Compte rendu
Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation
– Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation 2
– Présences en réunion.............................. 21
Mardi
26 novembre 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 4
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Stéphane Delautrette, Président
La séance est ouverte à 16h30.
La délégation auditionne Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
M. le président Stéphane Delautrette. Madame la ministre, merci d’avoir accepté d’échanger avec notre délégation sur les dispositions du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 relatives aux collectivités territoriales et sur les priorités de votre ministère.
Vous avez été auditionnée par les commissions du développement durable des deux assemblées et par la commission des lois de l’Assemblée nationale – vous le serez demain par celle du Sénat. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ayant pour vocation d’assurer un lien étroit avec les élus locaux et d’évaluer les politiques publiques déclinées à mailler les territoires dans le cadre de la décentralisation, nos interrogations ne se limiteront pas à la sphère des finances locales.
La situation financière des collectivités territoriales, en particulier celle des départements, est préoccupante. Les mesures du PLF destinées à les faire participer à l’effort de réduction des déficits publics inquiètent – et parfois révoltent – les exécutifs locaux, tant elles semblent injustes et démesurées. Injustes, parce que les administrations publiques locales ne contribuent à l’endettement public qu’à hauteur de 8 %, alors qu’elles réalisent près de 60 % de l’investissement public, soit 68,5 milliards d’euros en 2024 selon l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), dont les deux tiers sont assurés par le bloc communal. Et ce, alors qu’elles doivent être au rendez-vous de l’application de la trajectoire bas-carbone de la France, qui nécessiterait 11 milliards d’euros d’investissements locaux supplémentaires par an d’ici 2030 comme l’estime l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE).
Ces mesures sont également démesurées parce que le PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 prévoient une ponction de plus de 10 milliards d’euros dans les budgets locaux, qui risque de peser lourdement sur l’investissement et de mettre en péril les budgets de fonctionnement. Je pense notamment à la hausse de 12 points de la cotisation employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) en trois ans, qui toucherait tous les employeurs territoriaux et représenterait plus de 4 milliards d’euros en année pleine.
Dans son discours de clôture au congrès des départements de France, le Premier ministre a évoqué quelques inflexions, comme l’étalement de l’augmentation de la cotisation à la CNRACL sur une année supplémentaire, la non-rétroactivité de la baisse du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), une réduction des prélèvements dans le controversé fonds de réserve dont la logique et les modalités de redistribution sont encore floues – d’autant que le Premier ministre a laissé entendre, au Congrès des maires, qu’elle ne s’opérerait pas à travers la péréquation.
Pour les départements, le taux plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pourrait être augmenté de 0,5 point. Ces premières annonces n’ont guère convaincu les exécutifs locaux, car ces aménagements n’allègent pas la facture mais ne font que retarder son paiement.
Alors que le Sénat a commencé hier l’examen en séance publique de la première partie du PLF pour 2025, que l’Assemblée a rejetée, jusqu’à quel point le Gouvernement est-il prêt à faire des ouvertures en direction des collectivités ?
Par ailleurs, les collectivités bénéficiaires de fractions de TVA au titre des compensations des réformes fiscales ont eu un choc en recevant la notification de la régularisation annuelle, qui s’élève à 1,9 milliard d’euros de reprise. Même si elle est la traduction de la baisse du produit national de la TVA, cette reprise arrive au plus mauvais moment. Le Gouvernement envisage-t-il une mesure d’atténuation de ce « coup de massue » financier ?
J’en viens au sujet de l’approfondissement de la décentralisation. Plusieurs propositions émergent du rapport remis fin mai par notre collègue Éric Woerth, concernant le renforcement de la contractualisation, le chef-de-filât et la répartition des compétences entre chaque strate, la simplification de l’intercommunalité, le recentrage des contrats État‑collectivités ainsi que la question à haut risque du conseiller territorial. Lesquelles retenez‑vous pour donner un nouveau souffle à la décentralisation ? Quels chantiers envisagez‑vous d’ouvrir ?
Le rapport remis en juin par Boris Ravignon estime à 7,5 milliards d’euros le coût de l’entrelacement des compétences et de la profusion des normes. Au Congrès des maires, le président David Lisnard a fait également référence à cet enchevêtrement de contraintes et de normes, qui « agacent » et « empêchent d’agir » les élus locaux. Avec le Premier ministre et le ministre chargé du budget et des comptes publics, vous avez confié au maire de Charleville‑Mézières une nouvelle mission axée autour de la simplification des relations et d’une nouvelle gouvernance, y compris financière, entre l’État et les collectivités territoriales. Comment souhaitez-vous orienter nos travaux communs pour progresser dans la voie de la réduction des normes et dans l’établissement d’un partenariat entre l’État et les territoires, conformément à l’intitulé de votre ministère ?
Le Premier ministre a annoncé une réforme du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) en clôture du Congrès des maires. Souhaitez-vous reprendre la proposition de fusionner cette instance avec le comité des finances locales (CFL), formulée Alain Lambert, ancien président du CNEN, et par André Laignel, président du CFL ?
Enfin, dans son rapport paru en septembre dernier, la Cour des comptes souligne la réussite du déploiement des espaces France Services et la satisfaction des citoyens. Vous avez d’ailleurs annoncé, au congrès des maires, la labellisation de trente-quatre nouveaux espaces, portant leur nombre à 2 800. Ils participent largement au développement des services publics et privés de proximité dont ont besoin nos concitoyens les plus fragiles, en particulier dans les territoires ruraux et périphériques. Notre délégation consacrera la 4e édition de ses Rencontres, le 13 février, aux moyens de mieux répondre aux besoins des populations en services essentiels dans les territoires ruraux ? Quels prolongements envisagez-vous pour renforcer la proximité des services publics avec nos concitoyens ?
Nous constatons une forte demande des élus dans les territoires ruraux, pour un accompagnement plus étroit en ingénierie par les services déconcentrés de l’État, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dans la réalisation des projets.
Ils souhaitent une simplification des démarches administratives. La fusion de dotations d’investissement, en particulier la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), a été annoncée par le Premier ministre pour y contribuer. Toutefois, elle inquiète les élus des communes et des intercommunalités rurales, qui craignent que la spécificité des besoins en investissement de leurs collectivités soit perdue de vue. Pouvez-vous les rassurer ? En outre, les élus seront-ils toujours associés dans l’attribution des fonds, comme c’est le cas dans les commissions DETR ?
Quelle est votre position s’agissant d’une fusion des trois agences, au sujet de laquelle les avis divergent ? Quels sont leurs axes de travaux pour 2025 ? On sait le rôle clé de ces agences en matière d’adaptation au changement climatique.
Je terminerai mon propos introductif en élargissant le champ de la discussion à deux autres sujets : l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) et le statut de l’élu local.
Vous avez indiqué être favorable à un assouplissement du ZAN, sans renoncer à l’objectif ou au calendrier de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels d’ici 2031, et le Premier ministre a annoncé son intention de simplifier la loi pour qu’elle soit applicable dès 2025. Quels pourraient être les contours de cet assouplissement ?
S’agissant du statut de l’élu local, nos collègues Violette Spillebout et Sébastien Jumel se sont vu confier par la délégation, lors de la précédente législature, un rapport d’information qui s’est prolongé par le dépôt d’une proposition de loi transpartisane, que j’ai redéposée – avec quelques ajouts – avec Violette Spillebout en septembre dernier. Parallèlement, le Sénat a adopté la proposition de loi de Françoise Gatel, qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat local. En marge du Congrès des maires, le Premier ministre a indiqué le souhait du Gouvernement de porter en février devant l’Assemblée nationale cette proposition de loi qui pourra, je cite, « être enrichie de dispositions complémentaires issues des travaux des députés ». À cet égard, la délégation entreprend un travail de synthèse associant tous les groupes parlementaires. Deux réunions plénières sont prévues le mois prochain. Quel est votre état d’esprit concernant ce texte ? Le calendrier d’examen a-t-il été précisé ?
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Je commencerai par la notion de partenariat, à laquelle j’ajoute celle de suivi. En effet, notre capacité à suivre les actions est primordiale pour nos collectivités.
Notre feuille de route repose sur le triptyque de la proximité, de la solidarité et de l’efficacité. En tant qu’élue locale, que je suis encore, je suis convaincue que les collectivités sont les piliers de la République. Ainsi que l’a rappelé le Premier ministre au Congrès des maires, la confiance dans les élus locaux est un principe fondamental. Certes, la confiance ne se déclare pas, elle se prouve.
C’est le sens du travail que je souhaite mener, en réponse à l’engagement des élus locaux, notamment ceux des communes avec un faible nombre d’habitants, qui sont souvent seuls face à leurs interrogations et à qui nous devons faciliter la vie.
Dans sa version primitive du budget, le Gouvernement prévoyait 40 milliards d’euros d’économies, dont 20 milliards d’euros de la part de l’État, 15 milliards d’euros de la part de la sécurité sociale et 5 milliards d’euros de la part des collectivités. Le Premier ministre avait d’emblée indiqué que ce budget avait été établi en quinze jours et qu’il était amendable. Il avait aussi rappelé, comme il l’a réaffirmé au Congrès des maires, que les collectivités n’étaient pas les responsables des déficits publics. À ce stade de la discussion budgétaire, je vous propose d’aborder les sujets pour lesquels nous avons commencé à avancer.
Le premier est l’abandon du caractère rétroactif de la mesure de réduction du taux de TVA et du reversement du fonds de compensation. Ainsi que nous en avions discuté, Monsieur le président, nous avons considéré qu’il y avait là un « coup de canif » dans le contrat. La volonté du Gouvernement de supprimer cette mesure est réelle.
Nous avons également entendu les préoccupations des élus locaux quant à l’article 64 du PLF, qui prévoit l’abondement d’un fonds de réserve par un prélèvement de 2 % sur les recettes réelles de fonctionnement des collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures ou égales à 40 millions d’euros. Les sénateurs travaillent à des alternatives non encore figées, destinées à baisser en volume le montant prélevé à chaque collectivité. Ils ont demandé des simulations à la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui seront rendues ce soir ou demain. Une chose est sûre : les fonds prélevés seront rendus à 100 % aux collectivités auxquelles ils ont été prélevés alors que, dans la version initiale, ils devaient alimenter un fonds de péréquation. Par ailleurs, le reversement se ferait en trois ans à compter de 2026, à hauteur d’un tiers par an.
Par ailleurs, le relèvement temporaire de 0,5 point du plafond des DMTO prévu sur une période de trois ans pour les départements et appliqué aux transactions immobilières permettrait de générer plus de 750 millions d’euros de recettes supplémentaires. C’était une demande des départements. Pour autant, j’ai conscience de l’hétérogénéité des situations : pour le département des Alpes-Maritimes, par exemple, le ratio des DMTO par habitant est de près de 600 euros, contre 60 ou 70 euros pour celui des Ardennes. Cette mesure doit donc être relativisée.
Nous travaillons aussi à la création d’un versement mobilité régional dans la limite d’un taux de 0,15 % en lien avec les grands investissements. Ce versement n’aurait pas pour objectif de financer des dépenses de fonctionnement, mais de créer ou d’investir dans un réseau.
Par ailleurs, vous avez évoqué la CNRACL. Cette Caisse, qui est aussi celle des agents de la fonction publique hospitalière, est en difficulté. De fait, le nombre de contractuels allant croissant dans les collectivités, les cotisations à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) augmentent, tandis que celles abondant la CNRACL diminuent. Aussi est-il envisagé d’étaler le prélèvement sur quatre exercices, avec un montant de départ autour de 1 milliard d’euros, donc plus faible qu’annoncé.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) sera stable, à 27,245 milliards d’euros et l’effort de péréquation sera maintenu à son niveau de 2024. Le prélèvement en faveur de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) sera augmenté de 140 millions d’euros et celui de la dotation de solidarité rurale (DSR) de 150 millions d’euros. Cela signifie que 60 % des collectivités verront leur DGF augmenter. La dotation d’intercommunalité s’accroîtra de 90 millions d’euros et la dotation de péréquation verticale des départements de 10 millions d’euros. Les crédits de dotation d’investissement sont reconduits à 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et leur trajectoire de verdissement est rehaussée en conservant leur vocation généraliste. Enfin, le travail de simplification et de dématérialisation sera approfondi.
J’en viens au fonds vert. Pour mémoire, le PLF initial pour 2024 prévoyait 2,5 milliards d’euros et cette somme avait été gelée dès février. À ce stade, 1,2 milliard d’euros ont été consommés et ce montant devrait atteindre 1,6 milliard d’euros en fin d’année. Quant au PLF initial pour 2025, il prévoit une dotation de 1 milliard d’euros. La baisse est donc moins élevée que ce que l’on a pu entendre, compte tenu de la consommation réelle.
Toujours concernant le verdissement, 25 % des investissements financés par la DSIL et 15 % de ceux financés par la DETR servent déjà des objectifs écologiques. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre avait insisté sur la dette financière mais aussi sur la dette écologique. De fait, le Gouvernement a la volonté d’avancer dans l’accompagnement de la transition écologique.
Vous m’avez interrogée sur la possible fusion des dotations. On observe une multiplication des cofinancements et des financements croisés avec la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), la DETR et le fonds vert. Sans doute le cloisonnement de ces outils mérite-t-il d’être revu. Il faut que ce soit à sommes constantes : il n’est pas question de faire des économies dans ce domaine. En outre, je suis attachée à conserver une souplesse de fonctionnement, même si le verdissement est une priorité. Nous aurons à y travailler ensemble. C’est essentiel, car je sais combien ces dotations servent à l’investissement local.
Un autre de mes objectifs est de rapprocher l’action publique du citoyen et de préparer l’avenir en adaptant nos institutions aux réalités contemporaines. Notre démarche s’articulera autour de trois éléments. Le premier est la déconcentration. Il convient de réfléchir à la façon dont les préfets de département, en lien avec les élus locaux, peuvent disposer de marges de manœuvre au plus près des réalités de terrain, car le partenariat ne se joue pas seulement à Paris. Nous préparons un décret qui sera soumis au Conseil d’État afin de redonner de la capacité d’agir aux représentants de l’État au niveau local que sont les préfets.
S’agissant des normes et des procédures, Boris Ravignon indique dans son rapport que l’enchevêtrement des compétences coûte aux collectivités 6 milliards d’euros par an, auxquels s’ajoutent 1,5 milliard d’euros pour l’État. Je lui ai demandé de poursuivre ces travaux, considérant que la simplification peut constituer une source d’économies et de meilleure compréhension entre l’État et ses partenaires. Dès janvier, je vous ferai des propositions en matière de commande publique et d’urbanisme. En lien avec le ministre de la fonction publique, nous réfléchirons aussi à des sujets comme le point d’indice.
Enfin, je souhaite accroître la différenciation. Le rapport Woerth contient des propositions dans ce domaine. J’engagerai une concertation avec les élus pour parler de la place des maires, de leur rôle et de leurs compétences – mais aussi de sujets électoraux, en lien avec le ministère de l’intérieur.
Nous souhaitons aussi renforcer le soutien aux élus locaux, qui sont à la fois des représentants de leur territoire et des figures de cohésion et de proximité. Leur engagement est le socle vivant de notre démocratie. En 2023, le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAE) relevait 2 600 incidents, marquant une hausse préoccupante de 15 % par rapport à 2022. Cette tendance se poursuit, tant dans la nature des agressions, qui sont dominées par les outrages, que dans le profil des victimes – les maires représentant 60 % des cas. J’ai reçu, en présence du garde des sceaux et de deux de mes ministres délégués, Fabrice Loher et Françoise Gatel, une cinquantaine de maires victimes de violences. Leurs témoignages sont impressionnants et imposent que nous trouvions des réponses.
Cela me conduit à vous parler du texte que nous allons travailler, relatif au statut de l’élu. L’objectif est de repartir de la proposition de loi de Françoise Gatel, qui a déjà fait l’objet d’une lecture au Sénat, pour l’amender de façon à l’enrichir. Même si je salue le travail effectué par Violette Spillebout, nous souhaitons profiter du fait qu’il y ait déjà eu une lecture pour que la version amendée arrive devant votre assemblée fin janvier ou début février, dans la perspective des élections municipales. Notre intention est de reconnaître les droits des élus, de garantir que ceux-ci puissent exercer leur mandat sans pénaliser leur vie professionnelle ou familiale, mais aussi de réfléchir à une protection fonctionnelle accrue face aux violences et aux menaces, notamment sur le plan pénal, d’améliorer la prise en charge des frais de garde et de transport, ou encore de revaloriser les indemnités. Je sais que vous débattrez de ces enjeux fondamentaux. Beaucoup demandent que les indemnités des élus ne soient plus nécessairement fixées lors du premier conseil municipal. Il pourrait donc être proposé de prendre le maximum potentiel et qu’une délibération soit nécessaire si les élus souhaitent changer ce montant.
Je suis également attachée à ce que l’on travaille sur la validation des acquis de l’expérience, pour permettre la poursuite d’une activité professionnelle à l’issue d’un mandat de maire. Je souhaite aussi améliorer l’articulation entre la vie professionnelle, la vie privée et la vie d’élu. En effet, nombre d’élus souhaitent poursuivre une activité professionnelle mais nous avons conscience des renoncements auxquels un mandat local peut donner lieu, comme des refus de mutation ou de déménagement.
Le ministre de l’intérieur a relancé le Beauvau des polices municipales, une initiative pour redonner aux élus locaux les moyens d’agir pleinement. Ce dialogue renforcé vise à mieux outiller les collectivités dans leur mission consistant à garantir la sécurité et la tranquillité publiques, tout en consolidant le rôle central des élus dans la gestion de la sécurité de proximité.
Le deuxième élément de notre démarche est le renforcement de la cohésion sociale et territoriale. Les collectivités sont les garantes de la cohésion sociale de notre pays et les politiques sociales doivent être conçues en partenariat entre l’État et les départements. Dès 2025, nous installerons une instance de pilotage pour coconstruire ces politiques et, ainsi, garantir une meilleure maîtrise des dépenses.
Il s’agira de lutter contre les déserts médicaux en lien avec les régions, les agences régionales de santé (ARS) et les professionnels de santé, en réhabilitant les centres de santé et en développant des maisons médicales et d’accompagner, en matière d’aménagement du territoire, le développement équilibré des régions dans le contexte budgétaire que nous connaissons, avec des outils comme les contrats de plan et les offres d’expertise incarnées par l’ANCT. Nous souhaitons également poursuivre la formation des personnels des espaces France Services et systématiser leur évaluation par l’Association française de normalisation (Afnor). J’ajouterai que l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) arrivera dans ces espaces au 1er janvier prochain. Au total, douze organismes seront présents dans les espaces France Services pour renseigner nos concitoyens. L’objectif de 1 000 activités par mois fixé pour 2026 a été atteint en octobre 2024 et 86 % des demandes sont satisfaites au premier rendez-vous. Cela témoigne de la nécessité d’un contact à vingt minutes et du fait qu’un contact humain répond à la demande de nos concitoyens.
Enfin, notre démarche vise à simplifier pour mieux agir. Pour en revenir à la réflexion sur une possible fusion des dotations, j’estime qu’un élément clé, pour un maire et son conseil municipal, est la simplification des dossiers de subvention. Ne plus avoir un dossier par type de subvention leur changerait la vie. Nous devons aussi réfléchir à la prise en compte des spécificités des territoires. Nous reprenons le dialogue avec les élus corses et nous comptons entendre ce que le Parlement a à dire sur la proposition de réforme de la Constitution avant de présenter un projet de loi constitutionnelle.
Les collectivités sont des partenaires à part entière. Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, nous devons bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités et l’État. La façon la plus concrète de le faire est de nous inscrire dans une démarche de déconcentration dès le début de l’année.
M. Stéphane Delautrette, président. Nous en venons aux orateurs des groupes.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je reprendrai les trois principes de votre démarche, à commencer par la proximité. Les espaces France Services sont un succès, on ne le dit pas assez, mais ils pourraient l’être davantage si nos concitoyens connaissaient leur existence et savaient quels services elles offrent. Outre leur développement, une communication est indispensable pour souligner leur utilité et leur intérêt, en ruralité et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Concernant la solidarité avec les élus et le statut d’élu local, il importe que l’examen de la proposition de loi votée au Sénat en mars intervienne aussi rapidement que possible. Vous l’avez rappelé, 69 % des maires interrogés dans le cadre d’une étude ont été victimes de violences. Les élections municipales de 2026 arrivent à grands pas et, si nous voulons qu’un grand nombre de nos concitoyens soient candidats, nous devons leur assurer qu’ils pourront le faire en toute sécurité. La confiance est également un enjeu important. Les signaux envoyés par le Premier ministre, après la première mouture du projet de budget, aux Assises des départements de France et à l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), montrent que le partenariat avec les collectivités est essentiel à la vie de notre démocratie. C’est d’ailleurs l’intitulé de votre ministère.
S’agissant de l’efficacité, enfin, nous devons engager un débat sur la simplification. Faut-il une fusion DSIL/DETR, une fusion DSIL/DETR/fonds verts ? C’est un sujet de simplification à la fois pour les maires et pour les préfets.
Par ailleurs, quel est l’intérêt pour le ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation d’avoir à ses côtés l’ANCT, au moment où l’on cherche à faire des économies ? Faut-il envisager la suppression des agences, comme l’a fait votre collègue Guillaume Kasbarian ?
M. Jocelyn Dessigny (RN). Vous avez parlé du statut des élus et des violences dont ceux-ci sont régulièrement – trop souvent – victimes. Au-delà des lois, comme celle instaurant une aggravation des sanctions en cas d’agression contre des élus, que nous avons votée l’an dernier, il faut intervenir au niveau de la justice. J’ai moi-même été frappé et la peine à l’encontre de l’auteur de l’acte a été dérisoire. Et nos maires sont encore plus régulièrement victimes que nous, députés. Il est indispensable que les peines soient exemplaires pour ne pas laisser penser qu’on ne risque pas grand-chose en s’en prenant à un élu.
Depuis deux ans et demi, je demande aux ministres qui se succèdent quels seront les efforts demandés aux collectivités. Dans le PLF pour 2025, une participation de 5 milliards d’euros à l’effort d’économie leur est demandée. Vous faites part d’une baisse de 1 milliard d’euros du fonds vert au motif – que je partage – qu’il n’a pas été entièrement consommé cette année. Mais c’est un fonds récent, et il faut parfois du temps pour faire connaître un dispositif afin qu’il trouve sa vitesse de croisière. On peut ainsi imaginer qu’en 2025, le nombre de dossiers sera en hausse.
On demande des milliards d’euros d’économies aux collectivités. Votre prédécesseur au budget et président de cette délégation l’an dernier, Thomas Cazenave, ainsi que Jean‑René Cazeneuve quand il était rapporteur général des finances, nous ont toujours expliqué que les collectivités ne sont jamais aussi bien portées que depuis qu’elles sont sous tutelle. Mais si nous voulons plus de candidats en 2026, il faudra renforcer la sécurité et l’autonomie des élus locaux afin qu’ils puissent prendre des mesures et ne soient pas simplement des agents de l’État chargés de célébrer des mariages ou de participer à des commémorations. Si on leur retire la possibilité de lever l’impôt, on leur retire aussi une partie de leur capacité à investir et à engager des projets.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Soyons le plus objectif possible quand nous parlons de finances locales. Ce qui caractérise la santé financière des collectivités territoriales est leur capacité d’autofinancement (CAF), brute ou nette, et, éventuellement, leur niveau d’investissement. Plus que jamais, les écarts entre les trois niveaux de collectivités territoriales sont colossaux. La CAF des départements chute fortement et celle des régions est stable, tandis qu’à fin octobre, n’en déplaise à certains, celle du bloc communal est en hausse de 4 % en brut et de 14 % en net et les investissements auront atteint un niveau record cette année. En d’autres termes, le bloc communal fait mieux qu’en 2023, qui était déjà une année historique. Il convient donc d’assouplir la demande d’économies pour les départements, mais de ne pas changer de cap s’agissant du bloc communal. De nombreux élus sont d’accord pour participer à l’effort. Dans la mesure où les dépenses des collectivités représentent 320 milliards d’euros, soit 20 % de la dépense publique, il n’est pas idiot de leur demander de fournir 20 % de l’effort.
Par ailleurs, les régions veulent augmenter le versement mobilité. Les départements veulent augmenter les DMTO. Le bloc communal, en tout cas un certain nombre d’élus et d’associations veulent le retour de la taxe d’habitation. Mais, au total, ces trois impôts pèseront sur les Français. Il faut donc être vigilant et considérer que l’effort principal doit porter sur les dépenses. Tous les Français sont témoins, autour d’eux, de dépenses publiques qui peuvent être « challengées ».
Enfin, concernant la DSIL et la DTER, j’estime qu’il faut maintenir deux fonds différents, qui répondent à des objectifs, des cycles et des montants d’investissement différent, quitte à impliquer davantage les élus et les parlementaires dans la DSIL. Ces deux outils sont distincts. La DTER est vitale pour nos départements ruraux. Il est urgent de ne pas casser quelque chose qui fonctionne !
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les mairies vont craquer, pour faire écho au titre d’un certain film. Nous avons vu les écharpes noires au Congrès des maires. Nous avons lu l’étude qualitative conduite depuis quatre ans par l’AMF et le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), dont il ressort que neuf maires sur dix se déclarent sous pression, se sentent dépossédés de leur pouvoir ainsi que de leur mandat et font état d’une pression accrue sur leur santé. C’est problématique de la part de ceux à qui l’on demande un tel engagement, voire un sacrifice. Par ailleurs, 45 % des maires interrogés ne se sentent pas reconnus par l’État, ses services et le Gouvernement. Depuis 2020, cet indice a progressé de 17 %. En somme, ces élus évoquent – à juste titre, de mon point de vue – une forme de recentralisation autoritaire à l’intérieur d’une décentralisation : on leur impose de plus en plus de décisions dans une logique de restrictions budgétaires majeures. Pour autant, on parle de « piliers de la République » et de « confiance » à leur égard.
Dans ce triste panorama, vient s’inscrire l’affaire du statut de l’élu. Le Gouvernement se déclare sensible au travail conduit du côté des sénateurs : séduction ou sincère préoccupation ? En quoi les éléments que vous avez évoqués pourraient-ils répondre au sentiment d’isolement, voire d’abandon, des maires par le Gouvernement, incarné par les services de l’État ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. L’état de santé des maires est préoccupant et le sentiment de stress l’est tout autant. Une étude de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) met en avant que le premier motif de stress des maires sont les demandes de subventions et les réponses qui y sont apportées, tandis que le principal motif de satisfaction est l’inauguration d’un projet qu’ils ont défendu – donc la reconnaissance de leur engagement. Vous évoquez aussi un sentiment d’abandon. Nous devons pouvoir répondre à un ensemble de préoccupations au travers du statut de l’élu. J’ai mentionné la formation, la validation des acquis de l’expérience et la reconnaissance financière, mais cela n’exclut pas le fonctionnement avec les services de l’État, y compris à l’échelle la plus locale. Pour le Gouvernement, le référent d’un maire, quel qu’il soit, doit être le sous-préfet ou le préfet.
S’agissant de la sécurité, plusieurs sujets ont été mis en avant lors de la rencontre avec les élus que j’évoquais. Le premier concerne la présomption de qualité de maire. Dans la jurisprudence, plusieurs jugements observent que les personnes agressives à l’encontre des maires ne savent pas toujours qu’ils sont des maires. Mais on ne va pas demander aux maires de porter l’uniforme qui était le leur il y a deux siècles !
Un deuxième sujet concerne le raccourcissement des délais judiciaires et l’information des victimes sur l’état d’avancement de la procédure. Car, entre les faits et l’audience, le maire est dans son quotidien qui reste inchangé si ce n’est qu’une menace pèse sur lui.
Il faut aussi intensifier les formations à la désescalade de la violence proposées par les forces de l’ordre. Un autre sujet, difficile, concerne la lutte contre la diffamation et la haine en ligne.
Je suis à votre disposition pour travailler ces sujets, qui méritent qu’on s’y attarde et qu’on y apporte des réponses.
J’en viens aux espaces France Services. Ils sont 490 dans les QPV, 1 200 en zones de revitalisation rurale et les autres sont répartis sur le reste du territoire. Une campagne nationale d’information a été lancée à la radio et à la télévision début novembre, dont nous mesurerons l’impact. Avant elle, 53 % des Français avaient entendu parler des espaces France Services.
Par ailleurs, je partage l’avis selon lequel la simplification doit concerner autant les maires que les préfets.
Quant à l’ANCT, le rôle du Gouvernement est de tout évaluer, y compris ses agences. Aujourd’hui, l’ANCT est responsable des politiques publiques pour la ville, pour la ruralité, pour la montagne et pour le numérique. Elle apporte le soutien de l’État aux programmes Petites villes de demain, Petites cités de caractère et Villages d’avenir, avec 130 millions d’euros de budget. Je considère qu’une politique publique doit être évaluée et qu’elle tient sa force de la qualité de cette évaluation. La Cour des comptes et l’Inspection générale de l’administration ont déjà dressé des bilans de son action, qui sont positifs. Pour autant, ce n’est pas une raison pour ne pas l’évaluer.
Vous m’avez interrogée, Monsieur le président, sur le CNEN. Le Premier ministre a indiqué devant l’AMF que nous envisagions de rapprocher le CNEN et le CFL. L’objectif n’est pas de créer une nouvelle autorité administrative indépendante, mais de renforcer le CFL.
Monsieur Cazeneuve, vous proposez d’assouplir le prélèvement pour les départements. Cela fait partie des annonces du Premier ministre, dans la mesure où certaines dépenses ne sont pas pilotables. S’agissant des autres strates, nous travaillons avec les sénateurs à une meilleure répartition possible des efforts. Pour le bloc communal, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) est un outil intéressant, puisque ceux qui y contribuent sont bénéficiaires. Je reste vigilante à ne pas casser la capacité d’investissement.
Par ailleurs, le Premier ministre a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas question de revenir vers la taxe d’habitation. En revanche, il convient d’expliquer que la gratuité n’existe pas. Il y a toujours quelqu’un qui paie. Si ce n’est pas le contribuable, c’est l’État. Sans doute faut-il responsabiliser nos concitoyens. Quand on plante des arbres dans un village, quelqu’un les paie ! Il est important de partager cette notion de coût avec chacun de nos concitoyens. C’était d’ailleurs l’une des limites de la taxe d’habitation qui ne concernait plus, loin de là, toute la population.
Je le répète, il n’est pas question d’aller plus loin en matière d’impôts. En revanche, il est important de faire des économies et de partager avec nos concitoyens la notion de coût.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Mon département, l’Hérault, est confronté à une asphyxie budgétaire. Sans parler du PLF pour 2025, les impacts de celui pour 2024 sont terribles pour les collectivités territoriales de ce territoire, dont les charges ont explosé sous l’effet de décisions imposées par l’État et non compensées.
Ainsi, la hausse de 4,6 % du revenu de solidarité active (RSA) décidée en avril 2024 représente un surcoût de 7 millions d’euros, auquel s’ajoutent les effets de la prime Ségur pour 4 millions d’euros – autant de dépenses supplémentaires sans compensation. De surcroît, les pertes de recettes aggravent cette situation. La réduction de la compensation liée au foncier bâti et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a privé le département de 31 millions d’euros. Avec la baisse des DMTO, cette perte représente 52 millions d’euros. L’impact global pour 2024 s’élève à 103 millions d’euros, laissant peu de marge pour répondre aux besoins croissants de nos concitoyens dans un territoire avec une démographie positive depuis de nombreuses années. Et ce, avant même le couperet prévu PLF pour 2025. Ce désengagement de l’État menace directement les services publics de proximité essentiels à la vie quotidienne de nos concitoyens.
Vous avez évoqué certaines pistes d’amélioration en matière de budget, concernant le fonds de compensation, l’article 64 du PLF ou le versement mobilité. Très bien ! Mais je ne suis pas sûre que les élus locaux soient rassurés par les annonces du Premier ministre. Comment redonner de l’autonomie financière aux collectivités locales, alors que ce sont elles qui effectuent les trois cinquièmes de l’investissement en France ? Comment les rassurer quand elles engagent des investissements lourds et structurants, par exemple dans le transport collectif ? Comment leur redonner confiance et leur permettre d’avancer sans avoir peur du couperet d’un PLF construit sans aucune concertation ?
M. Nicolas Ray (DR). Merci d’avoir reconnu que les collectivités locales n’étaient pas responsables de la dégradation des finances publiques. Ce faisant, vous avez rectifié les propos malheureux d’un ancien collègue.
Notre groupe a abordé la question du volet du PLF relatif aux collectivités locales avec responsabilité, justice et efficacité. D’une part, nous avons conscience que chacun doit faire des efforts pour réduire les déficits. D’autre part, il importe que ces efforts soient répartis.
Je reviendrai sur les corrections apportées aux mesures phares du PLF, mal vécues par les collectivités. À cet égard, je salue votre écoute et celle de Michel Barnier.
D’abord, vous abandonnez le caractère rétroactif du FCTVA. La disposition rétroactive était, en effet, mal venue. Mais il faut aller plus loin. Le FCTVA, c’est du soutien à l’investissement, de la dépense utile. Il faut peut-être cadrer les dépenses de fonctionnement de nos collectivités mais, compte tenu de la conjoncture, l’investissement, c’est de l’emploi et des dépenses utiles. Nous arrivons en fin de mandat, alors que les collectivités déploient ou achèvent leur programme d’investissement. Une baisse du taux aurait pour effet d’augmenter l’emprunt, entraînant du même coup des dépenses d’intérêt. Je ne comprends pas la logique d’ensemble. Les élus sont exaspérés par les changements incessants. Il y a quelques années, après la pandémie de covid‑19, il fallait faire des plans relance et on a élargi le FCTVA au fonctionnement. Il fallait répondre à des appels à projets en toute urgence. Trois ans après, c’est l’inverse, on coupe tout ! Les élus n’en peuvent plus.
Ensuite, nous avons été surpris par la proposition relative au fonds de réserve. Vous avez corrigé l’effet de péréquation, qui n’était pas comprise – quelle usine à gaz cela cachait‑il ? Mais je ne vois pas l’intérêt d’enlever une recette pour la redonner dans quelque temps. Sans compter que cela ne respecte pas la libre administration des collectivités : si elles ont des recettes, elles sont libres de les utiliser.
Il faut donner plus d’autonomie fiscale à nos collectivités. J’ai déposé des amendements au PLF, qui n’ont pas pu être votés car ce sujet est compliqué. Quoi qu’il en soit, les élus veulent plus de leviers. Il faut leur faire confiance, d’autant qu’ils sont sanctionnés par leurs électeurs quand ils font de mauvais choix. Les règles de lien sont trop compliquées. Un maire ne peut plus augmenter la taxe d’habitation sur les logements vacants sans augmenter la taxe foncière. Il faut aussi exonérer nos petites communes du ZAN. Je n’ai jamais vu de petite commune rurale hyperartificialisée.
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous avons un désaccord concernant l’économie générale du PLF et ses incidences pour les collectivités territoriales – mais nous ne le découvrons pas ! Certes, nous considérons que le dérapage de nos comptes publics est préoccupant. Mais sa correction appelle davantage de prélèvements et de fiscalité que de baisse de la dépense publique et nous sommes convaincus que les ménages et les entreprises les plus aisés peuvent davantage contribuer à des dépenses utiles à la cohésion sociale et à la préparation de l’avenir, en particulier de la transition écologique.
Quand bien même je me mettrais à la place de ceux qui ont volontairement – et sincèrement – considéré qu’il était nécessaire de diminuer les impôts de production pour relancer l’économie, je ne comprends pas la suppression de la taxe d’habitation, qui n’était en rien un impôt de production, dont l’arrêt n’était demandé par personne et qui avait des effets assez redistributifs. En effet, les plus petits déciles en étaient exonérés et les plus hauts déciles en payaient la plus grande partie. Au total, 20 à 30 milliards d’euros manquent dans les caisses de l’État. Cela a été indiqué par Jean-René Cazeneuve, qui avait même promis des dons aux 36 000 maires si l’on parvenait à reconnaître que leur collectivité avait souffert de cette suppression. Ce n’est peut-être facialement pas le cas, mais quand on demande aux collectivités de faire un effort compte tenu du dérapage des comptes publics, on peut considérer qu’il s’agit d’un dérapage indirect dont nous payons la note.
Vous avez annoncé que le fonds de réserve ne visait plus à financer la péréquation. Très bien ! Mais l’on pourrait s’interroger sur l’assimilation entre la taille et la richesse. Considérer que les plus grands sont nécessairement les plus riches n’est pas fidèle à la situation précise des collectivités. Le dispositif sera-t-il supprimé dès 2026 ? Est-il question d’un prélèvement en une fois, qui a vocation à être redistribué les années suivantes ?
Concernant le FCTVA, je ferai la même remarque que Nicolas Ray. Les collectivités ne vont pas arrêter leurs investissements en cours. Il est donc probable que la mesure envisagée conduise à un plus fort endettement de ces dernières.
Enfin, concernant la part de TVA transférée, comment pouvez-vous considérer qu’elle demeure équivalente à un impôt local si son niveau est gelé au taux de 2024, donc insensible à la dynamique qui était le seul élément qui la rapprochait d’une ressource propre ?
M. Emmanuel Mandon (Dem). Une fois de plus, nous mesurons la difficulté qui résulte d’évolutions dans le temps long, puisque nous avons toutes les peines du monde à admettre l’esprit de la décentralisation.
Nous nous réjouissons de l’annonce d’un nouveau contrat de responsabilité. Cette volonté affichée par le Gouvernement, plus de quarante ans après les grandes lois de décentralisation, est une bonne nouvelle. Dans ce contexte compliqué d’économies budgétaires, il est difficile d’envisager des réformes structurelles.
Pourtant, notre pays en a besoin et la décentralisation doit être relancée. Cela passerait par une nouvelle approche fiscale, tenant compte des conséquences de la suppression de la taxe d’habitation pour les résidences principales et des décisions relatives à la CVAE. Quelles pistes envisagez-vous dans ce domaine ?
Nous nous battrons pour que l’effort soit justement réparti entre les niveaux de collectivités, dans une approche objective. Il n’y a pas lieu de verser dans les polémiques stériles et les formules faciles. La situation est compliquée pour tout le monde, et chacun comprend qu’il faut faire des efforts.
Par ailleurs, j’approuve la démarche de simplification. Mais quand on a dit cela, on n’a pas dit grand-chose ! L’effort à produire est considérable. Il faut être concret et partir des réalités du terrain.
Concernant l’ANCT, on va un peu vite en besogne en critiquant systématiquement son travail. Peut-être cette agence est-elle insuffisamment connue, alors qu’elle s’efforce de faire du cousu main pour les collectivités, en tenant compte de leurs spécificités. Par ailleurs, il faut faire preuve de prudence quand on juge une structure ou un dispositif récent.
Enfin, pouvez-vous apporter des précisions sur la réforme du CFL que vous venez d’évoquer ?
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Votre position a évolué concernant la fiscalité locale, que vous voulez mieux répartir sans l’augmenter. Je voudrais souligner l’iniquité que subit le bourg-centre, qui supporte une fiscalité importante et ne dispose que de la taxe foncière pour soutenir les services publics. Cela crée une inégalité entre les communes et entre les habitants, alors que les taux de taxe foncière appliqués aux communes périphériques sont très inférieurs. Dans le cadre d’une réforme de la fiscalité locale, prendrez-vous en compte ces différences entre les communes et la problématique des bourgs-centres ?
Par ailleurs, certains exécutifs locaux prennent en otage les petites collectivités qui ne suivent pas leur ligne politique en jouant sur l’attribution des subventions ou des financements croisés pour un même projet. Cette situation, qui conduit à bloquer des dossiers, est souvent évoquée par les maires.
Enfin, vous considérez qu’il faut déconcentrer avant de décentraliser. Je suis d’accord, car la porte de l’entrée de l’État dans le département, pour un élu local, est le préfet. Or celui-ci est souvent court-circuité par les agences déconcentrées de l’État dans les territoires ruraux, ce qui est souvent mal compris par les élus locaux.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Dans la version initiale du PLF, le département de l’Hérault faisait partie de ceux qui étaient exonérés compte tenu de leurs charges.
Par ailleurs, deux sujets doivent être distingués : d’une part, l’autonomie fiscale, c’est-à-dire le ratio entre les recettes sur lesquelles les collectivités détiennent un pouvoir de taux et l’ensemble de leurs ressources ; l’autonomie financière, d’autre part, qui est un principe constitutionnel. Selon l’article 72‑2 de la Constitution, en effet, les collectivités bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
Les transferts financiers de l’État vers les collectivités représentaient 109,8 milliards d’euros en 2022, au travers des prélèvements opérés sur les recettes de l’État, des fiscalités transférées et des contreparties. Aujourd’hui, la fraction de TVA accordée aux collectivités est la première source de financements. En 2022, les recettes propres des collectivités s’élevaient à 165,3 milliards d’euros, pour 68 milliards d’euros au titre de la fiscalité directe – la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les entreprises, le foncier bâti, le non-bâti, la contribution économique territoriale, les taxes directes comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et celle pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) ou encore la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
Le sujet n’est pas tellement celui de l’autonomie fiscale, même si la part de fiscalité propre a chuté de 30 % depuis 2020 avec la perte de la taxe d’habitation. Le sujet est plutôt celui des charges de centralité et du coût des services locaux. Comment faire prendre conscience à nos concitoyens du coût des services dont ils bénéficient ? Une partie de ces services doit-elle générer une participation ? La réflexion mérite d’être menée.
Concernant la taxe d’habitation, aucun Gouvernement n’a jamais tranché la question des valeurs locatives. Ce sujet a toujours été effleuré, mais jamais traité. Un autre sujet était celui de l’exonération de cette taxe. Dans certains territoires avec de nombreux logements sociaux, plus de 40 % des habitants étaient exonérés. Au global, la suppression de la taxe d’habitation s’est traduite par un gain moyen de pouvoir d’achat de 450 euros par foyer imposable. Certes, « gâteau avalé, gâteau oublié ». Mais c’est aussi aux élus de rappeler à nos concitoyens que la suppression de cette taxe s’est traduite par un gain de pouvoir d’achat. De la même façon, les foyers ont oublié qu’ils payaient la redevance audiovisuelle.
Par ailleurs, la suppression de la CVAE a renforcé la compétitivité de l’économie et elle a été compensée par l’État.
S’agissant du fonds de réserve, l’idée est un retour à 100 % par tiers en trois ans.
Enfin, la TVA transférée a été considérée comme une ressource plus dynamique que la TVA en période contracyclique. Je reconnais que la non-indexation de la TVA dans le budget pour 2025 est un élément important.
Concernant le FCTVA, le Premier ministre a indiqué au Congrès des maires qu’il fallait a minima discuter avant de renoncer à la rétroactivité. Notre idée est de favoriser l’investissement, avec des notions de prévisibilité et de progressivité. Le FCTVA est une première étape dans la restauration de la confiance.
S’agissant du ZAN, l’objectif est d’assouplir et non d’abandonner l’idée même de la non-artificialisation. En l’occurrence, assouplir consiste à reprendre le travail conduit par les parlementaires concernant la notion d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). C’est aussi prendre en compte les projets d’envergure nationale et européenne sur le compte de l’État et rendre aux territoires 4,5 % pour chacune des régions. La proposition de loi qui a été récemment déposée au Sénat sur le sujet constitue un premier véhicule législatif, qui mérite d’être retravaillé.
Par ailleurs, la volonté du Gouvernement est bien de répondre à la spécificité de chaque strate. La copie du Gouvernement concernant le fonds de réserve n’était, certes, pas parfaite, mais le dispositif excluait les communes bénéficiaires de la DSU et celles bénéficiaires du FPIC. Ainsi, pour le Gouvernement, « grands » ne voulait pas dire « riches ». L’approche était peut-être trop centrée sur les collectivités dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros. Les travaux actuellement menés par le Sénat permettraient d’aller plus loin, mais je reste imprécise parce qu’ils ne sont pas terminés.
Concernant le CFL, l’objectif est d’élargir sa composition avec probablement des personnalités qualifiées et des parlementaires, sur le modèle du Haut Conseil des finances publiques locales. Il s’agit aussi de l’adosser au CNEN et d’organiser des réunions plus régulières, permettant des échanges plus constructifs. L’idée est donc de fluidifier les relations avec les représentants des élus siégeant au CFL.
Madame Ricourt Vaginay, les bourgs-centres bénéficient d’une fraction de DGF, la dotation de solidarité rurale bourg-centre. Elle représente 751 millions d’euros en 2024, en hausse de 5,9 % par rapport à 2023, et dans le PLF pour 2025, le Gouvernement a maintenu la progression de cette fraction qui bénéficie à 4 190 bourgs-centres. Ceux-ci ont des charges de centralités élevées. C’est un sujet sur lequel nous travaillons avec le CFL, mais la prise de conscience est réelle.
En revanche, je suis moins d’accord avec vous concernant le rôle du préfet face aux agences. Au contraire, il est de la responsabilité des préfets d’avoir une autorité sur les administrations. C’est le sens de la circulaire préparée par le Premier ministre pour leur redonner du pouvoir d’agir. Une chose est sûre : ce n’est pas aux maires d’être l’arbitre.
M. Stéphane Delautrette, président. Nous en venons aux autres orateurs.
M. Bertrand Sorre (EPR). Je me fais le relais de deux présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de la Manche. L’article 1407 ter du code général des impôts (CGI) permet aux communes situées dans le périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants de majorer de 5 % à 60 % la part communale de la cotisation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les logements meublés non affectés à l’habitation principale. La loi de finances pour 2023 a complété cette autorisation originelle.
Cette majoration est exclusivement perçue par les communes qui l’instituent. Or les intercommunalités sont aussi concernées par les problématiques du logement et de l’habitat, d’autant que dans bien des cas, ce sont elles qui exercent les deux compétences en investissant pour la création de logements accessibles dans le cadre du programme local de l’habitat. Ces EPCI à fiscalité propre exercent les compétences liées à l’aménagement du territoire, à la mobilité et au tourisme, lesquelles sont étroitement liées aux problématiques ayant conduit le législateur à autoriser l’instauration de la taxe sur les logements vacants et la majoration de la taxe d’habitation sur les logements meublés non affectés à la résidence principale.
Quelle serait votre position s’il était envisagé de permettre aux EPCI à fiscalité propre de percevoir la majoration de la cotisation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les logements meublés non affectés à l’habitation principale sur le territoire de leurs communes membres ? Cette mesure serait, à mes yeux, indolore pour le budget de l’État, aurait un faible impact sur les propriétaires concernés, mais serait terriblement bénéfique pour les budgets des EPCI.
M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Depuis l’annonce du projet de budget de votre Gouvernement, les maires et les élus locaux expriment colère et inquiétude. Si les caisses publiques ont été vidées, ce n’est pas de la responsabilité des élus locaux. Bien au contraire, les collectivités territoriales ont l’obligation de voter des budgets à l’équilibre. En matière d’activité économique, les collectivités territoriales portent 70 % de l’investissement public. En matière de vie quotidienne pour les habitants, je constate comme député d’une circonscription rurale de 96 communes que la mairie est bien souvent le dernier service public local. Selon une étude de l’AMF présentée au Congrès des maires, l’autofinancement des communes chute de 20 % par an du fait de dépenses de fonctionnement supérieures aux recettes.
De nombreux maires m’ont fait part de leurs hésitations à poursuivre certains projets, de peur de mettre en péril les finances de leur commune. Que dois-je leur conseiller ? De réduire les horaires d’ouverture de la mairie ou de la crèche, de ne plus chauffer la salle de garderie, de stopper le projet de rénovation du centre-bourg, d’annuler la rénovation thermique de l’école ou d’augmenter le prix de la cantine ? Car nous en sommes bien là ! Votre projet de budget aurait des conséquences désastreuses. La ponction de plus de 10 milliards d’euros sur les budgets des collectivités est sans précédent, avec la baisse des dotations du fait de l’inflation ou le fonds vert qui diminue de 60 %, passant de 2,5 milliards d’euros à 1 milliard d’euros.
Pourtant, les députés ont adopté plusieurs propositions budgétaires du groupe LFI‑NFP pour rectifier votre budget. Nous avons notamment adopté des amendements visant à réduire les écarts de dotation entre les communes rurales et urbaines, à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, à supprimer l’article 30 qui prévoit la réduction de l’assiette et du taux de FCTVA et à permettre aux communes de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Malheureusement, votre Gouvernement a fait le choix de ne pas prendre en compte ces dispositions dans la version du PLF qui a été transmise au Sénat. Vous engagez‑vous à permettre aux représentants du peuple que nous sommes d’avoir le dernier mot en matière de dotation budgétaire pour les collectivités territoriales ?
M. Laurent Lhardit (SOC). Vous avez parlé d’une réduction du fonds vert liée à sa moindre consommation. L’écart reste tout de même, sauf erreur, de 1,5 milliard d’euros entre 2024 et 2025. La difficulté d’instruction des dossiers peut expliquer une partie de cette non‑consommation. En outre, nous recevons de plus en plus de projets d’opérations d’adaptation aux conséquences du changement climatique. Or il existe, en la matière, une inégalité entre les territoires. Marseille, par exemple, cumule deux handicaps face au changement climatique : le fait d’être une commune à la fois littorale et en zone méditerranéenne. Les derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) font état d’une croissance potentiellement forte des besoins d’adaptation, en particulier pour les communes qui cumulent les désavantages. Quelle est votre position en la matière ? Ne faut-il pas plutôt aller vers une augmentation des dispositifs analogue à celui du fonds vert ? Comment les communes pourront-elles lancer des projets ambitieux ? Pour Marseille, le véritable défi serait de mettre le Vieux-Port sur pilotis. Avec quels moyens ?
Par ailleurs, on entend de plus en plus une petite musique selon laquelle la police municipale est une police de proximité. C’est pourtant la police nationale qui doit le redevenir, alors que nous savons dans quelles conditions elle a été démantelée dans ces missions de proximité.
À Marseille, il existe une coopération de plus en plus étroite et puissante entre la police nationale et la police municipale. Comment envisagez-vous la mission de la police nationale à l’avenir ?
M. Didier Le Gac (EPR). Je salue l’écoute du Gouvernement et sa volonté d’apaiser les tensions et d’arrondir certaines mesures de la première mouture du PLF, élaboré en un temps record. Le Gouvernement a fait le choix de faire participer 450 collectivités, à hauteur de 5 milliards d’euros, au redressement des comptes publics – ce qui signifie que toutes les autres voient leur DGF stabilisée. Un choix a été opéré. D’autres étaient possibles. En 2014, alors que j’étais maire, le Gouvernement avait décidé que cette participation serait de 20 % pour toutes les communes. J’ai ainsi vu ma DGF baisser de 20 à 25 % en cinq ans.
Par ailleurs, il semblerait que le Gouvernement envisage d’unifier la DETR et la DSIL. J’y suis opposé. Je sais que le Premier ministre et vous-même êtes pragmatiques. Il ne faut pas toucher à ce qui fonctionne. Or ces dispositifs fonctionnent. Ils sont souples, rapides, à la main du préfet et du sous-préfet. Une commission se prononce une fois par an et, si l’on n’est pas éligible à la DETR, on l’est après à la DSIL et, parfois encore après, au fonds vert. N’allons pas casser ces enveloppes en faisant un « gros machin », avec des critères verts ou que sais-je. Les élus sont pragmatiques.
Enfin, l’infraction de prise illégale d’intérêts n’a pas été abordée. J’espère que cette question sera réglée dans la loi sur le statut de l’élu que nous examinerons en janvier. Certes, il existe des violences verbales et physiques, mais cela reste des cas isolés. Dans mon département, au-delà du tracas administratif, la prise illégale d’intérêts pèse comme une épée de Damoclès au-dessus des élus. C’est leur principale préoccupation. Il faudrait se rapprocher du garde des sceaux pour s’emparer de cette question.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Malgré les récents ajustements annoncés, comme la réduction du prélèvement sur les recettes des départements ou le relèvement du plafond des DMTO, les mesures restent insuffisantes face à la chute de l’épargne nette des départements, que la Banque postale estime à – 59,4 %, et de l’épargne brute des communes, évaluée à
– 20 % par l’AMF. Les annonces ne sont pas à la hauteur des enjeux, de l’urgence et de la gravité de la situation. Elles ne sont que pansements sur une jambe de bois, et ne régleront les problèmes que ponctuellement.
Ces difficultés sont aggravées par l’augmentation des dépenses contraintes et par le mécanisme de prélèvement prévu à l’article 64 du PLF, jugé infantilisant par les élus locaux. Nos collectivités méritent mieux !
Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il pour garantir la viabilité budgétaire des collectivités tout en respectant leur autonomie de gestion ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Dans les zones denses, les communes peuvent majorer la taxe sur les résidences secondaires jusqu’à 60 %, à condition que les bases fiscales ne comportent aucun abattement – contrairement aux anciennes bases de la taxe d’habitation. Autoriser les EPCI à instituer une taxation additionnelle entraînerait une fragilité de l’impôt sur le plan constitutionnel et reviendrait à faire payer deux fois les redevables. En revanche, une des solutions réside dans les attributions de compensation, qui peuvent prendre en compte les recettes perçues par certaines communes de l’EPCI au travers de la majoration.
Monsieur Alexandre, je ne reviens pas sur la ponction de 10 milliards d’euros que j’ai déjà expliquée. Qui plus est, le sujet n’est plus le montant, mais la façon dont l’État peut atteindre un déficit public de 5 %, puis accompagner les collectivités dans une réflexion permettant de limiter leur effort ensuite. Le FCTVA, par exemple, est un premier élément financier. L’objectif est de freiner la dépense, pas de réduire le niveau du service public. Depuis 2023, les dépenses des communes ont progressé de 6 %. Le service aux administrés a‑t-il augmenté à due proportion ? On peut se poser la question. Alors que la dépense publique représente 57 % de la richesse nationale, contre 47 % ailleurs en Europe, je ne suis pas certaine que l’écart soit le même concernant la qualité de service. Par ailleurs, vous avez beaucoup parlé des communes rurales. Dès lors que leur budget est inférieur à 40 millions d’euros, ce qui est le cas pour la grande majorité d’entre elles, les collectivités ne sont pas concernées par le prélèvement.
J’en viens au trait de côte. Celui-ci fait l’objet d’un financement spécifique, au travers de la taxe GEMAPI. Des réflexions sont également conduites concernant le fonds vert. À Marseille, le projet d’investissement « Marseille en grand » fera l’objet d’une réunion interministérielle dans quelques jours. Pour le reste, je partage votre constat. Notre triptyque doit être celui de l’anticipation, de la gestion – à Marseille et plus globalement dans le sud – et de la réparation. À cet égard, il faut mentionner la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC).
S’agissant de la police municipale, vous avez raison : elle n’est pas la police de proximité qui, dans son acception, relevait de la police nationale. En revanche, il est essentiel de mettre en avant le travail effectué par la police municipale, sous l’autorité et sous la responsabilité du maire, qui est officier de police judiciaire (OPJ). Pour autant, même si la complémentarité est importante, il n’y a pas de fusion en tant que telle.
Monsieur Le Gac, vous m’interrogez sur la fusion des fonds. Nous devons réfléchir aux notions de dépôt unique, de priorité et de gain de temps. Nous avons tout l’exercice 2025 pour y travailler.
La notion de conflit entre deux intérêts publics est abordée dans la proposition de loi dite « Gatel » sur le statut de l’élu local. Quand l’élu siège dans un organisme dans lequel il représente sa collectivité, par exemple quand un président d’EPCI est aussi président de l’office du tourisme, j’ai du mal à comprendre comment il pourrait y avoir une prise illégale d’intérêts. Ce sujet pose problème et mérite d’être traité dans le cadre du prochain débat parlementaire sur le statut de l’élu. Un travail a d’ailleurs été conduit avec le garde des sceaux sur ce sujet.
Nous avons allégé la hausse de la cotisation employeur à la CNRACL et repoussé le délai initialement envisagé.
L’État et la sécurité sociale participent aux efforts d’économies, respectivement à hauteur de 20 milliards d’euros et de 15 milliards d’euros. Chacun doit participer à l’effort pour atteindre un déficit public qui revienne à 5 % du produit intérieur brut (PIB).
Mme Violette Spillebout (EPR). Je vous remercie pour l’écoute dont vous faites preuve auprès des parlementaires et des associations depuis votre prise de fonctions. Les sujets avancent.
J’ai été surprise par l’intervention de ma collègue de La France insoumise, Élisa Martin, qui mettait en cause les propositions de loi relative au statut de l’élu – celle de Françoise Gatel au Sénat ou celle que nous avons déposée avec Stéphane Delautrette. Cette dernière est pourtant issue d’un travail conduit dans le cadre d’une mission d’information de six mois, d’écoute des élus, de rencontres avec les associations d’élus et avec des experts issus des universités, notamment celle de Lille. Elle ne sort pas d’un chapeau. Le Gouvernement et les parlementaires en débattront pour aboutir à la proposition la plus large possible. L’attente est forte, en particulier de la part des élus locaux des communes de plus petite taille.
Ces propositions de loi prévoient notamment une revalorisation des indemnités pour répondre à l’insatisfaction des élus locaux. Une telle revalorisation est-elle possible dans le contexte budgétaire que nous connaissons ? En 2025, le PLF prévoira-t-il une enveloppe spécifique pour la revalorisation de l’indemnité des élus des communes de moins de 500 habitants ou des élus d’opposition ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est un sujet qu’il faudra travailler, même si je ne pense pas qu’il sera traité par le budget pour 2025 mais plutôt par celui de l’exercice 2026. Même si aucun élu ne s’engage dans la vie politique locale pour la rémunération, il est logique que le mandat d’élu local fasse l’objet d’une rétribution. Le sujet de la garde d’enfants doit aussi être étudié. Nous ferons des simulations et nous en discuterons, en partant du texte existant. J’ai beaucoup de respect pour le travail que vous avez effectué et nous verrons comment avancer, notamment à partir de vos propositions.
M. Stéphane Delautrette, président. Merci. Il est appréciable d’avoir une ministre qui prend le temps de l’échange et de la précision des réponses.
Notre délégation prendra toute sa part de travail concernant le statut de l’élu.
Par ailleurs, s’agissant du ZAN, une mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur l’artificialisation des sols a été constituée à l’initiative de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation y seront associés.
La séance est levée à 18h20.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Laurent Alexandre, M. Jean-René Cazeneuve, M. Béranger Cernon, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, Mme Fanny Dombre Coste, M. Emmanuel Duplessy, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Tristan Lahais, M. Didier Le Gac, M. Laurent Lhardit, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Nicolas Ray, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Excusés. – M. Gabriel Amard, M. Jean-Michel Brard, M. Pierre Cordier, M. Yoann Gillet, M. Christophe Marion, Mme Sophie Pantel, M. Romain Tonussi.