Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
de simplification de la vie économique
 

 Table ronde des syndicats de salariés,
réunissant :
- M. Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la  Confédération générale du travail (CGT), et Mme Delphine Colin, conseillère confédérale
- M. Patrick Privat, trésorier confédéral de Force ouvrière (CGT-FO), et Mme Brussia Marton, assistante confédérale
 - M. Nicolas Blanc, secrétaire national à la transition économique de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)              2

 Table ronde des organisations patronales, réunissant :
- M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Stéphane Dahmani, directeur adjoint du pôle économie, et Mme Elizabeth Vital-Durand, responsable du pôle affaires publiques
- M. Dominique Chargé, vice-président en charge des affaires économiques à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques et M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques
- M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), et Mme Thérèse Note, responsable des relations parlementaires                            14


Mardi
11 mars 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2024 - 2025

Présidence de
M. Ian Boucard,
président


  1 

La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de M. Ian Boucard, président.

La Commission auditionne les syndicats de salariés lors d’une première table ronde sur le projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).

M. le président Ian Boucard. Je suis très heureux de vous retrouver pour la suite de nos travaux de cette commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique. Nous reprenons aujourd'hui avec deux tables rondes, la première réunissant les organisations syndicales, puis la seconde les organisations patronales.

Je vous informe que nous procéderons à l’audition des ministres, qui vaudra discussion générale, mercredi prochain à 15 heures.

Je vous rappelle que nous avons tenu notre réunion constitutive le 7 novembre dernier, peu après le dépôt du projet de loi qui avait été adopté par le Sénat. La censure du gouvernement nous a cependant conduits, comme l'Assemblée dans son ensemble, à ajourner nos travaux. Nous nous retrouvons quelques mois plus tard, avec un programme dense, puisque nous examinerons le projet de loi en séance la semaine du 7 avril.

Pour l’heure, nous sommes ravis d’accueillir : pour la CGT, M.  Thomas Vacheron, secrétaire confédéral et Mme Delphine Colin, conseillère confédérale ; pour Force ouvrière ; M. Patrick Privat, trésorier confédéral et Mme Brussia Marton, assistante confédérale ; pour la CFE-CGC : M. Nicolas Blanc, secrétaire national à la transition économique. La CFDT n’a pas pu participer à cette table ronde et a adressé une contribution écrite.

Mesdames et Messieurs, vous aviez souligné lors de votre audition par les sénateurs que la simplification ne pouvait se faire dans l'urgence et qu’elle devait faire l'objet d'un réel travail de concertation et d'expertise. C'est dans cet esprit que nous souhaitons vous entendre à la fois sur le projet de loi initial du gouvernement, mais également sur les modifications qui ont été introduites par le Sénat.

Après votre intervention, je donnerai la parole à l'un de nos deux rapporteurs, M. Christophe Naegelen en charge des titres Ier à VI du projet de loi.

J'excuse notre autre rapporteur M. Stéphane Travert qui est, pour le moment, retenu dans l'hémicycle et qui espère venir nous rejoindre. Nous entendrons ensuite un orateur par groupe pour une durée de trois minutes, puis les députés qui souhaiteraient vous poser une question pourront le faire pour une durée d'une minute.

Je vous cède la parole immédiatement pour un propos introductif, en commençant par Mme Delphine Colin ou M. Thomas Vacheron pour la CGT.

M. Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, pour cet échange extrêmement important puisque vous recevez ici les organisations syndicales, représentant les salariés. Ces derniers rassemblent une proportion de 90% des actifs : l’essentiel des travailleuses et travailleurs de ce pays, ce sont les salariés.

Je note une différence entre le tout premier projet de loi dit « de simplification », qui visait au départ à « rendre des heures aux Français », faisant immédiatement suite au projet de loi de réforme des retraites ; on aurait pu trouver la boutade rigolote si elle n’était pas dramatique, puisque nous sommes toujours évidemment opposés à la réforme des retraites.

Je sais que parmi vous, il y a aussi des chefs d'entreprise, souvent de petites entreprises, qui sont confrontés à la distorsion de concurrence entre les grands groupes très profitables et les petites entreprises.

J’en reviens au projet de loi de simplification, sur lequel nous souhaitons relever plusieurs éléments.

Le premier concerne le rejet par le Sénat des articles 2 et 3 d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, qui nous interrogeaient énormément, dans un moment où celles-ci sont trop utilisées et toujours dans le même dessein. Il y avait là un risque de confusion entre « autorisation » et « déclaration », puisque l’ordonnance envisagée aurait eu pour but de remplacer dans diverses procédures administratives la demande d'autorisation par une simple déclaration. Au moment de l’élaboration de ce projet de loi, nous avions fait part, avec mes collègues, de notre inquiétude au regard du temps de travail des salariés : avec un régime de déclaration, il pourrait y avoir des possibilités d'aller au-delà des 48h heures maximum en France.

Deuxième élément : l’article 7 sur la simplification du bulletin de paie, que nous espérons définitivement rejeté, et ne pas voir revenir par la fenêtre ou par quelque moyen que ce soit, car c’est une ligne rouge pour toutes les organisations syndicales.

À ce propos, l’absence de mention, sur le bulletin de paie simplifié présenté dans les éléments de communication du ministère, de la convention collective dont relève le salarié pourrait paraître anecdotique… Mais la convention collective protège et ne pas reprendre ces lignes sur la fiche de paie c'est en réalité, pour demain, enlever les droits des salariés !

On le sait, tout le monde regarde en bas à droite de la fiche de paye. Le salaire net c'est celui qui permet de vivre au quotidien, au mois le mois, au jour le jour même, puisque la question du pouvoir d'achat est devenue une préoccupation de premier ordre pour nos concitoyens. Les lignes au-dessus, on les comprend moins sauf lorsqu’on est confronté au chômage, à la maladie, aux accidents de travail, aux congés paternité ou maternité, ou à la retraite justement.

Nous sommes donc très opposés à tout retour du bulletin de paie dit « simplifié », car c’est une ineptie aussi bien du point de vue des salariés que de la gestion de l'entreprise pour laquelle cela rajouterait de la complexité au lieu de simplifier.

Voilà les deux lignes rouges sur lesquelles nous avions déjà alerté députés et sénateurs avant la motion de censure.

Troisième élément, il y a trois ou quatre articles sur le reste du projet de loi qui nous préoccupent fortement, et nous avons déjà formulé des alertes très précises sur ces sujets.

C’est le cas de l'article 6, qui concerne la suppression de l'information des salariés en cas de cession d'entreprise. À l’heure où des plans de licenciement risquent de faire perdre leur emploi à des centaines de milliers de salariés, il faut tout mettre en œuvre pour maintenir les entreprises et favoriser leur reprise par les salariés, en évitant ainsi les licenciements et la disparition d'outils industriels. C’est vrai pour SCOP-Ti, dans les Bouches-du-Rhône, pour toutes les SCOP en général et plus largement pour beaucoup d’entreprises en situation de liquidation. Réduire, comme c’est envisagé, le temps dont disposent les salariés pour élaborer une solution de reprise constituerait un scandale.

Nous nous interrogeons sur l'article 8, qui rehausse les seuils. À quoi cela sert-il ? À quel moment rehausser les seuils permet-il de favoriser la reprise d'entreprise, la pérennité des entreprises, le fait qu'elles ne soient pas vassales des grands groupes ? Finalement, à part favoriser ces derniers, nous ne voyons aucun élément positif dans une telle mesure.

Il y a aussi l'article 8bis, issu des débats sénatoriaux, qui concerne la sous-traitance. C’est un sujet extrêmement important pour la France car nous sommes le pays d'Europe qui a le plus recours à la sous-traitance. Cela induit des situations catastrophiques pour les salariés, qui sont maltraités et mal payés du fait de la course au profit induite par la sous-traitance en cascade. Quel est l'intérêt de favoriser le recours à la sous-traitance, dans ces conditions ? De notre point de vue, il faut au contraire limiter la sous-traitance et renforcer la responsabilité du donneur d'ordre.

On ne voit pas non plus en quoi l'article 10, qui amoindrit les sanctions pénales, contribuerait à un meilleur respect du droit du travail. Lorsqu’on prend une voiture, il faut avoir le permis de conduire et respecter le code de la route. Lorsqu’on prend une entreprise, ce n’est pas en facilitant les licenciements qu'on les empêche. De la même manière, ce n'est pas en enlevant des sanctions qu'on protège les salariés.

Je veux enfin évoquer les articles 4bis et 28bis. Le premier relève les seuils des marchés publics. Ces marchés publics, et plus généralement les investissements que font l'État, les collectivités territoriales, constituent des leviers extrêmement puissants pour réindustrialiser, protéger, donner un avenir. Et donc avoir de la transparence sur les marchés publics, plutôt que d’en relever les seuils, avec des critères de conditionnalité sociaux et environnementaux, est extrêmement important pour permettre à notre pays, auquel on est attaché, d'aller dans le bon sens, sur un meilleur chemin, vers le bien commun.

Le second article est plus anecdotique mais nous interroge : quel est l'intérêt de sous-traiter le recensement plutôt que de le laisser aux agents de la fonction publique territoriale, qui assurent un maillage du territoire et font un travail formidable ?

Nous le disons : nous sommes pour simplifier, mais certains éléments de ce projet de loi sont sources de complexification. Ce n’est pas déréguler qu'il faut, mais au contraire réguler pour maintenir la République, la démocratie avec une perspective sociale et environnementale, à l'inverse de ce qui est proposé actuellement.

M. Patrick Privat, trésorier confédéral de la CGT-FO. . Je veux d'abord prendre un instant pour me présenter. Si j'exerce les fonctions de trésorier à la Confédération, j'ai aussi d'autres mandats dans le secteur de la protection sociale. Je suis administrateur de la Caisse nationale de l'Urssaf, où je suis en charge des questions de DSN (déclaration sociale nominative) et de la simplification.

La simplification nous y sommes attachés à Force ouvrière, mais cette simplification ne peut pas se faire contre les salariés. Dire que l’on va utiliser les ordonnances, et ne pas utiliser l'article L. 1 du code du travail qui prévoit une concertation, une négociation interprofessionnelle, pour tout ce qui concerne l'entreprise, me semble incompréhensible.

Les entreprises, ce ne sont pas uniquement les employeurs. Elles sont aussi constituées des salariés et de leurs représentants. Passer uniquement par voie d'ordonnance pour conduire des réformes, ça serait aller trop vite en la matière. Dans votre questionnaire, vous nous avez interrogés pour savoir si nous avions été consultés en amont sur ces questions-là ; non, nous ne l’avons pas été !

Je veux revenir sur un autre aspect également qui a été souligné par Thomas Vacheron, s’agissant de la question des délais : lorsqu’une entreprise est en difficulté, je ne vois pas en quoi limiter le délai va simplifier et l’aider. Je pense, par exemple, à Duralex avec qui on a pu monter une Scop : si on avait eu des délais très courts pour pouvoir constituer le dossier et permettre à l'entreprise de continuer, nous n’y serions pas arrivés. Aujourd'hui, cette entreprise continue à vivre.

On nous reparle également de la simplification de la fiche de paie. Modestement, je veux témoigner de mon expérience en la matière  en tant que trésorier de la Confédération Force ouvrière, je supervise 150 paies par mois. Je l'avais dit au Sénat, et je le redis ici avec force, ce n’est pas une simplification souhaitable. C'est une labellisation de la fiche de paie vers laquelle il faut aller, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Des fiches de paie, j'en ai consulté des milliers, il y a de tout. Celles de l'État sont à peu près bien faites et lisibles. Dans la fonction publique hospitalière, leur contenu et leur présentation commencent déjà à varier. Dans la fonction publique territoriale, l’on trouve autant de modèles que de collectivités et dans le privé, vous avez aussi des choses très différentes.

Pour les paies du secteur privé, on peut exiger des éditeurs de paie, dans le cadre du GIP-NDS, d'avoir une norme bien précise. Voilà où est l'enjeu. Ce n’est pas en mettant quatre lignes sur un bulletin de paie que les salariés seront plus satisfaits ! Bien entendu les salariés regardent le salaire net qu'ils perçoivent, après prélèvement de l’impôt à la source. Mais, entre le salaire brut et le net, il y a des cotisations et des contributions sociales qui servent à financer notre modèle de protection sociale : à vouloir trop agréger les choses, on y comprendra encore moins.

Je rappelle aussi que, lors de leurs contrôles les inspecteurs de l’Urssaf demandent l'intégralité des lignes des bulletins de paie ; c'est-à-dire qu’ils demandent des bulletins de paie détaillés et certainement pas simplifiés. Si l’on demande aux entreprises, demain, d'avoir une nouvelle paie encore plus simplifiée, cela va leur coûter parce qu’elles devront se doter de nouveaux outils de paie, mais il faudra quand même qu’elles puissent continuer à produire le bulletin détaillé pour les contrôles, donc tout cela ne servira à rien.

Dans le secteur privé, trois éditeurs de logiciels de paie couvrent 90% du marché. Dans ces conditions, une démarche de labellisation doit pouvoir, me semble-t-il, être facilement engagée. Pour les collectivités territoriales, j'entends bien que c'est plus compliqué. Au passage, je relève que les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière n'ont pas été capables de passer à la DSN en même temps que les entreprises du privé. Cela a été fait, en décalé, beaucoup plus tard.

Enfin, je voulais, à titre plus personnel, m’étonner que le projet de loi envisage de relever le seuil de recours aux marchés publics de 40 000 euros à 100.000 euros. C'est l'art et la manière de donner le marché à un copain, de façon beaucoup plus simplifiée, sans contrôle ; il y a danger dans cette manière de faire.

M. Nicolas Blanc, secrétaire national à la transition économique de la CFECGC. Je m'inscris dans la continuité des propos qui ont été tenus.

Je vais commencer par le bulletin de paie simplifié. Je travaille dans une grande entreprise, au sein de laquelle il y a ce que l'on appelle des « bilans sociaux individualisés », qui permettent justement d'expliquer la rémunération point par point. Je pense que c'est plutôt cette logique de pédagogie qu’il faut privilégier, au lieu d’essayer de simplifier à outrance, tout en conservant un cadre réglementaire qui soit stable et qui permette aux entreprises de travailler dans des conditions correctes.

Je veux aussi rappeler le précédent du rapport parlementaire intitulé « rendre des heures aux Français », rapport qui avait inquiété nos organisations, tant les propositions qu’ils formulait se faisaient au détriment des salariés, de leur représentation et du dialogue social.

Un autre exemple assez inquiétant est celui de la question des seuils sociaux auxquels nous sommes très attachés. Je pense que c'est important, car le dialogue social s’organise sur cette base-là ; relever ces seuils constituerait une forme, non plus de simplification, mais d’appauvrissement de la représentation du personnel, des salariés. Pour nous, ce serait une remise en cause inadmissible du dialogue social.

Pour revenir à votre première question sur l’article 2, des allers-retours avec le gouvernement ont eu lieu, parce qu'il y a un certain nombre de points sur lesquels nous étions d’accord. Certaines obligations pourraient être simplifiées : je pense à celles concernant la déclaration de l’inspection du travail sur le portage salarial, une obligation très peu utilisée. Ce sont des choses que l’on peut comprendre, une démarche dans laquelle on peut facilement s’inscrire compte tenu de son ampleur limitée.

Je veux enfin insister sur le risque d’introduire des cavaliers législatifs en multipliant les propositions de simplification qui finalement mélangeraient un peu tout. Nous serons très vigilants à ce que celles-ci ne se fassent pas au détriment du dialogue social.

M. le président Ian Boucard. Merci à tous pour vos propos introductifs, je passe la parole à notre rapporteur Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Merci Monsieur le Président, Mesdames messieurs, merci pour vos différentes prises de parole.

Je vais commencer de manière très simple, pour dire qu'il y a des points sur lesquels, en tant que rapporteur, je suis entièrement d'accord avec vous. Sur l'article 2, le recours aux ordonnances, s’apparente pour nous autres parlementaires, à une façon d’escamoter le Parlement. C'est d’ailleurs pour cela que le Sénat a supprimé cet article, et, dans les discussions avec le gouvernement, nous sommes convenus d’inscrire plutôt « dans le dur » du projet de loi, afin de pouvoir en débattre, les dispositions qui devaient initialement passer par ordonnance.

Le deuxième point concerne l’article 7 sur le bulletin de paie. Là aussi, non seulement nous sommes d’accord avec vous, mais nos collègues sénateurs ont déjà supprimé cette disposition qui ne figure donc plus dans le projet de loi dont nous débattons.

Vous avez eu raison de souligner que les entreprises sont composées avant tout de salariés. Ces salariés sont soucieux que leur entreprise puisse se développer, continuer à être à être profitable et, dans ce cadre-là, ils peuvent avoir des idées sur les entraves à supprimer et sur les améliorations qui seraient bénéfiques pour les salariés. Sur la base de telles remontées de terrain, quelles seraient les modifications à apporter dans les autorisations qui sont demandées aux entreprises ?

Si ma question n’était pas assez claire, je peux essayer de l’illustrer : dans le cadre de son développement, une entreprise a besoin de solliciter des autorisations auprès d'administrations : préfecture, DREAL, ABF, DDT : avez-vous des remontées de terrain sur d’éventuels blocages administratifs, et si oui lesquels ?

M. le président Ian Boucard. Merci monsieur le rapporteur. Pour vous répondre, Monsieur Vacheron ?

M. Thomas Vacheron. C'est une très bonne question et je vous remercie, Monsieur le député, de nous donner l’occasion de nous exprimer. Je m’étonne néanmoins que, comme dans le questionnaire qui nous a été envoyé pour préparer cette audition, vous évoquiez les articles 2 et 7, dont je croyais qu’ils ne figuraient plus dans le projet de loi.

Je veux d’abord rappeler qu’une entreprise appartient à celles et ceux qui travaillent et qui y sont souvent très attachés. Aujourd'hui pourtant, on parle de perte de sens au travail, parce que les rémunérations sont trop faibles, parce que l'intensification du travail participe à la perte de sens.

L'endroit où il y a le moins de démocratie dans la République, c'est de fait dans l'entreprise. La question n’est pas tant celle des qualités ou des défauts des employeurs mais du simple fait qu’il n'y a pas de contre-pouvoir ou d’élément de régulation dans l’entreprise : dès lors, les mauvais choix qui y sont faits de manière unilatérale accélèrent, amplifient la désorganisation de l'entreprise.

C’est pourquoi, depuis 1945, les comités d'entreprise garantissent que les travailleurs et travailleuses disposent de représentants qui participent à l'activité de l'entreprise. Si nous avons eu une industrie de pointe, ce n’est pas dû au hasard : il y a un lien entre la possibilité pour les salariés de participer à la vie de l'entreprise, à ses choix, et la performance de celle-ci.

À l'inverse, au cours de la dernière décennie, la loi dite « El Khomri » ou encore les ordonnances dites « Pénicaud » ont profondément désorganisé la représentation des salariés dans les entreprises. Que nous disent ces derniers ? Il y avait des dispositions qui permettaient aux salariés d'être mieux représentés, avec plus d'élus, des délégués du personnel pour les problèmes individuels et collectifs, un comité d'entreprise compétent sur la gestion de l'entreprise et des CHSCT qui prenaient en compte la question des accidents au travail.

Je rappelle qu’aujourd'hui la France n’est pas simplement championne d'Europe de versement de dividendes, elle est aussi championne d’Europe des accidents du travail et des morts au travail.

Je veux m’associer aux remarques qui ont été faites sur la question de la sous-traitance.

Il faut comprendre quelque chose : comment est-il admissible que le processus de production, selon qu'il est celui du sous-traitant ou du donneur d'ordre, repose sur des conditions de travail et des salaires complètement différents, alors que le produit manufacturé auquel il aboutit est le même ? La raison en est que la sous-traitance permanente n'a d'utilité que pour maltraiter les salariés en limitant leurs droits et leurs salaires. C'est pourquoi nous vous demandons de réguler et de limiter le nombre de sous-traitances.

Mon collègue parlait également de marchés publics plus tôt. L’abaissement de ces seuils pose effectivement question en lui-même, mais il est inquiétant aussi car il pourrait permettre indirectement de faciliter le recours à la sous-traitance ?

Enfin, vous évoquiez la simplification et la diminution des seuils ; il y a un seuil qui nous vous en proposons de passer de 1000 à 50 salariés, c’est celui de la loi Florange permettant la reprise d’une entreprise. Cela permettrait concrètement de sauver davantage d’emplois dans un moment où nous en avons besoin.

M. le président Ian Boucard. Merci monsieur Vacheron. Je vous précise que si les articles 2 et 7 sont évoqués dans le questionnaire qui vous a été envoyé par les rapporteurs c'est que parce qu’ils étaient dans le texte de loi initial avant d’être supprimés par le Sénat, il n'est donc pas exclu que quelqu'un veuille les réintroduire dans le projet de loi en commission ou en séance, sans que cela ne constitue évidemment un cavalier législatif. Monsieur Privat, souhaitez-vous compléter ?

M. Patrick Privat. Oui, mais vous avez bien fait de préciser ce point. C'est aussi pour cela que nous avons insisté sur ces deux articles.

Le fait d’augmenter les seuils de représentation du personnel aboutit à supprimer des représentants du personnel et à ôter des prérogatives à certaines instances. La suppression du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par les ordonnances Pénicaud a été une énorme bêtise car le comité social et économique (CSE) est plus éloigné du terrain et ne peut pas jouer le même rôle d’interface entre les salariés et l’employeur.

Je vais prendre un exemple très précis, celui des visites de chantier. Nous avons vécu un moment important lors JO et des Paralympiques. Toutes les organisations syndicales étaient membres du comité d'organisation et avaient la possibilité de rentrer sur les chantiers afin de vérifier ce qu’il s’y passait. Ce n’était pas anodin, et cela a permis d’éviter qu'il y ait des accidents.

Vous m’avez également interrogé sur les démarches qui pourraient gêner les entreprises. La confiance n’exclut pas le contrôle, et il faut de temps en temps se donner les moyens de contrôler. En droit du travail, sans représentation du personnel, la situation peut vite dégénérer. Il en est de même concernant les ruptures conventionnelles : s’il n’y a pas de contrôle s’agissant des ruptures conventionnelles individuelles ou collectives, je crains le pire. Cela rendra facile la suppression d’emplois, sans aucune garantie que les salariés qui perdront leurs emplois se voient compenser à hauteur de leurs droits réels.

Si l’on multiplie les dérogations de manière permanente à la durée légale du travail, au travail de nuit, à la présence de la médecine du travail, à l’obligation de reclassement, on met en danger les salariés.

Voilà pourquoi nous tenons à avoir une vraie représentation des salariés dans l’entreprise.

M. le président Ian Boucard. Merci. Monsieur Blanc, je vous engage à réduire le temps de réponse afin de pouvoir entendre l’ensemble de l’expression politique des groupes dans le délai imparti.

M. Nicolas Blanc. Pour répondre directement à votre question, avons-nous été sollicités dans le cadre de mesures permettant de rendre plus rapides la reprise d’entreprise, ou dans la vie d’un projet de repris ? Non. Nous sommes très peu sollicités : j’étais secrétaire du CSE central d’un grand groupe, je peux vous dire qu’au niveau de la gestion de projet, nous ne sommes pas dans la cogestion. Il y a, en revanche, un échange de vues, c’est-à-dire que l’on nous tient au courant des différents points de vue, cela fait partie de la vie d’un projet, ce qui prend du temps. Ce que vous n’évoquez pas, en revanche, c’est qu’en cas de fusion-acquisition dans un grand groupe, la validation par la Commission européenne s’agissant du contrôle des concentrations de groupes, a lieu au bout d’un délai de 6 mois. L’on ne l’évoque pas assez, or c’est un « risque projet », c’est central dans l’anticipation d’un projet, l’on sait qu’on aura un temps certain nécessaire à l’application de cette réglementation. C’est donc un temps nécessairement pris, une réflexion qui se tient dans des délais incompressibles de six mois qui retardent de manière certaine le processus.

Cela est lié aux discussions qui ont lieu avec le gouvernement dans le cas de l’article 2, qui soulève la question du paritarisme, et ce dans un certain nombre d'organismes, de formations. Dans la note transmise, à notre sens il n’y avait pas de difficultés, cela allait dans le sens d’une simplification administrative qui paraissait évidente ; des échanges ont eu lieu et c’était validé. Nous sommes aussi dans une logique de simplification des choses inutiles, particulièrement s’agissant des doublons qui étaient le point saillant de la question.

Enfin, je voulais revenir sur l’article 6. Je pense que, oui, il faut laisser un temps d’information aux salariés s’agissant des reprises d’entreprises. Le ministère de l'économie nous accompagne, avec ses équipes, afin d’assurer un tuilage des entreprises. Il faut laisser la possibilité d’un tel dialogue : les salariés sont attachés à leur entreprise et essayent de trouver des solutions.

M. le président Ian Boucard. Merci. Monsieur le rapporteur ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Oui, de manière très courte, je ne suis pas tout à fait d’accord. S’il existe un tuilage réalisé par le ministère de l’économie, il ne concerne pas les entreprises de moins de 50 salariés. Dans le cas des plus grosses entreprises, le délai de prévenance pour les salariés est le même, comme le prévoit l’article 6.

Ma première question, mais je m’étais sans doute mal exprimé, était de demander quelles étaient les améliorations possibles hors du code du travail. J’ai compris des propos de M. Blanc que vous n’aviez pas de remontées de terrain sur le sujet.

Ma deuxième question sera très rapide : l’article 8 bis ouvre une possibilité de résiliation d’un contrat de sous-traitance lorsque le sous-traitant est en redressement judiciaire au terme d’un délai. Le délai passe d’un mois dans le droit commun à quinze jours ; j’aurais voulu avoir votre avis : cela vous semble-t-il raisonnable ? Je suis assez partagé sur le sujet, cela voudrait dire que l’on contribue à enterrer encore plus facilement une entreprise déjà en difficulté.

M. le président Ian Boucard. Monsieur Vacheron ?

M. Thomas Vacheron. Très rapidement, je veux insister sur un élément important pour nous, qui est celui des délais de paiement excessifs de l’État et des commanditaires publiques. La problématique de fond reste celle de la sous-traitance, mais cela a déjà été évoqué.

Deuxième exemple, lorsqu’on évoque les dérogations au code du travail, je rappelle l’assouplissement du régime des heures supplémentaires qui peuvent être payées qu’à 10% supplémentaires, au lieu de 25 %, depuis la loi El-Khomri. Cela a créé un ajustement à la baisse, les entreprises recourant à cette nouvelle faculté afin de rester concurrentielles.

M. Patrick Privat. Je réponds à la question portant sur la réduction du délai d’un mois à quinze jours : il me semble qu’une entreprise qui se soigne est préférable à une entreprise qui meurt, qu’elle soit contractante ou cocontractante. À ce titre, le délai de quinze jours paraît insuffisant et il faut laisser davantage de souplesse, c’est une règle de base en matière de recouvrement.

Une question qui n’est pas abordée, mais qui figurait dans votre questionnaire, est celle de la création du Haut conseil à la simplification des entreprises. Je note que nous n’y sommes pas représentés. Je suis pour la simplification, mais j’aimerais que, comme s’agissant du Conseil national de l’industrie, nos organisations syndicales y soient représentées. La simplification ne saurait se faire toute seule, ni de manière dirigiste.

M. Nicolas Blanc. S’agissant des délais, nous n’avons pas eu le temps de les étudier ; nous vous répondrons par écrit.

Sur la proposition de créer un Haut conseil à la simplification, sous réserve des décrets d’application, la question se pose des prérogatives réelles de ce conseil.

M. le président Ian Boucard. Merci. J’en viens aux orateurs des groupes, pour une durée maximale de trois minutes.

M. Thierry Tesson. Je remercie les représentants des syndicats des salariés, de leur présence pour évoquer un sujet essentiel, celui de la simplification de la vie économique. Nous savons tous que ces normes, ces contraintes, ont un coût qui pèse bien évidemment sur l'emploi, que l’on doit tous défendre. De fait, c’est l’objectif affiché de cette loi.

L’excès de normes crée une complexité qui devient absolument envahissante, notamment du fait de la surtransposition de directives européennes. L’on pourrait citer la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), les criètres environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), les zones faibles émissions (ZFE), etc… autant d’acronymes obscurs qui masquent une réalité : celle du frein à l’activité économique. Lorsqu’on la regarde de près, cette loi dite « de simplification » s’apparente davantage à un texte fourre-tout, un amas d’exceptions qui ne procède à aucune suppression de norme. Pire, et cela vient d'être évoqué à l'instant, il prévoit même la création d'une structure dont le bon sens devrait conduire à la suppression, un Haut conseil de la simplification. Le Rassemblement national sera évidemment contre cette invention.

Cette loi ne sera en aucun cas un choc de simplification, ce que l’on peut évidemment regretter.

Je reprends la question du rapporteur, messieurs Vacheron et Privat, sur les propositions que vous pouvez amener, s’agissant de la simplification. J’entends que vous défendez les salariés, c’est donc peut-être plus compliqué de simplifier la vie économique et de supprimer des normes. Nous attendons de vous, défendeurs des salariés et acteurs du dialogue social auquel nous sommes nous aussi attachés, un message concernant ces enjeux de simplification dont notre pays a besoin.

Quelles sont, selon vous, les mesures essentielles et prioritaires en matière de simplification afin de préserver l’emploi dans notre pays, qui est la clé de tout ?

Mme Sandrine Nosbé. Mesdames, messieurs les représentants des syndicats des salariés, merci d'être présents aujourd'hui à cette table ronde.

L'année 2024 en France a été marquée par un record de défaillances d'entreprise : 65 764 entreprises sont entrées en redressement ou en liquidation judiciaire pendant l'année 2024, et actuellement en 2025 c'est plus de 300 000 emplois, directs ou indirects, qui sont menacés au travers de 300 plans de licenciement.

Ce projet de loi qui vise à simplifier la vie des entreprises en supprimant la bureaucratie, et en les soulageant de la recherche administrative, n'a de simple que le nom. Très technique, fourre-tout cela a été dit, parfois anecdotique. Derrière une simplification de façade s’ouvrent une nouvelle fois des brèches dans les droits sociaux et dans le droit de l'environnement, avec par exemple la réduction des exigences de compensation des atteintes à la biodiversité, l'exclusion des projets industriels et des data centers de l'objectif ZAN (zéro artificialisation nette), la simplification du bulletin de paie, certes supprimée par le Sénat mais qui pourrait être réintroduite, ou encore la réduction, voire la suppression du délai d'information préalable obligatoire des salariés lorsqu'est envisagée la vente d'une entreprise de moins de 50 salariés.

Il s’agit de véritables régressions, de nouvelles attaques aux droits de l'environnement et aux droits des salariés. Il est nécessaire de supprimer de telles régressions et nous proposerons, en plus, des amendements visant à prévenir les plans sociaux, à favoriser la reprise d'entreprise par les salariés et à faire face à la crise climatique.

Nous savons tous que ce projet de loi est vivement soutenu par le Medef. Que pensez-vous de ce soutien ? S'agit-il là d'un projet de loi avec de véritables avancées pour les salariés ?

Enfin, une question portant sur l'article 27. Dans ce texte, métamorphosé par le Sénat, est prévue la création d’un Haut conseil à simplification pour les entreprises. Ce Haut conseil, aux pouvoirs exorbitants, aurait compétence pour se prononcer sur des normes affectant les entreprises dans tous les domaines, et serait placé sous la houlette des organisations patronales, en l’absence des représentants du monde du travail, des organisations syndicales. Quel est votre avis sur ce haut conseil ? Je vous remercie.

M. Jean-Pierre Taite. Un grand merci pour vos interventions. Je suis un peu perdu. Ayant moi-même créé deux petites entreprises de moins de 15 salariés, j’ai toujours eu le sentiment d’avoir besoin de simplification et je souhaitais, pour cette raison, participer à cette commission aux côtés de Ian Boucard, dans la logique défendue également par le président de la droite républicaine, Laurent Wauquiez.

Vous êtes issus de grosses entreprises. Aussi, j’attendais de vous des propositions de simplification, mais vous avez plutôt avancé des arguments contraires. Au vu de votre expérience de représentants syndicaux, comment peut-on simplifier ?

M. Gérard Leseul. Merci à nos invités d'avoir répondu aux questionnaires des rapporteurs et de continuer de répondre à nos questions.

Je partage votre point de vue, nous ne pouvons envisager l’entreprises sans ses principaux acteurs, à savoir les salariés, c’est une évidence. Nous ne pouvons envisager l’entreprise sans interlocuteurs reconnus, rompus à la discussion et connaissant les différents rouages de l’entreprise. D’ailleurs, Claude Bébéar, grand patron tutélaire des entreprises françaises, l’avais bien compris : il avait mis en place un chèque syndical afin de faciliter l’adhésion des salariés à un syndicat de leur choix afin d’organiser, faciliter la représentation et la création d’interlocuteurs afin de négocier. Je viens aussi de l’entreprise, à la fois TPE, entreprise associative, mais aussi des grands groupes, où j’ai été confronté à la mise en place de différentes normes environnementales, sociales, que nous connaissons.

Je ne vous interroge pas sur la CSRD, que nous aurons peut-être l’occasion d’aborder plus tard ; je rejoindrai mes collègues car au-delà de nos divergences politiques, je suis demandeur de deux mesures de simplification. Je serai moins ambitieux que mon collègue en n’en demandant que deux, deux mesures de simplification que nous pourrions porter au débat. Je vous remercie.

M. le président Ian Boucard. Merci. Je donne la parole aux représentants des organisations syndicales pour répondre.

M. Thomas Vacheron. Je vais vous faire deux propositions concrètes et immédiates pour améliorer la situation.

La première concerne les marchés publics. Elle consiste à introduire des critères de conditionnalité, sociaux et environnementaux, pour le « made in France » ou le « made in Europe ». Concrètement, il y a des milliards d’euros de commande publique : aujourd'hui les habits de l'armée sont fabriqués à l'autre bout de la planète dans des conditions de travail scandaleuses, alors qu’il s’agit d’un marché public. La question n’est pas de tout relocaliser, mais de produire ici ce qui est consommé ici. La commande publique doit flécher, l’enjeu est gigantesque, y compris s’agissant des TPE-PME.

Deuxième proposition : la question des aides publiques aux entreprises privées. La première dépense publique consiste dans les aides aux entreprises privées, directes ou indirectes via les exonérations fiscales ou sociales, qui sont captées quasi-exclusivement par les grands groupes.

Ces aides sont également captées par la sous-traitance en cascade, que j’ai évoquée plus tôt. Je soulevais tout à l’heure l’exemple des heures supplémentaires, la même logique s’applique concernant les exonérations : lorsqu’il existe une aide publique, le donneur d’ordre communique à son sous-traitant qu’il sait à quel montant ce dernier a droit, et lui demande de manière systématique de lui rendre celui-ci à l’occasion de la passation du marché. À cet égard, notre position est de privilégier la transparence et la conditionnalité, afin de protéger les TPE-PME qui forment le maillage de notre pays ; il n’y a pas de service public sans industrie.

M. Patrick Privat. Très rapidement, comme mesure de simplification, nous proposons que l’on revoie les exonérations de cotisations, qui représentent 80 milliards d'euros. Ces exonérations rendent l’établissement des fiches de paie infiniment plus complexe, il faut donc revoir ce dispositif et simplifier, afin de permettre d’éviter l’optimisation sociale et fiscale.

Deuxième proposition, la labellisation des fiches de paie. Une telle labellisation, pour le public comme pour le privé, permettrait une présentation unique, comprise de tout le monde.

M. Nicolas Blanc. Je vais vous répondre directement. S’agissant des mesures de simplification, nous en avions déjà proposées dans le cadre de la loi « partage de la valeur » : je pense à l’épargne salariale, sur laquelle le texte portait et qu’il faut encore développer.

Je vais dire un mot de CSRD, qui a permis aux entreprises qui en ont anticipé les effets de se distinguer d’autres grands groupes, notamment en matière de transparence et de RSE. Pour l’entreprise de demain ces avantages sont un gage d’attractivité. Je pense donc que certaines normes, comme celles-ci, peuvent être source non pas de complexité, mais d’avantages concurrentiels et comparatifs.

M. le président Ian Boucard. Comme il nous reste une minute, je redonne la parole à M. Leseul.

M. Gérard Leseul. Justement, sur ces sujets-là, j’aurais été intéressé d’avoir votre point de vue. Vos organisations se saisissent-elles des reportages extra financiers ? Est-ce un élément de dialogue interne à l’entreprise ?

M. Nicolas Blanc. Je réponds rapidement. Bien sûr, nous formons à ces enjeux nos administrateurs, dans les conseils d’administration où ils siègent. Aujourd’hui, la comptabilité extra-financière est un élément essentiel de l’appréhension de l’entreprise, que nous avons essayé d’accompagner.

Enfin, j’évoque un dernier point sur les marchés publics, et plus particulièrement sur les critères environnementaux. Ces enjeux sont présents partout : aux Etats-Unis, l’Inflation Reduction Act a servi à relancer la commande publique ; il nous faut avoir cette volonté-là. L’effort récemment annoncé en matière de défense passera par des marchés publics ; il est indispensable que le recours accru aux marchés publics reste sous contrôle et soit, par conséquent, encadré par une règlementation adéquate.

M. le président Ian Boucard. Il me reste à vous remercier pour la qualité de vos réponses, et d'avoir préparé cette audition avec les questionnaires adressés.

*

*     *

Puis, la Commission auditionne les organisations patronales lors d’une seconde table ronde sur le projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).

M. le président Ian Boucard. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux par la table ronde des organisations d’employeurs. Nous accueillons cet après-midi : M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), accompagné de M. Stéphane Dahmani, directeur adjoint du pôle économie et de Mme Élizabeth Vital Durand, responsable du pôle Affaires publiques ; M. Dominique Chargé, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), accompagné de M. Lionel Vignaud, directeur des Affaires économiques, juridiques et fiscales et de M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques ; enfin, M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) et Mme Thérèse Notte, responsable des relations parlementaires.

Mesdames, Messieurs, nous souhaitons vous entendre – comme nous l’avons fait tout à l’heure avec les organisations syndicales – à la fois sur le projet de loi initial du Gouvernement et sur les modifications introduites au Sénat. Je vais d’abord vous céder la parole pour un exposé liminaire de quelques minutes. Nous en viendrons ensuite aux questions l’un de nos deux rapporteurs, Christophe Naegelen puis à celles des orateurs de groupe et et nous conclurons par les questions individuelles des collègues. Je tiens à excuser notre co-rapporteur Stéphane Travert, qui est retenu pour le moment dans l'hémicycle et qui espère pouvoir nous rejoindre.

Je vous propose de commencer tout de suite la table ronde par le Medef.

M. Patrick Martin, président du MEDEF. Je vous remercie de nous accueillir pour échanger sur ce projet de loi de simplification auquel nous sommes particulièrement attachés et qu'il nous tarde de voir aboutir…

Je tiens d’abord à rappeler que le Medef réunit 200 000 entreprises. Cela signifie que nous représentons tous les secteurs d'activité, toutes les tailles d'entreprises et ce, dans tous les territoires. Le sujet qui nous réunit, celui de la simplification, est un enjeu évident – en tout cas de notre point de vue – dans un contexte international qui exige un niveau de compétitivité et d'attractivité chaque jour plus élevé. Je fais naturellement référence aux offensives que mènent en particulier les États-Unis et la Chine.

Je voudrais m'exprimer devant vous, bien sûr, en tant que président du Medef mais également en tant que praticien. J’ai vécu en tant que chef d’entreprise des situations qu'il vous appartient de prendre en compte et de régler autant que possible.

À titre d'illustration, j'ai engagé il y a quelques années à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, un important investissement, de l’ordre de 35 millions d'euros. J'ai été confronté à toutes sortes de problématiques : ce que j’appelle « l’enquête faune et flore - quatre saisons », les fouilles archéologiques… Tout cela a duré jusqu’au moment où le préfet – je crois en outrepassant ses droits, en tout cas dans la situation de l’époque –, a pris les choses en main et a mis un petit peu d'ordre entre les différentes administrations, pour que le projet avance vite et bien.

J'ai mené des projets dans l’Ain, dans le Rhône et en Mayenne portant sur des bâtiments identiques, pour les mêmes montants d'investissement. Et à chaque fois, nous avons été soumis à des traitements différents…Il y a donc un problème de cohérence dans l’application territoriale de notre droit !

Enfin, je voudrais insister sur l’intensification de la compétition internationale et sur la sensibilité des enjeux de complexité ou de simplification aux yeux des chefs d'entreprises, ainsi qu’à ceux des investisseurs. J’ai envoyé aux États-Unis une mission qui s'est penchée sur l'état général du pays et ses projets – assez inquiétants à bien des égards –. Elle a rencontré en particulier les chefs d'entreprises américains qui ont déjà investi en France ou qui, pour certains d'entre eux, imaginaient d’investir en France. Je vous le confirme : l’enjeu de la simplification est très discriminant ! Pour ma part, j’étais à Bruxelles il y a quinze jours auprès de la Commission européenne. Les enjeux liés à la « directive omnibus » sont également extrêmement prégnants dans nos esprits. Je vais me rendre en Chine dans dix jours avec le ministre des Affaires étrangères et je sais que, là-bas aussi, ces enjeux de simplification, de fluidité, de rapidité dans l'exécution sont pris en compte – probablement de manière plus efficace que dans d’autres pays, malgré la lourdeur de l'administration chinoise.

Par conséquent, c'est un enjeu extrêmement important que vous êtes amenés à traiter. Et nous vous apporterons un soutien résolu.

Je voudrais par ailleurs insister sur le sujet essentiel de la prévisibilité et de la lisibilité du droit. Il est quand même malencontreux que notre propre État soit lui-même conduit à déroger à ses propres règles, c'est à dire à prendre acte du fait qu'elles sont inapplicables, en tout cas trop lourdes, trop complexes et trop bavardes. Je fais référence évidemment aux dispositifs dérogatoires qui ont pu être mis en œuvre, par exemple pour le chantier de Notre-Dame ou pour Mayotte, Comme cela avait pu être le cas dans le passé l'implantation d’’usines Toyota ou celle d’Eurodisney.

Je reviens sur Mayotte. J'étais chez le ministre Manuel Valls il y a quelques jours pour parler des chantiers de reconstruction. Le ministre lui-même a été interloqué parce que la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) refuse de déroger aux procédures en matière d’environnement et, en particulier, veut que les délais d'instruction des dossiers soient ceux de droit commun malgré unesituation qui relève en tous points de l’urgence. On marche un petit peu sur la tête, si vous me passez l’expression !

C'est dans cet esprit que le Medef a énoncé une dizaine de propositions. Nous proposons, par exemple, d’encadrer strictement les délais d'instruction des demandes d'autorisation environnementale ; de mettre en place un guichet unique pour celles d'urbanisme ; d’encadrer les délais de jugement des contentieux environnementaux, afin que le juge administratif statue dans un délai de dix mois.Je conclus sur ce point à travers quelques illustrations. Quand je parle de prévisibilité et de stabilité, c'est un enjeu essentiel de sécurité pour les chefs d'entreprise. Il est important, par exemple, que lorsqu’une loi est votée, ses décrets d'application soient pris dans des délais raisonnables.

Je vous cite deux exemples que, pour ma part, je trouve assez choquants. Il s'est écoulé deux ans entre la publication de la loi dite « partage de la valeur » – elle reprenait fidèlement d'ailleurs l’accord national interprofessionnel signé entre partenaires sociaux – et la date à laquelle le dernier décret d'application – qui était extrêmement sensible – a été pris.

Il a été pris – si je ne me trompe pas – à la veille des dernières élections législatives. Et j'ai beaucoup insisté auprès de l'exécutif pour qu’il le soit… Un autre accord national interprofessionnel sur un autre sujet sensible, celui des accidents du travail et des maladies professionnelles, a été transcrit dans la loi – si je ne me trompe pas – il y a trois ans. Or, aujourd’hui, certains décrets d’application restent à prendre sur des enjeux extrêmement importants, qui permettraient d'optimiser le fonctionnement des services de santé au travail. Dieu sait si c'est un enjeu sensible…. Je crois qu'il est important que, une fois que la loi est votée, elle soit respectée.

Le lendemain de mon élection à la présidence du Medef, je me suis rendu en Ille-et-Vilaine, sur le site de l’entreprise Le Duff. L’entreprise projetait un investissement de 150 millions d'euros, avec à la clé 500 emplois directs et 500 emplois indirects. Toutes les procédures administratives étaient purgées. Et puis, des opposants de toute nature se sont mis en travers de la route de ce projet. Monsieur Le Duff, le dirigeant du groupe éponyme breton – solidement ancré dans son territoire – y a renoncé.

Je pense aussi – c'est une actualité plus récente – à ce qui se passe autour de l’autoroute A69 qui, en termes d'aménagement du territoire, sur le plan économique d'économie et à bien d'autres égards encore, est un enjeu important. Mais peu importe finalement ce que l'on pense de ce sujet : à partir du moment où le projet est validé, une annulation ultérieure constitue une source d’instabilité, donc d’incompréhension pour tous les acteurs économiques.

Il est donc important que dans l'élaboration des textes normatifs, il y ait au préalable des études d’impact sérieuses, réelles et exhaustives, y compris – si je puis me permettre – en ce qui concerne un amendement.

Je vais vous citer un dernier exemple ou contre-exemple qui remonter à la loi dite « climat et résilience ». Àl'époque, le Medef avait identifié des risques et mis en garde, en particulier contre l’application du zéro artificialisation nette (ZAN) ou des zones à faibles émission (ZFE). Ces avertissements n'ont pas été pris en compte ! On voit ce qu'il advient quelques années plus tard quand il s'agit de mettre en œuvre ces dispositions… Je le répète : il importe de réaliser en amont des études d'impact sérieuses et en aval, une application rigoureuse et stable de la loi autant que possible.

M. Dominique Chargé, vice-président de la CPME. Je vous remercie beaucoup de nous donner la parole dans le cadre de cet échange sur une loi à laquelle nous sommes, nous aussi, évidemment très attachés.

La CPME représente 240 000 entreprises implantées dans l'ensemble du pays. Ce sont des entreprises qui irriguent l'économie et le modèle social de nos territoires. J’ai fait moi aussi, à plusieurs reprises, dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire notamment, des appels à la simplification auprès des différents ministres concernés.

Dans une enquête que nous avons réalisée auprès des adhérents de la CPME, 28 % dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) ont déclaré passer aujourd'hui plus de deux jours par semaine à des tâches administratives. Je tiens quand même à vous le dire parce que c'est un sujet d'importance et que la charge administrative ne fait qu’augmenter.

Entre 2003 et 2023, plus de 1 000 lois ont été promulguées, soit plus de 50 lois par an impactant l’activité des entreprises et leurs dirigeants. Nous faisons face à ce que j'appelle une embolie des normes qui crée – comme l’a dit Patrick Martin – un problème d'appropriation, d'instabilité dans la décision, d'instabilité économique et surtout une source d’insécurité juridique pour les chefs d'entreprise car ils peuvent difficilement appréhender l'ensemble de ces évolutions du droit.

Enfin, se pose la question de la sécurité juridique et donc, au-delà, celle des charges administratives générées par cette embolie normative. Le coût annuel que représente cet excès de normes en France serait de 3 % du PIB, soit près plus de 80 milliards d'euros. La France se classait en 2021 au 82ᵉ rang mondial du World Economic Forum pour le fardeau de la réglementation, très loin derrière les États-Unis et, plus près de nous, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et même de la Pologne ou de la Suède, qui sont pourtant des états appliquant beaucoup de normes.

En réalité, ce qui pèse aujourd'hui sur les entreprises, quand on a une question, c'est l'absence de réponse immédiate et les délais nécessaires à l’administration pour en apporter – beaucoup trop longs –, ainsi que l’absence de contact direct au sein des administrations pour résoudre les difficultés. Ce sont les deux sujets évoqués très fréquemment par les chefs d'entreprise confrontés à cette complexité administrative. Et pourtant, la France sait faire des choses intéressantes : pendant la crise de la Covid-19, chacun a pu constater notre capacité à nous adapter aux circonstances, à pouvoir prendre des décisions rapidement et à pouvoir les mettre en œuvre.

La France sait aussi se réformer. Je ne prendrai qu’un seul exemple avec le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, dont nous avions tous prédit que ce serait un échec et qui est, au contraire, un formidable succès ! C’est dire que la France sait se réformer et que l’administration peut aussi faire preuve de beaucoup d'agilité.

Il y a pourtant eu des initiatives prises pour réduire la charge administrative des entreprises. Aujourd’hui, elles s’empilent ! On en a eu un en 2013, en 2018, 2019 et 2020.

Ce qui importe dans ces différents dispositifs, c’est l’établissement d'une relation de confiance. La reconnaissance du droit à l’erreur fait partie des mesures de simplification, dont l’application comporte une obligation de moyens et pas forcément une obligation de résultats.

Je voudrais aussi insister sur le principe du silence de l'administration qui vaut approbation. L’évolution de la réglementation s’accélère et aboutit à plusieurs milliers de procédures à connaître. Cependant, il existe des exceptions aussi nombreuses et, par conséquent, on ne sait plus ce qui relève de la règle et ce qui relève de l’exception : c’est problématique dès lors que l'on cherche à simplifier... Pour en venir plus concrètement au texte qui nous occupe, je veux vous dire que la CPME s’est engagée très tôt, avec les quatre-vingts propositions que nous vous avons remises l'année dernière. Nous nous sommes positionnés sur un certain nombre de sujets que l'on retrouve dans le projet de loi, tel qu'il est rédigé aujourd'hui.

Nous sommes donc favorables, évidemment, à la plupart des dispositions qui y figuraient initialement et à celles qui ont été ajoutées, même si certaines pourraient encore être améliorées. Évidemment, la proposition phare à laquelle nous avons beaucoup participé est celle du « test PME » sur lequel je vais revenir dans un instant – si vous le permettez.

Je veux également citer les mesures qui facilitent la commande publique ou la suppression préalable d'information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Je vais y revenir car si le texte abandonne l’amende ou la peine d'emprisonnement, il fait passer la sanction de l'amende de 7 500 euros à 200 000 euros, soit une multiplication par 26. Il ne faudrait pas que l’augmentation de cette amende nous fasse regretter la peine de prison…

M. le président Ian Boucard. La liberté n'a pas de prix, M. Chargé ! Je comprends sans doute l'esprit des sénateurs au moment de faire cet amendement.

M. Dominique Chargé. Pardon, cette évolution ne concerne pas la suppression de la procédure préalable d'information des salariés ! La suppression de la peine d'emprisonnement est prévue pour la non-déclaration au registre des bénéficiaires effectifs…

Un point important pour nous, c'est de faciliter l'essor des grands projets industriels, en facilitant le déroulement des procédures. Mais le projet de loi reste quand même trop restrictif pour les grands projets, parce qu'il concerne seulement les data centers ou les éoliennes en mer. Nous aimerions que les dispositions du projet de loi puissent être élargies et permettent de traiter les enjeux des secteurs de l’énergie, du médicament ou encore de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il faut favoriser la levée des contraintes –notamment celle du respect du ZAN – et régler les questions portant sur les délais d'instruction et la gestion des recours qui aboutissent à décourager les entrepreneurs. En ce qui concerne aussi toutes les normes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), il faut aussi réaliser des simplifications et favoriser l'accélération des procédures.

La refonte du bulletin de paye prévue à l’article 7 du projet de loi a été supprimée parce que le dispositif n'apportait absolument aucune simplification – ou seulement pour le salarié. Il s’agit d’une mesure qui créait de la complexité pour l'entrepreneur.

L'article 16 du projet de loi déroge à l’obligation d'allotissement pour certains marchés publics – ce qui nous paraît constituer un problème, en tous cas pour les PME : l'allotissement permet de souscrire à certaines portions de marchés publics, alors que soumissionner de manière globale, c'est plus difficile. Par conséquent, je vous invite à y regarder de plus près et à rétablir le principe de l‘allotissement, notamment pour les gros marchés publics. S’agissant des locaux à usage commerciaux, certains de nos adhérents estiment que la définition donnée à l’article 24 A est trop restrictive : elle pourrait être élargie à des lieux où on reçoit de la clientèle de manière de manière temporaire ou en des occasions ponctuelles.

En ce qui concerne les formulaires Cerfa – nous en avons recensé 1800 –, les deux tiers, doivent être remplis à la main puis soit scannés soit postés. Pourtant, 80 % des informations qui sont demandées par ce biais sont déjà des informations connues ou produites par l'administration même. Nous proposons plutôt de créer un coffre-fort numérique qui donne vraiment les moyens d'appliquer le principe « dites-nous-le une fois pour toutes ». C'est quelque chose d'important !

Dans le registre des choses que l'on fait et qui sont probablement ou qui pourraient être très allégées, les entreprises remplissent 15 millions de déclarations d’arrêts maladie alors que les organismes de sécurité sociale sont déjà prévenus. Il en va de même pour les 26 millions d'attestations de chômage que les entreprises établissent chaque année. Je pense que l'on pourrait simplifier tout cela.

J'en viens au dernier point : le « test PME », aussi qualifié, de manière plus générale, de « test entreprises ».

L’appellation du « test PME » a été modifiée et le projet de loi adopté par le Sénat crée désormais un Haut conseil à la simplification pour les entreprises. De notre point de vue, ce n’est pas tout à fait l'esprit dans lequel nous l'avions imaginé et même testé, avec un essai sur l’application de la directive CSRD. Dans ce cadre, nous avons sollicité quatorze entreprises et nous les avons mis en rapport avec l’administration compétente, à savoir la direction générale des Entreprises, afin de réaliser, une évaluation concrète, in situ, de ce qu'étaient les conséquences de l’application de nouvelles normes réglementaires dans les entreprises, à la fois sur le plan du temps passé, du coût et, évidemment, des contraintes.

De notre point de vue, si l'on veut conserver un test efficace et conforme à la manière dont nous l’avions défini, il faut que l’évaluation implique à un moment des entrepreneurs et des entreprises pour faire une étude d'impact. C’est pourquoi nous proposons que le Haut Conseil chargé de réaliser le test PME soit aussi habilité à suivre l’exécution de l'étude d'impact, afin que l’administration n’ait pas la tentation d’obtenir le résultat qu'elle souhaite dans le cadre de cette étude et que celle-ci prenne bien en compte les commentaires et les avis des entreprises.

Nous souhaitons aussi que lorsque le Haut Conseil émet un avis non suivi par le Gouvernement, et que le Parlement décide de passer également outre, ces décisions soit systématiquement motivées. Nous pensons par ailleurs que la saisine du Haut Conseil doit pouvoir être effectuée par les chefs d'entreprises, par le biais de leurs interprofessions, de sorte de conférer une efficacité maximale au « test PME ».

Voilà en peu de mots les points sur lesquels je voulais vous interpeller.

M. le président Ian Boucard. Merci, Monsieur Chargé. Nous aurons l'occasion – j'en suis sûr – de revenir sur l'idée du test entreprise, certains groupes ayant déjà pris position contre tout à l'heure. Je passe la parole à Monsieur Picon pour l’U2P.

M. Michel Picon, président de l’U2P. L'U2P représente l'ensemble des très petites entreprises (TPE) de ce pays, à savoir celles de moins de dix salariés. La moyenne du nombre de salariés dans nos entreprises est plus proche de quatre. Inutile de vous dire que les questions de complexité et de temps administratif se posent dans ces petites structures, au détriment de la vie familiale la plupart du temps. Je pense par exemple à une infirmière qui doit prendre deux heure chaque jour pour codifier l'ensemble des actes qu’elle pratique et ce genre vaut pour beaucoup d'autres professions.

L'U2P porte évidemment un très grand intérêt au projet de loi et aux dispositions qu'il contient. Je ne vais pas les lister toutes ! Nous avons formulé 130 propositions émanant de l'ensemble de nos secteurs puisque notre organisation couvre le champ de l’artisanat, le champ du commerce et le champ des professions libérales.

Bien entendu, je retiens le dispositif du « test entreprise » mais si vous me le permettez, il conviendrait aussi d’envisager un « test TPE » car ce qui peut très bien marcher dans une structure de 50 ou 80 personnes, dotée d’un directeur des affaires financières et d’un directeur du personnel, peut ne pas du tout fonctionner dans une petite entreprise de huit ou neuf salariés. J’attire donc votre attention sur le fait que ce « test entreprise » doit être un peu multiforme et prendre en compte l’application des normes dans une TPE. Oui, l'insécurité juridique dans les TPE est vraiment extrêmement préoccupante ! On voit des gens qui se retrouvent en difficulté, poursuivis alors qu'ils n'avaient pas l'intention de se mettre en infraction. Tout cela à cause de la complexité croissante des règles auxquelles ils sont soumis.

Comment ne pas aborder les deux nouvelles dispositions qui vont s'appliquer aux entreprises ? Celle du guichet unique par exemple, qui existe déjà mais qui pose des difficultés. Si nous l'avions testé, peut être aurions-nous perdu un peu moins de temps… Nous sommes très inquiets également de ce qui va se passer avec la facturation électronique alors que l’État nous avait promis une plateforme publique mise à disposition des entreprises. On nous dit aujourd’hui qu'il faudra que chacun se débrouille. Est-ce que ça va marcher ? Là encore, le test et la réflexion préalables nous paraissent devoir être renforcés.

Et puis, bien évidemment, il y a tous les toutes les dispositions environnementales qui pèsent sur les entreprises. Nos petites entreprises sont souvent sous-traitantes de grands groupes. Mais comme Patrick Martin l’indiquait tout à l'heure, lorsque des grandes entreprises ne peuvent pas développer leurs chantiers, eh bien c'est autant de petites entreprises en sous-traitance qui sont bloquées et qui sont en difficulté !

Voilà ce que je voulais vous vous dire à titre liminaire. Nous sommes très heureux que ce texte arrive enfin devant cette assemblée. Nous l'attendions ! Pour nous, ce n'est pas un aboutissement car nous avons conscience que le chantier est immense. On ne vide pas la mer avec une petite cuillère à café, mais presque !

M. le président Ian Boucard. Je vais passer maintenant la parole à notre rapporteur sur la première partie du texte, Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Monsieur Martin, vous parliez de cohérence et d’application du droit dans votre propos liminaire. Pourriez-vous nous citer deux ou trois exemples des incohérences que vous auriez vous-même expérimentées ? À quel niveau se situaient-elles ?

Deuxièmement, quelles démarches précisément pourraient être modifiées pour faciliter la vie des entreprises et leur développement ? Je pense notamment à des procédures qui pourraient passer d’autorisations à de la déclaration, ou des autorisations qui pourraient passer de l’avis conforme à un avis simple. Comment simplifier concrètement ?

Monsieur Chargé, à l’inverse vous parliez d’embolies normatives et donc je voudrais aller un peu plus dans le détail. Concrètement, quelles sont-elles ? Qu’est ce qui pourrait être supprimé, parmi ce qui est aujourd’hui demandé aux entreprises, pour faciliter la vie des chefs d’entreprise ?

J’avais demandé l’envoi d’un questionnaire aux adhérents de vos trois organisations de mon département, mais les réponses manquaient de concret. Aujourd’hui, je suis assez content de toutes les propositions qui ont été avancées.

Dernière question pour Monsieur Picon, au sujet des TPE que vous représentez, concernées par la sous-traitance plutôt à la fin de la chaîne, pensez-vous qu’il faudrait limiter encore plus la sous-traitance, à un ou deux échelons peut-être ?

M. le président Ian Boucard. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous invite tous à faire des réponses les plus concises possible pour que le dialogue puisse circuler, que l’ensemble des groupes puisse s’exprimer et qu’on ait un débat très constructif.

M. Patrick Martin. En matière d’incohérence, je reviens d’un mot sur l’impérieuse nécessité d’être cohérent au sein de l’Union européenne. Je pense qu’il faut que nous nous interdisions tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à des sur-transpositions, ou au moins, de manière plus tactique, que l’on ne soit pas toujours les meilleurs élèves de la classe en se précipitant pour transposer des directives alors que d’autres pays tardent à le faire. Je pense notamment à la directive dite « CSRD », en rappelant qu’il y a dix-sept pays de l’Union européenne et pas des moindres – l’Allemagne, en particulier – qui ne l’ont toujours pas transposée. En matière d’incohérences, j’évoquais tout à l’heure les gros investissements que mon entreprise familiale a engagés dans différents départements ; ce sont exactement les quatre mêmes : 35 000 mètres carrés de construction et 170 emplois dans chaque cas. Parfois, on nous a imposé l’étude « Faune flore, quatre saisons », parfois non. Dans certains cas, les préfets ont pris les choses en main, ont coordonné les différentes administrations pour réduire les délais, y compris celle qui, à ma connaissance, ne relèvent pas de leur autorité hiérarchique. Dans d’autres cas, ils ne l’ont pas fait, ce qui crée donc un aléa extrêmement préjudiciable. J’évoquais tout à l’heure le projet que nous avons mené à bien à Brive, grâce au préfet et au maire : à un moment donné, pour tout vous dire, j’étais sur le point de renoncer à ce projet-là.

Il faut donc une cohérence par rapport aux pays voisins et une cohérence à l’intérieur même de notre pays, d’un territoire à l’autre. A cet égard, le rôle donné aux préfets me paraît très déterminant. Il y a toutes sortes de préfets – on les respecte tous par définition – mais en règle générale, les préfets sont des gens soucieux d’opérationnalité.

M. Dominique Chargé. Je vous ai cité dans mon propos préalable ce qu’était aujourd’hui la logique des Cerfa : nous sommes toujours contraints de les remplir et de les adresser, alors que les administrations disposent déjà de ces informations.

Je vous ai cité aussi les 15 millions de déclarations d’arrêts maladie, les 26 millions d’attestations d’assurance chômage. Je relevais aussi le temps passé à l’appropriation des évolutions de la réglementation, celles environnementale et fiscale par exemple. C’est du temps passé à décrypter de la complexité. Dès lors qu’on a un projet d’extension ou de modernisation, en somme de transformation de son entreprise, on a une complexité administrative en France. Dans le secteur que je connais le mieux, on dit qu’il faut en France trois, quatre, cinq ans pour faire aboutir un projet, là où il faut entre 18 mois et deux ans en Allemagne par exemple. Ces délais sont liés à la complexité, au temps de gestion administrative dans notre pays.

Au-delà de cette complexité administrative, nous faisons aussi tous face à des recours, notamment autour des questions environnementales. Je pense qu’il y a une réflexion à conduire autour du traitement de ces recours, en tous cas des délais qui leur sont applicables et de leur récurrence : on doit trouver une solution pour faire en sorte que nous puissions mettre un terme à un moment donné à l’instruction d’un dossier, après son acceptation et sa validation administrative.

De surcroît, les entreprises passe beaucoup de temps, et de plus en plus, sur les rapports financiers et extra financiers, ou sur les obligations issues de la loi dite « loi Sapin 2 ».

M. Michel Picon. Monsieur le Président, vous vous me questionnez sur la sous-traitance. Nous pensons que deux étages de sous-traitance doivent être suffisants, sans quoi on aboutit à une dilution de la valeur créée.

Je vais prendre deux exemples pour illustrer un petit peu mon propos, un qui est dans le bâtiment et l’autre qui est dans l’alimentaire.

Dans le bâtiment, on m’indique qu’il faut faire une première déclaration concernant les informations exigées avant de commencer des travaux, par exemple au sujet des réseaux d’électricité ou d’éclairage public. Tout cela est du bon sens. Mais dans le même temps, il faut faire une seconde demande pour l’occupation du domaine public. Pourquoi en faire deux alors qu’une seule permettrait de simplifier la vie des entreprises ?

Dans l’alimentaire, il existe une déclaration qui doit être faite lors de l’enregistrement d’un commerce alimentaire. Mais si votre activité vous amène à manipuler des denrées alimentaires d’origine animale – c’est le cas d’un boucher, d’un poissonnier, d’un fromager –, alors il faut faire deux déclarations à deux administrations différentes.

Je souhaiterais aussi attirer votre attention sur l’article 6. À l’U2P, nous considérons que l’information préalable des salariés lors de la cession de leur entreprise est pour nos petites entreprises impossible, parce que dans une petite structure, lorsque le boulanger commence à dire qu’il va partir et qu’il doit en informer ses cinq salariés, les clients prennent leurs habitudes ailleurs. Par conséquent nous sommes vraiment très opposés à cette disposition très problématique dans nos petites entreprises, et nous demandons le maintien de la suppression adoptée par le Sénat.

S’agissant du bulletin de salaire, ce n’est pas le nombre de lignes qui pose question, c’est la difficulté de la lecture du bulletin de salaire que les différentes exonérations rendent complexe. Je ne veux pas dire par là qu’il faut remettre en cause les exonérations, bien évidemment, mais en s’attaquant au nombre de lignes, on prend le risque que tous les matins, le salarié vienne vous voir en vous demandant « Combien payé-je pour ma complémentaire santé ? Quelle est la participation de l’employeur ? Quelle est ma participation ? Cela n’est plus marqué sur mon bulletin de salaire », cela ne fait pas gagner du temps. C’est la raison pour laquelle nous espérons que cette disposition ne sera pas reprise.

M. le président Ian Boucard. Nous passons à l’expression des groupes pour une durée de trois minutes. Je commence avec Monsieur Gérard Leseul pour le groupe Socialistes et apparentés.

M. Gérard Leseul. La balle est dans le camp du législateur qui légifère sur tout et n’importe quoi, disiez-vous récemment, monsieur Martin, dans la presse. Et tout à l’heure, vous avez pris comme exemple la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique comme loi excessive. Comment envisagez-vous, vous qui êtes représentant du Medef, la question assurantielle des entreprises et notamment des entreprises ayant des ICPE, qui sont aussi menacées à moyen terme par la montée des eaux, notamment dans la vallée de Seine où je suis élu comme parlementaire ?

N’étant pas certain que le projet de loi aboutisse dans sa totalité, quel serait pour chacun de vous les deux mesures que vous souhaiteriez absolument conserver de ce texte ?

Enfin, nous avons auditionné tout à l’heure les syndicats de salariés. Êtes-vous favorables à la participation des représentants des salariés au Haut Conseil à la simplification des entreprises, prévu par l’article 27 du projet de loi ?

M. Thierry Tesson.  Effectivement, cette simplification de la vie économique des entreprises renvoie en fait – cela a été dit à de nombreuses reprises – à la réduction des normes qui leur sont imposées. Or, à l’heure où les entreprises françaises sont en proie à une concurrence étrangère parfois déloyale du fait de ces normes et parfois même d’un protectionnisme assumé, l’Union européenne ne cesse de s’enfoncer dans son obsession normative et ses objectifs dogmatiques de décarbonation. Le nombre de défaillances d’entreprises atteint un niveau record et nous voyons arriver une vague de fermetures de sites et de plans de sauvegarde catastrophiques pour le pays.Face à cette situation dramatique, voici le projet de loi qui nous est proposé. Ce texte est très imparfait. Il est même impossible à résumer. Il ne procède à aucune suppression de normes quand on y regarde de près. Je n’évoque même pas l’ébouriffante invention d’un Haut conseil, alors même qu’on essaie de réduire tous ces comités et agences pour simplifier la vie économique.

Les entreprises françaises ont besoin de souffle et de souplesse pour retrouver de la compétitivité, laquelle passe par le desserrement de ce carcan normatif. Les entrepreneurs que vous êtes ont besoin de liberté pour créer, innover, se développer. Comme le proposait le Rassemblement National lors de la campagne des élections législatives, il est impératif de lancer des États généraux de la simplification afin de s’attaquer en profondeur aux stocks de normes tout en préservant la sécurité juridique des entreprises et des salariés.

Nous attendons de vous, représentants des entreprises françaises, créateurs des richesses primaires du pays, un message de clarté et, pourquoi pas, de patriotisme pour aider à la simplification dont notre pays a besoin.

Nous soutiendrons vos contributions respectives pour proposer des mesures de simplification, surtout si elles contribuent au renforcement de notre souveraineté nationale. Cela implique que la France s’affranchisse des injonctions européennes et de la logique mortifère de sur-transposition.

Nous ne pouvons pas nous contenter de simples reports de calendrier en matière d’objectifs de décarbonation. Nous devons mettre un coup d’arrêt aux obligations découlant du Pacte vert pour l’Europe. Au-delà de votre regard sur les mesures contenues dans ce projet de loi très compliqué, êtes-vous prêts à soutenir une véritable politique d’allégement des normes où ne primerait qu’un seul intérêt, celui des entreprises françaises ? Êtes-vous donc prêts à renoncer à la logique de sanctions et de subventions du Pacte vert pour l’Europe pour vous avancer avec une autre boussole, celle de la protection de nos intérêts stratégiques nationaux ?

Mme Danielle Brulebois. Je suis députée du Jura et je peux vous dire que vos organisations font un travail important pour soutenir et accompagner nos entreprises.

D’ailleurs, elles ont fait remonter des propositions très importantes sur ce projet de loi ; la simplification est la première préoccupation. Je parle bien sûr du fardeau normatif, avec un flux français qui s’ajoute au flux européen, qui s’ajoutent au stock législatif et qui ne fait que s’accroître.

Je pense que nous parlementaires devons faire aussi notre examen de conscience. Vous avez demandé un test PME sur les projets de loi : je pense qu’il faut qu’il s’applique aussi aux propositions de loi et aux amendements, parce qu’un simple amendement peut avoir des conséquences très importantes. Je pense qu’il faudrait aussi qu’on applique ce test PME au niveau européen, et donc je partage votre souci de lutte contre la sur-transposition des textes européens. En France, j’ai travaillé plusieurs fois sur les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne et je peux vous dire que je me bats constamment pour qu’on ne sur-transpose pas. Malheureusement, on l’a fait sur la CSRD. Aujourd’hui, pour entreprendre en France, il faut être très courageux. On l’a dit, les délais sont très longs par rapport aux concurrents européens. De plus, nos entreprises ont un gros souci actuellement : le coût de l’énergie. Je pense qu’on les décourage encore davantage avec des réglementations. J’ai dans le Jura, par exemple, une entreprise qui s’appelle Smoby, qui doit s’agrandir et créer des emplois. C’est un investisseur allemand. S’il ne peut pas grandir, il va s’en aller ailleurs. Ce sont 600 emplois qui risquent de s’en aller pour trois hectares. À cela s’ajoutent les réglementations des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) qui sont parfois très pointilleuses : on trouve au dernier moment un batracien et alors qu’on avait tous les toutes les autorisations environnementales le projet recule.

Par conséquent, j’espère que cette loi de simplification va clarifier les choses et les améliorer. Mais je pense qu’il faut être très vigilant parce qu’on a déjà fait des lois de simplificationet on voit que les choses n’ont pas beaucoup avancé, donc nous comptons sur vous pour nous soutenir !

M. Matthias Tavel. Mesdames et Messieurs les représentants des organisations patronales, si j’osais une petite provocation humoristique, je dirais qu’en vous entendant, on se demanderait s’il ne faudrait pas mettre des critères de pénibilité pour la retraite des chefs d’entreprise tellement vous avez l’air écrasés par ce fardeau administratif qui n’est en fait que la défense de l’intérêt général, notamment écologique et social, de notre pays.

Dans le rapport sur la perte de souveraineté industrielle que je viens de rédiger avec deux de mes collègues, nous identifions les difficultés véritables de l’économie française : le prix de l’électricité, la concurrence déloyale et l’absence de protectionnisme sur un certain nombre de filières stratégiques, l’absence de visibilité d’un certain nombre de filières et des va-et-vient législatifs et réglementaires qui ne sont pas compatibles avec l’exigence de rentabilité à court terme de certains, notamment dans les plus grandes entreprises, de vos actionnaires ; enfin, il faut citer la faible part laissée aux salariés dans l’orientation des entreprises. À ce sujet, je voudrais vous entendre sur la modification qu’a apportée le Sénat sur l’information des salariés en cas de cession de l’entreprise, alors que nous croyons au contraire que c’est une manière de favoriser la reprise par les salariés d’un certain nombre d’entreprises, notamment lorsqu’un chef d’entreprise part à la retraite et que c’est là une manière de conserver l’outil de travail et le savoir-faire.

Concernant la simplification, vous avez évoqué un indicateur du Forum économique mondial qui dirait que la France est un enfer bureaucratique. Je voudrais vous citer une officine gauchiste qui s’appelle l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qui, dans son indicateur de régulation des marchés et des charges administratives et réglementaires dit que la France est mieux placée que la moyenne des pays de l’OCDE, mieux placée que l’Allemagne, mieux placée que les États-Unis.

Il y a donc manifestement un parti pris dans les sources que vous citez, que nous ne retrouvons pas dans l’OCDE.

Mais puisque vous voulez parler de simplification, alors parlons-en. Pourquoi ne pas faire 100 % de couverture maladie par la sécurité sociale plutôt que d’avoir des complémentaires santé ? Peut-être que vos entreprises adhérentes dans le secteur de l’assurance n’y seraient pas favorables. Peut-être qu’il faudrait revenir à un monopole sur l’électricité, mais pas sûr, là encore, que les fournisseurs alternatifs y soient favorables. Peut-être qu’on pourrait revenir sur les dérogations que vous avez vous-mêmes exigées et qui ont complexifié beaucoup le droit du travail.

Je peux vous accorder un point, monsieur Martin, sur le chantier de l’A69. Oui, il est absurde d’arrêter un chantier quand il a commencé. Mais il est encore plus absurde de commencer un chantier qui est illégal. Et donc le chantier de l’A69 n’aurait jamais dû commencer. Voilà peut-être une simplification. Respecter la loi, c’est souvent s’éviter aussi des problèmes.

Un grand nombre d’entreprises se sont engagées dans le respect de la réglementation, dans les reporting extra-financiers, elles se sont même parfois transformées en entreprises à mission. Elles veulent être vertueuses et en quelque sorte, la simplification risque d’aboutir à une dérégulation qui donnerait une prime aux mauvais élèves, et pas aux entreprises les plus vertueuses.

Je ne suis pas sûr que la « trumpisation » soit l’avenir de l’économie et du patronat français.

Mme Anne-Laure Blin. Je suis présidente du groupe d’études Artisanat, commerce et métiers d’art, ce qui peut expliquer que ma préoccupation se soit très largement portée sur la question de la complexité administrative.

Nos entreprises ont besoin qu’on les accompagne et non qu’on les bride. Il faut que nous, en tant que responsables politiques, libérions les énergies qui sont déployées dans vos entreprises, à commencer par celle du chef d’entreprise qui a mis un euro ou plus de sa poche pour innover, pour se lancer dans une entreprise sans véritablement savoir de quoi le lendemain serait fait.

Nous devons aussi penser à l’ensemble des salariés qui participent, grâce à leur travail, à leur mérite aussi, à cette aventure collective qu’est l’entreprise. Donc oui, il faut libérer les énergies à la fois des contraintes administratives, mais aussi des contraintes fiscales.

On le voit bien sur le terrain et les chefs d’entreprise nous le disent : à la multiplication des tâches inutiles et des dossiers répétitifs – j’ai souvent tendance à dire que la France devient le pays des CERFA – s’ajoute une dématérialisation parfois à outrance, qui n’est pas toujours très pertinente en raison de la perte de contact avec nos administrations qu’elle induit. Il a été rappelé ce qu’étaient qu’aujourd’hui très concrètement la bureaucratie et la technocratie, et le poids qu’elles représentent aussi au quotidien.

Sur les questions agricoles, je suis préoccupée par la politique de l’exception c’est à dire qu’on crée des dispositifs comme le ZAN ou les AFE, et ensuiteon multiplie des exceptions et on n’en finit plus. Il en est de même s’agissant de la question du droit à l’erreur pour les agriculteurs, la loi Essoc a prévu une multiplicité d’exceptions. Où est ce que cela bloque ? À quel niveau on peut arriver à dénouer les difficultés qui vous touchent au quotidien ? C’est aujourd’hui notre objectif, parce qu’on a maintes et maintes fois parlé de simplification. Il s’agit aujourd’hui évidemment de ne pas renforcer le poids des normes, qui est déjà suffisamment important, mais également de vous permettre, de par notre rôle de contrôle de l’exécutif, de dénouer les difficultés que vous pourriez rencontrer auprès de nos administrations.

Mme Béatrice Bellamy. Je suis députée de la Vendée et comme vous le savez, il s’agit d’un département dynamique avec de très belles industries et en même temps avec un terreau agricole aussi très présent.

Je vais remonter chronologiquement. J’ai eu l’occasion dès le mois de juin de rencontrer toutes les organisations patronales sur mon territoire de la Vendée. C’était juste avant la dissolution. J’ai réitéré l’expérience une deuxième fois avant la censure. Et la troisième fois - jamais deux sans trois -, c’est aujourd’hui. Tant mieux, c’est bon signe ; les choses ont certainement mûri entre temps et nous avons eu le temps d’y réfléchir pour être le plus opérationnel possible.

Au cours de ces réunions d’échanges, la CPME m’a exprimé ses préoccupations relatives aux services de santé au travail. Cela prend du temps pour les responsables en charge des ressources humaines et crée une complication puisqu’on a l’impression que c’est le patron qui doit tout gérer pour ses salariés. Je viens du privé et j’ai travaillé dans une grande entreprise, j’étais une salariée et en tant que telle j’avais l’habitude aussi de m’autogérer. Je préfère que cela marche dans ce sens-là.

Cela a été exprimé d’ailleurs tout à l’heure: on n’a plus de médecins du travail ou pas suffisamment, et on se retrouve bien souvent face à un service d’infirmiers. Pour autant, est ce que c’est réellement nécessaire ? Est ce qu’on ne pourrait pas aussi faire confiance en son médecin généraliste qui, je pense, serait tout à fait apte à délivrer les certificats demandés ?

Quand il y a un arrêt longue durée, en général c’est pour une maladie longue durée ou un congé maternité. Est ce qu’il est nécessaire de retourner demander une visite d’embauche alors que, en général, on n’a pas cessé pendant ces quelques mois d’arrêt de consulter des médecins, qu’ils soient généralistes, spécialistes ou gynécologues si c’est dans le cadre d’une maternité ? Je me demande si une attestation du médecin ne pourrait pas suffire pour une reprise après un arrêt longue durée. En tous cas, ce sont des idées que vous m’avez formulées.

Le MEDEF s’est déclaré favorable à la simplification du code du travail. Pouvez-vous détailler aussi ces points ?

Vous m’avez aussi alerté sur les arrêts de travail et l’augmentation des risques psycho-sociaux : pourquoi, que pouvons-nous faire ? Je pense que ce texte de loi, si on veut qu’il soit utile à vos entreprises, à votre quotidien, doit être nourri par nous de vos besoins et de vos informations.

M. le président Ian Boucard. Merci Madame Bellamy. Je propose de commencer par Monsieur Martin pour les prises de parole en réponse à ces questions.

M. Patrick Martin. Je vais me permettre de réagir pour commencer aux propos de Monsieur le député Leseul. Il ne faut pas qu’il y ait de confusion. Je me suis effectivement ému qu'il y ait une législation foisonnante. Je crois que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Quand on voit le nombre de textes qui étaient votés à une époque et qui le sont aujourd'hui, c'est vrai au niveau européen, de la même manière. Nous avons eu en Europe, sous la dernière mandature, douze textes, douze directives par mois applicables aux entreprises. Inutile de vous dire que même les entreprises les mieux outillées ne savent pas suivre ce rythme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Je voudrais également revenir en particulier sur la loi « Climat et Résilience » qui, à mes yeux, est un cas d'école. Je crois pouvoir dire qu'il y avait consensus sur les objectifs de cette loi. Le Medef était très en soutien des objectifs tels qu'ils avaient été définis par la convention citoyenne. Ce sont les modalités qui posent problème. Je rappelle que cette loi comporte 305 articles, ce qui est déjà une illustration du foisonnement législatif que j’évoquais précédemment.

J’en reviens surtout à ce que je vous disais tout à l'heure sur l'absence d'étude d'impact. Il est assez édifiant qu'une loi à vocation environnementale ne comporte même pas d'étude d'impact environnemental. Nous avons fait chiffrer de manière indépendante et sérieuse le coût de la tonne de CO2 évitée par cette loi. Ce coût est évalué à hauteur de 800 € la tonne de CO2, alors que le prix de marché de la tonne de CO2 était de 80 € à cette époque. Cela signifie qu'au moment où les finances publiques étaient déjà tendues, où les entreprises pouvaient, pour bon nombre d'entre elles, déjà rencontrer des difficultés en termes d'activité et de compétitivité, la collectivité publique a décidé de payer dix fois plus cher que le prix de marché la tonne de CO2 évitée.

S'il n'y a pas eu d'étude d'impact environnementale dans le cadre d'une loi, je le redis, environnementale, il n’y a a fortiori eu aucune étude d'impact, ni économique, ni sociale, ni territoriale. Je me souviens très bien avoir pris la parole sur ce sujet-là pour souligner ces limites. A l'époque, dans le monde politique, c'était totalement inconvenant d'émettre la moindre objection s'agissant de cette loi, qui a d’ailleurs été massivement votée par votre Assemblée. Je crois qu'à l'épreuve des faits, on observe que, y compris dans des territoires qui étaient très volontaires, les dispositifs ont été réduits ou ils n’ont en définitive pas été mis en œuvre, par exemple pour l'installation des ZFE.

Sur le dispositif ZAN aussi, cela été évoqué s'agissant du logement, la loi est allée trop vite, avec des modalités inappropriées. Pour citer un dernier exemple, celui de l'obligation de rénovation thermique des logements. Nous partageons bien évidemment l’objectif poursuivi. On voit néanmoins clairement que cela n'a pas été suffisamment expertisé. Cela a conduit à ce qu'on sorte du marché du logement, déjà incroyablement tendu, bon nombre de logements qui feront encore plus défaut à nos concitoyens. On peut anticiper, là aussi, que les décrets d'application de cette loi seront révisés.

En résumé, mon propos principal est de dire qu’il est intéressant, en amont de l'élaboration de la règle, de prendre le temps de partager avec les acteurs concernés. Il faut prendre en compte autant que possible leurs points de vue pour que nous ayons des lois peut-être moins longues, plus pertinentes et qui atteignent leurs objectifs. Ce n’est malheureusement pas le cas de la loi « Climat et Résilience ».

Je souhaite revenir maintenant d'un mot sur ce qui a été dit sur les accidents du travail et maladies professionnelles. La loi du 22 avril 2024 relative aux congés payés et aux arrêts maladie a fait l'objet de discussions, de tractations et de négociations assez approfondies avec les organisations syndicales. Nous avons réussi à aboutir à un accord. La situation que vous évoquiez tout à l'heure, c'est à dire la pénurie de médecins, a parfaitement été prise en compte dans le cadre de cette de cette loi qui prévoit notamment de recourir à la médecine de ville ou aux infirmiers pour procéder à un certain nombre d'examens obligatoires dans bon nombre de cas probablement nécessaires.

En dépit de cet accord, les décrets d'application n’ont toujours pas été adoptés par le ministère de la Santé à trois ans d'intervalle. Alors quand, à bon droit, certaines organisations syndicales ou certains salariés, mais aussi certains chefs d'entreprise, se plaignent des dysfonctionnements de la médecine du travail, une des explications est à rechercher dans l’absences de décrets d'application d'une loi que vous avez pourtant votée. Convenez que c'est un peu surprenant !

M. Dominique Chargé. Je répondrai d’abord au député Leseul qu’au sein de la CPME. Nous ne pouvons pas choisir entre les mesures. Elles sont toutes importantes pour soutenir un processus de simplification massif. En conséquence, je ne peux pas répondre au choix devant lequel vous nous mettez.

Nous sommes très attachés évidemment au test entreprises prévu par l’article 27 du projet de loi. Je souhaite vous dire à ce propos que nous ne sommes pas favorables à la participation des salariés au Haut Conseil, parce que cette instance ne peut pas être le lieu des échanges partenariaux, que nous avons par ailleurs à d'autres endroits, de manière évidemment tout à fait légitime et nécessaire.

Je voudrais répondre également au député Tesson en lui disant que je suis comme vous très attaché à la compétitivité, à la liberté, à la création de richesses, et au patriotisme dans nos choix de consommation. Je ne me sens toutefois pas en capacité de faire un choix entre produire ou protéger l'environnement pour répondre aujourd'hui à ce que sont les urgences climatiques et écologiques. Je pense que nous ne devons pas opposer entreprise et environnement.

Nous ne devons pas davantage opposer compétitivité et transition. Nous devons en effet traiter les deux sujets de pair parce qu’ils sont tous les deux importants. Je considère, à cet égard, que le Pacte vert, européen, que l’on appelle aussi le Green Deal était, dans sa première version, était trop violent, et ne nous donnait pas suffisamment de temps et de moyens pour procéder aux adaptations nécessaires. Nous sommes attachés à ce que sa révision nous donne de la souplesse. Nous ne souhaitons pas modifier la trajectoire et l'objectif visés qui, de notre point de vue, sont tous deux nécessaires mais ne doivent pas être opposés, encore une fois, au processus d'entreprise ou de compétitivité.

Pour répondre à Madame la députée Brulebois, je voudrais dire que nous préférons de loin la méthode Notre-Dame à la méthode utilisée sur le dossier de l’A69. Comme citoyen de Loire-Atlantique, je pourrais aussi vous parler aussi de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et vous faire un très long commentaire sur le déroulement de ce processus référendaire. Si vous voulez dégoûter les citoyens de la démocratie, je vous invite à y recourir plus souvent, mais je pense que tel n’est pas votre objectif.

En définitive, je voudrais simplement vous dire que, évidemment, le test entreprises à l'échelle européenne était probablement une bonne idée et qu'il fallait le porter à ce niveau-là. Sur le processus lié à la directive CSRD, je vous invite à travailler d'ores et déjà uax transpositions que vous seriez amenés à faire, et à éviter toute sur-transposition. Là encore, je pense que nous avons besoin d'une courbe d'apprentissage plus longue et surtout d'un dispositif qui soit plus adapté à l'entreprise.

Monsieur le député Tavel, je partage avec vous le fait que le prix de l'énergie est un élément déterminant de la compétitivité de nos entreprises et que nous avons besoin au sein d'une grande nation comme la France, d'une électricité abondante, décarbonée, donc nucléaire, et pas chère. L'électricité n'est, de mon point de vue, pas un objectif, mais un moyen qui doit être, entre autres, mis à disposition de la compétitivité des entreprises. Je suis attaché à ce que dans la trajectoire aujourd'hui donnée à EDF, qui a un actionnaire unique, nous restions dans cette logique, celle d'avoir une énergie abondante et bon marché pour les entreprises.

Pour répondre à la question sur les blocages, je vous dirai que, de mon point de vue, ce qui bloque en France, c'est la façon l'entrepreneur et l'entrepreneuriat sont perçus. On aimerait, lorsqu'on s'adresse à une administration, centrale ou décentralisée, se sentir accueilli, soutenu et encouragé. Quand j’échange avec mes collègues allemands ou ailleurs en Europe, j’observe que les choses sont différentes au sein des autres pays.

M. le président Ian Boucard. Merci Monsieur Chargé. J'en profite pour excuser et remercier Monsieur Martin qui nous a prévenu qu'il devait nous quitter à 19 h 30. Je vous cède la parole Monsieur Picon.

M. Michel Picon. Pour répondre à la question : quelles mesures faudrait-il garder si on ne devait en garder que deux ? Je partage les propos de mon collègue de la CPME, il est difficile de raisonner ainsi. Si je devais néanmoins choisir, je garderai le test « entreprises ». Je pense que cette mesure aurait pu nous éviter un certain nombre de déboires tout au long des vingt dernières années et peut être avant.

Pour ce qui concerne, par ailleurs, la participation des salariés à ce Haut Conseil, je partage ce qui a été exprimé. Cette instance a vocation à traiter un sujet « entreprises ». Je ne pense donc pas qu’il doive être ouvert aux salariés. Je profite d’ailleurs de nos échanges à ce sujet pour demander que les petites entreprises que nous représentons ici puisse y figurer de manière de manière suffisante, ce qui ne semble pas a priori être le cas pour l’instant. J’insiste, aussi, sur la nécessité d’envisager l'exercice de simplification dans la continuité. Vous avez cité à plusieurs reprises, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les différents textes de loi qui ont, au cours des années, entendu simplifier. Ma conviction est que nous devrions traiter cet enjeu chaque année. Cela me semble positif de le faire à travers ce Haut Conseil, afin de tailler dans le dur et de trancher entre ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.

Sur le « Dites-le nous une fois », qui a été retoqué par le Sénat, je pense qu’on a déjà fait des progrès. Aujourd’hui, dans nos déclarations sociales, nous ne sommes plus obligés de remplir sept ou huit exemplaires comme on le faisait auparavant. Il faut aller encore plus loin avec l'ensemble des administrations. Il faudrait que les systèmes d'information des différentes administrations soient interopérables et que nous puissions donner l’ensemble des éléments demandés une seule fois.

Enfin, pour répondre à Monsieur Tavel, je dirai simplement que je ne me reconnais pas du tout dans la caricature des entreprises qu’il a décrite. Je vois, pour ma part, au contraire, des gens tous les matins qui se battent, se lèvent à 6 h du matin pour sauver leur entreprise et leurs salariés. Près de 60 000 des nôtres, si je puis dire, sont d’ailleurs partis au tapis l'année dernière. Et ils sont partis, parfois aussi écrasés, démoralisés faute d’écoute au sein de l’administration.

Je conclurais ma prise de parole en terminant sur un mot : la confiance. Je m’adresse à l’administration : faites confiance aux entreprises. Nous ne sommes pas des délinquants, nous ne sommes pas des voyous, nous sommes des gens qui bossons, beaucoup. Mesdames et Messieurs les parlementaires, aidez-nous à faire en sorte qu'on puisse bosser pour produire, pour employer, pour créer de la richesse, et pour qu'elle soit partagée. Ensemble, essayons de faire en sorte qu'on puisse produire plus dans un cadre plus sécurisé, plus juste, plus sûr pour nous, pour nos entreprises !

M. le président Ian Boucard. Merci Monsieur Picon. Je laisse le mot de la fin à Monsieur Chargé.

M. Dominique Chargé. J’aimerais revenir en conclusion sur deux points. En ce qui nous concerne, nous sommes favorables à la suppression de l’information des salariés dans le cadre d'une transmission. Je parle ici d’une transmission d’entreprises dans la situation où il y a un repreneur désigné, connu. Dans le cas contraire, nous n'y sommes pas opposés…

M. le président Ian Boucard. Monsieur Vignaud, vous vouliez apporter une précision ?

M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques de la CPME. Actuellement le droit d'information préalable de l'information pour les salariés s'applique dans tous les cas. À partir du moment où il y a déjà un repreneur, quel est l'intérêt d'informer les salariés qu'ils peuvent reprendre l'entreprise? À mon sens, cela va plutôt mettre des tensions dans l'entreprise.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je vois pour ma part cette question de la manière inverse. Quand vous avez un repreneur, j’ai du mal à voir la difficulté à devoir informer vos salariés de la situation. En revanche, en l’absence de repreneur, lorsqu’il y a des discussions en cours, des négociations, dans ce cas, pour conclure l’accord et pouvoir faire la vente, je peux comprendre qu’on garde une certaine forme de confidentialité.

M. Dominique Chargé. Je pense qu’on ne se comprend pas sur l'objectif. De notre côté, nous soutenons le fait de ne pas être contraint d'entrer dans une démarche d’information et de travail avec les salariés sur la proposition qui pourrait leur être faite de reprendre l’entreprise. Nous ne voulons pas nous mettre dans cette démarche dès lors qu'on a un repreneur identifié, connu et que cette transmission va se faire. Ça ne veut pas dire qu'on n'informe pas les salariés à un moment donné. Nous nous plaçons plutôt dans une logique visant à mettre éventuellement les salariés en situation de proposer de reprendre cette entreprise ou en tout cas d'entreprendre par eux-mêmes une démarche de reprise de l'entreprise dès lors que nous avons un repreneur connu.

Pour conclure, parce qu'il est déjà tard, je voulais ne pas omettre, parmi les points bloquants, la question du financement des transitions et de la décarbonation, sujet majeur sur lequel nous n'avons eu aucune réponse et il va y avoir un travail à faire. Mais je conviens que cela dépasse le seul champ de la simplification.

M. le président Ian Boucard. Merci Monsieur Chargé. Monsieur Picon, Monsieur Vignaud, Monsieur Dufour et Madame Notte, pour votre présence et pour les éclaircissements que vous avez bien voulu apporter à la commission spéciale. Je clôture donc cette deuxième table ronde et je rappelle aux collègues encore présents que nous nous retrouverons mercredi prochain à 15 h pour l'audition des ministres et la discussion générale du texte.

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La séance est levée à 19 heures 35.

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Membres présents ou excusés

 

 

 Présents. - Mme Béatrice Bellamy, Mme Anne-Laure Blin, M. Ian Boucard, Mme Françoise Buffet, M. Jordan Guitton, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih, M. Gérard Leseul, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Xavier Roseren, MmeValérie Rossi, Mme Sophie-Laurence Roy, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Thierry Tesson

 

 Excusés. - Mme Josiane Corneloup, Mme Delphine Lingemann, M. Éric Michoux, M. Davy Rimane

 

 Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Pierre Taite, M. Matthias Tavel