Compte rendu
Commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France
– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) 2
– Présences en réunion................................13
Mercredi
2 avril 2025
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 26
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Thomas Cazenave,
Président de la commission
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La séance est ouverte à dix-sept heures.
M. le président Thomas Cazenave. Nous recevons aujourd’hui M. Jean‑Philippe Vachia, président depuis 2020 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Il est accompagné de M. Sébastien Audebert, secrétaire général de la Commission, et de M. Stéphane Gauvin, chef du service du contrôle et des affaires juridiques. Autorité indépendante créée en 1990, la CNCCFP a pour mission de contrôler les dépenses de campagne électorale et le respect des obligations comptables des partis politiques. Cette instance collégiale est composée de membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.
Bien que le financement ne figure pas explicitement dans le périmètre de notre commission d’enquête, qui vise à examiner les conditions d’organisation des élections en France, il constitue une dimension essentielle de ce processus. Votre audition nous semble donc particulièrement pertinente, d’autant plus que vous avez récemment évoqué les conditions d’organisation des élections législatives anticipées en juin 2024.
Conformément à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous invite à prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Jean-Philippe Vachia, M. Sébastien Audebert et M. Stéphane Gauvin prêtent serment).
M. Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). La CNCCFP vient d’achever un double cycle de contrôle des comptes de campagne. Sur les élections au Parlement européen, nous avons rendu nos décisions sur les 38 listes le 12 décembre dernier, dans le délai légal imparti. Nous avons également finalisé l’examen des 3 199 comptes de campagne des élections législatives, les dernières décisions concernant les circonscriptions des Français de l’étranger ayant été rendues récemment.
Face à la dissolution de l’Assemblée nationale, nous avons dû prendre des mesures rapides pour nous adapter, comme nous l’avions fait pour les élections européennes. Pour ces dernières, nous avons mis en place, pour la deuxième fois après l’élection présidentielle de 2022, un dépôt obligatoire des comptes numérisés sur notre plateforme Fin’pol. Cette procédure s’est déroulée sans encombre, à l’exception de deux absences de dépôt pour des candidats ayant obtenu très peu de voix et d’un dépôt hors délai.
Sur les trente-huit décisions rendues pour les élections européennes, nous avons prononcé sept rejets, principalement pour des candidats d’envergure minime. Les sept listes ayant obtenu plus de 3 % des suffrages, seuil de remboursement, ont pu bénéficier d’un remboursement partiel de leurs frais de campagne, après examen, avec, dans certains cas, modulation du montant.
Concernant les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, nous avons traité environ 3 200 dossiers. Le taux d’absence de dépôt ou de dépôt hors délai est conforme aux moyennes habituelles et nous avons prononcé 85 décisions de rejet.
Nos missions de contrôle des comptes de campagne et de vérification des comptes des partis politiques sont étroitement liées, notamment en raison de la participation des partis aux campagnes électorales, en particulier via l’octroi de prêts. Dans notre dernier rapport d’activité, nous avons formulé dix-huit propositions visant à améliorer le fonctionnement de la Commission. Elles seront reprises dans notre prochain rapport.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Concrètement, comment s’opère la montée en charge au moment des élections ? Quel est l’effectif habituel de la CNCCFP, sachant que vos missions couvrent à la fois le contrôle des élections et le financement des partis politiques ? Ces deux missions peuvent parfois se recouper, voire se chevaucher, notamment lorsqu’il s’agit de distinguer l’activité habituelle d’un parti politique de ses actions dans le cadre d’une élection. Plus précisément, combien de personnes travaillent habituellement à la CNCCFP et à combien s’élève cet effectif lors des élections européennes et législatives ? Comment répartissez-vous les différents dossiers ?
Cette question en amène une autre : les trésoriers des partis politiques ont parfois l’impression que les règles peuvent s’appliquer différemment selon les candidats ou qu’il existe une certaine ambiguïté. Comment expliquez-vous que des décisions puissent parfois sembler divergentes d’un dossier à l’autre ? Par exemple, lors des dernières élections législatives, le compte d’un candidat a été rejeté du fait d’une dépense personnelle supérieure au seuil de 10 %. En revanche, pour le compte d’une autre candidate dont le montant était monté très au-dessus de ce seuil par manque de connaissance, une règle forfaitaire a été appliquée et son compte a été validé moyennant un moindre remboursement. Pourquoi n’est-ce pas la même règle qui s’applique, alors que ces deux situations peuvent être considérées comme à peu près similaires ? Cela vient-il du fait que ce sont des personnes différentes qui peuvent traiter les dossiers ?
M. Jean-Philippe Vachia. La Commission est un collège de neuf membres et les 3 200 décisions ont fait l’objet de délibérations au cours de plusieurs dizaines de séances. Nous avons siégé sans discontinuer pendant plusieurs mois, parfois plusieurs fois par semaine, en examinant un par un les comptes. Le personnel permanent se compose de quarante-six personnes, quarante-sept avec moi, et nous nous appuyons, puisque notre activité est saisonnière en fonction de l’organisation des élections, sur du personnel temporaire représentant environ huit ou neuf équivalents temps plein, soit plus d’une vingtaine de personnes physiques qui sont des chargés de mission adjoints, ainsi que du personnel administratif de soutien. Nous disposons d’un service métier, le service du contrôle des affaires juridiques, que dirige M. Gauvin, et, au sein de ce service, un pôle élections comprend huit chargés de mission qui sont des agents de catégorie A instruisant les rapports et préparant leur présentation par un des membres de la commission. Nous disposons d’un vivier de deux cents rapporteurs qui sont des agents de la fonction publique ou des retraités de la fonction publique issus des administrations financières et des juridictions financières administratives. Ce sont eux qui procèdent à l’instruction de base des rapports. Ils se fondent non pas sur leur opinion personnelle, mais sur un guide du candidat et du mandataire, que vous pouvez trouver en ligne sur notre site Internet et que nous remettons à jour pour chaque élection, et sur un guide d’audit, qui définit l’ensemble des diligences attendues. Un rapport remonte à la commission, un contrôle qualité est effectué et ensuite l’un de mes collègues membre de la Commission, qu’on appelle rapporteur général, présente le compte devant la Commission. La tâche essentielle de celle-ci consiste à veiller à ce que chaque décision soit bien fondée, mais surtout à s’assurer de l’égalité de traitement des candidats dans des situations similaires.
En général, les paiements directs, c’est-à-dire hors mandataire financier, qui sont effectués soit par le candidat lui-même, soit par une personne X, Y ou Z sont acceptés à condition que ce soit pour de menues dépenses ne dépassant pas la double limite de 10 % des dépenses du compte et de 3 % du plafond fixé par l’article L. 52-11 du code électoral. En cas de dépassement, le rejet est systématique. Néanmoins, comme nous ne sommes pas sourds et aveugles, nous avons bien vu que la rapidité avec laquelle les électeurs ont été convoqués et les délais extrêmement durs pour les candidats et leurs mandataires pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire et la disposition de moyens de paiement créaient des circonstances exceptionnelles. Nous avons donc épluché tous les comptes pour savoir si, dans certains cas, nous pouvions admettre des dépassements ; nous y avons passé vraiment beaucoup de temps. Dans la majorité des cas de dépassement des plafonds, il y a eu rejet. Dans certains autres, une demi-douzaine peut-être, nous avons admis exceptionnellement un dépassement, lorsque nous avons eu la démonstration que le candidat avait fait toutes les diligences nécessaires pour ouvrir un compte. Évidemment, nous sommes faillibles, mais nous sommes organisés pour traiter de la même manière les candidats et nous avons veillé à appliquer les mêmes modulations ou réductions de remboursement aux situations similaires.
M. le président Thomas Cazenave. Considérez-vous que le cadre de financement des campagnes électorales est aujourd’hui un obstacle, ou non, au bon déroulement des élections ? Ce cadre est-il connu, vérifié, bien organisé ou y percevez-vous des éléments qui peuvent constituer un obstacle et qui mériteraient d’être réexaminés ? Dans le cas d’une campagne éclair, les candidats doivent très vite ouvrir un compte. Avez-vous noté plus de difficultés pour les candidats à obtenir ces ouvertures de compte que par le passé ou bien la situation est-elle à peu près stable dans le temps pour cette opération absolument indispensable à la bonne tenue des comptes de campagne ?
M. Jean-Philippe Vachia. Concernant le cadre de financement, il convient d’examiner si l’objectif d’équité, l’un des trois piliers avec la transparence et la moralisation qui fondent les lois de 1988 et 1990, est atteint par le plafond des dépenses et le niveau de remboursement actuels. Nos observations annuelles révèlent que le plafond des dépenses est rarement atteint, sauf dans quelques cas particuliers qui seront détaillés dans notre prochain rapport. Les candidats établissent généralement leur budget à un niveau nettement inférieur, principalement en fonction du remboursement potentiel de l’État. Deux variables influencent ce calcul : le montant des dons récoltés, qui reste modeste pour les élections législatives hormis outre-mer, et la part de financement assumée par le parti politique, qui peut varier considérablement.
Il existe une disparité évidente entre les candidats investis par les grands partis, qui bénéficient d’un soutien conséquent, et les candidats divers, qui rencontrent plus de difficultés. La tendance générale est à l’ajustement au niveau du remboursement, avec parfois des cas surprenants où les dépenses remboursables correspondent exactement au taux maximum de 47,5 %.
Nous constatons certaines failles dans le système, notamment liées à la coexistence des partis politiques. Ces derniers disposent de leurs propres ressources, comprenant l’aide publique, qui sera recalculée sur la base des résultats de ces élections, et les dons, qui peuvent atteindre des montants considérables, comme dans le cas du parti Reconquête. Les partis peuvent accorder des prêts ou des subventions aux candidats sur leurs fonds propres. Si les subventions ne posent pas de problème, les prêts soulèvent une question : ils augmentent l’apport personnel du candidat, lui donnant droit au remboursement de l’État ; puis le candidat rembourse le parti, qui récupère ainsi son investissement. Sans critiquer ce mécanisme, il est important d’en être conscient.
Concernant l’organisation financière de la campagne, un point crucial est la prise en compte de la période de financement de six mois qui précède le mois de l’élection. Il est impératif que les candidats désignent leur mandataire financier, personne physique ou association, le plus tôt possible pour éviter les risques de paiements directs. Bien que l’obligation légale ne soit que de déclarer le mandataire lors de la déclaration de candidature à la préfecture, une désignation tardive peut compliquer la gestion financière de la campagne.
L’ouverture du compte bancaire reste un sujet sensible. La majorité des candidats parvient à ouvrir un compte, parfois avec des délais excessifs, particulièrement problématiques dans le cas d’élections dont la période de financement est courte. En cas de difficulté, le candidat peut faire valoir son droit au compte auprès de la Banque de France ou solliciter l’intervention du médiateur du crédit. Nous déplorons les cas où, malgré la désignation d’un établissement par la Banque de France, celui-ci ne donne pas suite, ce qui est rarissime mais inacceptable. De plus, certains établissements facturent des frais exorbitants pour l’ouverture de compte, pratique que nous jugeons contestable. Enfin, l’obligation d’ouvrir un compte pour tout candidat, même sans recette ni dépense, pose problème. Cette exigence légale explique le rejet des comptes de quelques dizaines de petits candidats. Le législateur pourrait envisager un aménagement de cette obligation, pour simplifier le processus pour ces candidats.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Une loi de 2007 a introduit l’obligation d’intégrer dans les comptes des partis politiques les activités des organisations territoriales ou des entités proches de l’activité politique, notamment les think-tanks. Cette règle s’applique lorsqu’un think-tank ou une association est étroitement lié à un parti politique. Dans les élections à venir, et peut-être déjà dans certaines élections passées, comme une récente élection municipale, nous pouvons observer l’émergence d’organes se définissant comme think-tanks, médias ou associations. Ces entités, bien que n’étant pas directement liées à un parti politique, consacrent une part importante de leur activité à dénigrer un candidat ou à en soutenir un autre. Cette situation soulève une question fondamentale sur les règles de financement de la vie politique. Comment devons-nous appréhender ce phénomène ? D’une part, la question de la liberté de la presse se pose, mais d’autre part ces organisations risquent de constituer un moyen détourné de participer au financement d’une campagne électorale sans se soumettre aux règles de la CNCCFP. Pour illustrer mon propos, je me réfère à un article publié par L’Humanité le 19 juillet 2024. Cette problématique met en lumière une potentielle faille dans notre système de régulation du financement politique. Comment pouvons-nous garantir l’équité et la transparence face à ces nouvelles formes d’influence qui échappent au cadre traditionnel de contrôle ?
Je souhaite en particulier attirer votre attention sur le projet Périclès du milliardaire Pierre-Édouard Stérin. Doté d’un budget de 150 millions d’euros jusqu’en 2032, il vise trois objectifs principaux : la victoire idéologique, électorale et politique. Le volet électoral ambitionne d’influencer significativement les élections dans les deux prochaines années. Il prévoit d’identifier des scrutins prioritaires, de sélectionner et de former des candidats au « combat électoral » et de leur fournir un arsenal complet d’outils : big data, médias, ressources humaines et financements. Un point particulièrement préoccupant est l’objectif affiché de permettre au Rassemblement national (RN) de capitaliser sur ses récents succès électoraux pour remporter les élections municipales de 2026. Selon un document interne révélé par le journal L’Humanité, ce projet a reçu l’aval de la direction et de l’état-major du RN lors de ses universités d’été 2023. Il prévoit également d’établir des partenariats médiatiques. Cette stratégie soulève de sérieuses questions quant à l’indépendance et à la liberté de la presse, remettant en cause son rôle de contre-pouvoir face aux intérêts politiques et financiers. Je suis profondément choqué par ces révélations. Elles mettent en lumière non seulement la volonté de personnes fortunées d’influencer le processus démocratique, mais aussi l’acceptation de ces pratiques par la direction d’un parti politique majeur.
Quels sont les moyens à votre disposition pour contrôler de telles pratiques ? Estimez-vous nécessaire d’intervenir ? Disposez-vous des outils d’enquête adéquats ou le législateur devrait-il vous en octroyer de nouveaux ? Il me semble primordial que votre commission se penche sur la question de l’influence de l’argent dans les élections, particulièrement lorsque celui-ci n’est pas comptabilisé dans les comptes des campagnes officielles. Votre expertise est essentielle pour aborder cette problématique qui menace l’intégrité de notre processus démocratique.
M. Jean-Philippe Vachia. Nous sommes effectivement au fait du projet que vous évoquez. Il convient de rappeler que seuls les partis politiques régis par la loi de 1988, c’est-à-dire ceux dont le mandataire est agréé par la Commission ou qui ont déclaré un mandataire financier, sont autorisés à participer en tant que personnes morales au financement des élections. Depuis 2017, nous intégrons dans les comptes d’ensemble des partis politiques l’ensemble des organisations territoriales, au sens large. Cette disposition est cruciale, car elle permet aux structures locales de contribuer au financement d’un candidat local.
Concernant la problématique que vous soulevez, il est essentiel de distinguer plusieurs aspects. Lorsqu’une personne morale autre qu’un parti politique intervient dans une élection, nous devons différencier les organes d’information relevant de la liberté de la presse écrite, qui jouissent d’une liberté éditoriale totale, des autres formes d’intervention. Toutefois, si un organe de presse se transformait en un outil de propagande permanent distribué au profit d’un candidat, la situation serait différente.
Pour l’audiovisuel, nous considérons qu’il appartient à l’Arcom de veiller au respect des règles d’équité ou d’égalité d’accès au temps de parole pendant les campagnes électorales. Néanmoins, si nous constations qu’un média audiovisuel apportait une aide effective dépassant le cadre éditorial à un candidat, nous le considérerions comme un soutien apporté par l’organe au candidat. L’une de nos douze décisions concernant la campagne de 2022 illustre ce type de situation.
Une difficulté majeure réside dans l’interprétation de l’article L. 52-12 du code électoral. Celui-ci dispose que doivent figurer dans le compte de campagne les dépenses engagées par le candidat ou pour son compte, ainsi que celles engagées par un tiers avec l’accord du candidat. Cette formulation pose problème face à des organisations qui, à l’instar des Political Action Committees (PAC) américains, peuvent mener des campagnes orientées soutenant de facto un candidat ou un parti politique sans accord explicite.
Nous sommes particulièrement préoccupés par les risques liés aux campagnes menées sur les réseaux sociaux, via des influenceurs, sans parler des potentielles ingérences étrangères. Une interprétation trop littérale du code électoral pourrait nous empêcher d’agir efficacement face à ces nouvelles formes d’influence électorale. En tant que législateur, vous pourriez vous saisir de cette question, notamment concernant les campagnes négatives ou de dénigrement suffisamment habiles pour ne pas apparaître comme un soutien direct à un candidat. C’est un sujet complexe qui risque de devenir crucial pour les élections municipales à venir et certainement pour la présidentielle de 2027.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Au-delà de la victoire électorale, le document révélé par L’Humanité évoque une stratégie de victoire idéologique. Celle-ci vise à imposer certains thèmes et à en maîtriser la fenêtre d’Overton, c’est-à-dire les limites du discours acceptable. Elle prévoit également de discréditer les idées adverses par divers moyens : réalité des faits, chiffres, dénigrement, procès, y compris via des structures juridiques financées à cet effet. Certains protagonistes de cette stratégie bénéficient d’ailleurs d’une présence médiatique régulière sur certaines chaînes de télévision. Nous avons donc sous les yeux un véritable plan de bataille détaillé : achat de think-tanks, influence sur les élections, etc. La question cruciale qui se pose est : comment prévenir ce type d’ingérence, non pas étrangère, mais économique dans le processus électoral ? Le législateur s’est efforcé depuis des années de protéger l’intégrité des élections contre l’influence financière. L’objectif était d’éviter qu’une propagande électorale massive, financée par des acteurs fortunés, puisse indûment influencer l’opinion publique et, par conséquent, les décisions économiques qui en découlent. Face à cette situation clairement annoncée, quelles mesures préconisez-vous ? Comment le législateur peut-il renforcer la protection de notre démocratie contre ces influences financières ? Faut-il vous octroyer davantage de moyens de contrôle ? Devons-nous instaurer des règles de contrôle plus strictes sur ce type de fonctionnement ?
Comment pouvons-nous contrer l’influence de ces PAC, dont la perversité réside dans leur action subtile ? Au-delà du simple soutien à un candidat, ils visent à implanter certaines idées dans la société, à promouvoir des thèmes spécifiques. Le document mentionne même l’utilisation d’instituts de sondage et de baromètres monothématiques sur des sujets clivants tels que « islam et insécurité » ou « immigration et extrême-gauche ». On constate clairement une tentative d’utiliser le pouvoir financier pour créer des divisions au sein de la société et cibler des adversaires politiques. Il me semble que le devoir du législateur est de protéger notre démocratie contre cette influence financière. Avez-vous des recommandations spécifiques concernant des modifications législatives à apporter pour prendre en compte ce risque d’influence sur les élections ?
Enfin, le document en question présente un état des lieux des « relations de confiance ». Il y est mentionné que des responsables de Reconquête et les deux principales figures du RN, Marine Le Pen et Jordan Bardella, sont classés dans la catégorie « relations de confiance/influence réelle ». D’autres responsables politiques, comme MM. Ciotti et Wauquiez, sont classés dans la catégorie « relations actives, mais pas de réelle influence ». Cela signifie que des élus de la République participent déjà à ce projet Périclès. Comment la CNCCFP envisage-t-elle le contrôle de ce type de projet ?
M. Jean-Philippe Vachia. Je ne connais ce projet que par les articles de presse publiés à son sujet. Il me semble que ses concepteurs n’ont pas une connaissance approfondie de la législation française sur les campagnes électorales et le financement des partis politiques. J’ai même l’impression qu’ils l’ont totalement ignorée, se projetant dans un contexte anglo-saxon, voire spécifiquement américain.
Il est crucial de rappeler que les partis politiques en France sont soumis à des restrictions strictes concernant leurs sources de financement. Ils ne peuvent compter que sur l’aide publique, les dons des personnes physiques ̶ les dons des personnes morales étant interdits depuis 1995, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne –, ainsi que sur des prêts de personnes physiques et des prêts bancaires. Je tiens à souligner que les prêts de personnes physiques constituent une préoccupation constante pour nous. Ils peuvent atteindre des montants considérables, parfois plusieurs centaines de milliers d’euros, et nos capacités de vérification de l’origine de ces fonds sont limitées. Nous souhaitons que nos pouvoirs soient renforcés dans ce domaine, car je ne peux garantir l’absence d’intermédiaires derrière ces prêts, malgré les règles anti-blanchiment appliquées par les établissements bancaires.
Il faut être clair : la législation actuelle n’a absolument pas été conçue pour faire face au scénario que vous décrivez. C’est même l’inverse. L’article L. 52-12 du code électoral sur les dépenses de campagne devant figurer obligatoirement avec l’accord au moins tacite du candidat a été rendu plus restrictif par rapport à sa version initiale, allant ainsi à l’encontre de ce qui aurait été nécessaire.
Le problème ne se limite pas aux moyens de contrôle, mais concerne également notre légitimité à interroger ces nouveaux types de financement, sauf si nous parvenons à prouver qu’un candidat a explicitement donné son accord à une opération de soutien spécifique. Prenons l’exemple d’un candidat invité dans une émission de télévision où, contrairement à la règle générale d’équité du temps de parole, il bénéficierait d’une exposition exclusive, avec un animateur lui apportant un soutien manifeste tout en discréditant son adversaire. Dans ce cas précis, la présence du candidat dans l’émission pourrait être un élément à considérer, bien que ce type de situation soit rare.
Concernant les think-tanks menant des campagnes de dénigrement ou des campagnes négatives, il faut admettre que la législation actuelle ne les prend pas clairement en compte. Il est important de noter que la publicité électorale est interdite pendant une période de six mois correspondant à la période de financement. Si de telles campagnes apparaissaient, notamment via des influenceurs rémunérés, et qu’elles s’apparentaient à de la publicité, nous chercherions à déterminer s’il y a eu un accord implicite du candidat. Cependant, cela nécessiterait des moyens de contrôle supplémentaires, que nous évoquons dans notre rapport d’activité.
En conclusion, il s’agit d’un sujet extrêmement complexe qui représente effectivement l’un des risques majeurs pour les années à venir.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Dans la période des six mois précédant une élection, durant laquelle les dépenses sont intégrées au compte de campagne, notamment dans la catégorie « publicité sur Internet », un scénario problématique pourrait se présenter. Une puissance financière pourrait rémunérer un influenceur bien avant cette période de six mois, rendant difficile la traçabilité de ces fonds. Le contrat pourrait stipuler que l’influenceur fasse de la propagande électorale dans les deux mois précédant l’élection. Cela pourrait alors apparaître comme une simple expression d’opinion politique personnelle, plutôt que comme une participation déguisée au financement électoral. Il est crucial de distinguer entre un avis personnel légitime – je suis favorable à la participation des influenceurs à la vie démocratique de notre pays – et un financement occulte. La difficulté réside dans l’impossibilité de tracer ces transactions et d’interroger les personnes susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’élection.
Prenons un exemple concret : si un influenceur très suivi exprime son soutien à un candidat ou dénigre un autre, avez-vous la capacité, dans le cadre juridique actuel, d’interroger cette personne et de remonter dans le temps pour examiner d’éventuels contrats ?
M. Jean-Philippe Vachia. Nous ne disposons pas de cette capacité. En effet, nous n’avons aucun droit de communication sur les fournisseurs ou les prestataires de services des candidats, ce qui constitue une limitation considérable pour mener ce type d’enquête. Face à un influenceur faisant campagne pour un candidat spécifique, notre seule option consiste à interroger le candidat lui-même. Nous lui demandons alors de prouver que l’influenceur agit de son propre chef et n’a pas conclu de contrat publicitaire, ce qui serait prohibé. Sous ma présidence, la Commission, confrontée à de telles situations, a adopté la pratique de demander aux candidats des attestations sur l’honneur certifiant qu’ils n’ont pas eu recours à de telles pratiques. Bien que la valeur de ces attestations soit relative, elles représentent actuellement notre seul moyen d’action.
M. le président Thomas Cazenave. Cette méthode s’apparente aux attestations que vous exigez concernant les prêts de salles.
M. Antoine Léaument, rapporteur. L’intégration d’un think-tank dans les comptes consolidés, notamment les comptes d’ensemble des partis politiques, ne pourrait-elle pas être un moyen détourné d’obtenir des financements ? En incorporant un think-tank dans le compte d’ensemble d’un parti politique, ne serait-il pas possible de contourner les règles de financement en faisant transiter des fonds par le think-tank avant qu’ils alimentent le parti ? Je m’interroge sur la faisabilité d’un tel scénario.
M. Jean-Philippe Vachia. Votre question est pertinente. Dans les comptes d’ensemble des partis politiques, nous intégrons les organisations territoriales, les instituts de formation et éventuellement les organes de presse. A priori, les think-tanks n’y figurent pas, du moins pas sous cette dénomination. Je tiens à souligner que le financement d’un think-tank par des sociétés ou des milliardaires est strictement interdit. C’est un point que nous examinons attentivement. Cependant, nous sommes confrontés à une limitation importante : pour les élections présidentielles et européennes, nous disposons d’une annexe par parti politique dans le compte de campagne, détaillant l’ensemble des recettes et dépenses liées à la campagne, avec les justificatifs correspondants. Néanmoins, nous n’avons pas le pouvoir de vérifier la comptabilité du parti pendant l’année considérée pour nous assurer de l’absence de telles pratiques.
Prenons l’exemple de l’élection présidentielle de 2022 : nous avons reçu cette annexe avec les comptes déposés à l’été 2022 et rendu nos décisions fin 2022. Cependant, nous n’avons reçu les comptes des partis politiques pour l’année 2022 que le 30 juin 2023. De plus, ils se limitent aux états sociaux (compte de résultat, bilan et annexes) sans inclure l’ensemble des pièces justificatives des recettes et dépenses.
Notre pouvoir de contrôle sur les comptes des partis politiques est limité. Nous pouvons vérifier la licéité des recettes, mais pas l’ensemble des dépenses, hormis celles consacrées aux campagnes électorales. Si ces dépenses ne nous sont pas déclarées, nous n’avons pas les moyens de les contrôler, sauf à les suspecter. C’est précisément ce pouvoir de contrôle étendu que nous réclamons depuis des années.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Votre réponse soulève effectivement la question de l’indépendance des partis politiques et de leur liberté d’utilisation des dépenses. Je comprends la logique qui voudrait un contrôle des dépenses, mais l’aspect le plus crucial concerne les recettes. Si un parti politique décide de ses dépenses, cela ne me choque pas qu’il jouisse d’une certaine liberté à cet égard. C’est une forme de liberté démocratique des partis. En revanche, dès lors que des règles sont établies concernant le financement des partis politiques, il est impératif qu’il n’existe aucun moyen de les contourner, y compris par des mécanismes censés renforcer le contrôle. C’est pourquoi j’évoque les modifications apportées par la loi de 2017 et les règlements de 2018. Si, par le biais d’une structure rattachée au compte du parti politique, on parvient à financer indirectement le parti, cela pose un problème sérieux.
Si je comprends bien votre explication, vous n’avez pas la possibilité de contrôler les recettes de la structure intégrée au compte d’ensemble du parti politique.
M. Jean-Philippe Vachia. Dans les comptes d’ensemble, nous avons accès à la totalité des recettes du parti et de ses entités satellites. Nous examinons attentivement les différentes catégories de ressources, qui comprennent principalement l’aide publique, les dons, les prêts de personnes physiques – bien que l’on puisse débattre de leur classification en tant que ressources – et éventuellement les contributions d’autres partis. Il existe également des ressources généralement minoritaires, voire marginales, telles que les produits de colloques, les inscriptions ou les ventes de journaux. Nous avons connaissance des montants que ces ressources représentent, ce qui nous permet d’exercer un certain contrôle.
Je ne considère pas que le scénario que vous évoquez, à savoir un think-tank s’inscrivant dans un parti pour financer des élections, représente un risque majeur. Une telle manœuvre serait, à mon avis, trop visible pour être mise en œuvre discrètement. Je ne pense pas que ce soit un véritable sujet de préoccupation dans la pratique.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Concernant le financement des partis et des élections, ainsi que la participation indirecte au financement, vous avez évoqué précédemment un manque de moyens de contrôle technique, notamment pour la traçabilité des fonds dans le cadre des prêts de personnes physiques. Collaborez-vous avec d’autres structures étatiques, telles que Tracfin ?
M. Jean-Philippe Vachia. Effectivement, lorsque nous avons des doutes, nous saisissons régulièrement Tracfin, comme nous l’avons fait récemment. Nous souhaiterions pouvoir demander des informations sur certains donateurs ou prêteurs, car la problématique que j’ai soulevée pour les prêteurs s’applique également aux donateurs potentiels. Il faut noter que si les dons sont plafonnés à 4 600 euros par élection et à 7 500 euros par an pour les partis, les prêts de personnes physiques, eux, ne sont pas limités et peuvent atteindre 400 000 euros pour un parti. Tracfin est tout à fait disposé à nous fournir ces éléments, mais la loi doit le permettre. Je crois savoir qu’un texte de loi est actuellement en discussion. C’est une excellente proposition, car elle prévoit notamment que la liste des organismes auxquels Tracfin peut adresser des informations soit fixée par arrêté ministériel. Cela simplifierait considérablement les choses et nous permettrait d’obtenir ces informations lorsque nous avons des doutes.
Nous souhaiterions également avoir accès au fichier Ficoba des détenteurs de comptes. Pour la grande majorité des prêts, qui sont de petits montants, la question ne se pose pas vraiment. Cependant, lorsqu’il s’agit de prêts de plusieurs centaines de milliers d’euros, nous commençons à nous interroger sur l’origine de ces fonds.
M. le président Thomas Cazenave. La proposition de loi sur la lutte contre toutes les fraudes, à laquelle La France insoumise s’est opposée en commission mais sur laquelle elle s’est plus raisonnablement abstenue en séance publique, comporte des dispositions importantes, notamment celle permettant à Tracfin de diffuser plus facilement des informations via une liste arrêtée. Le partage d’informations entre administrations est crucial dans la lutte contre la fraude en général et la criminalité.
J’entends l’argument du rapporteur sur la nécessité de garantir une certaine liberté dans l’utilisation des fonds par les partis. Cependant, dans le cloisonnement recettes/dépenses, une sous-estimation des dépenses peut constituer une forme de recette indirecte. Prenons l’exemple d’un parti politique hébergé dans des locaux dont le loyer serait sous-évalué : cette sous‑évaluation représenterait en réalité une recette indirecte.
Je souhaite comprendre précisément votre demande concernant le volet dépenses. Cherchez-vous à identifier ce type de situations ? Par exemple, si un parti déclare une dépense de 1 000 euros pour un meeting alors qu’elle s’élèverait en réalité à 10 000 euros ? Est-ce dans cette optique que vous souhaitez avoir accès à davantage d’éléments, afin de vous assurer que les sous-estimations de dépenses ne masquent pas des recettes déguisées ?
M. Jean-Philippe Vachia. Votre raisonnement est effectivement proche de notre préoccupation. Il s’agit notamment du cas de dépenses électorales engagées par un parti politique mais non déclarées. C’est précisément ce qui s’est produit avec le compte de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Cette problématique est particulièrement sensible lorsque le candidat est proche du plafond de dépenses autorisé. Cependant, l’évolution récente montre que, même pour l’élection présidentielle, les candidats restent substantiellement en deçà des plafonds. Par exemple, Marine Le Pen et Emmanuel Macron n’ont pas dépassé 15 ou 16 millions d’euros, alors que le plafond est fixé à 22,5 millions d’euros. Ce sujet est donc moins brûlant aujourd’hui. Néanmoins, la question de l’exhaustivité et de la transparence des dépenses demeure. Cela concerne notamment les moyens mis à disposition par le parti, qui doivent tous être déclarés sans sous-estimation. C’est ce chiffrage précis qui nous préoccupe.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous avez mentionné qu’un prêt de 400 000 euros émanant d’une personne physique représente une somme considérable. Avez-vous des cas concrets ? Quels sont les acteurs concernés par ce type de prêts de personnes physiques aux montants très élevés ?
De plus, au-delà de la question de la provenance de l’argent du prêt, qui pourrait potentiellement venir de milliardaires, de grandes entreprises, voire de puissances étrangères cherchant à influencer financièrement des élections nationales, la question du remboursement se pose. Un prêt doit être remboursé. Avez-vous la capacité de vérifier l’effectivité du remboursement si vous n’avez pas les moyens de contrôler précisément les dépenses ?
M. Jean-Philippe Vachia. Il existe une obligation de remboursement des prêts tant pour les candidats que pour les partis politiques. Pour les candidats, c’est très clair. Nous incluons une clause standard dans notre décision, exigeant une déclaration. Au sein de la Commission, un service dédié veille à ce que le remboursement effectif du prêt soit justifié au bout d’un an. Je peux vous assurer que nous sommes extrêmement vigilants sur ce point. En cas de non-remboursement, nous adressons une mise en demeure. Si celle-ci reste sans effet, nous saisissons le procureur de la République compétent. Nous avons procédé ainsi pour plusieurs dizaines de cas ces dernières années, ce qui rend le système imparable.
Pour les partis politiques, nous adoptons une approche similaire. Bien entendu, la situation diffère selon qu’il s’agit de prêts de personnes physiques aux candidats, qui sont généralement remboursables en moins d’un an, dès que le candidat obtient le remboursement de l’État, ou aux partis politiques, pour lesquels la situation est plus complexe. Les prêts aux partis peuvent s’étendre jusqu’à cinq ans ou sont limités à deux ans s’ils sont à taux zéro. Chaque année, nous examinons le bilan des partis en vérifiant la présence d’emprunts auprès de personnes physiques datant d’années antérieures. Nous demandons alors des justifications sur leur maintien au passif. Ce processus mobilise considérablement l’unité en charge des partis politiques. Nous exigeons des justifications et, en dernier recours, si le prêt n’est pas remboursé, nous saisissons le procureur de la République, conformément aux infractions prévues par la loi.
Le prochain rapport d’activité présentera une vue d’ensemble du volume et du nombre de prêts accordés par des personnes physiques aux différentes catégories de candidats pour les élections précédentes. Concernant les législatives, l’approche sera plus générale. Nous disposons de toutes les données nécessaires. Il existe deux types de prêts : ceux consentis sans intérêt par des personnes physiques, relevant plutôt d’une démarche militante, et ceux assortis de taux d’intérêt potentiellement élevés, notamment pour les partis politiques.
La législation en vigueur présente des lacunes rédactionnelles, mais je ne m’attarderai pas sur ces aspects techniques. Il convient de noter que, pour être opérationnels, les prêts de personnes physiques aux partis politiques doivent avoir un taux supérieur au taux d’intérêt légal, offrant ainsi un avantage financier au prêteur. Par ailleurs, les prêts de personnes physiques aux candidats peuvent également être assortis d’intérêts. Dans ce cas, le candidat doit rembourser le prêteur et inscrire les intérêts comme dépense dans son compte de campagne. Ces taux peuvent être conséquents, même s’ils sont limités par le taux de l’usure.
Un mécanisme particulier, appelé « prêt miroir », existe également. Il consiste pour des personnes physiques à prêter avec intérêt à un parti politique, lequel à son tour prête avec intérêt à un candidat. Initialement, la loi pour la confiance dans la vie politique de 2017 envisageait ce système pour les emprunts bancaires contractés par les partis et redistribués aux candidats. Cependant, la loi actuelle permet le système que je viens de décrire.
Nous disposons des moyens juridiques pour gérer ces situations, mais une organisation complexe est nécessaire pour assurer la traçabilité et le suivi. La difficulté est exacerbée lorsqu’un parti contracte des prêts importants qu’il redistribue ensuite en petits prêts aux candidats.
Il est important de souligner qu’à la différence des dons, il n’existe pas de plafond pour le montant des prêts, hormis la limite de 47,5 % du remboursement pour les prêts de personnes physiques aux candidats. Pour les partis politiques, aucun plafond n’est fixé. De plus, aucune condition de nationalité française ou de résidence en France n’est imposée au prêteur. Bien que l’article L. 52-8 du code électoral interdise les financements par des personnes morales étrangères, il subsiste une potentielle faille dans ce dispositif.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Le système en place permet potentiellement à une personne, qu’elle soit de nationalité française ou non, de recevoir des fonds potentiellement très élevés et de provenance inconnue, y compris de l’étranger, et de les prêter à un parti politique. Il semble que vous puissiez rencontrer des difficultés à assurer un contrôle efficace de la traçabilité de ces fonds.
De plus, vos propos soulèvent une question sur l’enrichissement personnel. Si j’ai bien compris, une personne peut prêter à un taux proche du taux d’usure. Prenons l’exemple d’un prêt à 19,9 % consenti à un parti politique. Ce dernier peut ensuite prêter à un candidat pour une élection, pour un montant correspondant au remboursement du prêt plus un taux avoisinant le taux d’usure. Lorsque le candidat obtient le remboursement de son compte de campagne, il rembourse le parti politique, lequel rembourse à son tour le prêteur initial. Ce dernier réalise ainsi une marge de 19,9 %. Pour un prêt de 400 000 euros, cela représenterait un gain d’environ 80 000 euros. Ai-je bien saisi le mécanisme ?
M. Jean-Philippe Vachia. Lors des dernières élections, le taux d’intérêt le plus élevé observé était de 8 %, ce qui reste significatif sans atteindre le taux d’usure. Il est crucial de distinguer les prêts aux candidats de ceux aux partis politiques. Les premiers sont généralement de moindre importance, étant donné que le plafond des dépenses pour une circonscription législative moyenne se situe entre 60 000 et 70 000 euros, avec une limite de 47,5 % pour les prêts de personnes physiques, soit environ 30 000 euros. D’après mon expérience, ces prêts se situent généralement entre 5 000 et 10 000 euros.
Bien que les montants soient relativement modestes, le prêteur réalise néanmoins un placement intéressant, percevant des intérêts de 8 % remboursés par l’État au titre des frais financiers de campagne. En parallèle, les emprunts des partis politiques peuvent atteindre des montants unitaires beaucoup plus conséquents, avec des taux d’intérêt similaires, passant de 5 % auparavant à 7-8 % actuellement. Ces prêts peuvent atteindre des sommes considérables, de l’ordre de 400 000 euros, 350 000 euros ou 270 000 euros par prêteur.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les partis politiques concernés par ces montants astronomiques ?
M. Jean-Philippe Vachia. Ces informations figurent dans les annexes aux comptes publiés sur notre site. Vous pouvez les consulter librement, il suffit de localiser l’onglet approprié.
M. Stéphane Gauvin. Pour un accès plus rapide à ces données, je vous recommande de les télécharger sur data.gouv. Vous y trouverez le montant des prêts de personnes physiques ainsi que celui des prêts bancaires.
M. Jean-Philippe Vachia. Le nom des personnes concernées n’est pas divulgué. Vous trouverez une liste anonymisée avec des identifiants tels que A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K. Pour chaque prêt, le montant, le taux d’intérêt et la commune du prêteur sont indiqués. La loi nous interdit de communiquer le nom des prêteurs.
Cette intervention marque la fin de ma vie publique, mon mandat arrivant à échéance le 30 avril prochain.
La séance s’achève à dix-huit heures cinquante.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Thomas Cazenave, M. Antoine Léaument