Compte rendu

Délégation aux droits des enfants

 Audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles   2

 

 Informations relatives à la Délégation.................. 16

 

 Membres présents ou excusés....................... 17

 

 

 

 


Mercredi
4 juin 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 19

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de Mme Perrine
Goulet,
Présidente


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La séance est ouverte à 15 heures

 

Présidence de Mme Perrine Goulet, Présidente de la Délégation

 

La Délégation aux droits des enfants a auditionné Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des familles.

 

Mme la présidente Perrine Goulet. En France, 380 000 enfants bénéficient d’une mesure de protection dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. Ce chiffre a augmenté de manière significative au cours des dix dernières années. Si nous nous félicitons que les violences faites aux enfants soient mieux détectées et prises en compte, nous savons que l’accompagnement qui leur est proposé n’est pas encore à la hauteur.

Ces enfants, souvent profondément marqués, sont confrontés à de nombreuses difficultés. Les traumatismes physiques et mentaux qu’ils ont subis laissent des traces qui leur font perdre en moyenne vingt ans d’espérance de vie. Elles augmentent également le risque de mise à la rue et de mauvaise insertion professionnelle à l’âge adulte. En effet, seulement 12 % de ces enfants obtiennent le bac ou un diplôme d’enseignement supérieur.

Face à ces constats et après un travail de plus d’un an, notre délégation aux droits des enfants a publié, en novembre 2024, une centaine de recommandations d’ordre législatif et réglementaire. Nous les avons envoyées à l’ensemble des acteurs concernés par la protection de l’enfance, et donc à vous, Madame la ministre, puisque vous avez la chance d’être responsable de ce sujet. Nous avons également préparé une proposition de loi, que nous espérons voir inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale au dernier trimestre.

Vous avez d’ores et déjà pris des engagements dans plusieurs domaines. Des décrets ont été publiés et vous avez fait plusieurs annonces. Nous souhaitions donc vous auditionner pour connaître l’état d’avancement de ces projets, évoquer la mise en place des propositions de la délégation et réfléchir à la manière dont nous pourrions travailler ensemble pour mieux accompagner ces enfants fragilisés par la vie.

S’agissant de la prévention des violences faites aux enfants, nous préconisons une refonte de la protection maternelle et infantile (PMI), un renforcement des entretiens pré et postnataux et l’ouverture de maisons des 1 000 premiers jours dans chaque département. Nous aimerions toutefois connaître votre feuille de route, puisque vous êtes chargée à la fois de la santé et de la famille.

Lorsque les enfants entrent dans le dispositif de la protection de l’enfance, beaucoup de placements pourraient être évités en les confiant à leur famille élargie. La loi de 2016, renforcée par celle de 2022, propose d’autres modes d’accueil, comme l’accueil bénévole et durable ou l’accueil par un tiers de confiance. Ils sont malheureusement peu utilisés, comme nous le constatons, y compris dans les histoires personnelles de certains de nos collègues. Au moment de l’évaluation des situations, les travailleurs sociaux n’ont pas le réflexe de rechercher des solutions alternatives, qui sont pourtant prévues par la loi. Serait-il possible de modifier le référentiel d’évaluation de la Haute Autorité de santé, de manière à rendre cette recherche obligatoire ?

Les familles ne se sentent pas toujours capables d’accueillir des enfants polytraumatisés ou n’en ont pas forcément les moyens. Pour cette raison, il serait intéressant de créer un véritable statut pour ces tiers de confiance, qui pourraient bénéficier d’un soutien financier, moral et éducatif de la part des départements et des mêmes droits en matière de couverture maladie et d’enseignement supérieur que pour les enfants placés. Envisagez-vous des évolutions qui iraient dans ce sens ?

Vous avez récemment échangé avec les départements, qui sont les premiers acteurs de la protection de l’enfance. Leur rôle est essentiel, mais nous constatons des difficultés dans la prise en charge des enfants et surtout une hétérogénéité des politiques en fonction des territoires. Envisagez-vous de généraliser les comités départementaux pour la protection de l’enfance, qui font l’objet d’une expérimentation depuis 2022 ? Votre prédécesseur avait commencé à nommer des délégués départementaux à la protection de l’enfance. Ferez-vous en sorte qu’il en existe dans chaque préfecture ?

Concernant les éducateurs, qui s’occupent des enfants au quotidien, nous constatons de fortes disparités selon les départements. Vous avez annoncé la modification du décret de 1974 relatif aux pouponnières. Quand interviendra-t-elle ? Les taux d’encadrement des enfants de plus de trois ans devront également être revus, avec les départements. Les évolutions pourront être étalées dans le temps, mais elles constituent la clé de voûte d’une amélioration de notre politique de protection de l’enfance. Elles sont essentielles à la fois pour garantir un meilleur accueil des enfants et pour renforcer l’attractivité de ces métiers auprès des professionnels, qui, malgré les difficultés, font du mieux qu’ils peuvent.

Enfin, vous avez fait des annonces au sujet de la santé des enfants protégés, notamment la systématisation du bilan psychique et somatique à l’entrée dans l’aide sociale à l’enfance ou la généralisation des parcours de soins coordonnés, comme Pégase ou Santé protégée. Sachant que les premiers retours d’expérience sont encourageants, quand se concrétiseront-elles ?

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Nous sommes le 4 juin, Journée internationale des enfants victimes innocentes de l’agression. Cette date nous rappelle qu’au-delà de nos frontières, comme au cœur de notre République, des enfants subissent encore l’inacceptable.

Je salue les travaux de votre délégation, qui œuvre pour faire progresser les droits des enfants dans notre pays. Vous êtes également nombreux à avoir participé à la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, dont la présidente était Laure Miller et la rapporteure Isabelle Santiago.

Je tiens à souligner votre exigence et votre détermination, alors que la protection de l’enfance traverse une crise structurelle. Nous ne pourrons pas la résoudre avec des solutions partielles. Pour cette raison, j’ai souhaité élaborer un plan de refondation, dont l’objectif est de garantir à chaque enfant un parcours de vie sécurisé et stable. La politique de protection de l’enfance ne peut pas être abordée de manière isolée, car elle croise les responsabilités de l’État, des départements, des professionnels, des familles et de la société tout entière. Cette pluralité d’acteurs est à la fois une chance et une difficulté.

Pour protéger les enfants, nous devons agir dès les premiers mois, dans tous les lieux où ils vivent et grandissent, en misant sur la prévention, le soutien à la parentalité et la qualité de l’accueil. Le meilleur des placements est en effet celui qui n’a pas lieu. En d’autres termes, nous devons tout faire pour que les enfants restent autant que possible dans leur famille.

Les violences faites aux enfants sont un fléau contre lequel nous devons lutter. Qu’elles soient physiques, morales ou sexuelles, elles brisent des vies et laissent des traumatismes durables. C’est pourquoi j’ai confié à Sarah El Haïri, la haute-commissaire à l’enfance, la mission de renforcer les politiques publiques en la matière. J’ai également soutenu la prolongation du mandat de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) jusqu’en octobre 2026. Même si elle intervient après les agressions, ses travaux doivent se poursuivre, parce qu’elle joue un rôle majeur dans la reconnaissance, l’écoute et la réparation. Le gouvernement a d’ailleurs émis un avis favorable sur l’essentiel de ses propositions, notamment la généralisation des cellules de signalement dans les territoires, la formation systématique des professionnels au repérage ou le renforcement de structures comme les unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped).

Garantir la qualité d’accueil dans les crèches constitue un autre chantier important, car nous savons tous que les premières années de la vie sont décisives. Après de nombreuses concertations, le référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant va être diffusé à l’ensemble des acteurs de la petite enfance. Le décret relatif aux autorisations de création, d’extension et de transformation des établissements d’accueil de jeunes enfants et à l’accueil dans les microcrèches a par ailleurs été publié le 2 avril.

Ce texte prévoit un rehaussement du niveau d’encadrement dans les microcrèches. Lors des questions au gouvernement, j’ai plusieurs fois été interrogée à ce sujet. Je le répète une nouvelle fois, nous ne pouvons pas rester sans réagir face à des rapports d’inspection qui demandent un renforcement du cadre réglementaire, au motif que nous mettrions l’emploi en péril. J’ai pris la décision de signer le décret, parce que les enfants accueillis dans les microcrèches sont les mêmes que ceux qui sont accueillis dans des crèches de petite taille. Nous ne pouvons pas accepter que l’encadrement soit moindre dans certains types de structure. Le dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) permettra aux établissements de former leurs personnels pour satisfaire aux nouvelles exigences.

Comme la loi pour le plein emploi l’y autorise, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a réalisé une première mission dans un groupe de crèches privées, La Maison Bleue. Le rapport reste à anonymiser, mais il devrait être publié dans les quinze prochains jours.

La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a également renforcé ses modalités de contrôle, notamment pour vérifier la bonne utilisation des fonds publics. Un décret, qui paraîtra cet été, précisera les futures obligations des gestionnaires de crèches en matière de production de documents comptables. L’objectif est de garantir une transparence totale.

Le décret du 28 avril 2025 prévoit en outre un plan annuel départemental d’inspection et de contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant, avec un renforcement de la coordination locale.

Nous élaborons enfin un nouveau guide sur le référentiel de qualité des missions de contrôle des services de PMI, qui sera diffusé dans les prochaines semaines.

La semaine dernière, j’ai annoncé qu’un décret, qui sortira le 1er juillet, interdira le tabac dans les lieux où se trouvent des enfants, comme les écoles, les parcs et jardins, les places, les abribus ou les installations sportives.

La première ligne en matière de protection de l’enfant reste sa famille. La responsabilité de l’État est de l’accompagner et de ne pas la laisser seule face aux épreuves. C’est dans cet esprit que j’ai confié comme mission prioritaire à la haute-commissaire à l’enfance d’élaborer un plan de soutien à la parentalité. Elle s’appuiera notamment sur les travaux de la commission « Pour nos enfants et nos adolescents : soutenir la parentalité », qui avait été installée en décembre 2023, sous la présidence conjointe d’Hélène Roques et de Serge Hefez. J’ai demandé que ce rapport soit achevé pour la rentrée 2025. Il reposera sur des principes simples : mieux prévenir les ruptures, accompagner les fragilités et valoriser les compétences parentales.

S’agissant du chantier des 1 000 premiers jours, des progrès ont déjà été réalisés, puisque le taux de couverture de l’entretien prénatal précoce est passé de 55 % en 2020 à 64 % en 2024. Les équipes mobiles de pédopsychiatrie périnatale et les équipes médico-psychosociales en maternité ont été renforcées. Plus de 60 % des pères prennent désormais la totalité de leur congé de paternité, dont la durée a été doublée. En outre, la réforme des modes d’accueil du jeune enfant a été lancée, avec la mise en place du service public de la petite enfance. Une nouvelle feuille de route couvrant la période 2025-2027 est en cours de finalisation et sera publiée d’ici juillet. Elle mettra l’accent sur la prévention, la périnatalité et l’accompagnement des familles les plus vulnérables et permettra de répondre aux demandes de l’ensemble des départements. Jusqu’à présent, tous ne bénéficiaient pas de financements.

Certaines familles doivent faire l’objet d’une attention renforcée, au premier rang desquelles les familles monoparentales. Elles représentent aujourd’hui une famille sur quatre, contre moins d’une sur dix dans les années 1970, et sont confrontées à une précarité accrue. Alors que 14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, ce taux est de 36 % pour les parents isolés, qui sont à 83 % des femmes. Cette situation concerne 41 % des enfants mineurs vivant dans une famille monoparentale, contre 16 % de ceux qui vivent dans une famille biparentale.

Je souhaite continuer à travailler avec les parlementaires et les collectivités pour apporter des solutions facilitant la vie quotidienne. Ainsi, j’ai confirmé la mise en place du complément de libre choix du mode de garde pour les enfants âgés de 6 à 12 ans vivant dans des familles monoparentales. Cette mesure prendra effet au 1er septembre 2025.

La parentalité ne peut pas être pensée sans une vigilance accrue face aux usages numériques. Conformément aux souhaits du Président de la République, nous devons sensibiliser les parents aux effets négatifs d’une exposition précoce ou excessive aux écrans (captation de l’attention, contenus inappropriés, cyberharcèlement, conséquences sur le neurodéveloppement, etc.) et les responsabiliser. Nous allons ouvrir un chantier de santé publique à ce sujet et je présenterai prochainement un plan d’action.

Concernant l’aide sociale à l’enfance, le plan de refondation que j’ai évoqué devant la commission d’enquête devrait reposer sur les sept piliers suivants :

               prévenir et éviter le placement chaque fois que possible ;

               offrir un cadre familial et stable à chaque enfant protégé ;

               assurer un accès effectif à la santé physique et mentale ;

               adapter les réponses pour les enfants en situation de double vulnérabilité, notamment ceux en situation de handicap ou de troubles psychiques ;

               garantir l’accès à l’éducation, à la culture et à la citoyenneté ;

               préparer activement la sortie de l’aide sociale à l’enfance et l’entrée dans la vie adulte ;

               refonder la gouvernance pour une politique plus efficace.

Comme je m’y étais engagé devant la commission d’enquête, nous réviserons d’ici fin juillet, en concertation avec Départements de France, le décret de 1974 – encadrant les pouponnières. Le projet de texte sera examiné par le Conseil national d’évaluation des normes le 17 juillet.

À terme, les pouponnières doivent devenir des lieux temporaires de placement. Pour ce qui est des autres établissements d’accueil collectif, nous avons dressé un état des lieux, réalisé les chiffrages et les travaux permettant d’améliorer l’encadrement et l’accompagnement vont être engagés.

Je souhaite que nous développions les modes d’accueil à caractère familial, en élargissant le vivier des assistants familiaux. Lever les freins qui entravent leur engagement passe par l’autorisation du cumul d’activités, notamment pour les personnes issues de la fonction publique, l’amélioration des conditions d’accueil durable ou bénévole, une meilleure reconnaissance des tiers de confiance et une réflexion renouvelée sur l’adoption. Un projet de loi reprenant l’ensemble de ces éléments devrait être déposé à l’automne.

Parallèlement, une expérimentation va être lancée avec les départements du Var et de la Gironde. J’ai rencontré le président du conseil départemental de Gironde il y a trois semaines et je rencontrerai le président du conseil départemental du Var le 20 juin.

Nous renforçons par ailleurs les actions de prévention et les contrôles. Une première pierre avait été posée par une instruction de juillet 2024, mais des travaux complémentaires sont en cours pour identifier les mesures à consolider d’ici la fin de l’année. Parmi les leviers envisagés figure l’information systématique du président du conseil départemental en cas de placement hors département. J’ai travaillé avec Départements de France sur le sujet et les modalités seront précisées dans le projet de loi.

La justice est également mobilisée. Le garde des sceaux va demander aux procureurs de garantir des contrôles plus fluides et plus réactifs. Par ailleurs, avec le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, nous avons confié une mission à la procureure générale Dominique Laurens, afin de renforcer la coordination des unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger sur l’ensemble des territoires. Au moment où nous allons les généraliser, il nous a semblé logique d’appliquer partout le même modèle.

Mon engagement est total pour garantir la santé des enfants protégés. Avec Yannick Neuder, nous engagerons, dès 2026, la généralisation des enseignements tirés des expérimentations Pégase et Santé protégée, ainsi que la systématisation des bilans de santé à l’entrée dans l’aide sociale à l’enfance, en mobilisant notamment les centres d’appui à l’enfance.

J’assisterai demain, à Marseille, à la présentation des résultats de l’expérimentation Pégase, qui a été menée dans treize départements entre 2019 et 2024. Elle a concerné 2 500 enfants de la naissance à 7 ans. Le bilan est positif, ce qui justifie notre choix de généraliser le dispositif.

Je travaille aussi avec Charlotte Parmentier-Lecocq pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques des enfants en situation de double vulnérabilité, en mobilisant l’ensemble des 50 000 solutions prévues à cette fin.

Mon engagement est tout aussi fort pour garantir aux mineurs protégés un véritable accès à l’autonomie et à l’insertion sociale et professionnelle. Avec la ministre Élisabeth Borne, nous portons une attention particulière à leur scolarité. Je salue également les entreprises qui s’engagent en leur faveur. Des avancées sont d’ailleurs prévues dans ce domaine. Avec Mme Astrid Panosyan-Bouvet, nous lançons un chantier visant à structurer et à soutenir cette dynamique, grâce à la mobilisation de France Travail et des missions locales, au renforcement du parrainage et du mentorat et à la valorisation de toutes les initiatives qui permettent à ces jeunes de se projeter dans un avenir choisi et non subi.

Toutes les composantes de mon ministère sont mobilisées, car nous ne pouvons réaliser cette transformation globale qu’ensemble.

Depuis sa mise en œuvre en septembre 2024, dans six départements pilotes, le dispositif d’honorabilité prévu par la loi Taquet a permis d’identifier 435 profils à risque sur 93 000 demandes de contrôle. Il a été étendu à vingt-trois nouveaux départements en mars et sera généralisé à l’automne.

Nous ne pourrons pas tenir tous ces engagements – ni prévenir, ni protéger, ni accompagner – sans les femmes et les hommes qui font vivre la protection de l’enfance au quotidien : assistants familiaux, éducateurs, auxiliaires de puériculture, professionnels de la petite enfance, etc. Ils sont les piliers de notre système. Pour cette raison, nous devons renforcer l’attractivité des métiers du social, du médico-social et de la petite enfance.

Pour mieux reconnaître le rôle des assistants familiaux, le diplôme d’État a été revalorisé au niveau 4 et la capacité de formation a été doublée, conformément au décret du 1er avril 2025. Plusieurs mesures législatives sont par ailleurs en préparation, afin de permettre, dans certaines conditions, le cumul du métier d’assistant familial avec une autre activité, de reconnaître un véritable droit au répit, indispensable pour prévenir l’épuisement et garantir la continuité de l’accueil, de simplifier les normes applicables à l’accueil en famille, pour gagner en lisibilité sans perdre en exigence, et de réinterroger les modalités d’indemnisation, y compris dans les cas d’accueil durable ou bénévole.

Nous devons également mieux former et accompagner les professionnels de la petite enfance, car les difficultés de recrutement sont un frein majeur à la création et parfois au maintien de places en crèche. J’ai donc engagé une série de chantiers pour répondre à l’urgence et faciliter la transformation du secteur. Deux leviers principaux ont été activés. Le premier concerne la création d’un nouveau titre professionnel de niveau 4, accessible en formation initiale et par validation des acquis de l’expérience dès l’automne. Ce titre viendra enrichir l’offre de certification et sera intégré au diplôme de catégorie 1. Le second permet aux titulaires du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) Accompagnant éducatif petite enfance d’accéder à la VAE pour devenir auxiliaire de puériculture. La validation partielle sera possible lorsque les blocs de compétences, sauf le bloc sanitaire, sont acquis. Les personnes pourront ensuite compléter leur formation de manière ciblée en vue d’obtenir le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture ou s’orienter vers le nouveau titre professionnel de niveau 4.

En conclusion, la protection des enfants est l’un des grands combats de notre temps. Elle touche à l’essentiel, c’est-à-dire à l’avenir de celles et ceux qui ne peuvent pas encore se défendre seuls. Nous devons reconstruire un pacte républicain autour de nos enfants. Je pense à ces mots de Graham Green, qui résonnent encore avec justesse : « il y a toujours, dans notre enfance, un moment où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir ».

Mme la présidente Perrine Goulet. Vous avez, dans votre propos liminaire, repris beaucoup de travaux menés par cette délégation. Nous serons donc à vos côtés pour défendre le projet de loi que vous présenterez à l’automne et enfin avancer sur les propositions que nous avons faites il y a quelques mois.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Caroline Parmentier (RN). Il est scandaleux et inédit de n’avoir aucun ministre ou secrétaire d’État spécifiquement dédié à l’enfance dans notre pays. Votre ministère qui va du travail à la santé, en passant par la solidarité et les familles, est un vaste fourre-tout qui ne peut pas s’attaquer à la politique catastrophique de l’enfance en France. Toutes les auditions que nous avons menées avec ma collègue Béatrice Piron, dans le cadre de notre récente mission parlementaire sur la pauvreté infantile, ont souligné l’incongruité de cette situation.

Quant à la haute-commissaire nommée par Emmanuel Macron, Sarah El Haïri, elle bénéficie d’un poste honorifique réservé aux amis, après avoir été battue aux élections législatives. Elle vient d’ailleurs d’annoncer qu’elle briguerait la mairie de Nantes en 2026. Il ne s’agit pas d’une petite commune. Par conséquent, les enfants attendront !

Lorsque je vous ai interpellée à ce sujet dans l’hémicycle, vous m’avez répondu qu’un ministère de l’enfance coûtait cher. Cette réponse ne peut pas nous satisfaire, non seulement parce que des économies pourraient être réalisées dans beaucoup d’autres domaines plutôt que sur le dos des enfants, mais aussi parce qu’une haute-commissaire coûte aussi cher qu’un ministre, surtout si elle ne fait rien.

Cette carence gouvernementale est d’autant plus criante que se multiplient les drames et les scandales, comme ceux de l’aide sociale à l’enfance ou celui des crèches. Des enfants dorment dans la rue et nous constatons des défaillances graves dans les secteurs qui touchent à la défense et à la protection de l’enfance. Il est très loin le temps où le président Macron promettait de faire de l’enfance une grande cause nationale.

Le rapport parlementaire sur la pauvreté infantile que nous avons rédigé après six mois d’auditions et de déplacements sur le terrain – que je vous ai remis – dénonce le fait que toutes les structures d’accueil et les dispositifs d’aide sont saturés par une immigration illégale, qui est hors de contrôle.

Les associations telles que la Croix-Rouge, les Restos du Cœur, le Secours populaire ou les Apprentis d’Auteuil consacrent leur temps à trouver des papiers et des aides à des personnes entrées clandestinement sur le territoire français. Est-ce leur rôle ? Que comptez-vous faire face à cette situation catastrophique, que toutes nos auditions ont confirmée ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous manquons malheureusement de données sur la santé mentale des jeunes placés à l’aide sociale à l’enfance. Néanmoins, on estime que près d’un jeune sur deux souffre d’un trouble psychologique ou psychique. Dans la plupart des cas, leur suivi est inexistant. En 2022, une étude de l’Observatoire national de la protection de l’enfance indiquait que près de 40 % d’entre eux n’avaient jamais bénéficié d’une prise en charge psychologique ou psychiatrique et que, lorsqu’elle existait, les professionnels de santé fonctionnaient en silo et ne communiquaient pas suffisamment entre eux.

Le rapport que nous avons élaboré, avec Sandrine Rousseau, sur les urgences psychiatriques identifie différents éléments qui peuvent expliquer cette situation, dont le manque récurrent de pédopsychiatres ou les difficultés d’accès à des structures comme les centres médico-psychologiques (CMP).

Les enfants faisant l’objet d’une mesure de placement représentent la moitié des adolescents hospitalisés à temps complet, en particulier pour des troubles du comportement et des syndromes dépressifs. L’organisation du suivi des enfants protégés et la coordination des intervenants sont donc essentielles.

Le 19 février, devant la commission d’enquête, vous aviez indiqué qu’il était nécessaire de mener une évaluation psychologique à l’entrée dans l’aide sociale à l’enfance, afin d’assurer les soins et la prise en charge de la manière la plus adaptée possible. Pour concrétiser cette annonce, vous deviez lancer dès ce semestre un appel à projets dans cinq départements. Qu’en est-il ?

Mme Isabelle Santiago (SOC). Votre propos était très complet et je vous en remercie. Vous avez évoqué des sujets qui étaient attendus de longue date. Dans le cadre de la commission d’enquête, puis des travaux qui se sont poursuivis après cette dernière, nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’échanger, y compris avec votre cabinet et vos services. Bien qu’étant socialiste, je reconnais qu’il y a désormais un pilote dans l’avion et je m’en réjouis.

Néanmoins, nous manquons encore de visibilité. J’ai pu constater, lors du tour de France que j’ai effectué avec la commission d’enquête, jusque dans les outre-mer, que le message ne passe pas, que ce soit dans les services de l’État, les départements ou les associations. Tout le monde a pris la mesure du rapport et reconnaît qu’il y a un avant et un après, même les présidents de tribunaux, mais il faut trouver des traductions concrètes. L’attente est très forte.

Par ailleurs, la note qui évalue le coût des normes à 5 milliards d’euros et freine la décision est inacceptable. On ne peut pas chercher à valoriser les métiers du médico-social et autoriser les pires conditions de travail qui soient, c’est-à-dire l’absence de collègues. En outre, la présence auprès des enfants doit être renforcée. L’administration de l’État a tort d’aborder la situation comme elle le fait. Elle défend, y compris auprès du ministère, une vision qui est fausse.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Vous pourrez compter sur notre groupe pour soutenir toutes les mesures permettant d’améliorer la situation des enfants accompagnés par l’aide sociale à l’enfance et celle de tous les enfants en France. Notre société doit réfléchir à la manière de prendre en compte cette enfance, alors que 3 000 enfants dorment à la rue et que la pédopsychiatrie est totalement délaissée dans les départements.

Au cours du dernier mois, j’ai reçu de nombreuses alertes de pédopsychiatres qui n’arrivent plus à faire face aux besoins. Ce n’est même plus un cri d’alarme qu’ils lancent. Des jeunes filles de 12, 13 ou 14 ans se suicident ou tentent de le faire de manière très violente, par des défenestrations, des mises en danger devant des trains ou des pendaisons. Nous n’étions pas confrontés à de tels actes jusqu’à présent. Notre enfance et notre jeunesse sont dans un état déplorable, qui nécessite que l’ensemble de notre société se mobilise. Pour le moment, ce n’est malheureusement pas le cas.

Lors du procès de Joël Le Scouarnec, nous avons pu constater que certains professionnels de santé ne comprenaient toujours pas qu’ils auraient pu – qu’ils auraient dû – faire beaucoup plus pour dénoncer les violences sexuelles commises sur les enfants. Les signalements doivent avoir des suites. Dans cette affaire, l’Ordre des médecins a été totalement défaillant.

Toute la société doit s’engager. Au-delà du travail que nous pouvons réaliser en commun et du soutien que nous vous apporterons dans la prise en compte de ces sujets, nous aurons besoin d’engagements financiers dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et le projet de loi de finances (PLF). Qu’est-il prévu en ce sens ?

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Le rapport de la Cour des comptes de 2023 est sans appel concernant la santé mentale des mineurs. En effet, 1,6 million d’enfants et d’adolescents souffrent de troubles psychiques. Leur augmentation entre 2017 et 2023 est particulièrement préoccupante, puisqu’elle atteint 70 % chez les 10-14 ans et 46 % chez les 15-20 ans.

Avec ma collègue Anne Stambach-Terrenoir, nous menons une mission d’information sur la santé mentale des mineurs et nous rendrons notre rapport dans quelques semaines. Les constats sont préoccupants.

La psychiatrie, et plus encore la pédopsychiatrie, est le parent pauvre de la médecine. Le nombre de pédopsychiatres est en chute libre. Pour rendre cette spécialité attractive, il faudrait notamment revaloriser les consultations, dont les tarifs sont très inférieurs à ceux pratiqués chez nos voisins européens.

L’absence de gradation dans les soins en santé mentale est également un problème fréquemment évoqué au cours de nos auditions. Les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles sont saturés. Pour optimiser la prise en charge, la première consultation devrait pouvoir être assurée par des médecins généralistes ou des pédiatres, s’ils étaient formés à la santé mentale. Ils pourraient travailler avec les psychologues, qui auraient un rôle d’orientation vers les centres.

Renforcer la prévention est urgent. Le milieu scolaire est clé pour le repérage précoce des troubles psychiques, mais il souffre d’une pénurie alarmante de médecins scolaires. Ils ne sont que sept en Moselle, alors que le département compte 1 million d’habitants. La pénurie touche également les psychologues et infirmiers scolaires. Cette tension sur les ressources humaines fragilise notre capacité à intervenir à temps. La situation est comparable s’agissant de la périnatalité, qui est pourtant une période décisive dans la construction de la santé mentale des enfants.

Les écrans constituent par ailleurs un véritable fléau, accentué depuis la crise du covid et le confinement.

 Face à ces constats alarmants, comment percevez-vous la santé mentale des mineurs et quelle place entendez-vous lui réserver au sein de votre politique de l’enfance ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Toutes vos questions démontrent l’intérêt d’un ministère comme le mien. Ce n’est pas un fourre-tout. Il a, au contraire, l’immense avantage de pouvoir articuler des politiques en matière de santé, de famille et de travail et d’aborder les sujets dans toutes leurs dimensions.

Madame Colin-Oesterlé, vous indiquiez à juste titre que les généralistes pourraient jouer un rôle de relai dans la prise en charge en santé mentale des enfants, s’ils étaient formés. Nous menons justement ce travail avec Yannick Neuder.

Nous sommes confrontés à un problème de formation des généralistes, mais surtout de formation des médecins en général. Nous connaissons tous l’historique. Depuis 1995, qui est l’année où le moins de médecins ont été formés, nous remontons la pente. Le chemin est cependant très long, car dix ans sont nécessaires pour former un médecin. Il faut en outre que les internes choisissent certaines spécialités, comme la psychiatrie ou la pédopsychiatrie. Je reconnais que cette dernière ne fait pas le plein. C’est également le cas de la gynéco-obstétrique et des autres spécialités qui s’accompagnent de gardes, et donc de sujétions supplémentaires.

M. Bonnet a évoqué les alertes des pédopsychiatres. Nous devons en effet renforcer la prise en charge des enfants, notamment de ceux qui ont des traumatismes lourds. Pour cette raison, j’ai décidé de soutenir le projet du professeur Gréco. Avec Isabelle Santiago et Perrine Goulet, nous avons assisté, il y a quelques jours, à la pose de la première pierre du centre qui ouvrira à Paris, dans le 12e arrondissement. La prise en charge y sera à la fois psychiatrique, sanitaire et scolaire. Elle couvrira tous les besoins de l’enfant.

Pour répondre à Mme Dubré-Chirat, nous avons la volonté, avec Céline Gréco, d’ouvrir d’autres centres. Le premier sera à Paris, mais des projets existent en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), en Nouvelle-Aquitaine – plus précisément en Gironde – et dans les Hauts-de-France. Ces structures permettent des prises en charge globales, qui correspondent aux besoins exprimés par tous les professionnels. Au-delà de la participation de l’État, elles s’appuient en outre sur une participation importante d’entreprises et de mécènes.

Monsieur Bonnet, j’ai noté avec intérêt votre commentaire, que je partage, concernant l’Ordre des médecins. Il doit se saisir de ces sujets et notamment de la question du signalement des professionnels de santé, qui a été soulevée par le procès Le Scouarnec. Des associations demandent que les directeurs d’hôpitaux puissent prononcer la mise à pied des professionnels concernés. En tout cas, nous devons revoir la procédure disciplinaire applicable aux médecins. Je n’ai pas à me prononcer concernant les aspects judiciaires, mais des enseignements qui relèvent des domaines dont j’ai la responsabilité peuvent être tirés. Je souhaite que nous y travaillions, avec le ministre délégué.

Madame Santiago, votre rapport n’a même pas quatre mois, puisque nous sommes début juin et qu’il a été publié début avril. C’est encore un nouveau-né, si je puis dire ! Je comprends néanmoins le besoin de visibilité que vous avez exprimé.

Madame la députée Parmentier, j’ai signé plus de décrets en cinq mois que certains de mes prédécesseurs en plusieurs années. C’est un indicateur qu’il est intéressant de suivre. L’enfance fait partie de mon portefeuille et je travaille sur le sujet, en tant que ministre. Vous pouvez considérer que je n’en fais pas assez, mais la parution de tous ces textes n’est pas neutre. Quant à la haute-commissaire, elle a une feuille de route. Ma responsabilité sera de contrôler son action et, si elle ne remplit pas sa mission, d’en informer celles et ceux qui l’ont nommée. Je ne doute pas que vous serez vigilante et que vous ne manquerez pas de m’alerter en cas de besoin. Pour le moment, laissons-lui néanmoins le temps de s’installer !

S’agissant des écrans, j’annoncerai prochainement leur interdiction pour les enfants jusqu’à 3 ans. Cette mesure me semble indispensable. Nous n’irons pas vérifier ce qui se passe dans chaque maison, mais énoncer une telle règle donne des repères. Les enfants de moins de 3 ans n’ont pas à être exposés à des écrans et, entre 3 et 6 ans, ils ne doivent pas l’être sans accompagnement. Je crois que c’est Laure Miller qui faisait cette analogie, en disant que personne ne laisserait quelqu’un entrer chez soi et aller dans la chambre de son enfant sans surveillance. Or laisser un enfant seul devant un écran revient à cela ! Nous devons donc lutter contre de telles pratiques, en les interdisant pour les très jeunes, puis en les encadrant.

Concernant les structures d’accueil d’urgence et le commentaire que vous avez fait à propos des étrangers, je n’imagine pas que quelqu’un, quelle que soit sa nationalité, puisse être laissé à la rue avec un enfant. Nous savons que dans certaines maternités, les durées moyennes de séjour peuvent être plus élevées. Que ces femmes soient entrées légalement dans notre pays ou non, le moment de l’accouchement – qui arrive parfois plus vite que prévu – nécessite un accompagnement spécifique. Cela n’empêche pas de prendre ensuite des mesures en fonction de leur situation. Si elles ne respectent pas les conditions pour rester en France, elles doivent repartir, comme le prévoit la loi.

Pour ce qui est du coût des normes, qui a été évoqué par Mme Santiago, j’avais expliqué à la commission d’enquête que je commençais par les pouponnières et que je prendrais ensuite d’autres mesures. Dans le contexte financier actuel, vous vous doutez bien que je ne peux pas doubler le budget du jour au lendemain, ce qui rejoint d’ailleurs la question relative aux engagements financiers. Nous devons avancer par étapes.

À terme, mon objectif est que les pouponnières soient des sas d’accueil d’urgence, dans l’attente d’un autre mode de garde. Je souhaite limiter l’accueil collectif dans les maisons d’enfants à caractère social (Mecs), car nous savons tous que l’accueil familial est la meilleure des solutions.

Mme la présidente Perrine Goulet. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Béatrice Roullaud (RN). J’ai relevé beaucoup de points positifs dans vos propos, comme la création des Uaped. J’ai eu la chance de les découvrir à Meaux, lorsque des personnes de l’Uaped d’Orléans sont venues expliquer l’intérêt de ces structures. Si vous en ouvrez une dans chaque département, je serai la première à applaudir. Ce que vous avez annoncé concernant les tiers de confiance correspond aussi au programme de Marine Le Pen. Enfin, la révision du décret sur les pouponnières est très importante pour lutter contre l’hospitalisme.

Toutefois, certains points qui me paraissent essentiels ne me semblent pas avoir été abordés, peut-être faute de temps. Beaucoup d’enfants maltraités ne font pas l’objet d’un signalement ou les signalements ne parviennent pas au procureur.

En Seine-et-Marne, le petit Bastien avait fait l’objet de neuf signalements et de trois informations préoccupantes. Pourtant, après avoir subi beaucoup de maltraitance, il s’est retrouvé dans une machine à laver, à l’âge de 3 ans, et en est mort. Le sujet est très important pour moi et je pourrais vous citer beaucoup de cas comme celui-là.

J’étais vice-présidente de la commission d’enquête et je n’ai rien entendu à propos du droit de visite réclamé par les associations dans les lieux où se trouvent les enfants, comme les établissements médico-sociaux ou éventuellement les crèches. Je n’ai rien entendu non plus à propos de la présence de l’avocat dans les instances civiles et pénales, et non seulement dans les procédures d’assistance éducative. Récemment, à Meaux, une mère maltraitante était accompagnée de son avocat, alors que l’enfant maltraité n’en avait pas pour exprimer sa souffrance.

Mme Christine Le Nabour (EPR). La délégation aux droits des enfants a récemment souligné l’importance d’un accompagnement renforcé des familles, afin d’assurer le bien-être de l’enfant au cours des premières années de sa vie et de permettre son développement optimal. Dans cette perspective, elle a proposé une réforme du congé parental, qui serait allongé à un an avec une rémunération à hauteur de 60 % du salaire et qui ouvrirait droit à des points de retraite. Que pensez-vous de cette mesure ? Estimez-vous qu’un tel dispositif pourrait contribuer à réduire les inégalités sociales et à améliorer l’égalité des chances dès la naissance ? Votre ministère envisage-t-il de le mettre en œuvre ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Vous avez annoncé une révision du décret fixant le taux d’encadrement dans les pouponnières. Cette évolution est positive, mais elle doit concerner tous les lieux accueillant des enfants placés, dont les foyers par exemple. Il n’est pas normal que les exigences y soient moindres que dans les crèches, centres de loisirs ou colonies de vacances. Comptez-vous prendre en compte l’ensemble de ces structures ?

Par ailleurs, revoir la place de l’avocat pourrait être une réforme fondamentale, une de ces réformes dominos capables de tout changer pour les enfants placés. Or le changement ne peut pas intervenir par voie législative, mais uniquement par voie réglementaire.

Pour se développer, un enfant a besoin d’avoir des liens d’attachement durables et solides avec un adulte de référence. Dans la plupart des cas, il s’agit des parents – et c’est très bien ainsi –, mais pour les enfants placés, qui ont affaire à des adultes qui changent souvent et qui sont parfois défaillants, nous pensons que l’avocat pourrait offrir cette stabilité et surtout cette protection des droits qui est essentielle.

Actuellement, un enfant qui commet des actes de délinquance a un avocat commis d’office, ce qui n’est pas le cas d’un enfant qui se voit appliquer des mesures administratives ou de justice et entre dans le système de la protection de l’enfance. Quelle est votre position à ce sujet ?

Mme Marine Hamelet (RN). J’ai écouté votre intervention avec attention. J’ai noté les mesures que vous souhaitez mettre en œuvre à la suite du rapport qui vous a été remis, notamment concernant les pouponnières et le contrôle des familles d’accueil. Nous verrons si elles se concrétisent.

En revanche, vous n’avez pas évoqué les placements abusifs, alors que de nombreuses études montrent qu’environ 80 % des placements le sont. Vous n’avez pas non plus abordé la question de la prostitution, qui touche environ 20 000 jeunes de l’aide sociale à l’enfance. Comme beaucoup sont des jeunes filles de 13 à 15 ans, les faits relèvent de la pédocriminalité. Le cas échéant, quelles mesures avez-vous prévues de mettre en œuvre dans ces deux domaines ?

M. Philippe Fait (EPR). Depuis le début de mon mandat, je travaille avec des parents, principalement des mères, et des associations œuvrant dans le champ des droits de l’enfant pour rédiger une proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes ou covictimes de violences intrafamiliales.

Trop souvent, des enfants se voient imposer de retourner vivre chez le parent soupçonné de violence, tandis que le parent qui tente de les préserver s’expose à des poursuites judiciaires. Ce décalage entre les situations vécues et les réponses institutionnelles doit cesser.

En outre, les violences subies par les enfants ne sont pas toutes physiques. L’exposition précoce, massive et non encadrée aux écrans, notamment aux réseaux sociaux, constitue une forme silencieuse de mise en danger (manque de sommeil, isolement, sédentarité, perte de confiance, troubles de l’estime de soi, hypersexualisation, surpoids, etc.). Les effets délétères sont bien connus, mais trop peu régulés. Plus grave, selon plusieurs études, un enfant sur deux aurait été exposé à des contenus pornographiques avant l’âge de 10 ans. Ce chiffre doit nous alerter.

Alors que la santé mentale a été décrétée grande cause nationale en 2024, ces sujets doivent devenir prioritaires. Même si vous avez déjà en partie répondu à cette question, quelles mesures le gouvernement entend-il mettre en œuvre ?

Certes, nous ne pouvons pas entrer dans les maisons, mais je m’interroge sur les contenus qui sont proposés à nos enfants sur les plateformes et dans les jeux vidéo. Le jeu le plus vendu dans le monde prône la violence. Bien qu’interdit aux moins de 18 ans, il est accessible à tous. Au-delà de la question de forme, se pose donc une question de fond.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Pour répondre à Mme Le Nabour, des engagements ont été pris l’année dernière par le Président de la République au sujet du congé parental. Nous ne le porterons pas à un an, pour des raisons financières et pour des raisons d’employabilité. En effet, certaines femmes veulent rester avec leurs enfants, mais d’autres souhaitent avant tout articuler leur vie familiale et leur vie professionnelle.

Nous souhaitons proposer un dispositif suffisamment attractif du point de vue financier – qui correspondrait à un pourcentage du salaire et non aux 450 euros de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare) – pour permettre un vrai choix. Le schéma sur lequel nous travaillons permettrait une alternance entre la mère et le père, chacun pouvant par exemple prendre un mois. Si la mère était la seule concernée, il pourrait y avoir une dégressivité, car nous voulons préserver l’employabilité et le retour vers l’emploi.

Notre objectif est de présenter ce congé de naissance dans le cadre de la loi de finances pour 2026. Si nous sommes encore au gouvernement à ce moment-là, nous aurons donc l’occasion d’échanger à ce sujet. Compte tenu du contexte actuel en matière de retraites, cette dimension n’a pas été prise en compte. Le dispositif pourra toutefois évoluer en fonction des propositions des parlementaires.

Les employeurs aimeraient avoir la possibilité d’échanger avec les femmes qui partent en congé de maternité, pour avoir une idée de la manière dont elles envisagent leur retour dans l’entreprise. Ce serait une marque de respect vis-à-vis du poste occupé et cela permettrait de mieux s’organiser, sans attendre le dernier moment. J’aimerais qu’une réflexion puisse être engagée à ce sujet.

Madame Hamelet, la prostitution des mineurs est un sujet très important. Selon les chiffres dont je dispose, entre 6 000 et 10 000 mineurs seraient victimes d’exploitation sexuelle, ce qui est énorme. La loi de finances pour 2025 a accordé 6,2 millions d’euros supplémentaires au déploiement d’un plan de lutte contre la prostitution des mineurs. Ces crédits sont nouveaux et n’existaient pas en 2024.

Le dispositif concerne les enfants de l’aide sociale à l’enfance, mais pas seulement. Il prévoit notamment des maraudes numériques pour identifier les prédateurs et faire cesser leurs agissements, ce qui répond un peu à la question de M. Fait. Nous travaillons également au niveau associatif et institutionnel pour développer des lieux d’accueil et de prise en charge permettant d’éloigner les victimes.

Le pilotage local de la lutte contre l’exploitation des mineurs doit être confié aux commissions départementales de lutte contre la prostitution, afin d’assurer une meilleure coordination.

Un projet de décret est en cours d’examen par le Conseil d’État, parce que le code de l’action sociale et des familles doit être modifié pour déplacer les enfants mineurs – qu’ils relèvent ou non de l’aide sociale à l’enfance – qui seraient concernés.

Le sujet des avocats est ancien. Il avait notamment été évoqué par Adrien Taquet. Pour aller vite, je pourrais vous répondre qu’il relève de la justice. Il me semble néanmoins qu’il mérite d’être approfondi. Nous devons essayer de multiplier les référents. Il peut s’agir d’un avocat, mais aussi de tiers de confiance mieux valorisés et éventuellement rémunérés. Je suis ouverte à toutes les solutions, car je considère, comme vous, que ce rôle est essentiel. D’autres initiatives ont existé, comme les administrateurs ad hoc ou des missions confiées à des collaborateurs d’entreprises. Sans parler de formation, il faut toutefois que les personnes concernées aient conscience de l’importance de l’engagement qu’elles prennent et du fait qu’il s’inscrit dans la durée. Un tel engagement ne s’improvise pas.

Concernant les signalements, nous travaillons avec les départements et avec la justice pour mieux les formaliser. Nous devons progresser dans ce domaine.

Pour ce qui est du droit de visite, notamment dans les Mecs, nous ne l’avons pas envisagé, mais nous pourrons l’étudier.

Mme la présidente Perrine Goulet. Il est compliqué d’envisager un droit de visite, car ce ne sont pas des lieux de privation de liberté. C’est la raison pour laquelle nous avions rejeté le texte qui prévoyait sa mise en place.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je suis prête à étudier le sujet, mais je ne peux pas vous apporter de réponse maintenant. En effet, ces structures sont loin d’être des lieux de privation de liberté.

Pour ce qui est des signalements, nous disposons d’un outil intéressant, le 119. Nous ne devons pas hésiter à le relayer. J’ai rencontré les équipes avec la présidente de La Voix De L’Enfant et nous avons renforcé les moyens qui leur sont alloués. Nous ne devons pas non plus sous-estimer le rôle que peut jouer l’éducation nationale dans ce domaine.

Mme la présidente Perrine Goulet. Je vous remercie pour toutes les réponses que vous nous avez apportées.

 

La séance est levée à 16 heures 04

 

 

Ces débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/o6GOzZ

 

 

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Informations relatives à la Délégation

 

La Délégation a désigné M. Philippe Fait, membre de la Délégation aux droits des enfants, député du Pas-de-Calais et Mme Isabelle Santiago, vice-présidente, députée du Val-de-Marne, rapporteurs sur la mission d’information relative à la prise en charge de l’autisme.

 

 

 


 

Membres présents ou excusés

 

 

Présents. - M. Arnaud Bonnet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Fait, Mme Perrine Goulet, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Marine Hamelet, Mme Christine Le Nabour, Mme Julie Ozenne, Mme Caroline Parmentier, Mme Béatrice Roullaud, Mme Isabelle Santiago.

 

Excusés. - M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Piron.