace. Cette étude conclut que les peines planchers ont eu peu d’effet dissuasif, ce dont témoigne une faible incidence sur les chiffres de la délinquance. La mesure a en revanche entraîné une augmentation de la population carcérale et une hausse des coûts supportés par l’institution judiciaire d’au moins 146 millions par an.
Enfin, notre groupe estime qu’une mesure imposant une peine minimale incompressible remettrait en cause le principe fondamental d’individualisation des peines. Elle s’apparente aussi à une forme de défiance vis-à-vis du pouvoir judiciaire et donne le sentiment de vouloir le brider. Or la séparation des pouvoirs est l’un des principes fondamentaux de notre République.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates votera contre cette proposition de loi.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le groupe Horizons & indépendants constate avec satisfaction que ce texte reprend la philosophie des deux propositions de loi qu’il avait inscrites à l’ordre du jour du 3 avril 2025, à savoir celle visant à restaurer l’autorité de l’État, déposée par Naïma Moutchou, et celle visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement fermes, déposée par Loïc Kervran – cette dernière ayant été adoptée en séance. En reprenant la philosophie de nos textes, le groupe UDR adhère donc aux constats que nous avions formulés.
D’une part, la récidive est un sujet d’une grande actualité. Notre groupe proposait de réprimer les récidivistes de manière plus stricte en proposant le retour des peines planchers, afin de dissuader l’auteur de passer de nouveau à l’acte.
D’autre part, la politique pénale conduite depuis dix ans, qui vise à limiter le recours à l’incarcération pour les courtes peines, n’a porté que peu de fruits tout en minant la crédibilité du système judiciaire.
Il existe toutefois des différences notables entre les dispositifs respectifs de nos deux textes et celui de la présente proposition de loi. En effet, s’agissant des peines planchers, le texte dont nous discutons porte sur un champ restreint de victimes par rapport à la proposition de loi de Mme Moutchou – qui concerne les personnes dépositaires de l’autorité publique, mais aussi les magistrats, les avocats, les enseignants, les agents travaillant dans les transports publics et les personnes chargées d’une mission de service public. Par ailleurs, il nous semble plus approprié de ne retenir que les infractions violentes commises en état de récidive légale à l’encontre des personnes précitées, et non l’ensemble des crimes et délits dont elles peuvent être victimes.
C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un amendement de réécriture de l’article unique, afin d’y substituer le dispositif de la proposition de loi de Mme Moutchou. Nous n’avons pas pu procéder de la même manière pour réintroduire les mesures de la proposition de loi de M. Kervran, car un tel amendement aurait été irrecevable. Néanmoins, nous réaffirmons notre soutien à son texte, qui sera examiné au Sénat le 1er juillet prochain.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Après avoir voulu sauver la peau de ses copains d’extrême droite, l’UDR propose à présent de rétablir les peines planchers – un dispositif dont on sait pourtant qu’il est dangereux, mais surtout inefficace au possible. Nous avons eu l’occasion de le dire plusieurs fois au sein de cette commission, car ce n’est pas la première tentative de ce genre.
Les peines planchers en cas de récidive, introduites en 2007 sous l’impulsion d’un président de la République qui est désormais multirécidiviste, ont été abrogées. Et sans doute pour une bonne raison. En 2005, 2,6 % des condamnés pour crime étaient récidivistes. Trois ans après l’adoption de la loi sur les peines planchers, cette proportion avait plus que doublé. Les peines planchers ne sont donc pas seulement inefficaces, elles sont aussi néfastes.
Avec ce texte, vous prétendez lutter contre la récidive. En réalité, vous participez à sa fabrication, alors même que 63 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme récidivent au bout de cinq ans.
Vous allez même très loin, car vous proposez que les peines planchers s’appliquent dès la première infraction. Ainsi, un primo-délinquant pourra être jugé de la même manière qu’un récidiviste. Prenons l’exemple d’un jeune manifestant qui, lors d’une charge de CRS, aurait bousculé un policier – ce qu’il ne faut évidemment pas faire : alors qu’il n’a aucun antécédent judiciaire, que l’infraction n’est pas préméditée et que le policier n’a pas été blessé, il écopera de trois ans de prison.
Cette loi aura pour seule conséquence de remplir des prisons déjà pleines à craquer, insalubres et parfois même dégradantes. Avez-vous la moindre idée de l’état des prisons françaises ? On compte 80 000 détenus pour seulement 62 000 places, avec une place pour deux détenus dans certains établissements. La France occupe déjà la troisième place du podium de la surpopulation carcérale en Europe, mais cela ne vous suffit apparemment pas.
Selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la récidive n’est pas le résultat d’un manque de sévérité, mais bien la conséquence d’un système incapable de réinsérer, après des années de désocialisation liée à l’incarcération.
Nous voterons évidemment contre ce texte.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Je me réjouis qu’une bonne partie des groupes soient assez favorables à la fermeté pour répondre aux agressions inadmissibles dont sont l’objet les forces de l’ordre.
On nous a objecté à plusieurs reprises que les prisons étaient surpeuplées. J’étais députée en 2012 et nous avions alors voté, à l’initiative de Nicolas Sarkozy, la construction de 60 000 places de prison – décision que Mme Taubira avait annulée dès l’arrivée au pouvoir de François Hollande. La surpopulation carcérale est malheureusement le résultat d’une politique d’abandon, de laxisme et de renoncement. En tout état de cause, elle ne doit pas nous freiner lorsque nous essayons de trouver les moyens d’endiguer la violence extrême, dont bien des exemples ont été donnés lors des interventions précédentes.
Je remarque que nous ne tirons pas les mêmes conclusions de la lecture de la fameuse note de l’IPP, que j’ai largement citée dans mon rapport. Contrairement à ce qui a pu être dit, cette note démontre qu’un certain nombre de comportements délinquants ont diminué pendant la période d’application des peines planchers.
Nous vous proposons d’agir à une plus grande échelle, car nous devons réagir. Nous ne pouvons pas laisser des voyous sans scrupule et de plus en plus dangereux mettre impunément en danger ceux qui portent l’uniforme.
Article unique (art. 132-18-1 [rétabli], 132-19 et 132-19-1 [rétabli] du code pénal, art. 464-2 [abrogé] du code de procédure pénale): Instauration de peines minimales de privation de liberté pour les crimes et délits commis contre certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public.
Amendements de suppression CL1 de Mme Céline Thiébault-Martinez et CL9 de Mme Elsa Faucillon
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cette proposition de loi est inspirée davantage par la démagogie que par le souci de garantir la protection des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers. Pour cela, il faudrait commencer par leur donner les moyens d’assurer une présence quotidienne auprès de la population plutôt que de s’en tenir à les faire intervenir en cas de débordement, alors qu’il est déjà trop tard.
L’institution de peines planchers n’aura en aucun cas pour effet de dissuader de commettre une infraction. Il serait nécessaire que vous relisiez la note de l’IPP que vous citez dans votre rapport, car l’affirmation selon laquelle la réponse pénale ne serait pas assez ferme pour les individus qui troublent le plus gravement l’ordre public relève du café du commerce. Aucune étude n’a établi une quelconque corrélation statistique entre la durée de la peine prononcée et le taux de réitération. En revanche, les études disponibles montrent que le passage en prison favorise tendanciellement la récidive.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Cette mesure ne résorbera en rien les violences dont sont victimes les membres des forces de l’ordre et les pompiers. La proposition de loi est profondément démagogique et, comme c’est souvent le cas, elle ne s’appuie pas sur les résultats d’analyses scientifiques. Celles qui sont disponibles montrent que les peines planchers n’ont pas d’effet en matière de lutte contre la récidive. Toutes les études criminologiques soulignent l’importance des mesures de socialisation et de réinsertion ainsi que celle de l’individualisation des peines. Pourtant, il semble que vous n’en ayez que faire.
Il ne s’agit pas d’un débat binaire entre ceux qui voudraient défendre la police et ceux qui défendraient les détenus, mais bien de savoir comment faire pour sortir de la situation actuelle ?
En tout cas, une chose est certaine : les peines planchers vont à rebours de tous les enseignements de la littérature scientifique et de l’expérience.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Avis défavorable.
Il suffit de s’intéresser de manière objective au bilan de l’application des anciennes peines planchers, de 2007 à 2014, pour relever qu’elles ont eu des effets positifs incontestables.
D’abord, le dispositif a entraîné le prononcé de peines d’emprisonnement ferme jusqu’à 50 % plus élevées pour les récidivistes. Qu’on le veuille ou non, cette fermeté a eu un effet dissuasif. Je l’ai déjà rappelé dans mon propos introductif, la note de l’IPP publiée en 2024 a mis en évidence que les personnes plus sévèrement condamnées en application d’une peine plancher avaient moins récidivé.
Ensuite, le dispositif des peines planchers permet de réduire l’écart entre les peines encourues et celles qui sont prononcées. Ainsi, selon le professeur Arnaud Philippe, les personnes ne sont en moyenne condamnées qu’à hauteur de 8 % du maximum de la peine encourue. Un tel écart soulève évidemment des problèmes, notamment parce qu’il contribue à décrédibiliser la peine prononcée.
L’ancien dispositif n’était toutefois pas exempt de critiques, notamment parce que son périmètre était trop restreint et mal calibré. Il avait été conçu pour s’appliquer prioritairement – et exclusivement jusqu’en 2011 – aux récidivistes. C’est pour cela que ses effets sur la récidive ont été limités, et c’est ce que met en évidence la note de l’IPP.
Depuis 2012, les ministres de la justice successifs ont pu appliquer la politique que certains ont jugé nécessaire lors de leurs interventions, privilégiant la réinsertion des détenus et conduisant à un laxisme total par le biais de nombreux mécanismes – dont celui de l’interdiction de l’emprisonnement lorsque la peine est inférieure à un an. Ça n’a pas marché. On assiste à un ensauvagement terrible, avec une violence de plus en plus grande. Il faut réagir. Bien entendu, la prison n’est pas la seule solution. Mais elle permet de protéger les victimes en les mettant à l’abri des gens dangereux. Les peines de prison ont également – en tout cas nous l’espérons – un caractère exemplaire, et c’est ce dernier que la proposition de loi souhaite désormais promouvoir.
M. Michaël Taverne (RN). Nous allons bien évidemment nous opposer à ces amendements de suppression, qui sont complètement idéologiques.
La gauche évoque une mesure dangereuse. J’ai l’impression que nous n’avons pas la même notion du danger. Allez voir les policiers qui reçoivent des tirs de mortiers d’artifices en pleine tête et vous saurez ce qu’est véritablement le danger !
Vous ne parlez à aucun moment de protéger la société. Qui défendra les policiers, les gendarmes et ceux qui représentent l’État et la loi lorsqu’ils sont attaqués par des individus ? Vous ? Laissez-moi rire !
La gauche parle ensuite du manque de moyens. Je rappelle que c’est elle qui, par pure idéologie, a progressivement retiré tous les moyens de force intermédiaire utilisés par les gendarmes et les policiers pour se défendre lors des manifestations et des violences urbaines. C’est la raison pour laquelle il y a désormais tant de blessés parmi les membres des forces de l’ordre. Ce point a été confirmé par leurs représentants lors des travaux de la commission d’enquête sur les groupuscules violents. Les policiers auditionnés ont indiqué qu’ils essayaient désormais de se défendre comme ils le pouvaient face à des barbares qui ne reculent devant rien. Il faut une justice ferme, qui réprime véritablement ces individus pour protéger la société.
Nous allons bien évidemment voter pour cette proposition de loi car elle correspond à une demande des Français. Je rappelle que 87 % d’entre eux sont favorables aux peines minimales et aux peines planchers, notamment pour ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre. Il faut écouter les Français et cesser de se soumettre à la voyoucratie. Il faut des peines fermes et efficaces et il faut protéger ceux qui nous protègent.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Vous vous achetez une bonne conscience à peu de frais. Vos effets d’annonce ne seront pas suivis d’effets et susciteront une énorme déception de la population.
La gauche a peut-être été au pouvoir et a pu faire évoluer un peu la justice, mais cela n’a pas profondément changé la délinquance dans le pays. Je n’en suis pas forcément surpris, car la justice pénale n’est pas le seul instrument de régulation sociale. Dans une société où l’on porte atteinte aux droits, le fait que le contrat social soit de moins en moins respecté entre dominants et dominés, mais aussi entre dominés, crée de la violence et des passages à l’acte. Il est naïf de croire que l’on réglera tous les problèmes de la société en améliorant l’administration de la justice.
On peut considérer qu’une peine est mauvaise si elle ne correspond pas au maximum possible. C’est un choix philosophique contestable. Mais je souhaiterais que l’on dispose de données plus précises, car il n’y a probablement pas beaucoup de cas où des personnes qui ont agressé un policier tout en étant en état de récidive légale ne sont pas condamnées à de la prison ferme.
Vous présentez cette proposition de loi comme une révolution pour la justice pénale. Soyez modestes, car ses effets sur la société seront probablement très maigres, voire contre-productifs.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Comme je l’ai indiqué, depuis 2000 les agressions visant les dépositaires de l’autorité publique ont augmenté de plus de 72 %. Les refus d’obtempérer ont pour leur part progressé de 60 % depuis 2017 et on en enregistre en moyenne un toutes les vingt minutes.
Que fait-on face à l’explosion de ces actes ? En reste-t-on à la forme d’impuissance de la justice et de l’autorité de l’État que l’on constate ? Accepte-t-on de se soumettre à une violence qui explose et qui vise les forces de l’ordre ? Ce n’est pas mon opinion.
En tout état de cause, rien n’allait jamais dans les différents textes que nous avons examinés aujourd’hui, À vous entendre, il faudrait donc laisser faire, laisser les choses s’aggraver dans notre pays sans se donner les moyens d’agir. Je crois précisément que cette proposition de loi mérite d’être examinée.
Par conviction, je me battrai toujours contre le Rassemblement national. Mais, s’il est aussi puissant, c’est parce que les partis républicains – et notamment ceux de gauche – n’ont pas pris la mesure de la déliquescence de l’autorité de l’État et ont toujours refusé de mener une politique de fermeté pour faire respecter la loi et la justice. Si les partis républicains ne prennent pas ce sujet à bras-le-corps, nous resterons dans la même situation. Les propos tenus depuis cet après-midi par les représentants de la gauche nourrissent le Rassemblement national.
Je suis pour la fermeté de l’État et pour cette proposition de loi, car il appartient impérativement aux partis républicains de répondre aux attentes de nos concitoyens en faisant respecter la loi et en ramenant l’ordre dans notre pays.
Mme Elsa Faucillon (GDR). C’est un débat intéressant. Pense-t-on sérieusement que l’on réduira la défiance vis-à-vis des forces de l’ordre grâce à des peines planchers qui ont prouvé leur inefficacité ? Personne ne penserait sérieusement que l’instauration de ces mêmes peines planchers permettrait de résoudre la question de la défiance envers les institutions, la politique et les élus. Le sujet est beaucoup plus général et ne saurait être réglé à coups de populisme pénal.
L’augmentation de la défiance envers la police depuis les années 2000 correspond à une période durant laquelle la démocratie a été bafouée. Les gouvernements successifs ont alors décidé de faire de la police le bras armé de politiques qui allaient à l’encontre des aspirations du peuple. La violence s’est alors malheureusement retournée contre les forces de l’ordre.
On a donc affaire à un problème nettement plus complexe et politique que ne le laisse entendre cette proposition de loi démagogique, qui essaie de faire croire que vous seriez les meilleurs défenseurs des forces de l’ordre en instaurant les peines planchers. Soyez humbles et plus honnêtes sur les résultats potentiels du dispositif que vous voulez mettre en œuvre.
Quant au délitement de l’État évoqué par Mme Bonnivard, ne résulte-t-il pas davantage d’une politique qui consiste à supprimer des services publics, ce qui suscite une colère extrêmement importante ?
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Madame Bonnivard, les partis républicains devraient, en réalité, être opposés aux peines planchers, pour une raison simple : les juges doivent pouvoir se prononcer librement, au cas par cas, en fonction des situations. Si vous voulez défendre les principes républicains, commencez par défendre l’indépendance de la justice.
Ensuite, les forces de l’ordre bénéficient déjà d’une protection supplémentaire : portant l’uniforme, elles sont, logiquement, davantage protégées par la loi, tout comme elles sont, en théorie, davantage punies lorsqu’elles commettent des actes criminels ou délictuels. Il y a là, en quelque sorte, un parallélisme des formes – même si, en pratique, si la première spécificité s’applique effectivement, il n’en va pas de même de la seconde.
Enfin, être réellement républicain, c’est défendre les principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – que vous n’aimez pas beaucoup, puisque vous hurlez chaque fois qu’elle est mentionnée, ce qui dénote un républicanisme à géométrie variable –, dont l’article 12 dispose que la fonction des forces de police et de sûreté est de préserver les droits de l’homme et du citoyen.
Notre souci est précisément de défendre ces principes républicains.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Je me réjouis de ce débat, qui montre combien les visions respectives de la gauche et de la droite sur la détention et la violence contre les forces de l’ordre diffèrent.
Mme Faucillon nous accuse de populisme pénal et de démagogie. Mais n’est-ce pas vous qui avez décidé de prévoir des peines obligatoires pour lutter contre la défiance envers les élus – je songe notamment aux peines d’inéligibilité, que vous avez voulues d’autant plus sévères qu’elles sont assorties de l’exécution provisoire ? Vous ne pouvez donc pas prétendre que la sanction n’a aucun pouvoir de dissuasion des délinquants en puissance.
M. Léaument estime que les magistrats peuvent parfaitement, en toute indépendance, prendre la mesure des infractions qui leur sont soumises sans qu’il soit besoin de les y inciter par des peines planchers, mais, contrairement à ce que prétend M. Duplessy, il est avéré que les peines de prison ferme encourues pour des faits commis contre des personnes protégées par l’uniforme ne sont pas appliquées. Ainsi, en 2023, la moitié seulement des 2 558 condamnations prononcées dans ce cadre ont donné lieu une peine de prison ferme. Cela montre bien qu’il y a un problème dans l’approche de la sanction pénale et que le dispositif mérite d’être durci, comme il le fut de 2007 à 2014, avec un succès désormais démontré. Il s’agit simplement d’en revenir à la situation antérieure. Nous avons laissé la gauche faire ses expériences, dont chacun constate le résultat : on n’a jamais vu une telle violence et une telle barbarie. Il est temps de remettre un peu d’ordre dans ce pays.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL15 de Mme Naïma Moutchou
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La présente proposition de loi rassemble en quelque sorte deux textes que nous avions déposés, tout en étant moins-disante.
S’agissant d’abord des peines planchers, le dispositif retenu porte sur un champ plus restreint que dans la proposition de loi de Mme Moutchou, qui visait à protéger non seulement les personnes dépositaires de l’autorité publique, mais aussi les magistrats, les avocats, les enseignants, les agents travaillant dans les transports publics et les personnes chargées d’une mission de service public.
Pour ce qui est des courtes peines, le texte déposé par M. Kervran prévoyait de supprimer également l’interdiction des peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois et de permettre au juge d’aménager ab initio une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à deux ans.
Nous proposons donc de réécrire l’article en ce sens.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Vous voulez remplacer notre proposition de loi par celle de Mme Moutchou, que vous avez retirée lors de son examen en séance publique le 3 avril dernier, en la combinant à celle de M. Kervran, adoptée ce même jour. Nous y sommes évidemment défavorables : même si je suis heureuse de constater que nous nous retrouvons sur ces questions, ce texte n’a pas vocation à reprendre des initiatives législatives précédentes, à plus forte raison quand l’une d’entre elles a déjà été adoptée par l’Assemblée.
S’agissant des peines planchers, il existe une différence notable entre notre proposition et la vôtre : vous souhaitez qu’elles ne s’appliquent qu’aux personnes en état de récidive légale. Nous ne sommes pas favorables à une telle restriction. Il me semble d’ailleurs que l’erreur commise en 2007 fut précisément de réserver l’application des peines planchers aux récidivistes. Il n’y a aucune raison de ne pas faire preuve de fermeté dès la première infraction commise contre les forces de l’ordre.
Je sais que votre dispositif avait vocation à s’appliquer aux délits commis contre toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique. Les peines planchers que nous proposons s’étendraient quant à elles aux crimes, tout en ciblant de manière plus précise les forces de l’ordre et les sapeurs-pompiers, en reprenant la liste établie à l’article 222-14-5 du code pénal. Ces dispositions sont équilibrées et de nature à répondre à notre objectif. Il n’y a donc aucune raison de les remplacer par la proposition de loi que vous avez choisi de retirer avant la fin de son examen en séance publique.
Quant à celle de M. Kervran, qui vise à permettre le prononcé de courtes peines d’emprisonnement et l’aménagement ab initio des peines inférieures à deux ans d’emprisonnement, je ne perçois pas l’intérêt de l’insérer dans le présent texte, d’abord parce qu’elle a déjà été adoptée – elle devrait être examinée par le Sénat le 1er juillet prochain –, et surtout parce qu’elle contredit la vocation de ce texte, qui est précisément de supprimer toute possibilité d’aménagement ab initio, notamment en abrogeant l’article 464-2 du code de procédure pénale.
C’est pourquoi je suis au regret, même si nous nous rejoignons sur la réintroduction des peines planchers, d’émettre un avis défavorable.
M. Jordan Guitton (RN). Nous irons dans le sens de la rapporteure et voterons contre cet amendement.
Nous venons surtout de constater que les macronistes, comme ils l’avaient fait lors des élections législatives de 2024, votent main dans la main avec La France insoumise lorsqu’il est question d’instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les forces de l’ordre et les pompiers. Ce faisant, ils font honte à tous ceux qui portent un uniforme dans notre pays. Nous pourrons le leur faire savoir.
Les peines planchers ont déjà été appliquées dans notre pays, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, avant d’être supprimées en 2014 sous la présidence de François Hollande. Les peines fermes prononcées étaient alors 50 % plus élevées et la récidive a diminué de 10 %. Même si ces statistiques ne portent que sur cinq ans, elles fournissent un retour d’expérience suffisant.
Je rappelle à nos collègues de gauche que, selon un sondage Odoxa paru en septembre dernier, non seulement plus de 80 % des Français sont favorables aux peines planchers, mais c’est aussi le cas de 64 % des électeurs de La France insoumise, de 63 % des sympathisants des Verts et de 84 % de ceux du Parti socialiste.
Enfin, collègues de DR, c’est au Rassemblement national de Marine Le Pen et de Jordan Bardella ainsi qu’à ses alliés, et non à vous et aux macronistes, que les Français font confiance pour rétablir la sécurité.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Pour ce qui est des sondages, je ne peux que vous inviter de nouveau à lire le rapport que j’ai produit à l’issue des travaux de la commission d’enquête consacrée à l’organisation des élections en France, notamment la partie relative à la constitution des échantillons. Vous comprendrez pourquoi les sondages d’opinion – qui, à la différence des sondages électoraux, ne sont contrôlés par personne si ce n’est les sondeurs eux-mêmes – comportent vraisemblablement quelques erreurs d’analyse.
Vous vous étonnez ensuite que les macronistes – ou plutôt une partie du socle dit commun – aient voté avec nous pour repousser les peines planchers. C’est que, voyez-vous, il y a des gens qui ont encore des principes républicains. Que Les Républicains, malgré leur nom, en viennent petit à petit à soutenir le programme du Rassemblement national, c’est déplorable.
M. Olivier Marleix (DR). Les peines planchers ont été instituées par Nicolas Sarkozy !
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Lequel vient d’ailleurs de se voir retirer sa Légion d’honneur du fait de sa condamnation. Prônez-vous des peines planchers dans son cas également ? Il me semble que non.
Certaines personnes, disais-je, ont encore des principes républicains et souhaitent que la justice soit faite par les juges, conformément à la loi. Il est plutôt rassurant, ma foi, que tous les macronistes ne soient pas engagés dans la pente qui mène directement vers le Rassemblement national.
M. Guillaume Kasbarian (EPR). Face à l’agressivité du député du Rassemblement national, je tiens d’abord à dire que ce n’est pas parce qu’on juge les peines planchers inefficaces dans certains cas qu’on est pour autant laxiste ou gauchiste. Je sais que vous avez une haute opinion de vous-même, mais ayez l’humilité de reconnaître qu’il existe de multiples solutions dans le code pénal et que les peines planchers ne sont pas le remède miraculeux à la délinquance en France. On peut défendre des positions de fermeté, rigoureuses, sans promouvoir systématiquement les peines planchers.
Vous nous reprochez des votes communs avec des groupes de gauche. On peut difficilement m’accuser d’être proche de LFI, qui a souvent fait de moi une tête de Turc. En revanche, c’est vous qui avez censuré, main dans la main avec LFI, le gouvernement dirigé par Michel Barnier ; c’est vous qui avez voté avec LFI le blocage des prix au cours d’une journée de niche écologiste ; c’est vous qui avez voté avec LFI contre les traités commerciaux et le CETA (ou ARCG, Accord économique et commercial global) ; c’est vous qui vous êtes opposés, avec la gauche, aux réformes du RSA et de l’assurance chômage. Votre gauchisme économique est perceptible dans de très nombreux votes – la censure du gouvernement Barnier en est une preuve supplémentaire. Je n’ai donc aucune leçon de fermeté à recevoir de votre part.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Sachez, monsieur Léaument, que je ne prends absolument pas pour moi vos leçons de républicanisme ; il me semble surtout qu’en la matière, vous devriez balayer devant votre porte. Quant à la cohésion du socle commun, peut-être devriez-vous regarder ce qu’il en est dans votre famille élargie : il y aurait sans doute de quoi dire.
Pour en revenir au sujet qui nous concerne, personne ici ne prétend faire des peines planchers un remède miracle : elles constitueraient simplement un outil supplémentaire.
Madame la rapporteure, vous savez parfaitement que si nous avons retiré la proposition de loi de Naïma Moutchou, c’est parce qu’elle n’aurait pas été votée et que nous souhaitions que le texte relatif aux orthophonistes, que je défendais et que vous avez soutenu, puisse être adopté. Nous avons une lecture divergente de votre proposition de loi : pour notre part, nous estimons que notre amendement de réécriture globale de l’article est mieux-disant. C’est pourquoi nous le maintenons.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL8 et CL7 de M. Michaël Taverne
M. Michaël Taverne (RN). L’amendement CL8 est un amendement de bon sens. Alors que les macronistes prétendent nous donner des leçons du matin au soir, force est de constater qu’ils ne sont ni les Mozart de la finance ni les Beethoven de la sécurité. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté une proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Nous avons d’ailleurs été parfaitement constructifs, puisque si ce texte est passé, c’est notamment grâce à la mobilisation des députés du Rassemblement national, les macronistes ayant boudé les débats en commission comme en séance publique : heureusement que nous étions là pour lutter contre l’idéologie de La France insoumise et de ses alliés !
Je propose de prévoir des peines planchers pour les crimes et délits liés au trafic de stupéfiants, qui, malgré les mesures récemment adoptées, donne toujours lieu à des règlements de compte – on en a encore déploré un dans ma circonscription la semaine dernière –, ainsi qu’à la criminalité organisée. La réponse pénale doit être beaucoup plus dissuasive.
L’amendement CL7 reprend une proposition avancée de longue date par le Rassemblement national, notamment dans le cadre de sa dernière niche parlementaire, à savoir le rétablissement des peines planchers pour les crimes et délits commis en état de récidive légale. Aucune étude n’a montré que ces peines ne fonctionnent pas. Que proposez-vous à la place ? De faire comme la gauche, c’est-à-dire de libérer les détenus et de légaliser le cannabis, l’héroïne et la cocaïne, après quoi nous vivrons dans un monde parfait en nous tenant tous par la main ?
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Vous souhaitez, à travers l’amendement CL8, étendre les peines planchers au trafic de stupéfiants et au blanchiment de ce trafic. Nous avons voulu limiter le texte aux seuls crimes et délits commis contre les forces de l’ordre car, à trop l’étendre, nous craignons de le fragiliser.
Par ailleurs, les peines planchers ici prévues ont vocation à s’appliquer dès la première infraction commise et non aux seules personnes en état de récidive légale. Les seuils minimums de privation de liberté ont également été rehaussés par rapport aux anciennes peines planchers. Le champ d’application de ces dispositions est donc plus large que par le passé. Vous proposez de l’étendre au-delà de l’objet initial de la proposition de loi, que nous souhaitons pouvoir faire adopter rapidement, avec un article unique. Cependant, l’ambition de ce texte est bien de cibler les atteintes à l’autorité de la République, malheureusement bien trop fréquentes, en prévoyant l’application de peines planchers aux infractions commises contre nos forces de l’ordre et nos sapeurs-pompiers.
L’amendement CL7 semble quant à lui comporter une imprécision d’ordre légistique : tel qu’il est rédigé, il aurait pour seul effet de préciser que les peines minimales instaurées pour les infractions commises contre les forces de l’ordre seraient aussi applicables aux personnes en état de récidive légale – même si je comprends que votre objectif était d’étendre le champ de la proposition de loi à toutes les infractions commises en état de récidive, ce qui, encore une fois, excède l’objectif initial du texte. Or l’article prévoit déjà que ces nouvelles peines planchers s’appliqueront aux infractions commises contre les personnes concernées dès la première infraction commise et, à plus forte raison, quand la personne condamnée est en état de récidive légale. C’est bien l’intérêt de la proposition de loi par rapport à ce qui a été proposé auparavant : les peines planchers pourront s’appliquer dès la première infraction.
Ce problème de rédaction rend votre amendement quelque peu inopérant, outre le fait que son périmètre n’est pas cohérent avec l’ambition initiale du texte.
Sur vos deux amendements, j’émets donc une demande de retrait bienveillante.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Voilà qui est intéressant : on voit apparaître des divisions au sein du bloc UDR-RN – comment l’appelez-vous, déjà ? Le bloc fasciste ? –, la rapporteure elle-même expliquant que le Rassemblement national va trop loin dans les mesures qu’il présente comme efficaces.
Venons-en au fond desdites mesures. D’après M. Taverne, aucune étude ne démontre que les peines planchers ne sont pas efficaces. C’est faux : ces études existent. En revanche, aucune ne démontre l’efficacité de telles sanctions – en tout cas, si vous en connaissez, n’hésitez pas à nous les fournir, car quand on prétend s’en tenir aux faits, mieux vaut s’appuyer sur des chiffres.
Vous proposez d’étendre les peines planchers aux infractions liées au trafic de stupéfiants. Pardon de produire autant de rapports, mais je vous invite à consulter celui que M. Mendes et moi-même avons consacré à l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics : vous y découvrirez que les mesures que nous proposons ont permis au Portugal, où elles ont été appliquées, d’afficher un des taux de consommation de stupéfiants les plus faibles d’Europe. Peut-être nos méthodes, certes plus douces, sont-elles donc aussi plus efficaces. Une récente étude a par ailleurs montré que la légalisation du cannabis par le Canada aurait rapporté 9 milliards de dollars aux finances publiques. Je me demande en outre si la pénalisation des produits stupéfiants ne contribue pas elle-même au trafic.
Enfin, vous voulez instituer des peines planchers pour éviter la récidive. Or figurez-vous que les personnes qui sortent de prison récidivent plus que les autres : vous comptez donc emprisonner des gens pour qu’ils récidivent davantage. C’est tout de même une méthode un peu particulière ! Peut-être faudrait-il plutôt questionner la place de la prison elle-même.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Ces amendements, comme les deux précédents qui n’ont pas été soutenus, visent à étendre les peines planchers à de nouvelles catégories de victimes, à de nouvelles infractions, à de nouvelles matières pénales. Ils montrent ainsi l’absurdité du texte : en réalité, si ces peines ne servent à rien, elles ne doivent pas exister ; si elles sont utiles, il faut les prévoir partout. Votre texte conduirait à discriminer entre les différentes professions en en protégeant certaines plus que les autres – pourquoi ne pas inclure les enseignants ou les professionnels de santé, par exemple ? Il y a là une faille idéologique. De la même manière, quelle est la catégorie d’infractions la plus importante ? Le trafic de stupéfiants ? Le détournement de fonds publics ? Les crimes sexistes ou sexuels ? Hiérarchiser ainsi les matières et les personnes me semble très compliqué.
En réalité, vous n’avez pas fait la démonstration de l’utilité des peines planchers. Vous présentez une proposition de loi de pur affichage, dont ces amendements montrent bien qu’elle créera simplement un désordre en matière pénale.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Je n’ai pas bien compris le rapport avec le débat sur la légalisation du cannabis, mais qu’importe : cela vous permet de vous exprimer.
Certains amendements visaient effectivement à inclure les personnels de santé et les enseignants dans le dispositif. Seulement, ils n’ont pas été défendus. Ce texte constitue une première étape. Rien n’empêchera, bien sûr, de l’étendre à d’autres dépositaires de l’autorité publique en cas de succès. Pour l’heure, nous souhaitons nous en tenir aux porteurs d’uniforme et aux représentants des forces de l’ordre, afin d’envoyer un message fort, conformément au souhait des Français. Je vous invite à mon tour, M. Léaument, à lire très attentivement l’étude de l’IPP, qui établit très clairement les effets bénéfiques des peines planchers sur le niveau de récidive.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL16 et CL17 de Mme Brigitte Barèges, rapporteure.
Amendements CL18 et CL19 de Mme Brigitte Barèges
Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Ces deux amendements visent à étendre l’application de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
La commission adopte successivement les amendements.
La commission adopte l’article unique modifié.
L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.
La séance est levée à 22 heures 05.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Léa Balage El Mariky, Mme Brigitte Barèges, M. Bruno Bilde, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, M. Florent Boudié, Mme Manon Bouquin, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Marc de Fleurian, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Kasbarian, M. Antoine Léaument, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, M. Bryan Masson, M. Éric Michoux, Mme Maud Petit, Mme Lisette Pollet, M. Julien Rancoule, M. Charles Rodwell, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, Mme Prisca Thevenot, Mme Céline Thiébault-Martinez
Excusés. - M. Ian Boucard, Mme Colette Capdevielle, Mme Émeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan