Compte rendu

Commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France

– Audition, ouverte à la presse, de représentants du ministère de la justice : M. Roland de Lesquen, adjoint au directeur des services judiciaires (DSJ), M. Clément Henry, chef du bureau du droit constitutionnel et du droit public général de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), et M. Adrien Tanné, rédacteur au bureau du droit constitutionnel et du droit public général de la direction des affaires civiles et du sceau              2

– Présences en réunion................................15

 


Mercredi
9 avril 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 28

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Thomas Cazenave,
Président de la commission

 


  1 

La séance est ouverte à quinze heures.

La commission entend des représentants du ministère de la justice : M. Roland de Lesquen, adjoint au directeur des services judiciaires (DSJ), M. Clément Henry, chef du bureau du droit constitutionnel et du droit public général de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) et M. Adrien Tanné, rédacteur au bureau du droit constitutionnel et du droit public général de la direction des affaires civiles et du sceau.

M. le président Thomas Cazenave. Le ministère de la justice joue un rôle important dans le processus électoral en France, tant au niveau de l'organisation pratique des scrutins, notamment concernant les procurations, que pour garantir la sincérité des élections. Plusieurs instances de supervision des opérations électorales sont d'ailleurs présidées ou encadrées par des magistrats.

L'objectif de notre commission d'enquête est d'examiner en profondeur l'organisation des élections en France, en considérant tous les aspects et en entendant l'ensemble des acteurs impliqués.

Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Roland de Lesquen, M. Clément Henry et M. Adrien Tanné prêtent serment.)

M. Roland de Lesquen, adjoint au directeur des services judiciaires (DSJ). L’implication de l’autorité judiciaire dans le processus électoral en France se décline à travers cinq principaux axes d’intervention, qui traduisent la diversité de son engagement.

Elle s’exerce tout d’abord par le contrôle des lieux de vote, puis par sa contribution à l’organisation matérielle des scrutins. Elle se manifeste également à travers le contentieux des listes électorales, ainsi que par l’établissement des procurations et la tenue de permanences le jour du scrutin, permettant aux électeurs de formuler un recours en cas de non-inscription sur les listes. Enfin, elle se prolonge par la participation à diverses commissions électorales, notamment les commissions de propagande, en amont même des opérations de vote.

Cette implication de l’autorité judiciaire, et en particulier des magistrats, représente une garantie fondamentale quant à la régularité et à la sérénité du processus électoral. Il convient toutefois de s’interroger sur la pertinence de certaines de ces interventions, notamment s’agissant de l’établissement des procurations. La dimension résiduelle de cette mission, telle qu’elle est actuellement assurée par le ministère de la justice, suscite en effet des interrogations légitimes en matière d’efficience et de juste allocation des ressources, comme l’a d’ailleurs souligné la Cour des comptes dans un récent rapport.

À l’inverse, notre valeur ajoutée apparaît nettement plus substantielle dans d’autres domaines, tels que la participation aux commissions électorales, le traitement du contentieux des listes électorales relevant de la justice judiciaire, ou encore la participation au contrôle des lieux de vote et des diverses commissions électorales. En tant que tiers indépendant entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, l’autorité judiciaire confère au processus électoral un regard extérieur, impartial et indispensable, propre à garantir l’équilibre institutionnel et la confiance démocratique.

M. Clément Henry, chef du bureau du droit constitutionnel et du droit public général de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS). La DACS exerce, en matière électorale, une compétence partagée avec le ministère de l’intérieur, ce dernier demeurant le principal acteur chargé de l’organisation des élections. Le rôle qui nous incombe consiste notamment à élaborer, à l’occasion de chaque scrutin national, une circulaire destinée à accompagner les juridictions dans l’exercice de leurs différentes missions. Cette circulaire résulte d’une collaboration étroite entre plusieurs services du ministère de la justice, en particulier la DSJ et la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), s’agissant du casier judiciaire national, mais également avec le ministère de l’intérieur et l’Insee. Elle a vocation à guider les juridictions dans l’établissement des procurations, le traitement des recours relatifs à l’inscription sur les listes électorales, les modalités pratiques de consultation du casier judiciaire, ainsi que dans la mise en œuvre des permanences prévues pendant le déroulement du scrutin.

Mon bureau, qui traite du droit public et du contentieux administratif, intervient plus spécifiquement sur les questions afférentes au juge administratif, lequel est principalement compétent en matière de contestation des opérations de vote.

M. Antoine Léaument, rapporteur. En ce qui concerne la gestion des procurations, l’article R. 72 du code électoral prévoit l’intervention des autorités judiciaires. Toutefois, cette disposition paraît aujourd’hui largement méconnue, et donc peu mobilisée par les citoyens, lesquels privilégient désormais les dispositifs dématérialisés qui orientent majoritairement vers les services de police ou de gendarmerie. Ai-je bien saisi que vous souhaiteriez voir cette compétence soustraite du périmètre d’intervention du ministère de la justice ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous apporter des éléments d’éclairage sur les moyens humains qui sont requis pour assurer le respect effectif de cette disposition du code électoral ?

S’agissant enfin des recours, et plus particulièrement de ceux intervenant au cours de la période critique des six semaines précédant le scrutin, délai durant lequel les inscriptions sur les listes électorales sont en principe closes, avez-vous été confrontés à des situations atypiques, notamment sur la question des radiations ? Cette interrogation se fonde sur l’exemple précis de la commune d’Évry-Courcouronnes, dans laquelle nous avons observé un taux de radiation anormalement élevé. Selon les données transmises par l’Insee, le taux de radiation fondé sur la perte d’attache communale y aurait en effet dépassé les 16 % sur une période de deux années, ce qui paraît particulièrement significatif. Il nous a également été rapporté un nombre important de recours formés auprès de la justice en vue d’obtenir la réintégration sur les listes électorales des personnes concernées.

J’ai eu connaissance de situations pour le moins singulières, dans lesquelles un ou deux membres d’une même famille se trouvaient radiés des listes électorales, tandis que les autres, pourtant domiciliés à la même adresse, y figuraient toujours. De tels cas, bien qu’isolés, soulèvent des interrogations sérieuses quant à la régularité des radiations opérées. Disposez-vous, de votre côté, d’informations sur des cas similaires ? L’exemple que je viens d’évoquer vous a-t-il été signalé ? Avez-vous eu connaissance d’autres situations de radiations massives, susceptibles d’alerter quant au respect effectif des droits électoraux des citoyens ?

Dans cette même perspective, comment garantissez-vous ce droit fondamental à l’inscription sur les listes électorales, en particulier lorsque vous êtes confrontés à des situations comme celles évoquées ? J’imagine que vos services sont calibrés pour faire face à un certain nombre de recours le jour du scrutin, notamment afin de permettre, dans les délais les plus brefs, la réinscription des personnes concernées. Mais dans l’hypothèse où ce nombre excéderait très largement les prévisions, comment parvenez-vous à assurer de manière effective l’accès au recours pour les électeurs radiés à tort ?

M. Roland de Lesquen. S’agissant des procurations, il est exact que notre implication en la matière s’est progressivement réduite au point de devenir aujourd’hui résiduelle. L’évolution des chiffres entre les élections législatives de 2017 et celles de 2022 montre que nous sommes passés de 227 810 procurations validées par les tribunaux judiciaires à seulement 27 055 en 2022, soit une diminution par dix en l’espace de cinq années. Cette évolution s’explique principalement par le développement, en 2021, du téléservice maprocuration.gouv.fr, lequel est directement connecté aux réseaux de commissariats et de brigades de gendarmerie. Ce dispositif permet aux citoyens d’accomplir plus aisément leur démarche, en s’appuyant sur un maillage territorial plus dense que celui des 164 tribunaux judiciaires répartis sur le territoire national. Dès lors, cette mission, qui demeure certes un honneur pour nos services, n’apparaît plus, d’un point de vue organisationnel et pratique, comme la plus pertinente. Sur le plan des ressources humaines, l’ensemble de la charge représentée par ces procurations correspond à une moyenne nationale de 5,8 équivalents temps plein travaillés (ETPT) soit, en réalité, une fraction très modeste du temps de travail quotidien des agents des juridictions.

Dans ces conditions, il est permis de penser que cette faible implication pourrait conduire, à terme, à une forme de perte de savoir-faire au sein des juridictions. Bien que la technicité de la tâche demeure relativement limitée, elle nécessite néanmoins une familiarité procédurale que le faible volume d’activité ne permet plus véritablement de maintenir. Au regard de ces constats, il nous semble, dans une approche pragmatique, que notre valeur ajoutée sur ce volet précis est devenue marginale. À titre d’illustration, les 27 055 procurations validées par les tribunaux judiciaires représentent aujourd’hui moins de 1 % des quelque 3,6 millions de procurations traitées par les services de police et de gendarmerie.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Disposez-vous des données chiffrées relatives à l'année 2024 ? Cette année-là a en effet été marquée par la tenue de deux scrutins, et il me semble que, du fait du caractère anticipé des élections législatives, le recours aux procurations a connu une augmentation significative

M. Roland de Lesquen. Bien que je ne dispose pas des chiffres précis, il ne me semble pas que nous ayons observé, au sein des tribunaux, une hausse notable du nombre de procurations enregistrées. Il est vrai que nous ne communiquons que très peu sur ce sujet, ce qui peut en partie expliquer la méconnaissance de cette possibilité par les électeurs.

Pour répondre à votre seconde question, relative au contentieux des listes électorales, nous avons effectivement été confrontés à une situation particulière lors des dernières élections, notamment dans le cadre du scrutin organisé à Évry-Courcouronnes, qui a suscité une mobilisation de la cour d’appel de Paris sur cette problématique. Il convient de rappeler que, pour accueillir les électeurs rencontrant des difficultés, notamment en lien avec une radiation survenue le jour même de l’élection, des permanences sont systématiquement organisées dans les tribunaux. Cela fut le cas à Évry-Courcouronnes, où le tribunal de proximité a enregistré 81 demandes de réinscription sur les listes électorales, alors qu’en temps normal, ce chiffre s’élève au maximum à une dizaine.

Ce volume, nettement supérieur aux prévisions habituelles, nous a contraints à adapter nos moyens. Alors que nous prévoyons, en principe, la mobilisation d’un magistrat et d’un greffier pour traiter une dizaine de dossiers, il a été nécessaire de mobiliser, voire de redéployer, d’autres fonctionnaires et magistrats afin d’accueillir convenablement les électeurs concernés et de répondre aux sollicitations formulées. Malgré ces efforts, la volumétrie des demandes était telle qu’il n’a pas toujours été possible de les traiter intégralement sur le moment. Cela révèle une limite inhérente à un dispositif fondé sur des données historiques, qui ne permet pas, par défaut, une mobilisation étendue de l’ensemble du tribunal, ce qui serait sans doute excessif en l’absence d’alerte préalable. Néanmoins, dès lors que des signaux exceptionnels nous parviennent, nous avons la capacité de réagir avec réactivité et d’ajuster notre organisation. C’est précisément ce que nous avons fait à la suite de l’épisode d’Évry, en mettant en place un dispositif renforcé pour les scrutins ultérieurs. Si des demandes sont formulées de manière anticipée, nous pouvons donc dimensionner plus largement les moyens humains en mobilisant un plus grand nombre de greffiers et de magistrats.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous avez indiqué que, compte tenu du volume exceptionnel des demandes, il n’avait pas toujours été possible de traiter l’ensemble des requêtes formulées. Cela signifie, si je vous comprends bien, que certains électeurs se sont présentés vainement devant le tribunal dans l’espoir d’être réinscrits sur les listes électorales. Disposez-vous d’une estimation, même approximative, du nombre de personnes qui se sont ainsi retrouvées dans l’impossibilité d’exercer leur droit de vote ?

M. Roland de Lesquen. Je ne dispose pas du détail exact du nombre de personnes concernées. Des ajustements ont en revanche été mis en place par la suite dans le but d’éviter que de telles difficultés ne se reproduisent.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Avez-vous connaissance d’autres communes qui auraient pu être concernées ? Il m’a notamment été rapporté le cas de la commune de Vaulx‑en‑Velin, sans que je puisse, à ce stade, vérifier l’ampleur. Dans ce cas précis, il s’agirait de radiations opérées dans le cadre des commissions municipales avec, au sein d’un seul bureau de vote, près de 300 radiations simultanées. Si de telles radiations massives venaient à être ciblées, elles pourraient entraîner des conséquences significatives sur le processus électoral.

M. Roland de Lesquen. Il nous appartient de mettre en œuvre, en étroite concertation avec les chefs de cour et de juridiction, l’ensemble des dispositifs nécessaires pour garantir aux électeurs la pleine et entière possibilité d’exercer leur droit de recours dans les meilleurs délais.

S’agissant de la situation spécifique Vaulx-en-Velin, nous n’avons, à ce jour, reçu aucun signalement particulier ni aucune remontée d’information faisant état d’irrégularités lors des opérations de vote intervenues entre 2022 et 2024. Ce constat tend à confirmer que le phénomène n’a pas revêtu un caractère massif. Cela étant, nous demeurons pleinement mobilisés et disposons de la capacité d’intervenir avec réactivité dès lors qu’une difficulté nous est signalée.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi visant à supprimer la possibilité, pour les personnes détenues, de voter par correspondance à l’occasion des élections municipales et législatives. Cette mesure, qui semble avoir reçu l’assentiment du ministère, soulève toutefois un certain nombre d’interrogations fondamentales quant à l’effectivité du droit de vote des personnes incarcérées.

Nous nous trouvons en effet confrontés à une double problématique. D’une part, les personnes détenues ne sont pas nécessairement originaires de la commune dans laquelle elles purgent leur peine, ce qui rend leur inscription sur les listes électorales locales complexe. D’autre part, il convient de rappeler que la grande majorité d’entre elles conservent leurs droits civiques.

Dès lors, garantir leur participation aux scrutins municipaux et législatifs constitue un impératif démocratique auquel nous ne saurions nous soustraire. Quelle est donc la position précise du ministère sur la suppression du vote par correspondance pour les personnes détenues, qui représentait jusqu’ici un instrument important de facilitation de leur expression électorale ?

M. Clément Henry. La réforme instaurant le vote par correspondance pour les personnes détenues a été expérimentée pour la première fois à l’occasion des élections européennes de 2019, puis pérennisée à l’occasion des élections régionales et départementales de 2021. Avant l’introduction de ce dispositif, la participation électorale en détention demeurait extrêmement marginale. À titre d’exemple, seules 2 % des personnes incarcérées en capacité de voter avaient effectivement exercé ce droit lors de l’élection présidentielle de 2017.

Cette réforme a profondément modifié la donne, puisque le taux de participation électorale de la population carcérale a été multiplié par onze, atteignant 22,42 % lors des élections européennes de 2024. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs salué l’efficacité de ce mécanisme, tandis que la Cour des comptes en a souligné les effets bénéfiques en matière d’accessibilité au vote pour les personnes privées de liberté.

Ce dispositif a toutefois suscité, dès son origine, un certain nombre de questionnements, en particulier sur la prise en compte des suffrages exprimés. Il a été décidé que les votes des détenus seraient rattachés à la commune chef-lieu du département dans lequel se situe l’établissement pénitentiaire. Cette option a rompu avec deux principes structurants de la tradition électorale française. Tout d’abord, le lien entre le lieu de résidence de l’électeur et celui de la comptabilisation de son vote s’est trouvé rompu. Par ailleurs, les suffrages des détenus ont été concentrés dans des bureaux de vote avec lesquels ils n’avaient aucun lien. Cette configuration a généré une forme de surreprésentation électorale des personnes détenues dans certains chefs-lieux de départements, en particulier ceux accueillant des établissements pénitentiaires de grande capacité.

C’est précisément pour remédier à ces déséquilibres que la proposition de loi récemment adoptée par le Sénat a été déposée, afin d’envisager des modalités de vote alternatives susceptibles d’atténuer cet effet de concentration.

La version initiale de cette proposition de loi soulevait néanmoins d’autres difficultés, non pas tant sur le plan juridique ou de principe, mais en raison d’obstacles pratiques majeurs. Elle prévoyait en effet de rétablir un rattachement de l’électeur incarcéré à sa commune de domicile antérieure ou à celle d’un proche, ce qui aurait nécessité, pour l’administration pénitentiaire, de fournir à chaque détenu un matériel de vote strictement individualisé. Une telle exigence, à l’échelle nationale, s’avérait matériellement inapplicable.

La commission des lois du Sénat a donc recherché une solution d’équilibre. Elle propose de revenir aux modalités de vote antérieures pour les élections locales et législatives, tout en conservant le vote par correspondance pour les scrutins à circonscription nationale unique, à savoir l’élections présidentielle et les élections européennes.

M. Antoine Léaument, rapporteur. La question du vote des personnes détenues soulève indéniablement une problématique de fond, étroitement liée aux enjeux que notre commission d’enquête entend explorer, à savoir les phénomènes de non-inscription et les dynamiques de participation électorale.

Il est vrai que la réforme a permis d’amplifier de manière significative la participation électorale en détention, la multipliant par onze pour atteindre 22 %. Si ce taux demeure très inférieur à la moyenne nationale, il convient de rappeler que, dans un contexte où la participation générale peine elle-même à franchir le seuil des 50 %, ce résultat ne saurait être considéré comme négligeable.

Or la suppression du vote par correspondance, telle qu’envisagée par la proposition de loi, risque inévitablement d’entraîner un recul de la participation des personnes incarcérées. Une telle évolution soulève des interrogations fondamentales sur l’effectivité des droits civiques accordés à des individus qui, bien que privés de liberté, conservent pleinement leur citoyenneté. Le droit de vote constitue d’ailleurs un vecteur essentiel de maintien du lien avec la société et traduit une forme d’appartenance collective, dans la mesure où il permet à chacun de contribuer aux choix qui engagent la communauté nationale.

En tant que député d’une circonscription comprenant l’établissement pénitentiaire de Fleury-Mérogis, qui est le plus vaste d’Europe, je suis tout particulièrement attentif à cette problématique. Pour les élections législatives, les suffrages des personnes détenues à Fleury-Mérogis sont actuellement rattachés à la ville d’Évry, chef-lieu du département. Je comprends donc les difficultés que peut susciter une telle situation.

Je demeure néanmoins convaincu que la solution la plus conforme à l’esprit de nos institutions consisterait à permettre à chaque détenu de voter dans sa commune de rattachement. Nous devrions, me semble-t-il, approfondir les voies qui rendraient possible une telle participation, sans exclure le recours au vote par correspondance. Vous avez évoqué les contraintes matérielles qu’impliquerait la distribution personnalisée du matériel électoral en fonction de la commune de rattachement de chaque détenu. Bien que cette opération soit complexe, elle n’est peut-être pas si compliquée que ça à mettre en œuvre et mérite une analyse approfondie.

Il pourrait également être opportun d’envisager des dispositifs innovants, tels que l’impression locale des bulletins de vote. Une telle démarche impliquerait certes de s’écarter du principe d’uniformité des documents électoraux mais, si nous souhaitons sincèrement garantir le droit de vote aux personnes détenues, nous devons être prêts à explorer toutes les pistes.

Dès lors, disposez-vous de pistes de réflexion complémentaires à celles formulées dans la proposition de loi sénatoriale ?

M. Clément Henry. S’agissant de la question relative à la mise à disposition du matériel électoral, celle-ci relève de la compétence de nos collègues de la direction de l’administration pénitentiaire. Leur position s’est toutefois révélée catégorique quant à l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre un tel dispositif.

Il est par ailleurs incontestable que la réforme a permis une très forte hausse de la participation électorale des personnes incarcérées. Néanmoins, il demeure difficile de déterminer avec exactitude la part de cette progression qui découle exclusivement du changement législatif, par opposition à celle qui résulte des actions d’accompagnement mises en place dans les établissements pénitentiaires.

Il convient en effet de souligner que cette réforme a été intégrée aux modules de formation dispensés en détention, ce qui a permis une sensibilisation effective des personnes détenues aux enjeux électoraux, notamment par la présentation concrète du matériel de vote. Dès lors, un retour aux anciennes modalités ne permettrait pas, à lui seul, de tirer des conclusions certaines quant à l’évolution de la participation électorale.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Il me semble fondamental de rappeler que la réinsertion des personnes détenues constitue un objectif central de toute politique pénitentiaire, et que la participation électorale s’inscrit pleinement dans cette perspective. Du point de vue de l’idéal républicain qui est le mien, le droit de vote symbolise l’appartenance à la société, l’exercice concret de la citoyenneté et la capacité à participer à la prise de décision.

L’incarcération, à mes yeux, ne doit pas être envisagée comme une rupture définitive avec la vie sociale. Permettre aux personnes détenues de participer aux scrutins, c’est donc leur offrir une forme de continuité dans leur lien à la société et les aider à se réinscrire dans un avenir collectif.

Dans cette optique, il me semblerait opportun que le ministère de la justice intègre pleinement cette problématique au centre de son action, en lui conférant une place structurante. Je dois vous avouer, en toute franchise, que le traitement actuel de cette question me paraît peu satisfaisant. Il donne parfois le sentiment que les personnes incarcérées sont considérées comme des citoyens de second rang, dont les droits fondamentaux seraient négociables au gré des contraintes techniques.

Nous disposons aujourd’hui d’un dispositif qui a démontré son efficacité. Pourtant, face aux difficultés qu’il soulève et aux effets secondaires qu’il induit, la réponse proposée semble consister à en restreindre l’accès, plutôt qu’à chercher les moyens d’en garantir la pérennité tout en en corrigeant les limites. Je comprends naturellement les problématiques évoquées, notamment dans l’exemple que j’ai mentionné, où près de 3 000 détenus votent pour une autre commune, sans entretenir de lien réel ni avec Fleury-Mérogis, où ils sont incarcérés, ni avec Évry.

Dans cette perspective, la solution qui me paraîtrait la plus adaptée consisterait à développer le recours au vote par procuration, en dépit des enjeux qu’il soulève en matière de fiabilité et de contrôle. Ce mode de participation mériterait, selon moi, d’être exploré plus en profondeur, car il pourrait constituer une voie pertinente pour accroître la participation électorale en milieu carcéral.

M. Roland de Lesquen. L’organisation du vote en milieu carcéral constitue indéniablement un défi logistique majeur. La direction de l’administration pénitentiaire serait, à cet égard, plus à même de détailler avec précision les implications concrètes de ce processus et les contraintes qu’il suppose.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Je souhaite approfondir cette réflexion, car elle me paraît pertinente et pourrait se conjuguer avec d’autres aspects examinés par la commission d’enquête. Nous envisageons différentes modalités de vote, telles que le vote à distance, le vote électronique ou encore l’usage de machines à voter. À l’instar des Français établis à l’étranger, qui bénéficient du vote électronique en raison de leur éloignement des bureaux de vote physiques, il pourrait être envisageable d’adapter certaines modalités au contexte carcéral.

Je me permets de soulever cette question car votre réforme a démontré son efficacité en multipliant par onze la participation électorale grâce au vote par correspondance. Cette réflexion appliquée au milieu carcéral pourrait ainsi nous conduire à repenser plus largement les modalités de participation électorale pour le reste de la société.

M. Clément Henry. La modalité du vote par procuration demeure une possibilité. D’après les échanges que j’ai pu avoir avec mes collègues de la direction de l’administration pénitentiaire, l’enjeu consistant à encourager la participation électorale des personnes détenues est clairement identifié, tant sous l’angle démocratique que dans une perspective de réinsertion. Cet objectif reste une priorité affirmée du ministère de la justice et ne fait l’objet d’aucune remise en cause dans le cadre de la présente proposition de loi.

M. le président Thomas Cazenave. Monsieur le rapporteur, si vous souhaitez approfondir les modalités pratiques du vote en milieu carcéral dans le cadre des travaux de cette commission d’enquête, il serait sans doute opportun d’interroger directement la direction de l’administration pénitentiaire. Cela permettrait d’identifier avec précision les obstacles que vous avez évoqués et d’examiner la faisabilité d’autres modalités de vote à distance, notamment le vote par internet.

En dehors du cas particulier des personnes détenues, l’objectif de notre commission d’enquête est d’évaluer les conditions d’organisation des élections en France. À cet égard, considérez-vous que les derniers scrutins, voire ceux des années précédentes, se sont déroulés dans des conditions satisfaisantes ? Avez-vous identifié, dans le cadre de votre action, des difficultés ou des fragilités structurelles du processus électoral qui mériteraient l’attention particulière de notre commission ?

M. Roland de Lesquen. S’agissant des indicateurs dont nous disposons du côté des services judiciaires, le volume du contentieux des listes électorales constitue un élément d’appréciation particulièrement pertinent. Il permet de mesurer, à l’échelle nationale, l’évolution des difficultés rencontrées en lien avec les listes électorales. En 2017, lors des élections législatives, 20 119 contentieux des listes électorales ont été recensés. Pour le même scrutin en 2022, ce chiffre est tombé à 7 412, ce qui représente une diminution significative qu’il convient néanmoins de mettre en perspective avec les taux de participation, traditionnellement plus élevés pour les élections législatives.

À titre de comparaison, les élections européennes de 2019 ont donné lieu à 5 900 contentieux, tandis que les élections municipales de 2020, organisées dans le contexte particulier de la crise sanitaire, en ont généré 6 216. Ces deux scrutins, dont les taux de participation avoisinaient les 50 %, s’inscrivent ainsi dans une même fourchette de contentieux. La baisse marquée observée entre 2017 et 2022 mérite d’être soulignée, car elle reflète une régression notable du traitement des opérations électorales. Je ne suis pas en mesure, à ce stade, de vous communiquer les chiffres relatifs à l’année 2024, mais je pourrai vous les transmettre ultérieurement.

Quoi qu’il en soit, nos services ont la capacité de traiter un tel volume de contentieux et cet indicateur constitue à ce titre un signe encourageant quant au bon déroulement global des opérations électorales.

M. le président Thomas Cazenave. Il convient également de considérer l'autre aspect du contentieux, celui lié au bon déroulement des opérations de vote.

M. Clément Henry. Le contentieux afférent au contrôle des opérations de vote relève d’une compétence partagée entre le Conseil constitutionnel et les juridictions administratives. Le Conseil d’État tient à jour des statistiques relatives au volume de contentieux enregistré qui pourront, le cas échéant, être transmises à votre commission.

Il convient toutefois de souligner que le lien entre le volume du contentieux et la qualité du déroulement des opérations électorales n’est pas nécessairement corrélatif. En d’autres termes, une augmentation du nombre de recours ne saurait être interprétée de manière systématique comme le signe d’une dégradation des conditions dans lesquelles s’est déroulé le scrutin.

Sur le plan qualitatif, le juge électoral exerce une fonction particulière, distincte de celle du juge administratif ordinaire. Sa mission consiste à examiner les irrégularités alléguées par les requérants, sans que cela implique une sanction automatique pour chaque manquement constaté. Le rôle du juge électoral repose en effet sur une mise en balance entre la gravité de l’irrégularité qui pourrait être constatée et son incidence présumée sur le résultat du scrutin. Ainsi, lorsqu’un écart important est constaté, une irrégularité substantielle peut ne pas suffire à remettre en cause la validité de l’élection. À l’inverse, dans les cas où l’écart est minime, une irrégularité même minime, dès lors qu’il est prouvé qu’elle a pu bénéficier au candidat proclamé vainqueur, est susceptible de justifier l’annulation du scrutin.

Le juge procède donc à une analyse fine, portant non seulement sur la véracité de l’irrégularité invoquée, mais également sur l’identification du candidat qui en a tiré avantage et sur l’évaluation de ses effets potentiels sur l’issue du vote. Dans certains cas, cette analyse permet d’établir avec certitude l’identité du candidat effectivement élu. Dans d’autres hypothèses, lorsque la sincérité du scrutin se trouve altérée, le juge n’a pas d’autre solution que de décider d’annuler l’élection, imposant ainsi la tenue d’un nouveau scrutin.

En conclusion, le contentieux électoral se caractérise par un contrôle juridictionnel approfondi et nuancé, garantissant à la fois la sincérité des opérations électorales et l’effectivité du droit au recours des citoyens.

M. le président Thomas Cazenave. Je souhaite approfondir la question du contentieux électoral. Nos auditions ont mis en lumière de nouveaux risques liés à la manipulation d'informations, aux ingérences étrangères ou à l'influence des réseaux sociaux. Dans ce contexte, la diffusion de fausses informations et le rôle des réseaux sociaux apparaissent-ils comme des motifs de saisine croissants ou significatifs du point de vue du juge électoral ?

M. Clément Henry. Je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse précise sur ce point et ne suis pas certain que des données soient disponibles pour répondre à la question que vous évoquez. En l’état actuel, notre système statistique permet de classer les requêtes en fonction de l’objet de la demande, mais non en fonction des moyens invoqués. Une analyse plus fine, dépassant le simple traitement statistique, serait donc nécessaire pour répondre de manière satisfaisante à votre interrogation.

Cela étant, ce type d’allégations occupe une place importante dans le contentieux électoral, en particulier dans le cadre des élections locales. Le juge est assez fréquemment amené à se prononcer sur des irrégularités alléguées portant sur des propos tenus à l’encontre d’un autre candidat, notamment sur les réseaux sociaux, ou sur la diffusion d’informations inexactes. Même si nous ne disposons pas, à ce jour, de données chiffrées précises sur ce sujet, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un thème récurrent dans le contentieux électoral.

M. le président Thomas Cazenave. Vous indiquez donc que nous ne disposons pas actuellement de moyens pour objectiver ces éléments dans le suivi du contentieux.

M. Roland de Lesquen. Il convient de rappeler que le volume global du contentieux électoral demeure relativement limité. S’agissant des élections législatives, il est question de quelques centaines de recours au maximum. Cette base statistique restreinte limite d’emblée la portée d’une analyse.

Par ailleurs, l’évolution du contentieux électoral dépend davantage de l’écart de voix entre les candidats que d’autres variables. Ce facteur joue un rôle déterminant dans l’appréciation contentieuse, ce qui rend délicate toute tentative de modélisation statistique fiable à partir de grands volumes de données.

M. le président Thomas Cazenave. Pour conclure sur la question du contentieux, les machines à voter font-elles l'objet de contentieux réguliers et significatifs ?

M. Clément Henry. Je ne dispose pas d'informations sur ce sujet mais vais examiner la possibilité de vous les communiquer ultérieurement.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur les chiffres relatifs au contentieux des listes électorales que vous avez mentionnés, à savoir 20 119 contentieux en 2017 contre 7 412 en 2022. Vous avez justement rappelé qu’une augmentation du contentieux ne traduit pas nécessairement une dégradation de la qualité du scrutin. À l’inverse, une diminution ne reflète pas de manière automatique une amélioration.

Comment expliquez-vous une telle différence, le nombre de contentieux ayant été presque divisé par trois ? L’année 2017 présentait-elle, selon vous, des caractéristiques particulières ? Et si tel est le cas, pour quelles raisons précises ?

M. Roland de Lesquen. Je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse précise quant à l’écart observé. Il est toutefois intéressant de relever une forme de stabilisation du contentieux des listes électorales autour de 6 000 cas, notamment à l’occasion des élections municipales de 2020 et des élections européennes de 2019.

Cet indicateur ne semble pas directement corrélé à la qualité de l’organisation des élections, même si le contentieux des listes électorales paraît davantage refléter l’organisation matérielle des scrutins que le contentieux électoral au sens strict. Ces variations ne semblent pas liées aux résultats des élections, mais plutôt aux modalités de leur organisation.

Il est possible que certains facteurs, tels que des dates de recensement différentes, aient contribué à faire évoluer les chiffres observés en 2017.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Le renouvellement important du personnel politique pourrait être un facteur explicatif. Un plus grand nombre de personnes ayant perdu des élections qu'elles avaient l'habitude de remporter, notamment au premier tour où la multiplicité des listes est plus importante, pourrait avoir contribué à cette situation. Il s’agirait là d’un point méritant une analyse plus approfondie.

Concernant les commissions de propagande, leur fonctionnement est perçu comme étant parfois opaque et source de stress pour les candidats. Il y a également la question de la potentielle disparité de traitement entre les différentes circonscriptions. Comment garantissez-vous le respect d'une uniformité dans les rendus de ces commissions sur l’ensemble du territoire ?

M. Roland de Lesquen. Il convient de rappeler que les 20 000 cas recensés en 2017 ne représentaient que 0,05 % des 45 millions d’électeurs inscrits, ce qui constitue un indicateur rassurant quant à l’intégrité du processus.

S’agissant des commissions de propagande et de contrôle des opérations de vote, les magistrats y jouent un rôle déterminant pour contrebalancer la place centrale occupée par le pouvoir exécutif dans l’organisation des scrutins. Le magistrat intervient en effet comme un observateur actif, garant du bon déroulement des opérations. Il convient toutefois de rappeler que le ministère de l’intérieur demeure le principal acteur de l’organisation électorale, et notamment des commissions de propagande.

M. Antoine Léaument, rapporteur. La présence de deux pouvoirs distincts au sein de ces commissions contribue en effet à renforcer l’efficacité et la crédibilité du processus. Toutefois, ma question portait plus spécifiquement sur la prise de décision finale. À la lumière de vos explications, j’ai cru comprendre que les décisions rendues par les commissions de propagande n’étaient pas réellement prises de manière collégiale. En définitive, l’administration disposerait-elle du dernier mot dans ce processus ?

M. Roland de Lesquen. Peut-être me suis-je mal exprimé. Nous considérons que la participation des magistrats au sein de ces commissions constitue une véritable valeur ajoutée. Bien que leur rôle puisse, à certains égards, paraître plus restreint que celui des agents préfectoraux, il revêt néanmoins un caractère nécessaire en contribuant à garantir le plus haut degré d’impartialité et de neutralité dans le déroulement du processus.

Les décisions sont, dans la pratique, prises de manière assez consensuelle et collective.

M. le président Thomas Cazenave. S’agissant de l’harmonisation des pratiques au sein des commissions électorales, je comprends que le magistrat y joue un rôle important, tout en demeurant un membre parmi d’autres de la commission. La question soulevée concerne les disparités constatées d’une circonscription à l’autre, notamment en matière d’utilisation des couleurs dans le matériel électoral. Existe-t-il, à cet égard, une coordination entre le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur visant à harmoniser les pratiques des commissions électorales au niveau départemental ?

M. Roland de Lesquen. Ces commissions interviennent effectivement à l’échelle départementale voire, dans certains cas, à un niveau plus local, ce qui peut entraîner des appréciations un peu différenciées d’un territoire à l’autre. Il est vrai que les magistrats appelés à y siéger disposent généralement d’une spécialisation moindre sur ces sujets que les agents des préfectures.

Bien qu’il n’y ait pas de dispositif de péréquation à proprement parler, il existe un corpus jurisprudentiel applicable de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. Le rôle du magistrat consiste précisément à veiller au respect de ces règles de droit et de jurisprudence. Cependant, la justice, parce qu’elle est exercée par des êtres humains, ne saurait prétendre à l’infaillibilité.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Une problématique récurrente pour les candidats à une élection réside dans l’usage des couleurs bleu, blanc et rouge. Tous sont confrontés à la question de savoir si la combinaison de leur tenue vestimentaire pourrait être interprétée, même involontairement, comme une représentation du drapeau tricolore.

En pratique, les commissions de propagande semblent concentrer leur attention sur l’éventuelle présence du drapeau national dans les documents de campagne. La réglementation actuelle, qui interdit l’usage de ces couleurs dans les supports de campagne, suscite ainsi de légitimes interrogations. Avez-vous envisagé, dans ce contexte, d’élaborer des directives nationales à destination des magistrats siégeant au sein de ces commissions ?

M. Roland de Lesquen. Nous pourrions effectivement relayer certaines indications ou vade-mecum relatifs à l’organisation des élections. Il nous paraît toutefois préférable que le ministère de l’intérieur demeure l’unique interlocuteur en la matière, notre rôle se limitant à transmettre aux magistrats les précisions contenues concernant l’interprétation des nuances de couleurs utilisées dans les documents de propagande.

Notre position est de ne pas intervenir directement dans ce processus, précisément afin d’éviter toute source de confusion, car la multiplication des acteurs risquerait d’induire des divergences d’appréciation sur le territoire national. Nous demeurons néanmoins pleinement disposés à jouer un rôle de relais entre les vade-mecum, le ministère de l’intérieur et les magistrats.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Permettez-moi de souligner une forme de contradiction dans vos propos. Après avoir insisté sur l’importance de la présence des magistrats au sein des commissions, précisément pour garantir un équilibre entre les pouvoirs, vous indiquez à présent que les directives devraient émaner exclusivement du ministère de l’intérieur, au nom de l’efficacité administrative.

Ma question s’inscrit dans un cadre plus large. Il est fréquent de constater d’importantes disparités dans la validation du matériel électoral d’une circonscription à l’autre, alors même que les documents soumis sont similaires dans leur contenu. Une telle situation engendre, de manière incontestable, une forme de confusion chez les candidats aux élections législatives.

M. le président Thomas Cazenave. Alors même que des efforts considérables sont déployés pour éviter toute confusion sur les bulletins de vote, certaines situations observées sur les panneaux d’affichage officiels apparaissent paradoxales. Il n’est en effet pas rare d’y voir plusieurs affiches comportant la mention « votre député », alors même que les candidats en question ne sont pas encore élus. Cette pratique est de nature à induire en erreur une partie de l’électorat.

M. Roland de Lesquen. Pour clarifier ma position à l’égard des commissions de propagande, il n’est nullement question de remettre en cause l’indépendance des magistrats. La transmission d’éléments d’information ne saurait en aucune manière porter atteinte à leur impartialité ni à leur indépendance. Notre intention est simplement de leur fournir des ressources complémentaires, qu’ils demeurent parfaitement libres d’utiliser ou non.

Si la DSJ n’a pas vocation à adresser des consignes aux magistrats, elle peut en revanche leur proposer des outils d’aide à la décision, destinés à nourrir leur réflexion et à éclairer leurs délibérations.

M. le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour les informations que vous nous avez communiquées en séance ainsi que pour les compléments que vous ne manquerez pas de nous faire parvenir afin d'enrichir la documentation à disposition de notre commission.

 

La séance s’achève à seize heures.


Membres présents ou excusés

 

Présents.  M. Thomas Cazenave, M. Antoine Léaument, M. Stéphane Rambaud