Compte rendu
Commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France
– Audition, ouverte à la presse, de M. Christian Charpy, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes M. Emmanuel Glimet, président de section, et M. Olivier Fombaron, conseiller référendaire 2
– Présences en réunion................................13
Jeudi
23 janvier 2025
Séance de 14 heures
Compte rendu n° 6
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Léa Balage El Mariky,
Vice-présidente de la commission
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La séance est ouverte à quatorze heures cinq.
Mme Léa Balage El Mariky, présidente. Nous recevons cet après-midi M. Christian Charpy, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, M. Emmanuel Glimet, président de section, et M. Olivier Fombaron, conseiller référendaire, au titre d’un rapport que la Cour a rendu public à l’automne 2024, consacré à l’organisation des élections en France sur la période 2017-2023.
Les travaux de la Cour visaient initialement l’organisation des élections politiques des années 2017 à 2022 ; des actualisations pour 2023, une année sans élections, ainsi que pour 2024, ont été apportées. Nous comptons sur vous pour nous préciser le périmètre exact de votre rapport, sous-titré : « Un dispositif robuste, des évolutions nécessaires ». Vous y faites plusieurs propositions, que je vous laisserai présenter.
Auparavant, je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Christian Charpy, M. Emmanuel Glimet et M. Olivier Fombaron prêtent successivement serment.)
M. Christian Charpy, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes. Je vous remercie de votre invitation qui nous permet de présenter quelques éléments du rapport que nous avons publié le 20 novembre dernier, L’organisation des élections : un dispositif robuste, des évolutions nécessaires. Je répondrai dans mes propos introductifs à quelques points du questionnaire que vous nous avez envoyé, afin d’en venir plus rapidement à vos préoccupations de fond. Je préciserai également la genèse et le périmètre de cette enquête, menée par M. Olivier Fombaron sous le contrôle de M. Emmanuel Glimet.
Nous avons inscrit cette enquête au programme 2023 de la chambre, compte tenu des enjeux qui s’attachent à l’organisation des élections politiques.
Des enjeux démocratiques d’abord, parce que l’organisation des élections doit garantir la sincérité du scrutin, de manière à conforter la confiance des citoyens dans ses résultats. Il faut aussi que les processus électoraux facilitent le plus largement possible la participation des citoyens – je sais que c’est l’une de vos préoccupations.
Un enjeu budgétaire ensuite : nous avons estimé le coût des élections à 414 millions d’euros en 2022, année qui a vu à la fois une présidentielle et des législatives. Suivant les périodes, les dépenses varient, mais ne sont jamais nulles.
Enfin, le dernier enjeu est environnemental, compte tenu de l’importance de la consommation de papier occasionnée par l’organisation des élections.
Nous avions prévu initialement de contrôler la période 2017-2022, mais nous avons ajouté l’année 2023, au cours de laquelle n’étaient prévues que des élections sénatoriales, qui ne sont pas les plus coûteuses. Concernant 2024, nous avons procédé à quelques actualisations, mais sans prendre en considération le coût des élections européennes et législatives anticipées.
S’agissant du périmètre, notre contrôle n’a pas porté sur les règles de financement de la vie politique, bien que nous ayons examiné l’articulation entre le remboursement des dépenses de propagande officielle et les dépenses retracées dans les comptes de campagne vérifiés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Nous n’avons pas non plus examiné les élections organisées à l’étranger pour les Français établis hors de France, qui présentent de nombreuses particularités et font intervenir des acteurs différents. En d’autres termes, nous nous sommes concentrés sur les élections politiques, sur le financement de leur organisation, et sur les élections ayant lieu en France, aussi bien en métropole qu’outre-mer.
Je vais vous présenter quelques éléments de constat et nos principales recommandations, en lien avec les centres d’intérêt de la présente commission.
La première partie du rapport porte sur la gestion des listes électorales et son impact sur la participation – un sujet qui se trouve au cœur de vos préoccupations. Cette gestion a été marquée par une réforme importante : la création du répertoire électoral unique (REU) en 2019, qui a globalement été un succès – nous ne faisons pas de constats si positifs tous les jours. Ce répertoire a accru la fiabilité des listes électorales, notamment en empêchant les doubles inscriptions. Il a contribué à développer la participation électorale, puisqu’il est désormais possible de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’à six semaines avant un scrutin au lieu du 31 décembre de l’année précédente, ce qui constitue un vrai changement.
La période a également été marquée par la création ou le développement de téléservices pour les électeurs : vérification de la situation électorale, inscription en ligne, demande de procuration en ligne. Nous avons constaté une croissance des inscriptions volontaires en vue de l’élection présidentielle de 2022.
Même si le constat est positif, nous préconisons quelques mesures d’amélioration. Premièrement, il faut essayer de lutter contre la mal-inscription, soit le fait de rester inscrit sur la liste électorale d’une commune où l’on ne réside pas. Nous nous sommes interrogés sur l’instauration d’une inscription automatique, comme cela existe dans d’autres pays. C’est difficile, notamment du fait de l’absence de registre central de la population dans les communes, duquel on basculerait directement sur les listes électorales. Par ailleurs, le code électoral permet aux électeurs détenteurs d’une résidence secondaire de choisir dans quelle commune s’inscrire sur les listes électorales. Quoi qu’il en soit, il faut poursuivre les réflexions sur ce sujet.
À défaut d’une inscription automatique, la démarche qui nous a semblé la plus efficace consisterait à informer systématiquement les personnes déclarant un changement de domicile sur les changements d’inscription sur les listes électorales. C’est ce que pratiquent l’Agence nationale des titres sécurisés et la direction de l’information légale et administrative. Nous recommandons de proposer systématiquement aux citoyens déclarant un changement d’adresse à l’administration publique leur changement d’inscription sur les listes électorales.
Deuxièmement, nous nous sommes intéressés aux radiations des listes électorales, en particulier celle des personnes qui n’ont plus de lien avec la commune dans laquelle ils sont inscrits. La radiation relève des pouvoirs du maire, ce qui nous semble logique dans la mesure où une personne durablement absente de la commune n’a pas de véritable raison d’y rester inscrite.
Cependant, nous avons considéré que les modalités d’exercice de ce droit de radiation devaient être ajustées, notamment en suspendant les radiations entre la date limite d’inscription en vue d’une élection nationale et la tenue de cette élection. En d’autres termes, personne ne doit être radié six semaines avant la tenue d’élections sans pouvoir s’inscrire sur une autre liste électorale. De même, il nous paraît fâcheux que les personnes radiées ne soient pas informées. Il semble difficile de leur envoyer un courrier, puisqu’elles ne sont plus domiciliées dans la commune ; c’est pourquoi nous proposons d’enrichir le REU des adresses électroniques, afin de pouvoir prévenir les électeurs, et aussi de leur envoyer la propagande électorale – j’y reviendrai. À ce jour, seuls 24 % des électeurs inscrits au REU ont renseigné une adresse électronique. Enfin, nous avons formulé quelques recommandations complémentaires qui sont moins pertinentes pour cette commission d’enquête.
La seconde partie du rapport porte sur la propagande officielle écrite. La question est récurrente : faut-il ou non envoyer la propagande au domicile des électeurs ? Trois éléments plaident pour la suppression de cet envoi : son coût financier, son coût environnemental et le doute quant à son utilité – cette propagande est-elle véritablement lue ? En raison de la forte opposition de la représentation nationale, il nous semble difficile d’envisager une suppression totale, mais nous proposons d’instaurer un système d’opt-out : les personnes qui le souhaitent pourraient signifier qu’elles ne veulent pas recevoir la propagande électorale, ou qu’elles préfèrent la recevoir par voie électronique. Bien évidemment, ceci ne serait pertinent qu’accompagné d’une promotion active du site internet sur lequel elle est présentée.
Par ailleurs, la présence des bulletins de vote dans ces envois nous semble dépourvue d’intérêt ; pourquoi ajouter du papier et compliquer les envois alors que ces bulletins sont disponibles dans les bureaux de vote ? Nous recommandons de les supprimer.
Nous avons également examiné l’articulation entre les deux régimes de financement des dépenses électorales : la propagande officielle et les comptes de campagne. Depuis l’avis du Conseil d’État du 11 octobre 2022 obligeant à repenser leur distinction, rien n’avait changé. Nous recommandons d’intégrer les dépenses de la campagne officielle dans les dépenses électorales retracées dans les comptes de campagne. Il appartiendra ensuite au ministère de l’intérieur de déterminer le plafond de ces dépenses : soit un plafond unique regroupant l’ensemble des dépenses, soit deux plafonds distincts. Il nous semble nécessaire de lever les ambiguïtés quant à ces dispositifs.
Pour conclure, je voudrais insister sur deux points. Tout d’abord, il est de plus en plus difficile de trouver des assesseurs pour tenir les bureaux électoraux. Nous avons envisagé la possibilité d’autoriser les maires à désigner des assesseurs extérieurs à leur commune. Le ministère de l’intérieur, que nous avons consulté, nous a fait part de son avis très défavorable, pour des raisons qui nous ont paru assez convaincantes : le risque d’interférence politique est réel. Il faut donc maintenir le principe actuel d’appartenance des assesseurs à la commune, en en appelant au civisme des citoyens.
Deuxième point, il nous apparaît essentiel de conforter la présence des magistrats dans les commissions électorales, aux travaux desquelles ils apportent une garantie d’indépendance. C’est pourquoi nous recommandons de faire en sorte qu’ils disposent des moyens de remplir leurs missions.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Merci beaucoup pour ces propos introductifs, qui reprennent effectivement plusieurs des questions que nous vous avions transmises. Je vais revenir sur certains sujets et approfondir surtout la troisième partie de votre rapport, consacrée aux influences pouvant s’exercer sur les élections, que je trouve passionnante.
S’agissant des radiations des listes électorales, il vous semble normal que ce pouvoir appartienne au maire. Or, pour les élections législatives anticipées de 2024, dans plusieurs endroits, des gens qui étaient restés longtemps éloignés des urnes ont découvert en allant voter qu’ils avaient été radiés. Cela montre bien la limite de la configuration actuelle, qui permet de radier des gens même après la date limite d’inscription sur les listes électorales. Certains électeurs qui pensent être inscrits ne le sont en réalité nulle part – alors même que l’ambition est que chacun soit inscrit sur une liste électorale. Radier des électeurs, même s’ils sont très éloignés de la commune, revient à les priver de la possibilité d’aller voter alors qu’ils étaient décidés à faire plusieurs centaines de kilomètres pour cela. Ma proposition consisterait à conditionner la radiation à une réinscription sur une autre liste électorale : que pensez-vous de cette solution ?
Vous évoquez dans le rapport la protection des données. Compte tenu des menaces d’ingérence étrangère, la protection du grand fichier que constitue le répertoire électoral unique ne constitue-t-elle pas un enjeu ? Pourriez-vous détailler cette dimension ?
L’inscription automatique sur les listes électorales revêt une certaine complexité, puisqu’actuellement, ces listes sont rattachées aux communes. Idéalement, il faudrait pouvoir voter dans sa commune, son département ou sa région pour les élections locales, et voter dans n’importe quelle commune pour les élections nationales. Cet aspect pourrait être un élément de réflexion, bien qu’il suppose des dispositifs techniques complexes. Avez-vous envisagé une telle possibilité ?
En 2021, des dysfonctionnements ont perturbé la distribution du matériel électoral. C’est un sujet crucial, d’autant que des acteurs privés étaient à l’origine de ces problèmes. Avez‑vous enquêté sur les raisons de la défaillance d’Adrexo, et que pensez-vous de l’utilité réelle du recours au cabinet de conseil Sémaphores ?
La troisième partie de votre rapport semble ne pas concerner directement notre commission d’enquête, mais plus on creuse, plus on en vient à s’interroger sur ce qui peut influencer les élections. Vous estimez que « la mission de l’Arcom est compliquée par l’affaiblissement de la frontière entre personnes engagées dans la vie politique et personnels des médias, par exemple lorsque des personnalités politiques deviennent animateurs de télévision. » L’inverse se produit également : on compte des personnalités médiatiques dans plusieurs groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et au Parlement européen. Comment analysez-vous ce phénomène et que pensez-vous de l’influence qu’il peut avoir sur des élections ? Considérez-vous qu’il existe une forme de neutralité absolue des journalistes, qui les exempte de tout soupçon d’influence sur les élections ? Ou alors certains tentent-ils d’exercer une influence sur les élections tout en se présentant comme neutres et objectifs ?
Vous écrivez aussi que « le fort investissement dans les médias d’un petit nombre d’industriels, qui peuvent être dans une logique de recherche ou de promotion d’une orientation politique particulière et la tendance spontanée des médias à aller vers ce qui fait de l’audience rendent indispensable le maintien d’un cadre de régulation visant à assurer le pluralisme politique dans les médias audiovisuels. » Considérez-vous que des industriels cherchent à prendre le contrôle de certains médias pour influencer les élections ? Je pense notamment à M. Bolloré, qui affiche clairement une orientation politique favorable à l’extrême droite et qui s’est rendu propriétaire du Journal du dimanche, de la chaîne de télévision CNews et de l’institut de sondage CSA. Pensez-vous que cette démarche témoigne d’une volonté d’influencer les élections et les lignes éditoriales de ces différents médias ? Avez-vous la possibilité d’apporter des réponses à cette interrogation ?
Vous évoquez également dans cette troisième partie les réseaux sociaux, dont le fonctionnement est particulier, notamment en raison des bulles de filtre et des logiques algorithmiques. Vous avez une formule intéressante : la désagrégation de l’espace civique. Différents mondes coexistent, sans aucune relation puisque les bulles de filtre confortent les opinions politiques des utilisateurs, qui ne sont plus confrontés à des opinions opposées aux leurs. Imaginez-vous des moyens de corriger ou de résoudre ce problème ? Confirmez-vous devant cette commission d’enquête votre suggestion de doter l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de pouvoirs coercitifs à l’encontre des réseaux sociaux ?
Enfin, vous évoquez l’interdiction de la publicité politique en période électorale. Il est en effet interdit aux candidats de faire de la publicité sur les réseaux sociaux pendant les six mois précédant une élection – ceux qui en ont les moyens ne peuvent donc pas utiliser l’algorithme d’un réseau pour inciter les utilisateurs à voter. Mais les médias, eux, peuvent continuer à faire de la publicité politique sur les réseaux sociaux. Lors de la campagne pour la dernière élection présidentielle, on a ainsi vu Les Échos faire de la publicité pour un article critiquant un candidat. La loi permet donc à un média de faire la publicité de l’un de ses articles très défavorable à un candidat, alors que les candidats eux-mêmes n’y ont pas droit. N’y a-t-il pas là une forme de contradiction ?
M. Christian Charpy. Je pourrai répondre à toutes les questions relatives au rapport, non à celles qui en appellent à une opinion personnelle.
J’entends vos remarques relatives à la question des radiations. C’est vrai, pour des élections nationales comme la présidentielle ou les élections au Parlement européen, le lien avec la commune d’inscription sur les listes électorales a sans doute moins d’importance, puisque les listes sont désormais nationales – cela n’a pas toujours été le cas. Mais pour les autres élections, communales, départementales et régionales, le lien avec la commune est important et doit être maintenu, sans quoi on pourrait voter pour un maire qui n’a rien à voir avec l’endroit où l’on vit. De ce fait, la Cour n’estime pas illégitime que le maire puisse considérer que telle personne, n’ayant plus de lien avec sa commune, n’a pas à figurer sur les listes électorales. Cependant, les règles de précaution qui entourent les radiations sont insuffisantes. Ainsi, si on n’a pas été prévenu de sa radiation, on peut se retrouver à parcourir des centaines de kilomètres pour rien : ce n’est pas normal.
Tout en recommandant de maintenir le pouvoir de radiation du maire, nous préconisons donc d’observer des précautions, en particulier d’informer les intéressés – d’où l’intérêt de disposer d’une adresse électronique – et de le faire suffisamment tôt pour qu’ils puissent s’inscrire sur une autre liste – cela se fait désormais rapidement sur internet. Il faut prévoir un cadre qui protège l’électeur potentiel.
Quant à votre proposition de ne radier qu’en contrepartie d’une inscription ailleurs, je pense que les listes électorales doivent recouvrir la réalité de la commune, sans quoi la participation à la vie citoyenne est inexistante. Permettez-moi d’évoquer le système créé pour le vote des prisonniers, reposant sur un bureau électoral unique situé place Vendôme. Les prisonniers qui le souhaitaient ont pu y voter pour l’élection présidentielle. Mais, pour les élections municipales, ils ne vont pas voter place Vendôme, pour des candidats parisiens, alors qu’ils sont en prison ailleurs et ont leurs attaches encore dans une autre commune ! Il nous semble important d’avoir une attache avec la commune dans laquelle on vote.
Nous abordons dans notre rapport le sujet de la protection des données lors de l’inscription sur les listes électorales. La Commission nationale de l’informatique et des libertés rencontrait des difficultés concernant la téléprocédure de vérification de la situation électorale, qui ont cependant été réglées depuis qu’il est possible de procéder à cette inscription en s’authentifiant par FranceConnect. Le dispositif est identique pour les impôts, la caisse d’allocations familiales et l’assurance maladie en ligne. Par ailleurs, jusqu’au début de l’année 2024, l’électeur accédait aux informations le concernant en renseignant son nom de naissance, ses prénoms, son sexe, sa date de naissance, son consulat ou sa commune. Depuis, le dispositif a été considérablement renforcé.
Nous avons largement instruit la question de la diffusion de la propagande électorale en 2021. Il est clair que les conditions dans lesquelles le marché a été passé, avec une délégation à deux entreprises, l’une publique, l’autre privée, n’ont pas été parfaites. Plusieurs problèmes se sont accumulés. Tout d’abord, Adrexo n’avait ni l’expérience ni le réseau nécessaire pour effectuer cette distribution dans de bonnes conditions, malgré ses efforts ; la Poste l’a suppléée dans certaines zones. Ensuite, un problème de partage des tâches est survenu entre les préfectures, qui mettaient sous pli, et les entreprises chargées des envois. Lors des élections suivantes, Adrexo a été sortie du dispositif : seule la Poste est désormais chargée de la distribution. Une partie des tâches dévolues aux prestataires ont été reprises par les préfectures, dans des conditions que nous n’avons pas toujours trouvées formidables. En définitive, l’entreprise qui avait repris Adrexo a été liquidée il y a quelques semaines. Nous avons cherché à la faire réagir à notre rapport d’observation, mais les liquidateurs judiciaires n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Nous considérons que l’expérience de 2021 a donné au ministère de l'intérieur la conscience accrue qu’il était nécessaire de faire appel à un opérateur disposant des effectifs et d’une expérience de terrain permettant de mener à bien une telle opération.
Nous considérons que la question qui soulève désormais le plus de risques est celle de la chaîne d’envoi de la propagande électorale – imprimeur, routeur, acheminement –, surtout en cas d’élections anticipées organisées dans un calendrier court. Notre enquête s’est terminée avant les législatives de 2024, mais je suppose que leur organisation a été particulièrement compliquée. De même, la logistique est plus simple pour les élections présidentielles que pour les élections municipales et législatives, pour lesquelles le délai entre les deux tours est d’une semaine seulement.
Notre rapport était achevé au moment où le Conseil d’État a rendu une décision complexe sur les conditions dans lesquelles l’Arcom devait vérifier l’équilibre des positions politiques des personnes intervenant dans les médias, en incluant non seulement les hommes politiques et les partis, mais aussi les personnalités dites “engagées”. L’Arcom avait pris connaissance de cette décision mais n’avait pas encore établi sa doctrine ni son mode d’emploi ; elle l’a fait quelques semaines plus tard. Il est évident que se limiter aux seuls partis politiques pour juger de l’équilibre des prises de position dans les médias n’est pas la bonne solution ; cependant, élargir ce qui était pris en compte a été complexe pour l’Arcom. Je crois savoir que les nouvelles conditions ont été respectées pour les dernières élections présidentielles, législatives et européennes. Il faudrait interroger l’Arcom pour en savoir plus.
Notre rapport insiste sur l’importance de maintenir un cadre de régulation pour s’assurer de l’équilibre des positions adoptées dans les médias, s’appuyant en cela sur la position de l’Arcom. Toutefois, il est de notoriété publique que plusieurs médias – presse écrite, radio, chaîne de télévision – appartiennent à des entrepreneurs ou à des industriels ; cela tient en partie au fait qu’ils sont peu rentables et qu’il faut bien les financer. Nous n’allons pas au-delà de ce constat, sauf pour inciter à vérifier que l’équilibre et l’objectivité sont réunis, ce qui est le rôle de l’Arcom.
Nous faisons la même analyse en matière de réseaux sociaux. Les algorithmes jouent un rôle important dans l’expression et la confrontation des partis politiques ; on le voit en France et, de manière encore plus nette, aux États-Unis. Il est donc nécessaire de disposer d’un organe de veille et de régulation des réseaux sociaux, en l’occurrence l’Arcom. Toutefois, le sujet de la régulation des réseaux sociaux et des géants du numérique se joue plus largement, au niveau européen.
S’agissant de la publicité politique, en 1974, on voyait encore d’énormes affiches en 4x3 dans les rues. Un jour, cela s’est arrêté. Je considère que l’interdiction de la publicité politique est plutôt une bonne chose, contrairement à ce que font par exemple les États-Unis. Quant aux réseaux sociaux, j’entends vos propos, mais un média a le droit de diffuser des informations concernant un article qu’il a publié et qui correspond à des opinions politiques. Je ne vois pas comment il serait possible de réguler cela.
Le principe de limitation de la prise en charge des dépenses électorales, et surtout la fixation d’un plafond de dépenses, est une bonne chose. Lors d’un colloque organisé hier au Conseil constitutionnel par la CNCCFP, le président Fabius a rappelé que, par le passé, il n’existait pas de plafond de dépenses et que personne ne pensait pouvoir faire autrement. Désormais, nous faisons autrement, et c’est mieux.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Si un média décide de publier un article, y compris exprimant une opinion politique, je n’ai rien à y redire ; c’est la liberté de la presse. En revanche, il y a un problème quand ce média fait de la publicité en ligne – ce qui est interdit aux candidats – pour des articles qui ont une influence dans la campagne. En période électorale, un article qui dit que tel candidat est nul et que tel autre est exceptionnel n’est pas neutre, surtout quand, contrairement à l’image d’Épinal selon laquelle le journaliste objectif dirait la vérité pure et parfaite, on assiste à la multiplication de médias d’opinion à la ligne politique parfois très orientée. Voilà le problème que pose la publicité numérique en période électorale. Ces articles auront une audience importante et il est rentable pour les journaux d’en faire la publicité. C’est un impensé de notre réflexion sur la publicité numérique.
M. Christian Charpy. La publicité numérique, c’est quand des journaux comme Les Échos ou La Tribune mettent leurs articles en ligne gratuitement sur Instagram. Ils ne paient pas pour cela.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Je parle justement de la sponsorisation des publications.
M. Christian Charpy. Je ne suis pas certain que ces médias aient plus de portée que les influenceurs qui communiquent leurs opinions à des centaines de milliers d’abonnés sur Instagram ou sur TikTok. Ou alors, il faudrait interdire aux hommes politiques de diffuser des informations en ligne en période électorale. De plus, il me semble que les algorithmes sont bien plus puissants que la sponsorisation pour mettre en avant certaines publications.
Mme Léa Balage El Mariky, vice-présidente. La différence tient au fait que la sponsorisation permet de cibler des personnes – par commune, par âge, par centre d’intérêt – de manière très précise. C’est différent du fonctionnement habituel d’un média.
M. Christian Charpy. Nous n’avons pas étudié le sujet dans le détail. Il faudrait plutôt interroger l’Arcom.
M. Thomas Ménagé (RN). Je partage l’inquiétude du rapporteur concernant la sponsorisation par certains médias d’articles à charge contre des candidats. La liberté éditoriale fait que chaque camp peut souffrir de l’influence de certains hommes d’affaires. Je citerai pour ma part M. Pigasse, qui a indiqué sa volonté de servir l'extrême gauche dans son combat politique grâce à ses parts dans plusieurs médias. Nous devons nous demander pourquoi la sponsorisation des publications, interdite aux politiques en période électorale, reste permise pour des articles de presse qui peuvent influencer le vote de nombreux électeurs.
S’agissant des listes électorales, c’est peut-être une question naïve mais ne pourrait-on pas envisager une inscription automatique liée à la résidence fiscale, avec la possibilité d’y déroger pour s’inscrire dans une autre commune ?
Je n’ai pas bien compris quelles ambiguïtés étaient liées au fait d’intégrer les dépenses liées à la propagande dans les comptes de campagne.
S’agissant des nombreux électeurs qui ont découvert, une fois arrivés au bureau de vote, qu’ils avaient été radiés des listes électorales, outre la proposition du rapporteur d’interdire les radiations sans réinscription, ne pourrait-on pas envisager une amélioration de l’information, pour leur laisser le temps de se retourner ?
Certains pays interdisent les sondages plusieurs semaines avant le jour de l’élection. En France, la campagne s’arrête seulement le vendredi soir précédant le scrutin. Quelle est l’influence des sondages sur les résultats électoraux en France ?
Enfin, que pensez-vous de l’idée d’utiliser les nouveaux moyens techniques pour envoyer des notifications rappelant les dates des élections sur les téléphones portables de toute la population en vue d’augmenter le taux de participation, sur le modèle du dispositif FR-Alert, qui permet d’envoyer des informations d’urgence ?
M. Christian Charpy. La Cour des comptes a justement ouvert une enquête visant à évaluer l’efficacité du dispositif FR-Alert en cas de catastrophe. Ce serait évidemment le dévoyer que d’y recourir pour rappeler les dates des élections. Surtout, compte tenu du nombre d’émissions qui y sont consacrées et de la visibilité de l’affichage électoral, je ne suis pas certain que beaucoup de gens manquent l’information – sauf pour les élections partielles : à Grenoble, le week-end dernier, on a compté seulement 38 % de participation.
L’inscription sur les listes électorales en fonction de la résidence fiscale se heurte à deux obstacles. Premièrement, tous les jeunes n’ont pas nécessairement de résidence fiscale : certains sont encore rattachés au domicile de leurs parents, même s’ils vivent ailleurs. De plus, certaines personnes ont une résidence fiscale principale mais votent dans la commune de leur résidence secondaire.
M. Olivier Fombaron. Nous avions commencé notre enquête dans l’idée de trouver un moyen de rendre obligatoire l’inscription sur les listes électorales. Cependant, il n’existe pas de registre informatisé permettant d’établir avec certitude le domicile d’une personne dans les conditions définies par le code électoral : il existe des bases de données, mais qui n’indiquent pas la nationalité ou correspondent à des conditions de domiciliation différentes – sans compter que le code électoral permet une certaine liberté, comme l’a évoqué M. Charpy, concernant les jeunes et les résidences secondaires. En outre, une inscription automatique obligerait les jeunes de moins de 26 ans à reconfirmer leur choix de voter dans la commune de leurs parents à chaque déménagement, ce qui inverserait la difficulté sans la faire disparaître. C’est pourquoi nous n’avons pas émis de recommandation en ce sens. Mais la réflexion doit être approfondie pour trouver une solution.
Un rappel historique permet d’expliquer les deux plafonds de dépense prévus par le code électoral. Au commencement, l’État remboursait les dépenses d’affichage et d’envoi de propagande au domicile des électeurs sous certaines conditions, notamment celle d’atteindre un certain taux de vote. S’y est ajouté en 1990 le remboursement des comptes de campagne, lequel permettait de financer les dépenses autres que la propagande officielle, avec une distinction claire entre ces deux régimes. Un jour, un afficheur a demandé aux candidats de payer un supplément par rapport au tarif réglementé de remboursement par l’État. La position de la CNCCFP était de refuser les suppléments tarifaires mais, comme de nombreux candidats étaient confrontés à cette difficulté, l’affaire est allée au contentieux. Le Conseil d’État a finalement considéré que les suppléments tarifaires pouvaient être pris en charge dans le cadre des comptes de campagne et que les dépenses de propagande officielle devaient figurer dans le compte tenu par le mandataire. Cela a brouillé la frontière entre les deux dispositifs et oblige à prendre des mesures de clarification.
C’est une question techniquement complexe : je ne jette pas la pierre au ministère de l'intérieur et à la CNCCFP pour ne pas avoir encore trouvé de solution, et cela nécessitera une concertation avec les différents partis politiques. Dans le rapport, nous recommandons l’intégration des dépenses de propagande officielle dans les comptes de campagne, sur laquelle tous nos interlocuteurs s’accordent. Il reste le choix entre deux options : soit un plafond unique – ce serait un grand soir ! – qui donnerait aux candidats une plus grande liberté dans l’utilisation des crédits mais aurait des effets sur l’égalité entre les candidats, soit des plafonds distincts entre la propagande officielle et les comptes de campagne, ce qui ne serait pas loin de la situation actuelle.
M. Christian Charpy. S’agissant des sondages, à une époque, on interdisait leur publication huit jours avant les élections, mais il était possible d’avoir les résultats des sondages publiés en Belgique et en Suisse. La différence entre la France et d’autres pays, dont les États-Unis, tient à l’existence de la Commission des sondages, chargée de vérifier que ceux-ci sont correctement réalisés ; un sondage qui ne s’appuierait sur rien serait rapidement sanctionné.
Les sondages ont-ils une influence sur le vote ? Il serait difficile de prétendre le contraire, mais nous n’avons pas quantifié cette influence. Quand une élection est annoncée comme serrée, les passions peuvent inciter les gens à aller voter, dans un sens ou dans l’autre.
Mme Léa Balage El Mariky, vice-présidente. Y a-t-il une spécificité des territoires ultramarins concernant la mal-inscription et les radiations des listes électorales ? Le rapport ne mentionne que la Nouvelle-Calédonie.
Le rapport mentionne également la difficulté d’accéder aux adresses mail des personnes radiées. Pourrait-on envisager une campagne nationale d’information invitant les électeurs à vérifier leur situation électorale, voire une notification dans les espaces FranceConnect des personnes concernées ? Est-ce techniquement possible, compte tenu des différents systèmes informatiques impliqués ?
Pouvez-vous donner un horizon pour la dématérialisation des procurations ? Quelles difficultés la généralisation de cette procédure pourrait-elle poser ?
Je comprends que la création d’un plafond unique de dépenses électorales risquerait de créer une rupture d’égalité entre les candidats, surtout quand ils sont nombreux, comme aux élections législatives, mais poserait aussi des difficultés d’accès au financement. Avez-vous étudié la possibilité d’une subrogation de paiement pour les prestataires sollicités dans le cadre de l’article R. 39 du code électoral ?
Concernant la difficulté de recruter des assesseurs, je tiens à partager le témoignage d’un premier agent que j’ai rencontré lundi soir en réunion publique, qui me disait que la rémunération de premier agent ne permettait pas de cotiser pour la retraite, bien qu’elle soit soumise aux prélèvements obligatoires. C’est d’autant plus dommageable que les premiers agents peuvent être impliqués depuis de nombreuses années.
M. Christian Charpy. La spécificité de la Nouvelle-Calédonie tient au fait que le territoire est compétent pour l’état civil et ne souhaite pas communiquer les informations correspondantes à l’Insee, pour des raisons sans doute liées à la comptabilisation du nombre de personnes présentes sur le territoire au moment des accords de Nouméa. Le répertoire électoral unique ne s’y applique pas.
M. Olivier Fombaron. Nous n’avons pas identifié de problème particulier dans les autres territoires ultramarins.
M. Christian Charpy. Une campagne d’information régulière incitant les électeurs à compléter leur dossier électoral en renseignant leur adresse de messagerie électronique serait une excellente idée. Actuellement, seulement 24 % des inscrits ont indiqué une adresse ; il serait souhaitable d’atteindre 70 % ou 80 %. Cela servirait pour les radiations ainsi que pour la propagande électorale.
Le nouveau système de procurations préremplies sur internet est bien meilleur que l’ancien. Pour aller jusqu’au bout, c'est-à-dire dispenser les gens de passer au commissariat ou à la gendarmerie, il faudrait que les demandeurs disposent d’un document d’identité électronique et aient activé leur adresse électronique, ce qui ne concerne qu’environ 100 000 personnes à ce stade. Cependant, même inabouti, ce dispositif a permis de récolter près de 2 millions de procurations pour les élections européennes, ce qui est considérable.
M. Olivier Fombaron. S’agissant des dépenses, depuis les élections européennes, le ministère de l'intérieur a tiré les conséquences de l’avis du Conseil d’État en imposant d’inclure les dépenses de propagande dans les comptes du mandataire et en instaurant un mécanisme de subrogation de paiement pour ces dépenses. Le ministère semble conscient de l’importance de maintenir ce dispositif.
M. Christian Charpy. À propos des premiers agents, je suppose que ceux qui passent toute la journée du dimanche dans le bureau de vote sont rémunérés en heures supplémentaires ?
Mme Léa Balage El Mariky, vice-présidente. Pour certains, oui ; les autres sont vacataires. Dans tous les cas, j’ai entendu qu’ils ne cotisent pas pour la retraite.
M. Christian Charpy. Pour les agents payés en heures supplémentaires, il ne me semble pas y avoir de difficulté particulière. Je ne sais pas ce qu’il en est pour les vacataires. Toutefois, si cela ne concerne que six journées au maximum par an, ce n’est pas énorme.
Mme Léa Balage El Mariky, vice-présidente. Certains assurent ces missions depuis plus de vingt ans.
M. Olivier Fombaron. Les fonctionnaires cotisent pour la retraite sur la base de leur traitement et d’une petite partie de leurs indemnités. C’est sans doute la même règle qui s’applique dans ce cas, mais nous n’avons pas examiné cette situation spécifique.
M. Christian Charpy. Je ne pense pas que cela joue de manière significative sur le niveau de vie à la retraite, mais nous allons regarder cela.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Votre rapport mentionne la détection par Viginum (le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères) de soixante phénomènes inauthentiques sur les plateformes numériques lors des élections présidentielles et législatives de 2022, dont douze ont fait l’objet d’investigations approfondies à des fins de caractérisation, et cinq ont finalement été caractérisés comme réunissant les critères de définition d’une ingérence numérique étrangère. Cela fait quand même beaucoup. Viginum a-t-il indiqué la provenance de ces ingérences et mesuré leur ampleur et leur impact sur les élections ? Une petite publication n’aura pas le même impact que de très forts mouvements.
Vous avez aussi parlé de grand soir : j’aime les grands soirs ! Viendra-t-il pour le financement des élections ? Une des questions qui se pose est celle de la capacité de participation aux élections quand les financements se tarissent. Devant le refus de prêt des banques nationales, certains peuvent être amenés à se tourner vers des banques étrangères, ce qui pose la question de l’ingérence étrangère.
Peut-on envisager un système de banque publique chargée d’accorder des prêts pour les élections, à laquelle pourraient avoir accès les candidats remplissant certains critères déterminés par la loi ? Dans une telle banque, on ouvrirait un compte sur lequel seraient versés les remboursements prévus par l’article R. 39 du code électoral, dont une partie est fixe. Cela me semble préférable au système de subrogation où l’État paye directement l’imprimeur, ce qui complexifie les choses.
Enfin, vous avez dit que les liquidateurs judiciaires de Milee, précédemment Adrexo, n’avaient pas souhaité répondre à vos questions. Pourtant, de fortes interrogations commencent à émerger sur cette société. Blast a ainsi publié une enquête approfondie sur une potentielle fraude au chômage partiel. Avez-vous eu vent de cette histoire ? La Cour des comptes a-t-elle vocation à enquêter sur une entreprise qui ne remplit pas ses obligations, et à laquelle aucun remboursement n’est demandé ? Je rappelle qu’on parle ici d’élections et d’information des électeurs, et peut-être donc de fraude. On a l’impression qu’avec une liquidation judiciaire, c’est fini, plus personne ne demande de comptes.
M. Christian Charpy. J’en profite pour répondre à votre question précédente sur Sémaphores. Dans notre travail préparatoire, nous avons fait de nombreux déplacements et la quasi-totalité des préfectures que nous avons interrogées nous ont dit que les prestations de Sémaphores n’avaient pas servi à grand-chose et qu’elles étaient capables de faire le travail sans Sémaphores. Je renvoie à un rapport de la Cour des comptes, établi à la demande d’une plateforme citoyenne, sur le recours aux consultants extérieurs par l’administration, qui est complémentaire des travaux du Sénat et de l’Assemblée nationale. Lors de nos contrôles, nous recommandons souvent de ne pas externaliser ce qu’un organisme peut faire lui-même.
Je rappelle que Viginum a été créé après les élections de 2017, qui ont donné lieu à de nombreuses ingérences étrangères. Nous avons reçu le patron de Viginum en 2022, après l’élection présidentielle, dans un cadre différent de celui de cette enquête. Il s’était dit surpris qu’il y ait eu moins d’ingérence qu’en 2017 ou dans des élections récentes d’autres pays.
Viginum ne désigne jamais les pays originaires des ingérences supposées ou avérées. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ne le fait pas non plus pour les cyberattaques, sauf dans de rares cas, comme pour les deux ou trois attaques très violentes que nous avons récemment subies. On utilise plutôt des moyens diplomatiques pour avertir les pays concernés qu’on les a vus, et qu’on est capable de remonter assez loin. Je ne peux pas en dire plus sur l'ampleur du phénomène car, si Viginum n’est par un service de renseignement, ils n’en sont pas loin et restent très discrets dans leur manière de procéder.
Je ne suis pas sûr d’être un fanatique des grands soirs, mais j’observe que M. Bayrou a récemment proposé la mise en place d’une banque de la démocratie. Cette question n’est pas simple car le remboursement des frais prévus par l’article R. 39 et le financement des partis sont soumis à des critères de résultats minimums aux élections. Dans ces conditions, la banque prêtera-t-elle indépendamment de la notoriété, de la capacité à obtenir un bon score électoral ? Puisque certains candidats ne seront pas remboursés en raison de leurs trop faibles résultats, comment la banque peut-elle s’assurer que le candidat est solvable ?
Je tiens à appeler aussi votre attention sur la question de l’assurance, notamment celle des permanences électorales, qui peuvent faire l’objet de dégradations. Nous ne sommes pas encore dans la situation de la Californie, mais un parlementaire peut avoir du mal à trouver un assureur pour sa permanence.
Sur Adrexo, je me suis mal exprimé et je m'en excuse. Nos procédures de contradiction se déroulent en deux phases : lors de la première, nous envoyons le rapport provisoire de notre enquête aux personnes concernées pour recueillir leurs réponses ; lors de la seconde, nous envoyons à ces mêmes personnes le rapport définitif afin d’insérer leur éventuel droit de réponse dans le rapport publié.
Milee avait répondu de façon assez approfondie à nos questions, qui ne concernaient que le dispositif d’envoi de la propagande électorale – le rôle de la Cour n’est pas de réaliser des contrôles fiscaux ou sociaux. Toutefois, l’envoi du rapport définitif s’est fait après la décision de liquidation judiciaire et les mandataires sociaux n’ont pas demandé à répondre. Nous avons également interrogé La Poste, dont le président-directeur général, Philippe Wahl, nous a adressé, comme à son habitude, une réponse très complète.
Je rappelle enfin que, puisque les services n’avaient pas été complètement réalisés, une partie des sommes – à hauteur de 9 millions – dues par l’administration à Adrexo en application du contrat n’ont pas été réglées, ce qui a bien sûr eu une influence sur leur situation financière. Je vous renvoie pour le détail à la page 48 de notre rapport.
Mme Léa Balage El Mariky, vice-présidente. Je vous remercie.
L’audition s’achève à quinze heures quinze.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Léa Balage El Mariky, Mme Pascale Got, M. Antoine Léaument, M. Thomas Ménagé
Excusés. - M. Xavier Breton, M. Thomas Cazenave