Compte rendu
Commission d’enquête sur
les défaillances des
pouvoirs publics face à la multiplication des plans
de licenciements
– Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Lhotte, président d’AGCO France, vice‑président et directeur général de Massey Ferguson pour l’Europe et le Moyen‑Orient, M. Éric Odièvre, directeur des ressources humaines d’AGCO France et de Massey Ferguson pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, et M. Xavier Arruego, responsable de la communication d’entreprise, des relations publiques et de l’engagement des collaborateurs d’AGCO France 2
– Présences en réunion................................20
Lundi
5 mai 2025
Séance de 14 heures
Compte rendu n° 25
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Denis Masséglia, président
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La séance est ouverte à quatorze heures.
Présidence de M. Denis Masséglia, président.
La commission d’enquête auditionne M. Thierry Lhotte, président d’AGCO France, vice‑président et directeur général de Massey Ferguson pour l’Europe et le Moyen-Orient, M. Éric Odièvre, directeur des ressources humaines d’AGCO France et de Massey Ferguson pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, et M. Xavier Arruego, responsable de la communication d’entreprise, des relations publiques et de l’engagement des collaborateurs d’AGCO France.
M. le président Denis Masséglia. Nous allons consacrer notre première audition de la journée à l’examen de la situation de l’entreprise AGCO, spécialisée dans la fabrication de machines agricoles, qui a annoncé, à la fin de l’année 2024, la suppression d’une centaine d’emplois sur le site de Beauvais, ce qui a conduit à l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Pour évoquer le sujet, et toutes les questions qui l’entourent, nous recevons M. Thierry Lhotte, président d’AGCO France, vice‑président et directeur général de Massey Ferguson pour l’Europe et le Moyen‑Orient, M. Éric Odièvre, directeur des ressources humaines d’AGCO France et de Massey Ferguson pour l’Europe, le Moyen‑Orient et l’Afrique, et M. Xavier Arruego, responsable de la communication d’entreprise, des relations publiques et de l’engagement des collaborateurs d’AGCO France.
Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Thierry Lhotte, M. Éric Odièvre et M. Xavier Arruego prêtent serment.)
M. Thierry Lhotte, président d’AGCO France, vice‑président et directeur général de Massey Ferguson pour l’Europe et le Moyen‑Orient. AGCO n’est pas une société française, mais la filiale d’un groupe multinational américain. Cette distinction est importante car elle offre une perspective différente de celle d’un groupe français contraint de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi.
Fondée en 1990 et basée en Géorgie, l’entreprise AGCO opère dans trente-trois pays. Nous sommes présents en France sur trois sites : Beauvais, dans l’Oise, au cœur de notre discussion d’aujourd’hui, Ennery, en Moselle, et Bondoufle, en région parisienne. Ces implantations font partie des soixante-neuf sites que nous possédons à travers le monde, offrant au groupe une vision globale de l’économie mondiale et des conditions d’accueil dans différents pays. Cette perspective internationale influence nos décisions d’investissements stratégiques.
AGCO est l’un des leaders mondiaux du machinisme agricole. Nous détenons des marques renommées telles que Massey Ferguson, Fendt, Valtra et PTx. En 2024, notre chiffre d’affaires s’est élevé à 11,7 milliards de dollars, en nette baisse par rapport aux 14,5 milliards de dollars de l’année précédente. La même année, 500 millions de dollars ont été investis en recherche et développement Fin avril 2025, le groupe employait 23 699 personnes dans le monde.
Le marché français a représenté environ 12 % du chiffre d’affaires d’AGCO l’année dernière, soit 1,4 milliard de dollars. La France concentre 8 % des effectifs du groupe.
Bien que nos marques aient une portée mondiale, nous restons profondément ancrés dans nos territoires d’implantation, l’industrie étant avant tout une affaire locale. Le site de Beauvais, qui célébrera son soixante-cinquième anniversaire fin 2025, est le siège des opérations de la marque Massey Ferguson pour l’Europe et le Moyen-Orient, ainsi que celui des opérations commerciales pour l’ensemble des marques du groupe sur le marché français. L’usine de Beauvais exporte 85 % de sa production dans le monde entier, le reste étant destiné au marché français. Notre centre logistique pour les pièces détachées, implanté à Ennery depuis 1996, dessert également le monde entier. Nous avons décidé d’investir dans sa modernisation en construisant de nouveaux bâtiments qui seront achevés fin 2026. Enfin, notre site de Bondoufle est spécialisé dans la rédaction des catalogues de pièces détachées pour nos concessionnaires et les agriculteurs en ligne.
AGCO investit régulièrement dans ses sites français. Pour Beauvais, nous avons investi 110 millions d’euros entre 2018 et 2024, principalement dans la réhabilitation d’une friche industrielle. Cet investissement visait à créer un outil de production plus compact, plus compétitif et plus productif. Nous sommes ainsi passés du statut d’assembleur de composants à celui de fabricant, et avons gagné en autonomie. Nous avons également développé un centre de logistique et de préparation de kits sur le site de Beauvais pour approvisionner les lignes de production en temps réel. Ces projets ont créé 330 nouveaux emplois en France, dont 256 à Beauvais.
Le groupe investit en France en raison des nombreux atouts du pays et d’AGCO France. Parmi ces atouts, citons l’engagement élevé de nos collaborateurs et notre politique de formation intensive, 78 % des employés ayant reçu au moins une formation l’année dernière. Cette approche vise à développer l’agilité de l’entreprise et l’épanouissement professionnel des collaborateurs.
Depuis 2017, année au cours de laquelle je suis devenu président d’AGCO France, nous avons élaboré et partagé avec l’ensemble des salariés une vision stratégique claire, donnant du sens au travail quotidien des uns et des autres. La qualité du dialogue social nous permet de trouver des solutions même dans les situations les plus délicates. Nous bénéficions également du soutien et de l’accompagnement exigeant des autorités locales, qu’il s’agisse de la mairie, de la région, du département ou des services de l’État. Le dernier exemple en date concerne la modification de l’infrastructure routière, bénéfique tant pour les Beauvaisiens que pour le développement d’AGCO et la création de nouveaux emplois.
Je veux souligner que le recours à un plan social intervient uniquement après que toutes les autres options ont été examinées, car il représente un échec pour l’ensemble des parties prenantes. La décision prise en juin 2024 s’explique par l’histoire de l’entreprise AGCO. En effet, celle-ci a racheté plusieurs marques et sociétés sans prendre le temps de les restructurer lors de leur intégration. Cela a engendré de nombreuses duplications dans diverses fonctions, notamment les ressources humaines, la comptabilité, l’informatique et l’ingénierie, conduisant à des redondances opérationnelles.
Nous avons traversé une période stable jusqu’en octobre 2023, date à laquelle le marché mondial des machines agricoles s’est effondré, provoquant la crise la plus importante des quatre dernières décennies. Cette situation nous a contraints à prendre des décisions rapides pour consolider notre groupe et améliorer notre compétitivité. La mise en place de cette nouvelle organisation a entraîné des réductions d’effectifs.
Notre performance économique est inférieure à celle de nos concurrents, notamment en raison du poids de nos frais généraux. Cet écart, qui s’élevait à 2,3 points à la clôture de l’exercice 2023, représente environ 300 millions d’euros pour une entreprise comme la nôtre, qui a fait un chiffre d’affaires de 14,5 milliards d’euros cette année-là. Or ces fonds sont essentiels pour poursuivre le développement de nouveaux produits, l’innovation et la modernisation de nos usines.
Dans ce contexte, nous avons pris la décision de nous recentrer sur nos métiers de base. Nous avons choisi d’externaliser certaines activités, comme l’informatique, vers des sociétés spécialisées. Pour maintenir notre capacité de développement, nous avons également décidé de délocaliser certaines ressources vers d’autres sociétés AGCO implantées dans des pays reconnus pour leurs coûts salariaux compétitifs et leurs compétences. Parmi ces pays, je citerai la Hongrie – il y a un bureau à Budapest –, l’Inde – les sites de Pune et Bangalore sont principalement consacrés à l’informatique et l’ingénierie –, ainsi que la Chine – l’entreprise a investi, depuis 2016, dans deux usines modernes de tracteurs et de moissonneuses-batteuses.
Face à ces décisions difficiles, notre priorité a été d’accompagner les salariés dans la compréhension du plan et de la stratégie de l’entreprise, mais aussi de les soutenir dans leur retour à l’emploi. Nous avons organisé vingt-trois réunions de négociation avec les partenaires sociaux, qui ont abouti à la signature unanime d’un accord.
Notre réussite dépend de notre capacité à jouer collectivement en France, en créant les conditions propices au succès de l’emploi et au développement de nos entreprises, tout en assurant leur stabilité. Je tiens à souligner que nous avons pu compter sur le soutien indéfectible des autorités locales dans nos projets. Néanmoins, il faut reconnaître qu’il demeure globalement difficile d’entreprendre en France. Il semble y avoir une incompréhension persistante entre le monde de l’entreprise et la sphère politique. Nous avons besoin de travailler main dans la main de manière plus efficace.
La concurrence mondiale, avec la montée en puissance de pays comme l’Inde et la Chine, est une réalité incontournable. Ces pays ont un niveau d’éducation très élevé, un coût du travail extrêmement faible et produisent des biens dont la qualité rivalise avec celle de nos produits. La France n’est plus protégée par des barrières, comme on pourrait parfois le penser. Il est donc impératif d’examiner notre situation avec lucidité, en prenant en compte la fiscalité, le coût du travail, le coût de l’énergie, ainsi que la complexité administrative caractéristique de notre pays. Permettez-moi d’illustrer ces points par quelques exemples concrets.
Selon les données Eurostat, les impôts de production représentaient 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) en France, contre seulement 0,9 % en Allemagne, en 2023. Quant aux prélèvements obligatoires, ils représentaient, en 2022, 48 % du PIB en France, contre 41,1 % en Allemagne, soit un écart de 7 points, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le coût du travail, en France, figure parmi les plus élevés d’Europe. Un salaire brut de 100 euros coûte 142 euros à l’entreprise, tandis que le salarié perçoit 77,5 euros. En comparaison, en Hongrie, pour le même salaire brut, le coût pour l’entreprise est de 115 euros, alors que le salarié reçoit 85 euros. En Inde, ces chiffres sont respectivement de 112 euros et 90 euros. Ces écarts sont d’autant plus significatifs que les salaires moyens dans ces pays sont généralement inférieurs à ceux qui existent en France.
L’instabilité réglementaire et l’accumulation des normes, deux autres défis, sont particulièrement problématiques pour une entreprise exportatrice comme la nôtre. Par exemple, dans le domaine des attelages pour remorques, nous sommes confrontés à des définitions différentes dans presque chaque pays européen. Cette situation engendre une complexité considérable alors qu’une standardisation serait tout à fait envisageable.
Mon avis est nuancé en ce qui concerne la lenteur administrative. L’accompagnement des agences de l’État sur les projets à moyen et long terme est de bonne qualité. Cependant, ces agences ne sont pas structurées pour réagir promptement lorsqu’il est question de projets nécessitant des décisions rapides, ce qui a parfois conduit à l’abandon de certains projets faute de réponse en temps voulu.
Le niveau scolaire, particulièrement en mathématiques, pose des problèmes lors des recrutements. Les mathématiques sont essentielles car elles imposent un raisonnement logique et factuel. La baisse du niveau scolaire, couplée à la mauvaise influence des réseaux sociaux, est préoccupante. Cette tendance qui voit chacun s’estimer rapidement expert en tout déstabilise considérablement les relations au sein de l’entreprise et dans la société en général. Le niveau scolaire et la maîtrise des langues étrangères constituent des enjeux cruciaux sur lesquels il faut se pencher. La pratique de l’anglais est indispensable dans une entreprise multinationale comme la nôtre. Malgré des progrès, nous accusons encore un retard significatif par rapport à nos homologues des pays nordiques.
Un renforcement de l’apprentissage, même modeste, engendrerait deux bénéfices majeurs : d’abord, il faciliterait l’intégration progressive et précoce des jeunes dans l’entreprise, les immergeant rapidement dans la culture professionnelle ; ensuite, ces jeunes, issus de divers milieux, pourraient véhiculer une image positive de l’entreprise, ce qui contribuerait à réconcilier la société française et le monde de l’entreprise. Cette réconciliation est, à mon sens, primordiale.
Le crédit d’impôt recherche (CIR) est également un atout considérable, puisqu’il couvre environ 5 % de nos frais annuels de recherche et développement. Les velléités de démantèlement de ce dispositif me paraissent dangereuses, car il a significativement renforcé la compétitivité de nos équipes d’ingénierie. Nous ne sommes toutefois pas seuls sur l’échiquier mondial. L’année dernière, au Brésil, nous avons bénéficié d’une subvention étatique couvrant 25 % de nos frais d’ingénierie globaux. L’ampleur de cette aide est colossale.
Nous sommes convaincus que la France recèle des talents et des entreprises intrinsèquement compétitifs. Il incombe à l’État et aux responsables politiques de nous aider à libérer pleinement ce potentiel. Nos recommandations, bien que modestes et maintes fois répétées par de nombreux chefs d’entreprise, sont les suivantes :
– réduire drastiquement les coûts de production, ce qui englobe l’énergie, le coût du travail et la fiscalité ;
– mettre en œuvre une politique soutenant l’innovation et l’investissement, avec une vision stratégique à long terme. Le « plan Messmer » de 1974 relatif au nucléaire civil, quoi qu’on en pense, a fourni une orientation claire en la matière ;
– définir une vision de formation scientifique et économique supérieure ;
– harmoniser, simplifier et stabiliser la réglementation et la fiscalité. Les entreprises abhorrent l’incertitude et les changements radicaux. Nos investissements s’inscrivent dans le temps long. Notre usine de Beauvais, par exemple, a besoin de temps pour opérer des virages stratégiques. Les changements ne peuvent s’effectuer en un an ou deux.
Enfin, je tiens à rappeler que ce sont les entreprises, petites ou grandes, qui innovent et créent de l’emploi. Le monde politique doit donc comprendre que nous avons besoin de son soutien, dans les périodes fastes comme dans les moments difficiles, pour préserver notre compétitivité et maintenir l’attrait de la France pour les investissements.
M. le président Denis Masséglia. Vous avez, à plusieurs reprises, établi une distinction entre le monde politique et celui de l’entreprise. Il me semble que nous gagnerions tous à réduire ce fossé. Il n’est pas rare que des personnalités politiques soient issues du monde de l’entreprise, et inversement. Cette porosité est peut-être plus importante qu’on ne le pense.
Vous avez abordé de manière très précise la question des prélèvements obligatoires. Ces derniers, je le rappelle, incluent les cotisations qui financent notre modèle social. Serait-il possible que vous nous communiquiez un état détaillé des aides publiques dont vous avez bénéficié ces dernières années ? Parallèlement, pourriez-vous nous fournir un récapitulatif des impôts et cotisations dont vous vous êtes acquittés ?
Cette demande s’inscrit dans le prolongement de nos échanges avec les représentants des organisations patronales. Ils nous ont fait remarquer – je cite approximativement – que lorsque l’État verse 10 euros, il exige des justifications sur l’utilisation de ces 10 euros, oubliant que l’entreprise lui a préalablement versé 100 euros. Ces éléments nous permettraient d’évaluer précisément si les aides de l’État sont prépondérantes dans votre cas ou si, au contraire, c’est l’entreprise qui finance majoritairement l’État.
M. Thierry Lhotte. Je peux vous apporter un premier élément de réponse, mais nous vous fournirons une réponse écrite plus structurée. Sur la période 2018-2024, durant laquelle nous avons bénéficié d’aides publiques pour la réhabilitation de la friche industrielle située en face de nos locaux, le montant total des aides s’est élevé à 2,7 millions d’euros. Cette somme a été répartie sur deux années.
Nous avons investi 110 millions d’euros sur la même période. Notre contribution fiscale annuelle s’élève à 13 millions d’euros. À cela s’ajoutent nos charges patronales, qui atteignent environ 41 millions d’euros. En résumé, nous avons reçu 2,7 millions d’euros d’aides et dépensé les montants que je viens d’indiquer. Nous vous transmettrons un tableau détaillé.
M. le président Denis Masséglia. Ne serait-il pas plus avantageux que le montant des impôts soit réduit et que les aides publiques soient parallèlement supprimées ? Cela allégerait votre charge fiscale et simplifierait les procédures administratives liées au suivi des dossiers.
M. Thierry Lhotte. Cette proposition mérite réflexion. Elle pourrait constituer une approche pertinente pour commencer à rationaliser le système. Il faut se souvenir que les aides de l’État sont ponctuelles, et non pas récurrentes. Les 2,7 millions d’euros que nous avons touchés ont été répartis sur les années 2020 et 2021. Depuis 2022, et pour 2023 et 2024, nous n’avons reçu aucune aide.
Une baisse de nos impôts de production ou de nos charges patronales nous permettrait indéniablement de poursuivre nos investissements. Nous serions en mesure de démontrer au groupe que la France est devenue plus compétitive que par le passé. Lors des décisions stratégiques d’investissement, nous pourrions présenter la France sous un jour plus favorable.
M. le président Denis Masséglia. Vous avez créé environ 330 nouveaux emplois tout en étant contraints de réduire vos effectifs d’une centaine de salariés. Pourriez-vous nous communiquer le chiffre de vos effectifs en France ? Vous avez dit qu’ils représentaient 8 % des effectifs globaux, me semble-t-il. Quelle est la situation sur le site de Beauvais ? Enfin, quelles sont les catégories d’emplois affectées par les suppressions de postes ?
M. Thierry Lhotte. Nous employons actuellement 1 900 personnes en France. Nous comptions 1 500 employés en 2017. Le plan a principalement affecté le bureau d’études, déjà présent en Inde et au Brésil, comme je l’ai expliqué précédemment, ainsi que le département informatique, les ressources humaines, le service financier et l’équipe marketing. Il n’a pas concerné le personnel de production.
M. le président Denis Masséglia. Pourriez-vous nous donner le détail des emplois que vous avez transférés à Bangalore, en Inde ? Vous avez mentionné le bureau d’études, mais la France est généralement reconnue pour la qualité de ses ingénieurs. Quelles sont les compétences que vous avez délocalisées en Inde et quelles sont celles que vous conservez ici ?
M. Thierry Lhotte. Nous avons transféré en Inde des postes de techniciens et d’ingénieurs, car nous disposons de niveaux de formation équivalents là-bas. Nous y avons développé une part importante de notre ingénierie électronique, tout en conservant une antenne stratégique à Beauvais. Nous avons également délocalisé en Inde une partie significative de l’activité de design et de création de composants moins stratégiques pour les tracteurs.
M. le président Denis Masséglia. Vous avez évoqué l’impact des normes, en particulier des normes européennes, sur votre activité. Avez-vous évalué l’impact potentiel, en termes de chiffre d’affaires ou de résultats d’une part, en termes d’emploi d’autre part, d’une uniformisation des normes à l’échelle européenne ?
M. Thierry Lhotte. Votre question est pertinente, mais il est très difficile d’y répondre. La réduction de la complexité du fait d’une évolution de la réglementation est difficile à quantifier précisément. Même dans l’industrie automobile, il n’existe pas de chiffre exact sur les économies faites lorsqu’une pièce est supprimée. Ce que je peux dire, c’est que nous employons du personnel pour gérer cette complexité, notamment dans le domaine des homologations, et que cela a un impact sur la rotation de nos stocks. Cependant, je ne suis pas en mesure de vous donner une estimation chiffrée de l’impact des normes sur notre rentabilité.
M. le président Denis Masséglia. Existe-t-il actuellement des normes européennes qui entravent votre capacité de production à l’échelle du continent ? Dans le secteur du textile, certaines réglementations, issues du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (Reach), ou de la directive dite « LdSD », sont si complexes à mettre en œuvre qu’elles ont conduit à une délocalisation massive, car il était trop difficile de produire – à un coût acceptable – dans le respect de leurs dispositions.
M. Thierry Lhotte. Les normes ne constituent pas un obstacle majeur pour nous. Nous sommes en mesure de nous adapter aux règles et de commercialiser nos produits dans l’ensemble des pays européens.
M. Benjamin Lucas-Lundy, rapporteur. Un rapport du cabinet d’expertise Secafi, mandaté par les organisations syndicales, indique que les difficultés rencontrées par le Groupe AGCO sont cycliques dans le secteur des engins agricoles. Il constate qu’il y a déjà une reprise des commandes et une augmentation prévisionnelle du chiffre d’affaires de l’ordre de 3 % pour 2025. Quel regard portez-vous sur ce rapport ?
M. Thierry Lhotte. L’analyse effectuée par le cabinet Secafi ou par ceux qui ont interprété son rapport ne reflète pas la réalité de la situation. En effet, le marché mondial des machines agricoles a continué de baisser de 15 % à la fin du premier trimestre de l’année 2025. Il est vrai que le cabinet s’est appuyé sur une étude du Comité européen des groupements de constructeurs du machinisme agricole (Cema), qui évalue les intentions et le moral des entrepreneurs du secteur. Produite en fin d’année, elle faisait état d’une amélioration du moral des acteurs, laquelle pouvait permettre d’anticiper une reprise de l’activité. Cependant, la réalité est différente. En Europe et au Moyen-Orient, nous constatons une baisse de 21 % du marché à la fin du mois de mars 2025 par rapport à la situation qui prévalait un an plus tôt ; à l’échelle mondiale, la baisse est de 15 %. Le chiffre d’affaires du groupe, qui s’élevait à 14,5 milliards de dollars en 2023, était de 11,7 milliards de dollars en 2024. En 2025, comme cela a été annoncé à la communauté financière le 2 mai dernier, le chiffre d’affaires devrait atteindre 9,6 milliards de dollars. Un groupe qui perd 30 % de son chiffre d’affaires, soit 5 milliards de dollars, doit nécessairement prendre des décisions.
M. le rapporteur. Vous avez indiqué que les suppressions de postes ne concernaient pas les équipes de production. Qu’en est-il des travailleurs intérimaires ?
M. Thierry Lhotte. Ils ont été concernés par le plan social. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer lors du conseil d’agglomération de Beauvais, le 7 novembre dernier. La stratégie de l’entreprise, depuis quinze à vingt ans environ, repose sur l’emploi de salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) capables de produire une cinquantaine de tracteurs par jour. Étant donné la nature cyclique de notre industrie, nous recourons au travail intérimaire lors des pics d’activité ; à l’inverse, nous réduisons la voilure lorsque l’activité se contracte. Effectivement, le nombre de travailleurs intérimaires a été considérablement réduit ; cela nous évite de mettre en œuvre un plan social tous les trois ans.
M. le rapporteur. Il est donc inexact d’affirmer qu’il n’y a pas eu de suppressions d’emplois dans le domaine de la production.
M. Thierry Lhotte. Vous avez raison. Cependant, lorsque nous réembaucherons des travailleurs, cela ne fera pas les gros titres des journaux. Nous créons des emplois, nous en supprimons, nous en recréons, nous en supprimons à nouveau. La fluctuation du marché est telle que personne n’a trouvé d’autre méthode de gestion.
M. le rapporteur. Rassurez-vous : avec le président, nous serons ravis d’annoncer de bonnes nouvelles le jour où elles se présenteront.
Les aides directes ou indirectes provenant de l’État ou des collectivités territoriales ont-elles été, à un moment ou à un autre, conditionnées à des engagements en matière d’emploi ou d’ancrage territorial ?
M. Thierry Lhotte. Oui. Permettez-moi de rappeler le contexte historique. Une entreprise phare dans le domaine de l’agro-alimentaire passe, entre 1970 et 2018-2019, de 3 000 à 310 salariés et finit par fermer ses portes, laissant un site de 25 hectares potentiellement à l’abandon. Nous avons été approchés pour reprendre les bâtiments et revitaliser cet espace. Initialement, nous n’avions pas de projet industriel spécifique dans le cadre de cette revitalisation, mais nous en avons rapidement élaboré un, car nous avons perçu l’opportunité de créer de la valeur ajoutée en passant d’assembleur à assembleur et producteur de composants pour l’ensemble des usines du groupe.
Une fois le projet mieux défini, nous avons proposé à l’agglomération, à l’État et à tous les représentants locaux de créer 195 emplois supplémentaires en échange d’une aide pour la fluidification de la circulation entre les deux sites. J’ai confirmé par écrit que nous anticiperions les embauches dès que nous aurions l’assurance qu’une solution serait trouvée, laquelle améliorerait par la même occasion la circulation à Beauvais. Nous avons donc procédé à des embauches massives en 2023 ; lorsque le site a été unifié, nous avions déjà créé les 330 emplois en France.
M. le rapporteur. Vous avez dit que l’emploi suivait une courbe sinusoïdale, laissant entendre que de nouvelles suppressions de postes pourraient intervenir. À ce stade, excluez‑vous formellement de procéder à de nouvelles destructions d’emplois, tant chez AGCO que chez GIMA ?
M. Thierry Lhotte. Les entreprises doivent constamment réfléchir à l’optimisation de leur organisation pour rester compétitives. Cependant, à l’heure actuelle, aucun nouveau plan de réduction d’effectifs n’est envisagé chez AGCO ou chez GIMA, notre joint‑venture avec l’entreprise CLAAS.
M. le rapporteur. Revenons sur la construction du pont, que vous avez évoquée. Les chiffres dont je dispose font état d’un investissement public total de 13 millions d’euros, répartis comme suit : 4 millions d’euros en provenance de la communauté d’agglomération du Beauvaisis, 6 millions d’euros en provenance de l’État, 1,5 million d’euros en provenance du département de l’Oise et 1,5 million d’euros en provenance de la région Hauts-de-France. Considérez-vous cet investissement comme un modèle exemplaire ? Estimez-vous que son impact est positif pour le territoire sur lequel votre société est implantée ?
M. Thierry Lhotte. Je ne saurais affirmer qu’il s’agit d’un modèle exemplaire, car ce sont des termes forts. Néanmoins, je constate quotidiennement son impact positif pour le territoire. La circulation est devenue fluide, alors qu’elle était auparavant insupportable pour les Beauvaisiens et tous ceux qui venaient travailler à Beauvais depuis le nord. Aujourd’hui, je peux affirmer que cet investissement a bénéficié de manière très significative à la collectivité.
M. le rapporteur. La construction du pont faisait-elle partie des conditions posées par la société AGCO pour maintenir ou développer ses activités sur le site ?
M. Thierry Lhotte. Nous avions besoin d’un passage entre les deux sites ; sa forme – un pont, une navette, un souterrain – importait peu. Il a été décidé de construire un pont, ce qui répondait à nos objectifs. Cette infrastructure nous a permis, je le rappelle, d’investir 110 millions d’euros et de créer 330 emplois.
M. le rapporteur. C’était donc bien une condition que vous posiez pour développer économiquement le site ?
M. Thierry Lhotte. J’ai déjà répondu à cette question à plusieurs reprises – pas ici –, et vous connaissez la réponse. Nous n’allions pas investir 110 millions d’euros sans que les deux sites puissent communiquer. En termes de productivité, cela n’aurait pas été viable.
M. le rapporteur. Avez-vous contribué financièrement au projet ? Si oui, à quelle hauteur ? Sinon, pourquoi n’avez-vous pas été mis à contribution ? L’État ou les collectivités territoriales vous ont-ils demandé de participer ? Si oui, quand et comment ?
M. Thierry Lhotte. Ni l’État ni les collectivités territoriales n’ont réclamé une contribution financière directe de notre part. Je m’étais engagé à créer des emplois et à investir sur place. Par ailleurs, si nous avions financé le pont, nous aurions pu envisager d’instaurer un péage, ce qui aurait obligé tous les Beauvaisiens et les personnes se rendant à Beauvais à payer pour l’utiliser. Je pense que cette solution n’aurait pas été optimale.
M. le rapporteur. En 2019, à Abbeville, une infrastructure routière similaire a été financée par l’entreprise bénéficiaire, sans que cela nécessite pour autant l’instauration d’un péage. Je comprends de votre réponse que personne n’a sollicité de votre part une contribution financière pour la construction du pont. Est-ce exact ?
M. Thierry Lhotte. Effectivement, nous n’avons pas contribué directement au financement du pont. Toutefois, pendant les travaux, nous avons largement participé à la mise en œuvre du dispositif tendant à rendre gratuits les péages de l’autoroute empruntée par les personnes qui travaillent à Beauvais. C’est un élément important à prendre en compte, car cela a représenté une contribution financière non négligeable.
M. le rapporteur. Notre commission d’enquête s’intéresse au rôle que jouent les pouvoirs publics dans la préservation de l’emploi. Nous interrogeons tous nos interlocuteurs sur ce point afin de mieux comprendre les interactions entre les entreprises et les autorités publiques. Je reconnais que je ne sais pas exactement à quoi ressemblent les discussions entre un chef d’entreprise et un ministre, un membre de son cabinet ou le président d’un exécutif local. Pourriez-vous nous éclairer sur le déroulement des discussions relatives à la construction du pont avec les différentes collectivités publiques ? Avez-vous formulé une demande ou est‑ce la collectivité qui a fait le premier pas et proposé de répondre à votre besoin ? Comment les discussions ont-elles été formalisées ? Bien que l’on ne vous ait pas demandé de contribuer financièrement, j’imagine que l’on vous a interrogé sur vos intentions et que l’on a attendu de vous des engagements en termes de création d’emplois et de développement de l’activité.
M. Thierry Lhotte. Effectivement, c’est pour cette raison que je m’étais engagé à créer ces 195 emplois supplémentaires. Nous n’avons jamais demandé la création d’un pont ; nous avons demandé l’établissement d’un passage entre les deux sites, peu importe sa forme. Les discussions avec les services de l’État ont débuté de manière très naturelle, notamment en raison de l’important problème que représentait pour le Beauvaisis la fermeture de l’entreprise située en face de la nôtre. Il fallait trouver rapidement une solution, et je dois dire que les projets que nous avons mis en place démontrent que nous avons eu raison de nous lancer dans cette aventure. Je n’ai aucun regret, bien au contraire.
Pour répondre précisément à votre question sur la chronologie des événements, les échanges formels ont débuté le 15 avril 2019 lors d’une réunion à la préfecture avec toutes les parties prenantes. Nous avons alors exprimé le besoin qu’un passage soit établi. Le préfet a ensuite discuté avec les autorités locales et présenté une solution le 7 octobre 2020. J’ai répondu le 15 décembre 2020 en annonçant que nous anticipions les embauches. L’annonce du plan social et des licenciements est intervenue environ six mois après l’inauguration du pont.
M. le rapporteur. Comment vos interlocuteurs, représentants de l’État et des collectivités territoriales, qui pouvaient légitimement se sentir un peu bernés dans cette affaire, ont-ils réagi ? Il s’agit d’un investissement conséquent, en particulier pour des collectivités de cette taille ; c’est aussi un investissement non négligeable pour l’État. De plus, d’après ce que je comprends, vos attentes initiales ont été dépassées par le projet, puisque vous ne demandiez pas nécessairement la construction d’un pont de cette envergure. Vos interlocuteurs ont-ils exprimé, sinon de la colère, du moins des interrogations ?
M. Thierry Lhotte. La construction d’un pont est apparue comme la meilleure solution compte tenu de l’emplacement des deux sites. Les collectivités territoriales et la préfecture n’ont pas accueilli le projet de plan social avec enthousiasme, ce qui est tout à fait compréhensible. Les discussions ont été difficiles, car notre annonce a surpris tout le monde. Après plusieurs années de forte croissance et d’embauches, la décision a paru brutale. Le dernier plan social, si je ne me trompe pas, remontait à 2009‑2010 ; cela veut dire qu’il n’y a pas eu d’incident majeur pendant près de quatorze ans. Nous avons géré toutes les crises du mieux que nous pouvions.
M. le rapporteur. Nous cherchons à savoir si le Gouvernement est intervenu dans le processus. A-t-on cherché à vous dissuader de supprimer des emplois ? Vous a-t-on présenté des solutions différentes de la solution envisagée ? Jusqu’où les discussions sont-elles allées ?
M. Thierry Lhotte. Toutes les parties que nous avons rencontrées ont respecté notre décision, tout en essayant de nous dissuader de la prendre. Il s’agissait aussi d’un choix organisationnel, accéléré par la crise, et il n’était pas possible de revenir sur notre décision. Chacun a joué son rôle en présentant des arguments recevables pour tenter de nous faire renoncer. Cependant, nous étions engagés dans une démarche visant à devenir un véritable groupe, ce qui rendait nécessaire l’avènement d’une nouvelle organisation.
M. le rapporteur. N’avez-vous jamais été interpellés sur le montant des aides publiques, directes ou indirectes, que vous avez reçues ? Je ne fais pas uniquement référence au pont.
M. Thierry Lhotte. Je tiens à clarifier une chose : la construction du pont ne saurait être assimilée à une aide publique. Nous n’avons évidemment pas touché d’argent dans le cadre de ce projet. Nous avons reçu 2,7 millions d’euros d’aides publiques, comme je l’ai indiqué précédemment. Évidemment, cela a été un argument politique dans le Beauvaisis. Comme vous avez pu le constater dans la presse, il y a eu une polémique sur la réduction des effectifs alors que l’entreprise avait bénéficié d’aides ; il y a d’ailleurs eu une confusion sur les montants – certains ont dit que l’entreprise avait touché 13 millions d’euros. Nous nous sommes trouvés, malgré nous, au cœur d’un débat politique entre la municipalité en place et ses opposants. Factuellement, nous avons reçu 2,7 millions d’euros, embauché 195 personnes, investi 110 millions d’euros et même 500 millions d’euros depuis 2014. AGCO est une entreprise responsable qui honore ses engagements.
M. le rapporteur. Seriez-vous prêt, à l’instar du président de Michelin – il l’a déclaré lors d’une audition devant une commission d’enquête sénatoriale –, à envisager le remboursement des aides publiques reçues ? Au regard de l’engagement moral que vous aviez pris vis-à-vis des territoires pour développer l’emploi, seriez-vous disposé à discuter de la question si l’État ou les collectivités territoriales ayant financé le projet appelaient de leurs vœux le remboursement de tout ou partie des aides ?
M. Thierry Lhotte. Je considère sincèrement que la question n’est pas pertinente. J’ai scrupuleusement respecté les engagements que j’avais pris par écrit. En tant que président de la société, je peux affirmer en toute conscience que j’ai agi exactement comme je l’avais annoncé et que la collectivité était pleinement informée de mes intentions et de mes promesses. Du reste, nous avons créé 500 emplois à Beauvais depuis 2017. Quelle autre entreprise peut se targuer d’un tel bilan dans cette ville de taille modeste ? Nous nous acquittons également de toutes nos contributions, comme je l’ai mentionné précédemment.
M. le rapporteur. Je souhaite rebondir sur vos propos au sujet de l’organisation économique et de la stabilité. Nous ressentons tous, je pense, ce besoin de stabilité, y compris sur le plan social. Vous avez indiqué ne pas pouvoir anticiper de futures embauches ou de futures suppressions de postes en raison de l’incertitude de la conjoncture économique. Cependant, avez-vous une vision prospective pour l’avenir de la recherche et du développement sur ce site ? Vos éloges de l’Inde et de la Hongrie suscitent une certaine inquiétude.
M. Thierry Lhotte. J’ai simplement dit que les travailleurs étaient bien formés dans ces pays. Mon rôle de chef d’entreprise est de connaître les réalités du marché et d’en informer les équipes. Le modèle que nous avons adopté tardivement existe depuis longtemps dans l’industrie automobile. Notre nouvelle organisation nous a permis de concentrer l’activité à Beauvais sur les plateformes de forte puissance et de haut de gamme. L’avenir de la recherche et du développement est précisément là. Ces tracteurs sont stratégiques et génèrent nos meilleures marges. Nous avons réparti nos plateformes entre différents sites : la Finlande héberge une plateforme de moindre puissance, tandis que le Brésil dispose de petites plateformes.
M. le rapporteur. Pour conclure sur une note positive, quels sont les éléments qui vous permettent de croire en la pérennité de vos trois sites en France ?
M. Thierry Lhotte. Notre industrie est cyclique. Ces deux dernières années, nous avons significativement accru nos parts de marché, et la tendance se poursuit. Nous avons récemment pris la décision, en concertation avec les représentants syndicaux, d’augmenter les cadences de production à Beauvais. Concrètement, nous allons produire soixante tracteurs par jour, contre quarante-huit à l’heure actuelle, ce qui représente une augmentation considérable. Cette information n’est pas confidentielle ; c’est pourquoi je peux en parler ouvertement. Le changement sera effectif dès le mois de juin.
Par ailleurs, nous investissons 17 millions d’euros en Moselle pour la création d’un nouveau centre consacré aux pièces détachées. Cette infrastructure sera non seulement plus moderne, mais elle offrira également un environnement de travail nettement plus agréable à nos collaborateurs locaux. En effet, nos installations actuelles sont dispersées, ce qui complique le travail quotidien. Tout ceci est positif pour notre entreprise.
M. le rapporteur. Certains salariés expriment des inquiétudes quant à la possibilité que le site connaisse un sort similaire à celui de l’usine de Coventry, au Royaume-Uni. Cette dernière a été fermée car le Groupe AGCO a souhaité privilégier les sites jugés plus rentables. Un tel scénario est-il exclu pour les trois sites français ?
M. Thierry Lhotte. La situation de l’usine de Coventry était fondamentalement différente de la situation que nous connaissons en France. Elle produisait un modèle datant des années 1950, amélioré au fil du temps, certes, mais devenu obsolète ; il n’était pas possible de le faire évoluer davantage. Ce produit ressemblait partiellement aux produits fabriqués à Beauvais. Il a donc été décidé de rationnaliser l’organisation de l’activité. Parce que ce modèle est désormais principalement vendu en Afrique et en Amérique du Sud, il est apparu plus logique qu’il soit fabriqué en Amérique du Sud. Le reste de la production a été transféré à Beauvais.
Nous avons ensuite développé une nouvelle plateforme couvrant la gamme de puissance allant de 70 à 110 chevaux, conçue entièrement à partir de zéro et mise en production en Chine en 2016. Le site de Beauvais est positionné sur un segment totalement différent. Comme je l’ai souligné, nous y concevons et y produisons des tracteurs de haute technologie et de forte puissance, qui répondent aux exigences de l’agriculture moderne. Seule l’usine de Beauvais est capable de fabriquer ces produits. Elle occupe donc une position unique et essentielle au sein du groupe.
M. le rapporteur. Pourriez-vous nous indiquer, soit maintenant, soit dans les prochains jours, auprès de qui les engagements écrits que vous avez évoqués ont été pris ? Pourriez-vous nous dire à quelle date ils l’ont été ? En outre, pourriez-vous nous donner le détail des dates auxquelles vous avez échangé avec les représentants de l’État et des collectivités territoriales sur le plan social ? Ces informations nous permettraient d’établir une chronologie précise des événements, qui sera utile pour nos travaux.
M. Thierry Lhotte. Avant d’annoncer le plan social aux salariés, j’ai naturellement informé la préfecture et la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Toutes les parties prenantes ont été avisées avant le début des négociations. Les discussions consacrées à la construction du pont – je l’ai dit – ont débuté le 15 avril 2019, à la préfecture. Mon engagement était clairement formulé dans une lettre du 15 décembre 2020 adressée à la communauté d’agglomération. J’ai fait preuve d’une transparence totale dans ce dossier.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Notre objectif est d’identifier les éventuelles défaillances des pouvoirs publics à l’occasion de la mise en œuvre des projets de licenciements collectifs. J’ai étudié la situation de votre entreprise et j’ai écouté attentivement vos explications. Permettez-moi de résumer la situation. En 2019, vous entamez des négociations en exprimant le besoin qu’existe un passage entre vos deux sites. On vous propose alors la construction d’un pont. Peu après, fin 2019, vous prenez l’engagement écrit de créer de nouveaux emplois en contrepartie de la mise en place de cette infrastructure. Le pont est inauguré en décembre 2023, si je ne me trompe pas. Cependant, d’après mes informations, vous annoncez en décembre 2024 un plan social impliquant des licenciements. Cette chronologie est-elle exacte ?
M. Thierry Lhotte. Il y a peut-être une erreur dans les dates.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Pouvez-vous préciser la date à laquelle vous avez annoncé la suppression de 105 ou 115 postes ?
M. Thierry Lhotte. La chronologie de l’établissement du plan social est assez simple : en juin 2024, le président du Groupe AGCO a annoncé à l’ensemble des salariés une réorganisation impliquant une réduction de 6 % des effectifs. Nous avons ensuite bâti le plan et entamé les discussions avec nos représentants syndicaux ; la première réunion a eu lieu le 3 octobre, la seconde s’est tenue le 10 octobre. Nous avons suivi scrupuleusement le processus légal français, qui est très complexe et long. Cette longueur est surtout éprouvante pour les salariés, car il est extrêmement difficile d’expliquer que l’on ne peut pas déterminer précisément qui sera affecté par le projet, les décisions faisant l’objet de négociations avec les délégués syndicaux centraux. Le processus a duré trois mois. Les négociations ont pris fin en janvier 2025 ; l’accord sur les mesures proposées a été signé par l’ensemble des partenaires sociaux.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Je vous prie d’excuser mon erreur à propos des dates. Je souhaiterais cependant bien comprendre les raisons qui ont conduit votre entreprise à procéder à plus d’une centaine de licenciements. Comment expliquez-vous qu’une procédure de licenciements collectifs ait été engagée moins d’un an, voire moins de six mois après l’inauguration du pont, alors que vous vous étiez engagés à créer des emplois ? Je cherche à comprendre ce qu’il s’est passé entre le moment où vous avez pris l’engagement écrit de créer des emplois et le moment où le projet de plan social a été lancé.
En tant qu’avocate ayant accompagné des petites et moyennes entreprises (PME) du secteur métallurgique, je suis particulièrement intéressée par les raisons économiques qui ont poussé votre société à licencier plus de cent personnes en France sur un site que vous décrivez comme essentiel pour la production de tracteurs de très haute technologie et de très forte puissance. Pourriez-vous nous en dire plus ?
M. Thierry Lhotte. Notre groupe est le produit de l’acquisition de multiples entreprises depuis 1990. Cependant, ces entreprises n’ont jamais véritablement été restructurées. Cette situation a engendré des disparités organisationnelles significatives entre les différents pays et les différentes marques. La chute brutale du marché, amorcée en octobre 2023, a précipité la nécessité d’une réorganisation. Notre président a alors décidé qu’il était impératif que le groupe soit structuré différemment et que les procédures soient homogènes dans tous les pays et pour toutes les marques. Cette décision a inévitablement eu des répercussions sur l’emploi.
Je veux souligner qu’il n’existe pas de lien direct entre le projet de construction du pont et le plan de sauvegarde de l’emploi. Je rappelle que nous avons tenu nos engagements en termes de création d’emplois ; nous avons même fait mieux, puisque 330 postes ont été créés en France. Néanmoins, la crise actuelle du marché, la plus sévère depuis quarante ans, nous oblige à mettre en œuvre ce plan ; il s’agit de répondre aux exigences organisationnelles du groupe et de pallier ses défaillances.
J’insiste sur le fait que nos frais généraux sont supérieurs de 2,3 points à ceux de nos principaux concurrents. Cela représente environ 300 millions d’euros qui ne peuvent pas être investis dans la recherche et le développement ou dans la modernisation de nos infrastructures de production. Cela affecte notre compétitivité. Voilà donc les raisons qui ont motivé la restructuration.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Je peine encore à saisir la logique de votre démarche. Vous avez procédé à la restructuration du site de Beauvais. Il m’est difficile de comprendre pourquoi ce site, dont vous avez augmenté la surface de production et auquel vous avez apporté de nombreuses améliorations, a été le théatre d’un PSE.
M. Thierry Lhotte. Nous n’avons pas restructuré le site du point de vue de l’organisation. Nous avons créé de nouveaux métiers. Concrètement, nous avons acquis 27 hectares pour y développer de nouvelles activités, comme la fabrication de réservoirs à gasoil. La création des emplois dont il est question ici n’a pas de lien direct avec la volonté du groupe de se réorganiser. La réorganisation concerne principalement les services « support », pas la production. Dans ce domaine, comme je l’ai précisé, seul le nombre de travailleurs intérimaires a diminué, du fait de l’évolution du marché.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Pardonnez-moi, mais je peine toujours à comprendre votre démarche.
M. Thierry Lhotte. Depuis mon arrivée, en 2017, le nombre de nos employés est passé de 1 500 à 1 903. Nous avons donc créé des emplois et de la valeur. Si le plan social n’avait pas été mis en œuvre, l’entreprise compterait probablement 2 000 employés.
M. Éric Odièvre, directeur des ressources humaines d’AGCO France et de Massey Ferguson pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Nous disposons d’un site industriel exceptionnel, qui regroupe l’ensemble des fonctions de production, d’ingénierie et de support. Cette configuration est relativement rare en France. Il y a quinze ans, le site de Beauvais rassemblait 1 200 personnes.
Permettez-moi d’apporter des éléments de clarification. Comme Thierry Lhotte l’a souligné, nous n’avons pas fait évoluer les unités de production. Pourquoi ? Parce que nous sommes compétitifs et que nous avons tiré les leçons de la crise des subprimes de 2009. À l’époque, nous avions dû mettre en place un plan social en raison d’une baisse d’activité significative, avec plus de soixante jours de chômage partiel et des pertes économiques considérables. Le nombre d’intérimaires était passé de trois cents à zéro en trois semaines.
Pour éviter de revivre une telle situation, nous avons cherché à améliorer la compétitivité de notre production en introduisant plus de flexibilité. Nous avons mis en place deux dispositifs principaux. Premièrement, nos opérateurs travaillent 39 heures mais sont payés sur la base de 35 heures, ce qui permet de faire des ajustements en période de baisse d’activité – le machinisme agricole connaît des cycles de hausse et de baisse d’activité qui durent généralement deux ans (dans un sens comme dans l’autre). Deuxièmement, nous avons recours au travail intérimaire, ce qui nous offre une grande flexibilité. Le nombre d’intérimaires peut ainsi passer de trois cents à cinquante ou cent en fonction des besoins. Actuellement, nous prévoyons d’augmenter la production à hauteur de douze tracteurs par jour, ce qui nécessitera l’intégration de cent intérimaires supplémentaires.
Le pont que nous évoquons nous a permis de devenir fabricant de pièces pour l’ensemble des sites du groupe, sans modifier notre mode de fonctionnement. Nous avons recruté plus de 330 personnes. Je rappelle que la réorganisation du groupe, qui a touché plus de soixante sites dans le monde, a concerné l’ensemble des services « support », mais pas les unités de production.
Selon nous, la qualité du dialogue social et le recours à l’intérim nous permettent de nous adapter aux fluctuations de l’activité. Certes, la réduction du volume d’intérimaires lorsque l’activité se contracte n’est pas idéale, mais elle nous évite d’avoir à mettre en œuvre des plans sociaux de manière récurrente. Il n’y avait pas eu de plan social depuis 2010.
Le plan social actuel s’inscrit dans un projet de restructuration mondial. Nous avons reçu l’information trois semaines avant sa communication générale, le 28 juin. La gestion de la situation est naturellement très différente en France et aux États-Unis, où les licenciements peuvent être effectifs en deux heures. Dans notre pays, le processus demande une préparation approfondie, ce qui provoque souvent un sentiment paradoxal chez les salariés : les trois mois de négociation semblent à la fois trop longs et trop courts.
Nous avons initialement annoncé 126 suppressions de postes en France. À l’issue des consultations, ce nombre a été réduit à 113 – dont 95 sur le site de Beauvais. Sur les 113 suppressions de postes, il y a eu 40 licenciements secs, 56 départs volontaires – avec des créations d’entreprise, des formations et des reconversions – et 17 reclassements internes. À Beauvais, 50 salariés ont opté pour un départ volontaire – une vingtaine pour créer leur entreprise. L’accompagnement de ces projets s’étendra sur un an au moins.
Notre objectif est d’accompagner l’ensemble des salariés concernés vers un nouvel emploi, malgré les difficultés inhérentes à ce type de situation.
M. le rapporteur. Il me semble percevoir une possible contradiction entre les propos de M. Odièvre et ceux de M. Lhotte sur le caractère cyclique des difficultés rencontrées par l’entreprise. M. Odièvre vient d’évoquer la cyclicité, tandis que M. Lhotte a indiqué que le rapport d’expertise que j’ai mentionné faisait une analyse erronée de la situation.
Par ailleurs, j’aimerais obtenir des précisions sur les données relatives aux emplois. Vous avez évoqué la création de 330 emplois. Pourriez-vous nous dire à quel moment ces emplois ont été créés ? Combien d’emplois ont été créés depuis l’annonce de la construction du pont ? Je trouve sur le site internet de votre entreprise des chiffres qui laissent penser que 125 emplois ont été créés entre 2022 et 2024.
De plus, pourriez-vous nous éclairer sur la situation de GIMA, et notamment sur les raisons qui ont conduit à la suppression de l’équipe de nuit, puis à sa recréation ? Il semblerait que la mise en place des mesures relatives au chômage technique soit intervenue seulement quinze jours après l’inauguration du pont.
Il serait appréciable que la chronologie de ces événements soit clarifiée de façon à ce que nous comprenions bien la situation.
M. Thierry Lhotte. Nos propos sur la cyclicité du marché ne sont pas contradictoires. M. Odièvre a présenté notre stratégie d’adaptation à cette cyclicité, que l’on observe effectivement : des cycles de deux à trois ans de hausse sont suivis de cycles de deux à trois ans de baisse. Notre chiffre d’affaires était très élevé en 2023 ; il a baissé en 2024 et devrait baisser en 2025 – cela correspondra sans doute au point bas du cycle. Nous préparons déjà la reprise de l’activité, qui se traduira, pour notre entreprise, par la production de douze tracteurs supplémentaires par jour.
Les 330 emplois ont été créés entre l’acquisition du reste du site de Froneri, dont nous sommes devenus propriétaires début 2019, et le 31 décembre 2023, au moment de l’inauguration du pont.
M. Éric Odièvre. Nous vous transmettrons le détail de l’évolution des effectifs sur les dix dernières années, comme vous l’avez demandé.
Nous sommes actionnaires de GIMA à parts égales avec l’entreprise CLAAS. La situation de GIMA, fabricant de transmissions et de pompes, ne peut être comparée à celle d’un groupe international comme AGCO.
La suppression de 30 postes dans les équipes de week-end s’explique par une baisse significative des commandes. Dans ce contexte, la réduction des effectifs suit un processus logique : diminution du nombre des intérimaires, puis suppression des équipes intervenant le week-end. Dans l’industrie de l’usinage, où des investissements conséquents sont effectués pour des machines fonctionnant idéalement en continu, la baisse de l’activité impose des ajustements de cet ordre.
La direction de GIMA a proposé aux 30 salariés concernés, sur un effectif total de plus de 700, un alignement de leurs conditions de travail sur celles de leurs collègues, reposant sur une flexibilisation de l’activité – travail en journée, en « 2x8 », « 3x8 » ou le week-end, selon les besoins. Malgré des négociations approfondies avec les partenaires sociaux et des propositions pour atténuer les pertes salariales sur douze mois, les 30 employés ont refusé la modification de leurs contrats de travail.
Conformément au droit français, ce refus a contraint la direction de GIMA à lancer un plan social. Cette décision, bien que regrettable, était inévitable pour maintenir l’efficacité opérationnelle de l’entreprise. Ces licenciements n’ont pas de causes structurelles ; ils résultent du choix fait par les employés.
Cette situation est d’autant plus déplorable qu’elle concerne des opérateurs qualifiés. Il y a une décennie, environ 150 salariés étaient titulaires de contrats organisant le travail le week-end. Toutefois, l’évolution du machinisme agricole a rendu insoutenable le maintien d’une organisation spécifique pour 30 salariés, alors que la majorité des collaborateurs travaille suivant des horaires variables, adaptés aux besoins de l’entreprise.
M. le rapporteur. La modification des contrats impliquait-elle des réductions de salaire ?
M. Éric Odièvre. La modification contractuelle ne portait pas sur une baisse de salaire, mais sur un changement de rythme de travail. Il s’agissait de permettre aux salariés travaillant exclusivement le week-end – depuis dix ou quinze ans – de travailler selon des rythmes variables, en fonction des besoins de l’entreprise, comme les autres salariés. Cette flexibilité est devenue indispensable pour une gestion efficace de l’activité. Des négociations ont été conduites pour atténuer les pertes – sur près d’une année – engendrées par la disparition des primes de week-end.
L’activité de GIMA redémarre actuellement, et cela va potentiellement rendre nécessaire la reprise du travail le week-end.
M. le rapporteur. Comment la mise en œuvre d’un plan social est-elle justifiée dans ce cas de figure ? Quel est le motif économique retenu ? Cela mérite une analyse approfondie.
Pour l’activité durant le week-end, recourez-vous à des intérimaires ? Si oui, quel est le différentiel de coût entre l’emploi de travailleurs intérimaires et l’emploi de travailleurs en CDI ?
M. Thierry Lhotte. Le motif économique est à rechercher dans la baisse de la production à hauteur de 47 %. Une telle chute de l’activité, qui équivaut à la perte de la moitié de la production du jour au lendemain, impose des ajustements rapides et conséquents.
M. Éric Odièvre. Maintenir une organisation spécifique pour 30 salariés sur 700, avec un recours au chômage partiel, cela n’est pas viable pour une entreprise responsable qui cherche à optimiser ses ressources.
Nous reconnaissons pleinement les défis personnels et familiaux liés au changement de rythme de travail pour ces employés habitués à travailler le week-end. La difficulté majeure résidait dans l’impossibilité de garantir que l’activité serait rétablie le week-end à court ou moyen terme.
Encore une fois, face au refus des salariés d’accepter une modification de leurs contrats de travail, la direction de GIMA a été contrainte de procéder à des licenciements. Cette situation est regrettable, car elle concerne des employés qualifiés. Il y a un sentiment de gâchis.
M. le président Denis Masséglia. Si je comprends bien, la baisse de la production a entraîné la cessation de l’activité durant le week-end, ce qui a rendu nécessaire la réaffectation des salariés concernés sur des postes impliquant de travailler durant la semaine.
M. Éric Odièvre. C’est exactement cela. La logique industrielle est claire. Face à une hausse de l’activité, nous avons recours à des travailleurs intérimaires pour de courtes périodes. Il est préférable de faire fonctionner les machines d’usinage en continu pour optimiser l’amortissement des coûts. En cas de baisse de l’activité, nous commençons par réduire le nombre de travailleurs intérimaires, puis nous mettons un terme au travail le week-end. Les équipes sont invitées à prendre la place des travailleurs intérimaires.
Nous ne disposons malheureusement pas de plans de commande sur dix ans, sachant que notre activité fluctue tous les deux ans. Pour éviter la mise en œuvre de plans sociaux de manière récurrente, nous n’avons pas d’autre choix que de faire preuve de flexibilité.
Une anomalie historique persistait pour 30 salariés de l’entreprise GIMA. S’ils avaient accepté les modifications contractuelles, aucun licenciement n’aurait été nécessaire. C’est une certitude.
M. le président Denis Masséglia. Vos précisions confirment ma compréhension initiale du sujet et clarifient l’information pour tout le monde.
Vous avez évoqué la distance que l’on constate parfois entre le monde politique et le monde de l’entreprise. Je me permets de suggérer à mes collègues de vous rendre visite – sachant que l’Yonne n’est qu’à environ trois heures de route de Beauvais.
Je présume que vos lignes de production sont hautement automatisées, notamment pour le travail des aciers durs, voire très durs. Il s’agit de processus de fabrication assez spécifiques. J’encourage donc vivement mes collègues à se rendre à Beauvais pour observer le fonctionnement de votre usine. Je ne pourrai malheureusement pas me joindre à eux, car j’accompagne déjà l’un de vos concurrents dans ma circonscription. Cette entreprise, bien que de taille plus modeste, a une stratégie similaire à la vôtre. On m’indiquait d’ailleurs récemment que le marché français restait stable, tandis que le marché international semblait plus fragile.
Je vous remercie et vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire que nous vous avons transmis.
La séance s’achève à quinze heures trente-cinq.
Présents. – M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Denis Masséglia, M. François Piquemal, Mme Sophie-Laurence Roy