Compte rendu

Commission d’enquête sur
les défaillances des
pouvoirs publics face à la multiplication des plans
de licenciements

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. Laurent Pietraszewski, président du conseil d’administration du Groupe Casino, M. Philippe Palazzi, directeur général du groupe, M. Christophe Piednoël, directeur de la communication, des affaires publiques et de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), et M. Jérôme Breysse, directeur des relations institutionnelles              2

– Présences en réunion................................16

 


Mardi
13 mai 2025

Séance de 11 heures 15

Compte rendu n° 32

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Denis Masséglia, président
 

 


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La séance est ouverte à onze heures vingt-cinq.

Présidence de M. Denis Masséglia, président.

La commission d’enquête auditionne M. Laurent Pietraszewski, président du conseil d’administration du Groupe Casino, M. Philippe Palazzi, directeur général du groupe, M. Christophe Piednoël, directeur de la communication, des affaires publiques et de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), et M. Jérôme Breysse, directeur des relations institutionnelles.

M. le président Denis Masséglia. Nous recevons à présent M. Laurent Pietraszewski, président du conseil d’administration du Groupe Casino, M. Philippe Palazzi, directeur général du groupe, accompagné de M. Christophe Piednoël, directeur de la communication, des affaires publiques et de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), et M. Jérôme Breysse, directeur des relations institutionnelles.

Comme je l’ai indiqué au commencement de l’audition précédente, le Groupe Casino a engagé, il y a quelques mois, un plan de restructuration impliquant la cession de nombreux hypermarchés et supermarchés et la suppression de 2 200 emplois environ.

En conséquence, plusieurs plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), que nous avons évoqués à l’instant avec les organisations syndicales, ont été déployés dans les différentes sociétés du groupe affectées par le projet de réorganisation des activités.

Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Laurent Pietraszewski, M. Philippe Palazzi, M. Christophe Piednoël et M. Jérôme Breysse prêtent serment.)

M. Philippe Palazzi, directeur général du Groupe Casino. Je vous remercie de nous permettre de contribuer aux travaux de votre commission d’enquête. Directeur général du groupe depuis un peu plus d’un an, j’ai effectué presque toute ma carrière dans le commerce. J’ai débuté en 1994, alors que j’étais étudiant, « sur le carrelage », comme on a coutume de le dire dans le secteur de la grande distribution, chez Euromarché, devenu par la suite Carrefour. J’ai ensuite passé plus de vingt-cinq ans au sein du Groupe Metro, d’abord en France pendant six ans en tant que chef de rayon fruits et légumes, puis à l’international, notamment en Grèce, en Hongrie, en Italie, où j’ai dirigé Metro Italia, et en Allemagne, en tant que directeur des opérations du groupe. Tout au long de mon parcours, j’ai occupé des postes sur le terrain, aux achats et au siège, avant d’être directeur général du Groupe Lactalis pendant deux ans. Cette expérience à la tête d’une entreprise industrielle m’a permis de mieux comprendre nos fournisseurs et de nouer des relations constructives avec le monde agricole.

M. Laurent Pietraszewski, président du conseil d’administration du Groupe Casino. J’occupe depuis le 27 mars 2024 la fonction de président du conseil d’administration du Groupe Casino, que j’ai rejoint à l’occasion du changement d’actionnaires. Je connais bien l’univers de la distribution pour avoir passé plus de vingt ans au sein d’Auchan Retail France, où j’ai assumé de nombreuses fonctions opérationnelles et de soutien aux magasins avant d’être nommé responsable de la gestion et du développement des ressources humaines.

En 2017, j’ai été élu député de la onzième circonscription du Nord avant d’entrer au Gouvernement en 2019 en tant que secrétaire d’État, chargé successivement des retraites, de la protection de la santé des salariés contre l’épidémie de covid-19 puis, dans le Gouvernement de M. Jean Castex, des retraites et de la santé au travail.

En tant que président non exécutif du Groupe Casino, je n’interviens pas dans la marche quotidienne de l’entreprise. La représentation du groupe auprès des instances politiques et administratives ainsi que des médias relève de la responsabilité du directeur général. Je n’ai pas d’interactions directes avec les équipes du groupe, sauf lors de la présentation des membres du comité exécutif devant les organes de gouvernance. Le rôle du conseil d’administration reste de valider les orientations stratégiques et les décisions majeures de l’équipe dirigeante.

Avant de céder la parole à M. Palazzi afin qu’il décrive la situation actuelle du groupe ainsi que les difficultés que celui-ci a connues et connaît encore, je tiens à saluer le travail décisif qu’il accomplit depuis un an, entouré de ses équipes, dans un contexte économique délicat. Ce travail a permis de remettre l’entreprise sur de bons rails et d’entamer un repositionnement qui commence à porter ses fruits.

M. Philippe Palazzi. Pour comprendre les difficultés rencontrées par le Groupe Casino, il convient de rappeler le contexte dans lequel elles s’inscrivent. Casino évolue dans un secteur de la distribution bouleversé par des changements structurels : remise en question et décroissance du modèle des hypermarchés ; attentes des clients de plus en plus orientées vers la proximité, la praticité et les circuits courts ; ralentissement de la consommation et baisse du pouvoir d’achat dans un contexte inflationniste ; concurrence entre les distributeurs fondée sur les prix les plus bas – ce que l’on appelle la « guerre des prix » – plutôt que sur la différenciation, la création de valeur et le service rendu au consommateur. Il n’y a qu’en France que l’on observe de telles tensions commerciales au sein de la filière alimentaire ; je comprends les préoccupations exprimées par le monde agricole.

Le secteur est également bouleversé par l’essor massif d’acteurs du hard-discount, qui cassent les prix grâce à des produits importés. Le paysage évolue également du fait de la montée en puissance du commerce en ligne et d’acteurs tels que Shein et Temu ; ils déstabilisent le marché non alimentaire, en particulier du textile.

Le Groupe Casino est emblématique de l’histoire du commerce français. Fondé en 1898 à Saint-Étienne par Geoffroy Guichard, il a connu une croissance continue jusqu’à devenir l’un des principaux acteurs de la grande distribution de notre pays, grâce à des marques emblématiques telles que Casino, Monoprix, Franprix, Naturalia, Vival et Spar. En 2014, le groupe connaissait un chiffre d’affaires de près de 48,5 milliards d’euros, comptait 14 572 points de vente répartis dans plus de dix pays et employait environ 329 000 salariés dans le monde. Son résultat net positif était de 824 millions d’euros. Il était le quatrième acteur français de la distribution alimentaire, grâce à une part de marché de 11,5 %.

Lorsque j’ai pris mes fonctions, le 27 mars 2024, j’ai trouvé un groupe en grande difficulté. Sur le plan économique, l’entreprise accusait une dette de 6,2 milliards d’euros, affichait un résultat net consolidé négatif de 5,7 milliards d’euros au 31 décembre 2023 et pâtissait d’un modèle commercial en déclin accéléré. Quant à ses différentes marques, elles fonctionnaient en silo. Sur le plan social, nos collaborateurs étaient inquiets, démobilisés et sans perspective d’avenir. Les franchisés s’interrogeaient sur la pérennité du groupe. Les fournisseurs multipliaient les contraintes – limitation des quantités livrées, pression sur les prix, exigence de paiements d’avance… L’implantation géographique était fondée sur une stratégie de réseau d’hypermarchés. Le groupe, en quasi-faillite, perdait 100 millions d’euros par mois en France, essentiellement à cause des hypermarchés et supermarchés.

Face à cette situation très dégradée, nous avons dû prendre des décisions difficiles mais indispensables. En octobre 2023, l’entreprise est entrée dans une procédure de sauvegarde, sans aller jusqu’au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, pour faciliter sa réorganisation afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Outre la désignation d’administrateurs judiciaires qui assistent le dirigeant dans sa gestion, cette procédure donne lieu à la constitution de classes de parties affectées, qui doivent approuver le plan de sauvegarde. Celui-ci a été arrêté le 26 février 2024 par le tribunal de commerce ; il a placé l’entreprise en sauvegarde pour quatre ans. Cette procédure a abouti, le 27 mars 2024, à la restructuration financière de Casino et a entraîné un changement dans le contrôle du Groupe Casino au profit de nouveaux actionnaires, la désignation d’un nouveau conseil d’administration ainsi que la nomination d’un nouveau comité exécutif.

L’un des dossiers prioritaires fut l’arrêt de plusieurs de nos activités décidé sous la précédente gouvernance et validé par le consortium, en particulier la cession du parc d’hypermarchés et de supermarchés. Fin 2024, 427 hypermarchés et supermarchés avaient été cédés pour réduire les pertes structurelles du groupe. Ces ventes ont imposé la mise en œuvre de plans de sauvegarde de l’emploi à partir de mai 2024. L’enjeu immédiat était l’adaptation de la taille du groupe à son nouveau périmètre. Les collaborateurs occupant des fonctions transverses, ou support, n’ont pas été repris par les acquéreurs, qui disposaient déjà de compétences équivalentes dans leurs propres équipes.

Les plans de sauvegarde de l’emploi ont été présentés au comité social et économique (CSE) en mai 2024, négociés et signés avec les organisations syndicales dans les sept sociétés concernées, puis validés par l’administration. Le principal point d’attention était la limitation des licenciements contraints. Des efforts ont été consentis pour réduire le plus possible leur nombre grâce à des dispositifs tels que les départs volontaires ou le reclassement interne. Nous avons ainsi évité, notamment grâce à la qualité du dialogue social, un millier de licenciements. Leur nombre, qui devait être initialement de 3 230, a été ramené à 2 200.

La vente de nos hypermarchés et supermarchés a eu d’importantes conséquences sur notre schéma logistique, c’est-à-dire la manière dont nous gérons les flux de produits avec nos fournisseurs et nos magasins. D’une logistique de masse dimensionnée pour des hypermarchés, nous sommes passés à un modèle de précision adapté à des magasins de proximité. La moitié de nos dix-huit entrepôts ont été cédés et quatre autres ont fermé à Toulon, Gaël, Limoges et Besançon. Alors qu’auparavant, plusieurs camions de 38 tonnes livraient chaque jour un hypermarché, désormais un camion livre plusieurs épiceries plusieurs fois par semaine. En Corse, territoire cher à mon cœur, nous ne disposons plus de la logistique autrefois dédiée aux hypermarchés pour livrer nos magasins ni de l’assortiment non alimentaire permettant de les faire fonctionner. Nous avons donc dû les vendre, le 30 septembre 2024.

Parallèlement, nous avons adopté un plan d’urgence d’économies des frais de fonctionnement. Il consistait à limiter le coût des sièges, à soumettre à de fortes contraintes les budgets de fonctionnement et à rechercher des mutualisations. Nous avons renégocié les loyers des sièges et des magasins avec les bailleurs, lancé un audit des baux, optimisé les surfaces sous-utilisées, réduit le coût moyen par mètre carré des travaux dans nos magasins. Nous avons aussi construit un plan stratégique créateur de valeur, le plan Renouveau 2028, engagé une première série d’actions commerciales, notamment l’amorce d’une baisse des tarifs d’approvisionnement de nos franchisés, et lancé de nouveaux concepts tels qu’« Oxygène » chez Franprix ou « La Ferme » chez Naturalia. Il y a eu, enfin, la relance commerciale de Cdiscount.

Ces décisions difficiles ont été prises pour sauver le groupe et nous donner les moyens de le redresser. Elles ont permis d’annoncer, en novembre 2024, une stratégie créatrice de valeur sur des marchés de croissance avec l’ambition d’être à l’équilibre en 2026 et de donner des perspectives à nos collaborateurs et à nos franchisés.

Cette stratégie pose les bases d’un nouveau modèle qui correspond aux attentes des consommateurs, aux habitudes modernes de consommation et au savoir-faire du groupe. Ce nouveau modèle, le nouveau Casino, a été présenté le 14 novembre 2024. Il recentre le groupe autour de sept marques fortes que sont Monoprix, Franprix, Casino, Naturalia, Vival, Spar et Cdiscount. Ainsi, 40 millions de Français vivent à moins de dix minutes de l’un de nos magasins ; 25 000 collaborateurs sont répartis entre les sièges, les plateformes logistiques et les magasins ; le réseau compte 7 000 points de vente, dont 85 % sont franchisés.

En 2024, le volume d’affaires du nouveau Casino était de 12,4 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros. La perte nette avait été ramenée de près de 6 milliards d’euros en 2023 à 295 millions d’euros. Nous observons les premiers résultats de cette réorganisation pour chacune de nos marques. Je suis fier du travail accompli : non seulement nous avons restructuré le groupe, mais nous avons évité son effondrement. Il reste évidemment un travail important à mener pour lui assurer un avenir durable. J’ajoute que nous avons maintenu le siège à Saint-Étienne, où plus de 1 000 postes ont été sauvés sur le site historique du groupe, comme nous nous y étions engagés avec notre actionnaire.

Tout au long du processus, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les syndicats, les élus locaux, les administrations nationales et locales, les préfets et, bien entendu, les collaborateurs du groupe. Je tiens à saluer la qualité de notre dialogue avec les organisations syndicales représentatives et leur sens des responsabilités.

Le nouveau Casino est sur la voie du redressement. Nous sommes sur le bon marché au bon moment. Soutenus par un actionnariat solide qui nous donne les moyens d’agir dans la durée, nous disposons de l’organisation et de l’équipe adéquates pour appliquer notre stratégie. Nous sommes le seul acteur majeur entièrement positionné sur le commerce de proximité.

Enfin, je suis fier que nos magasins contribuent à la dynamique des territoires et au maintien du tissu social dans les plus petites communes, dont je suis issu. Il s’agit d’une mission difficile à laquelle nos collaborateurs, nos franchisés et les élus locaux participent activement. Il y va du respect de valeurs humaines : au-delà de notre modèle économique, je n’oublie pas notre engagement en faveur des territoires et des personnes isolées, en milieu rural ou urbain.

M. le président Denis Masséglia. Pouvez-vous expliquer les raisons de la dégradation de la situation financière du groupe ? Aurait-elle pu être évitée si la représentation des salariés avait été plus importante au sein du conseil d’administration ?

M. Philippe Palazzi. Les raisons d’une telle situation sont sans doute multiples. Je ne connais ni le détail des décisions prises ni le contexte dans lequel elles l’ont été. Je constate que, depuis que je suis en fonction, le dialogue social avec les représentants du personnel est nourri et les remontées prises en compte. Les représentants syndicaux ont des contacts réguliers avec la direction du groupe, et ce dans toutes ses entités.

M. le président Denis Masséglia. Sauf erreur de ma part, le conseil d’administration compte un seul représentant des salariés. Ne serait-il pas judicieux, pour améliorer le dialogue social et travailler collectivement à la stratégie de l’entreprise, qu’ils soient plus nombreux ?

M. Philippe Palazzi. Dès ma prise de fonctions, le nouveau comité exécutif du groupe et moi avons rencontré 5 000 salariés, à qui nous avons tenu un discours de transparence et de vérité sur la situation de l’entreprise.

L’augmentation du nombre des représentants des salariés au conseil d’administration ne soulève pas de difficultés de principe. Mais il est important que ledit conseil puisse s’appuyer sur des personnalités extérieures, dont la vision enrichit les discussions. Conformément à la loi, le conseil d’administration comprend une représentante des salariés, qui contribue de manière pertinente et constructive à nos travaux. Nous l’avons récemment nommée membre du comité des rémunérations. Si l’enjeu d’une meilleure représentation des salariés réside dans le respect de la diversité syndicale, je précise que ces représentants abandonnent leurs mandats syndicaux avant leur nomination au conseil d’administration. S’il s’agit du partage de l’information, je rappelle que les administrateurs, représentants des salariés ou non, sont soumis à des contraintes strictes en matière de confidentialité, notamment dans les entreprises cotées comme le Groupe Casino, où les notions d’information privilégiée et de délit d’initié sont particulièrement prégnantes.

M. le président Denis Masséglia. Lors de précédentes auditions, plusieurs représentants syndicaux ont regretté que le représentant des salariés doive quitter ses fonctions syndicales avant d’être nommé au conseil d’administration. Ils ont réclamé une évolution législative. Qu’en pensez-vous ?

M. Philippe Palazzi. N’ayant pas étudié la question en détail, je n’ai pas d’opinion sur ce point. Mais, encore une fois, l’obligation de confidentialité à laquelle sont soumis les administrateurs d’une entreprise cotée est essentielle.

M. Benjamin Lucas-Lundy, rapporteur. Ma question porte sur les aides publiques, pérennes ou exceptionnelles, perçues par le Groupe Casino ces dernières années, tant au niveau national que local, en particulier en ce qui concerne le siège mondial du groupe. Quels en sont les montants, en France et dans les autres pays où le groupe est présent ? Quelles aides publiques le groupe perçoit-il actuellement ? Enfin, quelle est l’évolution globale des salaires des cadres dirigeants du groupe depuis sa reprise ?

M. Philippe Palazzi. Compte tenu de la récente réorganisation du groupe, nous travaillons à la consolidation des informations relatives aux aides publiques sur notre nouveau périmètre. Nous vous transmettrons ces éléments par écrit, notamment ceux qui relèvent des aides sociales. Nous avons cependant pu produire, dans le temps qui nous était imparti, les éléments suivants.

Permettez-moi d’indiquer au préalable qu’au-delà des aides économiques ou sociales, nous avons pu apprécier et nous apprécions toujours l’aide et le soutien apportés, dans la période de restructuration, par les agents des administrations décentralisées, notamment la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), les élus locaux, notamment les maires, les administrations centrales, en particulier la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la direction générale du travail (DGT), le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) et les parlementaires. En tant qu’entreprise en difficulté, nous saluons la qualité des dispositifs qui contribuent à la préservation et au redressement de nos activités, qu’il s’agisse de la conciliation ou de la sauvegarde accélérée, et leur articulation avec la réalité opérationnelle des entreprises, notamment cotées.

Sur le plan fiscal, le Groupe Casino ne réalise pas, pour l’instant, de bénéfices. Il n’est donc pas redevable de l’impôt sur les sociétés. Son résultat net est négatif depuis 2019. Pourtant, en 2024, alors que les pertes s’élevaient à 295 millions d’euros, nous avons payé plus de 74 millions d’euros d’impôts en France, hors charges et prélèvements divers sur les salaires. À l’exception de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), tous ces prélèvements sont déconnectés de la performance économique des entreprises ; ils sont dus, pour le même montant, que l’entreprise réalise des bénéfices ou non. Indépendants de la santé économique de l’entreprise, ils représentaient 23 % du résultat net négatif du groupe en 2024, soit 67,8 millions d’euros sur une perte de 295 millions d’euros. Nous ne remettons pas en question le principe de la contribution des entreprises à la solidarité nationale, mais nous préférons payer beaucoup d’impôts lorsque nous faisons d’importants bénéfices.

Le montant des impôts acquittés, hors charges et prélèvements sur les salaires, se répartit de la manière suivante : 31,2 millions d’euros au titre de la contribution économique territoriale, dont 6 millions d’euros pour la CVAE et 25,1 millions d’euros pour la cotisation foncière des entreprises ; 10 millions d’euros au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties ; 130 000 euros au titre de la taxe sur les bureaux en Île-de-France ; 1 million d’euros au titre des taxes locales sur les enseignes et publicités extérieures ; 13,5 millions d’euros au titre de la taxe sur les surfaces commerciales et 16,7 millions d’euros au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

M. le rapporteur. Ma question portait sur les aides publiques. Vous m’avez répondu sur la fiscalité, d’une manière à laquelle nous sommes habitués. Je vous ai également interrogé sur l’évolution des rémunérations des cadres dirigeants depuis la reprise du groupe, sujet sur lequel vous pourrez nous transmettre des données.

M. Laurent Pietraszewski. Il est plus facile pour le président du conseil d’administration de vous dire comment est constituée la rémunération du directeur général, même si j’ai compris que votre question était plus large. C’est mon rôle de répondre sur ce point, bien que je sois président non exécutif. La rémunération du directeur général comporte trois niveaux, ce qui est courant dans la plupart des entreprises cotées.

La première partie est de 825 000 euros, ce qui correspond à ce qu’avait précédemment M. Naouri.

La deuxième partie est variable, en fonction de la satisfaction des objectifs fixés. L’évaluation est faite par le conseil d’administration, notamment le comité des nominations et des rémunérations, qui analyse la performance du dirigeant. Elle a été évaluée à 100 % alors qu’on aurait pu prendre en compte une surperformance – cela fait partie des pratiques –, les niveaux atteints étant supérieurs aux ambitions assignées.

Il existe enfin une rémunération de long terme, sous forme d’actions. Vous en comprenez l’intérêt pour le conseil d’administration et son président. Cette partie de la rémunération repose sur des attributions gratuites d’actions, qui n’avaient pas pu être mises en place comme imaginé en 2024. Il a donc été décidé, de façon exceptionnelle, dans l’intérêt de l’entreprise et pour respecter la parole donnée à M. Palazzi, de lui attribuer en 2024, sur la base de critères de performance de gestion, un nombre d’actions un peu inférieur à 183 000. Je vous donnerai le chiffre précis si vous le voulez. Cela devait remplacer le plan de rémunération de long terme que, pour des raisons juridiques, nous n’avions pas pu mettre en place la même année. Nous avons fait passer récemment en assemblée générale le nouveau plan de rémunération de long terme pour le directeur général, ce qui nous permettra de revenir à des dispositions plus classiques.

M. le rapporteur. L’entreprise est trois fois plus petite qu’avant sa reprise. Mais si j’ai bien compris les chiffres, la rémunération des dirigeants est la même. Qu’en est-il de la rémunération des salariés ? Quel est l’état des négociations et des revendications sur le plan salarial, sachant qu’il n’y a pas eu d’accord social depuis décembre 2024 ? Comment expliquez‑vous ce dernier point ? Quelle est la rémunération moyenne des salariés dans l’entreprise et quelles sont les négociations salariales en cours ou passées ? Les salariés ont parlé d’une faiblesse, voire d’une absence de dialogue social.

M. Philippe Palazzi. S’agissant du dialogue social, une négociation est en cours au sujet d’un comité de groupe. Elle devrait aboutir d’ici à mercredi soir. Il s’agit de quelque chose de nouveau : la structure a évidemment changé à la suite de la vente des hypermarchés et supermarchés, et la constitution du comité de groupe est un travail important. Par ailleurs, des négociations annuelles obligatoires se sont achevées au début du premier trimestre. S’agissant des rémunérations des salariés, je n’ai pas les chiffres. Nous les transmettrons en même temps que les réponses à vos questions écrites.

M. le rapporteur. La création d’un comité de groupe et la tenue de négociations annuelles obligatoires font partie des obligations légales. Ce ne sont pas des démarches de dialogue social supplémentaires. Vous êtes obligés de les entreprendre.

M. Pierrick Courbon (SOC). Le Groupe Casino est toujours là. Mais, vous l’avez dit en introduction, il est meurtri par l’ampleur des plans de sauvegarde de l’emploi conduits depuis août dernier. Nous l’avons vu avec les organisations syndicales tout à l’heure : il existe une soif d’explications pour comprendre pourquoi on en est arrivé là, et une soif de justice chez un certain nombre de salariés.

Monsieur Palazzi, votre situation n’est pas facile. Vous n’êtes pas là depuis longtemps, comme vous l’avez rappelé, et vous héritez d’une situation marquée par un besoin de réponses que vous n’êtes pas en capacité de donner. J’en déduis la nécessité, évoquée tout à l’heure, d’auditionner M. Naouri, malgré le caractère spécifique de notre commission d’enquête qui ne doit pas empiéter sur des procédures judiciaires en cours.

Je reviens, même si vous ne pourrez peut-être pas répondre, sur les alertes antérieures à la chute du groupe lancées par des organisations syndicales et des élus, qui étaient destinées aux dirigeants d’alors et au Gouvernement, mais qui ont été balayées d’un revers de main. Certains discours relevaient de la méthode Coué. Au printemps dernier, l’ampleur de la dette était encore un sujet tabou. Quand on évoquait 5 ou 6 milliards d’euros, on nous riait au nez, on nous disait que c’était un discours alimentant le catastrophisme. Des alertes ont également été lancées lors des assemblées générales, en particulier par de petits actionnaires qui n’ont pas été entendus. Il y avait pourtant, de toute évidence, des problèmes dans la sincérité des comptes présentés, malgré leur certification. Compte tenu de la situation dont vous héritez, estimez-vous qu’il y a eu défaillance ? Le cas échéant, de la part de qui ? Qui est responsable ?

M. Philippe Palazzi. Il m’est difficile, en effet, de répondre à cette question. Je ne suis dans le groupe que depuis un an. Je ne sais donc pas quel type de décisions ont été prises, ni à quel moment. Je ne connais pas le contexte des orientations de l’ancienne gouvernance.

S’agissant de l’écoute des salariés et des représentants du personnel, il y avait dans le groupe, avant la cession des hypermarchés et supermarchés, plus de 500 CSE. Nous en avons un peu plus de 220 aujourd’hui. Nous sommes attachés au dialogue et à la prise en compte des remontées qui nous parviennent.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je me réjouis, encore une fois, de la création de cette commission d’enquête, qui me paraît vraiment fondamentale. Lors de l’audition précédente, nous avons entendu la grande inquiétude des salariés. Je pense que vous la mesurez aussi. J’essaie de me figurer ce que cela peut être d’attendre de savoir si on sera conservé ou non et de se demander comment recomposer sa vie : il est beaucoup question de chiffres, mais ce sont des vies et des familles qui sont derrière. Comme vous avez récemment déclenché un second PSE chez Franprix, j’aimerais savoir si vous avez l’intention d’en conduire de nouveaux dans les semaines à venir dans les autres sociétés du groupe. Il serait important que vous répondiez par oui ou par non. La réponse est attendue par des milliers de salariés, qui pourraient dormir plus tranquillement ce soir si elle était négative.

M. Philippe Palazzi. Dans le commerce, dans la distribution, ce sont les hommes qui font la différence, sur le terrain, d’une marque à l’autre ou d’une enseigne à l’autre. J’y suis attaché, de par mon expérience dans la grande distribution où j’ai commencé sur le terrain, et je sais que la motivation des salariés est fondamentale pour le futur du groupe.

Le plan Renouveau 2028 a fait l’objet en novembre d’une présentation itinérante aux salariés dans tous les sièges du groupe. Certes, la tâche est grande, mais nous avons un plan solide qui comprend trois dimensions. La première phase était de sauver le groupe, ce qui a été fait le 27 mars lors de sa restructuration financière. Les décisions difficiles ont été prises et nous entrons maintenant dans la phase de redressement, par des actions concrètes, sur le plan commercial, afin que toutes les marques du groupe continuent à se développer. Je suis heureux que nous ayons ouvert à Lyon, il y a un mois, un nouveau magasin Casino, avec un franchisé et un nouveau concept.

Je l’ai dit dans mon propos liminaire, 85 % des magasins du groupe sont tenus par des franchisés, c’est-à-dire des entrepreneurs indépendants qui portent le drapeau de nos marques. Ce sont de belles histoires. Pour ce qui est du magasin de Lyon, il s’agit d’une personne qui a fui l’Irak et qui, quinze ans après son arrivée en France, est à la tête d’une vingtaine de magasins du groupe. C’est une belle réussite en termes d’intégration et d’ascension sociale.

Notre stratégie de redressement prévoit aussi, je l’ai évoqué, que nous nous développions dans le monde rural. Il n’y a plus de commerces de proximité en France dans plus de 25 000 communes et, souvent, l’État a également déserté les campagnes. Le commerce de proximité a un rôle social essentiel à jouer si nous voulons que nos anciens – j’utilise ce mot avec beaucoup de respect – puissent continuer à vivre dans leurs maisons et leurs villages. Ils ont besoin de services et de commerces de proximité. J’ai aussi parlé d’isolement tout à l’heure. À la campagne, le commerçant est souvent la seule personne que l’on rencontre et avec laquelle on peut échanger. Dans les centres-villes, y compris à Paris, beaucoup de personnes sont également isolées.

Je tenais à rassurer les salariés sur notre plan, sur le travail que nous menons pour redresser le groupe. Je pense aussi à nos franchisés, qui nous aident au quotidien dans ce redressement. Évidemment, je ne pourrai pas garantir qu’il n’y aura plus jamais de plan de sauvegarde de l’emploi. Aucun dirigeant d’entreprise ne peut le faire. Mais je peux garantir que tous les efforts sont faits pour que le groupe continue à se développer.

Quelles améliorations apporter ? Le plan de sauvegarde de l’emploi au niveau du groupe nous empêche d’embaucher. Nous voudrions, par exemple, mettre beaucoup plus de salariés dans les magasins, car les humaniser à nouveau fait partie de notre stratégie. Je ne suis pas un fanatique des caisses automatiques : on a besoin de contact humain dans le commerce. Il faut retrouver un peu de l’échange qui existait autrefois. Nous voulons donc embaucher du personnel chez Monoprix, en région parisienne et spécifiquement à Paris. Or, en période de plan de sauvegarde de l’emploi, il est impossible d’embaucher et il est difficile pour des personnes qui travaillent à Saint-Étienne, par exemple, de prendre un poste de caisse à Paris. On pourrait envisager de modifier la loi pour permettre, pendant cette période, la poursuite des embauches.

M. Pierrick Courbon (SOC). Votre réponse ne nous rassure pas du tout. Vous mettez en avant des parcours individuels qui relèvent de l’anecdote. J’ai été heurté par le fait que vous disiez que l’avenir de l’entreprise était écrit par les hommes et les femmes qui la font vivre : on ne peut pas renverser la situation en faisant peser les responsabilités sur les salariés. L’avenir du groupe dépend aussi des choix stratégiques que vous déterminez.

J’entends bien que vous ne puissiez pas dire qu’il n’y aura plus jamais de plan de sauvegarde de l’emploi dans l’entreprise. Mais seriez-vous capable d’apporter une réponse pour l’année qui vient ? L’avenir de ce qui reste du Groupe Casino, des emplois au sein des sociétés dont il est composé, fait l’objet d’énormément de craintes. Sans vous engager sur le très long terme, pouvez-vous donner des garanties pour la période de restructuration ?

S’agissant des différents plans conduits depuis août 2024, vous avez de nouveau évoqué quelque 2 200 suppressions d’emploi. Les organisations syndicales que nous venons d’auditionner ont un chiffre radicalement différent. Il faut par ailleurs tenir compte des gérants non-salariés, qui n’entrent pas dans le même périmètre mais font quand même partie des victimes de la chute de l’empire Casino, et des salariés des magasins rachetés, notamment ceux d’Intermarché. Ils sortent de votre périmètre mais toutes les destructions d’emploi, que ce soit chez Intermarché ou chez Casino, résultent de la situation du groupe. Pouvez-vous donc donner, objectivement, des chiffres plus précis ?

M. Philippe Palazzi. En ce qui concerne les plans de sauvegarde de l’emploi, je dois respecter la loi : nous devons informer en premier lieu les CSE. Je ne suis donc pas en mesure de répondre dans le cadre présent.

Je confirme que le plan mis en négociation à partir du mois de mai 2024 portait sur 3 230 postes. Nous avons réussi à éviter 1 000 licenciements, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire. Cela fait donc 2 300 suppressions d’emploi. Pour ce qui est des concurrents qui ont repris certains magasins, je ne puis dire s’ils ont réduit les effectifs ou non dans leurs points de vente.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je comprends que vos obligations légales imposent de réserver les informations concernant d’éventuels plans de sauvegarde de l’emploi aux représentants du personnel. Néanmoins, je me permets d’appeler votre attention sur un point : si des plans sont d’ores et déjà envisagés et qu’ils ne sont pas portés à la connaissance de la commission d’enquête, cela peut poser problème.

Le maintien du siège à Saint-Étienne revêtait une importance majeure, non seulement pour le groupe, mais aussi sur le plan social et psychologique, compte tenu de la relation émotionnelle entre le territoire stéphanois et Casino. Il était question de 550 emplois supprimés. Néanmoins, alors que votre organigramme faisait apparaître 2 395 postes de travail au siège début 2024, il n’en resterait que 1 336. Ces chiffres sont-ils exacts ?

Parmi les engagements rendus publics au moment de la reprise du groupe et de l’arrivée de la nouvelle équipe dirigeante, il y avait celle-ci : 200 postes nouveaux ou liés à des mutualisations devaient être créés à Saint-Étienne. Selon les représentants des salariés, ces postes n’ont pas été créés ou, en tout cas, ne sont pas effectifs à l’heure actuelle. Qu’en est-il ?

M. Philippe Palazzi. Nous nous sommes attachés à maintenir à Saint-Étienne le siège de Distribution Casino France (DCF). C’était, dès le début, un engagement des actionnaires, en raison de l’histoire du groupe et du savoir-faire des équipes. Il y avait 1 550 postes à Saint‑Étienne avant le plan de sauvegarde de l’emploi et, je tiens à le préciser, 300 étudiants en alternance qui sont toujours laissés pour compte : je n’ai jamais entendu qui que ce soit en parler, du côté des médias ou des responsables politiques. Nous tenons à garder ces alternants pour qu’ils aillent jusqu’à la fin de leurs études. Il nous paraissait évident que cet effort devait être consenti, mais nous n’avons pas fait de publicité à cet égard.

Après le plan de sauvegarde de l’emploi, les effectifs sont descendus à 1 000 personnes à Saint-Étienne. Ils auraient dû passer à 800 si nous avions appliqué les règles. Nous avons mutualisé à Saint-Étienne plusieurs fonctions du groupe, comme la paye de Franprix et de Naturalia. Elle est maintenant effectuée à Saint-Étienne, ce qui a conduit à un plan de sauvegarde de l’emploi chez Monoprix et Franprix. La comptabilité fournisseurs a aussi été regroupée à Saint-Étienne. Du point de vue économique, il aurait fallu mettre en place un système unique de paye pour toutes les entités du groupe, mais nous ne l’avons pas fait. Cela aurait pris deux ans. Nous avons préféré une mutualisation à Saint-Étienne, qui conduit les équipes à travailler avec trois systèmes informatiques différents. Ce n’est pas efficient mais on a sauvé 200 postes à Saint-Étienne.

Par ailleurs, je rappelle que la vente des hypermarchés et supermarchés s’est traduite par la disparition de 75 % du chiffre d’affaires. Il est passé de 8 milliards d’euros, pour DCF, à 1,5 milliard d’euros. Nous n’avons pas réduit de 75 % ou 80 % le nombre de personnes, comme on aurait pu s’y attendre mathématiquement. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour maintenir les emplois à Saint-Étienne et, au-delà, pour reclasser les salariés. Les plans de sauvegarde de l’emploi ont d’ailleurs été signés à la majorité voire, pour certains d’entre eux, à l’unanimité.

M. Christophe Piednoël, directeur de la communication, des affaires publiques et de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) du Groupe Casino. Je me permets d’apporter un complément : nous avons également internalisé des fonctions jusque‑là sous‑traitées. Je pense notamment au contact avec la clientèle, à l’informatique et à des services d’édition, de manière à maximiser le nombre de postes conservés à Saint-Étienne.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Quel est le montant total des dividendes versés aux actionnaires ?

M. Philippe Palazzi. Aucun dividende n’a été versé puisque notre entreprise perd de l’argent.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je reformule ma question : quel était le montant des derniers dividendes versés ?

M. Jérôme Breysse, directeur des relations institutionnelles du Groupe Casino. Les derniers dividendes versés remontent à 2018 ou 2019. Nous vous apporterons des précisions par écrit.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Ma dernière question portera sur l’environnement. Que deviennent les plateformes logistiques fermées par le groupe lorsqu’elles n’ont pas été cédées à des repreneurs ? Financez-vous le démantèlement ? Je pense en particulier à la plateforme de Gaël, petite commune d’Ille-et-Vilaine, dans laquelle je m’étais rendue pour soutenir les salariés. La surface immense sur laquelle elle a été édifiée sera-t-elle de nouveau à usage agricole ? Par ailleurs, tous les employés des entrepôts ont-ils bénéficié de solutions de reconversion ?

M. Philippe Palazzi. Je suis heureux que vous évoquiez l’environnement, qui continue de figurer parmi les piliers de la stratégie du groupe. Malgré les difficultés, nous réfléchissons à l’impact de nos activités sur le long terme. Je vous fournirai des détails écrits au sujet de la plateforme de Gaël car je ne sais pas si notre entreprise en était propriétaire ou locataire. Toujours est-il que, comme pour les autres plateformes, les magasins et les bureaux, nous nous sommes efforcés de proposer à chaque salarié une solution personnalisée.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je comprends que des obstacles juridiques et économiques vous empêchent de donner des détails sur l’éventualité d’autres plans sociaux. Mais j’aimerais savoir si Casino peut prendre l’engagement ferme de maintenir son siège à Saint-Étienne. Si oui, pour quelle durée ? De manière un peu provocatrice, je vous demanderai quels changements ont été introduits dans la gouvernance pour éviter que les problèmes identifiés auparavant, comme le manque de transparence, ne se reproduisent.

Enfin, où en est la procédure de revitalisation des territoires ? Je crois savoir qu’une convention-cadre est en cours de négociation avec la DGEFP. Je m’étonne que les représentants des salariés n’en aient pas été informés. Comment comptez-vous décliner ces opérations ? Qu’en sera-t-il pour le bassin stéphanois, le plus lourdement affecté ? De quelle manière associerez-vous les collectivités territoriales et le tissu économique local ?

M. Philippe Palazzi. Pour organiser la nouvelle gouvernance, nous avons pris soin de dissocier les fonctions de président et de directeur général, conformément aux recommandations du code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées de l’Association française des entreprises privées et du Mouvement des entreprises de France. Nous avons également mis en place un nouveau conseil d’administration au sein duquel siège une représentante du personnel. L’accent est mis sur le commerce. Le comité exécutif du groupe, partiellement renouvelé, comporte des experts de ce domaine, en particulier de la vente au détail. Par ailleurs, j’ai poussé pour que les différentes entités du groupe abandonnent la logique de concurrence qui prévalait dans certains territoires pour travailler ensemble à leur développement, notamment en déterminant quelle marque correspond le mieux à chaque zone géographique. Un comité nous aide à choisir le bon franchisé. Ajoutons à cela une attention particulière portée à la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Nous travaillons par ailleurs à une mutualisation. À Saint-Étienne, ont été regroupés les services de la comptabilité, des ressources humaines et de la paye, et les fonctions internes d’impression, auparavant limitées à DCF, ont été étendues à Monoprix, Franprix et Naturalia. Cela a contribué à maintenir des emplois sur place.

Enfin, j’évoquerai l’importance des achats. Quand une centaine de grandes sociétés industrielles, nationales et internationales, représentent 70 % du chiffre d’affaires de la grande distribution, il faut pouvoir peser face à elles dans les négociations. Nos parts de marché étant passées en dix ans de 11,5 % à 3 %, nous nous sommes affiliés à Intermarché et Auchan pour bénéficier de conditions susceptibles d’assurer la pérennité du groupe à moyen et long terme.

Monsieur Courbon, cela m’amène à répondre à votre question sur le siège de DCF. Il est important, à nos yeux, de le maintenir à Saint-Étienne. Compte tenu de la réduction des effectifs, nous sommes en train de procéder, en collaboration avec les partenaires sociaux, à un regroupement de nos services sur deux des étages de notre immeuble. Son coût de location atteignant 9 millions d’euros, nous cherchons à sous-louer les autres étages : nous avons sollicité de multiples acteurs économiques et nous sommes preneurs de vos propositions. Rappelons qu’il est commodément placé en face de la gare ferroviaire et qu’il comporte, outre une cantine, un vaste parc de stationnement.

M. Laurent Pietraszewski. La dissociation des fonctions de directeur général et de président du conseil d’administration traduit la volonté de transparence affichée par les actionnaires et le consortium. Pour M. Palazzi, je ne suis ni un concurrent désireux de s’emparer de ses responsabilités, ni un allié complaisant. Avec le conseil d’administration, je cherche à l’aider à réfléchir, à l’accompagner pour qu’il construise avec son comité exécutif les meilleures stratégies et pour qu’il réponde aux attentes des partenaires sociaux, des salariés et des actionnaires. J’ajoute que le conseil d’administration comporte 71 % d’administrateurs indépendants de l’actionnariat principal, particularité importante pour le fonctionnement de l’entreprise.

M. Jérôme Breysse. Monsieur Courbon, je vous confirme qu’une convention de revitalisation des territoires fait actuellement l’objet de discussions avec la DGEFP et le ministère du travail. Sa mise en œuvre répond à une obligation légale, compte tenu du nombre d’emplois et de sites concernés par les PSE. La loi ne prévoit pas d’obligation de consulter les organisations syndicales au sujet de la contribution financière que nous devrons verser. Nous souhaitons voir cette phase s’achever rapidement car elle marquera la fin du processus de mise en œuvre des PSE.

M. Pierrick Courbon (SOC). Pourquoi ne pas aller au-delà des obligations légales et informer les salariés dans un souci de transparence ? Une bonne circulation de l’information serait de nature à montrer que demain ne ressemblera pas à hier.

Quant aux aides publiques, il faut bien les distinguer de la fiscalité, qu’il s’agisse d’aides directes ou indirectes ou d’exonérations et d’allégements de cotisations sociales. Vous semblez vouloir corréler les sommes dues au titre de l’impôt aux résultats du groupe. Pourquoi ne pas appliquer cette logique aux rémunérations des dirigeants ?

Enfin, quelles sont les perspectives pour Cdiscount, exposé à la concurrence exercée par les acteurs internationaux du commerce en ligne ?

M. Laurent Pietraszewski. Il me revient une fois encore d’évoquer la rémunération du directeur général. Elle est composée d’une part fixe, pour un montant de 825 000 euros, d’une part variable et d’une rémunération de long terme qui dépendent des performances de l’entreprise. Si les objectifs assignés en matière de résultats financiers ou de mise en œuvre des stratégies ne sont pas atteints en tout ou partie, la rémunération variable et les attributions d’actions sont réduites.

M. Jérôme Breysse. Compte tenu de l’évolution récente des périmètres, il est difficile de consolider avec exactitude les données relatives aux aides publiques. Soyez assurés que nous vous les transmettrons ultérieurement par écrit. Toutefois, je peux d’ores et déjà vous communiquer des chiffres pour les trois principaux crédits d’impôt. La réduction d’impôt mécénat, au titre des dons alimentaires auxquels nous procédons dans le cadre de l’obligation légale, est de 22 millions d’euros en 2024, montant non restituable puisque nous ne faisons pas de bénéfices. Le montant du crédit d’impôt recherche s’élève à 713 039 euros pour une dépense de 2,3 millions d’euros et le montant du crédit d’impôt famille s’élève à 214 000 euros pour une dépense de 429 852 euros.

M. Pierrick Courbon (SOC). Il serait intéressant pour notre commission de disposer aussi des chiffres consolidés pour la période précédant la reprise du groupe, afin de mettre en regard le volume des aides publiques perçues et l’ampleur des PSE déclenchés. J’aimerais aussi avoir une réponse au sujet de Cdiscount.

M. Philippe Palazzi. Cdiscount fait partie du plan stratégique Renouveau 2028. Dès le mois de juin 2024, nous avons relancé sa position commerciale à travers des campagnes publicitaires. Son chiffre d’affaires a progressé lors du dernier trimestre, grâce notamment au Black Friday en novembre et aux fêtes de fin d’année, évolution encourageante qui s’est poursuivie au premier trimestre 2025. Nous essayons de rajeunir et redynamiser cette marque dont l’activité, autrefois consacrée à la vente de produits en stock, s’apparente à celle d’un marché où interviennent des vendeurs évalués par des notes. Nous tenons à faire savoir qu’acheter sur cette plateforme, basée à Bordeaux, c’est aussi protéger notre économie nationale.

Notre chiffre d’affaires progresse également pour la vente de produits textiles et d’articles de décoration, qui subissent la concurrence de Temu et Shein. Parmi les acteurs de la grande distribution, nous sommes le seul à disposer d’une équipe de designers et nous sommes fiers du travail qu’elle accomplit dans nos murs pour Monoprix, notamment à travers des collaborations avec des créateurs et des écoles d’art comme l’école Camondo. C’est une activité que nous comptons pérenniser.

Nous tentons de casser la structure en silos. Partant du constat qu’en milieu rural, il faut parcourir en moyenne quinze minutes en voiture pour faire ses courses et que les personnes âgées ont du mal à se déplacer, nous avons pour projet d’apporter une épicerie aux villages qui en sont dépourvus. Lors de l’édition 2024 du salon des maires et des collectivités locales, nous avons annoncé un test autour du concept d’épicerie nomade. Dans le département de la Loire, une camionnette rattachée à un commerce existant fait le tour d’une dizaine de communes et ses services sont appréciés par les habitants. Nous sommes en train d’étudier la faisabilité et la rentabilité de ce modèle reposant sur une collaboration avec nos franchisés. Nous y croyons fortement. Nous comptons également enrichir l’offre des magasins Spar, Vival et Casino d’assortiments issus des enseignes Monoprix et Naturalia.

M. le président Denis Masséglia. Il serait bon que vous nous fournissiez, en plus des données sur les aides publiques, les montants des prélèvements obligatoires sur plusieurs années. Il est important, en effet, de disposer d’une vision globale pour mettre les choses en perspective.

J’imagine que vous avez eu des échanges avec des membres du Gouvernement sur la situation de votre groupe, qui fait l’objet d’une certaine médiatisation. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’accompagnement des services de l’État en cette période compliquée pour l’entreprise mais également pour ses salariés ?

M. Jérôme Breysse. Pour ce qui est des chiffres, permettez-moi d’appeler votre attention sur le fait que la comparaison sera rendue difficile par les changements profonds de périmètres intervenus au cours des années récentes. Nous ferons le maximum pour répondre à votre demande, comme nous nous y sommes engagés.

M. Philippe Palazzi. Pendant la phase de restructuration, les parties prenantes sont nombreuses : le Ciri nous a accompagnés en mettant autour de la table nos fournisseurs et les compagnies d’assurance-crédit qui les couvrent pour les livraisons aux franchisés. La DGEFP et le ministère du travail, de même que les Dreets, nous ont également apporté leur soutien. Au niveau local, nous avons eu de nombreux contacts avec les différentes préfectures et les élus, qui ont fourni une aide précieuse.

M. le président Denis Masséglia. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire que nous vous avons transmis. Je vous remercie.

La séance s’achève à douze heures cinquante.


Présences en réunion

Présents. – M. Pierrick Courbon, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Denis Masséglia

Assistait également à la réunion.  Mme Andrée Taurinya