Compte rendu
Commission d’enquête sur
les défaillances des
pouvoirs publics face à la multiplication des plans
de licenciements
– Audition, ouverte à la presse, de M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique 2
– Présences en réunion................................13
Mardi
20 mai 2025
Séance de 9 heures 45
Compte rendu n° 39
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Denis Masséglia, président
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La séance est ouverte à neuf heures cinquante-cinq.
Présidence de M. Denis Masséglia, président.
La commission d’enquête auditionne M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
M. le président Denis Masséglia. Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif puis ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique entre mai 2012 et août 2014, dans les gouvernements dirigés successivement par MM. Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls.
Monsieur le ministre, vous étiez aux affaires au moment de la discussion de la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel, devenue la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange.
Plusieurs personnes auditionnées par la commission d’enquête ont évoqué les dispositions de cette loi, en particulier celles ayant trait au dispositif de recherche d’un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement, qui s’applique aux entreprises comptant au moins 1 000 salariés, et ont parfois appelé de leurs vœux une évolution de ces dispositions. Il a donc semblé utile que la commission puisse vous entendre.
Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Monsieur le ministre, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Arnaud Montebourg prête serment.)
M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Vous m’invitez à évoquer les conditions dans lesquelles ce dispositif est né. Ce dispositif a surgi après ce qui a été appelé à l’époque la « crise de Florange ». Ces événements politiques ont ainsi failli mettre à terre le Gouvernement. J’étais alors en charge du ministère de l’industrie qui s’appelait ministère du « redressement productif », sous la présidence de M. François Hollande. Pendant la campagne électorale de l’élection présidentielle de 2012, celui-ci était allé rencontrer les salariés en grève devant l’établissement de Florange, qui est en fait situé sur le territoire de Hayange. À cette occasion, il avait pris un engagement sur les hauts fourneaux. Ceux-ci relevaient de la filière liquide d’ArcelorMittal, soit des établissements qui appartenaient à Arcelor, entreprise qui avait fait l’objet d’une offre publique d’achat (OPA) par le groupe anglo-indien Mittal. Ce rachat avait conduit à la fermeture successive de sites dans toute l’Europe, y compris en France, au Luxembourg et en Belgique.
Ces fermetures avaient logiquement provoqué des réactions extrêmement vives de la part des personnels, des élus et des gouvernements, de toute sensibilité. Je me souviens par exemple que mon homologue belge en avait assez des engagements non respectés par la famille Mittal, qui avait pris le contrôle d’Arcelor. Avoir laissé l’acier européen entre les mains de gens qui n’avaient pas d’intérêt en Europe était ainsi devenu un problème politique majeur. Ils s’intéressaient d’abord à la rentabilité de leurs équipements miniers, depuis l’approvisionnement en fer et en charbon jusqu’à leur transformation en acier, sur une carte mondiale.
Il était donc devenu très difficile de négocier et d’obtenir des résultats. À l’époque, le candidat François Hollande s’était rendu à Florange pour rencontrer les syndicats sur place, était monté sur une camionnette de l’intersyndicale et avait indiqué que, s’il était élu, il ne laisserait pas partir l’un des deux derniers hauts fourneaux lorrains avec celui de Pont‑à‑Mousson. Les syndicats, pilotés par le responsable de la CFDT, M. Édouard Martin, avaient demandé des engagements. M. François Hollande, devenu Président de la République, avait alors pris l’engagement de nationaliser le site. Lorsque je suis arrivé à Bercy, la première visite que j’ai reçue fut celle de la délégation de syndicalistes, qui venait demander que les engagements de nationalisation soient tenus. J’en ai fait le récit dans un livre.
La première bataille a consisté à rechercher un repreneur pour le site de Florange. Arcelor cherchait à supprimer des capacités, et il était hors de question pour le groupe de les laisser à un concurrent. En compagnie de nos ambassadeurs, j’ai ainsi parcouru le monde pour chercher un repreneur au Japon, au Brésil, en Russie ou ailleurs. J’avais trouvé un repreneur franco-belge, le Groupe CMI Defence, qui faisait 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans la défense. Il était dirigé par M. Serin, qui est d’ailleurs un enfant de Florange, puisque son père avait dirigé Sollac avant la première nationalisation intervenue sous Raymond Barre.
J’ai donc engagé le processus juridique et politique de nationalisation provisoire. En effet, puisque le Groupe ArcelorMittal voulait fermer le site et ne pas le transmettre, il n’y avait pas d’autre solution que de le contraindre, par l’appropriation publique. Sa stratégie était une stratégie destructrice de l’outil de travail, ce qui est inacceptable pour un État comme le nôtre, dans lequel il ne subsistait plus que cinq hauts fourneaux. Nous avions trouvé un repreneur qui, une fois la nationalisation opérée, allait reprendre le site. En effet, l’État ne sait pas exploiter les hauts fourneaux – en tout cas, le ministère dont j’avais la charge ne prétendait pas savoir le faire.
Finalement, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de ne pas nationaliser, provoquant la fermeture du site. S’en est suivie une bataille politique intense, une tension très forte autour des engagements non tenus de la campagne politique. Il fallait réparer cette espèce de lâcheté, ou en tout cas essayer d’en construire l’apparence, raison pour laquelle la loi Florange a vu le jour. Je précise que je n’avais pas voulu prêter mon nom à cette loi, dans la mesure où je n’étais pas d’accord avec son contenu. Elle a ainsi été portée par l’un de mes collègues. L’exécutif n’ayant pas été au rendez-vous de sa propre histoire, la majorité s’était sentie blessée par cette mésaventure et avait déposé une proposition de loi.
Il s’agit surtout d’une loi proclamatoire, sans grandes conséquences, même si nous aurions pu souhaiter qu’elle en eût. Cette loi pourrait être améliorée. La lecture des dispositions montre que le législateur s’était mis en tête que d’autres situations identiques verraient le jour. L’objectif consistait alors à obliger les entreprises qui voulaient fermer ou détruire des outils de travail à les transmettre, afin d’atténuer leur fièvre destructrice. D’une certaine manière, je ne pense pas que cette loi ait été inutile. Elle a été conçue comme une proclamation, mais elle a induit quelques réflexes.
L’ayant pratiquée par la suite en tant qu’entrepreneur, je trouve qu’elle permet d’obliger le propriétaire d’un outil de travail dont il veut se débarrasser à y réfléchir à deux fois. Elle offre quand même la possibilité de construire le débat avec les organisations syndicales et les élus. Cela dit, en pratique, peu de conséquences notables ont été constatées, puisque les salariés ne disposent pas d’un capital suffisant pour reprendre l’activité. Je ne parle pas du capital de départ, qui peut être donné. Il peut même être décidé, comme c’est souvent le cas lors des défaisances, de réaliser des deals négatifs, dans lesquels les propriétaires font des chèques aux repreneurs.
Le capital est nécessaire dans le cadre d’un système capitaliste, et cette loi ne permet pas de résoudre le problème. C’est du cas par cas.
M. le président Denis Masséglia. Je souhaite vous interroger sur la loi Florange. D’abord, le délai laissé pour trouver un repreneur reste relativement court. Faudrait-il l’accroître ? Ensuite, il est nécessaire de trouver un repreneur opérant dans le même secteur d’activité. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait contraindre à une recherche sur un périmètre beaucoup plus large, dès lors que l’on resterait dans le secteur industriel ? À titre d’exemple, dans le cas de Michelin à Cholet, la loi Florange ne contraint le groupe qu’à rechercher des entreprises dans le secteur du caoutchouc, lequel est en perte de vitesse.
M. Arnaud Montebourg. Vous avez parfaitement raison de poser la question de toutes ces contraintes, qui sont sans intérêt. Pourquoi limiter la diversification ? Dans le même ordre d’idées, il est possible d’allonger les délais, de diminuer le seuil de 1 000 salariés. Beaucoup reste à faire pour améliorer l’efficacité de cette loi, afin qu’elle ne soit pas qu’une « loi placebo », comme je l’avais qualifiée à l’époque. J’approuve vos propositions.
M. Benjamin Lucas-Lundy, rapporteur. Nous essayons de comprendre les mécanismes qui ont conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui, raison pour laquelle nous souhaitions vous entendre, après avoir entendu Mmes El Khomri et Pénicaud. À ce titre, je me permets de revenir sur les débats de l’époque, que vous venez d’évoquer. Tout d’abord, quels arguments vous ont été opposés à propos de la nationalisation ?
M. Arnaud Montebourg. Il n’existait aucun argument. Je suis d’autant plus obligé de le signifier que je suis sous serment. La nationalisation relève de la souveraineté des États ; il n’existait donc pas d’obstacle juridique au regard du droit de l’Union européenne. En l’espèce, nous avions un débouché, puisqu’un repreneur avait donné son accord.
Nous avons organisé une réunion avec les grands fonds d’investissement de la place
– Eurazeo, Ardian, Wendel –, auxquels j’ai indiqué que nous étions confrontés à une difficulté, puisque des hauts fourneaux de Lorraine étaient sur le point de disparaître, mais qu’un repreneur s’était manifesté. Je leur ai donc demandé s’ils étaient prêts à suivre le réinvestissement dans ce dossier. M. Patrick Sayer, le président d’Eurazeo, à qui je veux rendre hommage aujourd’hui, a pris la parole en premier. Il a répondu qu’en patriote, il était prêt à nous suivre, puis Ardian et Wendel se sont ralliés à cette position.
Nous disposions donc d’un repreneur, mais également d’un soutien financier privé, puisque le Premier ministre de l’époque, M. Ayrault, avait indiqué que l’État ne pouvait pas investir un seul euro. Mais, dans la mesure où ArcelorMittal était prêt à fermer, le groupe aurait même pu nous adresser le chèque de l’économie du plan social qu’il s’apprêtait à financer.
En résumé, aucun argument juridique, politique, économique, industriel ou commercial ne justifiait de ne pas nationaliser. Sur ce projet, j’avais reçu le soutien de la majorité parlementaire, mais aussi de personnalités, de figures de l’opposition, comme M. Borloo, M. Guaino, ancien collaborateur de M. Sarkozy, et M. Breton, ancien ministre, qui avait subi l’OPA hostile de Mittal sur Arcelor sans pouvoir réagir à l’époque. Ils avaient tous apporté publiquement leur soutien au projet de nationalisation. Il existait donc un consensus politique, partagé également par les deux partis aux confins du paysage politique de gauche et de droite. Tout le monde était d’accord, à l’exception de deux personnes, le Premier ministre et le Président de la République. Je vous suggère de leur poser la question ; convoquez-les, ils sont obligés de venir.
Le Premier ministre a utilisé une astuce, en se référant à Ulcos, un programme de l’Union européenne de décarbonation des hauts fourneaux. Selon lui, il était possible de fermer le site, puis de faire fonctionner des hauts fourneaux expérimentaux dans le cadre de ce programme. Je me souviens que le secrétaire général adjoint de l’Élysée, M. Emmanuel Macron, avait pour sa part estimé que ce projet était « bidon ».
De fait, il n’existait pas d’arguments recevables. Demandez aux deux personnes intéressées. Pour ma part, j’avais mis ma démission dans la balance, mais les syndicalistes m’avaient retenu. M. Édouard Martin m’a ainsi convaincu de rester, me disant qu’ils avaient besoin de moi pour la suite. Si la nationalisation avait été choisie, nous aurions aujourd’hui encore des hauts fourneaux et un autre acteur sidérurgique, différent d’ArcelorMittal.
Comme l’avait dit M. Jean-Claude Marcourt, mon honorable homologue belge, ministre de l’industrie, « ce Mittal mène tous les gouvernements européens par le bout du nez ». M. Louis Gallois avait indiqué qu’il était favorable à la nationalisation intégrale d’Arcelor, pour établir à la place une entreprise européenne. Aujourd’hui, le moment est venu ; cela suffit. Mittal est en surcapacité par rapport à sa production mondiale, mais nous avons besoin de disposer de capacités européennes de production d’acier autonomes et indépendantes en Europe, particulièrement à l’heure de la montée en puissance des droits de douane réciproques. Comme je l’ai déjà indiqué devant une autre commission d’enquête, le temps est venu de nationaliser Arcelor. Comme Mittal veut fermer, l’opération ne vaudra pas très cher. Mittal fermera Dunkerque, puis Fos-sur-Mer, vous verrez.
M. le rapporteur. Vous nous incitez à auditionner un ancien Président de la République et un ancien Premier ministre. Vous n’êtes pas le premier à nous le proposer. Nous devrions en discuter avec M. le président.
M. le président Denis Masséglia. Si vous en êtes d’accord, nous pouvons décider dès maintenant de lancer les invitations.
M. Arnaud Montebourg. Il s’agit de convocations, aux termes de l’ordonnance de 1958.
M. le président Denis Masséglia. Je l’entends. Je serais très surpris que l’un de nos collègues actuels n’accepte pas de venir à notre rencontre. Force est de constater qu’il est parfois plus compliqué de trouver les adresses d’autres anciens ministres.
M. le rapporteur. Monsieur Montebourg, vos propos sont assez édifiants sur la faiblesse, voire l’absence d’argumentaire opposé à cette nationalisation.
M. Arnaud Montebourg. À l’époque, M. Emmanuel Macron, collaborateur du Président de la République, suivait ce dossier avec moi. La veille de la décision de non‑nationalisation, il m’a dit : « On saute avec toi en parachute ». Cela signifie bien que les décisions ont été prises par deux hommes, à l’insu de leurs propres collaborateurs. Il s’agissait et il s’agit toujours d’un sujet politique, alors qu’il existait un consensus national pour régler ce problème et venger l’affront de l’OPA hostile de Mittal sur Arcelor. Si nous avions agi en ce sens, nous n’en serions pas là aujourd’hui, nous serions bien plus forts.
M. le rapporteur. Vos propos sont très intéressants. Vous nous indiquez notamment que M. Emmanuel Macron, à l’époque très proche conseiller du président François Hollande, avait soutenu la nationalisation. Comment expliquez-vous qu’il refuse aujourd’hui de l’envisager, ou même de la considérer ? Vous semble-t-elle aussi pertinente qu’elle l’était à l’époque ? Au-delà, estimez-vous que l’idée même de nationalisation demeure un tabou, quasiment culturel, chez une grande part des dirigeants de notre pays ?
M. Arnaud Montebourg. Le mot « nationalisation » est un terme qui appartient au champ culturel de la gauche des années 1980, et qui a laissé des traces. Si nous n’avions pas nationalisé en 1981, nous aurions déjà perdu toute l’industrie puisque ces nationalisations ont représenté un formidable outil de recapitalisation. Simultanément, la nationalisation de tous les pans de l’économie telle qu’elle était prévue à l’époque du programme commun, a également conduit à la situation du Crédit lyonnais, dont nous payons encore les conséquences.
Il s’agit donc d’un outil qu’il faut utiliser avec doigté, tact, mesure et discernement. Cependant, quand un industriel nargue à ce point la souveraineté des États et inflige des dégâts irrémédiables, il est impératif de prendre des décisions de prise de contrôle sur des outils de production stratégiques. Il s’agit de disposer d’une solidité financière suffisante pour permettre de passer les bas de cycle. Seuls des États associés, européens, auraient intérêt à conduire une stratégie commune. À l’époque, nous avions travaillé avec mes collègues belges sur ces questions.
La crainte idéologique de la nationalisation constitue d’abord une grave erreur. De fait, tous les pays nationalisent. M. Barack Obama a nationalisé l’industrie automobile pendant la crise. Cela n’a pas fait de lui un communiste avec le couteau entre les dents. Les Japonais ont nationalisé leur industrie de semi-conducteurs quand il le fallait. Je ne parle même pas de la Chine, où tous les secteurs sont nationalisés ; nos concurrents sont des entreprises publiques, dans tous les secteurs industriels majeurs. Dès lors, nous ne menons pas la course avec les moyens qu’il conviendrait. L’acier européen est menacé ; il faut le défendre et le contrôler.
Telle est ma position personnelle, en tant que citoyen ordinaire. Si la classe dirigeante sociale-démocrate tremble quand elle doit prendre une décision forte, cela pose la question de la lâcheté. Lorsque l’on prend des engagements, il faut les respecter. Au-delà, la nationalisation est devenue un outil de régulation comme un autre, et d’un usage assez fréquent quelle que soit la sensibilité politique des gouvernements.
M. le rapporteur. Considérez-vous que l’hypothèse d’une nationalisation, même temporaire, aurait pu s’appliquer à la situation de Vencorex, que nous avons également abordée dans le cadre de nos travaux ?
M. Arnaud Montebourg. Je me suis rendu sur le site de Vencorex, à la demande des élus et des syndicats, dans la mesure où, il y a douze ans, j’avais sauvé l’entreprise, lorsque j’étais ministre.
En l’espèce, la question de la nationalisation se posait avec moins d’acuité que pour l’acier. En effet, il existait d’autres solutions permettant d’assurer la pérennité de cette usine importante pour la chaîne de valeur de la chimie française et européenne, même si elle est attaquée par le dumping de produits concurrents chinois. Vous savez comment cela fonctionne : les Chinois cassent les prix, vendent à perte, mais l’Union européenne – la zone économique la plus ouverte du monde – ne dit rien. Ces actions conduisent à la fermeture des outils de travail de leurs concurrents, qu’ils rachètent ensuite pour s’accaparer leurs brevets et prendre des parts de marché. Ce procédé s’est répété sur tous les segments que les Chinois ont décidé d’attaquer. Face à ces offensives concertées conduites par le Gouvernement chinois, les autorités européennes et nationales ne réagissent pas. Nous sommes les idiots du village mondial, ainsi que M. Hubert Védrine l’avait écrit dans un rapport sur la France et la mondialisation rédigé pour le président Nicolas Sarkozy en 2008.
S’agissant de Vencorex, il existait un plan alternatif à celui de la fermeture, qui a été étudié par l’actionnaire. Ce plan n’a pas été suffisamment étudié ; il était possible de le bâtir avec l’écosystème français. Nous avons sauvé Kem One, un maillon de la chaîne chimique et technique très important, en demandant aux entreprises françaises du secteur de participer au sauvetage. Il aurait été possible d’agir de la sorte pour Vencorex. Il aurait fallu obliger ceux qui quittaient le site et qui voulaient s’en défaire à fournir suffisamment d’argent pour tenir trois à quatre ans. Cela aurait naturellement nécessité de tordre le bras aux acteurs de la chimie française, notamment Arkema. Il faut trouver les voies et les moyens.
Si nous avions nationalisé, nous aurions isolé Vencorex de l’écosystème chimique. Or, il fallait au contraire rassembler toute la filière autour du projet.
M. le rapporteur. Vous avez évoqué un peu plus tôt les deals négatifs. Nous avons auditionné le fonds Mutares, qui a racheté Lapeyre. J’aurais souhaité connaître votre sentiment et votre analyse sur ce type de fonds, qualifiés de « fonds vautours ». Lorsque vous étiez ministre, avez-vous connu des situations de dérive ou d’excès ? Quelles seraient vos préconisations pour mieux encadrer et surveiller ces fonds et leurs activités ?
M. Arnaud Montebourg. Mon opinion sur Mutares est tout à fait négative. Ce fonds à capitaux allemands a en effet causé des dégâts considérables sur le territoire. Le moment est venu d’établir une forme d’agence de notation des fonds d’investissement, à l’instigation des pouvoirs publics ou à laquelle les pouvoirs publics pourraient participer. En outre, les organisations syndicales, les élus du territoire, l’écosystème des petites et moyennes entreprises (PME), les organisations professionnelles patronales ont leur mot à dire.
La manière dont Mutares s’est comporté dans plusieurs dossiers justifierait que cette entreprise soit interdite de reprise ou soit au moins stigmatisée – c’est le « name and shame ». Malheureusement, il n’y a pas assez de fonds de retournement en France. Bpifrance ne dispose pas de telles missions, d’abord parce qu’elle ne voulait pas être soumise à une pression politique la contraignant à reprendre tous les « canards boiteux ». En revanche, Bpifrance pourrait alimenter des fonds de retournement, qui effectueraient le travail à sa place.
En cette absence, des fonds prédateurs ou des pays à excédents commerciaux viennent faire leur marché en France et ramassent les dossiers à la barre des tribunaux de commerce. Le moment est venu d’investir de l’argent dans les fonds de retournement, afin qu’ils adoptent des stratégies bien plus respectueuses des territoires, des outils de travail et des êtres humains qui travaillent dans les usines.
Au-delà, je souhaite évoquer la gestion des plans de restructuration. Quand la santé d’une entreprise se dégrade, elle perd du chiffre d’affaires, souffre de charges fixes trop élevées, ce qui exige d’adapter l’outil de travail. Il ne s’agit pas de sauver tous les emplois, mais l’outil de travail pour qu’il puisse repartir et réembaucher. Un gouvernement doit donc mettre en place une stratégie en ce sens, en s’adressant à des interlocuteurs qui ont un horizon à moyen terme, idéalement à long terme, et ne sont pas mus par la recherche de rentabilité à court terme. Il peut exister des périodes difficiles où tous les acteurs doivent participer aux efforts de l’entreprise, qu’il s’agisse de l’actionnaire, des banquiers, de l’État, des salariés. Ce travail était mené par les commissaires au redressement productif, que j’avais institués, sur 1 600 PME, dans tous les territoires. Certaines d’entre elles ont ainsi pu revivre. De fait, seule cette stratégie peut fonctionner dans de tels cas.
Pour y parvenir, il faut des investisseurs capables d’accompagner ce travail. Malheureusement, il n’existe pas en France de banques pour financer les entreprises en retournement, ce qui contraint l’État à faire ce travail. Je rappelle que nous avions créé le fonds de résistance économique, qui est d’ailleurs utilisé par le Gouvernement actuel. À l’époque, j’avais fait voter une ligne de 400 millions d’euros pour permettre le sauvetage d’un certain nombre d’entreprises. Il vaudrait mieux établir des fonds d’investissement dans le retournement, au capital desquels figurerait Bpifrance. De telles propositions pourraient être formulées par votre commission d’enquête.
M. le président Denis Masséglia. Si je comprends bien, vous souhaitez que Bpifrance puisse abonder un fonds de retournement. D’un point de vue personnel, je suis toujours gêné par le fait que l’État traite de l’ensemble des dossiers. Ne pensez-vous pas que nous pourrions mettre en place d’autres dispositifs pour permettre à d’autres structures de conduire ce type d’action ? Dans le cadre de l’introduction d’une part de capitalisation dans le financement des retraites, ne pensez-vous pas que les sommes récoltées pourraient être utilisées pour des fonds qui assureraient ce genre de mission ?
M. Arnaud Montebourg. L’État peut participer aux tours de table impliquant des fonds d’investissement dédiés au retournement, qui cherchent de l’argent partout mais ne le trouvent pas. Bpifrance exerce un rôle de capital-risque pour des « tickets » de taille différente, mais n’intervient pas suffisamment dans le retournement de telles entreprises. Bpifrance pourrait participer à de tels fonds.
Ensuite, il existe des fonds de pension en France. Je rappelle que 95 % de l’épargne des Français sont dirigés vers l’immobilier et 4 % vers les actions. L’assurance-vie collecte par exemple 2 500 milliards d’euros, mais cet argent finance en réalité les États-Unis. Aucun gouvernement n’a eu l’idée d’obliger les collecteurs de l’assurance-vie à financer des actifs non‑cotés, c’est-à-dire les PME, l’industrie, les territoires. Cela a été fait par une mission conduite par M. Philippe Tibi, de manière incitative. Mais cela n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, il n’y a pas d’argent disponible pour financer les start‑up industrielles. Le plan France 2030 est un très bon programme. La proposition d’investissement sur fond public demande une contrepartie privée, mais celle-ci est absente. En conséquence, l’argent retourne à l’envoyeur et nos start-up ne sont pas financées. Il n’y a pas de mobilisation de l’épargne des Français en direction de l’industrie.
L’obligation de financer des actifs non‑cotés susciterait naturellement des frictions avec l’assurance-vie. Aujourd’hui, celle-ci profite d’une défiscalisation, sans contrepartie. Les gestionnaires des fonds des assureurs gèrent des milliards d’euros, qu’ils investissent dans des obligations à Singapour, en Allemagne, mais pas en France. Avant de songer à la capitalisation que l’on pourrait faire, il faudrait déjà utiliser celle dont nous disposons, ce qui n’est pas le cas.
M. le rapporteur. Je souhaite également vous interroger sur les aides publiques aux entreprises. Depuis le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), se pose dans le débat public la question de la conditionnalité, du contrôle et du plafonnement éventuel des aides publiques. La Cour des comptes estime que le contrôle des aides publiques est bien moins exigeant que celui exercé sur d’autres dépenses.
Leur usage pourrait donc être amélioré. Nous constatons que des entreprises qui licencient ont réalisé des bénéfices, ont reçu des aides publiques, mais ne sont soumises à aucune obligation de remboursement. Quel est votre avis sur ce débat, qui a débuté sous le quinquennat de M. François Hollande, au moment de la mise en œuvre de la politique de l’offre, que vous avez contestée ? Quelles seraient vos préconisations pour améliorer l’usage et le ciblage des aides publiques aux entreprises ?
M. Arnaud Montebourg. Le mieux est l’ennemi du bien. D’abord, il est erroné de considérer que les aides publiques ne sont pas contrôlées. Il existe de nombreux contrôles a posteriori. Tout entrepreneur qui sollicite le crédit d’impôt recherche (CIR) est par exemple assuré de faire l’objet d’un contrôle fiscal. Le CIR n’est pas pour autant l’alpha et l’oméga de l’aide publique.
Tous les États concurrents conduisent de telles politiques, à commencer par les États‑Unis. Il suffit de penser à l’Inflation Reduction Act lancé par M. Joe Biden, pour un montant de 378 milliards de dollars. Les États-Unis ont ainsi établi des crédits d’impôt immenses sur les produits vendus. Les Chinois subventionnent aussi massivement. La France propose, de son côté, des aides publiques à la création d’entreprise. Pour ma part, je propose de modifier la structuration de l’aide publique : je préférerais que l’on investisse dans les entreprises plutôt qu’on les subventionne.
L’État doit être un partenaire, un investisseur beaucoup plus présent et cela permettrait d’une certaine manière de l’associer plus largement au risque. Par exemple, sur les 120 milliards d’euros de prêts garantis par l’État (PGE) aux entreprises pour surmonter la crise du covid-19, 18 milliards d’euros doivent encore être remboursés. Aujourd’hui, l’État procède à un recouvrement à travers les banques et, ce faisant, envoie au tapis des entreprises qui ne sont pas en mesure de rembourser et qui achèvent leur parcours au tribunal de commerce. En ce moment, les PGE sont des machines à tuer les entreprises.
J’ai appelé le ministre de l’économie, M. Lombard, pour l’inciter à procéder à un étalement sur dix ans. De leur côté, les États-Unis ont proposé l’équivalent de notre PGE, mais sur trente ans, soit sur quasi-fonds propres. Cette mesure change tout. Le ministre m’a répondu qu’il devait retourner en discuter à Bruxelles. Mais pendant ce temps, le feu se répand dans nos entreprises. En résumé, les aides peuvent être létales ; les PGE représentent une aide destructrice.
L’État doit changer sa méthode de travail et être présent aux côtés des entreprises, en apportant des fonds propres. Une telle action vaut mieux que toutes ces subventions accordées par des jurys à l’issue d’appels d’offres, d’appels à manifestation. Il faudrait que chaque département soit doté d’un fonds permettant de soutenir toutes les PME. Si nous investissions l’argent qui a été fléché vers le bouclier énergétique, soit 85 milliards d’euros, nous serions richissimes. En effet, la France dispose de nombreux projets qui ne sont pas financés faute de fonds ou de fonds propres.
Il faut changer cette situation et imaginer une autre méthode d’utilisation de l’argent public. Les entrepreneurs, dont je fais partie, n’ont que faire des aides ; ils veulent mener leur entreprise à bon port. À ce titre, les contrôles ne serviront à rien ; les aides seront dissuasives et, in fine, ne fonctionneront pas puisque personne n’en voudra. Autant orienter l’État vers une autre approche, celle de la participation aux risques, et l’assumer politiquement.
Mme Estelle Mercier (SOC). Je vous remercie pour vos propos. Je souhaite revenir sur le cas d’ArcelorMittal pour évoquer une inquiétude concernant la recherche. En 2014, en échange de la fermeture des hauts fourneaux, avait été négociée la création d’un centre de recherche hyper performant sur les aciers très fins. Ce centre de recherche est situé à Maizières‑lès‑Metz et emploie 700 chercheurs. Il bénéficie d’aides publiques, mais les brevets sont déposés au Luxembourg et servent à l’ensemble des usines de Mittal.
N’y a-t-il pas là une incohérence française et européenne sur ces brevets et cette recherche qui finissent par nous échapper ? Nous contribuons à plusieurs titres au financement, d’abord grâce à la formation initiale de nos chercheurs, qui sont souvent formés dans nos universités ou nos écoles. Ensuite, les brevets sont disséminés à travers le monde sans que nous ne puissions les maîtriser, alors même que nous les finançons largement.
Par ailleurs, je souhaite vous interroger sur le rôle des territoires dans les reprises d’entreprises. Dans le cas de Vencorex, le territoire s’est fortement mobilisé, à travers les élus locaux et nationaux, qui avaient trouvé une solution. Il leur a manqué simplement quelques jours pour pouvoir déposer un dossier de reprise. On a trop tendance à tout demander à l’État central et à mettre de côté l’écosystème local, qui propose pourtant des solutions. Il existe là, à mon avis, un axe d’amélioration.
Enfin, vous avez mentionné Bpifrance. Siégeant à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, je suis assez sensible au fait que Bpifrance effectue essentiellement des investissements de développement, qui ne sont pas des investissements dits de retournement ou de redressement. Elle n’investit pas dans les entreprises en difficulté, alors que cela pourrait leur permettre de repartir.
M. Arnaud Montebourg. Le CIR permet effectivement de soutenir la recherche et les brevets d’une entreprise. Il est envisageable de prendre une bonne fois pour toutes le contrôle d’ArcelorMittal, dans le cadre d’un projet européen, car tous les pays européens sont confrontés au même problème dans le domaine de l’acier. En l’absence de contrôle d’ArcelorMittal, l’entreprise bénéficie du CIR et en fait ce qu’elle souhaite. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons un très bon taux de maintien des laboratoires de recherche sur le territoire.
Les régions ne disposent pas de moyens importants pour investir dans les grandes entreprises. Ce genre de décision relève donc de l’État. Néanmoins, il serait possible d’imaginer que chaque département dispose de fonds d’investissement – comme il en existe dans certaines régions – qui permettent de renforcer les fonds propres de toutes les entreprises du territoire.
Une telle politique nationale pourrait être imaginée et négociée avec les régions et les départements. Encore une fois, j’estime que l’avenir de l’intervention publique passe par une présence au capital des entreprises, comme cela existe dans tous les grands pays industriels. Elle peut être temporaire, de court terme ou de long terme, mais il s’agit d’une méthode à mettre en place.
Enfin, le retournement est un art difficile et risqué. Sur dix dossiers, trois ne réussissent pas. C’est l’une des raisons pour lesquelles Bpifrance n’a jamais voulu être en première ligne dans ce domaine. Néanmoins, elle pourrait participer à des fonds dont c’est le métier et qui ne disposent pas d’argent en quantité suffisante pour se saisir des gros dossiers, ce qui permet aux étrangers de faire leur marché à la barre des tribunaux de commerce. Bpifrance doit donc participer à un tour de table. Elle ne sera pas seule, mais elle doit être présente.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Le 15 mai, ArcelorMittal a annoncé un engagement dans la décarbonation de ses sites industriels en France pour 1,2 milliard d’euros, en précisant travailler en étroite collaboration avec le Gouvernement. Lors de son audition par notre commission, Mme Constance Maréchal‑Dereu, cheffe du service de l’industrie de la direction générale des entreprises, a annoncé que 850 millions d’euros seraient consacrés par l’État au soutien de cet investissement.
Mais quelle est notre garantie que l’entreprise ne poursuivra pas sa politique de plans sociaux ou de fermeture de sites ? De fait, ArcelorMittal n’a strictement aucun intérêt à maintenir ce site de production en France, puisque les sites français constitueront pour l’entreprise une forme de concurrence. N’est-il pas temps d’agir fermement, c’est-à-dire de remettre la France au centre de la production sidérurgique ?
M. Arnaud Montebourg. Rien n’empêche Mittal de partir une fois que l’État lui aura versé ce chèque de 850 millions d’euros. De fait, l’entreprise considère que la responsabilité de la décarbonation n’est pas la sienne, mais celle de l’État. Rien ne l’empêche de s’installer en Chine où elle ne sera pas soumise à l’obligation de décarbonation. L’entreprise raisonne à l’échelle planétaire et non pas à l’échelle de l’Europe, et encore moins de la France. Vous n’aurez rien de Mittal. Il est toujours possible de faire signer un accord à l’entreprise pour l’obliger à rendre l’argent si elle devait quitter la France, mais je rappelle qu’elle s’était engagée à dépolluer l’ancienne usine Arcelor à Laudun-l’Ardoise et qu’elle ne l’a pas fait. La facture est restée entre les mains du contribuable.
Mittal va continuer à nous mener par le bout du nez, pour paraphraser M. Jean‑Claude Marcourt, l’ancien ministre belge de l’industrie, et vous n’y pourrez rien. Selon moi, le moment est venu de régler cette affaire, avec les autres pays européens. Ces derniers tendront l’oreille, car ArcelorMittal est un cynique, bien connu des services de police gouvernementaux.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je vous remercie pour vos différentes réponses et souhaite revenir sur l’implication de M. Emmanuel Macron dans ce dossier. Il a été secrétaire général adjoint de l’Élysée avant de vous remplacer, malheureusement, au ministère de l’économie. Il me semble léger que vous n’ayez eu avec lui qu’un seul coup de téléphone, quand on sait le rôle qu’il a tenu sous le quinquennat de M. Hollande lorsqu’il était à l’Élysée. Aviez‑vous échangé auparavant avec lui au sujet de la nationalisation ?
Ensuite, j’ai lu qu’entre 2013 et 2023, ArcelorMittal a perçu plus de 292 millions d’euros d’aides publiques. Vous souvenez-vous des montants qui avaient été versés en 2013 et en 2014, lorsque vous étiez ministre du redressement productif, puis de l’économie ? Vous souvenez-vous du coût qu’aurait représenté la nationalisation de Florange ?
Je m’étonne également de ce qui a pu se passer au Parlement à cette époque, puisque les socialistes disposaient d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, mais aussi d’une majorité au Sénat. Vous nous indiquez que certains parlementaires socialistes vous soutenaient dans votre démarche. Dans ce cas, comment se fait-il qu’aucun parlementaire n’ait déposé une proposition de loi pour l’inscrire à l’ordre du jour, soit dans le cadre de la semaine réservée à l’Assemblée, soit dans le cadre d’une niche parlementaire ? Aujourd’hui, nous constatons que des députés socialistes qui étaient déjà en poste sous le quinquennat de M. Hollande seront cosignataires d’une proposition de loi pour placer sous tutelle les hauts fourneaux d’ArcelorMittal qui risquent de fermer. À l’époque, ces mêmes députés n’ont engagé aucune action de la sorte. Quelles étaient donc les discussions entre votre ministère et la majorité parlementaire ? Pourquoi une initiative parlementaire n’est-elle pas intervenue en faveur de la nationalisation ?
M. Arnaud Montebourg. M. Macron était initialement opposé à la nationalisation, puis j’ai mené le travail de conviction. Je précise que je parlais alors à l’employé du Président de la République ; je ne voulais pas connaître son opinion personnelle sur le dossier. Je la connaissais sur une autre affaire, celle de la cession d’Alstom à General Electric, à laquelle il était franchement favorable. Mais c’est bien M. François Hollande qui a décidé de vendre l’entreprise aux Américains. S’agissant de la nationalisation d’ArcelorMittal, l’arbitrage avait été favorable, mais le lendemain, la décision a été inversée. Pourtant, si les discussions avaient été lentes et difficiles, le dossier était prêt, il était mûr. Un consensus politique avait été construit, depuis le Président du Sénat jusqu’au président du groupe à l’Assemblée nationale et à un grand nombre de mes collègues au Gouvernement, dont M. Sapin.
Le groupe a décidé de déposer la proposition de loi Florange. Il a fait ce choix, qui n’était pas le mien. Les relations avec la majorité étaient des relations de contrôle, un peu à l’image de celles que vous exercez aujourd’hui. Elle nous contrôlait, parce qu’il fallait répondre à ses demandes, ce que nous faisions bien volontiers et amicalement. Mais je n’ai pas le souvenir que le président du groupe ait formulé l’idée d’aller à l’encontre de la décision du Président de la République et du Premier ministre. J’ai perdu mon arbitrage ministériel et, sous la Ve République, il n’existe pas de session de rattrapage au Parlement. Vous avez la réponse : elle est d’ordre institutionnel.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Pouvez-vous répondre à ma question sur les aides publiques perçues par ArcelorMittal en 2013 et 2014 ?
M. Arnaud Montebourg. Je répondrais volontiers à cette question, mais je n’ai pas le souvenir de ces montants. Je pourrais essayer de retrouver cette information. Des aides publiques ont certainement été accordées pour le centre de Maizières-lès-Metz. Elles venaient compenser en quelque sorte l’absence de nationalisation.
Le coût de la nationalisation était de 1 euro. Elle ne valait rien, puisque Mittal vendait et fermait le site.
M. le président Denis Masséglia. Monsieur le ministre, je vous remercie. Vous pourrez adresser au rapporteur tout document ou toute information que vous jugeriez utile pour les travaux de notre commission.
La séance s’achève à onze heures dix.
Présents. – Mme Gabrielle Cathala, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Denis Masséglia, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie-Laurence Roy