Compte rendu

Groupe de travail sur le développement durable de l’Assemblée nationale

 Audition de Mme Valérie Fasquelle, directrice générale du système d’information, M. Luc Caissial, directeur adjoint de l’informatique et des télécommunications et Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur de la Banque de France              2

– Audition de M. Jean-Eric Lebelt, directeur des systèmes d’information et de M. Damien Desmicht, ingénieur informaticien 7

 

 


Mardi 18 février 2025

Séance à 9 heures

Compte rendu n° 3

 

Présidence de

Mmes Sandrine Le Feur et Christine Pirès-Beaune,

Co-rapporteures


  1 

La séance est ouverte à 9 heures.

Le groupe de travail sur le développement durable de l’Assemblée nationale a entendu Mme Valérie Fasquelle, directrice générale du système d’information, M. Luc Caissial, directeur adjoint de l’informatique et des télécommunications et Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur de la Banque de France.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Dans le cadre de sa réflexion sur l’amélioration des pratiques d’acquisition du matériel informatique et de gestion du stockage des données numériques, le groupe de travail a souhaité entendre des représentants de la Banque de France ainsi que les responsables des systèmes d’information de l’Assemblée nationale.

Comment la Banque de France gère-t-elle le stockage de ses données sous l’angle de la sécurité et de la consommation d’énergie ? Le stockage est-il entièrement internalisé ou est-il assuré en collaboration avec des tiers ? Quelle est la politique d’archivage des e-mails ? Des outils moins consommateurs d’énergie que le courriel sont-ils utilisés ou envisagés ? La consommation d’énergie occasionnée par le stockage des données fait-elle l’objet d’un suivi ? Des mesures ont-elles été prises pour la réduire ?

Mme Valérie Fasquelle, directrice générale du système d’information de la Banque de France. La direction générale du système d’information gère toutes les briques d’infrastructure technique qui sous-tendent l’informatique ainsi que les applicatifs métiers utilisés par la Banque de France, dont le mandat va de la politique monétaire aux paiements en passant par la supervision bancaire, les études et le soutien à l’économie. Tous les processus informatiques que nous développons sont mis au profit de la collectivité des utilisateurs.

M. Luc Caissial, directeur adjoint de l’informatique et des télécommunications. La direction de l’informatique et des télécommunications gère les infrastructures techniques informatiques, y compris les serveurs et les data centers, qui permettent l’exploitation du système d’information. Nous sommes le bras armé opérationnel de la cybersécurité.

Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du gouverneur de la Banque de France. Je m’occupe de la législation qui concerne la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Mme Valérie Fasquelle. Deux convictions structurent nos pratiques opérationnelles en matière d’efficience énergétique.

La première est que la sobriété numérique – aussi appelée numérique responsable – constitue une action à part entière de notre stratégie. Elle est incluse dans le plan stratégique de la Banque de France depuis 2021 et se traduit par une feuille de route pluridisciplinaire qui combine un volet environnemental et un volet sociétal, l’intersection entre ces deux volets étant matérialisée par les modes de travail et par l’intégration de critères extra-financiers dans la stratégie de la banque.

Cette vision holistique est pionnière parmi les banques centrales. Elle repose sur quatre piliers : adapter les usages et les modes de travail en encourageant les collaborateurs à utiliser les techniques de l’information et les innovations technologiques ; adopter des pratiques de sobriété et de durabilité dans l’ensemble des usages ; maîtriser l’empreinte environnementale des systèmes d’information, ce qui implique de la calculer ; promouvoir l’image numérique responsable de la Banque de France par des actions hors les murs.

Notre deuxième conviction est que le monde est confronté à trois défis principaux : l’innovation technologique, la souveraineté du stockage et de l’exploitation des données et la cybersécurité, qui ne vont pas toujours dans le sens de la sobriété énergétique. C’est pourquoi nous nous appuyons sur les ressources informatiques les plus pertinentes pour sécuriser l’accès aux données et ne pas entraver l’innovation, tout en restant aussi numériquement sobres que possible.

La clé de voûte de notre approche tient à la sensibilité de la donnée manipulée – son accès, son usage, son transfert. Nous avons adopté en la matière une stratégie hybride : toute donnée non publique, soit 90 % du total, est hébergée dans un cloud interne situé dans les murs de la Banque de France et placé sous sa maîtrise complète ; à cette fin, nous exploitons deux centres informatiques hautement sécurisés dont nous sommes propriétaires et qui représentent 70 % de l’énergie primaire consommée par le système informatique de la Banque de France. Les données publiques, quant à elles, peuvent être hébergées dans le cloud public avec des solutions du type software as a service.

M. Luc Caissial. Les centres informatiques consomment 70 % de l’énergie dépensée pour l’informatique. Cela représente 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre de la Banque de France.

La sobriété numérique était inscrite dans le projet de construction des deux centres informatiques, dont l’appellation initiale était PIHPE – plateau informatique à haute performance environnementale – et qui ont été certifiés haute qualité environnementale (HQE). Nous avions à l’époque signé le code de conduite pour l’efficience énergétique des data centers de l’Union européenne, qui résume les bonnes pratiques de gestion et de construction des centres informatiques. Il s’agit toutefois d’une sobriété relative, car ils consomment une importante quantité d’énergie.

Ces deux centres, qui se situent en région parisienne à une vingtaine de kilomètres l’un de l’autre, ont été construits au plus haut niveau de résilience prévu par les normes de construction de data centers. C’était un choix de notre part. Ils ont été livrés en 2013 et en 2016 et, de l’avis des visiteurs actuels, ils sont encore performants. Les données importantes sont répliquées intégralement et synchronisées en temps réel dans les deux centres ; chaque soir, nous faisons une sauvegarde supplémentaire, elle-même dupliquée, qui nous permet de revenir à la journée de la veille en cas d’incident cyber. Pour nous prémunir contre les chocs extrêmes, nous conservons une troisième copie de sauvegarde distante dans un data center de la banque centrale d’Italie, près de Rome.

Nous utilisons les technologies les plus récentes possible car elles consomment moins d’énergie. Ainsi, bien que la puissance de calcul et les volumes de données augmentent de manière quasi exponentielle, nous arrivons à maîtriser, voire à faire baisser notre consommation électrique.

Pour le cloud, nous avons recours à la virtualisation, une technique qui consiste à faire tourner plusieurs équipements logiques sur un même équipement physique afin d’augmenter le taux de consommation des ressources. En effet, un serveur physique tourne généralement à 5 ou 10 % de ses capacités ; en recourant à des serveurs virtuels, on parvient à un taux d’utilisation bien supérieur. Nous conservons cependant une marge pour éviter les problèmes de performance et gérer la bascule et la résilience.

Nous avons également prévu plusieurs classes de stockage, plus ou moins chères et plus ou moins résilientes, selon le caractère chaud ou froid de la donnée et les nécessités d’accès et de performance. Là encore, les systèmes de stockage modernes permettent une meilleure utilisation des disques durs par des mécanismes comme la déduplication : quand une même donnée est stockée deux fois, le deuxième accès est remplacé par un simple pointeur, ce qui permet de stocker un volume de données six à huit fois plus important.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Ces technologies sont-elles massivement employées dans le secteur informatique ?

M. Luc Caissial. Leur emploi est généralisé dans les grandes entreprises. Il existe trois ou quatre fournisseurs reconnus entre lesquels nous faisons jouer la concurrence pour obtenir le stockage le moins cher, suivant les règles du code des marchés publics.

En parallèle, nous proposons régulièrement des conférences, des formations et des actions de sensibilisation. Chaque agent de la Banque de France dispose sur le portail intranet d’un profil numérique affichant le nombre de courriels reçus et envoyés et le volume de données stockées sur sa messagerie, qui représentent les principaux leviers d’action à l’échelle individuelle. Son lancement a été accompagné d’un défi de réduction de l’espace consommé – lié à un objectif d’intéressement – qui a fait baisser de 15 % le stockage des courriels. Les messages de plus de cinq ans sont automatiquement supprimés et ceux de plus de deux ans sont archivés sur une plateforme de stockage moins chère, qui reste accessible à l’utilisateur.

La majorité du système informatique est hébergée en interne pour conserver la maîtrise des données. Néanmoins, nous faisons aussi appel à des tiers, sur un périmètre limité, pour des applications non essentielles comme la gestion de la formation ou des notes de frais, ces solutions massifiées étant plus efficientes. C’est ce que l’on appelle le software as a service. Le site institutionnel de la Banque de France et les applications internet destinées au grand public sont hébergés chez un tiers, Luminess, qui s’appuie sur l’offre de cloud souverain de Outscale, propriété de Dassault Systèmes. Les e-mails et les outils de collaboration reposent sur Microsoft 365. Nous menons quelques expérimentations avec Microsoft Azure, en mode sécurisé et sur des données sélectionnées.

La gouvernance des data centers est tripartite et rassemble les directions chargées du bâtiment, de l’informatique et de la sécurité.

Entre fin 2013, date de mise en service du premier centre, et fin 2021, la consommation des équipements informatiques a baissé de 13 % et la consommation globale des data centers de 46 % grâce à l’évolution des technologies de climatisation.

Mme Véronique Bensaid-Cohen. Nous nous tenons à la disposition du groupe de travail pour une visite de ces centres informatiques.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Le profil numérique destiné à sensibiliser les collaborateurs est une initiative intéressante.

M. Jimmy Pahun (Dem). La Banque de France abrite-t-elle le plus gros data center français ?

M. Luc Caissial. Non. Les plus gros se trouvent chez les fournisseurs d’accès aux télécoms ou au cloud. L’échelle n’est pas du tout la même.

Mme Christine Pirès Beaune, corapporteure. La formation des agents est-elle assurée en interne ou faites-vous appel à un prestataire ?

Mme Valérie Fasquelle. Nous assurons la formation en interne. Un pôle de sobriété numérique a été créé au sein de la direction informatique, en lien avec le pôle de la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Nous nous sommes fait accompagner de services externes pour les tâches les plus pointues, comme la méthodologie de calcul de l’empreinte environnementale.

La consommation énergétique de l’informatique est répartie entre trois postes : les data centers, le réseau qui assure l’envoi vers les sites de stockage et l’environnement individuel. Le profil numérique a été lancé en 2022 pour responsabiliser les utilisateurs dans leur usage du numérique, dont dépend le dimensionnement des ressources informatiques, par des indicateurs tangibles. Il a immédiatement eu du succès. Nous avons commencé par le nombre d’e-mails émis et reçus, puis par la sollicitation des imprimantes afin d’encourager l’usage du papier recyclé. Nous avons récemment mis au point une fenêtre pop-up qui demande de confirmer l’envoi du message en cas d’utilisation de la messagerie hors de la plage horaire conventionnelle, entre sept heures trente et dix-neuf heures trente, afin de limiter la dépendance des collaborateurs au numérique.

Mme Christine Pirès Beaune, corapporteure. Il est important de faire valoir le droit à la déconnexion.

Mme Valérie Fasquelle. Le profil numérique affiche également des recommandations générales sur les bonnes pratiques, comme celle qui consiste à inclure un lien dans le message plutôt que d’envoyer une pièce jointe.

M. Jean-Éric Lebelt, directeur des systèmes d’information de l’Assemblée nationale. Nos préoccupations sont très voisines des vôtres, bien que nous soyons une structure infiniment plus petite. Nous avons pour spécificité de gérer des populations multiples ; on ne répond pas de la même manière aux besoins des députés, des collaborateurs et des services. Nous sommes contraints d’adopter une approche moins globale.

Cela étant, les solutions techniques que nous proposons sont très proches de celles de la Banque de France. En effet, les pratiques relatives aux équipements informatiques se sont généralisées.

Nous utilisons une méthode traditionnelle qui consiste à inciter régulièrement les utilisateurs à adopter de bonnes pratiques. Nous pourrions nous inspirer de la politique de la Banque de France en matière de profil numérique. Signaler à l’utilisateur l’impact de ses habitudes de travail sur la consommation énergétique serait une bonne idée. La question est de savoir si, pour en prendre connaissance, les utilisateurs doivent se connecter à leur profil ou si cela fait l’objet d’e-mails – ce qui pourrait aggraver le problème…

Mme Véronique Bensaid-Cohen. Depuis que j’ai un profil numérique, que je consulte régulièrement à partir de mon espace RH, j’ai pris conscience du fait que j’ai trop de courriels, ainsi que des moments où j’en envoie en dehors des plages horaires définies dans le cadre du droit à la déconnexion.

Mme Valérie Fasquelle. Cette démarche de responsabilisation a pour intérêt d’attiser la curiosité. La difficulté est de rendre l’usage du numérique concret pour les utilisateurs.

Connaître l’espace de stockage des données bureautiques utilisé ouvre des perspectives intéressantes pour l’utilisateur qui n’a pas accès facilement à ces données, alors qu’il peut faire des statistiques sur le nombre d’e-mails envoyés par semaine. Au-delà de la messagerie, l’idée est de connaître les applications utilisées et le coût associé à cette utilisation.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Mesurez-vous l’impact de cet important stockage de données ?

Mme Valérie Fasquelle. Nous mesurons l’environnement utilisateur, qui est composé des éléments informatiques à la disposition de l’utilisateur – ordinateur individuel, smartphone –, des impressions réalisées et du volume de données stockées dans les ressources bureautiques partagées.

Je présente régulièrement au comité de direction les statistiques sur le nombre d’e-mails échangés dans chaque direction générale, ce qui permet de dégager une tendance. L’analyse du nombre d’e-mails est insuffisante : il faut également tenir compte des pièces jointes et de leur volume. Nous accompagnons, en diffusant des bonnes pratiques, chaque unité de la Banque de France, les groupes d’utilisateurs ou les syndicats pour rendre leur communication la plus sobre possible, afin que le poids total de l’e-mail soit le plus réduit possible.

S’agissant du volume de stockage, nous avons réalisé quelques campagnes où nous avons classé les utilisateurs selon leur consommation. Le top management y est souvent représenté : les VIP bénéficient donc d’un accompagnement plus personnalisé afin de trouver des solutions adaptées à leurs contraintes de travail. Des messages d’alerte sont envoyés, notamment pour signaler que l’espace de stockage sera bientôt saturé et proposer des solutions pour en libérer.

Notre démarche n’est pas punitive, mais vise à responsabiliser la personne et à lui faire prendre conscience du fait que l’utilisation des produits bureautiques a un coût pour la Banque de France. Nous essayons de mailler progressivement la chaîne de responsabilité.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Utilisez-vous la grande quantité d’énergie dégagée ?

Mme Valérie Fasquelle. Oui, pour chauffer des bâtiments.

M. Luc Caissial. Depuis 2016, nous récupérons le surplus d’énergie dégagée par le data center installé dans le centre administratif de Noisiel, qui héberge également 800 agents de la Banque de France, ce qui permet de couvrir presque intégralement la facture de chauffage de l’ensemble du site.

La technologie a évolué et permet de réaliser des gains. Nous renouvellerons prochainement des infrastructures lourdes, dans le cadre du respect du guide fixant les bonnes pratiques.

M. Jean-Éric Lebelt. Nos deux salles informatiques – situées l’une dans les locaux de l’Assemblée nationale, l’autre en banlieue – sont très petites. Dans la salle de l’Assemblée, nous sommes contraints de maintenir une température idéale ; l’été, il faut la refroidir considérablement. L’énergie qu’elle dégage est négligeable.

M. Luc Caissial. Désormais, la température du data center est de 22 degrés au lieu de 18, ce qui entraîne des économies sur la facture d’électricité.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Merci de cet échange sur vos bonnes pratiques, dont nous nous inspirerons.

*

Le groupe de travail a ensuite entendu M. Jean-Eric Lebelt, directeur des systèmes d’information et M. Damien Desmicht, ingénieur informaticien.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Monsieur Jean-Éric Lebelt, monsieur Damien Desmicht, pouvez-vous nous éclairer sur la politique de gestion des données, notamment ses conséquences en matière d’économie d’énergie, ainsi que sur la politique d’acquisition des équipements informatiques de l’Assemblée, en particulier ceux mis à disposition des députés – portables, tablettes, équipements fixes ? Quelles mesures sont envisagées en cas de renouvellement de l’Assemblée pour limiter le remplacement des équipements ?

M. Jean-Éric Lebelt. La DSI de l’Assemblée nationale n’est pas comparable à la direction générale du système d’information de la Banque de France. Néanmoins, nous sommes soumis à la même injonction contradictoire : nous devons répondre à la demande croissante de nouveaux services plus performants tout en essayant de limiter notre consommation énergétique afin d’être le plus sobres possible.

Nous le constatons dans le cadre des deux projets relatifs à l’intelligence artificielle (IA). Le premier vise à faciliter l’établissement des comptes rendus des commissions grâce à un outil qui permet d’établir un verbatim et de faire une première synthèse. Le second vise à automatiser le traitement des amendements en détectant les amendements identiques, en résumant les amendements et en leur donnant un titre. Ces projets, destinés à permettre des gains de productivité et d’efficacité, ont pour contrepartie un très gros stockage de données et nécessitent une évolution des modèles.

La DSI est au service de 5 000 utilisateurs, tous profils confondus – députés, collaborateurs, personnel. Elle gère 4 000 postes informatiques et 500 serveurs. Par ailleurs, 1 000 bornes wifi sont installées dans les locaux de l’Assemblée ; ce nombre élevé s’explique par la configuration des locaux qui rend difficile la propagation des ondes. L’Assemblée dispose de deux salles informatiques – vu leur dimension modeste, on ne parle pas de centre de données –, l’une à l’Assemblée nationale, et l’autre en région parisienne, exploitée par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Notre parc applicatif comprend quarante-neuf applications législatives, un important système de gestion comptable et financier, et des applications spécifiques visant à assurer la sécurité des personnes, des bâtiments et du réseau informatique.

Historiquement, en vertu de la politique de protection de la souveraineté de l’Assemblée, nous ne faisons pas appel – ou de manière exceptionnelle – à des prestataires de services pour le stockage des données. Cela étant, nous utilisons le système Microsoft pour les messageries.

Une centaine de personnes travaillent à la DSI. Les missions d’assistance aux utilisateurs sont externalisées, de même que les prestations de tierce maintenance applicative et de développement sur les logiciels du commerce que nous utilisons, à savoir les applications de gestion. Tant la maintenance que le développement des applications relatives à notre cœur de métier – amendements, comptes rendus, système de vote – sont gérés en interne.

Les évolutions récentes de la DSI résultent de deux facteurs. D’abord, la dématérialisation des processus, qui a débuté dans les années 2000 par celle des amendements. Désormais, l’accueil des députés est également dématérialisé. Prochainement, les députés pourront modifier eux-mêmes sur le portail numérique leurs données personnelles et les congés de leurs collaborateurs, des démarches qui étaient très consommatrices de papier.

Le second facteur d’évolution est le covid. Il a entraîné le développement du travail à distance, ce qui nous a conduit à remplacer les ordinateurs fixes, dont bénéficiaient les députés et les services, par des ordinateurs portables, dont la consommation d’énergie est inférieure de 20 % à celle des ordinateurs fixes. Cette consommation énergétique moindre durant la durée de vie de l’appareil – cinq ans – compense un coût d’achat plus élevé.

Par ailleurs, nous avons pris une série de mesures qui ont un impact environnemental direct dans le cadre de la politique d’achat. Ainsi, conformément à la législation en vigueur, les marchés publics de l’Assemblée nationale comportent des clauses environnementales. Parmi les critères d’attribution sont prises en compte les mesures de responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise. Par exemple, le dernier marché de fourniture des équipements de production, attribué en 2023, prévoyait des évaluations spécifiques concernant le rendement des alimentations électriques, le dégagement calorifique, la durée de disponibilité des pièces détachées, la quantité de papier recyclé et la capacité de recyclage. Ce critère représentait 10 % de la note totale.

Les cahiers des charges prévoient des dispositions spécifiques s’agissant des livraisons, des emballages et de l’écoconception. Les marchés des centrales d’achat auxquels l’Assemblée est éligible respectent également ces exigences.

En outre, nous gérons de manière rationalisée le renouvellement du matériel. Nous allongeons la durée de vie des équipements en fonction de leur usage et de leur performance. Les matériels bureautiques, en particulier les ordinateurs portables, sont conservés pendant cinq ans – la durée d’une législature. Au-delà, les interventions réalisées sur un matériel vieillissant sont plus fréquentes et le coût de la maintenance plus élevé.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Qu’est devenu le matériel utilisé lors de la précédente législature ?

M. Jean-Éric Lebelt. La précédente législature n’est pas allée jusqu’à son terme. Les députés qui n’ont pas été réélus ont dû restituer les deux ordinateurs portables et la tablette remis, qui étaient la propriété de l’Assemblée. Du matériel neuf a été fourni aux nouveaux députés. Conformément aux règles déontologiques, le député qui avait acquis un équipement avec sa DMD (dotation matérielle des députés) pouvait soit le rendre à l’Assemblée, soit le donner à condition d’acquitter un montant correspondant à la valeur du bien amorti ou le vendre. Nous proposerons aux questeurs de reconditionner le matériel récent qui a été rendu à l’Assemblée afin de le proposer à la vente aux députés ou de remplacer du matériel obsolète dans les services.

Les écrans sont généralement conservés pendant dix ans. Les serveurs sont conservés au minimum pendant sept ans en production. Ils sont ensuite plus susceptibles de tomber en panne ; ils sont donc utilisés pour réaliser des tests. Les matériels réseau sont conservés une dizaine d’années.

Pour assurer la maintenance des équipements les moins critiques, nous faisons appel à des prestataires spécialisés plutôt qu’au constructeur. D’une part, cela coûte moins cher ; d’autre part, les prestataires spécialisés conservent des pièces de rechange dans leur stock, ce qui permet de maintenir plus longtemps en vie les équipements.

Nous réfléchissons à une réduction du parc. D’une part, nous ne donnons plus systématiquement les deux ordinateurs portables et la tablette tactile aux députés nouvellement élus ; nous nous renseignons d’abord sur leurs besoins. Lorsque la liasse d’amendements a été dématérialisée, les députés ont été équipés d’une tablette tactile pour suivre la discussion des amendements en séance – à l’époque, ils n’avaient pas d’ordinateur portable. Désormais, la plupart des députés utilisent leur ordinateur portable ou leur téléphone. Nous leur demandons donc en amont s’ils utiliseront la tablette tactile. Le stock de tablettes disponibles est donc restreint : s’ils demandent une tablette, ils devront attendre une dizaine de jours avant de l’obtenir.

D’autre part, les imprimantes individuelles sont devenues l’exception ; elles n’existent plus dans les services et ne sont plus installées dans les bureaux des députés. En principe, les impressions se font sur les copieurs d’étage. Les députés qui souhaitent absolument disposer d’une imprimante individuelle peuvent choisir une imprimante noir et blanc dans le catalogue de l’Assemblée. Ils peuvent acquérir une imprimante couleur par leurs propres moyens ; le catalogue de l’Assemblée n’en propose pas en raison de leur impact environnemental et du coût élevé des cartouches d’encre.

Mme Christine Pirès Beaune, corapporteure. Avez-vous chiffré les économies réalisées en matière d’impression ces dernières années ?

M. Jean-Éric Lebelt. Je ne saurais pas vous en donner le montant, car les consommables d’imprimante ne relèvent pas de la DSI, mais de la direction de la logistique parlementaire.

M. Damien Desmicht, ingénieur informaticien. Tout comme les copieurs d’étage.

M. Jean-Éric Lebelt. Récemment, nous avons créé des outils de suivi de la flotte d’équipements. Si un équipement n’a pas été connecté à nos réseaux depuis plusieurs mois, nous pouvons désormais prendre contact avec l’utilisateur pour nous assurer qu’il lui est toujours utile. Cela nous a permis de récupérer certains appareils pour les sortir du parc ou pour les attribuer à d’autres utilisateurs, selon leur état. Nous ne pouvons pas encore chiffrer les économies ainsi réalisées.

Nous optimisons également la consommation énergétique du matériel bureautique et des moyens d’impression, grâce à un système de veille qui s’enclenche automatiquement au bout d’un certain temps d’inactivité. Nous ne saurions pas chiffrer les économies permises, car nous ne gérons pas l’approvisionnement en électricité, mais elles sont importantes.

À l’achat, nous favorisons un matériel peu énergivore. En outre, nous virtualisons nos serveurs : là où, autrefois, un appareil – voire deux, pour assurer une sauvegarde – était nécessaire pour chaque serveur, désormais un même équipement peut héberger plusieurs serveurs, ce qui libère de l’espace dans nos salles informatiques et limite la consommation de ressources.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Ne pourriez-vous pas proposer exclusivement des ordinateurs et des téléphones reconditionnés ? Les députés qui préféreraient un matériel neuf l’achèteraient eux-mêmes, grâce à la DMD.

M. Jean-Éric Lebelt. Nous avions envisagé cette possibilité, qui est tentante. Finalement, sous réserve que les questeurs donnent leur accord, nous nous contenterons, comme je l’ai expliqué, de reconditionner le matériel qui n’a pas été amorti, avant de le proposer sur catalogue.

Nous sommes prudents en matière de reconditionné, car c’est une loterie : si certains équipements ont très peu servi, d’autres ont vécu et posent des difficultés de maintenance, de récupération et de gestion en raison desquelles ils seraient très consommateurs de ressources et insatisfaisants pour les utilisateurs.

Nous pourrions donner davantage de marge aux députés, en réduisant encore la dotation initiale, voire en la supprimant. Les élus choisiraient eux-mêmes, sur catalogue, du matériel neuf ou reconditionné.

Quant aux téléphones, les députés peuvent déjà choisir des modèles reconditionnés, car ce marché n’est plus géré par l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, nous recourons au data center de la DGGN, comme d’autres acteurs publics, afin d’économiser l’énergie.

Pendant la suspension des travaux, les serveurs liés à la séance publique sont désormais éteints et les écrans de l’hémicycle sont coupés – c’est une mesure gadget au vu de son impact, mais qui a des vertus symboliques.

Pour nos besoins génériques, nous recourons autant que possible à des moyens mutualisés ou à des progiciels. Nous évitons ainsi d’avoir à assumer le coût du développement de produits et de la création d’infrastructures. Les gains semblent minimes, mais, mis bout à bout, ils ne le sont pas.

Nous ne nous interdisons pas le recours au cloud, pour des applications périphériques et les données publiques.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. Je ne sais pas où trouver de guide de bonnes pratiques pour l’informatique.

Quels liens entretenez-vous avec le comptoir du numérique ?

M. Jean-Éric Lebelt. Le comptoir du numérique dépend de la DSI. Nous l’avons créé pour nous rapprocher des députés et de leurs collaborateurs, et diffuser les bonnes pratiques, y compris en matière de sécurité numérique.

La diffusion de l’information est le cœur du problème. Nous évitons autant que possible de passer par les messageries, qui sont saturées. Nous privilégions les sites intranet, mais ils sont peu consultés et l’information y est parfois difficile à trouver. Paradoxalement, ce qui est le plus efficace, c’est le format papier, le fait de déposer des dépliants ou des manuels sur le bureau des députés.

Pour l’instant, nous demandons aux intendants d’immeuble de rappeler qu’il convient, lorsque l’on quitte son bureau, non seulement de fermer les fenêtres, d’abaisser les stores et d’éteindre les lumières, mais aussi d’éteindre son ordinateur et son imprimante – mais je crains que les usagers ne retiennent que la première partie du message.

Nous sommes en tout cas d’accord pour dire que nous devons fournir un effort de communication concernant les bonnes pratiques. La création d’un poste d’accompagnateur de la conduite du changement au sein de la DSI nous permettra d’aborder ces questions avec un œil plus professionnel.

Mme Sandrine Le Feur, corapporteure. De simples affichettes peuvent être marquantes – je pense à celles concernant la prévention de l’obésité ou du diabète, disposées dans les ascenseurs. Pourquoi ne pas en proposer concernant les bonnes pratiques informatiques ? Je pourrai en afficher une dans mon bureau.

Apparemment, tout le monde ne sait pas qu’il faut éteindre son ordinateur quand on quitte son bureau et j’ignore moi-même beaucoup de choses en matière numérique.

M. Jean-Éric Lebelt. L’espace d’affichage des ascenseurs est saturé, mais vous avez raison, la communication doit être simple, graphique. Nous réfléchissons à un tel support.

Mme Christine Pirès Beaune, corapporteure. La Banque de France a mesuré son empreinte énergétique en matière informatique au début des années 2010. Et l’Assemblée nationale ?

M. Jean-Éric Lebelt. L’empreinte carbone de l’informatique n’est pas évaluée de manière autonome, mais dans le cadre du bilan des émissions de gaz à effet de serre de l’Assemblée. Il est délicat de délimiter le périmètre d’une telle étude : faut-il inclure l’usage du matériel informatique des députés en circonscription, qui nous échappe ?

Même si certains nous le demandent, il serait d’ailleurs difficile et coûteux – y compris sur le plan environnemental – de collecter, pour le recycler, le matériel informatique utilisé dans les 577 circonscriptions.

M. Damien Desmicht. Quant à la consommation des équipements informatiques centraux, nous l’avons mesurée, à la suite des ateliers conduits avec le conseiller au secrétariat général de la questure, M. Frank Baron. Nous savons le faire en temps réel.

Avec le développement de l’IA, nous devrons sans doute revoir beaucoup de choses. L’IA augmentera la consommation et les coûts. Cela nous inquiète.

M. Jean-Éric Lebelt. Tout à fait. Toutefois, nous pourrons difficilement nous en passer.

M. Damien Desmicht. Nous pourrions utiliser des solutions mutualisées d’accès à l’intelligence artificielle, disponibles sur abonnement – leur coût serait comptabilisé dans les dépenses de fonctionnement.

Au vu de la sensibilité de certaines données, il faudra peut-être aussi investir dans des serveurs internes, dépenses qui seraient donc comptabilisées comme des investissements – sauf pour les dépenses énergétiques, qui relèvent du fonctionnement.

Mme Christine Pirès Beaune, corapporteure. Un profil numérique tel que celui instauré par la Banque de France vous semble-t-il utile ?

M. Jean-Éric Lebelt. Oui.

La séance est levée à dix heures quinze

 


Membres présents ou excusés

Groupe de travail sur le développement durable

 

Réunion du mardi 18 février 2025 à 9 heures

 

Présents. - Mme Sandrine Le Feur, M. Jimmy Pahun, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Anne-Cécile Violland

 

Excusé. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Anthony Brosse