Compte rendu

Commission d’enquête
sur les défaillances
des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société

 Audition, ouverte à la presse, de M. Benjamin Voisin, directeur adjoint de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et M. Joris Jonon, adjoint au sous-directeur du service Autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées              2

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Sarah Sauneron, directrice générale adjointe à la Direction générale de la santé (DGS), et Mme Marion Marty, sous-directrice en charge de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques              15

– Présences en réunion................................29

 


Mercredi
10 septembre 2025

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 6

session 2024-2025

Présidence de
Mme Nicole Dubré-Chirat,
Présidente,
 


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La séance est ouverte à quatorze heures.

 

La commission auditionne M. Benjamin Voisin, directeur adjoint de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et M. Joris Jonon, adjoint au sous-directeur du service Autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Nous poursuivons les auditions de la commission d’enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société.

Nous accueillons M. Benjamin Voisin, directeur adjoint de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et M. Joris Jonon, adjoint au sous-directeur du service autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées.

Messieurs, je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Je vous remercie également de déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. En outre, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Benjamin Voisin et M. Joris Jonon prêtent successivement serment.)

M. Benjamin Voisin, directeur adjoint de la DGCS. La direction générale de la cohésion sociale est une direction de l’administration centrale qui dépend du ministère chargé des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap – jusqu’à présent, il s’agissait du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles, mais l’organisation du nouveau gouvernement n’est pas encore tout à fait déterminée.

Dans mon propos liminaire je m’attacherai à évoquer l’action de l’État et de la sécurité sociale en matière de prise en charge du handicap, plus particulièrement depuis la loi de 2005. Cela ne vous étonnera pas, je prendrai quelque distance avec le terme de « défaillances » qui figure dans l’intitulé de votre commission d’enquête : il reste des difficultés, je ne le nie pas, mais il me semble important de rappeler le contexte.

Le handicap n’existe pas en tant que tel : il est le fruit d’une interaction entre l’altération d’une fonction et l’environnement. Partant, deux types de solutions, complémentaires, peuvent être déployés. Première solution : les politiques d’accessibilité, qui visent à adapter l’environnement pour limiter les incidences de l’altération de fonction sur la vie quotidienne de la personne et sa participation à la vie sociale. Le retard de la France dans ce domaine est bien connu. Les politiques publiques conduites et pilotées par la déléguée interministérielle à l’accessibilité ont fait l’objet de plusieurs annonces et bilans lors du dernier comité interministériel du handicap (CIH), qui s’est tenu au printemps. La notion d’accessibilité s’est étendue bien au-delà de la seule accessibilité physique aux ERP (établissements recevant du public), et concerne désormais aussi l’accès au contenu, en premier lieu à la pédagogie. Seconde solution, qui concerne davantage la DGCS : la compensation, c’est-à-dire l’appui à la personne pour pallier la limitation de fonction. Cette aide directe, humaine ou technique, peut aller jusqu’à la prise en charge par des établissements et services médico-sociaux.

Permettez-moi de présenter quelques éléments concernant l’action des pouvoirs publics depuis une quinzaine d’années. Je m’appuie pour cela sur l’annexe 7 du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), qui retrace l’effort de la nation en faveur des politiques de l’autonomie et dont un chapitre est consacré aux politiques en faveur des personnes en situation de handicap. C’est un document intéressant, car il permet d’avoir une vision globale des actions menées par les différents acteurs : l’assurance maladie, qui intervient au titre des pensions d’invalidité, les départements, chargés de certaines dépenses sociales – notamment la PCH (prestation de compensation du handicap) –, la branche autonomie et l’État, qui intervient au titre de la scolarisation et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Cette annexe fait état d’une augmentation de près de 40 % des dépenses en faveur des personnes en situation de handicap, passées de 43,2 milliards d’euros en 2010 à environ 60 milliards en 2023 – c’est une augmentation en volume, donc corrigée de l’inflation. Cet effort tout à fait considérable s’est traduit dans toutes les dimensions des politiques publiques.

L’allocation aux adultes handicapés, qui représente aujourd’hui 13 milliards d’euros et couvre 2,8 % de la population – je compte les ayants droit des bénéficiaires –, est un minimum social important dans notre pays qui a connu des avancées significatives, comme la déconjugalisation. En matière de prestations de compensation, le nombre de bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), qui est plus ancienne – elle préexistait à la loi de 2005 – a doublé depuis 2012. La PCH, créée en 2005, bénéficie aujourd’hui à 383 000 allocataires – un nombre qui a même si l’on considère également les bénéficiaires de l’ACTP, qu’elle est appelée à remplacer, et qui devrait continuer de progresser de 3 % à 5 % par an. Les prestations de compensation ont également fait l’objet d’améliorations qualitatives, en particulier pour la PCH avec la création de la PCH parentalité et l’ouverture aux personnes en situation de handicap psychique.

Les dépenses en matière de scolarité ont été multipliées par huit en euros constants depuis 2010 et atteignent désormais 2,6 milliards d’euros. Les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) représentent le deuxième métier de l’éducation nationale. Leurs conditions de travail, si elles ne sont pas parfaites, s’améliorent progressivement et leur place au sein de la communauté éducative est de plus en plus reconnue.

Il y a également eu des améliorations pour les Esat (établissements et services d’aide par le travail), nous pourrons y revenir.

Pour terminer, un point sur la situation de l’accueil médico-social, en service ou en structure. Ce volet regardé de près – vous êtes certainement saisis de nombreuses demandes concernant des situations souvent dramatiques – est évidemment au cœur des préoccupations de la DGCS. Là encore, l’offre s’est très significativement accrue. Entre 2006 et 2022, le nombre d’enfants accompagnés a augmenté de 25 %, en particulier dans les services comme les Sessad (services d’éducation spéciale et de soins à domicile), qui accueillent 69 % d’enfants en plus. Quant au nombre d’adultes pris en charge, il a augmenté de 37 %. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient nous opposer, nous n’avons pas développé que des services à bas coût : le nombre d’adultes accueillis dans des maisons d’accueil spécialisées – des structures intégralement financées par la sécurité sociale – a augmenté de 57 % depuis 2006, et la capacité des autres établissements d’accueil médicalisés de 137 % – plus du double. Le nombre de bénéficiaires des services, cruciaux pour l’accompagnement des adultes, a cru de 158 %. Toutes ces données figurent dans l’excellent bilan de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) intitulé Le handicap en chiffres.

Des difficultés subsistent, nous ne le nions pas – nous pourrons y revenir au cours de nos échanges. Nous sommes bien conscients que nombre de nos compatriotes en situation de handicap continuent de rencontrer des difficultés d’accessibilité aux services et peinent à vivre une vie sociale pleine et entière ; les enquêtes de victimation ont montré que beaucoup le vivaient douloureusement. Ce sont des éléments que nous devons prendre en compte.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. L’accessibilité s’est effectivement beaucoup améliorée, vraisemblablement grâce à un repérage plus précoce de certains handicaps et à des prises en charges plus adaptées : c’est une dynamique à souligner et saluer, d’autant que la diversité des handicaps multiplie les besoins d’accompagnement spécifiques pour la scolarité ou l’entrée dans le travail. Nous recevons régulièrement, dans nos permanences, des demandes d’AESH. Nous avons pu accéder à la demande d’un certain nombre d’élèves, mais il reste un problème de recrutement : s’il s’est amélioré, le statut des AESH reste insuffisant et leur formation n’est pas toujours adaptée aux besoins. Concernant l’entrée dans le travail, pouvez-vous nous en dire davantage sur l’accès aux Esat, et les difficultés que certains rencontrent pour en sortir et trouver du travail en milieu ordinaire ? C’est un sujet important.

Par ailleurs, malgré des avancées comme le don de RTT, les jours et séjours de répit, les aidants – souvent les conjoints, parfois des mineurs – peuvent se retrouver en rupture sociale ou professionnelle. Ils sont pourtant essentiels pour accompagner les personnes en situation de handicap – notamment celles que l’on ne peut pas accompagner dans les établissements actuels – et leur nombre est voué à augmenter. Comment pourrait-on améliorer le statut des aidants ?

M. Benjamin Voisin. Je rebondis sur votre dernière question. L’État reconnaît pleinement les difficultés d’accès à l’offre médico-sociale dans sa globalité. C’est pour cette raison qu’il a lancé le plan « 50 000 solutions », doté de 1,5 milliard d’euros, qui vise à créer un choc d’offre important au profit des personnes en situation de handicap qui ont besoin d’un accompagnement médico-social – ce n’est pas le cas de toutes. Cinquante mille, ce n’est pas rien, l’augmentation est considérable au regard du nombre de places actuel. Ces nouvelles places ont déjà été réparties entre les différentes agences régionales de santé en fonction des indicateurs de tension régionaux et locaux. Si aucun territoire ne peut être considéré comme surdoté, certains sont relativement moins dotés : nous nous sommes efforcés de rattraper les écarts les plus manifestes. Les départements sont appelés à cofinancer ces solutions pour la partie qui les concerne. En effet, ils sont compétents en matière d’hébergement dans le champ adulte – foyers de vie, foyers d’hébergement, partie hébergement des foyers d’accueil médicalisé – et assurent tous les services d’accompagnement à la vie sociale – leur action est majeure pour la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. Ce cofinancement se passe de manière plus ou moins tendue selon les départements.

Cet effort quantitatif s’accompagne d’un effort qualitatif. Depuis le rapport Piveteau du milieu des années 2010, nous essayons de remplacer la notion de place, encore très prégnante pour des raisons évidentes, par celle de solution, qui s’appuie davantage sur le milieu ordinaire pour apporter l’accompagnement le plus approprié possible. Dans cette logique, plusieurs actions importantes seront déployées, en particulier à l’école, avec les pôles d’appui à la scolarité. D’autres évolutions qualitatives importantes requièrent l’implication des parents, comme les actions autour de la communication alternative et améliorée. Force est de constater que le droit à l’autodétermination que l’on promeut en lien avec les textes internationaux peine à se concrétiser pour les personnes atteintes des déficiences les plus importantes et ayant du mal à exprimer leurs envies et besoins selon des modes « normaux », si je puis m’exprimer ainsi. Les modalités de communication alternative et améliorée permettent de créer une communauté autour de la personne pour l’accompagner dans la réalisation de ses projets. Plus largement, nous nous inscrivons dans une logique de transformation de l’offre qui vise à fluidifier les parcours pour tenir cette promesse d’offrir à chacun l’autodétermination : il s’agit de ne pas assigner la personne à une place au motif qu’elle est en situation de handicap, mais de construire un projet avec et autour d’elle, en mobilisant notamment le milieu ordinaire. C’est très important.

Cette logique s’est traduite de manière précoce dans les Esat, où l’instauration d’un droit d’aller et venir permet d’assurer davantage de fluidité dans les parcours : les personnes qui y sont accueillies bénéficient de plus nombreuses possibilités de s’intégrer dans le milieu ordinaire, tout en conservant leur statut d’usager de l’Esat. Le secteur des Esat a connu des transformations importantes ces dernières années pour répondre à l’évolution du public : il y a davantage de handicaps psychiques et un peu moins de déficiences ; les personnes arrivent en Esat plus tard, avec souvent derrière elles une première partie de vie dans laquelle elles ont parfois suivi une formation, voire assuré une activité professionnelle – avec une expérience parfois compliquée. Aller vers le milieu ordinaire peut alors être plus délicat.

Il est donc important de travailler en amont. Votre commission d’enquête est centrée sur la question des coûts évités : cette dimension doit être au centre de notre réflexion collective. Pour éviter une prise en charge trop tardive ou une orientation malheureuse  imposée, non souhaitée –, il faut anticiper, intervenir de manière aussi précoce que possible et faire en sorte que les orientations soient les plus adaptées. C’est sur ce point que nous avons travaillé, en particulier dans le champ des Esat, en lien avec France Travail. Cet organe, qui s’est réorganisé pour internaliser davantage le suivi des personnes en situation de handicap, s’efforce de faire des bilans plus complets – « à 360 degrés » – avant toute orientation vers le milieu protégé. L’objectif est notamment de conseiller les MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) avant le moment, grave, de la décision d’orientation. Je rappelle que si la loi pour le plein-emploi a explicitement supprimé l’orientation vers un milieu professionnel spécifique, le geste était avant tout symbolique : il a toujours été possible pour les personnes orientées vers le milieu protégé d’aller vivre et travailler en milieu ordinaire. Cela n’a jamais été interdit. C’est important de le rappeler, car certains ont parfois l’impression d’être enfermés dans une situation.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Comme pour les enfants de l’aide sociale à l’enfance, certains jeunes handicapés sont accueillis ou hébergés dans des établissements dont leur situation ne relève pas. C’est le cas, par exemple, des adultes qui occupent des places dans les établissements réservés aux jeunes – les fameux « Creton ». Si chacun était dans la bonne « case », c’est-à-dire accueilli au bon endroit et avec un accompagnement adapté, n’aurait-on pas davantage de places, sinon suffisamment ? A-t-on une idée du nombre de personnes qui ne sont pas au bon endroit et occupent une place qui pourrait bénéficier à juste titre à un autre ?

M. Benjamin Voisin. Nous nous efforçons, collectivement, de changer de paradigme et de ne plus raisonner en termes de case, car qui dit case, dit immédiatement « incasable ». C’est une difficulté importante : les acteurs se renvoient les personnes au motif qu’elles ne relèvent pas de leur champ de compétences. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire, nous nous efforçons de raisonner davantage en termes de parcours et de ne pas assigner définitivement une personne à un endroit. Il faut pouvoir faire évoluer les modalités de son accompagnement en fonction de ce qu’elle souhaite – ou de ce que souhaite la famille dans le cas des enfants : alléger l’accompagnement, faire des tentatives.

Il est difficile de mesurer le nombre de personnes dont l’orientation est inappropriée. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) mène actuellement une mission portant notamment sur le champ des IME (instituts médico-éducatifs). Selon les agents de l’Igas, qui se sont rendus dans de très nombreux établissements, la part d’enfants dont la déficience intellectuelle pourrait être compatible avec le milieu ordinaire reste très minoritaire – entre 10 % et 15 %. C’est très peu, bien loin de l’idée, partagée par certains, que tous les enfants accueillis en IME pourraient aller à l’école. Mais déplacer les individus d’un lieu d’accompagnement à l’autre est d’autant plus compliqué que la situation est tendue, car tout le monde – y compris les familles – a très peur d’être abandonné, laissé sur le bord de la route. Les gestionnaires ont une responsabilité vis-à-vis des personnes qu’ils accompagnent. Le choc d’offre sera essentiel pour fluidifier les parcours et permettre les orientations et réorientations.

De nombreux sujets doivent être travaillés plus finement. Vous avez évoqué le cas des « Creton » : c’est un sujet majeur, qui suppose d’ouvrir le champ des possibles dans la prise en charge des adultes. Ce n’est pas forcément évident. Nous réfléchissons à plusieurs pistes, comme l’habitat inclusif. C’est une solution peut-être un peu angoissante, mais accessible à de nombreuses personnes. La prestation d’aide à la vie partagée peut favoriser l’émergence des projets d’habitat inclusif, mais tout dépend de l’engagement des départements, car malgré le soutien de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), il y a un reste à charge. Or on constate un léger tassement de l’enthousiasme des débuts. C’est préoccupant, car si les différentes solutions ne peuvent être déployées avec un étayage approprié, la solution par défaut risque de rester le placement en foyer. Si c’est un accueil indubitablement adapté pour certaines personnes, ce n’est pas forcément la meilleure solution pour tout le monde dans la durée.

Le vieillissement de la population en situation de handicap est également un facteur de tension de l’offre, même si, dans l’absolu, l’accroissement de leur espérance de vie est une excellente nouvelle. La part des personnes de plus de 65 ans – celles qui présentent les plus grandes difficultés de santé – dans les maisons d’accueil spécialisées, des établissements intégralement financés par l’assurance maladie, est passée de 1,8 % en 2006 à près de 10 % aujourd’hui. C’est un changement étonnamment rapide au regard de l’échelle des évolutions sociologiques. Il faut prendre en compte cette évolution démographique dans l’organisation des établissements médico-sociaux. Nous devons trouver les meilleures modalités pour accompagner les différentes périodes de vie et répondre aux besoins et aspirations propres à chaque âge, comme on le fait pour toute personne.

J’ignore si c’est une défaillance ; c’est en tout cas une difficulté, et un défi particulièrement enthousiasmant pour l’action publique.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. Avant de revenir sur les éléments que vous avez présentés, permettez-moi de vous poser une question générale. Selon la direction générale de la cohésion sociale, à combien s’élèvent les coûts engendrés par l’exclusion, la vulnérabilité, la paupérisation des personnes en situation de handicap ? Je ne reviens pas sur le fait que la discrimination est la première cause de saisine du Défenseur des droits.

Le terme « défaillances » n’est pas une critique à l’endroit de la DGCS, seulement le reflet des nombreuses difficultés observées sur le terrain. Il renvoie aussi à la promesse républicaine de 2005, très volontariste, à l’objectif Zéro sans solution et à la démarche Réponse accompagnée pour tous, qui se heurtent au mur des réalités. De nombreuses familles attentent une place en IME. Je pense aussi aux Itep (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique), car on constate un report des prises en charge les plus complexes vers d’autres établissements médico-sociaux. Le terme « défaillances » n’a donc pas été choisi totalement par hasard, même s’il peut sembler dissonant par rapport aux évolutions budgétaires que vous avez esquissées.

L’objectif de cette commission d’enquête n’est pas seulement de dire qu’il faudrait décupler les moyens – ce ne serait pas raisonnable. Elle doit aussi nous permettre de réfléchir à un décloisonnement des parcours et à une meilleure répartition des dépenses publiques pour améliorer l’accompagnement, dans une logique de coûts évités – c’est l’objectif de la prévention. Cette logique invite aussi à privilégier les dispositifs les plus performants. Permettez-moi de revenir sur certains de ceux que vous avez mentionnés et qui peinent à se développer alors que leur bénéfice a été démontré.

Premier dispositif : l’emploi accompagné. Selon une étude de la DGEFP (délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle), 60 % à 70 % des personnes qui y ont eu recours sont maintenues dans l’emploi, contre seulement 40 % avec les dispositifs classiques. Pourtant, le recours à ce dispositif reste marginal et ne constitue pas aujourd’hui l’accompagnement privilégié. Au vu de sa plus-value, il est étonnant qu’il ne soit pas plus massivement déployé.

Le deuxième exemple est celui de l’habitat inclusif. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a démontré en 2020 que le coût de l’habitat inclusif était de 20 à 30 % inférieur à celui de l’hébergement institutionnel classique, bien qu’il soulève la question technique d’une éventuelle mutualisation des PCH – prestations de compensation du handicap –, et donc d’un report de charges pour les conseils départementaux, dont on connaît la situation financière difficile. Il faut trouver des moyens de compensation et d’évaluation pour ces dispositifs plébiscités par de nombreux acteurs qui sont moins coûteux et plus vertueux, c’est-à-dire mieux en adéquation avec les besoins des personnes que les établissements pour adultes et donc plus conformes à l’idée que nous nous faisons de l’inclusion. Pourtant, un coup d’arrêt a été donné à leur déploiement.

Le troisième exemple est celui des entreprises adaptées. On peut s’interroger sur la pertinence de la réforme qui a récemment instauré un plafond d’emploi pour les personnes en situation de handicap dans ces établissements, ainsi que sur la fluidité entre eux et les Esat – établissements et services d’aide par le travail. Faut-il forcer les parcours en entreprise adaptée ? Quelle est leur plus-value par rapport à l’emploi accompagné ?

Ces trois exemples démontrent l’importance de prendre en compte les coûts évités et l’effet de levier dans l’élaboration des politiques publiques et la transformation de l’offre. De tels indicateurs de performance mériteraient de figurer dans les CPOM, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, où ils garantiraient une meilleure allocation des ressources et, partant, contribueraient au choc d’offre que vous appelez de vos vœux. Comment cette approche est-elle perçue ? Quels sont les freins à cette pratique ?

M. Benjamin Voisin. Ce sont des questions compliquées. La DGCS n’a pas mené d’analyse systémique sur le coût de l’exclusion. Nous avons néanmoins des analyses par transposition. Dans son rapport sur l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, la Cour des comptes a calculé que chaque emploi coûtait 28 000 euros, mais elle ne s’est pas aventurée à chiffrer les économies réalisées, tout en soulignant l’intérêt du dispositif du point de vue de l’insertion sociale. En tant qu’administrateur, je rêve de trouver la martingale qui permettrait de dépenser en faisant des économies, mais il faut reconnaître que c’est un choix de société plus qu’un choix strictement comptable. Nous avons néanmoins quelques intuitions.

Notre première intuition est qu’il faut intervenir de façon précoce pour prévenir le surhandicap car différentes enquêtes internationales ont prouvé que le retard de diagnostic, l’errance diagnostique, la prise en charge tardive, le non-étayage de la cellule familiale lors du repérage des premiers troubles créent une perte de chances à vie, surtout dans le champ de l’autisme.

C’est la raison pour laquelle le plan autisme a créé les plateformes de coordination et d’orientation, les PCO. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a généralisé cette démarche à l’ensemble des troubles pour les enfants de moins de 6 ans en créant le service public de repérage précoce, qui leur permet d’accéder à un diagnostic et à une prise en charge payée par l’assurance-maladie sans attendre la notification de la MDPH. En d’autres termes, on n’attend plus que la barrière administrative soit levée pour déployer la solution, tout en étant limités, comme partout dans le système, par le manque de personnel paramédical – psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes.

La création des pôles d’appui à la scolarité, les PAS, procède de la même logique en permettant aux enfants visiblement atteints d’un trouble d’accéder à un étayage de nature médico-sociale sur leur lieu de vie, c’est-à-dire à l’école, sans notification de la MDPH.

Notre deuxième intuition est qu’il faut favoriser l’accessibilité plutôt que la compensation. À moyen terme, les coûts fixes des infrastructures mises en place par la société pour faire face à certaines différences permettent de faire l’économie d’une partie des coûts annuels de la compensation. Cela suppose une capacité à se projeter et à réaliser les bons investissements. Le fait que le dernier comité interministériel du handicap ait été centré exclusivement sur l’accessibilité marque notre souci d’avancer en ce sens.

Un exemple de cette démarche est la transformation de l’offre, que vous avez très justement évoquée et qui consiste à déployer le plus possible des solutions d’étayage en milieu ordinaire comme substitut à la prise en charge intégrale issue du modèle institutionnel. C’est une approche exigeante qui suppose un changement de regard de la société, car les familles doivent accepter un degré de risque plus élevé – il est plus risqué de sortir seul que de rester dans un foyer au fond des bois. Elle s’accompagne d’enjeux de formation pour les intervenants médico-sociaux qui, au lieu d’aider la personne du lever au coucher, seront plutôt sollicités pour aider au centre de loisirs ou pour parler au bailleur afin de régler d’éventuels problèmes de voisinage. C’est la contrepartie de la non-ségrégation.

Voici nos axes de travail pour l’amélioration de la performance globale de l’accompagnement. Évidemment, toutes les personnes porteuses d’un handicap n’en ont pas besoin, mais nous nous efforçons de réfléchir à ces solutions pour celles qui en auraient besoin. À ce jour, les obstacles sont principalement financiers ; on peut y ajouter la réticence de certains acteurs à basculer sur l’autre modèle. C’est la raison pour laquelle nous avons entamé un dialogue avec les départements sur la question de la compensation et de l’accompagnement vers ce mode de vie plus inclusif.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. Il est bon d’ouvrir des droits, à condition que ceux-ci soient effectifs, or l’effectivité du droit à la scolarisation est loin d’être atteinte. Des carences demeurent dans la prise en charge malgré l’augmentation du budget, des notifications de la MDPH et du nombre d’AESH. Cela suscite beaucoup de questionnements. On constate aussi une certaine rigidité de l’éducation nationale qui, pour des raisons légitimes à certains égards, tarde à transformer son modèle. Il est vrai que l’adaptation des enseignements dans le cadre d’un plan d’accompagnement personnalisé (PAP) ou d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) est tellement compliquée qu’on finit par demander un étayage avec un AESH, même si celui-ci n’était pas prévu… C’est un cercle vicieux qui empêche de dégager les marges de manœuvre financières nécessaires pour traiter plus correctement les AESH.

On ne peut pas se contenter de demander des moyens supplémentaires. Il faut aussi réfléchir à leur optimisation. C’est cela qui manque dans les faits. Les familles des enfants qui attendent une place en établissement préfèrent une solution réelle à une solution idéale ; souvent, l’habitat inclusif est construit en écho à la difficulté d’accéder à un établissement médico-social pour adultes. J’ai le sentiment que nous n’allons pas au bon rythme malgré l’augmentation du budget des années passées ; c’est d’autant plus inquiétant que nous ne sommes pas assurés que cette trajectoire budgétaire sera préservée à l’avenir.

M. Benjamin Voisin. Ce réel, nous le percevons, nous l’entendons et nous avons conscience des difficultés que rencontrent un nombre trop important de familles.

Les pôles d’appui à la scolarité marquent le début du changement que vous appelez de vos vœux. Alors que 100 PAS ont été expérimentés l’année dernière – 400 PAS supplémentaires ont été lancés à la rentrée 2025 –, on constate d’ores et déjà qu’ils ont permis de créer de nouvelles conditions de dialogue dans les territoires concernés. Ils ont rétabli la confiance envers l’institution scolaire et dans sa capacité à accompagner l’enfant sans qu’il soit nécessaire de faire valoir un droit auprès de la MDPH. En plaçant la notion d’accessibilité au premier rang, les PAS permettent de conseiller à l’enseignant des adaptations qui aideront l’enfant à se sentir mieux afin qu’il parvienne à suivre les cours et manifeste moins ses troubles. Je prendrai un exemple : jusqu’à il y a peu, la fourniture de matériel pédagogique adapté était conditionnée à la notification de la MDPH. Est-ce bien raisonnable ? On sait que ce matériel peut rapidement changer la vie de l’enfant et, du même coup, le regard des parents sur l’école, enclenchant une dynamique vertueuse.

La généralisation des PAS n’ira pas sans ratés, car les situations sont différentes selon les enfants, et il faudra sans doute procéder à des ajustements en cas de débordement de fonctions ou de mauvais emploi de certaines ressources – leur coût est estimé à 400 millions d’euros. Il me semble néanmoins qu’ils changent les relations entre les acteurs dans le sens d’une meilleure efficience.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Les initiatives que vous avez décrites en faveur d’un choc d’offre et d’un accompagnement plus adapté doivent aller de pair avec des actions de moyen et de long terme. Actuellement, les familles sont dans une situation difficile. Elles veulent que leur enfant aille au maximum à l’école, malgré les limites constatées : positionnement difficile des AESH par rapport aux équipes, fonctionnement en silos entre le médical et le médico-social, zones de frottement sur les financements…

Nous sommes au début d’un double mouvement : gérer une demande accrue d’accompagnement, voire de placement, tout en proposant plus d’autonomie avec les risques que cela implique. Il y aura donc des écarts à gérer. Dans ma circonscription, chaque année, les parents se battent pour obtenir plus d’AESH auprès du centre de malvoyants, lequel leur répond qu’ils n’ont pas besoin de ce volume d’heures car les enfants seront guidés vers l’autonomie… Il faut faire évoluer les mentalités en faveur d’un accompagnement adapté plutôt que de plaquer des solutions toutes faites.

M. Benjamin Voisin. L’ambition que nous promouvons auprès des gestionnaires médico-sociaux – même si la pratique n’est pas à 100 % au rendez-vous – est celle d’une approche décloisonnée : il faut sortir au maximum de l’idée que le médico-social est un secteur fermé sur lui-même qui s’occupe des personnes du berceau au tombeau. C’est un retournement logique important par rapport au modèle sur lequel le champ du handicap s’est construit dans l’après-guerre, quand les associations de parents ont élaboré, souvent contre l’État, des solutions pour leurs enfants. On retrouve aujourd’hui la même dynamique de lutte avec la question de l’habitat inclusif, qui fait bouger les lignes de façon significative.

Le but est que l’accompagnement médico-social se déploie dans les lieux de vie. Nous promouvons la notion de parcours avec des essais, des tentatives, voire des allers-retours entre différentes solutions. C’est plus compliqué et potentiellement plus coûteux, car le placement en institution est économiquement plus efficient – quand tout le monde est au même endroit, il y a un encadrant pour cinq ou six personnes et tout le monde va dîner au même moment. Nous anticipons donc une hausse des coûts liés au transport, au taux d’encadrement et à la formation.

J’ajoute que ce changement implique de passer à une responsabilité collective partagée avec le milieu ordinaire. Cela ne va pas sans tensions dans les écoles et les centres de loisirs car les professionnels ont parfois peur de ne pas savoir faire et ils réclament le doublement du poste par un éducateur spécialisé, ce qui n’est pas soutenable budgétairement. L’éducateur doit être présent au début pour faire le point avec la famille et former l’équipe pédagogique ou les animateurs. Si cela marche, nous aurons gagné. Pour l’heure, il y a un écart entre l’ambition et la réalité.

M. David Magnier (RN). Depuis 2010, on constate une forte augmentation du nombre de bénéficiaires et de personnes prises en charge. Les dépenses liées à l’éducation ont été multipliées par huit. Nos auditions ont montré que, malgré le doublement du nombre d’AESH, leur attribution pose toujours problème et que nous souffrons d’un manque criant de psychiatres et de psychologues, surtout pour les enfants et les adolescents. Quelles actions préconisez-vous pour pallier ces manques ?

En outre, de nombreux acteurs du secteur ont déploré la perte de temps et d’argent causée par le travail en silo, dont les premières victimes sont les patients. On l’a vu hier dans le domaine de la protection de l’enfance : les données ne circulent pas de manière fluide car les acteurs n’ont pas toujours les mêmes logiciels ou ne vont pas jusqu’au bout des démarches. Comment améliorer les choses ?

M. Benjamin Voisin. Le manque de psychiatres pose effectivement un problème d’accès aux solutions adaptées et d’étayage des équipes médico-sociales – quand on doit prendre une décision qui engage sa responsabilité, il est plus facile de décider sur la base d’un avis médical. Je laisserai le soin aux représentants de la direction générale de la santé de vous répondre plus en détail sur ce point.

La critique du système en silos est légitime. Nous avons retenu deux axes de travail pour améliorer son fonctionnement – j’écarte d’emblée un big bang de la gouvernance qui s’écarte du sujet du jour, d’autant qu’il n’est jamais certain qu’un acteur ait toutes les solutions, surtout en matière d’inclusion.

Le premier axe est celui d’une meilleure coopération au niveau territorial afin que les personnes se connaissent et travaillent ensemble. La loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie du 8 avril 2024 a créé le service public départemental de l’autonomie (Spda) doté d’un volet handicap, initialement pensé pour le grand âge, mais qui a été étendu à tous les âges. Il réunit autour de la table France Travail et l’éducation nationale. Cette gouvernance fixe des objectifs conjoints de résolution de problèmes concrets afin que les acteurs locaux s’approprient les enjeux. Notre rôle est de les guider et de renforcer leurs capacités, dans une dynamique d’animation, pour que chacun profite de l’expérience des autres et trouve les solutions adaptées à son contexte le plus rapidement possible.

Le deuxième axe de travail est le développement d’outils de coopération. De gros progrès ont été réalisés ces dernières années grâce aux investissements dans le Ségur numérique, qui a permis d’équiper l’ensemble des établissements et services médico-sociaux (ESMS) pour assurer le déploiement du DUI, le dossier usager informatisé, qui sera versé au DMP, le dossier médical partagé. Le rendement de cet investissement dans les données n’est pas instantané car il demande un peu de pratique – il faut entrer les bonnes informations et qu’elles soient reçues par les bonnes personnes –, mais l’infrastructure technologique facilitera, à terme, la coopération entre les acteurs.

Ainsi, dans le champ des Ehpad, le dossier de liaison d’urgence – un ensemble de documents cruciaux recensant notamment les souhaits du résident et les contre-indications applicables s’il doit être pris en charge aux urgences – est désormais informatisé, de sorte que le service d’urgences puisse accéder d’emblée aux informations permettant d’assurer la continuité des soins. Il y a là des gains de temps et d’efficience considérables pour le système de santé. On pourrait imaginer un mécanisme équivalent pour les personnes bénéficiant d’un accompagnement médical ou médico-social dans le champ du handicap.

Les deux principaux leviers pour remédier à ces difficultés concrètes de coopération sont donc la territorialisation et l’informatisation. Cependant, les équipements techniques ne font pas tout : c’est l’appropriation de ces outils qui nous permettra d’avancer.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Vous avez souligné que les politiques publiques dédiées aux personnes porteuses de handicap avaient énormément évolué en peu de temps. En tant que professionnelle de l’éducation ayant aussi travaillé dans le secteur médical, je ne peux que confirmer ce constat. Cependant, notre ambition d’une politique inclusive se heurte à certaines défaillances, que vous avez vous-même citées. Pensez-vous que notre vision n’est pas assez claire, ou qu’elle ne s’inscrit pas assez dans un mouvement social ? La survivance des institutions, qui peuvent avoir du mal à engager leur transformation, constitue-t-elle un autre frein ? À ce propos, vous avez noté qu’une politique inclusive menée en faveur d’une personne en situation de handicap coûtait plus cher qu’une simple prise en charge…

M. Benjamin Voisin. Elle peut coûter plus cher.

Mme Chantal Jourdan (SOC). La différence de coût peut évidemment varier selon les situations, mais il faudrait essayer d’adopter une approche globale… En tout cas, vos propos battent en brèche une idée qui a sous-tendu le processus de désinstitutionalisation : on pensait qu’insérer la personne dans la vie ordinaire, avec moins de temps d’accompagnement, coûterait moins cher. D’après ce que vous dites, ce n’est pas vrai. Il faut donc confronter l’ambition inclusive défendue par la société aux enjeux financiers.

M. Benjamin Voisin. J’aimerais clarifier mon propos : une politique inclusive peut coûter plus cher comme elle peut coûter moins cher – tout dépend de la méthode employée. Une orientation non adaptée coûte très cher, alors que la personne en question aurait peut-être pu mener un autre type de vie, même avec un étayage plus léger. La réponse n’est donc pas définitive. En revanche, la poursuite d’une politique plus inclusive va recomposer la structure des coûts – il y aura moins de dépenses d’hébergement mais plus de dépenses de transport – et peut-être faire évoluer les profils des personnes accompagnantes. C’est une reconfiguration, une véritable transformation.

Vous m’avez demandé quels étaient les freins à l’inclusion. J’ai l’intuition que la tension sur l’offre entraîne beaucoup de crispations, et qu’il est compliqué de promouvoir l’inclusion quand tant de demandeurs n’obtiennent pas de réponses satisfaisantes. Si nous parvenons à dépasser cette situation et à transformer l’essai en permettant un choc d’offre, nous créerons de nouvelles conditions de confiance et nous pourrons prouver qu’une politique d’inclusion est possible. Dès lors, les choses se détendront progressivement.

Ce processus va être long, compliqué et source d’appréhensions. Il est difficile de jeter la pierre à qui que ce soit : on peut comprendre que des familles, elles-mêmes vieillissantes, ayant porté à bout de bras le parcours de leur enfant ne soient pas forcément très enthousiastes à l’idée de remettre en cause ce qui avait été planifié. Cette évolution est anxiogène ! Dès lors, la présentation des 50 000 solutions nouvelles sera un facteur de réassurance absolument crucial, un moment à ne pas rater pour susciter une détente psychologique et un choc d’offre. Il faudra faire deux choses en même temps : du capacitaire, pour répondre à des besoins parfois très urgents – certains projets étaient en attente depuis dix ans, mais étaient parfois conçus dans l’esprit qui prévalait il y a dix ans –, et de la transformation, y compris dans le stock de places et de solutions existantes.

Les institutions et les établissements médico-sociaux sont-ils opposés à cette évolution ? Il y a de tout. De nombreux organismes gestionnaires sont déjà très engagés dans la transformation : ils prennent les devants et incitent même l’administration centrale à aller plus loin – ils nous demandent de faciliter telle ou telle chose et nous reprochent de leur mettre des bâtons dans les roues en leur imposant des normes réglementaires incluses dans un code de l’action sociale et des familles qui n’a pas été modifié depuis de nombreuses années. Nous avons, avec ces institutions, un dialogue fécond. Mais d’autres établissements sont plus frileux et réfléchissent encore autrement.

Faut-il instaurer un modèle unique ? Nous devons rester vigilants, car nous avons besoin de solutions graduées. Nous aurons encore besoin, en France, de solutions institutionnelles. Il n’y a pas de raison de s’en désoler. On s’aperçoit d’ailleurs que les autres pays, même ceux qui sont bien notés au titre des conventions internationales, gardent eux aussi des modes de prise en charge institutionnels, bien qu’ils ne les mettent pas en avant. Je le répète, nous avons simplement besoin d’une gradation, plus large et plus conforme aux souhaits des personnes concernées, s’agissant non seulement du type de solutions proposées, mais aussi du moment de la vie où l’on y recourt.

Tout cela peut être très difficile à organiser ; c’est pourquoi les solutions seront forcément territorialisées. Il faudra discuter avec les acteurs du secteur, avec les familles, et étudier les solutions dont ces dernières disposent effectivement près de chez elles. Ce n’est pas la même chose que d’habiter dans une ville centre ou dans une zone rurale, dans une métropole ou dans une ville moyenne de province. Encore une fois, les solutions seront vraisemblablement diversifiées. Notre travail, en administration centrale, sera de trouver les leviers d’accompagnement et de tarification permettant de favoriser ces solutions, d’être efficaces et efficients, et de permettre l’ajustement des comportements.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. J’aimerais revenir sur la question de l’accès au logement. Je me souviens d’un temps où l’on prônait la construction de logements évolutifs, accessibles aux personnes en situation de handicap, plutôt que d’appartements étiquetés « handicapés ». Certes, le covid est passé par là, mais cette politique n’a pas forcément rencontré un grand succès, et elle ne semble pas susciter un enthousiasme débordant. Avez-vous des retours ? Il faut aussi tenir compte du fait que l’acceptabilité, par le voisinage, de ces appartements destinés à des personnes en situation de handicap et présentant des troubles psychiatriques est parfois limitée.

Une expérimentation consistant à construire des logements à l’intersection de crèches et d’Ehpad afin d’utiliser les services proposés par ces établissements, assortie d’aides financières, a été menée lorsque Mme Khattabi était ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Est-il encore envisageable d’accompagner ce type de projets visant à favoriser l’inclusion et la formation d’un espace de solidarité ?

Enfin, vous avez expliqué qu’il était nécessaire de conserver des établissements. Il conviendrait d’encourager la création de structures de plus petite capacité, qui nécessitent certes du personnel mais permettent aussi aux résidents, en particulier aux plus jeunes, d’être mieux accompagnés et entourés.

M. Benjamin Voisin. En pratique, même les établissements de grande taille sont généralement organisés en petites unités de vie. Ainsi, ce qui peut paraître impressionnant sur le papier n’est, fort heureusement, pas nécessairement perçu comme tel par les personnes qui résident dans ces institutions. Je ne dis pas qu’il n’existe pas de grandes structures, mais que les gestionnaires font généralement en sorte que leurs établissements fonctionnent à une échelle humaine. Il est important de garder cela en tête.

L’accès des personnes en situation de handicap à un logement ordinaire est un sujet très vaste et très difficile. Il ne se limite pas du tout à la question de l’accessibilité physique, qui est peut-être compliquée du point de vue financier ou technique – je pense par exemple à la maintenance des ascenseurs –, mais qui ne se heurte que rarement à un manque d’acceptabilité. Sur ce sujet, nous sommes très en retard, et nous le savons. Cela fait partie des chantiers que nous devrons ouvrir demain. Faut-il construire du neuf ou réhabiliter des logements existants, et selon quelles modalités ? Quels sont les projets en cours ? Quelles sont les aides mobilisables ? Il vaudrait mieux que vous abordiez ces questions avec mes collègues chargés du logement. Les mécanismes de soutien à la construction et à la réhabilitation sont assez compliqués ; je serais donc bien incapable de vous en dire davantage.

Si le développement de l’habitat inclusif est plus facile du point de vue technologique ou technique, la question de l’acceptabilité de ce type d’habitat avec des personnes différentes, en situation de handicap psychique – je pense notamment à l’autisme et à tous ces handicaps dits invisibles mais que les autres perçoivent pourtant généralement assez vite –, est plus délicate. Elle nécessite un accompagnement très fort par les bailleurs. On en revient toujours à la même question, celle de la confiance et de la sécurisation de l’ensemble des acteurs. Si les autres résidents de l’immeuble ont l’impression qu’on leur impose la présence d’une colocation de personnes atteintes d’un handicap psychique et qu’ils seront seuls pour gérer les difficultés engendrées – peut-être fantasmées –, alors on aura bien du mal à les convaincre de l’opportunité de ce genre de mesures. À leur place, je penserais d’ailleurs vraisemblablement comme eux ! Mais si j’avais l’assurance qu’en cas de difficulté, je pourrais appeler quelqu’un sans que l’on m’accuse de ne pas être inclusif, alors les choses se passeraient mieux. C’est en réalité ce qui arrive tout le temps, mais cela nécessite un effort que l’on oublie peut-être de réaliser dans un certain nombre de projets. On fait beaucoup d’efforts pour trouver des solutions techniques, pour adapter la taille des portes et des couloirs, mais on ne fait pas toujours assez attention à la façon dont l’équipement va vivre au sein de son environnement ordinaire. Or, dans le cadre de l’habitat inclusif, la personne 3P, porteuse du projet partagé, est précisément chargée de gérer les interactions avec le « monde extérieur » – ou, pour ne pas utiliser cette expression horrible, avec les voisins, tout simplement.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. Sur l’application de l’article 64 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi Elan), l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) a commis un rapport qui a fait un peu de bruit – mais peut-être pas suffisamment pour traverser les portes de votre ministère… Ce n’est toutefois pas le sujet central de notre discussion, même si la question de l’accès au logement est fondamentale.

Il est très agréable de vous entendre. Je partage tout à fait votre vision des choses s’agissant de la nécessité de proposer des solutions graduées et territorialisées. C’est en effet au niveau des territoires, en partant de la réalité des besoins, que l’on peut élaborer des réponses adaptées. Opposer l’institution au milieu ordinaire est stérile – pour tout dire, ces discussions sont un peu dépassées, même si elles suscitent toujours un peu de crispations.

J’en reviens à la question de l’optimisation, de l’efficience, de l’efficacité. Ces mots sont peut-être un peu brutaux, mais ils n’en sont pas moins fondamentaux.

Nos auditions ont montré que les systèmes informatiques des MDPH étaient harmonisés, mais pas optimaux puisqu’ils ne permettent pas à la CNSA d’établir un diagnostic des besoins sur le territoire. Vous avez évoqué l’existence des PCO et des PAS, qui permettent des prises en charge plus précoces ne nécessitant pas l’ouverture d’un droit auprès des MDPH. Ce sont de très bonnes procédures, qu’il faut encourager, même s’il subsiste des freins. Ainsi, il n’est pas possible de solliciter la PCO lorsqu’une demande a été déposée auprès de la MDPH ; bien que je comprenne la nécessité d’une régulation, cette règle me paraît discutable car elle ne permet pas d’optimiser totalement l’accès à l’aide ou au diagnostic.

Si la transformation de l’offre nécessite de la coordination et du dialogue, les contraintes imposées aux établissements me semblent insuffisantes. Nous n’avons pas réussi à faire des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) de vrais outils d’incitation. De nombreux établissements médico-sociaux sont prêts à se transformer et à s’adapter à la réalité des besoins exprimés par les personnes concernées et leurs familles ; ils se heurtent à la multiplicité des acteurs, qui ne se parlent pas et ne se coordonnent pas, mais la situation est immensément plus compliquée pour les familles, qui n’ont pas de solution.

C’est là que la réflexion me semble insuffisante. Les parents dont l’enfant est privé d’accès à l’école sont souvent inactifs, parce qu’il est impossible de concilier une vie professionnelle avec les scolarisations hachées d’un enfant. Je ne parle même pas de la fatigue engendrée – il me semble que les arrêts de travail des aidants familiaux représentent un coût de 1,7 milliard d’euros pour l’assurance maladie. Tous ces éléments sont difficiles à appréhender, mais ils n’en sont pas moins réels ; ils pèsent très lourdement sur nos finances publiques et sur la vie des familles.

Sur ces sujets, il est nécessaire de changer d’échelle et de paradigme. C’est un peu l’objet de notre commission d’enquête. Nous devons essayer d’optimiser la réponse apportée, sachant que ce n’est pas en multipliant les initiatives que nous parviendrons à répondre à l’ensemble des besoins. Il y a d’ailleurs un besoin de simplification, car pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, les termes « PCO », « zéro sans solution » ou « réponse Sessad » appartiennent presque à une langue étrangère !

Les notions de Qaly (années de vie ajustées par leur qualité), de Daly (années de vie ajustées par l’incapacité) et de coûts évités relèvent plutôt d’une approche anglo-saxonne ; il n’en demeure pas moins qu’elles sont un peu présentes dans certaines études de la CNSA, de la Haute Autorité de santé et de la Cour des comptes. Vous paraît-il pertinent de renforcer cette approche ? Faut-il que nous l’imposions par la loi, afin de donner aux administrations centrales et déconcentrées de l’État des leviers supplémentaires pour stimuler cette transformation de l’offre qui se fait attendre ? Ainsi, il est actuellement impossible de connaître le nombre d’interventions des Sessad au sein d’un établissement scolaire, alors que ces actions devraient être généralisées afin de faciliter les prises en charge et la coordination pour les familles.

M. Benjamin Voisin. Ces questions très stimulantes permettent de resituer les enjeux au bon niveau. Je partage totalement un certain nombre d’insatisfactions que vous avez exprimées, s’agissant notamment de l’insuffisance du reporting et du suivi. Le fait que l’on ne dispose pas de données fiables sur le nombre de personnes en attente de telle ou telle solution pose aussi de réelles difficultés au sein de l’administration. Aussi sommes-nous en train de réfléchir à l’adoption de mesures plus coercitives obligeant les établissements à faire remonter les informations de manière plus régulière et de façon exhaustive. Si cela nécessite de passer par la loi, nous vous solliciterons, mais nous penchons plutôt, à ce stade, pour des solutions réglementaires. Il s’agira de progresser en matière de suivi de l’activité, de mieux comprendre les difficultés rencontrées et de vérifier que la promesse de transformation est tenue – c’est important, car certains établissements disent qu’ils se sont transformés alors que tel n’est pas le cas !

La transformation de l’offre nécessitera-t-elle des modifications législatives ? C’est possible, notamment pour avancer en matière de décloisonnement. Pour être tout à fait clair, l’administration et les financeurs se trouveront tiraillés entre la nécessité de décloisonner et celle de maintenir la pilotabilité de la dépense. Nous sentons que nous devons bouger, qu’un compromis doit être trouvé entre ces deux enjeux, mais la question doit encore être réglée au niveau le plus fin. Sur ce sujet, il sera probablement nécessaire de faire sauter quelques verrous législatifs, notamment pour imposer un certain nombre d’évolutions, en prévoyant évidemment une entrée en vigueur différée des nouvelles dispositions. Nous tâcherons ainsi de donner un sens un peu plus clair à la notion de transformation de l’offre, qui reste parfois un peu nébuleuse – le rapport publié par l’Igas en avril dernier nous l’a reproché à juste titre. J’ai essayé de faire preuve d’éloquence devant vous cet après-midi, mais je ne suis pas certain qu’au niveau opérationnel, mes explications soient comprises par tout le monde, ni que chacun n’y voie pas ce qu’il souhaite y voir.

La relation avec le secteur médico-social, notamment pour ce qui concerne les situations sans solution, pourra aussi justifier une modification du droit existant. Nous y réfléchissons, au sein de notre direction, mais nous aurons besoin d’un mandat plus précis pour finaliser ces travaux.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Je vous remercie pour vos propos très intéressants, optimistes et précis. Si vous souhaitez nous transmettre des documents pour compléter votre intervention, vous pouvez évidemment le faire par courriel.

Puis, la commission auditionne Mme Sarah Sauneron, directrice générale adjointe de la direction générale de la santé (DGS), et Mme Marion Marty, sous directrice en charge de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Je vous remercie, mesdames, pour votre présence devant cette commission d’enquête, sollicitée par le rapporteur Sébastien Saint-Pasteur, sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société.

Avant toute chose, je vous prie de déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. De plus, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mmes Sarah Sauneron et Marion Marty prêtent successivement serment.)

Mme Sarah Sauneron, directrice générale adjointe de la direction générale de la santé. Je commencerai par situer l’action de la direction générale de la santé (DGS) en matière de santé mentale, sujet au cœur de nos priorités. Au sein de notre service, un bureau est dédié aux politiques de prévention et de promotion, étant rappelé que la direction générale de l’offre de soins (DGOS) est responsable de la prise en charge de la psychiatrie.

En ce qui nous concerne, nous menons une politique de prévention à la fois intersectorielle et populationnelle. Elle est intersectorielle au sens où la santé mentale est multifactorielle et où elle concerne tous les milieux de vie, qu’il s’agisse de l’école, du travail, des loisirs. Nous faisons donc le lien avec les ministères concernés. Et elle est populationnelle, car nous veillons à apporter une attention particulière aux publics les plus fragiles. Je pense aux jeunes – nous y reviendrons –, ainsi qu’aux personnes âgées, en situation de handicap, précaires, ou encore détenues. À cet égard, je précise que la prise en charge des personnes en situation de handicap relève en premier chef de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Concernant ce public, nous ne nous occupons que du volet santé mentale.

Avant toute chose, je souhaite partager quelques éléments de diagnostic, préalable indispensable à toute politique publique adaptée et concrète.

Premier constat : la crise sanitaire du covid a constitué un véritable tournant, en provoquant une dégradation nette et durable de l’état de santé mentale de la population française. Elle a en effet entraîné une hausse significative des troubles anxieux, des troubles dépressifs, des troubles du sommeil ainsi que des idées suicidaires, notamment chez les jeunes. J’y insiste : cinq ans après, l’impact important de cette crise perdure.

De fait, d’après l’enquête CoviPrev menée en 2023 par Santé publique France, 23 % des adultes interrogés déclaraient un niveau d’anxiété élevé et 16 % se disaient déprimés, ce qui représente une hausse respective de cinq et six points par rapport à 2019. Et, comme je l’ai dit, les indicateurs de santé mentale dégradés demeurent fréquents chez certains publics non négligeables : les femmes, les jeunes adultes, les personnes précaires ou ayant des antécédents de troubles psychiques.

Second constat : le taux de suicide demeure une source de préoccupation majeure, dans la mesure où, en 2022, notre pays comptait 13,3 suicides pour 100 000 habitants, soit l’un des niveaux les plus élevés d’Europe – le taux étant trop fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Depuis les années 1980, nous sommes parvenus à faire diminuer ce chiffre, mais nous avons atteint un plateau à propos duquel nous devons agir.

Les indicateurs sont d’ailleurs particulièrement préoccupants chez les jeunes, en atteste le nombre de passages aux urgences des 11-17 ans pour des gestes ou idées suicidaires. En février dernier, l’Observatoire national du suicide a publié un rapport mettant en exergue cette vulnérabilité chez les adolescentes : en 2023, 500 jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans sur 100 000 ont été hospitalisées pour des gestes auto-infligés, ce qui représente une hausse de 46 % par rapport à 2017.

J’ajoute, pour faire le lien avec l’objet de la commission d’enquête, que les personnes en situation de handicap présentent des facteurs de vulnérabilité majorés face au risque suicidaire par rapport à la population générale. Par exemple, des études ont mis en évidence un risque suicidaire sept à dix fois plus important pour les personnes souffrant de troubles du spectre autistique, ce qui montre qu’il est important d’agir.

Comment expliquer, dès lors, ces évolutions préoccupantes ? Elles sont multifactorielles. Citons l’environnement – des études faisant état d’une éco-anxiété réelle, notamment chez les jeunes, dans le contexte de la crise climatique –, l’économie, la géopolitique, avec les conflits et les attentats, et les questions sociétales. À cet égard, la pression scolaire et les usages numériques, notamment des réseaux sociaux, ressortent des enquêtes, sans qu’il soit toutefois possible d’établir un lien de causalité systématique avec la santé mentale des plus jeunes.

Tout cela conduit à reconnaître la santé mentale à la fois comme un enjeu prioritaire des politiques de santé publique et comme un enjeu de société : en témoigne le choix de cette thématique comme objet de la grande cause nationale 2025.

La direction générale de la santé agit concrètement de plusieurs manières dans les champs de la promotion et de la prévention de la santé mentale.

Le premier levier consiste à faire progresser la connaissance de la population dans ce domaine, afin de lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques et des personnes qui en sont victimes. Ce phénomène, particulièrement l’autostigmatisation, constitue un frein significatif à l’accès aux soins, retardant ainsi les diagnostics. Nous déployons donc des campagnes de communication, aussi bien pour le grand public qu’en direction de publics cibles. À cet égard, Santé publique France diffusera très prochainement sur les écrans une campagne grand public sur les enjeux de la santé mentale, en lien avec la grande cause nationale. Cette dernière s’accompagne d’ailleurs d’un site internet spécifique, tandis que Santé publique France en propose également un – même si nous n’en avons pas encore fait la promotion, compte tenu du contexte actuel.

De plus, il faut que l’effort d’information soit territorialisé. C’est pourquoi, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), les collectivités, les acteurs associatifs et les professionnels de santé, nous organisons les semaines d’information sur la santé mentale – des événements qui fonctionnent bien – et nous déployons les conseils locaux de santé mentale, qui réunissent tous les acteurs compétents et dont les objectifs et le caractère très opérationnel sont très appréciés des élus et des citoyens.

Notre deuxième levier d’action est la promotion des comportements bénéfiques à la santé mentale tout au long de la vie. C’est l’objet d’une stratégie multisectorielle relative au développement des compétences psychosociales, également appelées compétences de vie, que sont l’estime de soi, la relation à l’autre, l’esprit critique. À l’instar de certains pays très actifs sur cette question, nous cherchons à les développer chez les plus jeunes, afin de favoriser la confiance en soi et la résilience, qui permettent d’affronter les défis de la vie. Nous finançons donc des actions et les guidons sur le plan méthodologique, grâce à l’appui de Santé publique France et de sept ministères différents – signe que les objectifs sont globaux.

De même, nous avons élaboré une feuille de route interministérielle sur la qualité du sommeil. Je rappelle en effet qu’un sommeil de mauvaise qualité altère très fortement la santé mentale. Les insomnies multiplient par deux le risque de développer une dépression et inversement, 75 % des personnes souffrant d’un trouble psychique ont un mauvais sommeil.

Nous agissons aussi pour prévenir l’usage excessif ou problématique des écrans. Cette dimension de notre travail est nouvelle, mais très importante, puisque nous constatons, je l’ai dit, une corrélation entre l’exposition aux contenus violents ou inadaptés et le temps passé sur les réseaux sociaux et les troubles dépressifs chez les jeunes. Si vous le souhaitez, nous pourrons entrer dans le détail de nos actions en la matière.

Le troisième levier est le repérage précoce. La DGS pilote le déploiement du programme de premiers secours en santé mentale (PSSM), qui s’inspire du modèle australien et qui vise à former 200 000 secouristes capables de repérer les situations difficiles et d’agir auprès de leur entourage. L’efficacité du dispositif fait actuellement l’objet d’une évaluation. Et d’un point de vue plus général, j’évoquerai aussi le programme Mon bilan prévention, qui existe depuis l’an dernier et qui, aux âges clés de la vie, invite chaque citoyen à passer en revue l’ensemble de ses comportements, y compris en matière de santé mentale.

Enfin, dernier axe de travail, la DGS est responsable de la stratégie nationale de prévention du suicide, qui arrive à son terme et qui va faire l’objet d’une évaluation de la part du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), en vue d’en élaborer une nouvelle. Plusieurs dispositifs ont fait leurs preuves. Je pense d’abord au numéro national 3114, qui reçoit plus de 1 000 appels par jour, preuve de son utilité, et que nous prévoyons de rendre accessible aux personnes en situation de handicap d’ici à 2027. De même, nous avons créé le dispositif de recontact intitulé VigilanS, dédié aux personnes passées aux urgences pour une tentative de suicide. Cet outil également, que nous avons demandé à Santé publique France d’évaluer, a montré son efficacité puisqu’il diminue de 38 % la réitération suicidaire et qu’il permet un retour de 2 euros pour chaque euro investi. Enfin, des actions locales sont menées en lien avec les ARS et les élus afin d’éviter toute contagion suicidaire à la suite d’un premier passage à l’acte. Ces plans sont cadrés par des instructions et les retours d’expérience ont également été positifs.

En conclusion, nous sommes convaincus que la prévention et la promotion sont essentielles pour répondre aux enjeux de santé mentale que nous connaissons. Une politique en ce domaine permet tout à la fois d’améliorer la santé de la population, de diminuer la demande de soins, donc la pression sur l’offre qui nous préoccupe tous, et de réduire les dépenses engagées à long terme, ce qui contribue à rétablir l’équilibre des comptes sociaux.

Comme je l’ai dit, il y a un avant et un après covid, s’agissant aussi bien de la prise en compte des enjeux que de la nécessité d’agir en amont et précocement. Les actions que nous menons ont été impulsées lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, en 2021.

Des constats que j’ai dressés, il ne faudrait pas déduire que les politiques préventives que nous avons menées ces dernières années ont été un échec. Ancrer de telles actions dans le domaine de la santé publique prend du temps et s’avère toujours complexe, tout comme mesurer leur efficience et leurs effets bénéfiques. Il faut laisser du temps à ces dispositifs pour faire leurs preuves.

En cela, l’année 2025 constitue une occasion indéniable, avec le choix de faire de la santé mentale la grande cause nationale, de franchir une étape supplémentaire dans notre mobilisation collective d’appropriation des enjeux, qui sont sans doute éloignés de la culture française. Il faut accélérer sur tous les leviers que j’ai énumérés : libération de la parole, accompagnement, prise de conscience que nous avons tous une santé mentale, bonne ou mauvaise, et qu’il faut en prendre soin, comme nous le faisons de notre santé physique.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Je vous remercie pour ce tour d’horizon très complet. Le diagnostic est partagé depuis longtemps maintenant, avant même le covid, et a fait l’objet de très nombreux rapports et missions. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a une vraie difficulté en matière de santé mentale, ce qui nous a conduits à faire de ce sujet la grande cause nationale de cette année. Ce choix, que nous avons sollicité, nous agrée en ce qu’il permet des actions importantes, même si je reste un peu dans l’expectative. De fait, les premières actions n’ont été lancées qu’en juin et je crains que nous n’ayons pris un certain retard. Une fois cette année passée, nous n’aurons pas d’autre occasion de faire de ces enjeux notre grande cause nationale.

Nous ne pouvons qu’encourager la prévention. S’agissant du suicide, qui est en France la première cause de décès, avec toutefois des disparités selon les régions, des actions existent depuis longtemps. Dans les Pays de la Loire, d’où je viens, c’est une priorité régionale depuis des années. Or, si nous sommes parvenus à baisser le nombre de décès par suicide, les tentatives, elles, sont en forte hausse. Des axes de prévention à moyen et long termes existent, je le répète ; ce qui manque cruellement, c’est leur application et l’action des professionnels sur le terrain.

Nous sommes tous d’accord, le repérage précoce est un élément extrêmement important : les plans relatifs à l’autisme ou au cancer, qui prévoient des actions pluriannuelles, l’ont montré. Cependant, dans le domaine de la santé mentale, les professionnels peinent à faire ce travail, notamment chez les enfants. Nous manquons cruellement d’infirmiers et de médecins scolaires ainsi que de psychologues, d’abord occupés à l’orientation des élèves.

Si nous voulons proposer des parcours gradués, nous avons besoin de nos deux jambes. La première est celle de la prévention, qui a fait l’objet d’avancées significatives. Les campagnes d’information sont évidemment bénéfiques pour déstigmatiser et pour que les gens sachent où trouver la réponse à leurs questions. La seconde est l’impact sur la vie scolaire, sociale et professionnelle, ainsi que sur les accompagnants des personnes souffrant de troubles psychiatriques ou de handicap, pathologies qui génèrent souvent des difficultés au sein des familles et des pertes de revenu en raison des arrêts de travail – notamment des mères. N’est-ce pas ce deuxième pilier qui manque pour accompagner les politiques de prévention et le repérage précoce ?

Mme Sarah Sauneron. La grande cause nationale est-elle une occasion ratée ? L’idée était celle de Michel Barnier, qui la défendait fortement, et il est vrai que le changement de premier ministre a nécessité une réappropriation. Force est de constater que la grande cause a été publiquement mise en stand-by pendant quelques mois, ce qui est dommage, mais le contexte politique est tel qu’il y a eu beaucoup d’occasions ratées.

Cependant, pour être franche, j’estime que les acteurs se sont remobilisés et que cet événement est pour nous l’occasion d’échanger avec les autres ministères sur diverses thématiques, de faire émerger des idées nouvelles sur la santé mentale et de prioriser des travaux ; il y a donc bien un mouvement. Par exemple, Santé publique France va concrétiser le site internet et la campagne de communication grand public que nous demandions et que vous aurez le plaisir de voir, je l’espère, dans quelques jours : ce n’est pas resté lettre morte.

De même, le ministre Yannick Neuder a souhaité anticiper certaines annonces, notamment celles destinées à répondre aux enjeux de ressources humaines et d’attractivité – sujet que la directrice générale de la DGOS vous aura certainement présenté comme crucial. Peut-être vous l’a-t-on expliqué, l’objectif est de tenir un comité interministériel dédié à la santé mentale en septembre.

Les annonces politiques ne sont pas du ressort de l’administration, mais nous avons tout de même pu faire avancer les enjeux relatifs aux écrans, au sommeil, ou encore la feuille de route sur les compétences psychosociales. En l’occurrence, nous souhaitions sélectionner un territoire phare pour y accélérer le calendrier, car mener des actions à 360 degrés auprès des jeunes et en lien avec sept ministères, est quelque chose de long et compliqué. Si nous avons obtenu des crédits pour cela, c’est bien grâce à la grande cause nationale 2025. J’aurai donc un regard nuancé sur la portée de l’événement.

S’agissant ensuite de la territorialisation des actions en faveur de la santé mentale, je partage votre analyse : nous devons progresser. Cela passe par le déploiement d’outils et de guides sur le terrain, ainsi que par la formation des professionnels. En matière de gouvernance, les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) et les conseils locaux de santé mentale ont vocation à réunir les acteurs de l’offre et de la coordination, mais je laisserai Marion Marty vous en parler.

Mme Marion Marty, sous-directrice de la DGS chargée de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques. Une instruction récente a redéfini le cadre des conseils locaux de santé mentale. Leur objectif est de mettre autour de la table tous les partenaires qui, au niveau local, s’intéressent aussi bien à la prévention qu’à la prise en charge et à l’accompagnement. Cela inclut les représentants de l’éducation nationale, que nous encourageons à participer et à s’investir davantage, car l’école est un lieu privilégié de repérage des problèmes de santé mentale chez nos enfants – même si, vous l’avez dit, madame la présidente, l’état de la médecine scolaire ne favorise pas l’exercice de cette mission.

Ces conseils locaux n’ont pas tant vocation à agir sur des situations individuelles, même s’il est parfois tentant de leur faire jouer ce rôle, mais à fédérer les acteurs et à définir des priorités territoriales, notamment de déclinaison de nos orientations nationales. Mme Sauneron l’a évoqué, le plan de lutte contre la contagion suicidaire a typiquement vocation à être discuté dans cette enceinte, afin de définir ses déclinaisons opérationnelles sur le terrain.

Pour revenir à la grande cause nationale, nous pouvons tous regretter que cette année n’ait pas été aussi porteuse que nous l’aurions espéré si nous avions été dans un contexte politique plus serein. Cela étant, et de nouveau pour faire le lien avec la territorialisation que vous appelez de vos vœux, plus de 750 projets locaux ont été labellisés par la délégation ministérielle à la santé mentale et psychiatrique – ils sont disponibles en ligne dans une cartographie interactive – et d’autres sont en cours d’instruction. Il y a donc bien eu une appropriation locale de la grande cause, ce que je tenais à souligner.

Par ailleurs, en ce qui concerne le manque d’accompagnement et de solutions en aval, c’est-à-dire une fois que la prévention et le repérage ont été faits, je suppose que la DGOS vous a parlé du dispositif Mon soutien psy. Il mérite d’être promu, car il permet de lever les freins financiers qui peuvent exister pour l’accès à un psychologue. Jusqu’à douze séances par an sont couvertes à 60 % par l’assurance maladie, le complément ayant vocation à être pris en charge par les complémentaires. Cela représente un progrès.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. Je vous remercie, mesdames, de nous permettre de prêcher des convaincues ! En effet, l’un des objets de cette commission d’enquête est de réfléchir à la notion de coûts évités et aux moyens de favoriser la prévention, ce à quoi vous vous employez. C’est une évidence, prévenir coûte bien moins cher que réparer, l’enjeu n’étant pas d’économiser – je tiens à le souligner –, mais d’être plus efficaces, aussi bien pour les personnes concernées que pour les finances publiques, dont nous connaissons l’état.

Je donnerai d’abord quelques chiffres, afin de situer les enjeux relatifs à la santé mentale.

Selon une étude de la Drees – direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – de 2021, une hospitalisation psychiatrique coûte en moyenne 10 000 euros. Un suivi ambulatoire, par exemple grâce à Mon soutien psy est sans commune mesure sur le plan budgétaire. De la même manière, les dispositifs VigilanS et Sentinelle, dédiés à la prévention du suicide, ont été qualifiés de très vertueux par la Haute Autorité de santé (HAS), et ce aussi bien pour la prévention de la récidive que pour les finances publiques. Pourriez-vous nous donner un état des lieux du dispositif VigilanS ? Dans quelle mesure est-il généralisé ? Car, lorsqu’une modélisation prouve l’efficacité d’une action, il convient de s’assurer qu’elle est pleinement effective.

Par ailleurs, en cette Journée mondiale de prévention du suicide, j’en profite pour rappeler combien les conséquences de ce geste sont terribles et considérables, évidemment d’un point de vue humain – inutile d’en dire plus –, mais aussi compte tenu de son coût sociétal. Une étude de 2014 avait évalué à 350 000 euros le coût global d’un suicide eu égard à son impact sur l’environnement familial et à 15 000 euros son coût sanitaire ; l’étude mériterait d’être actualisée, car les montants ont dû s’envoler. En tout état de cause, chaque action de prévention efficace produit un effet humain décisif et un impact médico-économique majeur. Enfin, vous avez aussi évoqué la surexposition au suicide des personnes souffrant troubles du spectre autistique : je n’y reviens pas.

La question des aidants, enfin, n’a pas été abordée. Je rappelle que France Stratégie évalue à 1,7 milliard d’euros le coût induit par les arrêts de travail les concernant.

Si je parle autant d’argent et de moyens financiers alors que le sujet est profondément humain, c’est parce que les études médico-économiques montrent la plus-value de la prévention, que vous essayez de promouvoir. Alors que notre pays est insuffisamment acculturé à cette question, comment dialoguez-vous avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), avec les ARS et le ministère – vous avez parlé de Santé publique France – pour généraliser, changer d’ampleur, voire obliger à agir dans ce domaine ? Je parle sous le contrôle de ma collègue Chantal Jourdan, auteure d’une proposition de loi visant à former les jeunes aux premiers secours en santé mentale : la prévention fait partie du panel de solutions qui doit être mobilisé, or j’ai le sentiment que nous n’avons pas encore changé de braquet.

Enfin, comment évaluez-vous les stratégies de communication grand public dont vous avez beaucoup parlé ? Pour toucher les jeunes, il faut passer par certains médias. Évaluez-vous le taux de conversion ? Les plateformes téléphoniques et les sites internet sont-ils davantage utilisés ? Au fond, comment s’assure-t-on de l’effectivité des politiques publiques, question qui constitue l’un des fils conducteurs de cette commission d’enquête ?

Mme Sarah Sauneron. Le dispositif VigilanS est maintenant généralisé et je confirme le chiffre que j’ai donné tout à l’heure : 1 euro investi permet d’économiser 2 euros en dépenses de santé. Ainsi, 248 euros seraient économisés pour chaque patient. C’est une action efficace, qui a fait ses preuves et qui a donc été étendue dans le cadre de la stratégie nationale de prévention du suicide. Je confirme également que les suicides ont un impact négatif très important sur les finances publiques. Selon une étude, le coût global, c’est-à-dire social et sanitaire, des suicides et des tentatives de suicide s’est élevé à 24 milliards d’euros en 2019, ce qui donne une idée de l’ampleur du défi.

Le défi, vous l’avez dit, est aussi celui de l’ajustement à la bonne échelle et de la difficulté de convaincre le politique de consacrer des moyens budgétaires à la prévention en santé publique d’un point de vue général. Les dépenses dans ce domaine en France sont à un niveau relativement bas par rapport aux autres pays de l’OCDE, mais sans être ridicules non plus. Entre 2 et 3 % des crédits alloués à la santé sont utilisés pour la prévention dans notre pays, ce qui inclut la vaccination, les dépistages ou encore les actions de promotion. Nous nous situons donc dans la moyenne basse, les pays en haut du classement consacrant deux fois plus d’argent que nous à cet enjeu.

Ce niveau de dépenses, que je ne qualifierai pas, est historique : nous n’avons pas connu de dégradation au cours des dernières années. Il y a eu une hausse pendant le covid, en raison des vaccinations, puis nous sommes revenus aux niveaux antérieurs. Nous le savons, la France a d’abord investi en faveur du curatif, pas du préventif. Le choix public a été de consacrer de l’argent à l’offre de soins, ce qui contribue d’ailleurs certainement à expliquer nos résultats en matière de maladies évitables.

Par ailleurs, s’agissant toujours des dépenses, nous constatons des inégalités territoriales et sociales en matière de prévention et des inégalités de crédits d’une action à l’autre. Les campagnes de vaccination et de dépistage ne sont pas soumises à des arbitrages budgétaires : vues comme un bienfait, elles sont acquises et ont fait l’objet de très nombreuses publications depuis des années. En revanche, la littérature est plus récente dans d’autres domaines, notamment de la santé mentale, même si des études robustes ont été publiées par des laboratoires de recherche anglo-saxons. Au fond, la politique vaccinale constitue notre ADN en matière de prévention en santé publique, raison pour laquelle nous avons moins de mal à convaincre nos décideurs.

Il existe donc, j’y reviens, une pression des soins curatifs. Les choix des décideurs publics ont sans doute été guidés par le court terme : l’Ondam – objectif national de dépenses d’assurance maladie – doit être bouclé chaque année. Pour avoir travaillé sur ce sujet, je sais qu’il implique des choix complexes, sachant que la prévention ne permet un retour d’investissement qu’après plusieurs années. Parmi les éléments que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur, les retours ne sont jamais – ou alors très rarement – infra-annuels – alors que c’est souvent le cas de la vaccination, notamment contre la grippe.

Le manque de priorisation de la part du politique vient donc des enjeux budgétaires et de la très faible culture de prévention en France. Nos concitoyens, je le constate, veulent une offre de soins importante, veulent pouvoir voir un psychiatre, les démographiques médicales étant un sujet de préoccupation majeur. La prévention, elle, est secondaire. Nous devons lutter contre ce défaut de culture de la prévention, qui est moins important dans d’autres pays, notamment scandinaves.

Nous pourrons vous transmettre les nombreuses études médico-économiques que nous avons recensées. La France ne dispose pas des mêmes laboratoires de recherche qu’en Angleterre, aux États-Unis ou au Canada : cette culture reste là aussi à développer, même si notre pays possède une recherche académique performante et d’excellents instituts statistiques. La réalisation d’études médico-économiques est complexe, car elle exige d’isoler les facteurs à fort impact et de les suivre pendant plusieurs années : ces travaux sont donc longs et coûteux. Nous sollicitons fortement nos agences, notamment Santé publique France (SPF), pour qu’elles conduisent de telles études, ce qu’elles commencent à faire. Quand nous avons besoin d’éléments pour convaincre, elles élaborent pour nous des chiffrages, par exemple sur le tabac. D’autres acteurs restent néanmoins mieux structurés et parviennent plus efficacement à partager leurs évaluations des actions les plus probantes : nous devons nous inspirer de leur modèle.

SPF conduit la plupart des campagnes de communication dans le domaine de la santé mentale, même si c’est l’assurance maladie qui a élaboré Mon soutien psy. Des tests sont réalisés en amont auprès de certains groupes – professionnels de santé, usagers et personnes souffrant d’un problème –, et sont suivis de post-tests : on évalue la compréhension et la mémorisation des informations par l’échantillon et on pose des questions sur l’impact de la campagne sur les comportements. Un autre test peut être réalisé à une date ultérieure afin de mesurer la réalité des changements. Les résultats de l’avant-dernière campagne, qui ciblait les adolescents, sont positifs.

Mme Marion Marty. L’essentiel des dispositifs mentionnés par Mme Sauneron sont désormais déployés à l’échelle nationale, qu’il s’agisse du secourisme en santé mentale, des compétences psychosociales, du numéro d’écoute et d’accompagnement 3114 pour la prévention du suicide ou du système de recontact VigilanS, destiné à maintenir le contact après une tentative de suicide. Tous ces instruments ont d’abord été expérimentés à l’échelle locale, puis nous sommes parvenus, malgré la contrainte du contexte budgétaire, à les déployer dans tout le pays. Comme cela a été dit, le changement d’échelle est complexe, car il est difficile de lutter contre la préférence pour le court terme et de convaincre de l’intérêt de tels investissements : la recherche d’économies l’emporte souvent, même si ces programmes permettent, au bout de quelques années, de moins dépenser.

Nous avons reconduit d’année en année les campagnes de SPF tout en en lançant de nouvelles : nous aimerions toujours avoir plus de moyens pour déployer nos actions, mais la direction générale de la santé est entendue sur la nécessité d’investir dans la prévention en santé mentale, comme le montre le numéro 3114, dispositif de 23 millions d’euros dont la montée en charge fut rapide.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. La loi de programmation militaire est pluriannuelle : la santé mentale continuant de se dégrader chez les plus jeunes, ne faudrait-il pas déployer une stratégie qui soit elle aussi pluriannuelle, pour dégager des marges de manœuvre et élaborer des dispositifs de moyen terme ?

Mme Marion Marty. Les lois de financement de la sécurité sociale ont une dimension pluriannuelle : les trajectoires budgétaires sont triennales, même si elles ne sont pas contraignantes. L’Ondam est régulièrement dépassé : contrairement au budget de l’État, il ne s’agit pas de crédits limitatifs. Il est souvent révisé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l’année suivante. Un pilotage serré de l’Ondam est effectué, notamment par la direction de la sécurité sociale (DSS), mais on constate davantage les dépenses qu’on ne les plafonne dans une enveloppe.

Les lois de programmation se multiplient dans divers champs de l’action publique, par exemple dans celui de la justice. La dépense publique est très rigide : l’ancien premier ministre, M. François Bayrou, avait annoncé chercher 44 milliards d’euros, mais les lois de programmation, intangibles, gravent dans le marbre des objectifs de dépenses pendant trois, cinq ou dix ans. Je ne milite pas pour la diminution des dépenses de santé, notamment de prévention, mais la tentation d’adopter des lois de programmation dans tous les domaines qui nécessitent des investissements au long cours – autonomie ou grand âge, dans le champ social – doit être réfrénée. Voilà mon opinion personnelle en la matière.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. La culture de la prévention n’est pas très développée en France, même si des mesures existent, par exemple pour la vaccination. Le dépistage du cancer colorectal et du cancer du sein a reculé cette année, malgré les campagnes d’information, l’envoi de documents à domicile et la prise en charge des examens. Comment l’expliquer alors qu’il est bénéfique pour la santé ?

Mme Sarah Sauneron. La baisse du dépistage des cancers cette année est conjoncturelle et due au changement opéré dans le circuit de la procédure : avant, les envois des documents pour les examens étaient gérés par les centres régionaux de lutte contre le cancer (CLCC), désormais, c’est l’assurance maladie qui s’en charge car elle peut utiliser ses données et effectuer des appels sortants pour convaincre ceux qui ne répondent pas et les aider à prendre rendez-vous. Cette modification a décalé l’envoi des invitations d’un trimestre : si nous neutralisons cet élément, le recours au dépistage est stable.

Le taux de dépistage organisé des cancers reste très inférieur aux objectifs fixés dans les engagements européens. Le dépistage individuel du cancer du sein est très élevé et il nous est difficile de réorienter les gens vers des dépistages organisés. L’addition des deux formes de dépistage place notre pays en dessous du niveau visé par l’Union européenne. Les freins sont d’ordre psychologique et le non-recours alimente les craintes sur les implications médicales. Le dépistage est très marqué socialement, ce qui nous oblige à agir. Voilà pourquoi nous avons souhaité centraliser les invitations et mobiliser les plateformes de l’assurance maladie pour les rappels et les prises de rendez-vous : il s’agit d’un élément clé du dispositif, au même titre que l’aller vers, lequel consiste à envoyer des kits de dépistage. Cette méthode a eu des résultats pour le cancer colorectal, d’où notre volonté de l’élargir au dépistage du cancer du col de l’utérus. Malgré les moyens déployés, les résistances restent fortes en France.

Mme Marion Marty. Les taux de participation fléchissent légèrement pour le cancer du sein et le cancer colorectal : pour le premier, il a légèrement dépassé 46 % en 2024, en baisse de 0,4 point par rapport à l’année précédente et inférieur à nos attentes. Le plus faible taux de dépistage organisé concerne le cancer colorectal, à cause des freins psychologiques évoqués par Mme Sauneron : il n’était que de 28 % contre 30 % en 2023. Le dépistage du cancer de l’utérus enregistre le meilleur taux de participation : à près de 56 % en 2023, il reste néanmoins largement inférieur à 70 %, cible considérée comme un bon score en Europe. La tendance est à la stagnation voire à une légère baisse pour le dépistage organisé des cancers, même s’il faut garder en tête le changement des modes d’invitation et de relance qui peut quelque peu fausser les résultats. Ceux-ci, sans être alarmants, ne sont pas excellents.

Mme Sarah Sauneron. Mme Catherine Vautrin avait annoncé vouloir travailler à l’élaboration de mécanismes plus incitatifs de responsabilisation et d’invitations ciblées – elle avait pris l’exemple de la vaccination contre la grippe. Faut-il changer de braquet et de quelle manière le faire sans alimenter le non-recours ? Nous marchons sur une ligne de crête.

M. David Magnier (RN). Les chiffres que vous nous avez présentés sont très inquiétants pour les jeunes. Il faudrait peut-être évoquer la pression scolaire comme l’une des causes de ce tableau bien sombre, notamment le harcèlement scolaire. Celui-ci ne cesse de progresser sans que nous en parlions : en 2024, 611 000 élèves ont déclaré en avoir été victimes. Comment évaluez-vous votre collaboration avec l’éducation nationale dans ce domaine ?

Pouvez-vous nous parler du sport, levier important de prévention ? Entretenez-vous des partenariats avec des associations ?

Les retraités rencontrent également des problèmes de santé mentale : ce serait utile de connaître le nombre de ceux qui pâtissent de l’isolement ou qui vivent dans la précarité.

Il se révèle difficile d’évaluer concrètement le retour sur investissement des actions préventives. La Drees estime les dépenses à 9 milliards d’euros par an quand la Cour des comptes les chiffre à 15 milliards. Comment expliquer l’écart de 6 milliards ? Quelles sont vos recommandations et qu’avez-vous mis en place pour optimiser les dépenses plutôt que de simplement les augmenter, comme le préconise la Cour des comptes ?

Mme Marion Marty. Il y a eu, au sein, de l’éducation nationale, une prise de conscience au sujet du harcèlement à la suite de certains événements tragiques. L’éducation nationale mène des enquêtes de victimation annuelle pour objectiver l’ampleur du phénomène. Des référents sur le harcèlement ont été désignés dans les établissements scolaires, mais la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) sera plus à même de vous en parler. Ces personnels cumulent le plus souvent d’autres casquettes et jouent aussi le rôle de référent dans d’autres domaines comme celui du psychosocial. Le travail d’objectivation que conduit l’éducation nationale est très important pour améliorer le climat scolaire, mais le sujet excède le champ de compétences de la DGS. Celle-ci travaille de manière très étroite avec le ministère de l’éducation nationale pour déployer la stratégie interministérielle sur le développement des compétences psychosociales des enfants et des jeunes. Ces derniers doivent pouvoir trouver des interlocuteurs dans le milieu scolaire pour faire face à la violence et répondre à leurs harceleurs. L’éducation nationale a pris des mesures assez fortes : ainsi, dans le premier degré, c’est dorénavant l’élève harceleur et non celui qui est harcelé qui doit changer d’école. L’objectif est d’éliminer les facteurs qui ont permis à ces comportements de prospérer.

La DGS travaille également avec l’éducation nationale pour les assises de la santé scolaire, lesquelles se sont tenues récemment. Les mesures prises par l’éducation nationale ont été présentées et valorisées lors du comité de suivi des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant. Les relations entre le bureau de la santé mentale de ma sous-direction et le ministère de l’éducation nationale sont étroites.

Le taux de suicide des personnes âgées de 85 à 94 ans est de 35 ‰, soit près du triple de celui de la population générale. Face à cette situation, les politiques publiques doivent lutter contre l’isolement.

La prescription sociale, encore trop peu utilisée en France, obtient de très bons résultats dans d’autres pays. Nous devons nous emparer de cet instrument pour agir très en amont de la prise en charge sanitaire. Il convient de mobiliser tous les acteurs disponibles, notamment le tissu social et associatif, les clubs et les fédérations sportifs, pour aider les personnes qui souffrent d’isolement, de troubles anxieux ou de dépression et leur apporter des ressources qui ne sont pas nécessairement thérapeutiques ou médicales.

Mme Sarah Sauneron. La Drees et la Cour des comptes utilisent des agrégats différents pour calculer les dépenses de prévention – la Drees ne doit probablement prendre en compte que les soins. Il faudrait que vous vous adressiez à ces deux structures pour obtenir des réponses précises.

À moyens constants, nous nous appuyons sur davantage d’intervenants pour accroître l’efficience de notre action, afin de disposer d’une vision transversale. Nous adaptons les dispositifs pour ne pas consacrer les mêmes moyens à tous les publics : nous devons revendiquer cette approche d’universalisme proportionné, qui consiste à allouer davantage de ressources aux personnes les plus difficiles à atteindre. Il est tout à fait possible d’agir de la sorte dans le domaine de la prévention sans remettre en cause les principes de la sécurité sociale. De la même manière, il convient de développer une offre préventive mieux personnalisée : Mon espace santé constitue, parmi d’autres dispositifs, une opportunité d’accroître l’efficacité de nos actions de prévention. Tout le monde n’a pas, par exemple, vocation à être joint par la plateforme d’appel pour les dépistages organisés : nous savons désormais cibler les publics.

La logique d’efficience globale que nous devons suivre comprend la réalisation de travaux de recherche plus structurés sur ce qu’est une action probante. Certains dispositifs de prévention ne sont pas efficaces et n’ont pas vocation à être territorialisés ; nous revendiquons cette approche et nous souhaitons concentrer les moyens sur les actions les plus utiles.

Il y a lieu de mieux coordonner le rôle des financeurs, car les acteurs sont nombreux : nous devons progresser dans ce domaine.

M. David Magnier (RN). Vous avez évoqué le taux de suicide des personnes âgées de 85 à 94 ans : avez-vous des chiffres pour les personnes âgées de 64 à 85 ans ?

Mme Marion Marty. Nous vous les ferons parvenir.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Disposez-vous d’indicateurs sur la santé mentale des agriculteurs ? Le taux de suicide est extrêmement élevé dans cette profession malgré le travail de prévention de la Mutualité sociale agricole (MSA).

Mme Sarah Sauneron. Nous n’avons pas d’éléments à vous donner immédiatement, mais nous vous les transmettrons. La DGS participe au groupe de travail sur le mal-être agricole. Les Sentinelles ont vocation à repérer les agriculteurs en difficulté psychique. Cette stratégie produit des effets et il faut faire preuve de ténacité face à l’ampleur du défi.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je soutiens l’approche pluriannuelle évoquée par le rapporteur. En matière de santé mentale, le travail s’inscrit nécessairement dans le temps long. Il serait opportun de fixer des objectifs de long terme, puis d’élaborer les politiques publiques et de trouver les financements nécessaires pour les atteindre.

Comment les politiques publiques peuvent-elles intégrer les déterminants de la santé dont vous avez parlé ? Je pense notamment à la précarité et à l’environnement. Nous avons déjà parlé du milieu scolaire, mais qu’en est-il du monde du travail alors que les troubles psychiques sont devenus la première cause des arrêts de travail ?

Les compétences psychosociales se sont en effet beaucoup développées : elles améliorent la santé mentale et le climat dans les écoles. Je m’inquiète en revanche que l’on se focalise sur ces compétences au détriment du fonctionnement intrapsychique. Cette dimension est pourtant très utile pour éclaircir des phénomènes que l’on échoue à expliquer.

Nous cherchons à développer le dispositif des premiers secours en santé mentale auprès des jeunes, car il a fait ses preuves auprès des adultes et des professionnels qui travaillent avec tous les publics. Comment les jeunes pourraient-ils bénéficier de cet instrument ? Une expérimentation a été conduite auprès d’adolescents : ses conclusions se sont révélées très positives. Faut-il élargir le public de ce dispositif, notamment aux enfants plus jeunes ? Les Australiens y ont accès dès l’âge de 12 ans. Je suis assez convaincue de l’efficacité de cet outil : allons-nous y consacrer des moyens pour le développer ?

Mme Sarah Sauneron. La stratégie nationale de santé a pour objectif de fixer les priorités de santé publique pendant cinq ans. Elle n’a pas pu être publiée en raison du changement de gouvernement, mais la santé mentale figurait dans le document. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a rédigé un rapport sur la pluriannualité et la prévention : ce sujet suscite le débat.

L’action sur les déterminants de la santé mentale est fondamentale : le comité interministériel de la santé mentale a concentré ses réflexions sur cet aspect. Chaque acteur a présenté les actions concrètes qu’il conduit. Je ne parlerai pas pour les autres directions de l’État, mais la discussion, fluide, a débouché sur l’élaboration de propositions sur les déterminants intersectoriels.

Il n’y a pas d’opposition entre les compétences psychosociales et le fonctionnement intrapsychique. Les actions menées dans ces deux domaines sont complémentaires et sont conduites différemment selon l’âge du public concerné. Nous allons diffuser un prospectus très bien fait, ciblé sur les troubles psychiques et la façon de regarder l’autre, lors d’un campus lycéen qui se tiendra en Île-de-France. Nous insistons sur le fait que parler du problème constitue la première étape de sa résolution.

Le ministre Yannick Neuder avait annoncé que l’objectif était que 300 000 personnes soient formées au secourisme en santé mentale d’ici à 2027. Le modèle australien, que nous avons importé en France en l’adaptant selon notre méthodologie, donne de bons résultats : il intéresse et il est efficace. Nous avons ciblé les étudiants et les universités se sont investies dans le déploiement du dispositif. En outre, l’assurance maladie a lancé un programme à destination des jeunes âgés de 18 à 25 ans qui ne sont pas étudiants. Par ailleurs, nous développons actuellement un module adapté aux mineurs, à l’image, là encore, de ce qui a été fait en Australie. Il y a lieu de faire connaître le dispositif aux plus jeunes. Une prise en charge obligatoire et totale n’est pas nécessaire, car de nombreux acteurs importants peuvent l’assurer. L’éducation nationale se mobilise pour trouver des formateurs, même si la question de la multiplication des missions à remplir se pose pour ce ministère. Il me semble pertinent que votre proposition de loi fixe un objectif ambitieux de déploiement du dispositif auprès des plus jeunes, mais je suis plus réservée sur le financement.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Le dispositif Mon soutien psy, qui permet à certaines personnes d’accéder à des consultations, suscite quelques interrogations. Depuis sa mise en place, on a observé une fuite importante des psychologues travaillant en milieu hospitalier vers le secteur libéral. Conséquence, les centres médico-psychologiques (CMP) éprouvent des difficultés à répondre aux besoins des personnes qui présentent des troubles psychiques. Or les CMP ont une approche pluridisciplinaire du traitement des troubles lourds, que l’on ne retrouve pas dans le secteur libéral. Où devons-nous affecter prioritairement les financements publics ?

Mme Sarah Sauneron. C’est la DGOS, et non la DGS, qui est compétente en matière de répartition de l’offre de soins entre la ville et l’hôpital, du dispositif Mon soutien psy et des CMP.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Ce dispositif vise à traiter les troubles légers à modérés. Comme dans toutes les professions de santé, il y a un écart de rémunération entre les praticiens libéraux et leurs homologues salariés : ces derniers, qui ont des revenus peu élevés, ont tendance à se tourner vers le secteur libéral. Néanmoins, le mécanisme a plutôt bien fonctionné et il est monté en charge. Il s’insère dans le parcours gradué, dans la limite des capacités de prise en charge des patients souffrant de troubles psychiatriques plus lourds, lesquels ont besoin à la fois d’un psychiatre et d’un psychologue ; néanmoins, ce dernier ne participe pas au dispositif et sa consultation n’est pas remboursée par la sécurité sociale.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il convient que nous nous interrogions sur l’orientation par défaut, dans la mesure où les CMP sont démunis en termes de personnels. L’orientation par défaut pose des problèmes pour la prise en charge globale de la personne.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions. Vous pouvez nous transmettre les documents et les éléments complémentaires que vous jugerez utiles à nos travaux.

Mme Sarah Sauneron. Nous allons enrichir nos réponses à votre questionnaire, à la lumière de nos échanges de cet après-midi.

 

 

 

 

 

La séance s’achève à dix-huit heures dix.


Membres présents ou excusés

 

Présents.  Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Chantal Jourdan, M. David Magnier, M. Sébastien Saint-Pasteur

Excusés.  Mme Sandra Delannoy, M. Denis Fégné, M. Charles Fournier, Mme Camille Galliard-Minier, M. Daniel Labaronne, Mme Anne-Cécile Violland