Compte rendu

Commission d’enquête
sur les défaillances
des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société

– Audition, ouverte à la presse, de M. Denis Robin, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, et président du collège des directeurs généraux d’ARS, et Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS du Centre-Val de Loire, référente « santé mentale » au sein du collège              2

– Présences en réunion................................13

 


Mardi
23 septembre 2025

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 12

session de 2024-2025

Présidence de
Mme Nicole Dubré-Chirat,
Présidente,
 


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La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

La commission auditionne M. Denis Robin, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, et président du collège des directeurs généraux d’ARS, et Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS du Centre-Val de Loire, référente « santé mentale » au sein du collège des directeurs d’ARS.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Je souhaite la bienvenue à M. Denis Robin, président du collège des directeurs d’ARS et directeur général de l’ARS d’Île-de-France, ainsi qu’à Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS du Centre-Val de Loire et référente « santé mentale » au sein du collège des directeurs d’ARS.

Avant de vous passer la parole, je vous demande de déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Clara de Bort et M. Denis Robin prêtent successivement serment.)

M. Denis Robin, président du collège des directeurs d’ARS et directeur général de l’ARS d’Île-de-France. Le sujet que vous nous invitez à aborder est à la fois d’une grande complexité et d’une grande acuité pour les ARS.

La prise en charge de la santé mentale et du handicap provoque une grande insatisfaction chez nos concitoyens dans les territoires, insatisfaction qui cache aussi une certaine méconnaissance des dispositifs, des moyens d’y accéder et des pistes que nous essayons de promouvoir pour améliorer le service rendu à la population. C’est un point commun aux deux sujets très saillant.

Autre point commun, la santé mentale et le handicap sont deux secteurs d’activité des ARS frappés par une pénurie de ressources humaines doublée, dans une moindre mesure, d’une pénurie financière. Nous avons de grandes difficultés à susciter des candidatures, à remplir des formations et à fidéliser des personnels. Ces activités exigeantes et difficiles n’attirent pas les jeunes générations.

Troisième point commun, les dispositifs d’accueil sont très spécialisés et d’une grande technicité, ce qui les rend peu lisibles pour les familles et les intéressés. Sans nier l’insuffisance de l’offre, qui est réelle, il me semble que nous manquons surtout de pédagogie en direction des familles pour trouver avec elles la meilleure solution.

C’est ce que nous essayons de faire dans la mise en œuvre des projets gouvernementaux qui nous incombe. S’agissant du handicap, il s’agit du plan « 50 000 solutions », dont l’objet est de financer des solutions pour des personnes vivant avec un handicap – ce ne sont pas forcément des places d’accueil, mais aussi des services.

S’agissant de la santé mentale, nous essayons de faire vivre la grande cause nationale 2025 par le biais de dispositifs moins connus et un peu plus pragmatiques qu’en matière de handicap. La ligne que nous nous sommes fixée est très claire : face à la pénurie de psychiatres et, de manière plus forte encore, de pédopsychiatres, nous organisons le système en essayant, dans la mesure du possible, de dépsychiatriser certains volets de la prise en charge en faisant appel à d’autres professionnels et d’autres dispositifs.

Enfin, les initiatives gouvernementales, que ce soit le plan « 50 000 solutions » ou la grande cause nationale, ont une grande vertu : elles permettent de déstigmatiser et de libérer la parole. Si nous avons à gérer la montée de l’insatisfaction et de l’incompréhension des familles, c’est aussi parce que ces initiatives leur permettent de s’exprimer et de faire connaître les questionnements auxquels nous avons à répondre. Ce n’est déjà pas si mal.

Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS Centre-Val de Loire et référente « santé mentale » au sein du collège des directeurs d’ARS. Je poursuis la liste des points communs entre deux politiques publiques pourtant très différentes, quand bien même elles peuvent concerner des personnes qui cumulent des vulnérabilités.

Ces politiques font toutes deux l’objet d’une intense concertation dans les territoires. Nous sommes très satisfaits des travaux sur les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), qui restent encore méconnus. Nous sommes convaincus qu’ils sont décisifs pour l’avenir de l’offre aussi bien en matière de prévention que de prise en charge. La concertation est pilotée par les ARS. Nous ne travaillons jamais seuls dans nos bureaux à l’anticipation des besoins, mais avec les professionnels, les aidants, les proches ainsi que les personnes concernées. Celles-ci doivent avoir toute leur place dans les politiques publiques – elles ne l’ont pas toujours eue.

Ensuite, dans les deux cas, la notion de parcours est centrale. Les places dans les structures d’accueil ne sont pas seulement des boîtes que l’on remplit et que l’on vide ensuite. Elles doivent s’inscrire dans une dynamique de prise en charge. Dans la région dont je m’occupe, plusieurs centaines de patients sont hospitalisés depuis plusieurs années dans des lits de psychiatrie active. Or, nous le savons, cette modalité de prise ne charge ne constitue pas un projet de vie ; elle résulte de l’absence de solution alternative ou d’un défaut de diagnostic. Dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, nous établissons de nouveaux diagnostics pour l’ensemble de ces adultes – nombre d’entre eux n’en ont jamais bénéficié.

La notion de parcours est aussi importante pour l’enfance, qui est sujette à une double vulnérabilité. Je pense aux jeunes adultes maintenus dans des structures pour enfants, en vertu de l’amendement Creton que votre assemblée connaît bien. La question de l’inadéquation se pose à toutes les étapes de la vie. Notre travail consiste à soutenir les équipes qui adaptent l’offre aux besoins des patients, adultes ou enfants, et à l’évolution des attentes des familles – je pense à celles en matière de formation dans l’enseignement supérieur et d’emploi, qui sont bien différentes de celles des générations précédentes.

Dernier point commun, les deux secteurs doivent mener à bien une transformation de l’offre. L’offre traditionnelle – une hospitalisation H24, souvent isolée de la ville et de la vie – ne correspond plus au modèle de prise en charge que nous promouvons ni à celui que demandent les familles. En matière de santé mentale comme de handicap, nous sommes amenés, non par défaut de ressources mais par conviction, à transformer les établissements pour proposer une myriade de prises en charge – depuis l’ambulatoire très léger jusqu’à l’hospitalisation très intensive –, qui sont autant de séquences pour le patient selon ses troubles et leur évolution.

Sur ces politiques si différentes mais aux points communs nombreux, nous sommes particulièrement engagés, avec l’ensemble des personnes concernées.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. En matière de santé mentale, l’ARS définit des priorités régionales. Le diagnostic sur la santé mentale est largement partagé, celui sur le handicap, peut-être un peu moins. Dans les deux domaines, il existe une myriade de dispositifs en fonction des appels à projets, qui ne sont pas très lisibles pour la personne concernée et sa famille et pas toujours pérennes. Les importantes ressources humaines qu’ils exigent pourraient être concentrées ailleurs pour une plus grande efficacité, sachant que celles-ci sont limitées s’agissant des psychiatres, pédopsychiatres, et infirmières en santé mentale. Cela permettrait d’organiser des parcours en psychiatrie plus ambulatoires qu’hospitaliers et de réévaluer les patients.

En ce qui concerne le handicap, des dispositifs sont mis en place pour développer le dépistage précoce mais il n’en existe pas pour prendre la suite à partir de 3 ans. Les enfants qui ont bénéficié d’une prise en charge entre 0 et 3 ans s’en trouvent privés brutalement : l’impact est considérable pour le développement de l’enfant et l’insatisfaction, voire l’inquiétude des familles est grande.

Que recommanderiez-vous pour mettre un terme à l’éparpillement des dispositifs et assurer une meilleure prise en charge ? N’oublions pas que les défaillances de notre système en matière tant de handicap que de santé mentale ont des conséquences directes sur les aidants – le plus souvent, ce sont les conjoints ou les mères – : ils sont souvent contraints d’interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de la personne et leur rôle peut mettre en péril leur santé.

Mme Clara de Bort. L’organisation des soins en psychiatrie-santé mentale est relativement stable. On parle de centres médico-psychologiques (CMP) depuis très longtemps. Le terme n’a pas changé, mas il n’est pas défini et ne fait pas l’objet d’un cahier des charges, pas plus que le CATTP (centre d’accueil thérapeutique à temps partiel) ou l’hôpital de jour. Nous pouvons tout de même nous féliciter d’une certaine permanence de l’organisation. Il revient ensuite aux équipes de faire évoluer les projets de service et d’établissement, avec les limites que nous avons évoquées.

Nous voulons souligner le rôle de l’innovation, qu’il importe de soutenir et de préserver notamment par le biais du Fiop (fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie). Ce fonds permet de financer des nouvelles modalités de prise en charge très intéressantes, y compris pour les aidants dont vous avez souligné le rôle essentiel, mais aussi des modèles de soins dits collaboratifs, dans lesquels le médecin généraliste est placé au centre du dispositif et appuyé par des équipes spécialisées en santé mentale.

Les expérimentations permettent de démontrer que certaines solutions innovantes méritent d’être déployées sur l’ensemble du territoire et de devenir le droit commun.

Nous sommes convaincus de l’intérêt de ces prises en charge très innovantes, qui sont aussi plus attractives pour les professionnels que les modèles traditionnels. Nous avons bien conscience notamment des difficultés d’attractivité de l’hospitalisation publique en psychiatrie, en particulier pour les soins sans consentement, qui font peser sur les psychiatres en poste une charge parfois insupportable.

Il ne s’agit pas de démultiplier les dispositifs au risque de perdre en efficacité, mais de reconnaître l’intérêt de dispositifs novateurs. À ce titre, nous plaidons pour le développement des prises en charge zéro contention, zéro isolement, conformément aux recommandations internationales. Ce serait aussi un moyen de libérer des ressources qui sont extrêmement précieuses. Outre qu’elles ne sont plus tout à fait opérantes, les prises en charge traditionnelles sont bien trop consommatrices de ressources alors que nous en manquons.

M. Denis Robin. En ce qui concerne les personnes vivant avec un handicap, nous partageons votre constat.

La région Île-de-France est marquée par un sous-équipement historique. Pendant très longtemps, elle n’a pas investi dans la prise en charge du handicap, pas plus qu’elle ne l’a fait pour le grand âge. Elle avait un peu l’habitude d’exporter ces problèmes vers les autres régions, voire les autres pays. Elle fait partie des régions qui ont envoyé de nombreuses personnes en Belgique ; il reste aujourd’hui 3 200 personnes provenant de l’Île-de-France accueillies dans des établissements belges.

Néanmoins, le problème n’est pas tant quantitatif qu’organisationnel.

Utiliser le plan « 50 000 solutions » pour financer des places dans les dispositifs actuels, ce serait passer à côté de quelque chose. En matière de handicap, les structures sont hyperspécialisées – par âge, par trouble et par handicap – et il revient aux familles de trouver la place dont a besoin l’un des leurs pour lui offrir la meilleure prise en charge possible. Il n’est pas rare d’entendre des familles nous dire qu’elles ont passé trente coups de téléphone dans la région et en dehors, et qu’elles ont fini par prendre la place qu’elles ont trouvée, même si elles avaient le sentiment que ce n’était pas ce qu’il aurait fallu. Cest absolument dévastateur et c’est à cela que nous devons remédier.

Pour ce faire, en Île-de-France, nous voulons mener une expérimentation avec les conseils départementaux et les organismes gestionnaires. Nous avons bien avancé en Seine-et-Marne et nous voulons l’étendre à l’ensemble de la région. L’idée est de mettre fin à la spécialisation des établissements et de lui substituer une territorialisation des prises en charge, à l’instar de la sectorisation dans le domaine de la santé mentale. Autrement dit, les établissements devraient couvrir l’ensemble du spectre des handicaps à prendre en charge sur un même territoire. Une plateforme de régulation, qui serait l’interlocutrice des familles, aurait l’obligation de trouver une solution de prise en charge à toute personne du territoire dont elle a la charge. C’est la transposition au handicap de l’accueil inconditionnel que l’on connaît en matière médico-sociale et sanitaire. C’est très compliqué à mettre en œuvre en raison, notamment, de la résistance des établissements et de leurs personnels, qui sont habitués à prendre en charge un certain type de population. C’est difficile pour les directeurs et pour les financeurs de ces structures mais nous y croyons beaucoup. Nous investissons dans cette voie par le biais du plan « 50 000 solutions ».

Cette solution présente un double avantage : d’abord, elle décharge les familles de la recherche d’une solution ; elles ont le sentiment qu’enfin les pouvoirs publics s’emparent de leur problème et le traitent avec elles. Ensuite, elle permet d’apporter une réponse aux populations interstitielles – je n’aime guère ce mot, qui n’est pas très joli, mais il est parlant –, c’est-à-dire des personnes ayant un handicap trop grave pour entrer dans un autre établissement et pas assez dans d’autres.

Enfin, pour aider les familles, il faut en finir avec le monopole d’admission, en vertu duquel seul le directeur de l’établissement peut décider d’admettre une personne. L’ARS peut dire ou faire tout ce qu’elle veut, la décision appartient au seul directeur. Nous devons être en mesure, dans certains cas, d’imposer l’admission d’une personne si nous considérons que c’est la meilleure solution pour elle. Il s’agit tout de même d’un financement socialisé et d’une mission de service public.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. Je tiens à nuancer votre dernier propos car les directeurs d’établissement font souvent de très grands efforts pour prendre en charge des cas complexes malgré les difficultés. Il y a sans doute un point d’équilibre à trouver.

Vous avez souligné le caractère indispensable du travail collaboratif ; toutefois, le décalage entre le diagnostic des besoins et l’évolution de l’offre persiste. Si les conseils départementaux sont pour vous un partenaire naturel, avec des nuances selon les territoires, qu’en est-il de l’éducation nationale ? N’y a-t-il pas quelques frictions entre ces deux places fortes de l’État dans les territoires ? Comment qualifieriez-vous les relations entre les IME (instituts médico-éducatifs) et les établissements dits de milieu ordinaire ?

En deuxième lieu, je m’interroge sur les crédits non reconductibles (CNR). J’ai visité lundi un établissement médico-éducatif, spécialisé dans la prise en charge jusqu’à 26 ans des personnes porteuses de troubles du spectre autistique. Certains cas complexes nécessitent parfois cinq éducateurs spécialisés pour un enfant ou jeune adulte en crise. L’établissement compte entre douze et quinze éducateurs qui sont financés par des CNR et ne peuvent donc pas disposer d’emplois pérennes. Cette affectation budgétaire est reconduite depuis près de dix ans alors qu’elle est censée ne pas l’être. Le recours aux CNR est coûteux, il crée des frictions et il empêche de fidéliser les travailleurs. Le volume des CNR peut être assez important. Dans le cadre de la « CPOMisation », on pourrait envisager de transformer ces CNR pour donner davantage de visibilité aux établissements. Je sais que les CNR ne servent pas seulement à financer des emplois mais je voulais vous faire part de ce point de vigilance.

En dernier lieu, sur le volet santé mentale, comment évaluez-vous les dispositifs novateurs financés par le Fiop ? Par nécessité, la psychiatrie doit se réinventer. Face à la faiblesse de l’offre et aux difficultés d’accès à la psychiatrie libérale, ces dispositifs sont vertueux ; ils permettent de réinterroger les pratiques d’une discipline qui n’a pas toujours été à la pointe de l’innovation, même si cela a changé depuis plusieurs années. Comment les évalue-t-on avant de les faire essaimer ?

Mme Clara de Bort. Les relations avec l’éducation nationale sont bonnes mais elles sont marquées par la crise des ressources humaines, qui concerne aussi les professionnels de santé scolaire. Il est souvent difficile pour eux de mobiliser les moyens nécessaires à la réalisation des ambitions qui que nous partageons.

Il faut saluer une avancée majeure : les pôles d’appui à la scolarité, que le département d’Eure-et-Loir a expérimentés. Ils sont à l’origine d’une transformation complète du travail, en dépit de quelques frictions, qui sont autant de témoignages de la difficulté des équipes qui s’occupent des mêmes enfants à parler le même langage, difficulté dont souffrent les familles. Les pôles d’appui à la scolarité sont un bénéfice majeur à la fois pour les enfants et leur famille, pour les professionnels ainsi que pour tous les enfants qui ne sont pas encore reconnus par la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) – et qui n’ont pas forcément besoin de l’être encore. Ces derniers peuvent ainsi bénéficier tout de suite des dispositifs sans être trop vite catalogués. Notre travail avec les pôles d’appui à la scolarité est de très grande qualité et de très grande valeur dans les territoires.

M. Denis Robin. Je n’identifie pas de difficultés particulières dans les relations entre les CMP et la médecine scolaire, sous réserve que les moyens existent. En revanche, il conviendrait de s’interroger sur l’organisation de l’offre entre les CMP et les CMPP (centre médico-psycho-pédagogique), qui ont souvent été promus par l’éducation nationale à l’origine. L’Île-de-France compte 98 CMPP, ce qui constitue un maillage vraiment intéressant sur lequel s’appuyer, à condition de mieux organiser la relation.

Les CNR ne constituent pas une rubrique budgétaire. Nous recevons nos crédits de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) ou plutôt de l’OGD (objectif global de dépenses), et nous procédons à la tarification de nos établissements ; à la fin de l’année, parce qu’il y a des reprises, qui sont liées à des sous-tarifications ou à des erreurs de tarif, nous constatons une rubrique financière que l’on appelle les CNR et qui nous permet d’utiliser les crédits pour ne pas avoir à les rendre. Il s’agit d’une ressource résiduelle qui ne se programme pas à l’avance et que nous utilisons pour faire des choses utiles. Pour vous donner un ordre de grandeur, l’Ondam médico-social en Île-de-France est un peu supérieur à 2,5 milliards d’euros ; les CNR représentent moins de 50 millions en 2024 – cela montre heureusement la disproportion entre les deux enveloppes.

Vous avez raison d’appeler à la vigilance sur l’utilisation des CNR, qui n’ont pas vocation à financer des dispositifs pérennes. En Île-de-France, ils servent à financer des dépenses d’immobilier ou d’investissement, ou encore du petit équipement et des projets d’équipe qui visent à améliorer la qualité de vie au travail. Ils ne financent pas les dépenses de personnel, sauf à titre exceptionnel, par exemple pour recruter un renfort en période de canicule.

Mme Clara de Bort. En Centre-Val-de-Loire, ils servent aussi à financer des remplaçants pour les soignants en formation professionnelle dans une optique de qualification des équipes. Les CNR ont le grand avantage d’être acquis à la région ; pour d’autres politiques publiques, quand on obtient 100 euros pour un dispositif qui n’en coûte finalement que 80, par exemple s’il a démarré en mars, on rend les 20 euros restants à Paris.

M. Denis Robin. Nous souhaiterions évidemment disposer d’une visibilité pluriannuelle, mais l’Ondam est fixé annuellement et nous devons établir chaque année nos tarifications en conséquence. Nous serions les premiers à trouver du confort dans une loi de programmation de la sécurité sociale qui accroîtrait nos capacités de planification et d’investissement.

Le Fiop présente l’intérêt de financer l’innovation dans l’offre et dans l’accueil ; mais il a aussi l’inconvénient d’alimenter les dispositifs au gré des initiatives prises par les établissements et les équipes médicales, ce qui opacifie les parcours, car ce qui est financé à un endroit ne l’est pas toujours ailleurs. C’est un problème récurrent dans la santé : lorsqu’un dispositif a fait ses preuves, comment passer de l’expérimentation à la généralisation ?

Mme Clara de Bort. Si elle ne constitue pas à proprement parler un angle mort, la participation de la psychiatrie libérale à la politique publique de santé mentale n’est pas encore optimale. Or, de même que la médecine générale est désormais incitée à prendre en charge les patients en affection de longue durée (ALD) avec l’objectif politique que 100 % d’entre eux aient un médecin traitant, il conviendrait d’inciter la psychiatrie libérale à prendre en charge davantage de patients – notamment jeunes – en ALD, pour lesquels le secteur public est trop fortement mobilisé. Nous souhaitons également que la psychiatrie hospitalière privée participe à l’effort de prise en charge des patients en hospitalisation complète sans consentement, dont nous cherchons en parallèle à réduire le nombre total en promouvant l’hospitalisation à domicile et la prise en charge en ambulatoire.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. Les pôles d’appui à la scolarité ont montré qu’il n’était pas nécessaire d’expérimenter longtemps pour un essaimage rapide. Vous tenez à leur sujet un discours extrêmement positif ; nous verrons à l’usage. Nous auditionnerons aussi la DGESCO (direction générale de l’enseignement scolaire) plus tard dans la journée. Il semble qu’il y ait de vraies difficultés dans la mise en œuvre effective des dispositifs d’accompagnement, y compris ceux destinés à l’inclusion des enfants en situation de handicap.

La médecine scolaire est sans doute la plus à même de poser un diagnostic précoce, simple et fiable sur la santé mentale des plus jeunes, pour lesquels elle constitue une porte d’entrée stratégique ; cela devrait être pour elle un point de vigilance. Néanmoins elle n’est pas dans un état florissant en termes d’effectifs et de moyens. Partagez-vous l’idée qu’il faut renforcer la médecine scolaire pour réduire la complexité des parcours ?

Il me semble avoir relevé une contradiction dans vos propos sur la fluidification des parcours : d’une part, vous appelez à faire preuve de pédagogie sur les dispositifs ; de l’autre, vous dites qu’il faut réduire leur complexité. Je crois, pour ma part, qu’il faut rendre la complexité invisible pour les familles. Vous avez cité le cas d’une personne qui avait passé trente coups de téléphone : c’est peu, j’ai connu des cas où c’était dix fois plus ! Nous avons rencontré lundi quelqu’un qui avait fait le pied de grue devant chez Sophie Cluzel, qui était ministre à l’époque, et Alain Juppé, alors maire de Bordeaux, pour demander une place en institut médico-éducatif. Il y a un vrai problème dans la prise en charge.

C’est pourquoi la démocratie sanitaire me paraît essentielle. Les récits de tous ces parcours, avec leurs difficultés, constituent une expertise d’usage qui doit nourrir des politiques moins hospitalo-centrées et davantage tournées vers les personnes et leur projet de vie. Je sais que la situation est en train d’évoluer et qu’il y a désormais des patients experts dans les conseils d’administration. Souhaitez-vous pousser les curseurs plus loin ? Cela serait accueilli avec enthousiasme par le public concerné.

Mme Clara de Bort. Nous souhaitons ardemment le déploiement d’infirmiers en pratique avancée dans la santé scolaire et la création d’une mention santé de l’enfant qui permettrait de soutenir plus fortement les PMI et la santé scolaire. L’éducation nationale et les conseils départementaux sont prêts. C’est un axe de travail majeur en matière de ressources humaines dans le domaine de la santé.

Un autre axe de travail serait la création d’un diplôme d’État de psychologue en santé. Il existe de nombreux masters en psychologie – qui n’est pas une profession de santé –, mais nous manquons de psychologues cliniciens et de neuropsychologues pour suivre les troubles du développement et les maladies neurodégénératives. Ce problème de qualification s’ajoute à celui de l’inégale répartition des psychologues sur le territoire. Le diplôme d’État serait doté d’un référentiel de compétences, car certains masters de psychologie forment encore les jeunes et les moins jeunes à des techniques qui ne sont plus validées scientifiquement par la Haute Autorité de santé, notamment en matière d’autisme ; ses titulaires auraient leur place à l’hôpital ou en ville, où ils effectueraient des soins remboursables. Cela permettrait d’aller plus loin que Mon soutien psy, que nous encourageons beaucoup mais qui est encore trop peu déployé dans les territoires.

Votre questionnaire nous interrogeait sur d’autres professions ; il y a un sujet sur les orthophonistes et l’ensemble des professionnels de rééducation.

M. Denis Robin. Notre projet est effectivement de faire en sorte que la complexité soit gérée par les acteurs du système, et non par les familles. Nous en sommes encore loin. Toutefois, la démocratie sanitaire – groupes de personnes concernées, patients experts –, nous a permis de progresser fortement car elle a fait bouger les lignes en libérant la parole. On ne peut pas rester indifférent à la situation personnelle des personnes qui témoignent.

La démocratie sanitaire fait également ressortir la question douloureuse des inégalités territoriales en santé. Les directeurs généraux d’ARS doivent inventer des réponses pour gérer la pénurie d’effectifs, mais aussi la mauvaise répartition des effectifs entre les territoires. En Île-de-France, il est évident que les habitants de Paris et des Hauts-de-Seine ne sont pas dans la même situation que ceux du sud de l’Essonne ou de la Seine-et-Marne. Je suis intimement persuadé qu’il sera difficile de casser le système actuel tant que nous continuerons à financer des établissements hyperspécialisés, car la spécialisation va de pair avec le regroupement ; avec un système polyvalent, organisé sur une base territoriale, nous aurions plus de leviers pour mieux répartir l’offre sur l’ensemble de la région.

M. David Magnier (RN). Les auditions précédentes ont montré que seuls 20 % des enfants à l’école primaire et moins de 20 % des collégiens effectuaient une visite médicale, ce qui rend d’autant plus difficile la détection de problèmes à cet âge. Il y a un travail à faire avec l’éducation nationale.

Les associations dans le champ du handicap, notamment celles qui gèrent les maisons d’accueil pour les enfants atteints de troubles autistiques, sont très nombreuses ; certaines sont solides, voire très solides, comme l’Unapei (Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés) ; d’autres le sont moins. L’ARS que j’avais interrogée à leur sujet avait reconnu un manque de contrôle. On sait que davantage de contrôles sont réalisés dans les Ehpad depuis le scandale qui a touché le secteur, mais personne ne se déplace dans les maisons d’accueil pour voir ce qu’elles font réellement, alors qu’elles touchent des fonds publics et que leur liste d’attente peut atteindre trois à cinq ans. Ces structures sont-elles pleinement utilisées ? Toutes les places sont-elles occupées ? Où va l’argent ? Voilà des questions auxquelles il faut répondre.

Les formateurs ne sont pas toujours bien formés dans certains secteurs : du fait de ces lacunes, de nombreuses personnes ne vont pas jusqu’au bout de leur formation ou, une fois arrivés dans le métier, constatent qu’elles ne sont pas suffisamment formées et repartent dans une autre branche.

Enfin, je souhaite évoquer le cas des longs séjours en centre hospitalier psychiatrique. Les établissements sont pénalisés quand le nombre de longs séjours y dépasse le quota fixé par l’ARS, laquelle peut leur retirer les fonds correspondants l’année suivante. Or certaines personnes y sont placées pour des raisons indépendantes de la volonté des établissements, par exemple sur décision judiciaire. Que préconisez-vous ? Une hospitalisation en centre psychiatrique coûte 640 euros par jour, et le fait de ne pas verser les fonds correspondants aux établissements qui les ont déjà dépensés nuit à leur bon fonctionnement.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Vous avez évoqué des inégalités de traitement en fonction des territoires. Les remontées au niveau départemental ont-elles permis d’établir une corrélation entre précarité et santé mentale ?

De nombreuses obligations légales pèsent sur l’hospitalisation psychiatrique, comme sur d’autres procédures médico-légales lourdes – contention, mise à l’isolement –, qui ne dépendent pas de l’ARS. Je souhaite néanmoins connaître vos préconisations en la matière. D’après l’entretien que j’ai eu hier avec des personnels en hôpital psychiatrique, c’est une charge administrative telle qu’elle pousse les médecins et les infirmiers en psychiatrie à renoncer à soigner les personnes en intra-hospitalier.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je souhaite faire quelques rappels en réponse aux propos que vous avez tenus sur les psychologues. La psychologie appartient aux sciences humaines. C’est une discipline qui travaille de façon globale sur les interactions entre les personnes. Outre leur formation à l’université, les psychologues se forment tout au long de leur cursus aux techniques dont ils pourraient avoir besoin pour intervenir sur des problématiques liées, par exemple, à la santé mentale et au handicap – ces derniers temps, il s’agit des thérapies cognitives, de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, ou désensibilisation et reprogrammation par les mouvements oculaires), de l’hypnose, etc.

Vous n’êtes pas sans savoir que l’idée de créer des psychologues en santé n’est pas bien reçue par la profession, précisément à cause de l’appartenance de cette discipline aux sciences humaines. Il faut absolument conserver un statut unique pour les psychologues. C’est ce qui leur permet de poser un regard à 360° sur les relations humaines et sur les particularités du psychisme. Cela peut nécessiter de faire appel aux thérapies cognitives, mais aussi à toutes les disciplines qui connaissent le fonctionnement intrapsychique. On a tendance à les oublier ces derniers temps alors qu’elles permettent d’appréhender des phénomènes sociétaux, comme la violence, lesquels ne pourront être réglés que par une approche intégrative. Les psychologues y travaillent avec tous les outils dont ils peuvent disposer.

M. Denis Robin. Le lien entre précarité et santé mentale n’est plus mis en doute par personne ; n’étant pas médecin, je ne saurais dire si la précarité peut être un facteur causal dans l’apparition des maladies mentales, mais il est évident qu’elle amplifie de manière très importante les problèmes des personnes atteintes de troubles mentaux. Certains territoires cumulent la précarité avec d’autres difficultés.

Je comprends les plaintes des professionnels que vous avez rencontrés concernant la place prise par l’administratif. Nous sommes favorables à tout ce qui pourra être fait pour simplifier les normes dans le milieu hospitalier, et plus particulièrement en psychiatrie, à ceci près que, dans le champ de la santé mentale et du handicap, il faut en permanence concilier le soin et le respect des droits des personnes. Il faut être extrêmement vigilant sur la traçabilité des décisions prises, des traitements et des conditions dans lesquelles ils ont été administrés à chacun.

Les longs séjours appartiennent de plus en plus au passé. C’est une prise en charge passive qui immobilise des lits et des professionnels pour des cas que l’on pourrait sans doute traiter d’une autre façon. Grâce à une disposition prise par le ministère de la santé qui nous permet de transformer les crédits d’un long séjour hospitalier en crédits médico-sociaux, nous avons l’agilité nécessaire pour développer des réponses mieux adaptées aux personnes. Cela n’empêche pas que nous connaissions tous des bed blockers, ces personnes qui occupent un lit en psychiatrie depuis plusieurs années et pour lesquelles nous peinons à trouver une autre solution.

Mme Clara de Bort. Il y a encore un travail de déstigmatisation à opérer lorsque nous souhaitons faire sortir de l’hôpital psychiatrique des patients qui y vivent depuis des années. Il n’est pas simple de trouver dans les territoires des acteurs favorables à l’installation d’un Ehpad destiné aux personnes handicapées vieillissantes sortant de psychiatrie, comme pour celles sortant de détention. Nous avons avancé, mais il reste du chemin à faire.

Concernant les plus jeunes, nous menons avec l’éducation nationale des travaux sur le développement des compétences psychosociales pour prévenir les passages à l’acte – addictions, conduite suicidaire, etc. Nous nous félicitons de l’engagement de nos collègues de l’éducation nationale et des acteurs disposant du savoir-faire pour déployer des programmes ambitieux au regard des moyens disponibles.

Nous n’avons jamais cessé de mener des inspections de contrôle, y compris dans le secteur du handicap, mais il est vrai que l’affaire Orpea nous a conduits à mobiliser beaucoup de ressources dans le secteur des personnes âgées. Cela nous a fait progresser, car les ARS avaient perdu une part d’expertise en matière d’inspections de contrôle ; nous l’avons récupérée et nous nous en servons désormais dans le secteur du handicap, avec l’objectif de rendre publics les rapports de ces inspections sur internet.

Concernant les maisons d’accueil associatives, l’important n’est pas tant de savoir si toutes les places y sont occupées que de déterminer quel type de patient bénéficie de cette prise en charge passive – je reprends l’expression à mon compte, car elle décrit une forme d’accueil sans véritable accompagnement vers un projet de sortie, par exemple une formation ou un travail pour les plus jeunes. Les personnes qui y sont depuis longtemps pourraient-elles être ailleurs ? Si oui, cela permettrait de concentrer les moyens sur les entrées – et les réentrées – dans les parcours, plutôt que sur des populations stables. Ainsi, dans certains IME, nous sommes surpris de voir des jeunes de 18 ou 20 ans pour lesquels certains actes de la vie quotidienne ne sont pas encore acquis. On se demande si tout a été fait pour préparer ces enfants à l’âge adulte.

Nous avons devant nous un vaste de chantier de réingénierie des formations sociales qu’il serait trop long de détailler ici. Le métier d’éducateur spécialisé devra lui aussi être refondu. L’idée est de mettre fin à la séparation entre les professions du sanitaire et du médico-social – et au sein de ces deux domaines, qui fonctionnent encore en tuyaux d’orgue – afin de rendre possibles des parcours professionnels entre l’un et l’autre.

Pour ce qui est des soins sans consentement, il faut absolument que les droits des patients soient respectés. Je partage l’ambition de réduire le nombre d’hospitalisations sans consentement. Néanmoins, quatorze ans après la loi de 2011, dans laquelle le Parlement a renforcé les objectifs en la matière, nous n’avons pas observé la réduction attendue. Ce n’est pas par des contraintes chiffrées que nous réduirons le nombre d’hospitalisations sous contrainte, mais par les politiques zéro contention et zéro isolement, qui nécessitent un important programme de formation de l’ensemble des professionnels.

En ce qui concerne les psychologues, outre le contenu de la formation et la collaboration entre les métiers, il y a surtout un enjeu de répartition des professionnels. La France compte en moyenne 107 psychologues pour 100 000 habitants ; il y en a 125 en Indre-et-Loire, contre 65 dans l’Indre, où nous n’avons par ailleurs qu’une seule pédopsychiatre qui partira bientôt à la retraite. Je n’ai pas la main sur l’augmentation du nombre de psychologues formés en Centre-Val-de-Loire, pas plus que le doyen, car ce n’est pas une profession de santé. Dans aucun endroit, nous ne sommes amenés à parler du nombre de psychologues dont nous aurions besoin – pas seulement de psychologues cliniciens, mais aussi de neuropsychologues et de psychologues du travail, lesquels sont absolument nécessaires pour accompagner les équipes confrontées à des travaux de transformation de l’offre exigeants, qui remettent en question leurs compétences professionnelles et qui sont parfois difficiles à vivre au quotidien. C’est un problème. Je regrette de ne pas avoir la possibilité de discuter avec quiconque des besoins en psychologues du système de santé.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Nous n’avons pas l’habitude de réévaluer les parcours des patients dans les champs de la santé mentale et du handicap pour savoir si ce qui a été mis en place leur convient ou s’il faut les changer de structure. Autrefois, le placement en établissement résolvait ce problème jusqu’à la fin de leur vie. Maintenant que la durée de vie s’est allongée, les choses sont plus compliquées.

M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur. J’aimerais recentrer le propos sur la question des coûts évités. Quand on interroge la médecine scolaire sur la prévention précoce, elle exprime la conviction que celle-ci permet d’éviter des dépenses supplémentaires. Il faut évidemment plus de moyens et plus de professionnels mais, en interrogeant les pratiques et en évaluant plus finement certains projets, on peut transformer l’offre pour mieux répondre au projet de vie des personnes tout en optimisant l’allocation des ressources budgétaires. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir aborder ce point dans vos réponses au questionnaire.

Mme la présidente Nicole Dubré-Chirat. Toute information supplémentaire que vous jugeriez utile pourra nous être adressée par mail. Je vous remercie de votre venue et de vos réponses.

 

 

La séance s’achève à quinze heures cinq.


Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Chantal Jourdan, Mme Élise Leboucher, M. David Magnier, Mme Lisette Pollet, Mme Natalia Pouzyreff, M. Sébastien Saint-Pasteur

Excusé. – Mme Anne-Cécile Violland