Compte rendu
Commission d’enquête
visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France
– Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, et M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, présidents de La Fabrique de l’Industrie, et de M. Vincent Charlet, délégué général 2
– Présences en réunion................................18
Jeudi
13 mars 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 2
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Charles Rodwell,
Président de la commission
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La séance est ouverte à dix heures.
M. le président Charles Rodwell. Nous débutons les auditions de la commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France.
Pour inaugurer nos travaux, nous allons entendre deux des plus fervents défenseurs de l’industrie française, MM. Louis Gallois et Pierre-André de Chalendar, coprésidents de La Fabrique de l’industrie, accompagnés de M. Vincent Charlet, qui en est délégué général.
Monsieur Gallois, au cours de votre carrière, vous avez dirigé successivement la Snecma, Aérospatiale, la SNCF puis EADS. Par la suite, vous avez été commissaire général à l’investissement puis président du conseil de surveillance de PSA. Dans le cadre de votre engagement associatif, vous avez également présidé le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Enfin, votre rapport Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, remis le 5 novembre 2012, a fait date et inspiré de nombreuses mesures prises ces dernières années.
Monsieur de Chalendar, après une carrière à l’Inspection générale des finances, vous êtes entré à Saint-Gobain, groupe que vous avez dirigé pendant quatorze ans et dont vous êtes désormais président d’honneur. Vous présidez également l’Institut de l’entreprise.
Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(MM. Louis Gallois et Pierre-André de Chalendar prêtent successivement serment.)
Avant de vous donner la parole, monsieur Gallois, permettez-moi de citer une proposition de votre rapport, dont les conclusions avaient eu un grand retentissement : « Toute nouvelle disposition législative ou réglementaire significative, toute nouvelle politique lancée par l’État devrait être accompagnée d’un document précisant son impact sur la compétitivité industrielle et les moyens d’en réduire les effets négatifs éventuels. » Vous souligniez que le redressement de la compétitivité globale de l’économie française passait par le renforcement de la compétitivité de nos industries et des services qui lui sont associés. Ce propos est-il toujours d’actualité ? Estimez-vous que, depuis la publication de ce rapport, les mesures fiscales, législatives et notre politique économique ont contribué à ce redressement ?
M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’industrie. Je commencerai par préciser que La Fabrique de l’industrie n’émet pas d’opinions ; c’est un lieu de débats et d’analyses et c’est donc à titre personnel, en toute indépendance, que chacun d’entre nous s’exprime. Il nous arrive d’ailleurs d’avoir entre nous, ainsi qu’avec Vincent Charlet, des débats qui font partie de la richesse du travail mené par La Fabrique.
À partir des années 1990, nous avons assisté en France à une désindustrialisation qui s’est accélérée de manière constante, pour des raisons sur lesquelles nous pourrons revenir. Une prise de conscience est intervenue dès la fin des années 2000 à la suite du rapport de Christian Blanc Pour un écosystème de la croissance, remis en 2004, qui a donné lieu à la mise en place des pôles de compétitivité, des états généraux de l’industrie lancés en 2009 et de la commission sur les priorités d’avenir financées par l’emprunt, présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, à l’origine du programme d’investissements d’avenir.
J’attribue assez largement la perte de compétitivité de notre industrie aux politiques macroéconomiques menées à partir des années 1990. Celles-ci se sont traduites par l’accrochage du franc au deutsche mark, qui a eu une double conséquence. La première est une augmentation des taux d’intérêt consécutive à celle qui s’est produite en Allemagne : les investissements massifs dans la réunification ont conduit les Allemands à emprunter et donc à faire monter les taux. Cela a commencé à déstabiliser le corps industriel français, très sensible aux prix, du fait de son positionnement sur la moyenne gamme où la compétition se joue davantage sur les prix que sur la réputation ou sur la qualité, c’est-à-dire sur la valeur ajoutée.
La deuxième conséquence est l’accrochage du franc et du deutsche mark à l’euro dans des conditions de parité que l’actuel président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Xavier Ragot, estime marquées par une surévaluation d’une quinzaine de pour cent. Nous en avons longuement été affectés, surtout dans les années 2006-20l2 quand l’euro s’est raffermi par rapport au dollar dans des proportions considérables, jusqu’à valoir 1,6 dollar. Cela a eu un fort impact sur la compétitivité de l’industrie française.
Les Allemands ont mené une politique extrêmement rude, alors qu’ils faisaient face à des problèmes qui n’étaient pas tout à fait indépendants des nôtres : ils se sont lancés en 2003 dans les réformes Hartz, qui ont conduit à la mise en place des mini-jobs, et durant presque toute la décennie 2000, ont appliqué une politique de discipline salariale très impressionnante. Pendant ce temps-là, la France faisait autre chose, c’est-à-dire les 35 heures. Les salaires ont crû assez fortement et les charges sociales ont augmenté. Après la création de l’euro, la France et l’Allemagne ont donc suivi des voies divergentes.
L’année 2012 marque une étape importante, non pas parce qu’elle a vu la publication de mon rapport, qui a vieilli, mais parce que l’opinion publique a pris conscience de cette évolution et que de premières mesures ont été prises. Si on en fait un bilan rapide, nous pouvons dire que, si elles n’ont pas enclenché un processus de réindustrialisation, elles ont mis un terme à la désindustrialisation et ont renforcé l’attractivité du territoire français. Le président de la République a d’ailleurs en ce domaine donné de sa personne de manière très significative. Cela a eu des effets positifs sur l’investissement et sur l’emploi industriel, qui a cessé de diminuer. Les créations d’usines l’ont emporté sur les fermetures, sans pour autant qu’il y ait une remontée nette. Depuis 2024, la situation est évidemment très différente et nous sommes confrontés à de nouveaux défis pour notre industrie.
M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain et président de La Fabrique de l’industrie. Je partage largement le diagnostic posé par Louis Gallois. Toutefois, le taux de change appliqué à la création de l’euro, même s’il n’était probablement pas idéal, ne me semble pas avoir joué un rôle aussi important qu’il le considère. Ce qui me paraît avoir posé un grave problème, c’est que les politiques menées de part et d’autre du Rhin ont suivi des voies divergentes. En France, elles ont privilégié la protection sociale et les consommateurs individuels par rapport aux activités productives. La protection sociale a ainsi coûté de plus en plus cher alors même qu’elle pèse sur le coût du travail et donc sur les entreprises, en particulier les entreprises industrielles. Les Allemands, eux, ont utilisé la TVA, seul outil disponible dans une zone monétaire unifiée pour procéder à une dévaluation interne, après avoir bénéficié d’un taux plus favorable pour la conversion à l’euro. Notre pays n’a ainsi pas tiré les conséquences de l’entrée dans l’euro même si, en fervent partisan de l’euro, j’estime que celle-ci a été globalement une bonne chose.
Au niveau européen – et je suis moins d’accord avec cette politique –, le consommateur a été privilégié de façon permanente, notamment à travers une politique de la concurrence, et toute forme de politique industrielle, gros mot à Bruxelles jusqu’à une période récente, a été abandonnée.
S’agissant des causes de la désindustrialisation, tout le monde en prend pour son grade. Les industriels n’étaient pas forcément dans une situation facile à une époque où était mis en avant, avec Serge Tchuruk, le modèle de l’entreprise sans usines. Pendant une longue période, la France n’a pas choisi l’industrie, ce qui renvoie aussi à un facteur culturel. La hausse du coût du travail et la baisse de la compétitivité ont conduit à des délocalisations et nous avons été le pays qui, au sein de l’Europe, s’est le plus désindustrialisé.
Sur l’impact du rapport de Louis Gallois, je serai plus optimiste que lui. La politique de l’offre mise en place à partir de 2015 a conduit à un début de réindustrialisation, processus qui prend du temps. Les choses très graves qui sont survenues, notamment la crise du Covid, n’ont pas eu de conséquences aussi fortes qu’on aurait pu le redouter car une dynamique positive avait été enclenchée.
S’est ensuite ouverte une période marquée à la fois par la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine et les politiques industrielles menées par les Chinois et les Américains. Les pays européens ont été affectés dans leur ensemble et l’Allemagne plus particulièrement. Ce phénomène a été très bien synthétisé par Mario Draghi dans son rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne remis en septembre dernier. Les prix élevés de l’énergie, consécutifs à l’arrêt des livraisons de gaz russe, conjugués à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain de 2022 et à la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), ont eu des effets très négatifs. Je vous renvoie à une note – qui n’a pas été très bien reçue – de La Fabrique de l’industrie, publiée il y a deux ans, qui montrait que ces phénomènes allaient coûter à l’industrie française plus de150 000 emplois, ce qui s’est vérifié en 2024.
La France est toutefois moins touchée que les autres pays européens, notamment parce que notre industrie est plus faible qu’en Allemagne, qui subit des désindustrialisations dans des secteurs déjà affectés chez nous. La chimie et l’automobile continuent, malheureusement, d’être touchées.
M. Louis Gallois. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, nous allons aborder les thèmes suivants, que nous nous sommes répartis : coûts pour les entreprises ; réglementation et simplification ; compétences ; recherche et développement (R&D) et innovation ; énergie ; financement des investissements.
M. le président Charles Rodwell. Je vous en prie, prenez votre temps.
M. Pierre-André de Chalendar. Dans ce qu’il faut faire, je distinguerai niveau européen et niveau national. En Europe, le chantier est énorme et les conclusions du rapport Draghi correspondent à ce que disent les industriels depuis longtemps, notamment pour ce qui est des changements à apporter à la politique de la concurrence. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons le volet européen des différents thèmes évoqués par Louis Gallois.
En France, il faut poursuivre la politique lancée à la suite du rapport Gallois, c’est-à-dire la politique de l’offre, qui a commencé à porter ses fruits. La deuxième vague, qui a fait de l’énergie un enjeu crucial, appelle des remèdes spécifiques.
Il importe de revenir dans la moyenne européenne en agissant sur la compétitivité, donc sur les charges qui pèsent sur les entreprises. Trois leviers principaux sont à notre disposition. Le premier consiste à diminuer les dépenses de fonctionnement de l’État et des collectivités locales. A priori, cela ne semble pas concerner les entreprises mais, en fait si, car in fine ce sont elles qui paient. Si vous me permettez une impertinence, je vous dirai que je ne suis pas convaincu que le budget 2025 permette vraiment de traiter de cela – je m’éloigne un tout petit peu de mes compétences en vous donnant mon sentiment. Comme le dit le gouverneur de la Banque de France, un problème d’efficacité de la dépense publique se pose.
Le deuxième levier est plus directement lié à l’industrie. Il convient de réduire de nouveau les impôts de production. Un mouvement avait été lancé et il est dommage qu’on y ait mis un coup d’arrêt. Certes, des contraintes s’imposent mais c’est un très mauvais signal qui a été envoyé. La baisse des impôts de production avait permis de réduire l’écart avec la moyenne européenne mais nous nous situons encore à 2 points au-dessus, selon une étude de Rexecode sur la compétitivité. Ces impôts sont terribles car les entreprises doivent les acquitter avant d’avoir dégagé le moindre centime de résultat. Je sais que c’est une question qui n’est pas facile car ils alimentent la fiscalité locale – d’où la nécessité que les élus locaux s’intéressent à l’industrie. La France a la particularité d’être une énorme pompe aspirante et refoulante dans tous les domaines et cette réduction des coûts n’exclut pas d’examiner certaines aides que reçoivent les entreprises.
Le troisième levier n’est pas d’une actualité immédiate, encore que. La France est arrivée au bout du modèle de financement de la protection sociale qu’elle avait mis en place depuis 1945. Pour toute une série de raisons, on a fait peser son coût sur le travail, ce qui pendant très longtemps n’a pas posé problème mais qui maintenant a des conséquences lourdes sur la compétitivité des entreprises, les entreprises industrielles en particulier, qui sont confrontées à la concurrence internationale. Ce modèle couvre des domaines relevant du travail comme la retraite ou le chômage mais aussi d’autres qui, de mon point de vue, renvoient davantage à la solidarité nationale comme la famille et la santé. Cette remise à plat appelle des réformes d’ampleur mais je pense qu’on n’y échappera pas. Je ne dis pas que cela sera facile mais tout pas allant dans cette direction est à saluer.
Après les coûts pour les entreprises, j’aborderai le thème de l’énergie. L’Europe a subi un choc asymétrique par rapport au reste du monde avec l’arrêt des livraisons de gaz russe, choc aux conséquences durables. Certes, il y a un petit peu de gaz en Norvège et on pourra toujours en acheminer depuis l’Afrique du Nord, mais c’est surtout le gaz naturel liquéfié (GNL) qui sera utilisé. Compte tenu des traitements qu’il suppose, il sera toujours structurellement beaucoup plus cher que dans les autres zones du monde. La France, au sein de l’Europe, occupe une position particulière. Elle a, et de loin, l’électricité la moins carbonée mais aussi la moins chère grâce à son programme nucléaire qui la rend compétitive à l’égard du reste du monde.
Je suis un fervent partisan de la politique climatique et je considère que le grand défi de l’industrie est la décarbonation. Le plus souvent, c’est l’électrification qui constitue la solution et les entreprises ne pourront y avoir recours que si elles disposent d’une électricité abondante, décarbonée et peu chère. Or la France leur offre une telle possibilité. Notre pays dispose donc d’un atout de taille. Je ne dis pas que ce sera un processus aisé mais il me semble que ce sera relativement plus facile que ce à quoi nous devons nous atteler s’agissant des coûts de production.
En matière politique industrielle, les mesures concernant le prix de l’électricité me semblent à court terme les plus décisives, or malheureusement cet enjeu n’a pas été bien pris en compte ces dernières années. L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), décrié à sa création, n’est pas un mauvais dispositif. Il comporte deux composantes : un prix destiné aux concurrents d’EDF – dont je ne suis pas un grand fanatique – et un prix pour les gros industriels. Pour Saint-Gobain, groupe que je connais encore bien même si je n’y travaille plus, ce tarif représente 60 % de son électricité. Si cette entreprise devait passer par un prix concurrentiel, la décarbonation augmenterait de 50 % le coût de sa consommation d’électricité. C’est un ordre de grandeur que l’on retrouve, je pense, dans beaucoup d’industries. Notre pays dispose donc d’un atout considérable en termes de compétitivité avec cette électricité moins chère qui permet aux entreprises de décarboner.
En matière d’énergie, nous sommes confrontés plus particulièrement à deux problèmes. Il s’agit d’abord du timing. Nous prenons nos décisions trop lentement. Je suis peut-être sévère mais je considère que depuis le discours du président de la République à Belfort le 10 février 2022, la nouvelle stratégie nucléaire n’a pas donné lieu à suffisamment de progrès. Au lieu de prendre de l’avance, nous prenons du retard.
Le second problème, c’est le prix. Les décisions que le gouvernement et EDF ont prises en novembre 2023 ne produisent pas d’effets. J’étais très sceptique, à raison : il n’y a pas d’accords et EDF ne souhaite pas, ou n’est pas capable, de consentir à l’industrie les prix dont elle a besoin. Le problème est d’importance et les événements des dernières semaines m’inquiètent fort : EDF a proposé de mettre aux enchères ses contrats, et je suis tout à fait d’accord avec le communiqué de presse de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden). C’est très bien de vouloir avoir des centres de données ou data centers, qui paieront plus cher, mais cela signifie que nous perdrons toute notre chimie et toute notre sidérurgie, parce qu’elles ne disposeront pas de prix suffisamment bas. Or nous sommes le pays d’Europe capable de garder des industries consommatrices d’énergie, parce que cette dernière sera décarbonée et structurellement moins chère que dans les autres pays d’Europe. Le problème est sur la table : le mécanisme de l’Arenh se termine bientôt mais les mois passent, et les industriels ne prennent pas de décision. On dit beaucoup que l’investissement manque pour réussir la décarbonation. Dans ce domaine, les entreprises industrielles sont en avance sur les pouvoirs publics – elles sont déjà en route. Elles sont prêtes à y investir, même pour une rentabilité plus faible que dans d’autres domaines, mais elles n’investiront pas si le rendement est négatif. Il y a également un problème de fiscalité ; il faut être cohérents : si nous voulons décarboner le pays, il faut rendre la fiscalité des énergies décarbonées plus intéressante que celle des énergies carbonées, or ce n’est pas ce que nous avons fait. Vous voulez savoir ce qui freine la réindustrialisation. Je poserais la question de façon positive : pour la favoriser, l’énergie joue un rôle décisif et je m’inquiète que la France ne cultive pas suffisamment ses atouts en ce domaine.
La simplification de la réglementation est un débat toujours ouvert. Je peux le confirmer, Saint-Gobain étant présent dans soixante-quinze pays, nous avons en Europe, en France en particulier, un amour de la norme. La Fabrique de l’industrie va mener une étude pour essayer de chiffrer l’empilement de réglementations ; ce n’est pas facile, mais je peux dire que cela coûte cher. Plusieurs essais de simplification ont été tentés. J’espère que nous allons y arriver : si je peux me permettre, madame et messieurs les députés, c’est la conséquence de l’adoption d’un trop grand nombre de lois, ainsi que de décrets d’application beaucoup trop nombreux. Dans l’industrie, j’appliquais une règle simple : quand on ajoute un produit au catalogue, il faut en enlever un autre. Un grand nombre de normes sont bonnes, certaines ne le sont pas, mais il y en a globalement beaucoup trop. Cela pèse sur la France, sur l’Europe en général. L’une et l’autre sont en train d’en prendre conscience mais il n’est pas facile d’en venir aux actes – c’est encore un problème.
M. Louis Gallois. La multiplication des normes, notamment celles dérivées de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), entraîne un autre problème fondamental : le manque de foncier. On nous dit qu’il existe des friches, mais une friche n’est pas toujours un emplacement idéal pour bâtir une installation industrielle ; de plus, le coût de la remise en état est très élevé.
De mon côté, je voudrais mettre en avant trois autres difficultés. La première concerne les compétences. Sans être dans une période d’euphorie, l’industrie ne trouve pas les compétences dont elle a besoin : elle n’est pas assez attractive. Les industriels en sont en partie responsables : nous devons rendre les métiers industriels plus attrayants, et le faire savoir. Bien qu’ils se soient déjà largement améliorés, leur image n’est pas encore assez positive. Ensuite, on ne peut bâtir un pays industriel, appuyé sur l’innovation et la recherche, sans mathématiques : elles sont indispensables pour former des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens. Or la situation des mathématiques en France est très préoccupante. Troisièmement, les réformes de l’enseignement professionnel, sans être mauvaises en elles-mêmes, ne sont pas à la hauteur du problème. Pas moins de 40 % des jeunes Français passent par un lycée professionnel : l’enjeu est massif. Nous devons être beaucoup plus offensifs : il faut revenir à une formation en quatre ans, et non trois, pour consacrer une année entière à l’apprentissage. Il faut réconcilier les lycées professionnels et l’apprentissage, or cela ne sera possible qu’en ajoutant une année à la formation, sinon on nous accusera de supprimer la formation générale au profit d’une formation tout industrielle – ce qui ne serait pas accepté. Par ailleurs, il faut faire évoluer la place de l’entreprise dans les lycées professionnels. Il ne s’agit pas de placer les établissements sous la tutelle d’industries qui pourraient avoir des vues à court terme, mais il est normal que les entreprises puissent intervenir davantage qu’elles ne le font par l’intermédiaire des bureaux des entreprises récemment créés. Quatrièmement, nous sommes dans une période de rupture technologique – numérique, 5G, intelligence artificielle (IA). Nous ne pouvons pas attendre que les jeunes générations soient formées pour implanter ces nouvelles technologies dans les entreprises : il faut que les personnels en place sachent les utiliser. Cela demande un énorme effort de formation continue ; sur ce point, nous avons beaucoup de progrès à faire.
La deuxième difficulté concerne la R&D et l’innovation. Avec 2,2 % du PIB consacrés à la recherche, la France n’est pas dans la course mondiale. La part du financement public se monte à 0,8 %, contre 1,4 % pour l’industrie. Au regard de la taille de notre industrie, les financements privés sont à leur maximum – je parle de l’industrie au sens large, en incluant les services à haute valeur ajoutée qui la servent, informatiques et numériques notamment. Le crédit d’impôt recherche (CIR) a produit ses effets. J’y suis viscéralement attaché : grâce à lui, les petites entreprises font autant de recherche qu’elles le peuvent et les grandes mènent leurs recherches en France et pas ailleurs. J’ai pour le dire l’exemple d’une grande entreprise que j’ai dirigée : Airbus. Si son principal bureau d’études se trouve encore à Toulouse, c’est en partie grâce au CIR. En Allemagne, la part du PIB consacrée à la recherche se monte à 3,1 %, et tend vers 3,5 % : son PIB étant supérieur au nôtre, sa recherche sera deux fois plus importante que la recherche française. Les États-Unis sont à 3,5 %, la Corée à 4,5 %. En conséquence, la France occupe la treizième place des publications académiques, après le Brésil – je parle des revues à comité de lecture, qui servent dans le monde entier de critère pour évaluer l’activité de recherche. La Fabrique de l’industrie a mené une étude sur douze technologies de rupture, assez largement liées à l’environnement et au climat, en évaluant la position des acteurs mondiaux en fonction du nombre de brevets déposés dans au moins deux offices nationaux ou internationaux : la France n’apparaît qu’une seule fois parmi les quatre premiers ; la Corée est citée cinq fois, dont trois à la première place, or elle compte quelque 50 millions d’habitants – je ne nous compare pas aux États-Unis et à leurs 340 millions d’habitants. Il y a un vrai problème. La France représente 3,5 % des innovations de rupture, l’Allemagne 8,7 % et le Royaume-Uni 2,3 % – c’est ce qui nous sauve ! Nous sommes en voie de décrocher, ce qui confirme le diagnostic posé dans le rapport Draghi : il est urgent de réinvestir dans la R&D, or l’effort ne peut venir que de la sphère publique ; les entreprises françaises font autant, voire plus, de recherche que leurs homologues européennes. Je l’ai dit, nous consacrons aujourd’hui 0,8 % du PIB à la recherche publique contre 1,5 % en 1995.
La troisième difficulté est liée au capital-risque, c’est-à-dire au financement de la commercialisation des innovations. Les États-Unis représentent 52 % du capital-risque mondial et la Chine 40 %. Avec 5 %, l’Europe est complètement décalée. L’industrie européenne – française, allemande, italienne – était largement financée par les banques. Celles-ci ne sont plus en mesure de le faire, en raison des règles prudentielles. L’obtention de fonds propres pose désormais à l’industrie un problème sérieux – je parle ici non des prêts, mais des capitaux, qui sont apportés par les marchés financiers. Le handicap est double. Premièrement, la rémunération du capital est plus faible en Europe qu’aux États-Unis, aussi 300 millions d’euros d’épargne européenne partent-ils là-bas chaque année. Nous ne remettrons sans doute pas en cause ce fait, lié à la répartition entre capital et salariat. Secondement, l’épargne européenne ne va pas vers l’investissement à risque, c’est-à-dire vers les actions. En France en particulier, l’épargne va vers la caisse d’épargne, l’immobilier et l’assurance vie en euros, dont les fonds sont essentiellement placés en obligations. Au niveau français comme au niveau européen, nous devons trouver des mécanismes incitatifs pour orienter une partie de l’épargne vers le capital-risque. Pour donner de la profondeur aux marchés financiers européens, c’est-à-dire pour augmenter la disponibilité des financements, le rapport Draghi recommande de les unir : pourquoi pas, mais il faut quoi qu’il en soit orienter davantage l’épargne vers les actions. On peut y parvenir en mutualisant les risques ou en les limitant par des tunnels : le risque serait partagé, les États y prenant leur part et se rémunérant en cas de résultats supérieurs aux prévisions. Il faut considérer ce problème de très près ; nos entreprises, surtout les petites et moyennes (PME), celles de taille intermédiaire (ETI) et les start-up, connaissent des difficultés aiguës pour financer leurs fonds propres.
M. le président Charles Rodwell. Vous avez participé à la rédaction du rapport Ce que l’industrie attend des banques, publié par La Fabrique de l’industrie en novembre dernier ; nous l’avons tous lu attentivement. Est-il possible de financer le développement industriel en France et en Europe, sans produits d’épargne européens ? Ou fait-il en développer pour orienter ce capital, comme nous l’avons fait pour les particuliers, afin de mitiger les risques à l’échelle européenne, en s’appuyant sur l’union des marchés de capitaux ? Peut-on financer l’industrie française et européenne sans passer par un système de retraites par capitalisation, ou devrons-nous adopter un tel système afin de bâtir des fonds de pension à même d’y parvenir ?
Monsieur Gallois, dans votre rapport de 2012 Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, vous avez identifié quatre causes au blocage de l’industrie. L’une était la faiblesse de la structuration et des solidarités industrielles à l’échelle nationale. Considérez-vous que les efforts entrepris il y a plusieurs années pour structurer les industries à l’échelle européenne suffiront à soutenir l’industrie française, en particulier l’industrie haut de gamme, afin de la pérenniser et la redéployer sur le territoire français ? Je pense notamment aux alliances industrielles que sont les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), qui voient la coopération de pays européens, notamment la France, l’Allemagne et l’Italie, dans des domaines comme les batteries et les semi-conducteurs entre pays européens.
M. Louis Gallois. Créer des produits d’épargne européens, pourquoi pas ; l’idée d’instaurer un plan d’épargne industrie existe également, sur le modèle de l’ancien compte pour le développement industriel (Codevi). Plus fondamentalement, vous posez la question de la retraite par capitalisation : il s’agit d’un débat plus général, qui relèverait d’autres enceintes. Personnellement, je n’ai pas d’avis ferme sur ce point. J’appelle votre attention sur l’assurance vie : en France elle rassemble 2 000 milliards d’euros, placés en euros ou en unités de compte. Dans les contrats en unités de compte, une partie des fonds sont placés en actions. Pourquoi ne pas l’élargir ? Pourquoi ne pas la doter d’un avantage fiscal, pour intéresser les épargnants ? On nous répond que l’assurance vie sert à financer le déficit de l’État. Je souligne que 45 % des capitaux sont placés à l’étranger, dans des placements très sûrs, comme les bons du Trésor allemand ; au Japon, toute l’épargne des résidents est investie au Japon. On pourrait réfléchir à une meilleure utilisation des fonds de l’assurance vie. Jusqu’à présent, les compagnies d’assurances s’y sont montrées très réticentes, mais l’assurance vie relève d’un système propre, ce qui autorise une prise de risque supérieure à celle que la directive du 25 novembre 2009 dite « directive solvabilité II », dont les règles sont très strictes, consent aux assurances. Il existe donc une marge de manœuvre ; il ne s’agit pas de détourner la moitié des 2 000 milliards – peut-être 50 ou 100 milliards, pas plus.
M. Pierre-André de Chalendar. S’il est essentiel d’instaurer un système de retraites par capitalisation, c’est pour financer nos retraites. Il y a un problème de vocabulaire ; c’est en train de changer, mais le terme était tabou : il ne s’agit pas de substituer un système à un autre, mais de créer un complément. Tous les pays qui l’ont fait s’en sont bien trouvés – c’est aussi le cas de nos fonctionnaires. Votre question me conduit à évoquer la propriété du capital de nos grandes entreprises dont les fonds institutionnels étrangers détiennent fréquemment une large part. Ils sont le plus souvent issus de fonds de pension, c’est-à-dire de la retraite par capitalisation, en particulier anglais et américains – les plus développés. Ce système permettrait aussi de conserver les capitaux de nos grandes entreprises.
Avant de poursuivre, je précise que je suis administrateur de la Banque publique d’investissement (BPIFrance). Ce n’est peut-être pas à moi de le dire, mais il s’agit d’un instrument qui a très bien fonctionné, alors que ce n’était pas évident à sa création. Elle est utile : on pourrait augmenter sa force de frappe en développant ses moyens, en particulier les mécanismes de garantie, qui sont un outil multiplicateur puissant, à même de résoudre une partie du problème lié au risque.
M. Louis Gallois. Je le pense aussi, et je n’ai pas de conflit d’intérêts !
M. Pierre-André de Chalendar. J’en viens aux Piiec. Les mécanismes européens ont connu des progrès, mais cela reste très compliqué. L’Europe a adopté le règlement du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net » ou Net-Zero Industry Act (NZIA) en réponse à la loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis ; il était censé simplifier les procédures mais – j’ai lu ce texte de plusieurs centaines de pages – les critères pour bénéficier des aides sont d’une grande complexité. Ensuite, c’est simple : je pense qu’il a aidé certains projets. Ce n’est pas le seul outil, mais ceux qui existent sont souvent trop compliqués, et ça prend trop de temps.
M. Louis Gallois. Si l’on veut simplifier, à quoi nous échouons constamment, il faut s’intéresser en particulier aux délais. Selon moi, l’administration doit répondre dans un délai donné – deux, trois ou six mois, et pas deux ans ! Quand Luc Rémont, président d’EDF, dit lors d’une conférence le 10 décembre dernier : « C’est l’enfer d’investir en France », il fait référence aux délais : les entreprises ne peuvent pas attendre deux ans l’autorisation de s’implanter sur un site. Les Allemands ne sont pas meilleurs que nous, c’est une consolation, mais elle est maigre.
M. Pierre-André de Chalendar. Sur les terminaux gaziers, ils ont réagi plus vite ! En France, on y arrive quand on fait des exceptions.
Pour moi, le problème est identique pour le crédit d’impôt recherche, qui consiste à exempter les chercheurs de tous les problèmes qu’ont les autres : si les difficultés étaient moindres, nous n’en aurions pas besoin ; de même, on a l’impression que les allègements de charges sont des cadeaux consentis aux entreprises, or ils existent parce que les charges sont trop élevées. Un jour, il faudra bien remettre tout cela à plat.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Merci, messieurs : vous êtes les premiers auditionnés dans cette commission, que le groupe Rassemblement national a lancée avec la volonté d’émettre des propositions concrètes pour lever les freins à la réindustrialisation de la France. Vous avez proposé de nombreuses pistes, très intéressantes – je souscris à la plupart.
Ma première question concerne le financement. Vous l’avez dit, l’épargne, qui se monte à 6 000 milliards d’euros, est un atout français ; elle pourrait être partiellement mobilisée pour soutenir l’effort national de redressement productif. La France ne possède pas de fonds souverain. Considérez-vous que cela serait un outil efficace ?
Vous avez évoqué les difficultés que rencontrent les entreprises pour accéder au financement bancaire. Ces dernières années, les pouvoirs publics ont mené des plans d’investissement. Je pense aux programmes d’investissements d’avenir, qui ont été suivis de France relance, plus précisément consacré au socle industriel – PME et ETI –, puis de France 2030, moins efficace selon moi car il a été concentré sur les percées technologiques et la transition énergétique, en négligeant les PME et les ETI, lesquelles constituent le principal potentiel de réindustrialisation du pays. Comment jugez-vous les priorités choisies ? Ces plans ont-ils été efficaces ?
M. Louis Gallois. S’agissant du fonds souverain, je n’ai pas d’a priori en la matière : toute formule peut être examinée. La Norvège, par exemple, s’est dotée d’un tel fonds. La question qui se pose est celle des modalités de son approvisionnement.
Je sais qu’il convient d’orienter une partie de l’épargne des Français vers l’investissement productif et l’innovation. Or ils n’accepteront une telle orientation que s’ils ont le sentiment que le risque est raisonnable et convenablement rémunéré. Le fonds souverain apporterait-il une garantie aux épargnants qui, directement ou indirectement, y investiraient leur épargne ? Quelle serait la rémunération des fonds investis ? Telles sont les questions qui peuvent être posées. Mais notre réflexion se situe en amont : elle porte sur la manière dont l’épargne peut être orientée vers l’investissement à risque.
Par ailleurs, il est vrai que le financement bancaire est soumis à des règles prudentielles très strictes – et l’on ne peut pas le regretter au vu des méfaits des dernières crises. Je suis dans une situation de conflit d’intérêts puisque, même si ce fut pendant une période limitée, j’ai été commissaire général à l’investissement, mais mon avis sur le fonctionnement du programme d’investissement d’avenir est plutôt positif. Le problème des plans de ce type, c’est qu’on ne sait jamais s’il s’agit de nouvel argent ou d’ancien argent recyclé.
Sur France 2030, j’ai une divergence avec vous, monsieur le rapporteur. Le problème du financement de l’innovation et des nouvelles technologies ne concerne pas que les entreprises de haute technologie. Nos PME vont devoir se mettre à l’intelligence artificielle. La France est, avec l’Italie, le pays d’Europe dans lequel l’industrie utilise le moins la 5G, qui garantit la sécurité et la rapidité du dialogue des machines – je parle d’entreprises dont le chiffre d’affaires atteint 100 millions. Il importe qu’à tout le moins, la France, qui est en retard sur la conception de ces technologies, ne le soit pas dans leur utilisation. Le plan France relance pouvait, du reste, participer à cette politique, mais il est né à la suite de la crise du covid-19 et ses fonds, ai-je compris, n’ont été que partiellement mobilisés.
M. Pierre-André de Chalendar. Qu’il s’agisse des plans d’investissement d’avenir ou du fonds souverain, l’élément déterminant, pour que ces dispositifs soient efficaces, est leur gouvernance. En France, nous parvenons parfois à conjurer nos vieux démons, mais un risque existe dans ce domaine. En Norvège, par exemple, le fonds bénéficie d’une très grande indépendance.
Par ailleurs, France relance a été très efficace et les plans d’investissement se sont améliorés au fil du temps en devenant plus sélectifs ; le risque est de vouloir s’occuper de tout. France 2030 a marqué un progrès supplémentaire à cet égard. En outre, il faut faire en sorte que la gouvernance des plans ne soit pas entravée par des considérations politiques de court terme.
M. Louis Gallois. Le principal risque auquel ces plans sont exposés est celui d’une rebudgétisation, à savoir l’utilisation des fonds pour faire face à des dépenses qui relèvent du budget de l’État.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Monsieur Gallois, dans votre rapport, vous proposez la création d’un dispositif inspiré du dispositif américain Small Business Innovation Research (Sbir), qui vise à orienter une partie de la commande publique vers les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes. Pourquoi cette proposition n’a-t-elle pas retenu l’attention des pouvoirs publics ?
M. Louis Gallois. Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question ! Cela dit, je crois en effet que la commande publique est un instrument sous-utilisé. Certes, les règles européennes imposent qu’elle s’adresse à l’ensemble de l’industrie européenne. Mais cela n’empêche pas un dialogue en amont entre les donneurs d’ordres publics et les entreprises françaises, afin que celles-ci préparent leur réponse – ce que je dis là est à la limite de la correction vis-à-vis de Bruxelles. Le montant annuel des investissements des hôpitaux français s’élevait à 18 milliards d’euros il y a quelques années – il doit être, à l’heure actuelle, probablement plus proche des 20 milliards. Utilise-t-on véritablement cette somme pour structurer notre industrie de santé ? Je n’en suis pas totalement certain au vu des maigres effectifs consacrés à cette activité. Encore une fois, il s’agit, non pas de remettre en cause le caractère européen des appels d’offres, mais de se préparer à y répondre, en particulier lorsqu’il est question d’innovation, très présente dans le secteur de la santé.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Certes, nous devons nous efforcer de réduire les dépenses publiques, mais celles qui correspondent aux marchés publics sont contraintes, presque immuables. Dans ce cadre, tous les dispositifs visant à favoriser les achats français ou le recours à des services fournis par des entreprises françaises doivent être encouragés. Comment le Small Business Act à la française, dont vous préconisez la création, pourrait-il concrètement voir le jour, compte tenu des règles européennes en matière de concurrence ?
Le Rassemblement national a toujours eu à cœur d’autoriser, et non d’imposer, la priorité nationale dans la commande publique. L’Allemagne a opté pour un dispositif – la priorité locale – qui pourrait être une solution de repli, dans la mesure où il est conforme aux règles européennes. Est-ce à un dispositif de ce type que vous songiez en rédigeant votre rapport ?
M. Louis Gallois. Dans mon esprit, ce Small Business Act doit comporter différents volets. L’un d’eux consisterait à réserver une partie de la commande publique aux PME. Dès lors, on le sait, les PME françaises répondraient davantage aux appels d’offres français et les allemandes, par exemple, aux appels d’offres allemands. Mais il conviendrait également d’encourager l’innovation au sein de ces petites et moyennes entreprises, afin de les rendre plus compétitives, et d’alléger la réglementation qui leur est applicable. Il s’agit, de manière générale, de considérer les PME comme un objet de la politique économique, la difficulté résidant dans le choix des critères d’identification de cette catégorie d’entreprises : chiffre d’affaires, nombre de salariés, …
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Monsieur de Chalendar, vous avez affirmé – et je suis d’accord avec vous – que le prix de l’énergie est devenu le premier frein à la réindustrialisation de la France. Vous êtes assez critique à l’égard des règles européennes de tarification de l’électricité, qui privent notre pays de l’avantage compétitif dont elle jouit grâce à l’alliance du nucléaire et de l’hydraulique.
Certes, et je m’en réjouis, les électro-intensifs bénéficient de tarifs préférentiels grâce à Exeltium et à la récente réforme du marché européen de l’énergie. Mais une étude récente de BPIFrance confirme que les deux tiers du potentiel de réindustrialisation de la France reposent sur nos PME et nos ETI. Pourquoi les priverions-nous de notre avantage compétitif quand les pays d’Europe de l’Est, par exemple, bénéficient de l’attractivité du coût de leur main-d’œuvre ? Ne devrions-nous pas revoir les règles applicables dans ce domaine ?
M. Pierre-André de Chalendar. Je suis assez d’accord. Depuis quarante ou cinquante ans, l’industrie n’est pas défavorisée, sur le plan des tarifs de l’électricité, par rapport aux ménages, mais on ne l’a jamais fait bénéficier de ce que l’on pourrait appeler la rente nucléaire. Pour les industriels gros consommateurs d’énergie – je pense à la chimie ou à l’aciérie, par exemple –, son coût est vital. Par conséquent, si on ne leur offre pas des tarifs compétitifs, ils s’en iront. C’est ce qui est en train de se passer, et c’est très grave. Mais toutes les entreprises et toutes les industries sont concernées.
On a privilégié le consommateur particulier de manière générale, et en particulier dans le domaine de l’électricité. Les entreprises françaises sont actuellement soumises à un tarif plutôt inférieur à celui qui est pratiqué ailleurs en Europe, mais les ménages des autres pays européens paient leur électricité beaucoup plus cher que les ménages français. On pourrait donc déplacer le curseur. Pour dire les choses autrement, si EDF envisage un prix moyen de 70 euros le mégawattheure, le tarif appliqué aux industriels pourrait être inférieur à 69 euros. Au demeurant, le tarif de 70 euros me paraît élevé. Ces dernières années, EDF a accompli d’importants progrès dans l’utilisation de ses centrales nucléaires – et elle peut encore améliorer les choses, comme l’ont montré les résultats de 2024 –, si bien que l’ensemble des entreprises peuvent bénéficier de tarifs plus bas si les volumes augmentent grâce à la décarbonation et que les nouvelles centrales sont au point.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Je m’adresse aux capitaines d’industrie que vous avez tous deux été.
Monsieur de Chalendar, quelle est la recette pour qu’une entreprise française réussisse à l’international, à l’instar de Saint-Gobain ?
Monsieur Gallois, Airbus est un fleuron national et européen. Ce groupe, qui est le fruit de la coopération de différents États et de leurs entreprises respectives, aurait-il pu voir le jour en ce moment, compte tenu des règles imposées par l’Union européenne en matière de concurrence ?
M. Pierre-André de Chalendar. Saint-Gobain, qui a 360 ans d’âge, a commencé à s’internationaliser à la fin du XIXe siècle et est actuellement présent industriellement dans quatre-vingts pays – cela demande du temps. Pour cette entreprise, l’enjeu, en matière d’électricité, est davantage lié à la décarbonation qu’à la compétitivité, car ses produits sont plutôt locaux. À la différence d’Airbus, elle s’installe dans un pays pour y vendre les produits qu’elle y fabrique. Ainsi, on investit en France parce que le marché français croît, en raison de la politique de rénovation énergétique. Pour ce type d’industries, la problématique est différente de ce qu’elle est pour celles dont les produits voyagent et dont le site de production doit être compétitif.
M. Louis Gallois. Si l’on appliquait encore les règles européennes en vigueur jusqu’à la crise liée à la Covid-19, il ne serait probablement pas possible de créer Airbus. Ces dernières années, Mme Vestager puis son successeur ont fait évoluer ces règles, comme l’illustrent les Piiec. De fait, on a pris conscience de la nécessité – sur laquelle du reste insiste le rapport Draghi – de constituer des entreprises européennes plus fortes, si bien qu’un rapprochement tel que celui qui a donné naissance à Airbus, impossible à l’époque où l’on a refusé la fusion entre Alstom et Siemens, redeviendrait possible. La jurisprudence est en train d’évoluer.
M. Roger Chudeau (RN). Dans un document de travail Réindustrialisation de la France à horizon 2035 de juillet 2024, France Stratégie identifie quatre scénarios de réindustrialisation et trois enjeux majeurs pour une réindustrialisation dite désirable. Ces trois enjeux sont la main-d’œuvre, le sol et l’eau, et l’énergie.
Parlons de la main-d’œuvre. D’après ce document, il faudrait, pour augmenter notre tissu industriel de 12 %, embaucher 500 000 à 700 000 nouveaux opérateurs. Par ailleurs, il faudra, pour des raisons démographiques, en remplacer environ 300 000 d’ici à 2030. Le défi est donc considérable. Or la formation, initiale et professionnelle, relève de divers ministères et instances. Comment peut-on coordonner ces multiples acteurs de manière à produire, d’ici à 2030, plus de 1 million de nouveaux opérateurs ?
M. Louis Gallois. C’est une question politique qui n’est pas de mon ressort. Je ne suis pas capable de vous dire, par exemple, s’il faut retirer la tutelle des lycées professionnels aux régions pour la ramener dans le giron de l’État – je m’élèverais au-dessus de ma condition si j’entrais dans ce débat. En revanche, je sais que le lycée professionnel est un enjeu majeur pour le pays, car 40 % des jeunes y sont formés. Or je constate que beaucoup des formations qui y sont dispensées ne débouchent sur rien. Une réforme est donc nécessaire, mais le personnel enseignant doit l’accepter, l’« acheter ». Certains éléments peuvent faciliter les choses. Par exemple, un professeur de lycée professionnel touche davantage d’argent en tant qu’enseignant qu’en tant que maître d’apprentissage. Peut-être peut-on trouver des solutions pour l’inciter à être maître d’apprentissage. Par ailleurs, n’oublions pas la formation continue des 2 millions de personnes qui travaillent actuellement, c’est-à-dire le stock. C’est également un enjeu essentiel.
M. Pierre-André de Chalendar. J’irai plus loin. L’une des raisons principales du succès de l’apprentissage au cours des dernières années est la plus grande implication des entreprises. Il faut donc rapprocher les lycées professionnels des entreprises en permettant à ces dernières de jouer un rôle plus important dans la gouvernance.
M. Louis Gallois. J’émettrai un bémol concernant l’apprentissage. Je me réjouis de son développement, car il a été mis sous les feux de l’actualité et est redevenu attractif. Mais il concerne l’enseignement supérieur et les services. Il doit donc être repris en main et étendu aux lycées professionnels et à l’enseignement secondaire, afin que l’industrie s’en saisisse car, actuellement, elle y a beaucoup moins recours que l’artisanat et les services.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez dit que l’abandon de l’industrie était culturel. Je citerai deux exemples.
L’État, qui possède 100 % d’EDF, pourrait lui imposer de vendre son électricité au tarif de 50 euros le mégawattheure. Or il ne fait rien ; il est spectateur. Comment l’expliquez-vous ? Y a-t-il des résistances en son sein ?
Quant à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en cours de finalisation, elle a été entièrement conçue par les technocrates et l’administration : le Parlement n’y a pris aucune part. Or elle vise à poursuivre la même politique énergétique. Ainsi, il est prévu de consacrer, sur dix ans, 120 milliards supplémentaires aux énergies renouvelables tandis que le nucléaire se dégrade lentement et sûrement.
Voilà deux exemples qui montrent que l’État a les leviers pour agir mais n’applique pas la politique qui favoriserait la réindustrialisation que, pourtant, il promet. Pourquoi ?
M. Pierre-André de Chalendar. Vous me demandez de sortir de mon domaine. Je n’ai pas de réponse à votre question, et ce n’est pas à moi d’y répondre. Je constate, d’une part, que le programme nucléaire annoncé par le président de la République prend du retard, d’autre part, que le mécanisme sur lequel l’État s’est mis d’accord avec EDF en novembre 2023 n’a pas fonctionné. Il est urgent que des décisions soient prises.
M. Louis Gallois. La prochaine PPE est pour le moins surprenante. Aucune modification n’a été apportée à ce que l’on a connu par le passé. Certes, le nucléaire est mentionné – c’est déjà un progrès –, mais on continue de vouloir développer les énergies renouvelables dans des conditions financières qui n’ont pas été appréciées ; leur coût complet n’est pas mis sur la table. Nous savons que 40 des 100 milliards que Réseau de transport d’électricité (RTE) doit investir dans les nouveaux réseaux sont affectés aux éoliennes offshore. Or cet investissement est pris en compte, non pas dans le coût des énergies renouvelables, mais dans celui des réseaux : c’est le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe) qui assurera son financement. Cette PPE mériterait donc d’être davantage travaillée, si je puis me permettre, et ne devrait pas être publiée trop rapidement.
Sur EDF, j’apporterai une petite nuance à ce qu’a dit mon voisin. L’Arenh a joué son rôle pour les électro-intensifs, mais c’était un mécanisme infernal pour ce qui était de sa partie réservée aux producteurs d’électricité dits nouveaux, lesquels n’étaient en fait que des intermédiaires qui prenaient leur marge. De fait, ils achetaient le mégawattheure 42 euros et le revendaient au prix du marché, qui pouvait atteindre 60 ou 70 euros. Il a fallu que, dans son immense sagesse, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) s’aperçoive de cette difficulté pour prendre quelques sanctions. J’ajoute que, pour abonder l’Arenh, EDF était obligé d’acheter de l’électricité sur le marché et de le revendre 42 euros le mégawattheure ! Un tel mécanisme ne pouvait pas perdurer.
M. Pierre-André de Chalendar. Nous sommes bien d’accord !
M. Louis Gallois. Par ailleurs, je ne crois pas qu’à ce jour, nous ayons pris un retard très important sur le programme nucléaire puisque l’avant-projet détaillé du réacteur de type Evolutionary Power Reactor 2 (EPR2) n’est pas encore achevé. C’est un projet très complexe : il s’agit de simplifier l’EPR pour qu’il soit moins coûteux. Le travail administratif se poursuit. Je souhaite que lorsqu’EDF annoncera que le programme est prêt, il puisse être lancé immédiatement. Les opérations de génie civil ont débuté sur le site de Penly, mais il ne faut pas que les obstacles administratifs ou les lenteurs du processus de décision paralysent le chantier. Encore une fois, tant qu’EDF n’a pas achevé l’avant-projet détaillé et remis son devis, le programme ne peut pas être lancé.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Non seulement la PPE, qui nous sera imposée par décret, va dilapider des dizaines de milliards d’euros dans des énergies intermittentes qui fragilisent le parc nucléaire existant – puisque les corrosions sous contrainte seraient dues précisément à l’intermittence –, mais celles-ci ne garantissent pas la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays en toutes circonstances.
Monsieur Gallois, vous préconisez, dans votre rapport, de mener des recherches sur l’exploitation des gaz contenus dans notre sous-sol. Ceux-ci pourraient produire une rente intéressante, qui assurerait des recettes à l’État et permettrait, pourquoi pas, de financer l’industrie nationale. Un rapport commandé en 2012 par M. Montebourg évaluait à 100 milliards sur trente ans le montant de la rente qu’offrirait l’exploitation – bien entendu, par des méthodes très écologiques – des gaz de schiste français.
M. Louis Gallois. Je ne suis pas contre les énergies renouvelables ; j’estime qu’elles n’ont plus besoin d’être subventionnées. Par ailleurs, la question de leur priorité d’accès au réseau doit être abordée d’une manière très simple : il s’agit de mettre sur le réseau l’électricité au coût marginal le plus faible, qu’elle soit issue d’énergies renouvelables ou non. Il arrive que ce soit le solaire, mais c’est très souvent le nucléaire – surtout si l’on prend en compte le véritable coût marginal.
S’agissant des gaz de schiste, la formule que j’ai employée était ambiguë – elle contenait une certaine dose d’hypocrisie : j’ai indiqué qu’il fallait relancer non l’exploitation, mais la recherche, pour savoir si ces gaz existaient. Cela m’a valu une avalanche de coups de trique sur le dos. Mais nous aurons encore besoin de gaz pendant trente ans. Si nous sommes capables de l’exploiter dans des conditions écologiquement acceptables sur le sol national, pourquoi ne pas le faire ?
Mme Florence Goulet (RN). L’ancien État stratège, doté d’une vision de l’aménagement du territoire, a cédé la place à des baronnies qui se sont constituées à la faveur de la décentralisation et sont directement branchées, si je puis dire, sur l’Union européenne. Cette complexité territoriale n’est-elle pas elle-même un frein à la réindustrialisation ?
M. Louis Gallois. L’État stratège ne peut pas être celui qu’il était dans les années 1960 ou 1970 : la mondialisation s’est développée, nos industries sont davantage exposées à la compétition internationale… J’ai connu l’époque où M. Monod pouvait imposer à une entreprise d’implanter une usine à un endroit donné. En tant que directeur général de l’industrie, j’aurais rêvé de pouvoir faire cela, mais nous n’en sommes plus là.
Cela ne signifie pas pour autant que l’État n’ait aucun rôle à jouer. Il a une responsabilité en matière d’aménagement du territoire : il doit créer les conditions propices à l’accueil des industries. Nous avons étudié les raisons pour lesquelles certains territoires attirent les industries, et nous nous sommes aperçus que ces territoires vont bien parce que des personnes ont relayé leurs énergies : MM. Vitrat et Malvy à Figeac ou M. Méhaignerie à Vitré, par exemple. Je pense également à la Vendée militaire ou au bassin d’Oyonnax. Il faut les accompagner, notamment en veillant à ce que le territoire dispose de logements, d’écoles, de services publics, de transports… À Castres, par exemple, l’autoroute A69 est nécessaire. Je suis également favorable au contournement de Nîmes, pour permettre au bassin d’Alès d’avoir un accès direct à l’autoroute. Telle est, selon moi, la nouvelle responsabilité de l’État : il doit faire en sorte que les conditions d’accueil de l’industrie soient bonnes, notamment en assouplissant davantage les règles applicables au foncier car, actuellement, le préfet qui prend une mesure d’assouplissement reçoit une volée de bois vert dans les médias. L’État doit également jouer un rôle en matière d’innovation et de recherche. BPIFrance est une émanation de l’État.
M. Pierre-André de Chalendar. La commande publique est également un outil précieux.
M. André Gallois. J’ose à peine le dire devant mon voisin : l’État doit planifier son action, de manière que les industriels aient une visibilité sur ses projets, tout en laissant vivre les énergies des territoires.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Monsieur de Chalendar, vous avez évoqué le fameux MACF. Dans une de ses études, La Fabrique de l’industrie précise qu’en taxant les matières premières, les utilités comme l’acier ou l’aluminium, on pénaliserait l’industrie européenne et qu’il faudrait donc taxer plutôt les produits finis ou semi-finis pour éviter d’inciter les industriels à aller construire des voitures en Turquie, par exemple. Qu’en pensez-vous ? Quels pourraient être, selon vous, les mécanismes intelligents de protectionnisme économique ?
M. Pierre-André de Chalendar. La Fabrique a beaucoup réfléchi à cette question et, je le reconnais, nos études m’ont fait changer d’avis. Le MACF est une bonne idée, comme je le pensais, mais elle a été mal mise en œuvre, car on a voulu que ce mécanisme soit compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Or non seulement les Européens sont les seuls à avoir cette préoccupation, mais cela n’empêche pas les Américains ou les Chinois de le dénoncer comme un outil protectionniste.
Le MACF a trois défauts principaux : l’aval – les industriels de l’automobile, par exemple, sont tentés d’aller construire leurs voitures à l’étranger pour avoir accès à un acier moins cher puisque les voitures, elles, ne seront pas taxées ; l’export ; le contrôle de l’origine – un pays dont 20 % de l’énergie est décarbonée prétendra que tous les produits qu’il exporte ont été fabriqués grâce à cette énergie-là.
Pour ces raisons, nous avons indiqué que ce mécanisme ferait plus de mal que de bien. Il faut donc le revoir entièrement et, comme je ne suis pas convaincu qu’il puisse être amendé, opter pour une véritable taxe aux frontières, même si celle-ci n’est pas compatible avec les règles de l’OMC.
En attendant, tant que l’on n’est pas assuré que le mécanisme fonctionne correctement, il ne faut pas abandonner les quotas gratuits car, d’après nos études, c’est ce qui détruira le plus d’emplois. Les industriels se sont battus, à Bruxelles, en faveur de leur maintien, en vain. Je suis favorable à la décarbonation – il est bon que l’Europe soit en avance –, donc à un mécanisme aux frontières, puisqu’il n’existera pas de taxe carbone mondiale avant très longtemps.
M. le président Charles Rodwell. Merci beaucoup. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant au questionnaire qui vous a été envoyé il y a quelques jours et en envoyant au secrétariat les documents que vous jugerez utile de transmettre à notre commission d’enquête.
La séance s’achève à onze heures quinze.
Présents. – M. Roger Chudeau, M. Mickaël Cosson, Mme Florence Goulet, M. Tristan Lahais, M. Robert Le Bourgeois, M. Alexandre Loubet, M. Charles Rodwell, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Thierry Tesson, M. Frédéric Weber
Excusés. – M. Éric Michoux, M. Pierre Pribetich, M. Vincent Thiébaut, M. Stéphane Viry