Compte rendu

Commission d’enquête sur
les défaillances des
pouvoirs publics face à la multiplication des plans
de licenciements

 

– Examen du rapport suivi d’un vote, à huis clos................2

– Présences en réunion.................................7

 


Mercredi
9 juillet 2025

Séance de 15 heures 15

Compte rendu n° 43

session extraordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Denis Masséglia, président
 

 


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La séance est ouverte à quinze heures quinze.

Présidence de M. Denis Masséglia, président.

La commission d’enquête procède à l’examen du projet de rapport.

M. le président Denis Masséglia. Cette dernière réunion de la commission d’enquête sera consacrée à l’examen du projet de rapport et à sa mise aux voix.

Je vous rappelle, comme j’ai eu l’occasion de le faire lors de notre échange de vues du 4 juin dernier, que la commission a procédé à quarante et une auditions, toutes publiques. Je me félicite qu’elle ait travaillé dans le calme et la sérénité et que ses membres aient su faire preuve, par-delà leurs divergences d’opinions, d’écoute et de respect. Des députés qui n’en étaient pas membres ont pu prendre la parole ; cela me semblait important.

Je tiens à remercier en particulier celles et ceux qui se sont investis dans les travaux et qui se sont efforcés de participer aux auditions en dépit d’agendas très chargés. Je veux évidemment saluer le rapporteur pour son investissement et pour la qualité de son travail.

Dans un premier temps, le rapporteur exposera les grandes lignes de son rapport, que vous avez eu l’occasion de consulter ces derniers jours, et ses conclusions. Nous entendrons ensuite les commissaires qui souhaitent s’exprimer, après quoi le rapporteur pourra, s’il le désire, apporter les réponses et les précisions qu’il jugera nécessaires. Enfin, nous voterons sur l’adoption du projet de rapport.

Je souhaiterais au préalable rappeler quelques points importants de procédure.

Si le rapport est adopté, l’article 144-2 de notre règlement apporte les précisions suivantes :

« Le rapport adopté par une commission d’enquête est remis au Président de l’Assemblée. Le dépôt de ce rapport est publié au Journal officiel. Sauf décision contraire de l’Assemblée constituée en comité secret dans les conditions prévues à l’article 51, le rapport est imprimé et distribué. Il peut donner lieu à un débat sans vote en séance publique.

« La demande de constitution de l’Assemblée en comité secret à l’effet de décider, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport, doit être présentée dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt au Journal officiel. »

Pour respecter ce délai, et compte tenu du fait que le dépôt sera, le cas échéant, publié au Journal officiel de demain, le rapport ne pourra être rendu public que le mercredi 16 juillet. Dans l’intervalle, aucune communication ne devra être faite de son contenu.

Le compte rendu de la présente réunion sera annexé au rapport publié.

Comme cela vous a été indiqué dans la convocation, des contributions individuelles ou de groupe peuvent être rédigées. Elles figureront en annexe du rapport et peuvent être adressées au secrétariat de la commission d’enquête jusqu’au vendredi 11 juillet à 15 heures.

S’il est rejeté, le projet de rapport n’est pas publié et sa divulgation est passible de sanctions pénales. Le dernier alinéa de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 dispose ainsi :

« Sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, […] divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information. »

Dans l’un et l’autre cas, il vous sera demandé à la fin de la réunion de bien vouloir remettre aux administrateurs les exemplaires du rapport qui vous ont été distribués.

M. Benjamin Lucas-Lundy, rapporteur. Nous arrivons au terme d’un temps très court mais très dense d’auditions, d’analyses et de débats sincères et respectueux. Nos travaux nous ont permis d’établir un constat sur la réalité des plans de licenciements dans notre pays et sur la capacité de l’État et de la puissance publique à y répondre.

Je voudrais remercier très sincèrement le président de notre commission d’enquête. Si nous avons des désaccords de fond – c’est bien normal –, je tiens à saluer la rigueur, la disponibilité et l’esprit de respect qui ont permis que nos travaux se déroulent dans de très bonnes conditions.

Nous avons pu entendre, au fil des auditions, plus de soixante personnes : syndicalistes, dirigeants d’entreprise, experts, chercheurs, représentants de l’État et élus locaux. Je tiens à saluer la qualité et la sincérité des échanges et je remercie celles et ceux qui ont accepté de répondre à nos convocations – tout le monde ne l’a pas fait – sur des sujets parfois délicats ou sensibles.

Nous avons pu constater la diversité des approches, la richesse des analyses et surtout la force des témoignages humains. Cela ne vous surprendra pas, je voudrais remercier tout particulièrement les organisations syndicales et les représentants des salariés. Leur expertise et leur connaissance fine des sites, des bassins d’emploi et des réalités sociales nous ont été précieuses. À travers leurs interventions, nous avons compris que les représentants des salariés étaient bien souvent les premiers à alerter, à proposer des solutions alternatives et à chercher les moyens d’éviter les fermetures de sites. Il ressort de nos travaux qu’ils sont trop souvent ignorés. Il était de notre devoir de les écouter pleinement.

Le rapport dresse un état des lieux précis des failles de notre système. Il met en lumière la facilité avec laquelle les entreprises peuvent procéder à des licenciements parfois massifs tout en bénéficiant de soutiens publics importants. Il questionne le rôle de l’État, son degré d’exigence et la conditionnalité des aides publiques.

Nous avons aussi pu mesurer l’impact concret des plans de licenciements sur les territoires : des bassins entiers fragilisés, des familles plongées dans la précarité, des savoir‑faire détruits. Ces constats ne sont pas seulement des chiffres. Ce sont des vies, des projets, des régions entières qui se trouvent menacés.

L’actualité est venue percuter nos travaux. Le cas d’ArcelorMittal, notamment, a conduit à une adaptation du programme des auditions en cours de route. Je vous en remercie, monsieur le président, car il était essentiel que nous nous préoccupions de cette situation révélatrice.

Notre commission a permis d’ouvrir un débat utile sur le rôle de l’État stratège, sur la nécessité de repenser la gouvernance des entreprises et sur la question de la démocratie sociale. Nous avons exploré des pistes de réformes concrètes : redéfinir le licenciement économique, instaurer une conditionnalité stricte des aides publiques, renforcer les droits des représentants du personnel, développer le modèle coopératif ou encore envisager la nationalisation temporaire des sites stratégiques.

Ces propositions appartiendront, je l’espère, au débat public et parlementaire. Notre rôle n’est pas d’imposer une ligne unique mais d’éclairer, de documenter et d’alerter. Nous devons ensuite laisser chacune et chacun se nourrir de ces travaux pour nourrir la réflexion collective sur l’avenir industriel et social de notre pays. Il me semble indispensable que, dans les semaines et les mois à venir, l’Assemblée nationale se saisisse de ces sujets, dans la pluralité des convictions qui se sont exprimées lors de nos travaux. Les questions de l’avenir de nos territoires industriels, de l’emploi et de la dignité des salariés sont en effet au cœur des préoccupations des Françaises et des Français.

Je tiens à rappeler que le vote auquel nous nous apprêtons à procéder porte sur le principe de publication du rapport. Me gardant de toute instrumentalisation des votes favorables, je ne les considérerai pas comme une approbation de l’ensemble des préconisations ou des analyses. Il me semble important, quoi qu’il en soit, que nos travaux soient publiés – d’autant plus qu’ils ont été suivis par des collègues de différents groupes politiques. Nous avons même eu des échanges, vifs mais respectueux, qui ont montré que ces sujets étaient d’une actualité bouillante.

Je souhaite que ce rapport serve d’outil, de boussole et d’alerte. Il ne prétend pas tout régler mais permet de poser des bases solides pour réinventer un modèle plus juste, plus protecteur et plus démocratique. Je vous invite donc à voter en faveur de sa publication, afin qu’il puisse pleinement contribuer au débat et à la construction des réponses dont notre pays a tant besoin.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je vous remercie, monsieur le rapporteur, monsieur le président, d’avoir réalisé ce travail et d’avoir su mettre de côté, le temps de la commission d’enquête, les désaccords entre vous et entre nous. Il est important, pour le sérieux et la qualité de notre travail parlementaire, de le faire.

Notre groupe n’a pas rédigé de contribution spécifique mais j’ai transmis à M. le rapporteur l’ensemble des remarques que je souhaitais faire. Nous sommes évidemment favorables à la publication de ce rapport, qui permettra de mettre à l’ordre du jour du Parlement un certain nombre de travaux.

M. Pierrick Courbon (SOC). En mon nom personnel, au nom de mon groupe et en celui de ma collègue Estelle Mercier qui a assidûment participé aux auditions, je voudrais remercier le groupe Écologiste et Social d’avoir utilisé son droit de tirage pour travailler sur ce sujet important. Je vous remercie aussi pour la qualité de nos échanges. En acceptant de faire de Casino l’un des objets d’étude de la commission, alors que cela n’était pas envisagé à l’origine, vous avez démontré que vous étiez à l’écoute de nos propositions et des sujets qui nous tenaient à cœur.

La thématique de notre commission a percuté de plein fouet l’actualité. Comme le souligne la première partie du rapport, nous sommes malheureusement confrontés à une recrudescence significative des plans de licenciements depuis 2024 et il y a fort à craindre que les prochaines années soient très douloureuses sur le plan social.

Je forme le vœu qu’en plus de permettre la publication du rapport, nous donnions un débouché législatif rapide à plusieurs propositions du rapporteur : même s’il subsiste de profonds désaccords sur certaines recommandations, il en est de consensuelles sur lesquelles nous devrions pouvoir nous retrouver. Des textes nourris de l’expérience de plans sociaux, éventuellement transpartisans, permettraient d’éviter certaines défaillances majeures. Sans changer la situation socio-économique de notre pays d’un coup de baguette magique, nous pourrions apporter davantage de considération et de dignité aux salariés qui se retrouveront sur le carreau dans les jours, les mois et les années à venir.

Je vous invite, monsieur le président, monsieur le rapporteur, à continuer d’une manière ou d’une autre à travailler ensemble pour les débouchés les plus nombreux possible à ce rapport. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé une contribution reprenant les préconisations qui lui tenaient à cœur, dont nous espérons qu’elle sera utile.

M. le président Denis Masséglia. Je précise que ce n’est pas sur la publication du rapport que nous devons nous prononcer mais sur son adoption ou son rejet.

Nous pouvons reconnaître, je crois, qu’il y a un désaccord majeur entre nous sur une grande majorité de propositions. N’appartenant pas aux mêmes partis politiques, nous ne partageons pas la même vision. Le rapport plaide pour un rôle accru de l’État, alors que mon groupe politique souhaite plutôt donner la possibilité aux partenaires sociaux de discuter et de négocier.

Cela étant dit, il y a aussi des sujets sur lesquels nous pouvons nous accorder. Peut‑être pourrions‑nous travailler ensemble à une évolution de la représentation des salariés dans les conseils d’administration – pas pour la porter à hauteur de 50 %, cependant – ou encore au développement des sociétés coopératives et participatives.

Le rapport évoque la création d’une agence sur les aides publiques, alors que je considère pour ma part qu’il faut supprimer des agences : vous comprendrez que sur ce point, nos positions ne puissent converger.

Le groupe Ensemble pour la République a bien sûr conscience des difficultés que traverse l’industrie française, au vu de la recrudescence des plans de licenciements. Ceux-ci s’expliquent par divers facteurs et sont parfois dus à un effet de rattrapage après le versement d’aides pendant la crise du covid-19. Il convient néanmoins de rappeler que l’industrie a pu créer de nouveau des emplois depuis 2017, alors que ce n’était pas arrivé depuis de très longues années. Nous continuerons au moins jusqu’en 2027 – et même plus longtemps, j’en suis certain – à investir l’énergie nécessaire dans la réindustrialisation de la France et nous ferons à ce sujet des propositions dans le cadre du rapport.

Notre groupe ne partageant pas de façon majoritaire les propositions du rapporteur, il ne peut donner un avis favorable à l’adoption du rapport. Parce que nous souhaitons néanmoins que le débat puisse continuer – la démocratie, c’est l’expression des désaccords –, nous nous abstiendrons.

Je vais à présent mettre aux voix, à main levée, le rapport.

La commission adopte le rapport.

Je remercie une nouvelle fois l’ensemble des députés qui ont participé à nos travaux ainsi que M. le rapporteur, pour son travail et pour les échanges que nous avons eus.

La séance s’achève à quinze heures quarante.


Présences en réunion

Présents. – M. Pierrick Courbon, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Élisa Martin, M. Denis Masséglia

Excusée. – Mme Anne-Cécile Violland