Compte rendu
Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
de simplification de la vie économique
– Audition de M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, et de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, et discussion générale sur le projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs) 2
Mercredi
19 mars 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 3
session ordinaire de 2024 - 2025
Présidence de
M. Ian Boucard,
président
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La séance est ouverte à 15 heures 05.
Présidence de M. Ian Boucard, président.
La Commission auditionne M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, et Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, et procède à la discussion générale sur le projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).
M. le président Ian Boucard. Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous vous recevons pour entamer l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique. Celui-ci avait été déposé en février 2024 sur le bureau du Sénat, qui l’a examiné aux mois de mai et juin, avant que la dissolution de l’Assemblée conduise le Parlement à ajourner ses travaux. Il aura fallu attendre le 22 octobre pour que les sénateurs le complètent et le votent. Manifestement, le Sénat a fait le choix d’appliquer avec une grande souplesse l’article 45 de la Constitution puisque le texte est passé de vingt-huit à soixante-quatre articles.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. J’ai le plaisir de vous présenter les grandes lignes de ce projet de loi. Nombre d’entre nous savent à quel point la complexité administrative est l’un des principaux irritants pour nos compatriotes. La dissonance entre la réalité de notre production normative et leur attente d’un grand soir de la simplification alimente leur exaspération, voire leur incompréhension.
Ne nous payons pas de mots : notre pays est obèse de sa bureaucratie et croule sous la paperasse administrative. Pendant des années, nous avons suivi de petits régimes minceur et essayé la médecine douce, mais il nous faut désormais cesser de tourner autour du pot et passer à l’étape suivante : une véritable cure de simplification. Nous devons nous attaquer en priorité aux procédures administratives inutilement lourdes, celles qui nous font perdre collectivement du temps et qui complexifient les choses au lieu de les clarifier. Un tiers des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) consacrent en moyenne huit heures par semaine à des tâches administratives, soit une journée de travail d’un salarié. Nous faisons perdre aux chefs d’entreprise un temps précieux, qu’ils pourraient bien plus utilement consacrer à l’innovation, à la croissance de leur activité ou à la formation de leurs salariés.
Au-delà de ce texte, je suis convaincu que la simplification est une nécessité de chaque instant, qui doit répondre aux besoins de tous les usagers, y compris des agents publics investis dans leur mission, qui vivent difficilement ces freins quotidiens.
La simplification est un chantier éminemment interministériel, qui peut vite se transformer en capharnaüm en l’absence d’un chef d’orchestre et d’une partition claire. Il m’appartient de proposer un cadre de coordination et de méthode. Cette partition s’insère dans le grand chantier de refondation de l’action publique lancé par le premier ministre le 21 février dernier. Notre cap est clair : moins de gestion administrative au quotidien pour libérer du temps aux Françaises et aux Français. Le projet de loi de simplification de la vie économique s’inscrit dans cette philosophie générale et dans un combat engagé depuis longtemps pour réduire le poids des normes pesant sur nos entreprises.
Au cours de ces dernières années, sous l’impulsion de différents gouvernements, plusieurs textes ont cherché à simplifier la vie économique : la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Asap ; la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite Essoc, qui prévoit un droit à l’erreur ; la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite Pacte, qui a contribué à réduire le nombre de contraintes ; plus récemment, la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, qui a permis d’accélérer les procédures administratives et de réduire le délai d’implantation des usines.
Comme l’a rappelé le président Ian Boucard, ce texte a déjà une longue histoire : présenté par le ministre Bruno Le Maire en avril 2024, défendu au Sénat par les ministres Olivia Grégoire, Roland Lescure et Marina Ferrari, il y a été adopté en octobre 2024 grâce à l’engagement de Guillaume Kasbarian et d’Antoine Armand. Afin de passer l’étape de ce qu’on appelle le dernier kilomètre, il arrive désormais devant cette commission spéciale où Véronique Louwagie et Marc Ferracci, dont je tiens à saluer l’engagement, me relaieront. Ce texte prévoit des mesures concrètes, parfois techniques qui, mises bout à bout, permettront d’accomplir des avancées réellement utiles pour tous. En d’autres termes, nous apporterons une nouvelle brique à l’édifice de la simplification.
Avant de détailler les mesures que nous défendons, permettez-moi d’évoquer ma méthode de travail, qui s’appuie sur le bon sens, la concertation et le dialogue. Avant même que j’occupe les fonctions de ministre de la simplification, ce projet de loi a été préparé en consultant les besoins et les demandes des TPE et des PME, exprimés par plus de 5 000 contributions et 700 000 votes recueillis dans le cadre d’une consultation citoyenne. Il s’appuie également sur les propositions formulées par les fédérations professionnelles dans le cadre d’un dialogue suivi. Enfin, il a bénéficié des apports du rapport piloté par Anne-Cécile Violland, Nadège Havet, Louis Margueritte, Alexis Izard et Philippe Bolo, parlementaires dont je salue l’engagement.
En première lecture, les sénateurs ont fait passer le texte à soixante-quatre articles, l’enrichissant d’éléments intéressants sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Je pense notamment au fameux test PME, issu des travaux d’Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, que je recevrai bientôt au ministère pour examiner le caractère opérationnel de ce dispositif.
Depuis le vote du texte au Sénat, nous avons connu quelques turbulences politiques, qui impliquent de rétablir une relation de confiance avec le Parlement, tâche à laquelle je me suis attelé depuis ma prise de fonction. Parce que la simplification concerne tous les Français, elle intéresse également toutes les forces politiques qui les représentent. Vous le savez, j’accorde beaucoup d’importance aux groupes politiques de cette assemblée – j’en ai présidé un durant deux ans et demi. C’est pourquoi j’ai pris le soin de les recevoir, afin de comprendre leur sensibilité, leurs velléités d’ajout, leurs réserves parfois et leurs interrogations. Il s’agissait de renforcer le texte, de le rendre aussi pertinent que possible et d’éviter qu’il crée de nouvelles complexités pour nos entreprises et nos concitoyens.
Le gouvernement est prêt à certains compromis pour que nous puissions voter ce texte sans en renier l’objectif principal de simplification. Il souhaite également l’alléger de certains ajouts du Sénat qui ne semblent pas apporter la simplification attendue par nos concitoyens. Ce texte ne sera pas le seul à viser cet objectif : il doit inaugurer une démarche vertueuse et continue ayant pour but d’améliorer concrètement le quotidien de nos concitoyens. Je souhaite, avec mes collègues ministres et avec les parlementaires qui le souhaiteront, promouvoir des textes législatifs et réglementaires thématiques pour aller plus loin dans la démarche de simplification, sur tous les pans de l’action des pouvoirs publics.
Venons-en maintenant au cœur du texte, qui repose sur quatre principes essentiels. Premièrement, nous souhaitons diminuer radicalement la charge de travail engendrée par les démarches administratives, afin de répondre à la principale demande exprimée dans les consultations. Cela prend la forme, notamment à l’article 2, de la suppression d’une trentaine de déclarations ou autorisations administratives qui alourdissent la vie des entreprises ou qui sont devenues obsolètes. Plutôt que de passer par voie d’ordonnance, le gouvernement proposera, lors de l’examen en commission, de rétablir cet article et d’inscrire dans le dur plusieurs suppressions de ce type.
Deuxièmement, nous souhaitons changer de paradigme et rétablir une relation de confiance entre l’administration et les entreprises, notamment en renforçant la démarche « Dites-le nous une fois ». Il s’agit de limiter la charge administrative pesant sur les entrepreneurs, de faire de l’administration un véritable partenaire pour leur faciliter la vie et leur proposer un accompagnement amélioré dans leurs démarches. Nous devons également sortir de l’attitude répressive systématique et dépasser la logique du contrôle et de la sanction à tout prix. L’article 10 vise ainsi à adapter certains régimes de sanction en en revoyant le caractère pénal ; pour ce faire il remplace par une amende de 7 500 à 250 000 euros la peine d’emprisonnement de six mois sanctionnant un manquement à certaines obligations de déclaration au registre du commerce et des sociétés.
Troisièmement, nous souhaitons alléger le quotidien des entreprises et des entrepreneurs en mettant fin aux surtranspositions qui pénalisent l’économie et ne bénéficient ni aux Français ni aux consommateurs. Nous proposons une évolution des seuils de marché pour faciliter le recours aux démarches simplifiées pour les TPE et PME, et pour les marchés publics innovants, une mesure garantissant aux jeunes entreprises innovantes 15 à 20 % du montant d’un lot, en dessous des seuils européens.
Enfin, dans la droite ligne de lois précédentes, nous souhaitons continuer de faciliter et d’accélérer les grandes transitions qui permettront à la France de se réindustrialiser et d’améliorer sa compétitivité. Nous proposons de faciliter le développement de l’intelligence artificielle et l’installation des centres de données, indispensables à la souveraineté et à la résilience numérique de la nation. La simplification constitue aussi un moyen de redonner de l’air à nos entreprises et de renforcer notre indépendance. Vous l’aurez compris : avec le retour de ce projet de loi, nous relançons la machine.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. L’économie française, riche et diverse, repose avant tout sur nos entreprises, qui font la fierté de nos territoires : ce sont les TPE, les PME, mais également les grandes entreprises, qui créent de la richesse et des emplois. Elles sont pourtant souvent confrontées à un obstacle majeur qui freine leur développement et leur compétitivité : la norme administrative. La France est un pays d’innovation, mais l’administration y est source de contraintes et de réglementation. Le coût de la norme, estimé à 3 % du PIB, pèse lourdement sur la productivité des entreprises.
Ce projet de loi, enrichi par le Sénat, apporte une réponse ambitieuse et nécessaire à ce problème. Je remercie Éric Lombard de la confiance qu’il me porte pour défendre ce texte avec mes collègues Laurent Marcangeli pour les sujets transversaux et Marc Ferracci pour les sujets industriels. Permettez-moi de commencer par vous exposer les trois grands objectifs de ce texte : la réduction du coût de la norme ; le rétablissement de la confiance au cœur de la relation entre l’administration et les entreprises ; la rationalisation comme impératif de compétitivité.
Chaque entreprise, que ce soit une PME ou un grand groupe, doit faire face à une multitude de règles administratives, fiscales, sociales et environnementales. Si elles sont indispensables pour garantir la justice, la sécurité et l’équité, ces règles représentent trop souvent un poids, surtout lorsqu’elles sont inadaptées à la réalité du terrain. Les entreprises passent près de trente-deux heures par mois en moyenne à remplir des documents, des déclarations ou à répondre à des demandes administratives ; autant de temps qu’elles ne consacrent pas à leur cœur de métier, à leur développement ou à l’innovation. À cela s’ajoute le coût direct des erreurs ou des retards dans les déclarations, qui peuvent entraîner des amendes ou des sanctions. Ces ressources pourraient être mieux employées : c’est une perte nette pour notre économie. Les TPE et les PME sont particulièrement concernées : en raison de leur taille et de leurs moyens limités, elles ne peuvent embaucher des équipes juridiques ou administratives dédiées et sont donc obligées d’effectuer des tâches administratives souvent complexes, peu claires et qui empiètent sur leur productivité ; leur développement en est ralenti.
C’est pour cette raison que l’article 27 promeut une mesure forte : le test PME, qui vise à évaluer qualitativement et quantitativement le coût de la norme, matérialisant ainsi son impact réel pour chaque entreprise. Grâce à ce dispositif, les producteurs de normes, en particulier les administrations, seront à même d’amorcer un changement de méthode. En s’astreignant à justifier les coûts financiers de leurs demandes et à mesurer le temps passé à les traiter par rapport aux objectifs visés, les administrations prendront conscience de leur impact sur les acteurs économiques.
La norme a également un impact psychologique sur les entrepreneurs : elle crée un climat d’incertitude et de complexité, voire d’insécurité, en particulier lorsque les règles changent fréquemment ou que les démarches sont perçues comme opaques. Cette incertitude nuit à l’esprit d’entreprise et dissuade certains entrepreneurs d’investir ou de se lancer dans de nouveaux projets, alors que l’innovation et l’audace sont les moteurs de notre économie.
Le deuxième objectif de ce texte consiste à restaurer la confiance entre l’administration et les entreprises, dont les relations sont parfois marquées par un sentiment de méfiance et de distance. Il est impératif que l’administration devienne un véritable partenaire qui soutient, aide et accompagne les entrepreneurs dans leur développement. L'objectif n’est pas de multiplier les contraintes, mais de favoriser un environnement où les entreprises peuvent se concentrer sur leur cœur de métier sans craindre constamment les obstacles administratifs. Une administration plus simple, plus transparente et plus prévisible permettra aux entreprises de se projeter dans l’avenir.
La simplification des procédures de la commande publique, prévue à l’article 4, y contribuera concrètement, tout comme les mesures prévues à l’article 15 visant à simplifier l’implantation des centres de données indispensables au déploiement de la stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle. En simplifiant les procédures administratives d’implantation, en accélérant le raccordement au réseau électrique et en adaptant les documents d’urbanisme, nous donnons aux entreprises l’assurance qu’elles peuvent s’implanter rapidement en France tout en respectant les règles environnementales. Le climat de confiance ainsi créé leur permettra de se développer sans se heurter à des obstacles administratifs insurmontables.
Le troisième objectif vise à prescrire la rationalisation comme impératif de compétitivité. Une norme, souvent perçue comme un frein à la compétitivité et à l’innovation, ne participe pas à améliorer la croissance. La rationalisation est donc essentielle pour rendre la réglementation plus lisible, plus compréhensible et mieux adaptée aux besoins réels des entreprises. Prenons l’exemple des règles d’aménagement des commerces : les commerçants font face à des procédures complexes lorsqu’ils veulent effectuer des travaux d’aménagement ou de rénovation dans leurs locaux. Cette contrainte administrative, bien qu’elle soit motivée par des considérations de sécurité ou d’urbanisme, peut empêcher la réalisation de certains projets. Les articles 25 et 26 visent à simplifier ces procédures et à permettre une plus grande souplesse dans l’adaptation des espaces de travail aux évolutions de l’activité.
L’article 13 vise à simplifier, pour les petites entreprises, la gestion des comptes bancaires qui peut rapidement entraîner des coûts très contraignants. En alignant leurs obligations avec celles des particuliers, nous permettrons aux dirigeants d’entreprises de se concentrer sur leur développement plutôt que sur des tâches administratives chronophages.
Il arrive également que des entreprises se retrouvent prises au piège d’un contrat d’assurance dont elles n’ont pas réellement besoin ou qu’elles souhaitent résilier ; elles se heurtent alors à des obstacles bureaucratiques. L’article 14 propose une simplification des démarches de résiliation des contrats d’assurance, qui leur permettra de gérer plus efficacement leur trésorerie sans se perdre dans des procédures complexes.
En matière de trésorerie, l’article 24 comporte des avancées notables pour les commerçants : le principe du paiement mensuel des loyers sur demande du preneur et l’encadrement des dépôts de garanties leur permettent d’être plus flexibles et d’avoir une meilleure maîtrise de leurs besoins en fonds de roulement. Près de 2 milliards d’euros de trésorerie seront ainsi libérés. Ces avancées doivent beaucoup aux travaux du Conseil national du commerce (CNC), que je tiens à remercier.
Ce projet de loi de simplification est un texte de modernisation et de transformation. Sans promettre le grand soir, il est ambitieux et promeut des mesures concrètes et très attendues pour améliorer la vie des entreprises. En réduisant le coût de la norme, en simplifiant les démarches administratives et en rétablissant la confiance entre les entreprises et l’administration, nous aspirons à poser les bases d’une économie plus dynamique et plus compétitive. La simplification est un impératif économique pour libérer le potentiel de nos entreprises.
La méthode appliquée par M. Bruno Le Maire et Mme Olivia Grégoire pour élaborer ce projet de loi était celle d’une coconstruction avec les parlementaires – permettez-moi, à mon tour, de remercier Anne-Cécile Violland, Nadège Havet, Louis Margueritte, Alexis Izard et Philippe Bolo pour leurs travaux –, sur de larges consultations et sur les apports de nombreuses organisations professionnelles et syndicales. Depuis près de trois mois, notre gouvernement a repris cette méthode ; j’ai amorcé un tour de France de la simplification et lors de mes nombreux déplacements, je suis allée à la rencontre de commerçants, d’artisans, de salariés et de dirigeants de PME. Au cours de nos discussions, je leur ai demandé d’illustrer par des exemples précis les blocages et les cas de complexité administrative qui empoisonnent leur quotidien. Grâce à ces retours du terrain, nous avons rapidement apporté des modifications réglementaires en matière de commande publique, par décret : dispense de publicité et de mise en concurrence pour les travaux inférieurs à 100 000 euros ; abaissement des retenues de garantie de 5 % à 3 % du montant initial, ce qui est favorable à la trésorerie des PME ; augmentation de 10 % à 20 % de la part d’exécution minimale confiée à une PME pour certains marchés globaux, afin de faciliter leur accès à la commande publique.
Ainsi, nous avons pu agir rapidement pour alimenter ce projet de loi. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas réintroduire les trois demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance figurant dans le projet de loi initial et supprimées par le Sénat. Lors de l’examen du texte, nous vous proposerons à l’article 2 des dispositions concrètes instaurant des démarches simplifiées telles que la transformation de procédures d’autorisation en déclarations, ce qui permettra de restituer des heures précieuses aux chefs d’entreprise. Afin de prolonger cette dynamique, nous visons la suppression, d’ici à la fin de l’année, de plus de 200 formulaires Cerfa relevant des ministères économiques et financiers.
M. le président Ian Boucard. Permettez-moi de remercier M. Marcangeli d’avoir associé l’ensemble des groupes à sa démarche et d’avoir reçu les membres de la commission spéciale, leur permettant de travailler efficacement de concert.
M. Christophe Naegelen, rapporteur pour les titres Ier à VI. La simplification de la vie économique est réclamée par tous les acteurs économiques de nos territoires. Objectivement, l’ambition inscrite dans le titre de ce projet de loi ne correspond pas tout à fait à son contenu, puisque de nombreuses mesures de simplification administrative relèvent de décisions réglementaires, comme la suppression à venir des 200 formulaires Cerfa évoquée par Mme la ministre déléguée. Les entreprises attendent qu’on facilite leur travail au quotidien.
L’article 1er vise à supprimer plusieurs commissions et agences, qui ont cessé de se réunir ou qui font doublon avec d’autres entités ; elles représentent un coût et imposent des contraintes à certaines de nos entreprises. Monsieur le ministre, souhaitez-vous en compléter la liste ?
L’article 4, auquel le Sénat a ajouté plusieurs alinéas, porte sur la commande publique. Celle-ci est majoritairement organisée par des organismes privés, qui se disent satisfaits de ce fonctionnement. J’aimerais donc comprendre quelles sont les intentions du gouvernement en créant une plateforme publique pour participer à cette organisation. Cette plateforme ne risque-t-elle pas de créer une concurrence déloyale pour ces acteurs privés, en obligeant les établissements publics à l’utiliser? En quoi l’évolution proposée est-elle pertinente ? Pourquoi le gouvernement veut-il investir et quel sera le montant nécessaire au développement de cette plateforme ? Les administrations auront-elles l’obligation de l’utiliser ou pourront-elles opter pour la plateforme correspondant le mieux à leurs besoins ? Comment la démarche « Dites-le nous une fois » est-elle amenée à évoluer pour simplifier encore l’accès à la commande publique ? Quels sont les vecteurs et le calendrier envisagés pour mener à bien cette évolution ?
Les relations des PME avec les banques et les assurances sont particulièrement complexes : non seulement le coût de ces services a parfois un impact assez fort sur leur compte de résultat, mais les démarches peuvent être complexes. De plus, la résiliation des contrats peut mettre les PME en difficulté, les laissant sans solution. Quelle est la position du gouvernement sur les articles 13 et 14, qui traitent de ces relations entre de très grands groupes et de très petites entreprises ?
M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. La simplification des procédures dans différents secteurs clés de notre économie est un enjeu crucial. Dans un monde où l’innovation et la rapidité sont devenues des impératifs, il est essentiel de repenser nos processus administratifs et réglementaires pour les rendre plus fluides et plus efficaces. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier sans être entravées par des démarches complexes et chronophages.
En matière d’urbanisme, les procédures d’obtention de permis de construire ou d’autorisation d’aménagements urbains sont souvent longues et fastidieuses. Cette complexité peut freiner les initiatives locales et retarder les projets essentiels pour le développement économique et social de nos territoires et de nos villes. Simplifier ces démarches permettrait non seulement d’accélérer ces projets, mais aussi d’en réduire les coûts et d’encourager l’innovation dans le secteur de la construction.
Dans le domaine de la téléphonie, les opérateurs doivent souvent naviguer à travers un labyrinthe de régulations pour déployer de nouvelles infrastructures ou lancer de nouveaux services. Cette situation peut ralentir l’adoption de technologies avancées pourtant cruciales pour notre compétitivité économique et pour répondre aux besoins croissants de connectivité. La simplification des procédures permettrait aux opérateurs de se concentrer sur l’amélioration de la qualité du service rendu et sur l’innovation technologique.
Les centres de données à usages commerciaux jouent un rôle croissant dans notre économie numérique. Les procédures administratives et les contraintes réglementaires constituent parfois des obstacles majeurs à leur développement ; les simplifier permettrait de faciliter l’implantation de nouveaux centres de données, d’en réduire les coûts opérationnels et d’en améliorer l’efficacité énergétique.
La simplification des procédures est absolument cruciale : elle est non seulement une nécessité mais aussi une opportunité pour stimuler la croissance économique – qui n’est pas un gros mot –, encourager l’innovation et améliorer la compétitivité – qui n’est pas non plus un gros mot. Il est temps d’agir pour créer un environnement plus favorable.
Madame la ministre déléguée, vous avez exprimé votre intention de favoriser l’implantation de centres de données, par le biais de l’article 15. Pourrions-nous étendre ces mesures à d’autres activités industrielles, notamment logistiques ? Quelle analyse faites-vous de l’article 15 bis, qui vise à instaurer un tarif réduit de l’accise sur l’électricité pour les centres de stockage de données numériques ? Il semble dépourvu de portée normative, dans la mesure où un tel tarif est déjà prévu.
J’aimerais connaître également la position du gouvernement sur l’article 16 prévoyant une dérogation aux obligations d’allotissement et de paiement direct pour certains projets d’infrastructures. Quels effets attendez-vous de l’article 17 pour mesurer les effets de la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile ? Le gouvernement entend-il apporter d’autres simplifications en matière de recherche ou de santé, en lien avec les articles 22 et 22 bis ?
Quelle est la position du gouvernement sur l’ajout du Sénat portant création du Haut Conseil à la simplification pour les entreprises ? Cette création a-t-elle des implications sur la conduite du dialogue social à l’échelle nationale ? Comment peut-on formuler une procédure d’évaluation préalable conforme à l’esprit du test PME que vous avez présenté ? La circulaire du 17 février 2011 relative à la simplification des normes pour les entreprises et les collectivités territoriales est-elle encore appliquée ? Dans l’affirmative, quels sont les obstacles à son efficacité ?
Pourriez-vous présenter les positions que pourrait défendre la France dans la révision de la directive européenne CSRD relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ? Quelles modifications conviendrait-il d’apporter à ce dispositif concernant le champ des entreprises assujetties et l’objet des données devant être consolidées et publiées ? Comment peut-on établir, dans la conception et l’application du droit de l’Union européenne, une procédure d’évaluation préalable inspirée du concept du test PME, que nous souhaitons tous faire évoluer et évaluer ?
M. Laurent Marcangeli, ministre. Le gouvernement travaille encore sur la liste prévue à l’article 1er. Nous allons proposer une nouvelle version comportant une quinzaine de comités : le Conseil stratégique de la recherche, le Conseil supérieur de l’aviation civile, le Comité national de la gestion des risques en forêt ou le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle. Trois critères guideront le débat : la redondance avec d’autres services ou organismes ; l’activité effective ; l’impact de la suppression sur la lisibilité de l’action publique. Des choses ont déjà été faites, puisque, depuis 2010, le nombre de comités que d’aucuns appelaient Théodule est passé de 799 à 313. Ce n’est pas tant la question du coût de ces organismes, qui n’est pas faramineux, qui nous intéresse, mais celle de la lisibilité de l’action publique. Nous n’allons pas y aller à l’aveugle, même si les tronçonneuses et les haches sont à la mode. En tant que ministre de la République française, je ne vais pas aller chercher mon inspiration ailleurs. Nous agirons sans craindre de bousculer un certain nombre d’habitudes.
Monsieur Travert, j’ai comme vous été surpris par la création, au Sénat, du Haut Conseil à la simplification pour les entreprises. Sans doute pourrons-nous réfléchir à une autre manière de travailler sur ce sujet. Existe-t-il des organismes que l’on pourrait transformer en un conseil de la simplification ? S’agissant de sa composition, il me semblerait inapproprié que le monde de l’entreprise n’y soit pas représenté, ainsi que ses salariés, dont le regard est très important. Faute de mieux, nous pourrons envisager ce Haut Conseil, qui ne me semble toutefois pas indispensable.
Le principe du « Dites-le nous une fois » me tient particulièrement à cœur. L’idée, qui avait été défendue dans la discussion de politique générale, c’est de changer de paradigme, afin de mettre davantage l’administration au service de l’administré, l’entreprise en l’occurrence, en réduisant les formalités.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article 4 a trait à la commande publique, au sujet de laquelle les entreprises nous alertent régulièrement. En 2023, elle représente 170 milliards d’euros et près de 250 000 contrats initiaux se répartissant ainsi : 60 % de PME, un peu plus de 20 % d’ETI et près de 20 % de grandes entreprises. Le dispositif est lourd, notamment pour les PME. À partir de 2018, la dématérialisation de la procédure de passation des contrats a été généralisée. Il reste deux méthodes pour définir le profil d’acheteurs : certains sont présents sur le site internet dédié, d’autres sur des profils privés. En 2012 a été créée la plateforme des achats de l’État (Place), utilisable gratuitement. En 2024, elle a permis à 2 400 acheteurs de répondre aux appels d’offres. L’article 4 vise à rendre obligatoire le recours au profil d’acheteur unique dématérialisé. Le Sénat a prévu pour cela la date de 2028. Nous proposerons de revenir à 2030, pour laisser aux acheteurs et à l’État le temps de se préparer. Cette adaptation coûterait 8,5 millions d’euros. La dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés publics de travaux inférieurs à 100 000 euros hors taxe sera pérennisée. Le plafond de cette dispense pour les marchés publics innovants ira jusqu’à 143 000 euros hors taxe.
Concernant les droits des entreprises en matière bancaire et assurantielle, l’article 13 garantit que la clôture d’un compte de dépôt sera gratuite pour les particuliers comme pour les petites entreprises. L’article 14 décline trois objectifs : améliorer l’information délivrée aux entreprises lors de la réalisation unilatérale d’un contrat par un assureur ; permettre aux entreprises de procéder à la résiliation à tout moment de certains contrats d’assurance ; encadrer les délais d’indemnisation des assurés dans le cadre des dommages aux biens, afin d’accélérer les procédures. Le Sénat a introduit un délai de résiliation minimal de six mois pour les collectivités locales, une mesure à laquelle nous sommes opposés puisqu’elle va à l’encontre des efforts faits pour renforcer l’attractivité du marché de l’assurance des collectivités. Une autre mesure a étendu à tous les contrats la nécessité pour l’assureur de motiver la résiliation, une disposition à laquelle nous sommes favorables. Nous sommes également favorables à celle qui fixe deux nouveaux délais : le premier, dans lequel l’assureur est tenu de proposer une indemnisation, une réparation en nature ou de motiver un éventuel refus de prise en charge du sinistre ; le deuxième, dans lequel il doit verser l’indemnisation ou missionner l’entreprise de réparation. Cela permettra de limiter le délai entre la date de déclaration du sinistre et celle de l’indemnisation.
Les articles 15, 15 bis et 16 sont du ressort de Marc Ferracci. Je peux d’ores et déjà vous dire que, à ce stade de la réflexion, le gouvernement ne prévoit pas d’ouvrir les data centers aux plateformes logistiques. Nous envisageons de supprimer la disposition introduite par le Sénat à l’article 15 bis. Quant à l’article 16, je laisserai Marc Ferracci vous répondre au cours de l’examen du texte.
Le test PME prévu à l’article 27 est très attendu par l’ensemble du monde économique. Si chaque projet de loi dispose d’une étude d’impact, l’évaluation ne présente jamais d’éléments chiffrés des coûts directs et indirects pour les entreprises. Qui plus est, celui-ci n’est jamais confronté à la réalité de la vie de l’entreprise, qui n’est pas consultée avant l’adoption du texte. Nous n’avons aucun indicateur de l’effet des textes sur celle-ci. Les tests PME existent dans plusieurs pays : en Allemagne depuis 2016, en Suisse depuis 1998, en Irlande depuis 2024. Le plus souvent, ils sont effectués par des organismes indépendants qui ont trois missions : déterminer le périmètre de matérialité, soit à partir de quand le test s’impose ; mesurer l’impact chiffré des coûts directs et indirects générés par la norme, d’après des données communiquées par les entreprises, qui sont au cœur du dispositif ; définir les mesures d’évaluation ou de correction, le cas échéant, à l’image de ce que fait le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) pour les collectivités. Il peut émettre quatre sortes d’avis : des avis positifs, réservés, de report et négatifs.
Pour organiser le mode opératoire de ce test PME, deux possibilités se présentent. La première serait de passer par la voie réglementaire, en considérant le test comme une modalité de l’étude d’impact. Il y a déjà eu une circulaire, monsieur Travert, mais elle n’a pas franchi toutes les étapes. La deuxième modalité serait d’emprunter la voie législative, que nous avons prévue mais qui n’est possible que si la nouvelle instance comprend des parlementaires, ce qu’a fait le Sénat. Une instance composée de personnalités qualifiées et de représentants des PME peut être créée par voie réglementaire. Il appartiendra aux parlementaires de travailler sur cette question pour décider s’il est plus pertinent de créer une nouvelle commission ou de confier cette fonction à un acteur existant.
M. le président Ian Boucard. Nous passons aux orateurs des groupes.
M. Thierry Tesson (RN). Le sujet du projet de loi est crucial. Dans un contexte budgétaire contraint et une activité économique atone, la relance de l’activité économique et industrielle doit être une priorité absolue. Or la France est étouffée par une surcharge normative, qui freine nos concitoyens et paralyse nos entreprises. Quelques chiffres : 400 000 normes applicables, 1 786 décrets réglementaires adoptés en 2022. Rien que pour l’échelon national, ce sont plus de 44 millions de mots ! Le Rassemblement national avait accueilli avec enthousiasme l’annonce d’une volonté de simplification, une nécessité pour nos TPE-PME et nos entrepreneurs, qui sont particulièrement vulnérables face à cette complexité administrative.
De même, dans une optique de réindustrialisation, le poids des normes est un handicap majeur pour nos entreprises. Les contraintes environnementales imposées par l’Union européenne et la soumission des pouvoirs publics français à ces dernières en sont les principales responsables. Plus particulièrement, l’expansion déraisonnée du code de l’écologie et de l’urbanisme freine toute croissance et empêche l’expansion des activités nécessaires à notre souveraineté et à notre prospérité.
Pourtant, force est de constater que le projet de loi présenté ici est décevant. Je ne vous en rends pas responsables car vous héritez du travail de vos prédécesseurs. Mais ce texte est un fourre-tout sans ambition ni cohérence. Là où l’on attendait un véritable choc de simplification, il n’y a que des mesures disparates et insuffisantes. Pis, certains articles vont même à contre-courant de l’objectif affiché : l’article 27 institue un Haut Conseil à la simplification, autant dire une nouvelle usine à gaz.
Le texte comporte de nombreuses mesures facilitant le déploiement des énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque. Au-delà de ces objectifs écologistes, où sont les mesures de simplification pour les secteurs stratégiques de notre pays – le nucléaire, l’industrie de défense, les technologies de rupture ou la chimie ? Ce projet de loi de simplification fortement coloré en vert nous apparaît inacceptable en l’état et incohérent compte tenu des besoins essentiels de nos entreprises et de nos filières industrielles. Alors qu’il devait être un point de départ pour d’autres lois, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre à l’avenir pour relever enfin le défi de la simplification ?
Mme Anne-Laure Blin (DR). C’est peu dire que la simplification est fort attendue sur le terrain. Notre groupe attend une révision approfondie des comités et des commissions existants et une simplification massive des actes administratifs. Les nombreux comités Théodule doivent être supprimés, selon une méthode simple : regarder leur intérêt, leur efficacité, le coût engendré et s’il existe des doublons qui empêchent leur fonctionnement, de manière à rendre plus lisibles le rôle et l’action des opérateurs de l’État.
Il est aussi impératif que les actes administratifs soient simplifiés. L’obligation pour les chefs d’entreprise, pour les Français plus largement, de fournir plusieurs fois le même document pour différentes procédures est un exemple flagrant de technocratie et d’inefficacité bureaucratique.
Vous êtes très attachés, comme nous, au système du « Dites-le nous une fois » que nous voulons véritablement opérationnel. Madame la ministre déléguée, vous avez évoqué la suppression bienvenue de 200 formulaires Cerfa. Au-delà même de votre ministère, il convient d’envisager plus largement leur réduction.
Pour garantir que les nouvelles réglementations ne pénalisent pas indûment les petites et les moyennes entreprises, nous sommes favorables à l’instauration d’un test PME ou plus exactement d’un test TPE-PME, parce que la législation doit toujours veiller à ne pas entraver les initiatives entrepreneuriales. On pourrait aussi envisager que le ministre nous présente les décrets qui seront publiés à la suite de l’adoption d’un texte.
Nous nous interrogeons tout de même, comme d’autres collègues et nos rapporteurs, sur la forme qu’a prise l’article 27, qui risque de remettre en cause l’efficacité voulue pour le test PME.
En réalité, ce que nous attendons et ce que les entrepreneurs attendent, c’est un assouplissement des normes qui pèsent aujourd’hui sur l’activité économique. Cela veut dire qu’il faut faire des choix, notamment revenir sur des réglementations qui entravent le quotidien, comme le ZAN – zéro artificialisation nette –, les ZFE – zones à faibles émissions – ou encore les avis des ABF – architectes des bâtiments de France. Nous attendons des propositions et des arbitrages très clairs de la part du gouvernement.
Mme Marie Lebec (EPR). Trop de paperasse, trop compliqué, trop de temps perdu ! Ces constats, nous les entendons tous les jours. Chefs d’entreprise, commerçants, autoentrepreneurs, citoyens : personne n’échappe aux lourdeurs administratives qui freinent notre économie. Le constat est sans appel : nous devons simplifier la vie de nos acteurs économiques. Depuis 2017, nous avons engagé un travail conséquent avec la loi Essoc de 2018, qui a instauré le droit à l’erreur, permettant aux entreprises de rectifier une faute commise de bonne foi sans sanction. La loi Pacte de 2019 a poursuivi dans cette dynamique, en supprimant l’exigence du Kbis et en harmonisant les seuils d’effectifs. Plus récemment, la loi relative à l’industrie verte de 2023 a facilité la transition écologique des entreprises, en allégeant les procédures environnementales et en accélérant la réhabilitation des friches industrielles.
Aujourd’hui, nous franchissons une nouvelle étape décisive. Le projet de loi de simplification de la vie économique s’inscrit pleinement dans cette continuité et constitue un pilier de notre stratégie soutenant le programme de stabilité et de croissance présenté par la France à l’Union européenne. Le constat reste préoccupant. Nos entreprises sont accablées par plus de 400 000 règles, par un code du travail qui n’a cessé de s’alourdir et des démarches administratives souvent décourageantes. Résultat : 82 % des entreprises estiment que la complexité administrative est un frein à leur activité et une sur deux renonce à des aides faute de pouvoir en gérer les formalités.
Ce projet de loi s’appuie sur des faits : un rapport du Sénat qui chiffre l’impact des normes à 84 milliards d’euros, soit 3 % du PIB ; une consultation citoyenne de 30 000 participants ; le plan « Rendre des heures aux Français » qui propose des mesures pragmatiques pour libérer le temps et l’énergie de ceux qui entreprennent et innovent. Le message est clair : il faut simplifier les démarches, fluidifier l’accès aux aides et alléger les transmissions d’entreprise. L’excès de normes freine la compétitivité.
Simplifier par la loi est un défi immense mais essentiel, et nous devons nous y atteler. Simplifier, ce n’est pas juste rayer quelques lignes dans un texte ou alléger une procédure. C’est repenser en profondeur notre manière d’administrer notre économie. Ce texte est une avancée majeure, mais il doit aussi être un point de départ. Il devrait être enrichi par le travail parlementaire et suivi de réformes ambitieuses pour réinventer notre modèle administratif et libérer pleinement nos entreprises. Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour aller plus loin dans la réforme de l’État et garantir son efficacité à long terme ?
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Ce projet de loi de simplification de la vie économique, qui fait partie de vos priorités, est de la poudre de perlimpinpin, pour reprendre une vieille expression remise au goût du jour par M. Emmanuel Macron. Ce texte est votre priorité, monsieur le ministre, et celle du Medef, puisque la moitié au moins de ses propositions, issues de son projet de loi pour accélérer l’économie française, y est reprise. Hier matin, sur votre initiative, avec mes collègues du groupe LFI-NFP, nous vous avons rencontré, monsieur le ministre, afin d’échanger sur ce texte. Ce rendez-vous nous a permis de confirmer que, même pour le gouvernement et même pour vous, le ministre de la simplification, il n’a rien de simple, que ce soit sur la forme ou sur le fond. Pourtant, il y a des choses à dire sur le fond en matière de reculs sociaux et environnementaux, sous couvert de simplifier la vie économique.
À une semaine du début de l’examen du texte en commission, votre objectif est d’élaguer le projet de loi, d’enlever les potentiels durcissements du Sénat et de passer par d’autres véhicules législatifs pour certaines mesures, telles que le test PME. Nous espérons que la répartition des articles entre plusieurs ministres permettra de vrais débats construits sur le fond, car nous nous apprêtons à débattre sur un texte composé de pas moins de soixante-quatre articles, très techniques, très fourre-tout. Il faudra prendre le temps de tout étudier. Pourtant, pour accélérer le processus, vous avez proposé d’appliquer une procédure de législation en commission sur certains articles, ce que nous avons évidemment refusé. La liberté d’amender est importante et il est nécessaire que ce texte soit étudié dans son entièreté en séance.
Le texte n’est donc simple qu’en façade. Les TPE-PME sont en fait peu concernées, contrairement à ce que vous laissez entendre. Quant aux acteurs économiques que sont aussi les salariés et les organisations syndicales qui les représentent, ils sont absents d’un texte qui traite de la vie des entreprises.
En revanche, il ouvre une nouvelle fois des brèches dans les droits sociaux et le droit de l’environnement : entrave à la reprise d’entreprises par les salariés en supprimant leur information préalable en cas de cession d’entreprise ; limitation de la transparence des marchés publics ; régression sur l’objectif zéro artificialisation nette pour les implantations industrielles ; mesures pour que des situations comme l’annulation de l’autorisation de l’A69 ne se reproduisent pas ; création d’un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises sans les organisations syndicales ni les salariés, qui n’est ni plus ni moins que l’institutionnalisation d’une nouvelle instance de lobbying aux pouvoirs exorbitants.
Monsieur le ministre, vous avez prévenu que ce texte ne serait pas le grand soir de la simplification. Allez-vous réussir à éviter que ce soit le grand soir d’un détricotage du droit de l’environnement et des droits sociaux ? Qu’avez-vous décidé et arbitré hier après-midi ? Prévoyez-vous bien de revenir à la version initiale de certains articles, tels que l’article 6 ou l’article 15 ? Allez-vous faire passer certaines mesures par des propositions de lois parallèles ? Si oui, lesquelles ?
M. Gérard Leseul (SOC). L’examen de ce texte nécessitera une grande vigilance pour que simplification ne rime pas avec dérégulation. Tout d’abord, face au besoin de simplifier que le groupe Socialistes et apparentés peut partager pour nos concitoyens, nos entreprises, nos collectivités, il ne peut y avoir de compromis sur la préservation des garanties sociales et environnementales. À cet égard, nous nous opposerons à toute tentative de détricotage de la loi littoral ou du ZAN.
En ce qui concerne les procédures d’urbanisme et les enquêtes environnementales qui leur sont liées, nous souhaiterions plutôt travailler à une simplification sérieuse, ainsi qu’à une sécurisation des procédures de consultation et d’autorisation pour assurer une meilleure sécurité juridique aux projets et éviter le phénomène du stop and go fortement délétère pour l’implication des investisseurs publics et privés. Évitons aussi les mauvaises solutions et que de pseudo-simplifications ne viennent en réalité compliquer l’activité des entreprises. L’exemple de la simplification de la feuille de paie est à ce titre évocateur et nous vous remercions de ne pas réintroduire l’ancien article 7.
Dans un contexte géopolitique bouleversé, il est essentiel que la simplification privilégie les intérêts vitaux plutôt que commerciaux et que cette simplification ne vienne pas ouvrir notre territoire aux prédations étrangères. Nous devons assurément préserver nos intérêts nationaux. Si l’installation de centres de données, les data centers, est essentielle pour assurer notre pleine souveraineté, nous devons veiller à ne pas offrir le marché aux géants états-uniens qui, compte tenu des clauses américaines d’extraterritorialité, ne sont pas en mesure de garantir la protection de nos données.
Nous souhaitons aussi ouvrir le débat sur un meilleur partage de la valeur, une meilleure concertation avec les administrations, ainsi qu’au sein même des entreprises et au niveau des territoires. Cette condition nous semble essentielle pour assurer l’acceptabilité des projets et rendre leur réalisation plus rapide. En tant que coprésident du groupe d’études sur l’économie sociale, je souhaite souligner l’incohérence qu’il y a à réduire le délai d’information préalable des salariés dans le cadre de la vente d’un fonds de commerce ou de la cession d’une entreprise, alors que votre propre feuille de route, madame la ministre déléguée, vise à renforcer la reprise d’une entreprise par ses salariés. Cette réduction du délai d’information est vraiment une très mauvaise idée.
Si le Haut Conseil à la simplification venait à être créé ou rattaché à une autre instance, je souhaite vivement que les représentants salariés y soient pleinement associés.
Enfin, plusieurs points méritent encore, selon nous, une attention particulière. Le recours aux ordonnances pour effectuer des simplifications sur plusieurs plans n’est pas souhaitable, afin d’assurer le débat et le travail parlementaire de qualité auxquels vous êtes attachés. Enfin, nous constatons avec une vive déception que la France renonce globalement aux objectifs ambitieux de transparence de la CSRD, la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, alors même qu’elle était, avec l’Union européenne, à la pointe de ce combat.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Nous débattons d’un texte qui se veut ambitieux. Qui pourrait s’opposer à une administration plus lisible, plus efficace, plus accessible ? Derrière chaque mesure de simplification économique, il y a un lobbyiste. Derrière chaque réduction des contraintes réglementaires, il y a des intérêts économiques qui ont su se faire entendre plus fort que d’autres. Or une simplification qui affaiblit nos droits sociaux et environnementaux n’est pas une avancée, c’est une régression. Ce projet de loi n’est pas une simplification équilibrée. C’est un texte de fond de tiroir, qui empile des mesures disparates, sans cohérence, touchant autant de secteurs qu’il impose de reculs en matière environnementale et sociale.
L’article 6 supprime les droits d’information des salariés en cas de cession d’entreprise. Qui cette décision favorise-t-elle ? Les travailleurs ou les fonds d’investissement ?
L’article 10 supprime le délit d’entrave à l’audit extra-financier des entreprises. Alors que la transparence financière est un pilier européen, ce texte affaiblit ainsi le contrôle des impacts environnementaux et sociaux des grandes entreprises. L’article 15 qualifie les centres de données de projets d’intérêt national majeur. Résultat : les procédures environnementales sont contournées au profit des géants du numérique. Les articles 18 et 19 réduisent les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Nous passerions d’une obligation de résultat à un système permissif et à des pertes nettes intermédiaires. Tout cela s’inscrit dans une tendance dangereuse déjà à l’œuvre au niveau européen avec la directive omnibus qui affaiblit des piliers comme la directive CSRD. La simplification sert de prétexte à un recul normatif.
Ce texte ne vise pas à faciliter la vie de tous les acteurs économiques car il oublie l’économie sociale et solidaire (ESS), les associations, les porteurs de projets à impact positif sur le plan social ou environnemental. Il sert avant tout les intérêts des influents au détriment des protections collectives. Aucune mesure ne facilite la vie des salariés. Au contraire, leurs droits sont rognés, notamment par les mesures prévues à l’article 6. La simplification doit être équitable et pas à sens unique.
Nous assistons à une montée de la culture de « l’accélérisme », qui privilégie la rapidité, quitte à contourner la participation publique, à orienter les études d’impact et à supprimer les contraintes d’expertises. Mais, à vouloir aller trop vite, on finit par perdre du temps. La réforme du code minier, décidée sans débat national structuré, en est un exemple flagrant.
Enfin, rappelons une évidence : simplifier ne signifie pas supprimer. Or les mesures prévues s’accompagnent souvent d’une réduction des moyens administratifs, comme dans le cas de la Commission nationale du débat public (CNDP). Qui va accompagner les acteurs économiques si les services compétents sont démantelés ? Nous proposons que toute suppression de postes administratifs soit compensée par des moyens dédiés. Une simplification réussie demande des ressources et non pas un État affaibli. Nous ne pouvons cautionner ce texte qui favorise les grandes entreprises au détriment des protections sociales et environnementales. Nous voulons une simplification équilibrée qui profite à tous et non un cheval de Troie de la dérégulation.
M. Philippe Bolo (Dem). Pas une journée ne se passe sans que l’on ait à constater combien la complexité administrative est devenue omniprésente. Le phénomène, bien qu’évoqué à de nombreuses reprises, persiste et se renforce. L’enchevêtrement des normes et la lourdeur administrative deviennent insupportables pour les entreprises. Leur ras-le-bol face aux tracasseries administratives de toute nature est une réalité régulièrement exprimée. Ces complexités leur font perdre du temps et de l’énergie, les détournent de leur cœur de métier : la production, leurs salariés et leurs clients.
La simplification est donc devenue une priorité absolue. L’excès de normes pénalise notre pays. Chaque jour, des millions d’acteurs économiques se débattent dans des démarches qui semblent ne jamais devoir finir. Et cette complexité administrative est coûteuse : le Sénat l’a évaluée à 84 milliards d’euros par an, ce qui est colossal et représente une charge inacceptable quand on connaît les contraintes budgétaires de la France. Simplifier n’étant pas simple quand il s’agit d’activités économiques aussi diverses que la boulangerie, l’artisanat ou l’industrie, nous devons veiller à produire un texte qui ne soit pas déceptif. Les entreprises devront constater ses effets en termes de gain de temps, ce qui leur permettra de se réconcilier avec l’administration.
Ce texte n’est qu’une étape, tant la simplification est un travail de longue haleine. Cette préoccupation devrait être présente dans chaque loi que nous adoptons. En tant que parlementaires, nous devons aussi veiller à ne pas ajouter de la complexité par le biais de nos amendements. Simplifier passe par un renforcement de notre mission de contrôle : l’évaluation des lois doit considérer leurs effets directs et indirects, positifs et négatifs, attendus et inattendus, afin d’identifier les simplifications à leur apporter. Enfin, la simplification doit également cibler les collectivités territoriales, les associations et chaque citoyen. La tâche est immense mais indispensable. D’autres rendez-vous de simplification devront être inscrits au calendrier de notre assemblée.
Dans la perspective de nos débats, je suis allé avec plusieurs collègues à la rencontre de chefs d’entreprise pour recueillir leurs demandes de simplification. Il en ressort que les mesures à prendre ne sont pas toutes d’ordre législatif : 70 % des demandes recueillies auprès d’une centaine de chefs d’entreprise concernent leurs relations avec les administrations, ce qui relève essentiellement de mesures réglementaires. Ils se plaignent notamment de la complexité des procédures, de l’absence d’interlocuteurs, de délais incompréhensibles, de la répétition des démarches et des formulaires. Comment allez-vous vous emparer concrètement de ces demandes de simplifications réglementaires ? Comment allez-vous nous en informer, afin que nous puissions contrôler que votre intention est bien d’aller au-delà du texte en débat et de prendre les mesures réglementaires attendues ?
Le groupe Les Démocrates soutient l’ambition de simplification, mais notre travail doit apporter des évolutions tangibles que chaque entreprise pourra constater. Il ne s’agit plus de faire des promesses, mais de produire les résultats attendus – notre groupe s’y emploiera par le biais d’amendements.
M. Henri Alfandari (HOR). Tout d’abord, je tiens à me réjouir de l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi attendu, dont l’examen a été interrompu par la censure irresponsable du gouvernement de Michel Barnier, en décembre dernier. Ce texte témoigne de la volonté claire et déterminée du gouvernement d’avancer rapidement afin de mener à bien cette réforme indispensable pour le libérer notre potentiel économique, simplifier les démarches administratives et rendre notre cadre législatif plus agile. C’est une étape importante pour améliorer notre compétitivité, encourager l’innovation et renforcer la croissance en simplifiant la vie des entrepreneurs, des salariés et des citoyens. Sachant à quel point la complexité administrative peut freiner les initiatives et créer des obstacles, nous estimons que ce projet de loi va résolument dans la bonne direction.
L’article 1er supprime les commissions administratives consultatives inactives ou inefficaces, mesure à la fois utile et nécessaire pour nos finances publiques et pour l’efficience de l’État. À cet égard, chers collègues, je me permets de rappeler qu’il nous incombe de ne pas complexifier quand il s’agit de simplifier. Afin de simplifier la relation entre les entreprises et l’administration, le texte prévoit aussi de rationaliser les démarches et formalités administratives et de renforcer le principe du silence valant acceptation, qui souffre de trop nombreuses dérogations depuis son entrée en vigueur en 2013. Il est grand temps de garantir son efficacité et de permettre aux entreprises de bénéficier d’une plus grande lisibilité dans leurs démarches. Monsieur le ministre, nous soutenons votre volonté de mettre en valeur la qualité du travail des agents dans leurs missions au service de nos concitoyens.
Enfin, je souhaite insister sur l’importance des mesures destinées à faciliter l’implantation et le déploiement des industries stratégiques pour notre pays. C’est essentiel pour renforcer notre souveraineté économique, pérenniser notre réindustrialisation et soutenir notre compétitivité à l’échelle internationale. Pour l’avenir de notre économie, il est crucial d’avancer sur ces points.
Le groupe Horizons & apparentés soutiendra ce projet de loi tout en proposant plusieurs amendements visant à l’enrichir. Notre démarche s’inscrira dans une dynamique constructive, en vue d’aboutir à un texte à la hauteur des défis auxquels nous faisons face. Nous savons que s’il constitue l’un des axes majeurs de la refondation de l’action publique, ce texte n’est que l’un des nombreux chantiers que vous souhaitez engager. Nous connaissons votre détermination à agir pour améliorer l’efficacité de l’action publique et simplifier l’administration. Quelles autres initiatives et actions allez-vous conduire pour alléger les procédures administratives et renforcer la confiance des citoyens et des entreprises envers nos institutions ?
M. Jean-Luc Warsmann (LIOT). Avant tout, je tenais à apporter tout mon soutien à la démarche qui nous unit aujourd’hui. Tout en assistant à nos débats, je me suis laissé aller à faire une recherche sur Google, associant mon nom à la notion de simplification, et j’ai vu apparaître de nombreux articles.
Je voulais vous parler de quatre sujets, dont les deux premiers, à ce stade de mon travail, ne me semblent pas du ressort législatif.
Premier sujet : simplifier le droit de l’urbanisme pour permettre d’étendre les bâtiments économiques aux limites de parcelles dans toutes les zones d’activité du pays. Il paraît absurde d’imposer une distance par rapport à la voirie alors que l’on pourrait construire le bâtiment jusqu’à la limite de propriété, ce qui présenterait de nombreux avantages : densification économique ; précieux mètres carrés supplémentaires pour les entreprises ; augmentation de la fiscalité pour les collectivités locales. À mon avis, monsieur le ministre, vous avez la main : il vous suffit de rédiger une disposition selon laquelle sont réputées non écrites toutes les clauses qui imposent des reculs.
Deuxième sujet : le photovoltaïque en toiture. Dans ce domaine, on est dans la schizophrénie. Il est évidemment de l’intérêt général de développer cette énergie, de le faire sur les toitures des bâtiments économiques, de manière collective dans des zones d’activité, et d’encourager l’autoconsommation. Or nos règles d’urbanisme s’y opposent, y compris dans le domaine de l’agriculture où les fonctionnaires concernés seraient partants pour une simplification. Je vous suggère de permettre ces installations par simple déclaration sur le mode suivant : « Je déclare que je vais mettre des panneaux photovoltaïques sur ma toiture. » On économiserait ainsi du temps de fonctionnaires d’État et territoriaux.
Sur les deux derniers sujets, qui relèvent du législatif, je prépare des amendements. Le premier a trait aux délais de paiement par les collectivités publiques, domaine où il existe une forte marge de progression. Vos cabinets pourront peut-être m’aider à concevoir un système qui avantage les collectivités qui paient dans le délai imparti, et qui pénalise celles qui le dépassent – un acompte de 1 % dans un cas et une pénalité de 1 % dans l’autre, par exemple. À un moment où l’économie se tend vraiment, il faut que les acheteurs publics soient très respectueux des délais. Enfin, je pense que les locaux de sociétés placées en liquidation judiciaire sont remis sur le marché de manière beaucoup trop tardive.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Contrairement aux collègues enthousiastes qui le voient comme une sorte d’étape décisive, je ne suis pas vraiment convaincu par ce texte. C’est un fourre-tout, largement complexifié par les sénateurs qui prétendent pourtant vouloir simplifier. Certaines options politiques, présentées comme relevant du bon sens, sont largement discutables. Contrairement à ce que vous dites, madame Louwagie, ce ne sont pas les entreprises françaises qui consacrent le plus de temps aux tâches administratives en Europe, mais les entreprises italiennes et espagnoles. Cela n’empêche pas l’Italie d’afficher une croissance robuste.
Je vous sais gré, monsieur Marcangeli, d’être moins caricatural que votre prédécesseur qui entretenait une sorte de fantasme argentin. Vous êtes néanmoins obligés de sacrifier à la rhétorique convenue qui veut que l’État soit obèse de son administration. Je ne crois pas que cela soit vrai, même s’il y a des choses à simplifier et à fluidifier. Vous reprenez les chiffres du Medef, estimant que la complexité administrative coûterait entre 60 et 80 milliards d’euros à la vie économique. D’où vient cette étude ? Quelle est sa méthodologie ? En tout cas, ce n’est pas en simplifiant quelques procédures que vous aurez plus innovations, de croissance et de salariés formés, comme vous le souhaitez. Il vaudrait mieux entreprendre de vraies politiques de relance et d’innovation en mettant le paquet sur la recherche.
Mon premier amendement aura pour objet de simplifier l’intitulé du projet de loi, que je trouve un peu ambitieux. Ce texte va fluidifier un peu la vie économique, mais ce n’est pas le grand soir ! Pour le dire crûment, c’est un texte qui ne casse pas trois pattes à un canard. En revanche, il risque de casser des choses importantes. La gauche va revenir sur l’article 6, par exemple, car les sénateurs ont supprimé l’obligation d’informer les salariés lors de la vente d’un fonds de commerce ou d’une entreprise. Pour nous, cette suppression – d’ailleurs inefficace – représente une ligne rouge.
Nous voulons aussi déposer des amendements sur le Haut Conseil à la simplification pour les entreprises. Il est un peu cocasse de proposer la création d’une nouvelle structure tout en expliquant qu’il existe de nombreuses agences surnuméraires. En outre, sa composition est problématique : des représentants des entreprises, un représentant du Conseil d’État, deux parlementaires… et zéro représentant des salariés. On tombe dans une forme de caricature navrante, je pense que nous allons vous en convaincre.
Un aspect, évoqué par Mme Louwagie, me semble important pour la vie économique et nos entreprises : relever les seuils de commande publique. Sur ce point, nous vous soutiendrons, d’autant plus que notre seuil est plus bas que la moyenne européenne. Pour conclure, je tiens à rappeler que toute simplification n’est pas bonne, notamment en matière de droits des salariés. C’était une très mauvaise idée de supprimer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et nous allons y revenir par le biais d’amendements.
M. Charles Alloncle (UDR). Nous étions le pays du cartésianisme et des Lumières, celui du mètre et du code civil ; nous ne sommes plus que le pays des sigles, des déclarations et des commissions. La norme est partout, la liberté nulle part. Que vous ayez à visser une ampoule au bureau, à construire un cabanon sur votre terrain, ou que vous pensiez tout simplement vivre de votre activité professionnelle librement, l’État se mêle de tout, partout, tout le temps. Notre bureaucratie est la seule exception culturelle qu’aucun pays au monde ne nous envie quand bien même nous continuons, année après année, à la cultiver jalousement. Nos voisins, eux, ont pris leur destin en main. Les Argentins démarrent la tronçonneuse, les Américains jonglent entre le scalpel et le bulldozer, et vous, vous y allez à l’économe, en nous servant un texte sans souffle, sans ambition et même, il faut bien le dire, sans aucune forme de courage.
Ce projet de loi est une occasion manquée pour trois raisons principales. D’abord, vous renoncez à attaquer la bureaucratie. Vous aviez pourtant l’embarras du choix : 484 opérateurs d’État, 701 organismes d’administration centrale – 140 milliards d’euros que l’on dilapide chaque année. Vos prédécesseurs se sont contentés de quelques comités consultatifs pour à peine quelques millions d’euros d’économies. Ensuite, au lieu d’aller droit au but, vous accouchez d’un texte fourre-tout qui ne tranche rien. Il n’y a rien sur le code du commerce, sur les contrôles abusifs, sur l’Urssaf et les entreprises. Ce texte n’est qu’un prétexte, un cheval de Troie pour certaines des lubies de la technostructure, pour ces éoliennes qui mutilent nos paysages et sapent notre souveraineté. Cet agenda énergétique déguisé n’a rien à voir avec la simplification de la vie économique. Troisième raison : au lieu de simplifier, vous avez parfois complexifié. Ce Haut Conseil à la simplification pour les entreprises est un nouveau symptôme de la propension à créer des usines à gaz remplies d’administrateurs administrant qui expérimentent, qui rédigent des rapports, qui rendent des avis, qui créent des comités de suivi, mais qui, à la fin, ne décident malheureusement de rien.
Alors, il est temps d’ouvrir ce texte à nos propositions. Il est temps de briser les chaînes qui entravent les initiatives et les ambitions. Il est temps de faire ce que vous n’avez pas osé, c’est-à-dire couper, simplifier et libérer. Les Français ne mendient pas des réformes de façade, ils exigent des actes forts. Ayez ce courage car, demain, on ne jugera pas les intentions mais ceux qui auront osé changer le destin de notre pays.
Mme Sophie Errante (NI). Députée et chef d’entreprise dans la vie normale, je pense que les gens, qu’ils soient dans le privé ou la fonction publique, veulent comprendre le sens de ce qu’ils font, de ce que l’on exige d’eux.
La loi Essoc, sur laquelle nous avons passé beaucoup de temps, ne se contente pas de régir le droit à l’erreur. Son titre Ier, qui se réfère à une administration de conseil et de service, instaure un changement paradigme. La relation de l’administration avec l’usager s’inscrit dans le schéma suivant : conseiller et donner des règles claires ; accompagner quand la procédure est complexe ; contrôler ; sanctionner le cas échéant.
Les chefs d’entreprise demandent à rester dans cette logique qui a produit des effets positifs, même si l’on a plutôt tendance à parler de ce qui ne va pas. Ils alertent aussi sur l’arrêt de dispositifs qui donnaient satisfaction, tel que État’LIN, le laboratoire d’innovation publique de l’État. Il serait dommage, sous prétexte de simplification, de mettre fin à des actions, concernant notamment les relations entre les préfectures et les chefs d’entreprise, qui ont mis beaucoup de temps à voir le jour et qui portent leurs fruits.
Quoi qu’il en soit, il est très important de dire clairement ce que l’on attend des uns et des autres. Chaque demande de nouveau document doit être justifiée. Si l’administration ne peut pas le justifier, c’est que le document n’a pas lieu d’être. Mais il ne faut pas laisser croire que tout est inutile : sur un bulletin de salaire, par exemple, chaque ligne a une justification – nous en avons supprimé certaines qui étaient redondantes.
M. Laurent Marcangeli, ministre. On n’est pas obligé de tomber dans le simplisme quand on parle de simplification. Jean-Luc Warsmann, auteur de nombreuses lois sur ce thème, en sait quelque chose : s’il faut tellement y revenir, c’est sans doute qu’il est sans doute plus compliqué de simplifier que l’on veut le croire. Nous nous attaquons à cet Everest avec beaucoup d’humilité – je crois pouvoir le dire aussi au nom de Véronique Louwagie, avec laquelle je partage une culture parlementaire et une longue expérience d’élus locaux.
La taille des codes en tout genre atteste en effet une surcharge normative, monsieur Tesson. Et le projet ne pourra qu’être assez déceptif : quand ils entendent le mot « simplification », nos concitoyens ne pensent pas qu’à leur entreprise mais imaginent une simplification générale dans la vie de la société. Il faudra, en effet, aller aussi en direction des collectivités territoriales, du monde associatif et de chaque citoyenne et citoyen. À Bourges, où je me suis rendu cette semaine, le département expérimente l’accueil de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) dans les maisons France Services. Quand on sait à quel point il est compliqué pour nos compatriotes de vivre la découverte d’un handicap, avec ce que cela suppose comme démarches et formalités, on se dit qu’il y a beaucoup à faire en matière de simplification, hors du monde de l’entreprise.
Ce texte ne marque pas la fin de l’histoire. Voilà ce que je peux dire aux nombreux orateurs qui ont évoqué la suite. Dans les semaines à venir, je vais proposer une méthode visant à envisager la simplification de la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens, en utilisant divers moyens. La balle sera notamment dans le camp des parlementaires puisque certains de ces moyens seront d’ordre législatif. Je m’engage ainsi à étudier de manière précise chaque initiative prise par l’une ou l’un d’entre vous, visant à apporter des éléments de simplification à la vie de nos compatriotes. L’idée est que le gouvernement soutienne la proposition pour qu’elle puisse aller à son terme. Ces propositions pourraient être examinées à la faveur de niches parlementaires, de semaines transpartisanes ou, rêvons un peu, de semaines de la simplification regroupant l’examen de plusieurs textes. Parfois, il faut se contenter d’aller à l’essentiel.
Monsieur Maurel, je n’ai pas parlé d’obésité de l’administration, mais de bureaucratie. Or la bureaucratie n’est pas l’administration, mais le résultat d’une surcharge de normes bavardes, parfois contradictoires et ressenties comme agressives vis-à-vis de nos concitoyens. L’administration, qui n’est d’ailleurs pas responsable de cette surcharge, je la défends. À qui la faute si cette bureaucratie existe ? C’est la nôtre et celle du gouvernement. La plupart des comités sont d’ailleurs créés sur initiative parlementaire.
Pour tenir le cap de la simplification, comme vous êtes nombreux à le demander, on peut aussi utiliser la voie réglementaire. Dans ce cas, le gouvernement pourra rendre compte au Parlement de l’application de ces mesures réglementaires par le biais de rapports, de comités de suivi, d’auditions devant les commissions concernées. Si le bureau de l’Assemblée décidait de créer une commission ad hoc, je n’y verrais aucun inconvénient à titre personnel.
Il faudrait aussi veiller ne pas tout mélanger. Quand on mélange tout, la confusion s’installe et on finit par ne plus rien comprendre. Les opérateurs et les comités, ce n’est pas la même chose. Les universités, par exemple, sont des opérateurs.
Madame Nosbé, vous portez un regard négatif et suspicieux sur ce projet de loi. Nous n’avions pas proposé de recourir à la procédure de législation en commission (Plec) sur certaines mesures pour confisquer le débat : nous renonçons d’ailleurs aux ordonnances pour vous donner la parole. Ayant été président de groupe pendant deux ans et demi, j’ai vu le sort réservé à la plupart de ces procédures. Nous n’aurions proposé une Plec que pour des sujets ne faisant pas l’ombre d’une contestation sur l’ensemble des bancs – par exemple, la suppression d’ajouts sénatoriaux conduisant à alourdir le texte.
Monsieur Bolo, je vous le répète, ce texte n’est pas la fin de l’histoire. Le gouvernement va inverser la charge dans de nombreuses démarches. Nous considérons que ce n’est pas forcément à nos concitoyens, nos entreprises et nos associations d’assumer le poids d’une bureaucratie parfois étouffante. Nous allons en débattre et examiner des amendements. Cela étant, il faudrait faire en sorte que ce texte, déjà un peu épaissi par nos collègues sénateurs, ne devienne pas lui-même une forme de monstre après son passage à l’Assemblée nationale, ce qui réduirait son efficacité. Ne gâchons pas les gains que ce texte peut apporter.
Enfin, les surtranspositions de textes européens devront aussi être abordées dans le cadre de cet échange entre le gouvernement et le Parlement. Nous devons créer ensemble cette nouvelle méthode de travail. J’espère que nos débats se passeront de la meilleure des manières.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous semblez tous d’accord sur l’état des lieux et sur la nécessité de simplifier, même si certains d’entre vous jugent que le texte n’est pas à la hauteur de la situation. En tout cas, il est le fruit d’une large concertation engagée par Bruno Le Maire, Thomas Cazenave, Olivia Grégoire, Roland Lescure et Marina Ferrari. Les 33 000 participants ont exprimé 730 000 votes et fait 5 300 propositions. Cette consultation a donné lieu à un plan d’action présenté au printemps 2024, comprenant douze chantiers et cinquante mesures dont certaines ont nourri ce projet de loi.
Le plan d’action comporte des mesures législatives ou réglementaires, mais aussi des modifications de modes opérationnels de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les Cerfa, évoqués par Mme Blin. Il existe 1 800 Cerfa, dont 500 sont issus du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Parmi ces derniers, nous envisageons d’en supprimer 150 avant la fin de l’année, avec l’objectif d’en supprimer 80 % d’ici à la fin de 2026 et 100 % d’ici à la fin de 2030.
Monsieur Leseul et madame Nosbé, vous avez insisté sur l’article 6 concernant l’information des salariés. Tel que rédigé dans le projet de loi initial, cet article maintenait le délai d’information obligatoire et préalable des salariés, d’une durée d’un mois, en cas de vente d’un fonds de commerce ou d’une entreprise de moins de cinquante salariés. Ce délai a été supprimé au Sénat. Nous proposons de le rétablir car il nous semble un bon compromis pour allier deux contraintes : ne pas trop retarder la conclusion d’une vente au risque de la compromettre ; donner aux salariés la possibilité d’être informés et de pouvoir réagir.
Monsieur Leseul, le test PME pourra être effectué dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Je souhaite que l’utilisation de cet outil se répande dans tous les secteurs de l’économie, la conventionnelle comme la sociale et solidaire.
Nous débattrons de l’application de la directive CSRD lors de l’examen de l’article 10 du texte. Il importe de ne pas surtransposer le droit de l’Union européenne dans le droit interne : nous sommes plusieurs à être conscients de cet écueil, mais cette lucidité n’est pas toujours suffisante pour l’éviter. L’article 10 prévoit, comme la norme européenne, une sanction en cas d’absence de déclaration au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou de transmission de mauvaises informations relatives aux bénéficiaires effectifs. Nous ne souhaitons absolument pas renier les principes et les valeurs sur lesquels est fondée la directive CSRD, nous voulons simplement améliorer le droit applicable pour en accroître l’efficacité et préserver la compétitivité des entreprises.
Monsieur Warsmann, vous avez posé des questions très précises, dont nous débattrons lors de l’examen des articles. Les aspects relatifs à l’urbanisme que vous avez pointés sont intéressants et relèvent, pour certains d’entre eux, du pouvoir réglementaire. Ils pourront se greffer à d’autres textes de simplification qu’a évoqués mon collègue Laurent Marcangeli, notamment celui sur le logement et l’urbanisme.
La préoccupation attachée aux délais de paiement revient régulièrement dans les propos des représentants des collectivités territoriales et des entreprises : nous pourrons aborder cette question car le respect de ces délais contribue à simplifier la vie des entreprises, dont la trésorerie constitue un sujet d’inquiétude important. Je retiens votre idée même si je doute que le texte offre une accroche aux collectivités territoriales sur ce plan. Néanmoins, de nombreux efforts ont été consentis dans les délais de paiement des collectivités, le problème se situant actuellement davantage dans les hôpitaux.
La complexité des liquidations judiciaires peut expliquer la longueur des délais, en l’occurrence celui de la remise sur le marché des locaux.
Madame Lebec, le texte ne traite pas du droit du travail. Vous avez été plusieurs à souligner que le Sénat avait déjà beaucoup accru le volume du projet de loi, dont nous ne souhaitons donc pas étendre exagérément le périmètre. Vous pourrez néanmoins nourrir le texte et y insérer des mesures correspondant à sa philosophie.
M. le président Ian Boucard. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’article 18 du projet de loi vise, sous prétexte de simplification, à délayer les compensations pour atteinte à la biodiversité et même à supprimer l’obligation de résultat. M. Roland Lescure, alors ministre, avait ouvert la porte à une nouvelle rédaction de cet article à l’Assemblée nationale : qu’en est-il ?
La destruction d’habitats sans déplacement des espèces revient à tuer ces dernières. D’après une étude des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), seul un tiers des mesures compensatoires sont réellement déployées et la plupart d’entre elles sont appliquées sur des terrains peu dégradés et ont donc une utilité très minime. Si l’obligation de résultat disparaît, que restera-t-il ? Supprimez le droit environnemental s’il vous dérange, ce sera plus franc ! Nous examinons le texte au moment où se produit la sixième extinction de masse des espèces, laquelle ne cesse de s’accélérer ; or c’est notre espèce qui est responsable de ce phénomène, principalement par la destruction des habitats causée par l’artificialisation des terres. Le droit environnemental ne peut pas être une variable d’ajustement.
M. Thomas Lam (HOR). Certains collègues ont évoqué un manque d’ambition, mais la méthode brutale n’est pas forcément la plus souhaitable : dans les entreprises, on parle souvent de conduite du changement et les évolutions progressives n’empêchent pas d’être ambitieux.
Fort de mon expérience d’élu local et d’entrepreneur, j’ai dressé un état des lieux des problèmes quotidiens que rencontrent les collectivités territoriales et les PME sur le terrain : le groupe Horizons & indépendants déposera des amendements qui traduiront ces constats et viseront à leur apporter des réponses.
La tronçonneuse n’est pas un outil adapté car il tranche de manière grossière. Je vous proposerai plutôt d’utiliser un scalpel, instrument à même d’opérer des coupes précises et efficaces.
M. Robert Le Bourgeois (RN). La simplification, pour quoi faire ? Quand on explique les mesures principales du projet de loi aux chefs d’entreprise, les réactions sont limpides et très sceptiques sur leur efficacité. Ils demandent même de geler le texte et de cesser de toucher à tout. Ils pointent en outre le fait que certaines mesures ne simplifieront pas la vie des chefs d’entreprise mais celle de leurs avocats et des bureaux d’études ou cabinets de conseil auxquels ils ont délégué les missions visées par le texte, tant celles-ci sont devenues complexes, instables et illisibles.
Un immense marché de la norme s’est développé pour répondre aux injonctions toujours plus nombreuses d’une bureaucratie devenue un peu folle. Les bureaux d’études, les juristes, les ingénieurs et les experts en tout genre coûtent une fortune aux entreprises : je ne leur jette absolument pas la pierre, car un marché s’est créé. Il faut néanmoins comprendre que ces compétences ne produisent pas de valeur : elles sont perdues et gâchées au service d’impératifs normatifs dont nous pouvons sérieusement questionner le bien-fondé. Nous souhaiterions libérer les compétences. Dans cette optique, pouvez-vous évaluer le marché de la norme et les compétences qu’il monopolise ?
Mme Julie Ozenne (EcoS). Vous souhaitez supprimer par décret la compétence de la CNDP sur les projets industriels. Ce changement porterait atteinte au débat démocratique et serait contraire à l’article 7 de la Charte de l’environnement, laquelle a valeur constitutionnelle.
Presque toutes les contributions ayant nourri la concertation sur le projet de décret ont critiqué le texte. Le Conseil d'État a-t-il rendu un avis sur celui-ci ? Si tel est le cas, quel est-il et comptez-vous le respecter ?
Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). L’article 17 du projet de loi vise à faciliter le déploiement des antennes de téléphonie mobile par l’assouplissement des règles de leur implantation. La commune de Bullion, située dans ma circonscription, rencontre depuis 2021 des difficultés pour installer une antenne-relais dans le cadre du programme du New Deal mobile.
Malgré la réalisation d’études préalables et la prise en compte des contraintes topographiques du village et de ses hameaux, seuls deux sites font consensus pour installer l’antenne, mais ils sont situés respectivement dans une forêt de protection et dans un cône de vue. Au-delà des enjeux techniques et environnementaux, cette antenne répond à un impératif de sécurité pour les habitants et pour la commune qui se trouve dans une zone blanche.
Je suis certaine que ce cas n’est pas isolé. Pensez-vous que les dispositions de l’article 17 concilieront davantage le besoin de couverture mobile avec la nécessaire prise en compte des spécificités locales, notamment dans les communes situées dans des zones protégées ? Comment garantir que les préoccupations légitimes des habitants et des collectivités territoriales soient mieux prises en compte dans le choix des implantations ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous mesurons, en vous écoutant, la difficulté de simplifier sans déréguler, car il est important de pouvoir contrôler. Il n’est pas prévu de revenir sur l’article 18 car il offre une simplification – j’évoquerai toutefois la question avec mon collègue Marc Ferracci, qui est compétent sur cette partie du texte.
Madame Ronceret, le cas que vous évoquez s’observe dans d’autres communes. L’article 17 vise à faciliter le déploiement du très haut débit mobile dans tout le territoire. Il faudrait faire preuve de discernement pour apprécier certains cas atypiques. Nous reviendrons sur la question lors de l’examen des articles du texte.
Le coût de la norme pèse sur notre économie à hauteur d’une fourchette comprise entre 60 milliards et 80 milliards d’euros. Il faut simplifier pour améliorer la compétitivité des entreprises : les normes doivent être efficaces pour que les chefs d’entreprise puissent se concentrer sur leur cœur de métier. Monsieur Lam, il faut en effet privilégier le scalpel, car je ne crois pas au grand soir de la simplification. Je privilégie une multiplicité d’axes d’intervention car cette approche me paraît mieux à même d’améliorer la situation et de simplifier. Nous avons la volonté et l’ambition d’agir, en lien avec les parlementaires, pour travailler, au-delà de ce texte, à la simplification réglementaire et opérationnelle.
M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame Ozenne, je ne dispose pas, ici, de l’avis du Conseil d'État sur la CNDP, donc je ne puis vous répondre.
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La séance est levée à 17 heures 05.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, Mme Béatrice Bellamy, Mme Anne-Laure Blin, M. Ian Boucard, Mme Françoise Buffet, Mme Sophie Errante, M. Antoine Golliot, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, Mme Claire Lejeune, M. Gérard Leseul, Mme Delphine Lingemann, M. Emmanuel Maurel, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, Mme Julie Ozenne, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Valérie Rossi, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, M. Jean-Luc Warsmann
Excusé. - M. Davy Rimane