Compte rendu

Commission d’enquête
sur les manquements
des politiques publiques
de protection de l’enfance
 

– Table ronde, ouverte à la presse, sur les familles d’accueil, réunissant :

- M. Bruno Roy, président de l’Association nationale des assistants maternels, assistants et accueillants familiaux (Anamaaf)

- Mme Cathy Blanc-Chardan, présidente de l’Association nationale des placements familiaux (ANPF)

- Mme Sonia Mazel-Bourdois, présidente de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l’enfance (Fnaf-PE), et Mme Lydie Servonnat, viceprésidente de la Fnaf-PE

- M. Thierry Herrant, chargé de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam), M. Steeve Penin, assistant familial dans le département du Nord, membre du bureau de l’Ufnafaam, et Mme Amilie Gadel, assistante familiale dans le département de Haute-Savoie               2

– Présences en réunion................................20

 


Mardi
3 décembre 2024

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
Mme Laure Miller,
présidente

 


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La séance est ouverte à dix-huit heures vingt.

La Commission procède à la table ronde, ouverte à la presse, sur les familles d’accueil réunissant :

 M. Bruno Roy, président de l’Association nationale des assistants maternels, assistants et accueillants familiaux (Anamaaf) ;

 Mme Cathy Blanc-Chardan, présidente de l’Association nationale des placements familiaux (ANPF) ;

 Mme Sonia Mazel-Bourdois, présidente de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l’enfance (Fnaf-PE), et Mme Lydie Servonnat, vice-présidente de la Fnaf-PE ;

 M. Thierry Herrant, chargé de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam), M. Steeve Penin, assistant familial dans le département du Nord, membre du bureau de l’Ufnafaam, et Mme Amilie Gadel, assistante familiale dans le département de Haute-Savoie.

Mme la présidente Laure Miller. D’après une enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) de mars 2024, 60 100 enfants ou jeunes adultes de moins de 21 ans vivaient principalement en famille d’accueil en 2019 en France métropolitaine, la région des Hauts-de-France concentrant à elle seule un sixième des enfants dans cette situation.

L’accueil au sein d’une famille d’accueil peut être plus adapté aux besoins et à l’épanouissement des enfants qu’un accueil en structure collective. Il constitue une solution alternative intéressante aux placements en foyer. Cependant, les effectifs d’assistants familiaux diminuent chaque année depuis 2017, un déclin démographique qui devrait se poursuivre dans les années qui viennent en raison du vieillissement de la profession et du manque de renouvellement. Pour améliorer l’attractivité de cette profession, la loi relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, a prévu la hausse des rémunérations et des indemnisations des assistants familiaux.

La création d’une base nationale de recensement des agréments, gérée par le groupement d’intérêt public (GIP) « France Enfance protégée », était une autre mesure particulièrement utile de cette loi. Le procès de Châteauroux qui s’est ouvert en octobre a en effet révélé que des assistants familiaux ont pu accueillir des enfants sans disposer d’un agrément. Identifiez-vous, dans le suivi et le contrôle des familles d’accueil, des lacunes ayant pu mener à de tels drames ?

Je précise que cette audition est retransmise en direct sur le site internet de l’Assemblée nationale. Avant de vous laisser la parole, je vous demande, en vertu de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Bruno Roy, Mmes Cathy Blanc-Chardan, Sonia Mazel-Bourdois et Lydie Servonnat, M. Thierry Herrant, Mme Amilie Gadel et M. Steeve Penin prêtent successivement serment.)

M. Thierry Herrant, chargé de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam). J’orienterai mon propos liminaire sur l’intérêt et les besoins fondamentaux des enfants. L’Ufnafaam a identifié trois grands manquements qui doivent être comblés pour sortir de cette crise par le haut.

Le premier manquement est l’absence de vision ambitieuse et partagée concernant l’accueil familial en France, alors que l’intérêt de l’enfant commande de privilégier ce mode d’accueil. L’article 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant prône en effet le placement en famille d’accueil plutôt qu’en foyer, tandis que le dernier avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) voit le nombre de familles d’accueil comme un indicateur d’efficacité d’une future stratégie interministérielle. De telles recommandations officielles sont nombreuses ; pourtant, nous faisons l’inverse. La part de l’accueil familial dans le total des placements ne cesse de diminuer et les chiffres du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) pour 2024, qui seront publiés prochainement, confirmeront cette tendance. Il s’agit d’un angle mort incompréhensible dans la décision et l’action publiques.

L’État devrait jouer un rôle d’impulsion stratégique, mais ce n’est pas le cas. Même en sachant que cette forme de prise en charge est celle qui répond le mieux aux besoins des enfants, nous sommes incapables de porter collectivement une vision globale et de fixer un cap qui se déclinerait dans l’ensemble des départements. Cette incroyable incapacité illustre parfaitement le problème de gouvernance entre l’État et les départements, souvent évoqué lors des auditions de cette commission d’enquête.

Le deuxième manquement est le délitement du collectif de travail – la fameuse équipe pluridisciplinaire – qui soutient l’assistant familial. Dans l’exercice professionnel de ce dernier, le huis clos ne devrait pas être une option ; c’est pourtant trop souvent le cas. Là encore, nous allons à l’encontre de l’intérêt de l’enfant. Engagée en 2016, la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant conclut pourtant que la réponse au besoin de stabilité de l’enfant est écosystémique – il faut tout un village pour élever un enfant, pour le dire de manière plus douce. Le travail en équipe n’est pas une faveur que l’on accorde à un assistant familial, c’est un élément consubstantiel de son métier, au plus près des besoins de l’enfant. De ce point de vue, nous sommes vraiment très loin du compte.

Les longues séries d’entretiens que nous avons menées partout en France on fait ressortir une nette dégradation des conditions de travail depuis trois ans, avec un effet tenaille qui isole et met en difficulté les professionnels. D’un côté, les enfants arrivent dans leur famille d’accueil dans un état de santé nettement plus dégradé qu’auparavant. Ils sont plus nombreux à souffrir de troubles dys et du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), d’autisme, de troubles de l’attachement et du lien. À cela s’ajoute l’insistance des services départementaux pour augmenter le nombre d’enfants accueillis par famille, faute de places. De l’autre côté, le collectif de travail autour de l’enfant se délite, en raison du manque de personnels de soins et des déserts médicaux, du manque d’éducateurs, du turnover incessant, de la surcharge de travail, de la démission du personnel d’encadrement de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Résultat, les assistants familiaux sont de plus en plus isolés et gagnés par un sentiment d’abandon, alors qu’ils doivent prendre en charge des situations toujours plus complexes. La question n’est plus de savoir comment favoriser une meilleure intégration dans l’équipe – une vieille revendication de l’accueil familial ; il s’agit maintenant de trouver comment enrayer la désintégration en cours du collectif de travail autour de l’assistant familial.

Troisième manquement, répondre au métabesoin de sécurité de l’enfant est une gageure quand les professionnels et la famille qui le prennent en charge vivent eux-mêmes dans une insécurité permanente, aussi bien sur le plan contractuel qu’institutionnel. Cette insécurité est due à plusieurs irritants, pour ne pas dire répulsifs, liés à l’entrée ou au maintien dans le métier.

Le principal irritant, que nous ne parvenons pas à traiter, est la multiplication des informations préoccupantes visant des assistants familiaux. Il s’agit d’un poison rapide pour ce métier qui n’avait pas besoin de cela. La crainte de faire l’objet d’une information préoccupante injustifiée, voire calomnieuse, est désormais permanente, source d’une énorme charge mentale, d’insécurité au quotidien et d’un large sentiment d’abandon de la part de l’institution.

Ce sentiment d’insécurité et la précarité du métier sont également alimentés par les trop fortes disparités territoriales en matière de statut, de contrat de travail et de droits des assistants familiaux, dans un contexte de restrictions budgétaires qu’ils subissent aussi. Leurs primes de fin de carrière sont parfois supprimées, leurs indemnités ne suivent pas l’évolution de l’inflation, leur salaire n’est pas réajusté. Et aux effets de la pyramide des âges s’ajoute la multiplication, partout, des démissions, des départs anticipés à la retraite et des passages éphémères dans un métier qui pourrait ainsi disparaître plus tôt qu’on ne le croit.

Pour enrayer ce déclin, il faut susciter un véritable choc d’attractivité, défendre une vision ambitieuse de l’accueil familial, resserrer le maillage autour de l’enfant et de l’assistant familial, sécuriser le statut et le métier.

Mme Sonia Mazel-Bourdois, présidente de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l’enfance (Fnaf-PE). La Fnaf-PE est forte de 2 500 adhérents et regroupe trente associations départementales actives sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Elle représente uniquement des assistants familiaux, acteurs essentiels de la protection de l’enfance.

La protection de l’enfance est une responsabilité collective qui doit faire de l’intérêt supérieur de l’enfant la priorité absolue. Cet impératif guide chacune de nos actions, qu’il s’agisse d’améliorer les dispositifs existants ou d’apporter notre expertise au service des réflexions nationales et départementales. Le rôle des assistants familiaux qui accompagnent quotidiennement les enfants, souvent marqués par une grande fragilité, est crucial. Pourtant, ce métier, exigeant par essence, demeure sous-estimé et souffre d’un manque criant de reconnaissance.

Les assistants familiaux doivent être considérés comme des travailleurs sociaux à part entière. Cette reconnaissance implique leur intégration systématique dans les équipes pluridisciplinaires, afin de valoriser leur expertise et leur expérience directe auprès des enfants confiés ; l’écoute et la valorisation de leur parole, notamment dans les instances où se jouent l’avenir et le bien-être des enfants ; la sécurisation de leur statut par des formations adaptées, un accompagnement professionnel soutenu et un cadre juridique renforcé respectant le principe de présomption d’innocence face aux signalements intempestifs ; et l’établissement de priorités claires pour bâtir un dispositif plus juste et efficace.

Pour répondre à l’urgence des besoins des enfants et à l’exigence de responsabilité des professionnels, il faut garantir la stabilité des parcours des enfants confiés. Les changements de lieux d’accueil répétés et non justifiés, souvent synonymes de rupture traumatisante pour les enfants, doivent être limités au maximum par les départements.

Il faut porter et renforcer la parole des enfants. Les assistants familiaux, qui sont leurs référents, doivent être pleinement associés aux décisions qui les concernent. Revaloriser leurs conditions de travail passe par une amélioration des ressources mises à leur disposition, mais aussi par la reconnaissance de leur engagement professionnel et de leur rôle central dans la protection de l’enfance.

Enfin, la situation alarmante que nous connaissons appelle des réformes urgentes. En France, 344 000 enfants, soit 2,4 % des mineurs, sont pris en charge par l’ASE. Parmi eux, 60 000 sont placés hors de leur famille, souvent dans une famille d’accueil. Les 35 000 assistants familiaux jouent un rôle indispensable dans l’accompagnement de ces enfants placés, même s’ils ne peuvent répondre qu’à 40 % des besoins. Malgré leur engagement, chaque année, entre 10 000 et 20 000 mesures de protection ne peuvent être exécutées, faute de moyens suffisants et de places d’accueil. Ces chiffres soulignent l’urgence d’agir pour renforcer les dispositifs existants et soutenir ceux qui en sont les piliers.

La protection de l’enfance est une mission de société exigeant une mobilisation sincère et concertée de tous les acteurs. Pour être à la hauteur des attentes et des besoins des enfants, il est impératif de reconnaître pleinement la contribution centrale des assistants familiaux et de renforcer en profondeur un système fragilisé. Nous sommes présents aujourd’hui pour porter leur voix, pour appeler à des réformes justes, ambitieuses et indispensables, afin que l’enfant soit véritablement placé au centre de nos préoccupations et que les professionnels soient soutenus dans leur mission.

Mme Cathy Blanc-Chardan, présidente de l’Association nationale des placements familiaux (ANPF). À notre tour, nous tenons à faire part de nos inquiétudes grandissantes pour ce mode d’accueil, eu égard aux chiffres publiés par la Drees en 2024. Pour la première fois, l’accueil familial n’est plus majoritaire dans notre pays : fin 2022, 38 % des enfants accueillis dans le cadre de l’ASE lui étaient confiés, contre 56 % en 2006.

L’ANPF s’est fixé pour but de promouvoir l’accueil familial des mineurs et jeunes majeurs relevant de structures institutionnelles publiques ou privées. L’association participe et contribue à l’évolution des pratiques en accueil familial en favorisant à tous les niveaux, depuis l’échelon local jusqu’à l’échelon européen, les échanges, la réflexion et la recherche entre les différents acteurs de l’accueil et du placement familial. Nous participons et contribuons aussi à l’évolution des politiques publiques en valorisant l’expertise des praticiens du secteur médical et médico-social et en nous affirmant comme un interlocuteur des pouvoirs publics. L’ANPF organise chaque année des journées d’études nationales, qui regroupent environ 800 personnes, ainsi que des journées d’études régionales. Notre action est nationale, mais notre organisation régionale nous permet d’être au plus près des problématiques des territoires. L’association a obtenu en 2021 la certification Qualiopi, qui atteste de la qualité des formations que nous délivrons au bénéfice des professionnels de l’accueil familial. Ce dernier élément est pour nous très important, car il nous semble que la formation des assistants familiaux est une question centrale.

L’actualité judiciaire met en lumière les dysfonctionnements de la protection de l’enfance, avec le procès de Châteauroux dans le cadre duquel dix-neuf personnes sont jugées pour avoir accueilli sans agrément, donc illégalement, des enfants de l’ASE. Ces personnes non agrémentées n’étaient donc pas des assistants familiaux.

Certes, la loi Taquet a modifié les conditions de repérage, d’accueil et d’accompagnement des enfants relevant de la protection de l’enfance. Un décret a été promulgué en 2024 pour garantir les modalités du régime dérogatoire d’accueil des mineurs dans des structures relevant de la jeunesse et des sports ou du régime de déclaration auprès du conseil départemental. Cependant, des dysfonctionnements persistent.

Le premier touche au respect du droit des enfants, car les lois successivement votées ne sont toujours pas appliquées, à commencer par la loi Taquet. L’accueil dans l’entourage de l’enfant demeure lettre morte dans la plupart des départements. La non-séparation des fratries reste un vœu pieux dans de nombreuses situations, celles-ci étant mal évaluées et les décisions mal appliquées. Le texte dispose que « l’enfant est accueilli avec ses frères et sœurs […], sauf si son intérêt commande une autre solution », mais la seconde partie de la disposition est parfois oubliée.

Le projet personnalisé pour l’enfant (PPE), issu de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, est un autre élément non appliqué. Dix-sept ans après la promulgation de la loi, les PPE ne sont pas systématiquement élaborés par les départements, alors même que l’équipe psycho-socio-éducative qui travaille autour du placement familial affirme depuis longtemps l’importance de concevoir un fil rouge de toutes les interventions dont l’enfant a fait l’objet.

Un deuxième dysfonctionnement affecte le respect du besoin de stabilité de l’enfant dans son parcours. L’accompagnement des jeunes à leur sortie de l’ASE et les efforts de chaque acteur sont en-deçà des espérances du législateur. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant prévoit un entretien obligatoire d’accès à l’autonomie, organisé par le président du conseil départemental, un an avant la majorité de l’intéressé. L’ASE doit y associer les autres organismes et institutions pouvant concourir aux besoins des jeunes en matière éducative, sociale, sanitaire, de logement, d’emploi et de ressources, mais plus de 50 % des départements n’ont toujours pas établi de protocole en la matière.

Un troisième dysfonctionnement est lié à l’inadéquation des budgets aux besoins des enfants. La démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant, que Thierry Herrant a évoquée, a identifié sept de ces besoins, en particulier dans les domaines concourant au traitement des conséquences de son exposition traumatique. Or, dans certains départements, il n’y a plus de ligne budgétaire pour le suivi des soins des enfants, et cela va de pair avec les disparités constatées en matière de rémunération des assistants familiaux, de montant des indemnités d’entretien et de vestiaire, et de droits des enfants. Selon qu’il se trouve en Gironde, à Paris ou à Marseille, un enfant placé n’a pas les mêmes droits. L’indemnité de vêture varie du simple ou double. Certains départements acceptent de soutenir les enfants pour passer le permis de conduire ou pour obtenir des équipements professionnels nécessaires à leur formation, prévoient systématiquement des contrats jeune majeur, des primes à l’accueil pour les assistants familiaux, des primes pour les équipements informatiques ou la téléphonie, etc. D’autres, en revanche, ne proposent rien de tout cela, arguant que la crise budgétaire est telle qu’il faut aller jusqu’à réduire de 10 % l’accueil d’enfants, et grossir ainsi le nombre de mesures non exécutées.

M. Bruno Roy, président de l’Association nationale des assistants maternels, assistants et accueillants familiaux (Anamaaf). Je ferai écho à mes collègues en me plaçant sur le terrain des maltraitances institutionnelles infligées par l’ASE.

Pour les enfants, ce sont des difficultés d’accès aux soins généralistes ou spécialistes, que ce soit dans un centre médico-psychologique (CMP), un centre d’accueil et de permanence des soins (Caps), ou un service de pédopsychiatrie ; ce sont des placements à tout prix, sans prise en compte du projet d’accueil, ni de la capacité de l’assistant familial à assurer une bonne prise en charge ; c’est une déscolarisation intempestive en cas de difficultés ou d’inadaptation scolaire, l’école inclusive n’étant évidemment plus au rendez-vous ; ce sont des parcours multiples conduisant à des ruptures qui accentuent bien souvent la complexité de leur situation.

Pour les assistants familiaux, c’est la disparition du travail en commun avec les acteurs extérieurs du soin, de l’éducation, de la psychiatrie, car tous ces secteurs sont en crise ; c’est la mise à mal de la présomption d’innocence, alors que certains départements ont élaboré des solutions qui, si elles sont imparfaites, ont le mérite d’exister.

Nous pensons nécessaire de revenir sur le principe de l’autorité parentale qui, trop souvent, prend en otage les enfants et les professionnels qui assurent leur suivi. Il faudrait pouvoir envisager que cette autorité soit, au moins partiellement, suspendue. De plus en plus, celle-ci s’exerce depuis un pays étranger sans présence ni contrepartie demandée aux parents. Ces derniers ont évidemment des droits, mais ils ont aussi des devoirs ; il serait bon de s’en rappeler pour le bien des enfants.

L’accueil des fratries, tantôt regroupées dans un même lieu, tantôt séparées, alors que le contraire serait souhaitable, nous semble devoir tenir compte plus clairement des besoins de prises en charge. La loi Taquet prévoit d’ailleurs une telle clarification.

Les mesures de délaissement parental, prévues par la loi de 2016, tardent encore à s’appliquer ; il faut les réactiver. Nous rencontrons en effet un nombre croissant de situations où les enfants placés n’ont plus de lien avec leurs parents depuis des années. À cet égard, les pédopsychiatres demandent de tenir compte des cas de dysparentalité, afin de bâtir un projet fiable et durable pour l’enfant, dans son intérêt supérieur.

La prise en charge financière des enfants doit être rééquilibrée entre tous les départements en ce qui concerne l’entretien, l’habillement et la scolarité. Cela a été dit, les enfants n’ont actuellement pas les mêmes chances d’un territoire à l’autre.

Enfin, il faut réactualiser l’interdiction des mises à l’abri dans des hôtels – la loi Taquet avait pourtant fixé un délai d’adaptation relativement important.

Ces dysfonctionnements que l’on constate sont d’ailleurs en partie dus au fait que la loi Taquet a oublié l’accompagnement des assistants familiaux. Le problème n’est pas que financier. Un important travail de concertation avait pourtant été mené en amont, et tous les professionnels s’étaient mis d’accord sur le principe d’un accompagnement, sous la forme notamment de plateaux techniques, leur permettant de travailler dans les meilleures conditions au service des enfants. Or cet aspect a été totalement oublié dans la loi, ce qui contribue de façon fort dommageable aux difficultés actuelles de l’ASE.

J’ajoute que les assistants familiaux ne doivent plus être la variable d’ajustement budgétaire, et subir systématiquement les manques financiers. Ils ne doivent plus avoir à justifier leur activité ou à craindre des informations préoccupantes. S’il y a aujourd’hui autant de démissions et de licenciements que de départs à la retraite, c’est bien que les problèmes d’effectifs ne sont pas entièrement liés à l’âge des personnels.

Juste une fois, nous aimerions que vous puissiez écouter et considérer la parole des assistants familiaux, sans demander à d’autres de s’exprimer à leur place.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Ayant participé aux groupes de travail de préparation de la loi Taquet, j’allais vous demander ce qu’il manquait à ce texte, mais vous avez déjà largement répondu. L’aspect financier, donc, n’a en rien réglé les inégalités territoriales, et les dysfonctionnements persistent.

Compte tenu de l’avancement des connaissances dans le domaine des neurosciences et des besoins fondamentaux de l’enfant, notamment le métabesoin de sécurité, comment les assistants familiaux sont-ils formés à l’accueil des enfants ? Le secteur fait face à une vague de départs à la retraite et voit partir des personnes qui étaient dans la profession depuis longtemps : les départements leur proposaient-ils des formations continues ?

Par ailleurs, j’aimerais vous entendre sur les disparités territoriales, notamment en matière de salaires. Avant la décentralisation, l’État conduisait la politique publique de la protection de l’enfance. Vos organisations existaient-elles et revendiquaient-elles l’obtention d’un statut national ? Pour ma part, il me semble une bonne idée que de vous définir comme travailleurs sociaux. Alors que les assistants familiaux et les associations constituent les deux piliers historiques de la protection de l’enfance, je me demande pourquoi ces revendications ne sont pas portées depuis des décennies. Qu’est-ce qui a péché et quelles lignes faudrait-il bouger pour que vous soyez représentés, avec un statut différent, à l’échelle nationale ?

Pour remédier à la baisse d’attractivité du métier, on avait évoqué pour la loi Taquet des améliorations sur les conditions de départ à la retraite, ainsi que sur le niveau des pensions et des salaires. Dans la mesure où vous représentez des associations implantées partout en France métropolitaine et ultramarine, pouvez-vous indiquer quels sont les écarts de salaire ? Qu’est-ce qui pousserait les personnes à poursuivre leur activité au-delà de l’âge légal de la retraite ? Pouvoir accompagner les enfants dont elles ont la charge jusqu’à leur majorité pourrait être une réponse, même si, pour certains enfants très jeunes qui devront de toute façon changer de lieu d’accueil, la rupture sera toujours dramatique. J’aimerais connaître votre position sur cette question également.

Le décret créant la base nationale de recensement des agréments n’a toujours pas été publié, ce qui constitue à mes yeux une faute, car il y va de votre sécurité. Il est hors de question qu’une minorité de personnes qui font du tort à la profession et aux travailleurs sociaux en général puissent s’installer dans un autre département et reprendre leur activité sans que personne ne soit au courant de leurs antécédents. Un tel fichier est essentiel pour la sécurité des enfants, mais n’est pourtant pas sorti. Nous n’avons obtenu que peu de réponses de la part des ministres que nous avons auditionnés jusqu’à présent.

Pour en venir au quotidien des enfants, pourriez-vous nommer précisément les départements dont vous parlez ? Il est essentiel pour les travaux de notre commission d’enquête que de disposer d’informations concrètes.

Le Comité de vigilance des enfants placés m’a adressé quelques questions que je voudrais vous poser. Comment un travailleur familial peut-il s’occuper d’une fratrie alors que cela l’amènerait à dépasser le nombre maximal d’enfants qu’il est autorisé à accueillir ? Il ne peut pas cesser de recevoir des enfants en attendant l’arrivée d’une fratrie.

Comment mieux anticiper les choses pour éviter les surcharges et garantir des conditions d’accueil dignes des enfants ? Cela concerne notamment le placement en urgence des adolescents et des tout-petits, pour lequel les familles d’accueil subissent une pression particulière de la part des départements, eux-mêmes confrontés à celle des décisions de justice. Comment cela se traduit-il dans votre pratique professionnelle ? Il arrive que, pour faire venir des plus petits, l’on fasse partir des adolescents, qui ont des amis, un projet de vie et suivent parfois une formation. Il est essentiel de lutter contre de telles ruptures de parcours.

La France ne dispose d’aucune base de données permettant de réaliser des projections sur les sujets que nous abordons. Nous n’avons pas de visibilité sur les besoins de nos populations. À l’étranger, les chercheurs suivent des cohortes depuis dix ou vingt ans, ce qui leur permet de guider les politiques publiques. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Mme Cathy Blanc-Chardan. L’ANPF a contribué à une note à l’attention du CNPE à la suite du projet de décret et d’arrêté modifiant la formation des assistants familiaux.

Actuellement, les assistants familiaux qui entrent dans un service effectuent un stage préalable à l’accueil de l’enfant de 60 heures, puis suivent, dans un organisme, pendant environ deux ans, une formation de 240 heures à l’issue de laquelle ils peuvent se présenter à l’examen. En tout état de cause, dès lors qu’il a suivi le nombre d’heures de formation requis, l’assistant familial est considéré comme formé.

Les nouvelles modalités prévues dans le projet de décret et d’arrêté sont pour nous un motif d’inquiétude. Avec 540 heures de formation et 100 heures de stage préalable, les assistants familiaux acquerraient un niveau presque plus élevé que celui des référents éducatifs, qui auraient bénéficié de moins d’heures de formation consacrées à la protection de l’enfance. Nous craignons que cela serve de prétexte pour les laisser encore plus seuls dans l’exercice de leur mission.

Le projet de décret – qui est en stand-by et qui, je l’espère, ne sortira jamais – prévoit, en outre, que l’assistant familial devra se présenter à l’examen et obtenir son diplôme. Quid s’il ne le décroche pas ? Les professionnels ont une moyenne d’âge relativement élevée ; ils ont parfois quitté les bancs de l’école depuis une trentaine d’années et éprouvent, pour certains, une phobie scolaire. Des personnes qui travaillent dans mon service de placement familial me disent qu’elles ne suivront pas cette formation de 540 heures. Cela freine la motivation de personnes qui seraient tout à fait aptes à exercer ce métier en suivant des sessions de formation continue. Au sein de l’ANPF, par exemple, nous offrons des formations liées à la pratique des assistants familiaux sur des sujets précis, tels que l’adolescence, le travail en équipe, etc.

Nous doutons fort que l’attractivité du métier passe par la revalorisation du diplôme. En outre, le stage de 100 heures signerait la fin des associations comme employeurs des assistants familiaux. À l’heure actuelle, un service de placement familial embauche une dizaine d’assistants familiaux par an. Ces structures ne pourront pas leur faire réaliser les 100 heures de stage préalables à l’accueil de l’enfant. En outre, le décret ne prévoit rien concernant la rémunération du stage. Or l’assistant familial n’est rémunéré que s’il accueille un enfant.

M. Steeve Penin, assistant familial, membre du bureau de l’Ufnafaam. J’ai participé, avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), à la constitution du fichier national du certificat d’honorabilité. Ce document n’est, pour l’heure, pas connu des assistants familiaux. À nos yeux, cette disposition est bienvenue, car il faut que nous soyons contrôlés.

Dans le cadre du diplôme d’État d’assistant familial (DEAF) évoqué par Mme Blanc‑Chardan, un seul contrôle serait effectué par la protection maternelle et infantile (PMI) dans les cinq ans suivant l’obtention du diplôme. Par la suite, il n’y en aurait plus, ce qui laisse la porte ouverte à la malveillance d’un assistant familial. Dans le cadre du certificat d’honorabilité, en revanche, un contrôle aurait lieu tous les trois ans, ce qui nous paraît une bonne chose, même si une fréquence bisannuelle aurait été préférable, car un assistant familial peut devenir malveillant sans même s’en rendre compte. Nous devons être épaulés et contrôlés. Tout adulte, ainsi que tout mineur âgé d’au moins 13 ans qui vit sous le toit d’un assistant familial devrait obtenir un certificat d’honorabilité. Ces dispositions devraient s’appliquer en 2025.

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Conformément à l’agrément qui leur est délivré, les assistants familiaux ne peuvent accueillir plus de trois enfants, et il leur est en effet difficile de n’en accueillir aucun dans l’attente d’une fratrie. Le roulement est très rapide – un enfant part, un autre arrive – et l’accueil est inconditionnel : nous devons accepter l’enfant que l’on nous propose. Lorsqu’on sait qu’un enfant va partir dans quelques mois, on ne peut pas demander à bénéficier d’un temps de battement pour pouvoir ensuite accueillir une fratrie, si bien que beaucoup d’assistants familiaux finissent par demander à la PMI une autorisation de dépassement. Très souvent, ils ont quatre, voire cinq enfants et se trouvent donc, peu ou prou, hors-la-loi. Mais on doit maintenir les fratries ensemble, sauf si elles ont besoin d’être séparées, au moins momentanément.

Pourquoi ne créerait-on pas des homes, comme il en existe au Canada ? Ces maisons, où l’on peut recevoir un plus grand nombre d’enfants grâce à la présence de plusieurs assistants familiaux, permettraient d’accueillir des fratries tout en restant dans un cadre familial. Au sein de cette toute petite communauté de vie, chaque enfant aurait son assistant familial référent. Cela réglerait peut-être aussi le problème des bébés, qui doivent partir au moment où les assistants familiaux prennent leur retraite. La moyenne d’âge de la profession étant de 56 ans, au moment de leur départ, les enfants ont 8 ans et vivent une rupture et une souffrance supplémentaires, qui peuvent engendrer un sentiment d’abandon. Au sein d’un home, de jeunes assistants familiaux pourraient bénéficier de la pair-aidance et seraient accompagnés par des collègues plus anciens. Cela éviterait à l’enfant de connaître une rupture.

Mme Amilie Gadel, assistante familiale. Les assistants familiaux plus jeunes élèvent leurs propres enfants et ne pourraient donc pas vivre au sein d’un home. Le principe de notre activité est d’accueillir les enfants au sein de notre foyer, qui est à la fois un lieu professionnel et un lieu privé. Notre conjoint, nos enfants sont présents au quotidien. C’est grâce à cela que les enfants se développent et que nous arrivons à construire de jolies histoires.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. En France, contrairement à d’autres pays, nous n’avons pas travaillé sur la prévention primaire, autour de la famille, dès la grossesse. On constate à l’heure actuelle un fort développement des placements avec pour résultat que nous ne respectons ni les droits ni les besoins fondamentaux des enfants, faute de réponses adaptées. Compte tenu de la situation, ces réponses doivent être plurielles, étant entendu qu’il convient de privilégier les petites unités et les assistants familiaux.

J’aimerais vraiment savoir quelle a été votre représentation et quelles revendications vous avez portées au long des soixante-dix ans d’histoire de la protection de l’enfance, depuis qu’elle était à la charge des services de l’État jusqu’à la désorganisation qu’elle connaît aujourd’hui sous la tutelle des départements.

M. Thierry Herrant. Il suffit de suivre le cours de l’élaboration de la loi. La professionnalisation des assistantes familiales a été actée par la loi de 2005, un choix qui n’a pas été fait dans tous les pays. Depuis quelque temps, une petite musique tend à revenir un peu sur cette professionnalisation au profit du développement du bénévolat. Cela introduirait certes une différenciation de l’accueil familial, mais constituerait aussi une espèce de fuite en avant pour des motifs essentiellement financiers. Surtout, cela remettrait en cause un mouvement qui se déploie depuis une vingtaine d’années. Nous ne sommes pas là pour revendiquer quoi que ce soit ; nous sommes là pour promouvoir le mode d’accueil familial au bénéfice des enfants, parce que nous considérons que c’est la meilleure forme d’hébergement à leur offrir.

Je vous livre un chiffre que j’ai eu du mal à trouver – signe de la misère statistique dans laquelle nous nous trouvons : 90 % des assistantes familiales sont salariées des départements et 10 % d’entre elles travaillent pour le secteur associatif. Or c’est toujours par le mouvement associatif que l’on entend parler des assistantes familiales.

S’il faut parler de revendications, celles que les assistantes familiales portent depuis vingt ans sont une meilleure reconnaissance et une plus forte intégration dans le travail d’équipe. Sur ce dernier sujet, un rapport de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) de 2015 avait tout dit ; dix ans plus tard, le constat est le même, en pire. À force, tels des Sisyphe, nous avons le sentiment de répéter inlassablement les mêmes choses, en vain. Un problème culturel, très fortement ressenti par les assistants familiaux, tient à ce que les travailleurs sociaux ne les considèrent pas comme leurs pairs. Les assistants familiaux sont d’ailleurs la seule profession qui a été oubliée dans le Livre blanc sur le travail social. C’est un problème qui dure, dont je ne connais pas la racine historique. On se demande quand on fera bouger les lignes.

Mme Lydie Servonnat, vice-présidente de la Fnaf-PE. Tant que nous ne serons pas reconnus comme des travailleurs sociaux, on ne pourra pas avancer. Le changement de statut est primordial.

Mme la présidente Laure Miller. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Une ancienne enfant placée, qui avait été brutalisée par sa famille d’accueil, m’a dit qu’il n’y avait pas de contrôles inopinés et que les familles d’accueil étaient averties deux mois à l’avance. Ma mère a été assistante maternelle et, de façon tout à fait normale à mon avis, elle faisait l’objet de contrôles inopinés. Êtes-vous favorables à ce type de contrôles ?

Mme Lydie Servonnat. Je demande aux travailleurs sociaux de venir chez moi, y compris de partager un repas avec les enfants, pour qu’il y ait un contrôle. Je leur demande aussi de faire une petite sortie avec les enfants pour que ceux-ci puissent parler en dehors de la maison. C’est une pratique qui devrait être étendue à l’échelle nationale. Les enfants doivent avoir une liberté d’expression.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si je comprends bien, vos organisations sont favorables à une évolution du mode de contrôle pour pouvoir repérer des assistants familiaux dysfonctionnels.

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Je suis très favorable aux contrôles inopinés. Si l’on n’a rien à se reprocher, pourquoi n’ouvrirait-on pas sa porte à quelqu’un qui vient voir comment vont les enfants et qui souhaite s’assurer que les conditions d’accueil sont demeurées les mêmes depuis la délivrance de l’agrément ? Laisser l’enfant parler avec son éducateur, hors de notre présence, paraît relever du bon sens.

Mme Cathy Blanc-Chardan. Le mot « contrôle » me gêne un peu appliqué au référent éducatif. Dans mon service, je ne demande pas aux éducateurs d’aller contrôler leurs collègues. Nous formons une équipe. Nous faisons fonction de tiers pour que l’enfant ait un autre espace de parole. Pour cela, il doit bien connaître son éducateur, le voir assez souvent pour avoir confiance en lui et, éventuellement, lui confier des choses qui n’iraient pas à domicile. Il n’est pas tant question de contrôle que d’offrir la possibilité à l’enfant de parler, ce qui permet d’identifier d’éventuels dysfonctionnements dans son quotidien et de proposer des réponses éducatives.

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Celui à qui l’on ouvre sa porte pour un contrôle n’est pas nécessairement l’éducateur référent de l’enfant ; parfois, celui-ci ne le voit qu’une fois par an. Nous rencontrons très peu souvent les éducateurs référents, dont la présence devrait être plus régulière. Outre les nombreux arrêts maladie et le taux important de turnover, les difficultés de recrutement ont un impact réel.

Le « contrôle » devrait être effectué par une commission spécifique, plutôt que par l’éducateur référent, dont le travail consiste à s’occuper des enfants. Il ne devrait pas non plus incomber aux PMI, qui tendent à produire des informations préoccupantes pour tout type de motif, comme une barrière de sécurité dont les dimensions ne sont pas aux normes.

M. Bruno Roy. Les assistants maternels sont contrôlés, de façon inopinée ou non, par les PMI, alors que les assistants familiaux sont contrôlés par l’ASE – ce sont les textes qui le prévoient ainsi. Pour que des contrôles inopinés soient effectués, il faut des éléments qui laissent à penser que des choses anormales se passent.

En tout cas, le contrôle est prévu dans les textes ; normalement, il est fait – à tout le moins dans certains départements – à l’initiative de l’ASE, par le biais d’un service dédié. Malheureusement, compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre, les contrôles sont très rares.

Mme Amélie Gadel. Les enfants que nous accueillons vont à l’école et certains bénéficient de multiples prises en charge : les instituteurs, mais aussi les ergothérapeutes, les psychologues, les psychomotriciens et les orthophonistes ont également un regard sur notre travail.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Précisément, lorsqu’il y a plusieurs contrôleurs, cela signifie qu’aucun n’est véritablement responsable. Le terme de contrôle peut en heurter certains, mais je ne le récuse pas : il est essentiel. Contrôler le bien-être et la santé des enfants, pour éviter qu’ils ne subissent de nouvelles violences, est une responsabilité. Certains d’entre eux ne parlent pas encore ; plus largement, on ne peut se reposer sur la seule parole des enfants pour dénoncer les violences qu’ils subiraient.

Par ailleurs, quels sont les départements qui n’ont plus de ligne budgétaire pour le suivi des soins des enfants, comme vous l’avez évoqué ?

M. Steeve Penin. Je peux citer le département du Nord, le plus peuplé de France, qui compte le plus grand nombre d’enfants placés.

Les équipes de suivi de scolarisation (ESS) ont besoin de bilans psychométriques ; comme il n’y a plus de psychologues dans les PMI, elles doivent se tourner vers des psychologues externes et demander une prise en charge au département. Ce dernier n’ayant plus de budget pour les financer, les enfants restent en attente de leur bilan psychométrique, ce qui retarde d’autant la constitution de leur dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et la mise à disposition d’un auxiliaire de vie scolaire (AVS).

M. Bruno Roy. Des professionnels de santé ont manifesté pour protester contre le département des Deux-Sèvres, qui ne paye plus leurs interventions auprès des enfants placés à l’ASE.

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Je décerne une bonne note à mon département de la Drôme. Nous sommes tous confrontés aux mêmes restrictions budgétaires, particulièrement prégnantes en fin d’année, mais pour ne pas réduire les budgets relatifs aux soins, le département de la Drôme a choisi de diminuer les autres – indemnités pour les déplacements ou les petites vacances. Par ailleurs, certains enfants sont en attente de soins, non pour des raisons budgétaires, mais parce que nous manquons de personnels de santé – psychologues, pédopsychiatres et neuropsychiatres.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Certains enfants placés ont expliqué avoir été changés de famille d’accueil pour éviter de s’y attacher. Une telle justification semble ahurissante, compte tenu de tout ce que l’on sait du besoin d’attachement des enfants. J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Cette pratique perdure-t-elle dans les services de l’ASE ?

M. Thierry Herrant. Les situations varient en fonction des services. Ces consignes étaient encore en vigueur il n’y a pas si longtemps : on demandait aux assistants familiaux de trouver « un juste équilibre » entre le professionnalisme et l’affection. Concrètement, cette ligne de crête n’existe pas.

Depuis plusieurs années, les connaissances sur la théorie de l’attachement ont beaucoup évolué et ont imprégné les pratiques des services de l’ASE. Quelqu’un qui demanderait à un assistant familial de ne pas s’attacher serait complètement en dehors des clous, puisque l’accueil familial est structuré autour de l’attachement, qui est fondamental. Nous sommes désormais bien engagés dans cette voie.

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Pendant longtemps, on a donné aux assistants familiaux la consigne de pas s’attacher aux enfants, parce que ces derniers ne pourraient s’attacher à leur famille naturelle s’ils étaient attachés à leur famille d’accueil.

En réalité, non seulement un enfant peut s’attacher aux deux familles, mais celles-ci ont tout intérêt à coopérer, afin de le sécuriser. Un accueil est réussi lorsque l’enfant n’a plus de conflit de loyauté et se construit en s’appuyant sur les deux familles.

Mme Lydie Servonnat. Permettez-moi de partager avec vous un témoignage : une petite fille de 8 ans, en se bouchant les oreilles, a dit à sa psychologue : « Je sais, j’ai une mère, mais actuellement je vis avec maman. »

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Durant ma formation d’éducatrice spécialisée, on m’a en effet recommandé de ne pas embrasser les enfants au moment du coucher, parce que ce n’est pas notre rôle.

Je vous remercie pour vos propos liminaires : ils expriment des revendications et des propositions qu’il est important de faire connaître. Nous les entendons depuis longtemps et nous les reprendrons, qu’il s’agisse du nécessaire statut d’assistant familial, de leur plus grande reconnaissance ou de la prise en considération de leur parole auprès de la justice ; les assistants familiaux sont en effet les mieux placés pour parler des enfants dont ils partagent le quotidien.

J’aimerais revenir sur le procès de Châteauroux, non pas pour établir un quelconque parallèle entre vous et les accusés, qui n’étaient pas des familles d’accueil, mais pour vous demander comment l’État et les départements se sont saisis de cette affaire pour progresser. Ce procès aurait dû être une déflagration pour le secteur de la protection de l’enfance ; les départements concernés, tout comme l’État, auraient dû y être partie prenante.

Les départements avec lesquels vous travaillez vous ont-ils demandé votre avis à ce sujet ? Vous ont-ils demandé quelles pistes d’amélioration vous aviez identifiées en la matière ? La ministre alors en exercice vous a-t-elle invité pour recueillir votre avis sur ce procès et sur les dysfonctionnements qui y ont été révélés ? Les faits jugés ne sont pas anecdotiques et révèlent des défaillances de la protection de l’enfance, tant au niveau des départements qu’à celui de l’État.

M. Bruno Roy. J’ai été interrogé à ce sujet, à la fois par un journaliste et par le gouvernement. Avant toute chose, j’ai recommandé de ne pas faire d’amalgame entre les familles incriminées et les assistants familiaux. À la question de savoir si de tels faits pouvaient se reproduire, j’ai répondu par l’affirmative ; on n’a pas encore pris la mesure de ce qui s’est passé.

Il y a deux ans, une affaire similaire avait éclaté dans les Deux-Sèvres ; l’association mise en cause, basée en Eure-et-Loir, ne disposait pas d’un agrément et a été condamnée. Les propos de son président m’avaient frappé : il reconnaissait les dysfonctionnements, mais ne s’en tenait pas pour responsable puisqu’il n’était pas au courant.

De tels faits se reproduiront, parce que rien n’a été fait pour qu’ils ne se reproduisent plus. Seuls certains départements ont cessé de travailler avec des assistants familiaux installés en dehors de leur territoire.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Monsieur Roy, dans un article du Média social paru en janvier 2024, vous avez évoqué la présomption de culpabilité dont seraient victimes les assistants familiaux. Comment le système de gestion des informations préoccupantes pourrait‑il être réformé, afin de protéger les enfants et les assistants familiaux, notamment des conséquences psychologiques et professionnelles négatives ?

Par ailleurs, êtes-vous formés pour aider les parents à construire ou reconstruire des liens avec leurs enfants ?

M. Bruno Roy. Pour éviter la présomption de culpabilité, qui est l’envers de la présomption d’innocence, il faudrait instaurer des procédures particulières. J’ai déjà évoqué ce sujet avec différents ministres : les assistants familiaux ne doivent pas se retrouver systématiquement sur le banc des accusés, dès qu’une information préoccupante est émise.

Lorsque les procédures concernent des tiers, une enquête sociale objective est menée et les informations sont ensuite transmises aux personnes concernées. L’inverse se produit pour les assistants familiaux : on leur retire immédiatement et systématiquement les enfants dont ils ont la charge. Le principe de précaution devrait prévaloir dans les deux situations, mais ce n’est malheureusement pas le cas.

Dans le département du Nord, une procédure a été instaurée, permettant d’éviter à la fois de violenter les enfants et de culpabiliser les assistants familiaux : la décision de retirer ou non les enfants de leur famille d’accueil est prise par la commission Erdaf (évaluation des risques de danger en accueil familial), à laquelle participent des représentants d’assistants familiaux.

Nous souhaitons la généralisation de cette procédure pluridisciplinaire, afin que la décision de retrait ne soit pas prise par un chef de service, seul, qui ne connaît ni l’enfant concerné ni l’assistant familial. D’autant que bien souvent, ce n’est pas tant ce dernier qui est mis en cause que son environnement.

Par ailleurs, pour permettre aux assistants familiaux de se défendre, il est nécessaire de leur donner accès au dossier qui les concerne. Il y a quelques années, une assistante familiale a porté sa demande d’accéder au dossier la mettant en cause jusque devant le Conseil d’État. Bien que celui-ci lui ait donné raison, elle n’y a toujours pas accès !

De bonnes pratiques émergent dans certains territoires : cette commission Erdaf en est une, qui mérite d’être développée et généralisée.

M. Thierry Herrant. Les informations préoccupantes sont un problème majeur, qui est en train de pourrir la profession. Tous les assistants familiaux en parlent et s’en inquiètent, alors même que cette pratique n’est pas du tout documentée : nous ne parvenons pas à obtenir des statistiques permettant de déterminer si elles sont massives ou s’il s’agit d’un fantasme. Nous souhaitons que l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) soit missionnée pour les documenter de manière très précise.

Lorsqu’une famille d’accueil est visée par une information préoccupante, les dégâts sont considérables. Nous connaissons tous des familles tellement stigmatisées qu’elles ont été contraintes de cesser leur activité, voire de déménager, en raison d’informations préoccupantes calomnieuses – ce qui n’est pas rare.

M. Denis Fégné (SOC). Vous avez évoqué les disparités entre départements s’agissant de la rémunération et des indemnités d’entretien et de vestiaire.

Or au sein même de chaque département, des disparités existent en raison des différents statuts et des différents employeurs des familles d’accueil : agréées par l’ASE, mandatées par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), liées à des services de placement familiaux, ou encore mises à disposition d’instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), de maisons d’enfants à caractère social (Mecs) ou d’instituts médico-éducatifs (IME), voire d’établissements scolaires privés.

Outre la rémunération et les indemnités, ces disparités concernent également l’aide à l’accompagnement, ainsi que l’accès à la pluridisciplinarité et à la supervision. Toutes ces disparités font-elles l’objet de discussions dans vos associations ?

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Oui, ces disparités nous sont signalées et font l’objet de discussions. Suivant son employeur – le département lui-même ou une association –, un assistant familial ne percevra, en effet, pas le même salaire ni la même indemnité d’entretien.

À travers la revendication d’un statut national, envisagé comme une véritable colonne vertébrale, nous souhaitons uniformiser autant que possible la profession. La loi Taquet a entamé un travail en ce sens sur le salaire, puisqu’elle garantit une rémunération égale au Smic dès le premier enfant accueilli et un minimum de soixante-dix heures au Smic pour le deuxième et le troisième ; certains départements ont choisi d’octroyer un deuxième Smic dès le deuxième.

L’indemnité d’entretien est d’au moins 14,53 euros – en théorie, puisque certains départements n’appliquent pas ce minimum légal – et peut aller jusqu’à 24 euros. Dans certains départements d’outre-mer, l’indemnité est de 14 euros, alors même que les difficultés y sont plus aiguës – en particulier à La Réunion ; là aussi, les disparités sont grandes.

Le montant de cette indemnité change très concrètement la vie des enfants : une fois réglés les dépenses en eau, électricité, alimentation et les frais de déplacements, il ne reste plus grand-chose pour les loisirs avec 14 euros ; avec 24 euros, on peut voir un peu plus loin et changer le quotidien. Les sommes versées au titre de l’argent de poche ou pour les anniversaires sont également très aléatoires – quand elles existent.

Ces disparités sont injustes et nous demandons une uniformisation des salaires et des indemnités ; les enfants doivent avoir les mêmes droits, quel que soit l’endroit où ils vivent.

Mme Cathy Blanc-Chardan. L’ANPF milite pour la création d’un dispositif permettant de défendre l’intérêt, les besoins et les droits des enfants.

Monsieur le député, peut-être faisiez-vous référence à l’instauration de taux d’encadrement, auxquels l’Association nationale des maisons d’enfants à caractère social (Anmecs) a réfléchi ? Dans les différents services avec lesquels nous travaillons, les enfants n’ont pas les mêmes besoins et il est difficile de dégager des données précises. Les besoins d’un enfant accueilli dans une famille associée à un Itep, qui pâtit d’une double vulnérabilité, seront différents de ceux d’un enfant scolarisé de façon classique.

Les taux d’encadrement sont difficiles à définir et le temps d’échange avec les référents éducatifs n’est pas le même. Ainsi, les assistants familiaux associés à des Itep rencontrent les référents plus souvent, parce que ces derniers suivent moins d’enfants.

M. Bruno Roy. L’Anamaaf a beaucoup milité à ce sujet. Nous demandons la création d’un cadre d’emploi dans la fonction publique et l’application du code du travail dans le secteur privé. Ce sont des solutions simples et peu coûteuses : il suffit de légiférer.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Je suis particulièrement sensible au sujet des informations préoccupantes. En Seine-et-Marne, le petit Bastien, mort après avoir été mis dans une machine à laver, avait fait l’objet de neuf signalements et de trois informations préoccupantes. Il me semble que ces dernières sont recueillies par la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (Crip).

Je plains beaucoup les familles d’accueil sur lesquelles est jetée une suspicion ; elles ne craignent cependant rien si elles ne sont pas coupables. Mais je plains encore plus les enfants en situation de souffrance, à côté desquels on est passé ; je suis inquiète pour eux. Ainsi, Bastien serait encore en vie s’il avait été retiré de sa famille.

Vous avez dit que les assistants familiaux faisaient l’objet de signalements intempestifs : qui en est à l’origine ? Pouvez-vous donner des exemples ?

Par ailleurs, quelles mesures précises demandez-vous en matière d’harmonisation ?

Vous avez fait état de vos inquiétudes concernant la formation initiale, le nombre d’heures risquant de décourager des candidats. Pensez-vous que ce nombre devrait être réduit, au profit d’un renforcement du diplôme pour les référents, qui sont à même d’écarter les assistants familiaux défaillants ?

Enfin, vous avez évoqué tout à l’heure le problème de l’accueil des fratries : pensez‑vous que le nombre d’enfants autorisés par famille d’accueil devrait être augmenté ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je suppose que vos associations accompagnent les familles en cours d’agrément, ainsi que des familles qui cessent cette activité. Avez-vous identifié les freins et les obstacles auxquels elles sont confrontées, tant pour obtenir l’agrément que pour poursuivre leur activité ? Dans quelle mesure pourrions-nous agir, en tant que législateurs, pour améliorer les choses et susciter des vocations ?

Vous avez indiqué qu’il serait pertinent que les assistants familiaux puissent être entendus par la justice, notamment par les juges des enfants et les juges aux affaires familiales. Pensez-vous qu’il faudrait intégrer un accompagnement à cette dimension juridique à la formation des assistants familiaux ?

Lors de précédentes auditions, des éducateurs nous ont expliqué à quel point leur main tremblait lorsqu’ils rédigent leurs rapports, tant leurs mots peuvent avoir des conséquences à très long terme sur les enfants et leur parcours ; et à quel point ils s’inquiètent des mots de ceux dont la main ne tremble pas. Serait-il pertinent d’envisager une formation pour les assistants familiaux en la matière ?

Enfin, l’intérêt juridique des enfants n’est pas toujours défendu : devrait-il l’être par une personnalité spécifique ou les assistants familiaux peuvent-ils prendre en charge cette dimension ?

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Accueillir correctement trois enfants demande du temps et de l’énergie, en particulier lorsqu’ils sont pris en charge plusieurs fois par semaine – par un ergothérapeute, un psychologue, un orthophoniste, etc. Leur suivi scolaire est également chronophage, parce qu’il serait trop facile de les orienter tous vers des certificats d’aptitude professionnelle (CAP) ; certains enfants ont de grandes capacités, mais aussi de grandes difficultés ; nous devons les accompagner et cela prend beaucoup de temps.

Au-delà de trois enfants, je ne suis pas certaine qu’une prise en charge correcte soit possible. Les familles d’accueil se transforment alors en « mini-lieux de vie », d’autant qu’elles s’occupent également de leurs propres enfants. Il arrive que des assistants familiaux accueillent plus de trois enfants, mais quatre me semble être un maximum. Au-delà, il est impossible de fournir un travail professionnel et adapté aux enfants.

M. Thierry Herrant. La connaissance scientifique a beaucoup progressé à ce sujet. Tous les travaux le montrent, plus le nombre d’enfants placés dans une même famille augmente, plus la qualité de l’accueil de l’enfant et la qualité de vie au travail de l’assistant familial se détériorent. C’est une situation perdant-perdant.

Dans le secteur de la protection de l’enfance, statistiquement, 60 % des fratries comptent plus de trois enfants. Cela pose un problème général d’accueil, au-delà des seuls assistants familiaux.

Mme Sonia Mazel-Bourdois. Sans compter que de nouveaux enfants arrivent. Une fratrie qui a commencé avec deux ou trois enfants peut en compter, au bout de quelques années, jusqu’à huit ou neuf.

M. Bruno Roy. L’accompagnement des assistants familiaux doit commencer dès les réunions d’information préalables à l’agrément (Ripa). Nous essayons d’obtenir des informations de la part des PMI pour savoir qui sollicite ces réunions, qui va au-delà et entre dans le parcours, qui demande l’agrément et qui l’obtient. Du côté de l’employeur, nous cherchons aussi à savoir qui conserve l’agrément dans la durée, car beaucoup se retirent très rapidement. Nous avons besoin de toutes ces informations – c’est le rôle de nos structures –, sur l’ensemble du parcours, pour travailler de façon optimale et contribuer à accroître le nombre de postulants.

À cet égard, n’oublions pas que, dans notre métier, le bouche-à-oreille est primordial pour attirer les candidats. Cependant, dans la mesure où nous sommes beaucoup maltraités, il nous est difficile de coopter. Nous sommes actuellement dans une logique de protection : nous ne voulons pas que nos enfants, notre famille, nos amis soient à leur tour confrontés une information préoccupante. Il faut que nous sortions de ce cercle pernicieux.

En ce qui concerne ensuite le nouveau DEAF, j’aurai logiquement un avis différent de Cathy Blanc-Chardan, étant donné que j’ai participé à son élaboration. Je suis d’ailleurs frustré que le décret le concernant n’ait toujours pas été publié. Toujours est-il que je suis davantage optimiste, car les deux tiers des assistants familiaux ont au moins le niveau bac. C’est ce niveau qui est visé pour le diplôme, ce qui nécessite, je le reconnais, des modules plus importants et un plus grand nombre d’heures. En contrepartie, nous avons insisté sur la nécessité de ne confier qu’un seul enfant à un assistant familial débutant, car le futur ex-décret – je ne sais pas comment le qualifier – prévoit 420 heures de formation et 100 heures de stage.

La défense des droits des enfants, c’est notre quotidien. Nous le faisons pour les enfants que nous accueillons au sein de notre foyer, mais aussi de manière collective, avec des collègues, comme lorsque nous nous mobilisons pour qu’un enfant ne soit pas retiré de sa famille d’accueil, pour qu’il ne soit pas maltraité, pour qu’il soit mieux accompagné. Cet accompagnement n’est d’ailleurs pas seulement juridique ; il est aussi psychologique. L’actualité le montre, de plus en plus d’assistants familiaux se rendent devant les tribunaux sur leurs deniers personnels pour défendre les droits des enfants qu’ils accueillent, alors que leur employeur et le secteur ne se mobilisent pas.

Quant aux informations préoccupantes, dont j’ai déjà beaucoup parlé, il faudrait qu’elles soient émises de manière parfaitement objective et sereine, qu’elles respectent nos droits et qu’une enquête sociale ait réellement lieu, ce qui n’est pas toujours le cas. En cas de suspicion, le juge rend une ordonnance de placement provisoire le temps que l’enquête sociale soit menée, mais compte tenu du manque de personnel, elle n’est pas toujours finalisée avant le retour de l’enfant. L’efficacité de l’ensemble de cette chaîne mériterait d’être améliorée ; le problème étant toujours celui de la pénurie de personnel.

Mme Cathy Blanc-Chardan. Pour lutter contre le fléau des informations préoccupantes, qui fait peser une véritable chape de plomb sur le métier, nous pouvons nous appuyer sur l’article 22 de la loi Taquet, qui prévoit que toutes les structures doivent inscrire la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance dans leur projet d’établissement. Tous les services ont intérêt à travailler avec leurs assistants familiaux pour définir précisément ce que sont la bientraitance et la maltraitance. En effet, certaines choses que l’on pourrait considérer comme anodines sont bien de la maltraitance – ou du moins éloignées de la bientraitance – envers les enfants. Cette question étant bien documentée, des formations seraient intéressantes et de nature à protéger les assistants familiaux contre des informations préoccupantes.

J’aimerais conclure en citant Victor Hugo qui, il y a 160 ans, donc il y a bien longtemps, devant le Congrès international pour l’avancement des sciences sociales, a dit : « L’enfant, je le répète, c’est l’avenir. Ce sillon-là est généreux ; il donne plus que l’épi pour le grain de blé. Déposez-y une étincelle, il vous rendra une gerbe de lumière. »

Mme la présidente Laure Miller. Je vous remercie toutes et tous pour votre présence et vos éclairages, qui alimenteront évidemment notre réflexion.

 

La séance s’achève à vingt heures cinq

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Membres présents ou excusés

 

Présents.  Mme Ségolène Amiot, Mme Anne Bergantz, M. Arnaud Bonnet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Denis Fégné, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Katiana Levavasseur, Mme Marianne Maximi, Mme Marie Mesmeur, Mme Laure Miller, Mme Béatrice Roullaud, Mme Isabelle Santiago