Compte rendu
Commission d’enquête
sur les manquements
des politiques publiques
de protection de l’enfance
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Florence Dabin, présidente du groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée, et Mme Anne Morvan-Paris, directrice générale du GIP 2
– Présences en réunion................................14
Mercredi
18 décembre 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 14
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Stéphane Viry,
Vice-président de la commission
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La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.
M. Stéphane Viry, président. Nous poursuivons les travaux de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance avec l’audition de Mme Florence Dabin, cette fois en tant que présidente du groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée, et de Mme Anne Morvan-Paris, qui en est la directrice générale. La loi Taquet du 7 février 2022 avait pour objectif d’instaurer une gouvernance plus efficiente de la protection de l’enfance en créant le GIP France Enfance protégée, qui a succédé au GIP Enfance en danger.
La mission de ce GIP est essentielle et attendue : contribuer « à l’animation, à la coordination et à la cohérence des pratiques sur l’ensemble du territoire ». Tous les acteurs que nous avons auditionnés déplorent en effet le cloisonnement de la protection de l’enfance, alors que cette politique est interministérielle, multisectorielle et décentralisée.
Dans ce contexte, que peut apporter la structure que vous dirigez, avec sa gouvernance particulière associant à parité l’État et les départements ? Quels sont les premiers chantiers que vous avez engagés et comment concrétisez-vous votre mission d’accompagnement des départements ?
Le GIP France Enfance protégée s’est également vu confier la mission fondamentale de produire des statistiques, par l’intermédiaire de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) qui lui est rattaché. Il est par ailleurs chargé du 119, le numéro national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger. Quelles mesures avez-vous prévues pour améliorer ce service qui peine à recruter des écoutants ?
En application de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il me revient, avant de vous donner la parole, de vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mmes Florence Dabin et Anne Morvan-Paris prêtent serment.)
Mme Florence Dabin, présidente du GIP France Enfance protégée. France Enfance protégée remplit des missions essentielles. Nous définissons cette structure avant tout comme une maison commune, rassemblant toutes les entités que vous avez citées. Nous avons toutefois dû nous adapter au contexte. Pour constituer une maison commune, il faut certes avoir des valeurs et des projets communs, mais aussi sécuriser et rassurer l’ensemble des personnes qui travaillaient auparavant sous une autre bannière, avec des méthodes parfois différentes. Il faut respecter les identités et tout ce qui existait précédemment.
Lors de la préfiguration, puis de la création de France Enfance protégée, nous avons écouté tous ceux qui composent ce GIP. La multiplicité des cadres de travail et des statuts imposait d’avoir un dialogue plus que bienveillant à la fois pour donner envie aux équipes de rester et de s’impliquer et pour engager une dynamique de recrutement, indispensable pour faire face à des besoins de plus en plus importants.
Le 119 est une sorte de bannière permettant de faire connaître France Enfance protégée. Il est financé à parts égales par l’État et les départements. Les associations ne participent pas à son financement mais sont également très engagées dans son fonctionnement. Dans ce domaine, j’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur la vice-présidente, Martine Brousse.
Grâce au 119, nous avons constaté que les signalements étaient plus rapides et plus pertinents. Malheureusement, les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des attentes, et nous en sommes conscients. Ce numéro qui a vocation à être unique n’est pas suffisamment lisible car il continue d’en exister plusieurs. Nous devons par ailleurs décrocher plus rapidement et réduire le taux de rappels. Après notre assemblée générale qui s’est tenue la semaine dernière, nous affichons comme priorité de mieux structurer le 119. Nous avons confié cette tâche à un chargé de mission que nous venons de recruter.
S’agissant de l’Agence française de l’adoption (AFA), nous notons que les adoptions internationales diminuent. La situation est certes liée au contexte géopolitique, mais elle oblige également à s’interroger sur la réorganisation qui a été effectuée. Nous constatons en revanche que l’accès aux origines se développe. Cette possibilité, qui correspond à une évolution sociétale, est mieux connue.
Pour ce qui est des données statistiques et de la recherche, l’Observatoire national fonctionne de manière très satisfaisante. Il n’est toutefois pas suffisamment connu du grand public.
En prenant la présidence de France Enfance protégée, j’ai rapidement dressé un diagnostic. J’ai souhaité avoir à mes côtés une directrice générale ayant l’expérience tout à la fois des collectivités territoriales et de l’administration centrale, en l’occurrence de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Elle préserve ainsi un juste équilibre entre nos deux cofinanceurs, sans oublier le partenaire incontournable que sont les associations.
Parallèlement à la restructuration des services, nous avons prévu de déménager dans quelques mois afin de permettre à chacun de pleinement s’épanouir au sein de la maison commune. Nos priorités concernent le 119, ainsi que la prostitution, avec la mise en place d’une plateforme dédiée pour les professionnels, les jeunes concernés et leurs familles.
Nous constatons – et c’est plutôt agréable – que de nombreux acteurs ont envie de confier des missions à France Enfance protégée. La loi Taquet nous positionne comme une maison commune. Pour qu’elle le soit, elle doit se doter de fondations solides. Pour le moment, nous nous employons à les renforcer.
S’agissant des bases de données, qui nous sont demandées par l’État et par les départements, nous réfléchissons à la manière dont nous pourrons fonctionner, en tenant compte de la latitude financière qui est la nôtre. Tout n’a peut-être pas été anticipé à la hauteur de ce qui aurait été souhaitable pour que les moyens soient en adéquation avec les ambitions. Les marges de manœuvre étant réduites de part et d’autre, nous sommes contraints de prioriser, notamment dans les discussions que nous menons actuellement avec Jean-Benoît Dujol pour la DGCS.
Nous devons mieux nous faire connaître, en particulier auprès des départements. Au sein de Départements de France, j’ai l’honneur de présider un groupe dédié à l’enfance. À chacune de ses réunions – nous en avons organisé huit cette année –, un tiers du temps est consacré à l’actualité de France Enfance protégée. Nous procédons ainsi par honnêteté intellectuelle, politique et financière, mais également pour entendre les besoins du terrain. Nous devons aussi travailler avec les professionnels, pour qu’ils ne nous voient pas comme une énième structure dont personne ne sait vraiment à quoi elle sert.
Comme je l’ai indiqué à mes collègues professeurs des écoles, nous serions encore meilleurs si nous connaissions l’ONPE. Ses rapports, accessibles sur le site de France Enfance protégée, sont d’excellente qualité et permettent d’éclairer les pratiques de tous les professionnels de l’enfance quel que soit leur métier.
En clair, nous sommes une maison commune mais encore en construction – et nous n’en sommes qu’aux fondations. Nous remercions avec simplicité et humilité tous ceux qui reconnaissent son existence, mais il faut nous laisser le temps de la bâtir, avec des femmes et des hommes qualifiés, en définissant des priorités dans les actions à mener.
Mme Anne Morvan-Paris, directrice générale du GIP France Enfance protégée. La mise en route peut paraître longue, puisque le GIP est en fonctionnement depuis deux ans et qu’il s’appuie sur des entités qui lui préexistaient. Néanmoins, comme je l’ai constaté depuis que j’ai pris mes fonctions au mois de septembre, il connaît des fragilités internes qui ne sont pas sans conséquences. Jusqu’à maintenant, nous rencontrons des difficultés à obtenir des données en matière de budget ou de ressources humaines, ainsi qu’à disposer d’une évaluation qualitative et quantitative de l’activité. Nous essayons d’y remédier pour qu’en 2025, nous soyons capables de montrer ce que nous faisons.
L’exemple du 119 illustre parfaitement l’attente logique des financeurs et du grand public de disposer d’un numéro d’appel national qui fonctionne. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas considérer qu’il dysfonctionne, mais nous devons limiter au minimum les rappels. Faire la démarche d’appeler le 119 n’est jamais évident. En leur demandant de rappeler, nous prenons le risque de perdre des personnes en route. Cette pratique peut en outre soulever des interrogations sur la qualité du service, alors qu’une fois que la prise en charge a été réalisée par un écoutant professionnel – travailleurs sociaux et psychologues –, celle-ci est réelle. Le lien se fait en outre avec les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) au niveau départemental.
Le fonctionnement du 119 est à améliorer et nous allons nous y engager, ce qui nécessitera de revoir les cycles de travail et, peut-être, de remettre en cause certaines habitudes. Le climat social est meilleur qu’il y a quelques mois et toutes les évolutions se feront dans le dialogue, mais celles-ci sont essentielles pour avancer collectivement sans perdre le sens de notre mission.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Permettez-moi de commencer par un regard sur le passé. Les rapports se sont accumulés. Certains étaient d’ailleurs très intéressants : mieux vaudrait les relire plutôt que d’engager de nouveaux travaux. En revanche, il n’y a jamais eu de commission d’enquête. Celle-ci est l’occasion d’analyser les forces et les faiblesses des dispositifs, en adoptant toujours le point de vue de l’intérêt de l’enfant, dont je rappelle qu’il est un sujet de droit.
Depuis environ dix ans, je participe à l’ensemble des travaux nationaux – à commencer par la création du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). À l’époque, l’objectif de la ministre Laurence Rossignol était de doter la politique de la protection de l’enfance d’une colonne vertébrale. L’État était défaillant et la prise en charge des enfants était inégalitaire, puisqu’elle dépendait des territoires dans lesquels ils se trouvaient. Avec mes collègues élus départementaux – majoritairement des femmes –, nous considérions que pour devenir cette colonne vertébrale, le CNPE devait être rattaché au Premier ministre.
La loi créant le CNPE a été votée en 2016. Jusqu’à la nomination de M. Taquet en 2019, il ne s’est pratiquement rien passé.
Lorsqu’il a pris ses fonctions, Adrien Taquet n’a même pas pris connaissance des travaux qui avaient été menés pendant deux ans. Il a été un bon ministre mais il ne s’est absolument pas servi de l’historique. Il a relancé des travaux qui ont débouché sur une feuille de route, puis sur un projet de loi posant les bases du futur GIP. Il considérait que trop d’organismes et de structures diverses coexistaient. Le GIP devait être la réponse ! Nous sommes en 2024 et il n’est toujours pas efficient.
Entre 2014 et 2024, nous n’avons fait que réfléchir à l’organisation qui devait être la bonne. Je vous livre mon témoignage avec beaucoup d’humilité, car j’ai eu la chance de participer à tous ces travaux, mais la situation que nous connaissons est inacceptable. Il n’est pas possible d’en être au même point dix ans plus tard ! La politique s’inscrit dans le temps long ; pas l’enfance. Même si les élus et les directions générales sont de bonne volonté, nous ne pouvons pas continuer ainsi, avec des ministres qui veulent à chaque fois imposer leur vision en faisant fi de tout ce qui a été fait avant.
Créer de grosses machines comme le GIP soulève forcément des difficultés. Vous avez évoqué le climat social. Nous qui connaissons la situation, nous savons que les tensions étaient très fortes. Le regroupement de multiples structures a des conséquences directes pour les salariés, qui voient leur histoire et leur statut remis en cause. Réformer demande du temps.
En clair, nous ne pouvons plus animer les politiques publiques ainsi.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État souligne « la complexité particulière de l’architecture envisagée, inhérente au maintien de l’ensemble des instances existantes au sein ou dans le prolongement du nouveau groupement, ainsi qu’aux options retenues quant au positionnement des trois conseils. Il constate que les objectifs poursuivis ne pourront pas être pleinement atteints par cette réforme organisationnelle. Il estime que la mise en œuvre de cette réforme devra faire l’objet d’une évaluation à brève échéance afin d’apprécier l’étendue et la nature de ses incidences. »
Le message que vous venez de nous délivrer est assez proche de ce que disait le Conseil d’État. En outre, selon nos informations, la parité, y compris financière, semble poser des difficultés au sein du GIP. Pouvez-vous nous confirmer que celui-ci enregistrerait déjà un déficit de 2,5 millions d’euros, que le budget ne serait pas encore stabilisé pour 2025 et que rien ne serait prévu pour 2026 ?
J’allais vous interroger sur le 119 mais vous avez déjà expliqué que son fonctionnement n’était pas satisfaisant. En tant que parlementaires, nous essayons – ce n’est pas toujours simple – de nous assurer que ces dispositifs, comme le numéro pour le signalement des violences faites aux femmes, disposent des ressources nécessaires.
D’autres articles y ont ensuite été ajoutés, mais le projet de loi d’Adrien Taquet ne portait initialement que sur le GIP. Seul ce point a été traité dans l’avis du CNPE, dont je faisais partie. Aujourd’hui, je constate que le fonctionnement qui a été mis en place n’est pas satisfaisant. Le GIP n’a aucune perspective financière, ce qui est d’autant plus préoccupant que les budgets qui avaient été évoqués entre l’État et les départements au moment de sa création n’étaient déjà pas à la hauteur des missions qui lui étaient confiées. Vous nous dites qu’il pourrait être amené à en assumer d’autres – je ne sais pas si ces demandes vous sont formulées oralement ou par écrit. Or ni les services de l’État ni ceux des départements ne s’attendent à devoir augmenter leur participation.
Compte tenu des conséquences pour les personnels, il n’est pas question de revenir sur ce qui a été fait. Des enseignements doivent néanmoins être tirés. Sur le terrain, je ne constate aucune action concrète pour accompagner les professionnels qui interviennent auprès des enfants, être une source de références et faire évoluer les pratiques.
Théoriquement, le GIP devrait être l’entité qui diffusera ces fameuses données auxquelles nous n’avons pas accès pour le moment. Comment allez-vous faire ? Même si vous êtes regroupés, les services de l’État et des départements continuent de travailler en silos. Réussirez-vous à alimenter le logiciel Olinpe ? Certains médias ont estimé le budget nécessaire pour le déployer autour du milliard d’euros, bien loin des 2,5 millions ou autres chiffres évoqués. Or investir pour l’enfance, c’est investir dans l’avenir. Que ce soit dans la santé, la formation de professionnels ou la constitution de bases de données, nous devons le faire massivement.
J’aimerais connaître votre avis sur cette réalité que j’ai voulu replacer dans son contexte historique. Il me semble éclairant pour la commission d’enquête de savoir que nous sommes très loin de ce qu’avait imaginé le législateur en votant la loi de 2022. J’ai confiance dans les personnels. Néanmoins, quand je constate que vous n’avez aucune visibilité à un an sur le plan budgétaire, je suis dubitative sur ce qui va advenir.
Mme Florence Dabin. Une chose est sûre : nous n’avons rien à cacher. Nous communiquons toutes les informations qui nous sont demandées, même en dehors du cadre de cette commission d’enquête. Nous le faisons depuis le début. Si nous voulons réussir, nous avons besoin d’honnêteté intellectuelle et de transparence.
Je vous remercie d’avoir rappelé l’historique, dont je n’avais pas totalement connaissance. Vos propos montrent qu’un projet, aussi noble et ambitieux soit-il, peut être confronté à de multiples écueils s’il n’est pas correctement structuré et animé dès le départ.
Personnellement, je suis arrivée en novembre 2021, pendant la période de préfiguration. Ma priorité était d’être aux côtés des équipes, que la création du groupement d’intérêt public Enfance en danger (GIPED) – qui deviendra France Enfance protégée – inquiétait énormément. Elles ne savaient pas ce qu’allaient devenir leurs missions, si elles allaient garder leurs postes, où elles devraient travailler, etc. Elles se posaient beaucoup de questions sur leur quotidien. Elles craignaient que la création d’une structure trop importante remette en cause la nature même de leur travail.
Vous avez souligné que le secrétaire d’État Adrien Taquet avait engagé la réflexion à partir de ses propres constats alors qu’il aurait pu utiliser les nombreux rapports disponibles. Ceux-ci se sont en effet accumulés au fil du temps. La situation est la même s’agissant des structures, avec tous leurs présidents et directeurs généraux. À un moment donné, il devient impossible de savoir qui fait quoi. Dans un contexte national qui nous pousse à rationaliser et à faire des économies, nous devrions aller vers de la simplification – j’ose le mot. Or, pour ma part, je ne la vois pas !
J’ai accepté la présidence de France Enfance protégée parce que j’avais eu la confiance de mes pairs en tant que présidente du groupe Enfance de Départements de France et que dans la négociation entre l’État et le président Sauvadet, il avait été convenu que la présidence du GIP reviendrait à un président de conseil départemental. Il y avait donc une cohérence.
Au cours des premiers mois – et c’est toujours le cas –, j’ai néanmoins dû me focaliser sur les relations avec les personnels. J’ai essayé de mettre en place un véritable dialogue social, dynamique et nourri, mais ce n’était évident pour personne. Nous ne pouvions apporter aucune garantie.
En étant à la tête d’une telle structure, je ne suis que de passage. Je veux bien accepter certaines missions à condition d’avoir les moyens de les réaliser. Ils y sont certes contraints par la loi, mais les présidents de conseil départemental nous font confiance en acceptant de financer 50 % du fonctionnement du GIP, car celui-ci est incarné. Je ne suis pourtant pas très aidée. Du côté de l’État et de ses nombreuses directions, en revanche, je suis toujours dans l’attente. Même si les relations avec les personnes qui siègent au bureau ou au conseil d’administration sont bonnes, je n’ai aucune information de sa part, alors qu’il finance la structure pour moitié.
Nous y mettons toute notre détermination – et depuis quelques mois, j’ai la chance d’avoir à mes côtés une directrice générale qui a la connaissance et l’expertise pour nous aider –, mais comment peut-on construire un budget sans avoir de visibilité financière ? Comme je l’ai indiqué la semaine dernière à l’assemblée générale, il ne faut pas compter sur un effort supplémentaire des départements. Certains commencent légitimement à se demander à quoi sert France Enfance protégée. Même si l’expression est un peu triviale, ils veulent en avoir pour leur argent !
Depuis le début, la priorité a été de faire face aux problèmes liés au personnel. Une des raisons pour lesquelles nous tenons à faire preuve de transparence dans les chiffres est de rassurer les équipes. Lors de l’assemblée générale, nous avons d’ailleurs décalé le vote du budget car il nous manquait des informations, dont je souligne qu’elles ne dépendaient pas que de nous.
Madame la rapporteure, je partage votre interrogation sur la mise en place de la base nationale des agréments des assistants maternels et familiaux, entre autres. J’ai prêté serment, je vais donc vous dire ce qu’il en est en toute transparence. Il y a quelques semaines, j’ai échangé avec Jean-Benoît Dujol. Nous avons évoqué le report du vote du budget, ainsi que la structuration financière du GIP. Je lui ai dit que je ne savais pas comment, dans le contexte actuel, le GIP pourrait remplir les missions qui lui sont confiées. Les équipes sont mobilisées – je profite d’ailleurs de cette commission d’enquête pour les saluer. Elles ne comptent pas leur temps. Elles sont prêtes à réinterroger leurs pratiques. Néanmoins, nous ne disposons pas de ressources internes qui soient à la fois suffisantes et structurées. L’État ne nous allouera probablement pas plus de moyens et il est hors de question que je sollicite mes collègues présidents de département – car, avant d’être la présidente de France Enfance protégée, je suis la présidente du conseil départemental du Maine-et-Loire. J’ai proposé que les directions de l’État mettent à notre disposition des personnes qualifiées dans le cadre d’une mission, ce qui irait également dans le sens d’une simplification. Jean-Benoît Dujol a jugé l’idée intéressante et m’a dit qu’il allait y réfléchir. Voilà où nous en sommes...
Les réflexions qui ont conduit à la constitution de France Enfance protégée ont duré des années. Comme toutes les personnes qui ont travaillé à la concrétisation de ce projet, je souhaite que cette maison commune réussisse, mais nous partageons vos inquiétudes et nous avons besoin d’aide. La clé du succès ne repose pas uniquement sur les équipes présentes au quotidien, sur les élus qui constituent le bureau et le conseil d’administration et sur les associations qui nous font confiance.
Mme Anne Morvan-Paris. L’assemblée générale a voté un budget sur lequel le conseil d’administration s’était prononcé au préalable. Pour 2025, le déficit structurel est de plus de 2 millions d’euros. Comme nous disposons de réserves, nous pourrons faire face à nos engagements l’a prochain. Néanmoins, puisque les recettes n’augmenteront probablement pas, nous devrons revoir certaines dépenses, notamment en matière de personnel et de systèmes d’information.
La base des agréments des adoptants est pratiquement finalisée. Elle représente des volumes limités, mais constitue une première « brique » dans la construction des différents outils nationaux. La base des agréments des assistants maternels et familiaux est, à juste titre, très attendue. Elle permettrait d’éviter que des personnes dont l’agrément a été retiré ou suspendu puissent se présenter dans un autre département. Elle représente donc un enjeu important en matière de protection de l’enfance. Ce projet a été budgété du point de vue des prestataires mais nous manquons de moyens humains en interne. Il faudra donc définir des priorités. Une réflexion est en cours pour déterminer comment nous allons redéployer nos ressources.
La situation est d’autant plus tendue que les activités liées à la protection de l’enfance sont en hausse. Les appels au 119 progressent de 15 à 20 % par an. Ces résultats montrent que les campagnes de communication et les efforts de sensibilisation du grand public et des professionnels donnent des résultats. Cet aspect positif a toutefois une contrepartie. Même si elle ne débouche pas forcément sur des informations préoccupantes, la croissance des volumes nous oblige à mobiliser davantage d’écoutants.
Trouver un équilibre ne se fait pas en quelques mois. En 2025, nous devrons définir un cap et faire des arbitrages. Les constats qui ont été dressés jusqu’à présent peuvent sembler un peu pessimistes, mais le GIP a tout de même montré sa pertinence dans certains domaines. C’est notamment le cas en ce qui concerne l’accès aux origines. La maison commune rassemble en effet le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), compétent pour les accouchements sous le secret, l’Agence française de l’adoption, qui suit les adoptions nationales et internationales, et l’Observatoire national de la protection de l’enfance. Ces trois entités permettent de mener au bon niveau les réflexions sur ces sujets, en lien avec la Mission de l’adoption internationale et la DGCS. Le travail de défrichage qui est en cours débouchera sur des préconisations. Le GIP ne décidera pas seul de l’ampleur des évolutions à engager, mais les compétences qu’il regroupe lui permettront de soumettre des propositions aux différents ministres qui voudront se saisir du dossier. Ils pourront ensuite, s’ils le souhaitent, ajuster les moyens qui lui sont alloués.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Votre budget est en baisse d’environ 20 % alors que vos missions augmentent. Les appels reçus au 119 progressent de l’ordre de 15 à 20 %. Comment allez-vous faire face à cette demande grandissante si vos ressources diminuent ?
Le GIP a également une mission de soutien à la recherche. La France publie peu de travaux scientifiques sur la protection de l’enfance, par rapport notamment au Québec mais aussi à d’autres régions du monde. Le besoin étant réel, pourrez-vous continuer à financer de tels projets ?
Qu’en est-il de la dimension prescriptive de votre activité ? Le GIP a en effet pour mission de proposer des politiques d’accompagnement. Or, dans ce domaine, la production a été soutenue jusqu’en 2017, puis a fortement baissé. En 2021 et 2022, seuls deux rapports concernant la lutte contre la prostitution des mineurs ont été publiés. Quelles sont les raisons de cette situation ? Aider les acteurs, qui sont éparpillés dans les départements, en leur fournissant un socle commun – une colonne vertébrale – est pourtant essentiel.
Mme Anne Morvan-Paris. En ce qui concerne le soutien à la recherche, nous lançons des appels à projets thématiques ou généraux. Nous y consacrons un budget de 100 000 euros, qui n’est pas remis en cause.
En matière de prescription, le rôle du GIP est probablement à clarifier. Les acteurs ont surtout besoin de référentiels communs. Les conférences de consensus ont permis d’aboutir à une forme d’accord sur la manière d’aborder les familles, sur les besoins fondamentaux de l’enfant, etc. Des travaux ont été menés sur la théorie de l’attachement par exemple. L’enjeu est de réussir à utiliser tous les outils qui existent pour accompagner au mieux – toutes les études démontrent l’intérêt d’intervenir le plus tôt possible – les enfants et les familles. Il est important que d’un département à l’autre chacun parle le même langage. L’un des difficultés est que nous n’avons pas de définition commune de l’intervention. À la différence d’autres pays, la France ne fonctionne pas selon un système de programmes, comme ils peuvent exister au Québec ou en Belgique.
Je ne sais pas comment le GIP peut se positionner par rapport à l’État. Il mène des projets, gère un numéro d’écoute et dispose d’un observatoire, mais jusqu’où peut-il aller dans la prescription ? À ce sujet, la rédaction adoptée par le législateur est assez floue. Dans les faits, les référentiels relèvent plutôt des ministères. Les conseils font des recommandations et valident les textes qui leur sont proposés, mais ni le Conseil national de la protection de l’enfance ni le Conseil national de l’adoption n’ont cette compétence prescriptive. En France, aucun organisme ne l’a dans le domaine de l’enfance, voire de manière générale dans le secteur social.
S’agissant du budget, nos réserves sont certes en diminution mais nos recettes sont stables. Quant à nos dépenses, elles sont en légère baisse, notamment parce que nous avions surévalué le coût de notre futur déménagement. Les frais de personnel sont à peu près équivalents à ce qu’ils étaient cette année. Je pense donc qu’il y a eu une confusion, même si nos marges de manœuvre sont effectivement de moins en moins importantes, du fait notamment de l’évolution de notre trésorerie.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Dans la liste des missions qui figure sur la page du site du ministère des solidarités qui vous est consacrée, « l’appui à la conception et au pilotage des politiques de protection de l’enfance » apparaît dès la première ligne. Pour moi, cette mission est bien prescriptive. Il revient certes au ministère de les accepter et de définir comment les déployer, mais votre rôle est tout de même de formuler des propositions, en vous appuyant sur différentes études. De ce point de vue, mon attente n’est pas encore satisfaite.
En France, nous conservons des pratiques très diverses, plus ou moins anciennes. Plutôt que de passer du temps à évaluer ou à s’assurer que tout le monde est formé, il faudrait peut-être affirmer ce que devrait être une politique de protection de l’enfance efficace. Ainsi, les ministres qui se succèdent – y compris ceux qui ne restent que trois mois en poste – auraient une feuille de route claire. En tant que parlementaires, nous disposerions en outre d’un cadre d’évaluation que l’hétérogénéité des pratiques et l’absence de pilote pour les différentes politiques de protection de l’enfance ne nous permettent pas d’avoir aujourd’hui.
Mme Florence Dabin. Même si cela n’est pas une excuse, changer d’interlocuteur régulièrement ne facilite pas le pilotage. Chacun a sa vision des choses et ses souhaits, en fonction de son parcours et de sa culture en matière d’enfance et de famille au sens large. Sans aller jusqu’à former le vœu d’une plus grande stabilité – quoique –, j’estime que nous devons en tout cas trouver une autre manière de fonctionner, qui nous permette de faire face aux évolutions gouvernementales des prochains mois ou des prochaines années. Le GIP doit s’appuyer sur des bases solides. Il s’agit d’une condition pour que nous puissions être entendus et devenir prescripteurs. Anne Morvan-Paris a pris ses fonctions il y a moins de six mois mais nous avons déjà stabilisé énormément de situations.
Le CNAOP sera l’une de nos priorités. Pour reprendre votre expression, notre ambition est de donner une colonne vertébrale, afin d’expliquer le processus et de le sécuriser.
En ce qui concerne la recherche, nous avons évoqué le budget. Depuis le début, nous veillons à ce que les travaux soient en adéquation avec les besoins des territoires. Dans le domaine de la lutte contre la prostitution, ces données scientifiques ont nourri les cellules mises en place dans les départements. Nous aimerions parfois aller plus vite et augmenter notre production, mais les chercheurs s’inscrivent dans le temps long. Il faut en outre que les départements aient les moyens de s’emparer de ces outils et de les utiliser sur le terrain, justifiant ainsi leur appartenance à la maison commune.
Nous avons entendu les remarques des trois dernières ministres à propos du 119. La première à nous avoir alertés est la secrétaire d’État Charlotte Caubel. Sarah El Haïry l’a fait à son tour, puis Agnès Canayer dans le cadre de la double écoute qu’elle a réalisée peu de temps après sa prise de fonctions. Nous avons recruté un chargé de mission le 1er décembre. L’urgence est d’évaluer nos modes de fonctionnement et nos cycles de travail, y compris en nous comparant à d’autres structures ouvertes sans interruption. Nous devons par ailleurs nous interroger sur le lien entre les écoutants et le préaccueil – non sur sa pertinence, mais plutôt sur son coût et son organisation. Nous allons en outre revoir le formulaire en ligne et réfléchir à l’intérêt du tchat. Ce canal de communication est une nouveauté qui est encore limitée aux moins de vingt et un ans. Il y a peut-être des jours ou des heures où il serait judicieux de le renforcer. Nous examinerons enfin la procédure de rappel des professionnels.
Même si la question ne m’a pas été posée, j’aimerais faire le lien entre le 119 et nos cellules de recueil d’informations préoccupantes. Lors de la visite de la ministre Agnès Canayer, un des professionnels a évoqué la difficulté à obtenir des retours de la part de certains départements. Or ceux-ci sont essentiels pour donner du sens au dispositif. Nous souhaitons suivre cet indicateur non pas pour porter un jugement – chacun peut avoir ses difficultés et priorités –, mais pour comprendre les disparités et mieux travailler ensemble.
Dans six mois, nous formulerons des propositions d’amélioration de la qualité de service. Nous avons commencé à envisager différents scénarios. Un de nos objectifs est de donner envie à différents profils de s’engager dans un métier un peu atypique, parfois difficile sur le plan émotionnel. Nous recherchons actuellement deux équivalents temps plein (ETP). Nous sommes prêts à revoir nos modes de fonctionnement. Des économies sont certainement possibles. Aujourd’hui, les écoutants notent chaque témoignage dans un carnet puis, une fois que leur interlocuteur a raccroché, enregistrent les informations dans un formulaire préexistant. Nous pouvons sans doute optimiser ces pratiques afin de répondre à un plus grand nombre d’appels.
Il faudra toutefois être cohérent. La multiplication des campagnes de communication sur le 119 devra s’accompagner de moyens financiers suffisants pour recruter et garantir la qualité de prise en charge. Cela ne sert à rien de sensibiliser les jeunes, les familles et l’ensemble des partenaires si nous ne sommes pas en mesure de leur répondre.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Vous avez indiqué que le budget de la recherche s’élevait à 100 000 euros. Le GIP est constitué d’un grand nombre d’organismes : Conseil national de l’adoption, Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, Conseil national de la protection de l’enfance, Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger – le 119 –, Agence française de l’adoption, Observatoire national de la protection de l’enfance, etc. Que représentent ces 100 000 euros par rapport à toutes ces structures ? Ce budget sert-il à financer de la masse salariale ? Suffit-il à l’ONPE, par exemple, pour réaliser des études longitudinales ?
L’ONPE échange-t-il de manière régulière avec les observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE) ? Je sais que certains d’entre eux n’ont pas fonctionné pendant une certaine période. Ils sont pourtant une porte d’entrée pour accéder aux données.
Les logiciels actuels ne permettent pas de traiter des volumes importants de données, notamment pour réaliser des études longitudinales ou qualitatives. Les départements ayant également la responsabilité des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), il serait intéressant de travailler sur les enfants présentant une double vulnérabilité. Il faudrait toutefois clarifier les nomenclatures. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) n’utilise pas les mêmes sigles ou référentiels que l’ONPE. Cette situation n’est pas nouvelle mais pose de nombreux problèmes. Comment travaillez-vous les ministères pour faire avancer ces sujets ?
Avant d’être députée, je faisais un doctorat en protection de l’enfance et je travaillais sur les jeunes en ruptures multiples et en double vulnérabilité. Nous n’étions que deux en France, alors qu’il s’agit d’un problème prioritaire dans tous les schémas Enfance Famille. Je faisais une thèse CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche) : grâce à cette convention, les départements peuvent bénéficier du crédit d’impôt recherche (CIR). Que pensez-vous de ce dispositif ? Comment pourrait-il être promu auprès des départements ou des ODPE ? Dans les collectivités locales, la recherche permettant d’approfondir nos politiques pourrait par exemple être envisagée gratuitement, grâce au versement d’une subvention pour charges de service public.
Enfin, j’ai consulté l’organigramme de cette grosse « pieuvre » qu’est le GIP. Trois collèges – pour le ministère, les conseils départementaux et les associations – s’ajoutent aux directions de tous les conseils et services. Comment le collège des associations a-t-il été constitué ? Comment les usagers sont-ils représentés ? Nous avons beaucoup à apprendre des jeunes qui sont suivis dans le cadre de la protection de l’enfance ou qui l’ont été. Mieux connaître leurs parcours et profiter de leur expérience nous permet de faire évoluer nos pratiques.
Mme Anne Morvan-Paris. En 2022, le législateur a clairement indiqué que la statistique publique, notamment Olinpe, était de la responsabilité de la DREES, qui pourra faire parler les données entre elles, y compris avec des statistiques de l’éducation nationale ou de l’emploi. Cet objectif n’est pas encore pleinement atteint mais des progrès ont déjà été réalisés. À l’époque du GIPED, très peu de départements jouaient le jeu et remontaient régulièrement leurs données. Ils sont désormais entre trente et quarante et l’objectif de la DREES est de tous les mobiliser dans les deux ans. Olinpe permet une observation longitudinale. Grâce à cet outil, nous espérons accéder à beaucoup d’informations qui nous manquent terriblement, comme les motifs de placement, l’évolution des parcours et les éventuelles ruptures, etc. Il faut toutefois éviter les confusions : l’ONPE participe au comité technique, mais le projet relève de la DREES.
Le GIP compte environ 110 ETP, dont 20 à l’ONPE, majoritairement des postes de chargé d’études. Nous accueillons également deux thèses CIFRE. L’animation du réseau des ODPE fait partie des missions essentielles de l’ONPE et elle sera renforcée puisque nous avons recruté un directeur qui vient de l’ODPE du Nord. Il nous rejoindra en janvier et aura notamment pour objectif d’améliorer notre visibilité et de renforcer les liens avec les départements et les acteurs de terrain de la protection de l’enfance.
Lors du dernier séminaire de l’ONPE, qui s’est tenu en novembre, nous avons présenté les différents dispositifs permettant de mieux travailler avec le monde universitaire, dont les CIFRE. Nos productions sont nombreuses et beaucoup d’entre elles sont réalisées par de jeunes chercheurs.
Mme Florence Dabin. S’agissant de la gouvernance, la présidence du GIP revient à Départements de France et les deux autres collèges ont chacun une vice-présidence. Nous organisons régulièrement des réunions du bureau ou du conseil d’administration. Nous établissons les ordres du jour de manière concertée.
Le collège des associations est très dynamique. J’ai cité tout à l’heure Martine Brousse mais je peux également mentionner Pierre-Alain Sarthou. C’est un homme brillant qui connaît parfaitement le secteur associatif et ses enjeux. Nous avons trouvé un équilibre. Les prises de parole sont mesurées, constructives et respectueuses des cofinanceurs, mais elles visent toujours à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant.
La ministre Agnès Canayer m’avait demandé qui représentait physiquement l’État au sein du bureau et du conseil d’administration. Nous avions évoqué la possibilité qu’il s’agisse d’un membre de son cabinet. Compte tenu du contexte, je ne sais pas si cette proposition pourra se concrétiser. Elle me paraissait néanmoins intéressante. Avoir un profil plus politique et moins technique pourrait être un moyen de gagner du temps et de faire valider plus rapidement les décisions.
Du côté des départements et des associations, nous sommes peut-être plus pressés d’avancer. Toutefois, même si nos modes de fonctionnement peuvent être améliorés, nos échanges sont de qualité. Nous avons parfois des points de divergence, mais ils sont souvent liés à un manque d’informations ou de précisions.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je suis très surprise que la ministre ignore qui représente l’État au bureau du GIP. Par ailleurs, vous ne m’avez pas répondu sur la représentation des usagers. Existe-t-elle ou est-elle envisageable ?
Mme Florence Dabin. La Fédération nationale des associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (FNADEPAPE) est présente au sein du GIP.
Je ne voudrais pas que les propos de Mme Canayer soient mal interprétés. Elle connaît naturellement la composition institutionnelle de nos instances : nos échanges portaient sur les individus. Son objectif était de privilégier des profils permettant de gagner du temps.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. J’ai une dernière question, mais la réponse pourra éventuellement être apportée par écrit. À l’issue de cette commission d’enquête, nous ferons des préconisations. J’espère qu’elles ne seront pas trop d’ordre législatif, comme le suggère également le rapport du Sénat. Il faut chercher à être efficace et ne pas avoir la prétention de faire un grand texte. Nos recommandations pourront donc être d’ordre budgétaire ou organisationnel. Vous avez compris ce que je pense de l’historique, mais puisque le processus a été enclenché, il doit désormais porter ses fruits. Quelles seraient vos propositions en ce sens ? Nous ne les retiendrons peut-être pas mais il est important pour nous de connaître votre avis. Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, redonner de l’espoir ?
M. Stéphane Viry, président. Faudrait-il envisager une troisième version du GIP ? Faudrait-il dépasser l’animation et la coordination et aller vers une forme de délégation permettant de décloisonner et de renforcer la dimension prescriptive qui n’existe pas encore réellement ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous avez évoqué l’aide à l’accès aux origines : elle ne peut pas être décorrélée de la protection de l’enfance, mais elle s’adresse aux adultes. Est-il pertinent qu’elle soit intégralement financée par ce budget ? Ne faudrait-il pas envisager un budget dédié ?
Enfin, pensez-vous être en mesure de construire des outils opérationnels qui pourraient être déployés à l’échelle nationale pour aider les équipes sur le terrain ? Cette question, comme la précédente, pourra recevoir une réponse écrite.
Mme Anne Morvan-Paris. Pour ce qui est de nos souhaits, il semble nécessaire de clarifier le paysage institutionnel. Outre le GIP et les différents conseils, il y avait aussi un comité interministériel à l’enfance. D’autres acteurs interviennent également, comme la
Haute Autorité de santé (HAS) qui produit des référentiels. Il faudrait préciser le rôle de chacun, probablement simplifier l’architecture et supprimer les redondances.
Avec la présidente, la production d’outils est notre premier objectif. Le législateur a souhaité que l’Observatoire national de la protection de l’enfance devienne un centre national de ressources. Nous concevons cette évolution comme une volonté de nous rapprocher des acteurs de terrain et de leur apporter des clés, par exemple en ce qui concerne l’évaluation des proches. Des travaux ont été menés il y a quelques années sur les besoins fondamentaux de l’enfant, mais ils n’ont malheureusement pas abouti. L’ONPE fournit quelques pistes, mais nous devons proposer des choses plus structurées et par métier. C’est ainsi que nous deviendrons plus pertinents.
Mme Florence Dabin. Nous aurions besoin d’une simplification de toutes les structures existantes. Désigner des spécialistes de tel ou tel domaine permettrait à chacun d’être reconnu pour son expertise et clairement identifié par les jeunes, les familles, les professionnels et l’ensemble du public visé. Cela éviterait les actions trop diffuses, les interrogations sur les missions, et rendrait plus faciles les arbitrages. En 2025, en 2026, et peut-être ensuite, nous devrons avoir l’honnêteté de dire que nous ne pouvons pas tout faire et accepter régulièrement de nous remettre en question, en sécurisant nos équipes, dans le respect de toutes les parties – ministères, départements, associations – et dans l’intérêt de l’enfant.
La séance s’achève à dix-huit heures.
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Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Denis Fégné, Mme Marie Mesmeur, Mme Isabelle Santiago, M. Stéphane Viry
Excusées. – Mme Anne-Laure Blin, Mme Laure Miller